forin cip - Roberto Cociancich

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forin cip - Roberto Cociancich
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
RAPPORTS
NATIONAUX
19 et 20 juin 2015, Université de Rouen
— SOMMAIRE —
Questionnaire.................................................................................................................................................p. 5
Comité scientifique du ForInCIP ........................................................................................................... p. 11
Liste des rapporteurs et des experts ....................................................................................................... p. 12
Allemagne ................................................................................................................................................... p. 13
Belgique ...................................................................................................................................................... p. 28
Espagne ...................................................................................................................................................... p. 55
France ......................................................................................................................................................... p. 81
Grèce ......................................................................................................................................................... p. 106
Italie ........................................................................................................................................................... p. 114
Luxembourg ............................................................................................................................................. p. 136
Royaume-Uni ........................................................................................................................................... p. 170
Union européenne .................................................................................................................................. p. 183
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Questionnaire
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
19 et 20 juin 2015
— Q U E S T IO N N A IR E —
Ce questionnaire a pour objectif de guider l’élaboration des rapports nationaux et d’en faciliter la
lecture et l’analyse à partir d’un modèle commun. Il est donc recommandé d’en respecter la
structure générale. Toutefois, il se peut que, dans certains cas, des questions n’aient pas lieu de se
poser, que d’autres soient redondantes d’une partie à l’autre (ce qui est d’ailleurs délibéré). Il est
donc naturellement possible de le traiter avec toute la souplesse nécessaire à la rédaction d’un
rapport tout à la fois clair, complet, précis et concis.
I. LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
A. Comment reconnaît-on l’opposition ?
1) Les modalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l’institutionnalisation de l’opposition ?
→ L’opposition est-elle institutionnalisée ? Dispose-t-elle d’un statut qui survit à l’inversion des
rôles ? Les alternances politiques conduisent-elles les formations politiques à investir tour à tour
les habits de la majorité puis de l’opposition dans des conditions stables et pérennes ?
→ Parle-t-on habituellement d’une opposition ? Des oppositions ? Du chef de l’opposition ?
Des partis ou des forces d’opposition ?
→ Existe-t-il plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition (niveau fédéral,
fédéré ou régional, institutions nationales et locales) ?
b) Sous quelles formes s’opère la reconnaissance de l’opposition ?
→ L’opposition fait-elle l’objet de références textuelles ? Est-elle formellement visée, définie,
garantie, encadrée par un texte ?
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Questionnaire
→ Sa reconnaissance a-t-elle été opérée par voie constitutionnelle, législative (organique,
ordinaire), jurisprudentielle ou coutumière ? Existe-t-il des « conventions de la Constitution »,
usages ou habitudes (parlementaires) qui contribuent à sa reconnaissance ?
→ L’opposition parlementaire est-elle reconnue dans sa diversité ? La reconnaissance inclut-elle
les « groupes minoritaires » ?
2) Les finalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Quel statut pour l’opposition ?
→ Sa reconnaissance se limite-t-elle à son existence ? Inclut-elle une définition de son rôle, une
garantie de ses fonctions, une délimitation de ses prérogatives ?
→ Lui est-il conféré un rôle précis dans le fonctionnement des institutions ? Ce rôle est-il garanti
par des mécanismes, des procédures, un juge ?
b) Quelle valorisation du rôle de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition est-elle conçue pour favoriser sa valorisation ? Existe-t-il
des dispositions ou des principes normatifs qui favoriseraient voire exigeraient l’intégration et la
consultation de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition vise-t-elle, au contraire, ou également, à faciliter son
encadrement ? À éviter les débordements, les phénomènes d’obstruction, les risques de
déstabilisation ?
→ Existe-t-il des règles qui interdiraient à l’opposition de se manifester dans une instance ou
dans une situation politiques ?
B. Comment identifie-t-on l’opposition ?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions ?
a) Au sein des institutions politiques
→ Où identifie-t-on l’opposition ? À la chambre basse ? À la chambre haute (s’il en existe une) ?
En dehors des assemblées nationales (collectivités territoriales par exemple) ? Dans les
parlements locaux ou régionaux ? En dehors des instances délibérantes ?
→ Quels liens fait-on entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires ? Y a-t-il
correspondance, prolongement naturel ou au contraire dissociation ?
→ Existe-t-il différents types d’opposition ? Dans les États fédéraux ou régionaux, l’opposition
peut-elle être identifiée à un double niveau ? Est-ce alors la même opposition (même partis
politiques, par exemple) ou bien y a-t-il des oppositions spécifiquement locales ?
b) Au sein du parlement
→ L’opposition est-elle identifiée par son hostilité au gouvernement ? À l’exécutif ? Par son
statut non majoritaire au sein de l’assemblée ? Au sein des assemblées ? Parle-t-on d’« opposition
gouvernementale » ? D’« opposition parlementaire » ?
→ En cas de parlement bicaméral, comment identifie-on les oppositions (éventuellement non
concordantes politiquement) des différentes chambres ? Laquelle fait-on prévaloir ?
→ Distingue-t-on, parmi les forces politiques hostiles au gouvernement ou à la majorité de
l’assemblée (« l’opposition »), les différents courants d’opposition ? Identifie-on spécifiquement
les groupes n’appartenant ni à l’opposition ni à la majorité (groupes minoritaires, non
inscrits…) ?
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Questionnaire
2) Comment enregistre-t-on l’appartenance à l’opposition ?
a) Comment appartenir à l’opposition ?
→ L’appartenance à l’opposition s’identifie-t-elle individuellement (décision individuelle du
parlementaire, de l’élu, du personnage public) ou collectivement (décision du groupe
parlementaire, du parti ou du courant politique) ?
→ L’opposition s’identifie-elle sur la base d’un régime déclaratif ? D’un calcul arithmétique ?
D’un constat empirique, d’un comportement politique, ponctuel ou répété (refus de voter la
confiance, d’approuver le budget du gouvernement, d’adopter la loi adoptée par la majorité de
l’assemblée…) ?
→ Comment est-on admis en tant que composante de l’opposition ? Existe-il un registre, une
liste, un document constatant l’appartenance d’un groupe ou d’un individu à l’opposition ?
Comment est-on admis à faire partie de l’opposition (et le cas échéant à bénéficier du statut
correspondant) ?
b) Comment sortir de l’opposition ?
→ Comment renoncer à l’appartenance à l’opposition ? Peut-on quitter librement, se
désenregistrer, modifier sa déclaration à tout moment, en cours de mandat ou de législature ?
Cela peut-il résulter d’une simple modification du comportement, l’hostilité cédant la place à une
démarche de soutien (vote des textes, du budget, prise de parole) ?
→ Y a-t-il des conditions ou formalités applicables concernant l’entrée et la sortie du statut de
membre de l’opposition ? Un contrôle ou une possibilité de contestation de l’appartenance à
l’opposition (par exemple subordonnée au respect des principes démocratiques) ? Un délai
incompressible d’appartenance à l’opposition (par exemple le temps d’une législature) ?
II.
LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l’opposition politique
1) La nature de la garantie
a) Quel type de garantie ?
→ Encadrer juridiquement l’opposition est-ce la brider ou la protéger ? N’est-il pas
contradictoire d’offrir un cadre juridique à l’opposition, dès lors que l’élaboration de ce cadre,
expression du pouvoir, est le fait de la majorité ? Limiter le cadre d’action de l’opposition est-ce
l’enfermer et la nier ou, au contraire, préserver le principe majoritaire, qui fonde la démocratie,
en assurant les détenteurs du pouvoir, régulièrement désignés, d’une prééminence ?
→ Existe-t-il des coutumes, type « gentlemen’s aggreement », ou des « conventions de la
Constitution » venant garantir les droits de l’opposition ? Où ont-ils été négociés ? Ont-ils été
codifiés ? Quelle est la norme de référence optimale, entre la rigidité de la norme
constitutionnelle et la souplesse du gentlemen’s aggreement et de la convention ?
→ Existe-t-il une jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition ? La jurisprudence
constitutionnelle favorise-t-elle les droits de l’opposition ou en constitue-t-elle aussi un frein ?
b) Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
→ Quels types de normes garantissent les droits de l’opposition ? La Constitution, la loi
(organique ou ordinaire), les règlements internes des institutions, les actes réglementaires ?
Quelle est la place des coutumes ou du droit souple ?
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Questionnaire
→ Y a-t-il eu des évolutions du niveau de garantie ces dernières années ? Pour quelles raisons
(dans l’affirmative ou la négative) ? Le niveau de garantie était-il suffisant/satisfaisant ou, au
contraire, insuffisant, insatisfaisant et contesté ? Quelles sont les conséquences actuelles de cette
évolution ou de cette stagnation ?
→ Le niveau normatif de garantie des droits change-t-il en fonction des droits concernés ?
Quelle typologie est-il possible d’établir à partir de cette différence de niveaux de garantie ?
2) L’étendue de la garantie
a) Quels droits au sein des institutions ?
→ Quelles institutions politiques garantissent des droits de l’opposition ? Le parlement, les
assemblées locales, d’autres ? Y a-t-il des droits garantis spécifiquement dans certaines
institutions et non dans d’autres ?
→ Quels types de droits sont garantis à l’opposition au sein des institutions ? Droits
honorifiques (présidences de commissions, intérêt simplement honorifique ou autre ?),
d’interrogation (nature), d’enquête (étendue), de contestation, de blocage, de renversement, de
procédure parlementaire, de nomination ?
→ Comment l’opposition est-elle associée à la confection législative ?
b) Quels droits au-delà des institutions ?
→ Le financement des partis politiques d’opposition favorise-t-il et renforce-t-il l’expression de
l’opposition ? Quelles sont les ressources financières de l’opposition ?
→ De quels droits et/ou libertés l’opposition politique bénéficie-t-elle en-dehors des
institutions ? Le droit d’asile, le droit de grève, la liberté de la presse sont-ils ou peuvent-ils être
considérés comme des droits de l’opposition ?
→ Quelle est l’étendue de ces différents droits et/ou libertés ? Le droit d’asile est-il largement
reconnu ? Les droits de grève et de manifester sont-ils fortement limités (interdiction de faire
grève, autorisation de manifester) ? La liberté de la presse est-elle malmenée ?
B. L’usage de ses droits par l’opposition politique
1) Au sein des institutions politiques
a) Quelle légitimité ?
→ Comment concilier le principe majoritaire et le fait d’accorder des droits à l’opposition
politique ? Dans quelle mesure les élus de l’opposition participent-ils à l’exercice de la
souveraineté nationale ? La théorie de la représentation politique ne doit-elle pas intégrer la
qualité du représentant de l’opposition ? La création de binômes majorité/opposition est-elle
possible, dans quelles situations ?
b) Quelle fréquence ?
→ L’opposition est-elle systématique, voire permanente ? Pourquoi (y a-t-il des raisons
objectives ou seulement subjectives) ? Est-il possible d’établir des statistiques de l’usage de ses
droits par l’opposition ?
→ Y a-t-il, au contraire, un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition ? Est-il fréquent,
récurrent ? En fonction de quoi, de quels sujets peut-il avoir ou a-t-il lieu ? Y a-t-il des sujets plus
consensuels que d’autres ? Pour quelles raisons ?
→ Peut-on distinguer parmi les droits de l’opposition, ceux qui ne seraient jamais utilisés (et,
dans ce cas, pourquoi ?) de ceux qui sont rituellement utilisés (dans une logique de posture) et
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Questionnaire
d’autres encore qui le sont dans des circonstances plus conflictuelles ? L’utilisation de ces
prérogatives est-elle le révélateur d’une tension institutionnelle ?
c) Quelles conséquences ?
→ Quels sont les objectifs et les conséquences de l’opposition ? Sont-ils purement politiques ou
également juridiques ? Parle-t-on d’obstruction ? Comment l’opposition est-elle traitée et
protégée par le juge (constitutionnel, le cas échéant) ?
→ Comment l’opposition est-elle contrôlée par la majorité ? Existe-t-il des mécanismes
permettant de l’écarter totalement (radicalement) ?
2) En-dehors des institutions politiques
a) Les usages dans le droit
→ Comment l’opposition politique est-elle encadrée ? La contestation en dehors des institutions
politiques est-elle aisée et/ou fréquente ?
→ Le vote peut-il constituer une forme d’opposition politique ? Le vote est-il obligatoire ?
Quelle est la prise en compte du vote blanc ?
b) Les usages au-delà du droit
→ Quelles sanctions pour une opposition politique violant le droit ? Sont-elles civiles,
administratives, pénales ? Quelle en est l’importance ?
→ Existe-t-il un droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civique ? A-t-il déjà été
invoqué ? Son invocation a-t-elle déjà été admise et reconnue par les institutions (le juge ou
autre) ?
III.LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A. Les mutations structurelles
→ Opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire : le système politique (magnitude,
formule électorale, seuil…) est-il inclusif ou contribue-t-il au contraire à sous-représenter les
petits partis au parlement, voire à les priver de représentation ?
→ Existe-t-il des biais (distribution territoriale des voix, malapportionment, gerrymandering…) qui
contribuent à sous-représenter certaines forces au parlement, voire qui les condamnent à être
minoritaires ?
→ Le système partisan est-il stable ou le système politique favorise-t-il au contraire l’apparition
de nouveaux partis, issus de nouveaux clivages (centre-périphérie, Europe…) ?
→ La « présidentialisation de la politique » conduit-elle les partis d’opposition à se
présidentialiser autant que le(s) parti(s) majoritaire(s) ? Si oui, de quelle manière ?
B. Les mutations fonctionnelles
1) Les mutations des lieux
→ Le parlement reste-t-il la principale (ou la seule) tribune de l’opposition ? Être représenté au
parlement, est-ce la seule façon de s’opposer ?
→ Quel est le traitement médiatique des partis politiques et les partis d’opposition bénéficient-ils
d’un traitement médiatique équitable ?
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Questionnaire
→ L’opposition participe-t-elle au gouvernement ? Selon quelles modalités, à quelles conditions,
pour quels objectifs ?
2) Les mutations des moyens
→ Les partis d’opposition ont-ils vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition
gouvernementale ? Existe-t-il des partis « anti-système » ?
→ L’obstruction est-elle un détournement ou une radicalisation de la fonction d’opposition,
voire sa seule façon d’être efficace et d’exister ?
→ La contestation du pouvoir majoritaire est-elle une fonction dépassée ou, au contraire,
renouvelée ? Le contrôle parlementaire est-il devenu la fonction naturelle de
l’opposition (répartition des présidences des commissions, déclenchement et conduite des
enquêtes parlementaires, contrôle financier) ?
→ Quel est l’intérêt, pour l’opposition parlementaire, de s’opposer à la loi ? Y a-t-il une
opposition « constructive », produisant des effets législatifs (adoption d’amendements, voire de
lois émanant de l’opposition) ?
3) Les mutations des instants
→ Les coalitions se constituent-elles avant ou après les élections ? Les partis qui n’intègrent pas
la coalition gouvernementale ont-ils vocation à rester dans l’opposition pendant toute la
législature ? Une nouvelle majorité peut-elle se constituer dans le cadre parlementaire (confiance,
censure) ou seulement au lendemain de nouvelles élections ?
→ L’opposition soutient-elle ponctuellement le pouvoir majoritaire ? À quelles conditions et
pour quels objectifs ?
C. Les mutations stratégiques
→ L’implantation locale est-elle une stratégie payante à long terme ?
→ La recherche de la proximité avec les citoyens est-elle une stratégie passagère (réseaux
sociaux, appel aux dons privés, participation aux manifestations publiques…) ?
→ Le juge constitutionnel ou ordinaire est-il le meilleur recours de l’opposition, voire le seul ?
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— COMITÉ SCIENTIFIQUE —
Julie BENETTI, Professeur à l’Université de Reims
Philippe BLACHÈR, Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon III
Jean-Philippe BRAS, Professeur à l’Université de Rouen
Jean-Philippe DEROSIER, Professeur à l’Université de Rouen
Bernard DOLEZ, Professeur à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne
Jean-Éric GICQUEL, Professeur à l’Université de Rennes
Arnaud HAQUET, Professeur à l’Université de Rouen
Pascal JAN, Professeur à l’IEP de Bordeaux
Otto PFERSMANN, Professeur, Directeur de recherche à l’EHESS
Céline ROYNIER, Professeur à l’Université de Rouen
Julien THOMAS, Maître de conférences à l’Université de Rouen
Pauline TÜRK, Maître de conférences à l’Université Lille II – Droit & Santé
Ariane VIDAL-NAQUET, Professeur à l’Université Aix-Marseille
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— RAPPORTEURS ET EXPERTS NATIONAUX —
Allemagne
Ute MAGER, Professeur à l’Université de Heidelberg, rapporteur
Belgique
Marc VERDUSSEN et Céline ROMAINVILLE, Professeurs à l’Université catholique de Louvain,
rapporteurs
Francis DELPÉRÉE, Député du Royaume de Belgique, Professeur émérite de l’Université catholique
de Louvain (Belgique)
Albérik GORIS, Directeur du service juridique de la Chambre des représentants (Belgique)
Espagne
Juan Jose RUIZ RUIZ, Professeur à l’Université de Jaen, rapporteur
France
Jean-Philippe DEROSIER, Professeur à l’Université de Rouen et Ariane VIDAL-NAQUET, Professeur
à l’Université Aix-Marseille, rapporteurs
Jean-Jacques URVOAS, Député du Finistère, Président de la Commission des Lois (Assemblée
nationale)
Nicole MAESTRACCI, Membre du Conseil constitutionnel
Jean-Louis HÉRIN, Secrétaire général du Sénat (France)
Christophe PALLEZ, Secrétaire général de la Questure (Assemblée nationale, France)
Georges BERGOUGNOUS, Directeur des services (Assemblée nationale, France, Professeur associé à
l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne)
Grèce
Giulia ARAVANTINOU, Maître de conférences à l’Université de La Sapienza, Rome, rapporteur
Italie
Stefano CECCANTI, Professeur à l’Université de La Sapienza, Rome, rapporteur
Roberto COCIANCICH, Sénateur de la République (Italie)
Giovanni RIZZONI, Conseiller à la chambre des députés (Italie)
Luxembourg
Luc HEUSCHLING et Philippe POIRIER, Professeurs à l’Université du Luxembourg, rapporteurs
Royaume-Uni
David MARRANI, Professeur à l’Université de Jersey, rapporteur
Union européenne
Laetitia GUILLOUD, Professeur à l’Université de Grenoble, rapporteur
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Allemagne
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT ALLEMAGNE —
Établi par Ute MAGER1
Traitant le sujet de l’opposition dans le cadre politique et normatif de l’Allemagne il faut distinguer
nettement entre la réalité politique et le droit. Concernant le droit il faut différencier les normes de
l’État fédéral d’une part et celles des Länder d’autre part, bien qu’il n’y ai pas de grandes différences
dans les structures fondamentales En plus, il faut se rendre compte que le concept de l’opposition
peut être compris dans un sens institutionnel ou dans un sens fonctionnel. La compréhension
institutionnelle est plutôt liée au cadre parlementaire, tandis que la compréhension fonctionnelle peut
aussi bien expliquer le rôle de l’opposition extra-parlementaire. L’analyse va montrer que seule la
compréhension fonctionnelle est compatible avec le droit constitutionnel en Allemagne qui encadre
le procès politique.
I. LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
A. Comment reconnaît-on l’opposition ?
1) Les modalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l’institutionnalisation de l’opposition ?
→ L’opposition est-elle institutionnalisée ? Dispose-t-elle d’un statut qui survit à l’inversion des rôles ? Les
alternances politiques conduisent-elles les formations politiques à investir tour à tour les habits de la majorité puis
de l’opposition dans des conditions stables et pérennes ?
→ Parle-t-on habituellement d’une opposition ?Des oppositions ? Du chef de l’opposition ? Des partis ou des
forces d’opposition ?
→ Existe-t-il plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition (niveau fédéral, fédéré ou régional,
institutions nationales et locales) ?
b) Sous quelles formes s’opère la reconnaissance de l’opposition ?
→ L’opposition fait-elle l’objet de références textuelles ? Est-elle formellement visée, définie, garantie, encadrée par
un texte ?
→ Sa reconnaissance a-t-elle été opérée par voie constitutionnelle, législative (organique, ordinaire), jurisprudentielle
ou coutumière ? Existe-t-il des « conventions de la Constitution », usages ou habitudes (parlementaires) qui
contribuent à sa reconnaissance ?
→ L’opposition parlementaire est-elle reconnue dans sa diversité ? La reconnaissance inclut-elle les « groupes
minoritaires » ?
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Professeur à l’Université de Heidelberg.
— 13 —
Allemagne
Dans la vie politique on parle habituellement de l’opposition et on lui reconnaît un rôle important et
même indispensable pour le fonctionnement de la démocratie. Cette reconnaissance ne concerne pas
l’opposition comme institution mais surtout les fonctions oppositionnelles. En général, on ne parle
pas des oppositions (au pluriel) ni d’un chef de l’opposition. On parle des chefs de parti ou des chefs
de fraction parlementaire qui se trouvent à l’opposition.
Il n’y a aucune règle dans la Loi Fondamentale (Grundgesetz = GG) qui utilise la notion de
l’opposition, mais il y a des droits divers pour les minorités parlementaires. Toutefois depuis 1994 il y
a une stipulation dans la loi des membres parlementaires (Abgeordnetengesetz) dans laquelle se
trouve expressément la notion de „l’opposition“. § 50 Abgeordnetengesetz stipule que les fractions
parlementaires ont le droit de réclamer des prestations en espèces du budget de l’Etat. Ces
prestations sont composées d’une somme de base pour chaque fraction et ses membres et d’un
supplément pour chaque fraction qui ne soutient pas le Gouvernement fédéral (supplément de
l’opposition / Oppositionszuschlag). Cette stipulation donne implicitement une définition de
“l’opposition” dans le cadre parlementaire: Les fractions qui ne soutiennent pas le Gouvernement
forment ou bien appartiennent à l’opposition. La question qui se pose est sous quelles conditions une
fraction ne soutient pas le Gouvernement. La réponse n’est pas définie par la loi mais discutée par la
jurisprudence. Une définition proposée est : dans l’opposition parlementaire se trouve chaque
fraction, groupe ou élu qui ne participe pas au travail avec des personnes au Gouvernement et qui
critique, contrôle et propose des alternatives au travail gouvernemental avec une intensité
perceptible. Une fraction, un groupe ou un élu n’appartient plus à l’opposition quand il réduit ses
fonctions en accord avec le côté gouvernemental, sensiblement et durablement2. Il faut souligner que
l’Art. 38 I 2 GG garantie la liberté de conscience des élus. Cela veut dire que d’une perspective
purement légale l’appartenance à l’opposition dépend tout à fait de la libre décision de chaque élu.
Au niveau des Länder on trouve des dispositions concernant l’opposition dans les constitutions de
11 des 16 Länder (Bayern – 1998; Berlin – 1995; Brandenburg – 1992; Bremen – 1994; Hamburg –
1971; Mecklenburg-Vorpommern–1993; Niedersachen – 1993; Sachsen – 1992; Sachsen-Anhalt –
1992; Schleswig-Holstein – 1990; Thüringen – 1993), parmi eux tous les Nouveaux Länder (sur le
territoire de l’ancien République Démocratique d`Allemagne). La stipulation la plus ancienne se
trouve dans la constitution de Hamburg. Baden-Württemberg, Hessen, Nordrhein-Westfalen,
Rheinland-Pfalz, Saarland n’ont pas des règles concernant l’opposition dans leur constitutions.
Il y a des règles qui reflètent une compréhension de l’opposition plutôt institutionnelle (Berlin,
Brandenburg, Hamburg, Schleswig-Holstein) et d’autres qui reflètent une compréhension plutôt
fonctionnelle. Il n’y a que la constitution de Schleswig-Holstein qui connaît la position d’un chef
d’opposition. Cette position est remplie par le chef de la fraction parlementaire la plus forte qui ne
supporte pas le Gouvernement du Land.
On trouve des définitions légales de l’opposition dans les constitutions de MecklenburgVorpommern et de Sachsen-Anhalt. Dans ces constitutions l’opposition est définie comme les
fractions et les membres du Landtag qui ne supportent pas le Gouvernement du Land.
La fonction ou plutôt les fonctions de l’opposition peuvent être résumées par les contraadicteus qui
critiquent, contrôlent et présentent des alternatives politiques. Les constitutions de Bayern, Berlin,
Brandenburg, Hamburg, Sachsen, Schleswig-Holstein et Thüringen reconnaissent que l’opposition
ou bien le droit de former et d’exercer l’opposition est essentielle ou bien fondamentale pour la
démocratie parlementaire / libérale (Sachsen). La Cour constitutionnelle fédérale
(Bundesverfassungsgericht) a aussi souligné le rôle important de l’opposition dans beaucoup de
décisions. 3 L’opposition exerce ces fonctions surtout par le droit de chaque parlementaire de
contribuer au travail du parlement et en particulier par les droits des minorités parlementaires (voyez
plus bas). Il est bien reconnu que l’opposition n’est pas nécessairement monolithe mais peut être très
hétérogène. Dans les textes constitutionnels, cette circonstance est reflétée par le fait que l’opposition
est définie par “les fractions et les membres parlementaires qui ne soutiennent pas le Gouvernement.
D. Mundil, Die Opposition, 2014, 233.
BVerfGE 2, 1 (13.) – prohibition du parti SRP: opposition est constitutive pour l’ordre démocratique et libérale ;
BVerfGE 49, 70 (85 f.) – installation d’une commission d’enquête ; 70, 324 (363) – l’organisme pour le contrôle des
services de renseignements ; BVerfGE 123, 267 (338 ff.) – traité de Lisbonne.
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Allemagne
2) Les finalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Quel statut pour l’opposition ?
→ Sa reconnaissance se limite-t-elle à son existence ? Inclut-elle une définition de son rôle, une garantie de ses
fonctions, une délimitation de ses prérogatives ?
A côté de la reconnaissance de l’existence et de l’importance de l’opposition on trouve dans quelques
constitutions des Länder des garanties explicites. Dans la constitution de Bayern est garantie le droit
d’agir dans le parlement et dans le public aussi bien que le droit de réclamer des prestations en
espèces du budget de l’Etat nécessaires pour remplir les fonctions de l’opposition. Dans plusieurs
constitutions l’égalité des chances politique est garantie, quelques fois avec quelque fois sans le droit
de réclamer des prestations monétaires nécessaires pour remplir les fonctions.
Les constitutions des trois Länder du nord de l’Allemagne, c’est à dire Hamburg, MecklenburgVorpommern et Schleswig-Holstein, chargent l’opposition avec des tâches définies: Selon l’Art. 23a
de la Constitution de Hamburg l’opposition a la tâche permanente de critiquer le programme du
Gouvernement en principe aussi bien qu’en cas individuel. En plus: “Elle est l’alternative pour la
majorité gouvernementale.”
L’Art. 26 de la Constitution de Mecklenburg-Vorpommern stipule que l’opposition a la tâche de
développer des programmes propres et d’initier des contrôles du Gouvernement et de
l’administration aussi bien que de les critiquer.
L’Art. 12 de la Constitution de Schleswig-Holstein stipule que l’opposition a l’obligation de critiquer
et contrôler la politique du Gouvernement du Land.
Pour remplir les tâches de l’opposition les fractions et membres parlementaires oppositionnels
doivent utiliser les mécanismes que le droit et les procédures parlementaires mettent à leur
disposition. L’intégration de l’opposition dans le procès politique est favorisée par le fait que la
procédure au parlement n’est pas seulement réglée par le principe de la majorité mais aussi par le
principe de la proportionnalité. Ce principe garantie par exemple que chaque fraction présente un
vice-président du parlement et est représentée dans le Conseil des Anciens du parlement. (Presque)
Toutes les commissions parlementaires sont composées selon le principe de la proportionnalité.
Selon la juridiction de la Cour constitutionnelle fédérale chaque commission parlementaire doit
refléter la composition politique du plenum. Même les présidences des commissions sont
déterminées par le principe de la proportionnalité (§ 12 Geschäftsordnung des Bundestages =
GOBT = règlement interne du Bundestag). Cela veut dire qu’un certain pourcentage des présidences
appartient aux fractions oppositionnelles. Concernant les débats parlementaires c’est le Président du
Bundestag qui décide sur l’ordre des débateurs. § 28 GOBT (règlement interne du Bundestag) stipule
que le Président du Bundestag doit prendre en compte les différentes orientations politiques aussi
bien que la force des fractions. En particulier, après le discours d’un membre du Gouvernement le
président du Bundestag est obligé de donner la parole à une personne qui énonce un avis différent,
cela veut dire à un membre de l’opposition, en général, un membre de la fraction oppositionnelle la
plus forte.
Le droit d’initier une enquête est conçu comme droit minoritaire. Le parlement est obligé de
constituer une commission d’enquête par la demande d’un quart des membres parlementaires. La
minorité d ‘un quart a aussi le droit de solliciter le contrôle de la compatibilité du droit fédéral ou des
Länder avec la Loi fondamentale selon Art. 93 Abs. 1 Nr. 2 GG (abstrakte Normenkontrolle). En
plus, une fraction a le droit de faire valoir les compétences du Bundestag par exemple contre le
Gouvernement devant la Cour Constitutionnelle fédérale (Art. 93 Abs. 1 Nr. 1 GG).4 La formation
d’une fraction exige au moins 5% des membres du Bundestag (~30 élus) étant membres du même
parti. Chaque membre parlementaire, chaque fraction ou groupe a le droit de faire valoir ses droits
propres contre le Bundestag devant la Cour constitutionnelle fédérale (Organstreitverfahren =
Procédure entre des organes constitutionnels).
4 Par exemple la dispute sur la nécessité du consentement du Bundestag de l’intervention de l’armée à l’étranger ou la
dispute des droits du Bundestag concernant les obligations financières prises par le Gouvernement dans la crise d’Euro.
BVerfGE 90, 286 (381) – intervention militaire à l’étranger ; BVerfGE 130, 318 (346) – loi sur le mécanisme de stabilité
(Stabilitätsmechanismusgesetz).
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Allemagne
L’encadrement de l’opposition est réalisé par les règles de la “démocratie vaillante”. Des partis qui
ont pour but d’abolir la démocratie libérale et constitutionnelle peuvent être interdits par la Cour
constitutionnelle fédérale. Cela ne s’est passé que deux fois jusqu’à maintenant. L’observation des
membres parlementaires par l’office fédéral de protection de la constitution n’est permis que sous
des conditions très strictes.5 Au parlement l’opposition est encadrée par les mécanismes généraux
pour maintenir l’ordre.
Il y a des situations rares dans lesquelles un débat parlementaire est explicitement exclu: Selon l’Art.
54 GG le Président fédéral est élu sans débat par l’Assemblée fédérale. Aussi le chancelier est élu
sans débat par le Bundestag sur proposition du Président fédéral. Du même il n’y a pas de débat au
plenum concernant l’élection des juges de la Cour constitutionnelle fédérale qui est exécuté par une
commission parlementaire. Cette commission n’est d’ailleurs pas formée selon le principe de la
proportionnalité reflétant le plenum. Elle est constituée de douze membres du Bundestag. Chaque
fraction a le droit de proposer des candidats. Les douze candidats qui obtiennent les plus des votes
du plenum du Bundestag sont élus.
→ Lui est-il conféré un rôle précis dans le fonctionnement des institutions ? Ce rôle est-il garanti par des
mécanismes, des procédures, un juge ?
Le rôle de l’opposition est défini par ses tâches: critique, contrôle, présentation des alternatives
politiques. Pour remplir ces fonctions l’opposition possède tout un faisceau de droits. Extraparlementaire, ce sont les garanties de la liberté et l’égalité des partis aussi bien que les libertés
démocratiques comme la liberté d’opinion, la liberté de réunion ou la liberté d’association. Au
parlement ce sont surtout des droits procéduraux (-> droits). Tous les droits sont aussi protégés par
le juge.
b) Quelle valorisation du rôle de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition est-elle conçue pour favoriser sa valorisation ? Existe-t-il des dispositions ou
des principes normatifs qui favoriseraient voire exigeraient l’intégration et la consultation de l’opposition ?
La fonction indispensable de l’opposition pour la démocratie parlementaire est une conviction
générale en Allemagne. La Cour constitutionnelle fédérale a exprimé cette conviction dans plusieurs
décisions. 6 Les règles concernant l’opposition dans les constitutions des Länder sont aussi
l’expression de cet avis. Ce n’est pas par hasard qu’on trouve des stipulations sur l’opposition dans
toutes les constitutions des Nouveaux Länder. Ils avaient fait l’expérience d’un régime
« démocratique » sans une opposition.
L’intégration de l’opposition dans les procédures parlementaires est favorisée par l’application du
principe de la proportionnalité.
→ La reconnaissance de l’opposition vise-t-elle, au contraire, ou également, à faciliter son encadrement ? À éviter
les débordements, les phénomènes d’obstruction, les risques de déstabilisation ?
L’encadrement de l’opposition se réalise par les règles de la «démocratie vaillante»: Les partis doivent
s’organiser conformément aux principes démocratiques. « Les partis qui, d’après leurs buts ou
d’après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral
et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale
d’Allemagne, sont inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de
l’inconstitutionnalité.” (Art. 21 Abs. 2 GG).
Au sein du Bundestag de même que dans les parlements des Länder ce sont les mécanismes pour
maintenir l’ordre qui encadrent l’opposition. Notamment il y a dans les règlements internes des
parlements des stipulations assez strictes concernant l’ordre et la durée des contributions au discours.
5
6
BVerfGE 134, 141, point 110 – observation du élu Bodo Ramelow.
Voyez note 1.
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Allemagne
→ Existe-t-il des règles qui interdiraient à l’opposition de se manifester dans une instance ou dans une situation
politiques ?
L’élection du chancelier par le Bundestag ainsi que l’élection du Président de la République par
l’Assemblée fédérale se déroule sans débat. Ainsi l’opposition ne peut se manifester que par le vote.
B. Comment identifie-t-on l’opposition ?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions ?
a) Au sein des institutions politiques
→ Où identifie-t-on l’opposition ? À la chambre basse ? À la chambre haute (s’il en existe une) ? En dehors des
assemblées nationales (collectivités territoriales par exemple) ? Dans les parlements locaux ou régionaux ? En
dehors des instances délibérantes ?
On parle de l’opposition et on l’identifie au parlement fédéral (Bundestag) et aux parlements des
Länder mais aussi au Bundesrat, le Conseil fédéral où les Länder sont représentés par leurs
Gouvernements. On peut aussi identifier l’opposition au niveau local, mais là sa fonction n’est pas
d’une importance pareille parce que le maire d’une commune ou d’une ville est aujourd’hui élu
directement par le peuple. Ce n’est pas rare que le maire ne soit même pas membre d’un parti et
cherche les majorités nécessaires pour un cas individuel.
Aussi, le terme de l’opposition extra-parlementaire est utilisé. Il est étroitement lié aux protestations
des étudiants de la fin des années soixante. Il s’agit d’une opposition qui n’est pas représentée et ne
veut même pas être représentée au parlement.
→ Quels liens fait-on entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires ? Y a-t-il correspondance,
prolongement naturel ou au contraire dissociation ?
D’une perspective réelle, il y a un prolongement naturel entre les partis et leurs fractions au
parlement. Mais d’une perspective légale il faut distinguer nettement entre les droits des partis (Art.
21 GG) et les droits des élus (Art. 38 I 2 GG), qui forment la base des droits des fractions et des
groupes parlementaires.
→ Existe-t-il différents types d’opposition ? Dans les États fédéraux ou régionaux, l’opposition peut-elle être
identifiée à un double niveau ? Est-ce alors la même opposition (même partis politiques, par exemple) ou bien y at-il des oppositions spécifiquement locales ?
Les partis qui forment l’opposition sont identifiés à chaque niveau proprement. Ce n’est pas rare
qu’un parti qui participe à la majorité au niveau fédéral se trouve dans l’opposition au niveau des
Länder et vice versa.
b) Au sein du parlement
→ L’opposition est-elle identifiée par son hostilité au Gouvernement ? À l’exécutif ? Par son statut non
majoritaire au sein de l’assemblée ?Au sein des assemblées ? Parle-t-on d’« opposition Gouvernementale » ? D’«
opposition parlementaire » ?
Selon les définitions légales qui correspondent à la compréhension générale l’opposition est identifiée
comme les fractions et les membres du parlement qui ne supportent pas le Gouvernement. Cela
reflète la démocratie parlementaire comme étant le type de démocratie qui se trouve dans tous les
Länder aussi bien qu’au niveau fédéral. Le Premier Ministre ou bien le Chancelier est élu par la
majorité du parlement et la politique du Gouvernement est réalisée par la législation de cette même
majorité.
→ En cas de parlement bicaméral, comment identifie-on les oppositions (éventuellement non concordantes
politiquement) des différentes chambres ? Laquelle fait-on prévaloir ?
L’opposition est déterminée comme l’opposition dans le parlement selon le comportement des élus,
groupes et fractions envers le Gouvernement. C’est le Bundestag qui élit le chancelier par majorité.
Le Chancelier est responsable pour la composition du Gouvernement. Ainsi ce sont des membres du
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Allemagne
parlement qui n’ont pas voté pour le Chancelier et sur lesquels le Chancelier ne peut pas appuyer sa
politique qui forment l’opposition. Cette opposition peut être formée de plusieurs groupes ou
fractions et peut être assez hétérogène. Conséquemment, au Bundesrat, formé par des représentants
des Gouvernements des Länder, l’opposition ainsi définie (relatif à la situation au Bundestag) peut
avoir la majorité.
→ Distingue-t-on, parmi les forces politiques hostiles au Gouvernement ou à la majorité de l’assemblée («
l’opposition »), les différents courants d’opposition ? Identifie-on spécifiquement les groupes n’appartenant ni à
l’opposition ni à la majorité (groupes minoritaires, non inscrits…) ?
La notion de l’opposition est surtout comprise dans un sens fonctionnel et pas dans uns sens
institutionnel. C’est pourquoi il ne s’agit pas seulement de chaque fraction ou groupe minoritaire
mais même un seul élu peut appartenir à l’opposition.
2) Comment enregistre-t-on l’appartenance à l’opposition ?
a) Comment appartenir à l’opposition ?
→ L’appartenance à l’opposition s’identifie-t-elle individuellement (décision individuelle du parlementaire, de l’élu,
du personnage public) ou collectivement (décision du groupe parlementaire, du parti ou du courant politique) ?
L’Art. 38 I 2 GG garantie la liberté et l’égalité de chaque membre parlementaire. Donc dans un sens
strictement normatif c’est toujours la décision du parlementaire qui est décisive pour l’appartenance à
l’opposition. Dans la vie politique c’est l’appartenance au parti respectivement à la fraction qui est
décisive. Mais chaque membre a le droit de quitter la fraction ou bien le parti sans perdre son siège
au parlement.
→ L’opposition s’identifie-elle sur la base d’un régime déclaratif ? D’un calcul arithmétique ? D’un constat
empirique, d’un comportement politique, ponctuel ou répété (refus de voter la confiance, d’approuver le budget du
Gouvernement, d’adopter la loi adoptée par la majorité de l’assemblée…) ?
L’opposition est composée par les membres du parlement ou bien des groupes ou des fractions qui
n’ont pas installés par leur vote le chancelier ou bien dans les Länder le président ministre et qui en
général ne supportent pas le Gouvernement. C’est la perception de soi-même et le comportement
politique qui sont décisifs pour l’appartenance à l’opposition. Il n’est pas interdit et tout à fait
possible qu’un membre ou un groupe de l’opposition votent dans un cas individuel avec la majorité.
La différence entre l’opposition et la majorité qui a installé le Gouvernement consiste dans le fait que
le Gouvernement ne peut pas compter sur le support des groupes ou des fractions oppositionnels.
L’opposition est un phénomène politique et empirique.
→ Comment est-on admis en tant que composante de l’opposition ? Existe-il un registre, une liste, un document
constatant l’appartenance d’un groupe ou d’un individu à l’opposition ? Comment est-on admis à faire partie de
l’opposition (et le cas échéant à bénéficier du statut correspondant) ?
C’est la perception du membre, groupe ou fraction parlementaire qui se manifeste par le
comportement, c’est à dire remplir dans une manière stable et régulière les tâches de l’opposition :
critiquer, contrôler et formuler des alternatives politiques. Cela n’empêche pas que dans un cas
particulier un parti ou une fraction oppositionnel est du même avis que le Gouvernement ou bien la
majorité.
b) Comment sortir de l’opposition ?
→ Comment renoncer à l’appartenance à l’opposition ? Peut-on quitter librement, se désenregistrer, modifier sa
déclaration à tout moment, en cours de mandat ou de législature ? Cela peut-il résulter d’une simple modification
du comportement, l’hostilité cédant la place à une démarche de soutien (vote des textes, du budget, prise de
parole) ?
Comme chaque membre du parlement a le droit de suivre sa conscience, cela veut dire peut agir
comme il/elle le juge compatible avec sa conscience politique, chaque membre du parlement peut
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Allemagne
quitter l’opposition par changement du comportement politique. C’est au moins vrai en théorie. En
pratique la discipline fractionnaire est à considérer. Cela veut dire: si un membre du parlement ne
veut pas seulement dévier dans une question spéciale, il faut quitter sa fraction. Cela a des
conséquences pour sa carrière politique, mais un tel député ne perd pas automatiquement son siège
au parlement.
→ Y a-t-il des conditions ou formalités applicables concernant l’entrée et la sortie du statut de membre de
l’opposition ? Un contrôle ou une possibilité de contestation de l’appartenance à l’opposition (par exemple
subordonnée au respect des principes démocratiques) ? Un délai incompressible d’appartenance à l’opposition (par
exemple le temps d’une législature) ?
Il n’a y pas de formalités quelconque.
II. LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l’opposition politique
1) La nature de la garantie
a) Quel type de garantie ?
→ Encadrer juridiquement l’opposition est-ce la brider ou la protéger ? N’est-il pas contradictoire d’offrir un cadre
juridique à l’opposition, dès lors que l’élaboration de ce cadre, expression du pouvoir, est le fait de la majorité ?
Limiter le cadre d’action de l’opposition est-ce l’enfermer et la nier ou, au contraire, préserver le principe
majoritaire, qui fonde la démocratie, en assurant les détenteurs du pouvoir, régulièrement désignés, d’une
prééminence ?
→ Existe-t-il des coutumes, type « gentlemen’s agreement », ou des « conventions de la Constitution » venant
garantir les droits de l’opposition ? Où ont-ils été négociés ? Ont-ils été codifiés ? Quelle est la norme de référence
optimale, entre la rigidité de la norme constitutionnelle et la souplesse du gentlemen’s agreement et de la
convention ?
→ Existe-t-il une jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition ? La jurisprudence constitutionnelle
favorise-t-elle les droits de l’opposition ou en constitue-t-elle aussi un frein ?
b) Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
→ Quels types de normes garantissent les droits de l’opposition ? La Constitution, la loi (organique ou ordinaire),
les règlements internes des institutions, les actes réglementaires ? Quelle est la place des coutumes ou du droit
souple ?
→ Y a-t-il eu des évolutions du niveau de garantie ces dernières années ? Pour quelles raisons (dans l’affirmative
ou la négative) ? Le niveau de garantie était-il suffisant/satisfaisant ou, au contraire, insuffisant, insatisfaisant et
contesté ? Quelles sont les conséquences actuelles de cette évolution ou de cette stagnation ?
→ Le niveau normatif de garantie des droits change-t-il en fonction des droits concernés ? Quelle typologie est-il
possible d’établir à partir de cette différence de niveaux de garantie ?
Les droits de l’opposition sont les droits des partis, fractions et groupes minoritaires. Ces droits sont
garantis par la Loi fondamentale / les constitutions des Länder, par les règlements internes des
parlements et aussi par la loi des députés du Bundestag (Abgeordnetengesetz) ou bien des Länder.
A part les libertés démocratiques déjà mentionnées (liberté d’opinion, liberté de média, liberté de
réunion, liberté d’association) qui sont importantes pour l’opposition extra-parlementaire les
garanties suivantes de la Loi fondamentale sont à indiquer:
- Art. 21 I 2 GG : la liberté de fonder des partis, l’égalité des partis
- Art. 38 I 2 GG : la liberté et l’égalité des élus
- Art. 43 I GG : Le Bundestag et ses commissions peuvent exiger la présence de tout membre du
Gouvernement fédéral. §§ 100 – 106 du règlement intérieur du Bundestag précisent que 5% des
députés (= minimum qui est nécessaire pour former une fraction) ont le droit de poser une «grande
question » au Gouvernement (suivie par un débat au plenum) ou bien une « petite question» (le
Gouvernement a l’obligation de répondre à la question par écrit). Chaque député a le droit de poser
une question dans le cadre des heures d’information. Des annexes au règlement intérieur du
Bundestag règlent précisément la procédure.
— 19 —
Allemagne
- Art. 44 GG donne le droit d’inaugurer une enquête à un quart des députés du Bundestag. La
composition d’une commission d’enquête suit le principe de la proportionnalité. Une commission
d’enquête prend ces décisions avec majorité. Mais la procédure est réglée selon le principe de la
proportionnalité (par exemple en cas que la commission ne trouve pas un accord concernant la suite
des preuves à faire, la suite est déterminée selon le principe de la proportionnalité des membres). Un
quart des membres de la commission peut invoquer les droits de la commission, par exemple
demander la restitution des dossiers par le Gouvernement. Depuis 2001 les détails sont réglés par la
loi sur les commissions d’enquête (Gesetz über Parlamentarische Untersuchungsausschüsse–
PUAG).
- Le quorum d’un quart des membres du Bundestag est aussi compétent pour initier une motion de
défiance constructive (Art. 67 GG et § 97 GOBT) et pour initier le contrôle de la constitutionnalité
par la Cour constitutionnel fédéral (Art. 93 Abs. 1 Nr. 2 GG). Ce quorum a été abaissé d’un tiers à
un quart en Novembre 2009 après la fin de la Grande Coalition (entre les partis CDU/CSU et SPD).
Un quart des membres du Bundestag est aussi nécessaire pour obliger le Bundestag à initier un
recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour violation du principe de subsidiarité
par un acte législatif de l’Union européenne. (Art. 23 Ia GG). Le président du Bundestag n’est tenu
de convoquer le Plenum que si un tiers des membres font la demande (Art. 39 III GG).
Les élections du 2013 ont menées de nouveau à une Grande Coalition avec une majorité de 80% au
Bundestag. Cela a pour conséquence que l’opposition n’est pas assez nombreuse pour exercer les
droits qui demande un quart des membres parlementaires ou même plus, en particulier: le droit
d’initier une enquête, le droit d’initier un contrôle de constitutionnalité d’une norme par la Cour
constitutionnelle fédérale et le droit d’initier une motion de défiance constructive.
L’importance extraordinaire attribuée à la fonction de l’opposition dans la vie politique et
constitutionnelle en Allemagne se manifeste dans le fait que le Bundestag a suppléé son règlement
intérieur par un § 126a qui n’est en force que pendant la durée de la Grande Coalition (la 18ème
période législative). Par cet article la plupart des droits qui demandent normalement un quart des
membres parlementaires est fait accessible aux 120 élus ou bien aux membres des fractions
oppositionnelles dans les commissions pourvu qu’ils agissent avec unanimité. D’ailleurs, selon la
Constitution de Weimar (1919) le droit d’initier l’installation d’une commission d’enquête demandait
1/5 des élus.
Les garanties de l’immunité, de l’irresponsabilité pour toutes déclarations faites au Bundestag et du
refus de témoigner sont des droits des députés qui protègent aussi l’opposition.
La garantie de l’égalité des chances par § 5 du Loi des Partis (Parteigesetz) et § 50 du Loi des députés
du Bundestag (Abgeordnetengesetz) qui garantie des aides financières ont déjà été mentionnés.
Par le règlement interne du Bundestag la composition de (presque) toutes les commissions aussi bien
que la procédure sont déterminés par le principe de proportionnalité ce qui a pour conséquence que
chaque commission reflète la proportion des forces politiques. La plupart des actions et des
initiatives peuvent être initiés par 5% du nombre des députés du Bundestag, ce qui est le nombre
minimum pour une fraction. Le Bundestag peut et a déjà attribué ces droits a des groupes
parlementaire qui n’atteindraient pas le seuil de 5%. Ainsi l’opposition est tout à fait intégrer dans les
procédures parlementaires tandis que les décisions finales sont toujours prises par la majorité.
Une exception de la formation des commissions parlementaires selon le principe de la
proportionnalité est réglée au § 12 Bundesverfassungsgerichtsgesetz (loi sur la Cour constitutionnelle
fédérale, comme mentionné auparavant. Une autre exception se trouve à l’article 45 d GG (Loi
fondamentale) concernant l’organe parlementaire de contrôle de l’activité des services de
renseignements de la Fédération « (1) Le Bundestag désigne un organisme collégial pour le contrôle
de l’activité de renseignements de la Fédération.
(2) Une loi fédérale fixe les modalités. ». Cette loi stipule que les membres de cet organisme collégial
sont élus par la majorité. Ainsi prima vista la majorité pourraient n’élire que des membres
parlementaires de la majorité. Mais on est d’accord sur le fait que des membres parlementaires qui
appartiennent à l’opposition doivent participer au travail de cet organisme collégial. Mais cet
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Allemagne
organisme ne doit pas refléter les forces politiques du plenum. Ce n’est même pas obligatoire que
toutes les fractions soient représentées.7
La Cour constitutionnelle fédérale a souligné dans plusieurs décisions l’importance de l’opposition
pour le fonctionnement de la démocratie parlementaire et elle a protégé les droits des minorités.
D’autre part la Cour a accepté que la commission concernant le contrôle des services de
renseignement n ‘est pas formée selon le principe de la proportionnalité, mais par un vote majoritaire
des candidats proposés par les fractions.8
2) L’étendue de la garantie
a) Quels droits au sein des institutions ?
→ Quelles institutions politiques garantissent des droits de l’opposition ? Le parlement, les assemblées locales,
d’autres ? Y a-t-il des droits garantis spécifiquement dans certaines institutions et non dans d’autres ?
Les droits de l’opposition sont garantis dans les constitutions du Bund et des Länder, au fond selon
les droits des membres parlementaires ; ils sont concrétisés dans les règlements internes des
parlements. Finalement, l’observation des lois est garantie par les cours constitutionnelles du Bund et
des Länder, concernant les assemblées locales par les cours administratives.
→ Quels types de droits sont garantis à l’opposition au sein des institutions ? Droits honorifiques (présidences de
commissions, intérêt simplement honorifique ou autre ?), d’interrogation (nature), d’enquête (étendue), de
contestation, de blocage, de renversement, de procédure parlementaire, dénomination ?
Comme déjà décrit auparavant, l’opposition a des droits de critique et de contrôle: différentes formes
d’interrogations, droit à l’installation des commissions d’enquête. Le principe de proportionnalité ne
dirige pas seulement la formation, mais aussi le nombre des présidences des commissions
parlementaires (§ 12 GOBT).
Chaque fraction ou bien un minimum de 5% des membres parlementaires a le droit d’initier un acte
législatif (Art. 76 GG, § 75 I lit. a), 76 GOBT). Toutes les fractions sont intégrées dans la procédure
législative par leur présence dans les commissions.
Une situation de blocage peut surgir dans la procédure législative quand la majorité au Bundestag et
au Bundesrat n’est pas formée par les même partis. Cela peut arriver dans le cas d’un acte législatif
qui demande le consentement du Bundesrat (ce sont à peu près 50% des actes législatifs. La nécessité
d’un consentement est stipulée explicitement en diverses règles du GG. En résumant ce sont les cas
dans lesquels les intérêts des Länder sont touchés particulièrement) Dans le cas où la procédure de
médiation selon Art. 77 GG échoue
→ Comment l’opposition est-elle associée à la confection législative ?
b) Quels droits au-delà des institutions ?
→ Le financement des partis politiques d’opposition favorise-t-il et renforce-t-il l’expression de l’opposition ?
Quelles sont les ressources financières de l’opposition ?
Le financement des partis politiques ne fait pas de différences entre partis majoritaires et partis
oppositionnels. Les ressources des partis sont surtout les cotisations et les dons. En plus ils reçoivent
des moyens du budget étatique relative à leurs succès aux élections en amont des cotisations et des
dons. La somme globale est plafonnée. Les détails assez compliqués sont réglés au § 18 Parteigesetz
(Loi des partis).
En plus, § 50 Abgeordnetengesetz (Loi des députés du Bundestag) et des stipulations aux
constitutions des Länder accordent aux fractions oppositionnelles des moyens pour pouvoir remplir
effectivement leurs fonctions de l’opposition.
7
8
Voyez BVerfGE 70, 324 (359, 363) avec une opinion divergente du Juge Mahrenholz.
BVerfGE 70, 324 (359, 363f.).
— 21 —
Allemagne
→ De quels droits et/ou libertés l’opposition politique bénéficie-t-elle en-dehors des institutions ? Le droit d’asile,
le droit de grève, la liberté de la presse sont-ils ou peuvent-ils être considérés comme des droits de l’opposition ?
Les libertés d’opinion, des médias (presse, TV), de réunion et d’association sont des libertés qui
favorisent l’opposition extra-parlementaires. Le droit d’asile est un droit pour des étrangers et n’a pas
été utilisé pour protéger ou favoriser l’opposition jusqu’à maintenant.
Le droit de grève n’est pas utilisé comme moyen dans les affrontements politiques. Selon Art. 9 III
GG ce ne qu’un instrument dans des conflits économiques entre employeurs et employés.
→ Quelle est l’étendue de ces différents droits et/ou libertés ? Le droit d’asile est-il largement reconnu ? Les droits
de grève et de manifester sont-ils fortement limités (interdiction de faire grève, autorisation de manifester) ? La
liberté de la presse est-elle malmenée ?
Les libertés démocratiques sont bien respectées et en cas de différends protégées par les cours
administratives aussi bien que constitutionnelles.
B. L’usage de ses droits par l’opposition politique
1) Au sein des institutions politiques
a) Quelle légitimité ?
→ Comment concilier le principe majoritaire et le fait d’accorder des droits à l’opposition politique ? Dans quelle
mesure les élus de l’opposition participent-ils à l’exercice de la souveraineté nationale ? La théorie de la
représentation politique ne doit-elle pas intégrer la qualité du représentant de l’opposition ? La création de
binômes majorité/opposition est-elle possible, dans quelles situations ?
L’opposition, cela veut dire l’exercice des fonctions oppositionnelles, trouve sa légitimité dans le
principe démocratique même. Il n’y a pas de démocratie si le peuple n’a pas le choix entre des
alternatives.
Les élus qui se trouvent dans la minorité, c’est à dire dans l’opposition, ont tous les droits essentiels
des élus. Par la voie de ces droits ils participent à l’exercice de la souveraineté nationale.
b) Quelle fréquence ?
→ L’opposition est-elle systématique, voire permanente ? Pourquoi (y a-t-il des raisons objectives ou seulement
subjectives) ?
Pendant une législature l’opposition est en général assez stable. Mais tout dépend du comportement
des élus.
→ Est-il possible d’établir des statistiques de l’usage de ses droits par l’opposition ?
Il y a des statistiques (Datenhandbuch des Deutschen Bundestages = manuel statistique du
Bundestag) concernant l’usage des droits de contrôle, critique ou d’initiative, par exemple son droit
d’initiative des actes législatifs, des réprobations, des Grandes ou Petites Questions ou des invocation
d’une commission d’enquête 9.
→ Y a-t-il, au contraire, un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition ? Est-il fréquent, récurrent ? En
fonction de quoi, de quels sujets peut-il avoir ou a-t-il lieu ? Y a-t-il des sujets plus consensuels que d’autres ?
Pour quelles raisons ?
Dans les commissions parlementaires qui discutent les initiatives législatives les débats sont en
général assez sobres et constructifs.
Dans la situation où la majorité politique est différente au Bundestag et au Bundesrat la nécessité
d’un dialogue constructif augmente considérablement. Il y a un élément procédural dans la procédure
législative qui aide à la coopération : c’est la commission médiatrice (Vermittlungsausschuss) qui a la
fonction de trouver un accord dans le cas où le Bundesrat a une position de veto dans la procédure
législative. Je ne peux pas indiquer des sujets qui sont particulièrement consensuels. Au contraire on
https://www.bundestag.de/blob/196228/bcfb94b09bbdbf13699907a5e4fa7bf0/kapitel_11_04_oppositionelles_verhalt
en_statistik-data.pdf
9
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Allemagne
peut rehausser que le devoir politique (pas juridique !) de voter avec la fraction est explicitement
dénoué quand il s’agit des questions qui touchent particulièrement des valeurs morales, par exemple
le vote sur les règles de l’avortement.
→ Peut-on distinguer parmi les droits de l’opposition, ceux qui ne seraient jamais utilisés (et, dans ce cas,
pourquoi ?) de ceux qui sont rituellement utilisés (dans une logique de posture) et d’autres encore qui le sont dans
des circonstances plus conflictuelles ? L’utilisation de ces prérogatives est elle le révélateur d’une tension
institutionnelle ?
Tous les droits de critique et de contrôle sont utilisés régulièrement : débats, interrogation et aussi
l’installation des commissions d’enquête.
La motion de défiance constructive selon Art. 67 GG n’est utilisée que très rarement (jusqu’à
maintenant deux fois, une fois avec succès) parce qu’elle présuppose que la majorité se désagrège.
c) Quelles conséquences ?
→ Quels sont les objectifs et les conséquences de l’opposition ? Sont-ils purement politiques ou également
juridiques ? Parle-t-on d’obstruction ? Comment l’opposition est-elle traitée et protégée par le juge (constitutionnel,
le cas échéant) ?
→ Comment l’opposition est-elle contrôlée par la majorité ? Existe-t-il des mécanismes permettant de l’écarter
totalement (radicalement) ?
L’objectif final de l’opposition est de devenir la majorité par le vote prochain. Pour obtenir ce but
elle critique, contrôle et développe des alternatives politiques. On ne rattache pas la notion de
l’obstruction avec les fonctions de l’opposition. Les fonctions de l’opposition sont en général bien
respectées dans la vie politique, dans les médias et si nécessaire protégé par les cours administratives
et constitutionnelles.
2) En-dehors des institutions politiques
a) Les usages dans le droit
→ Comment l’opposition politique est-elle encadrée ? La contestation en dehors des institutions politiques est-elle
aisée et/ou fréquente ?
Comme déjà expliqué auparavant l’opposition est encadrée par les mécanismes de la démocratie
vaillante qui ont pour but de contrôler une opposition fondamentale, cela veut dire une opposition
qui a pour but d’éliminer l’ordre démocratique, libéral et constitutionnel. Ces mécanisme sont
l’observation par les offices de protection de la constitution, la prohibition d’un parti qui ne peut être
ordonné que par la Cour constitutionnelle fédérale, l’interdiction d’autres associations hostiles à
l’ordre démocratique, libéral et constitutionnel qui peut être ordonnée par les ministres de l’intérieur
des Länder ou le ministre de l’intérieur de l’Allemagne s’il s’agit d’une association qui agit dans toute
l’Allemagne.
D’autre part les libertés démocratiques sont respectées et si nécessaire protégées par les cours
administratives aussi bien que par les cours constitutionnelles. Par exemple l’administration se voit
souvent sous la pression politique d’interdire des manifestations des partis d’extrêmes droite en
particulier néo-nazi. Présupposé que cette manifestation ne va pas donner l’occasion de commettre
des délits, par exemple le délit de la démagogie, les cours prennent une décision en faveur des partis
extrêmes.
→ Le vote peut-il constituer une forme d’opposition politique ? Le vote est-il obligatoire ?Quelle est la prise en
compte du vote blanc ?
Le vote n’est pas obligatoire. Il est le moyen normal de l’échange entre la majorité et l’opposition.
b) Les usages au-delà du droit
→ Quelles sanctions pour une opposition politique violant le droit ? Sont-elles civiles, administratives, pénales ?
Quelle en est l’importance ?
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Allemagne
Les sanctions dépendent des violations. Il y a divers délits « politiques » : par exemple : haute
trahison, continuation d’un parti interdit, continuation d’une association interdite, diffusion des
moyens de propagande des organisations anticonstitutionnelles, utilisation des signes distinctifs des
organisations anticonstitutionnelles, sabotage anticonstitutionnels, agitation anticonstitutionnelles
concernant l’armée et la police, diffamation du Président de la République, diffamation de l’État et
ses symboles, diffamation des organes constitutionnelles. Il y a aussi des délits concernant la trahison
et d’autres menaces de la sécurité extérieure, des délits contre des États étrangers, des délits contre
des organes constitutionnels ou concernant les élections, des délits concernant la défense nationale
aussi bien de résistance contre l’autorité publique et finalement des délits contre l’ordre publique
dont les plus pertinents sont la démagogie, la formation des groupes armés ou bien terroristes. Bien
sûr, ces délits sont suivis par des sanctions pénales.
Le plus important de ces délits et le délit de la démagogie qui est surtout commis par des partis
d’extrême droite et néo-nazi.
Il y a aussi des sanctions administratives, surtout la prohibition. Art. 9 II GG qui stipule: “ Les
associations dont les buts ou les activités sont contraires aux lois pénales, ou qui sont dirigées contre
l’ordre constitutionnel ou l’idée d’entente entre les peuples, sont prohibées.”
Ce sont les ministres de l’intérieur qui sont compétent pour ordonner la prohibition.
Art. 21 II GG stipule: “Les partis qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs
adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le
renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont
inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l’inconstitutionnalité.”
Selon § 43 du loi de la Cour constitutionnelle fédérale ce ne sont que le Bundestag, le Bundesrat et le
Gouvernement fédéral qui ont le droit d’initier cette procédure. S’il s’agit d’un parti qui agit
seulement dans un Land, de plus le Gouvernement du Land a le droit de déposer une demande.
Ces moyens ne sont utilisés que très rarement. Dans l’histoire de la République d’Allemagne il n’y a
que deux prohibitions des partis. C’était des partis communistes et cela avait lieu dans les années
cinquante. Il y a eu une autre demande en 2001 concernant le Parti nationale démocratique
d’Allemagne (Nationaldemokratische Partei Deutschland). La Cour constitutionnelle fédérale n’a pas
acceptée cette demande parce que des agents des offices de protection de la constitution avaient
infiltrés le parti et occupaient même des positions au bureau du parti. 10
→ Existe-t-il un droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civique ? A-t-il déjà été invoqué ? Son
invocation a-t-elle déjà été admise et reconnue par les institutions (le juge ou autre) ?
Art. 20 IV GG dispose : « Tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprendrait de
renverser cet ordre, s’il n’y a pas d’autre remède possible. »
Cette norme n’a qu’une valeur symbolique jusqu’à maintenant. Tant que la justice fonctionne il y a
toujours « un autre remède possible ».
Selon l’article 4 I GG la liberté de conscience est garantie. Mais cette liberté ne permet pas de violer
activement la loi. La liberté de réunion selon Art. 8 GG donne le droit de se réunir paisiblement et
sans armes. Les participants qui commettent le délit de coercition par un blocage n’agissent pas
paisiblement. Néanmoins, la Cour constitutionnelle fédérale a pris en considération le but politique
d’une réunion, qui était une manifestation contre le stockage des armes nucléaires et dont les
participants bloquaient une caserne. Ainsi la cour pénale ne pouvait infliger qu’une sanction très
tempérée.11
Les églises donnent quelquefois « asile » aux étrangers qui n’ont pas reçu ce droit par l’État. Elles
essayent de faire réviser le cas.
10
11
BVerfGE 107, 339 (369 ff.) – motion de la prohibition du parti.
BVerfGE 73, 206 (248); BVerfG, NJW 2011, 3020 ff.
— 24 —
Allemagne
III. LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A. Les mutations structurelles
→ Opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire : le système politique (magnitude, formule électorale,
seuil…) est-il inclusif ou contribue-t-il au contraire à sous-représenter les petits partis au parlement, voire à les
priver de représentation ?
Concernant le Bundestag et les Landtage le droit de vote établi le seuil de 5%. Un parti qui n’a pas
obtenu au moins 5% des votes est exclu du parlement. Dans les communes ce seuil a été aboli. Ce
développement est à voir en relation avec le fait que le maire est maintenant élu directement et non
plus par l’assemblée communale comme il était le cas dans quelque Länder jusqu’aux années 1990.
→ Existe-t-il des biais (distribution territoriale des voix, malapportionment, gerrymandering…) qui contribuent à
sous-représenter certaines forces au parlement, voire qui les condamnent à être minoritaires ?
Il y a des règles en droit électoral qui préviennent des biais et une commission qui a la tâche de
contrôler la détermination des districts électoraux (§ 3 Loi sur l’élection au Bundestag).
→ Le système partisan est-il stable ou le système politique favorise-t-il au contraire l’apparition de nouveaux
partis, issus de nouveaux clivages (centre-périphérie, Europe…) ?
La constitution garantie la liberté de fonder un parti et l’égalité des chances de toutes les parties (Art.
21 GG). Ce droit est respecté et utilisé avec succès. Ainsi le spectre des partis n’est ni stable ni tout à
fait instable.
→ La « présidentialisation de la politique » conduit-elle les partis d’opposition à se présidentialiser autant que
le(s) parti(s) majoritaire(s) ? Si oui, de quelle manière ?
Les structures internes des partis ne diffèrent pas fondamentalement, parce que la loi fondamentale
impose une organisation démocratique pour les partis. (Art. 21 I 2 GG : Leur organisation interne
doit être conforme aux principes démocratiques.). Concernant les élections au Bundestag la publicité
des partis est plus ou moins focalisée sur un/e candidat/e de tête qui est destiné par son parti pour la
position du chancelier. Mais à côté il y a de la publicité pour des sujets politiques et surtout pour les
candidats dans les districts électoraux.
B. Les mutations fonctionnelles
1) Les mutations des lieux
→ Le parlement reste-t-il la principale (ou la seule) tribune de l’opposition ? Être représenté au parlement, est-ce
la seule façon de s’opposer ?
L’opposition au parlement a une grande visibilité parce que ses avis sont aussi bien repris par les
médias que les avis de la majorité. Mais il y a aussi d’autres possibilités de manifester l’opposition. Il y
a des mouvements de citoyens contre certains projets. Il y a la possibilité d’organiser des
manifestations.
→ Quel est le traitement médiatique des partis politiques et les partis d’opposition bénéficient-ils d’un traitement
médiatique équitable ?
La constitution garantie selon Art. 21 I GG l’égalité des chances aux partis. L’égalité de chances pour
l’opposition est garantie explicitement dans certaines constitutions des Länder. § 5 Loi des partis
(Parteigesetz) stipule que les autorités publiques ont l’obligation de traiter tous les partis également
quand elles mettent à disposition des prestations (« Einrichtungen »). Le volume des prestations peut
être gradué selon l’importance des partis. L’importance se détermine particulièrement selon les
résultats des dernières élections aux parlements des Länder ou au Bundestag. Un parti qui a obtenu
au moins 5% des votes a le droit d’obtenir au moins la moitié de tous les autres partis. Concernant
des prestations pour des élections (concernant par exemple la publicité dans les rues mais aussi le
temps d’émission à la télévision publique) ladite stipulation n’est valable que pour les partis qui
participent à l’élection.
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Allemagne
On peut observer qu’à la télévision publique l’opposition a toujours l’occasion d’exprimer ses avis
par exemple dans les émissions d’informations.
→ L’opposition participe-t-elle au Gouvernement ? Selon quelles modalités, à quelles conditions, pour quels
objectifs ?
Dans un certain sens on peut dire que pendant une période de Grande Coalition l’opposition est
partiellement intégrée dans le Gouvernement. Mais à part cette situation la participation de
l’opposition est réduite à critiquer, contrôler et faire des propositions alternatives. Ces propositions
peuvent néanmoins influencer les résultats de la procédure législative parce que l’opposition est
représentée dans les commissions parlementaires qui font le travail pratique et décisif dans cette
procédure. L’influence est encore plus grande quand les partis qui forment l’opposition au Bundestag
ont la majorité au Bundesrat.
2) Les mutations des moyens
→ Les partis d’opposition ont-ils vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition Gouvernementale ?
Existe-t-il des partis « anti-système » ?
→ L’obstruction est-elle un détournement ou une radicalisation de la fonction d’opposition, voire sa seule façon
d’être efficace et d’exister ?
→ La contestation du pouvoir majoritaire est-elle une fonction dépassée ou, au contraire, renouvelée ? Le contrôle
parlementaire est-il devenu la fonction naturelle de l’opposition (répartition des présidences des commissions,
déclenchement et conduite des enquêtes parlementaires, contrôle financier) ?
→ Quel est l’intérêt, pour l’opposition parlementaire, de s’opposer à la loi ? Y a-t-il une opposition « constructive
», produisant des effets législatifs (adoption d’amendements, voire de lois émanant de l’opposition) ?
En Allemagne l’opposition est intégrée dans le système politique. Son existence est jugée constitutive
pour le fonctionnement de la démocratie. Ainsi l’échange entre majorité et l’opposition est un procès
tout à fait normal, d’autant plus que l’opposition dans les différents Länder et au niveau fédéral
diffèrent normalement. L’opposition utilise les instruments parlementaires pour remplir ses fonctions
de critique, contrôle et présentation des alternatives politiques. Les fractions oppositionnelles
participent souvent d’une manière constructive dans la procédure législative. Ainsi ils se présentent
comme possible majorité future aux votants.
Il y a quelques partis anti-système. La plupart de ces partis ne surmontent pas le seuil de 5%. Le
parti d’extrême droite des Républicains (Republikaner) et le Parti démocratique nationale
d’Allemagne (Nationaldemokratische Partei Deutschland) se trouvaient plusieurs fois dans quelques
parlements des Länder. (Actuellement le NPD tient 5 siège au parlement de MecklenburgVorpommern et un siège au Parlement Européen.) Les élus de ces partis sont quelquefois ignorés par
les autres débutés. Jusqu’à maintenant les députés de ces partis n’ont pas dérangé le travail
parlementaire.
3) Les mutations des instants
→ Les coalitions se constituent-elles avant ou après les élections ? Les partis qui n’intègrent pas la coalition
gouvernementale ont-ils vocation à rester dans l’opposition pendant toute la législature ? Une nouvelle majorité
peut-elle se constituer dans le cadre parlementaire (confiance, censure) ou seulement au lendemain de nouvelles
élections ?
→ L’opposition soutient-elle ponctuellement le pouvoir majoritaire ? À quelles conditions et pour quels objectifs ?
En général les coalitions se constituent après les élections. Il arrive que des partis annoncent avant
l’élection avec quel(s) parti(s) ils ne vont pas former une coalition. Ce sont surtout les partis les plus
grands qui font de telles annonces. Aussi des annonces positives de coalition sont faites quelque fois.
Par exemple le petit parti des libéraux (FDP = Freie Demokratische Partei) a en plusieurs occasion
annoncé qu’il allait former une coalition avec les socialistes (SPD) ou avec les conservateurs (CDU).
Une coalition préformée existe entre le CDU et le CSU parce que le dernier est la branche
conservative au Bundesland Bayern. Après tout, c’est un calcul politique si un parti fait une annonce
de coalition ou pas. En général le calcul est qu’il est mieux de laisser toutes les options ouvertes.
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Allemagne
Comme déjà dit la majorité et l’opposition sont en général assez stables pendant la période législative.
Un changement de majorité pendant une période législative ne peut se dérouler qu’avec une motion
de défiance constructive.
Comme l’opposition est bien intégrée dans le travail parlementaire et surtout dans la procédure
législative il arrive que l’opposition soutienne un acte législatif du Gouvernement et de la majorité.
C. Les mutations stratégiques
→ L’implantation locale est-elle une stratégie payante à long terme ?
→ La recherche de la proximité avec les citoyens est-elle une stratégie passagère (réseaux sociaux, appel aux dons
privés, participation aux manifestations publiques…) ?
Bien qu’il y a de plus en plus d’électorat volatil et aussi des votants qui votent différemment au
niveau local, au niveau du Land ou au niveau de l’état fédéral l’implantation locale est toujours une
stratégie payante surtout parce que le système électoral en Allemagne est un système de
proportionnalité avec une composante personnalisée. C’est à dire que les votants ont deux votes : un
vote pour choisir entre les listes des partis et l’autre pour choisir un(e) candidat(e) dans leur district
électoral.
Concernant l’appel aux dons privés il faut rappeler que c’est une composante des finances des partis
qui est aussi d’importance pour les moyens supplémentaires de l’Etat. Il arrive aussi que des
représentants des partis participent aux manifestations, par exemple des représentants du parti
socialiste (SPD) participent aux manifestations des syndicats.
→ Le juge constitutionnel ou ordinaire est-il le meilleur recours de l’opposition, voire le seul ?
Le juge constitutionnel est le dernier recours et en même temps un recours assez effectif. Mais en
général l’opposition peut recourir au droit des membres parlementaires et aux médias.
BIBLIOGRAPHIE
Beckermann, Benedikt/Weidemann, Daniel, K(l)eine Opposition ohne Rechte?, Der Staat 53 (2014),
S. 313 – 329
Cancik, Pascale, Parlamentarische Opposition in den Landesverfassungen – Eine
verfassungsrechtliche Analyse der neuen Oppositionsregelungen, 2000.
Haberland, Stephan, Die verfassungsrechtliche Bedeutung der Opposition nach dem Grundgesetz,
1995.
Mager, Ute, Das neue Untersuchungsausschussgesetz des Bundes - Parlamentarische Organisation
von Kontrolle durch Publizität, Der Staat 41 (2002), S. 597 - 615.
Mundil, Daniel, Die Opposition. EineFunktion des Verfassungsrechts, 2014.
Schuster, Simon, Verfassungsrechtliche Anforderungen an die öffentliche parlamentarische Debatte
in Zeiten einer Großen Koalition, Die öffentliche Verwaltung (DÖV) 2014, S. 516 – 526.
Schwarz, Kyrill-Alexander, Unkontrollierbare Regierung – Die Rechte der Opposition bei der
Bildung einer Großen Koalition im Deutschen Bundestag, Zeitschrift für Rechtspolitik (ZRP) 2013,
S. 226 – 228.
— 27 —
Belgique
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT BELGIQUE —
Établi par Céline ROMAINVILLE et Marc VERDUSSEN1
Le présent rapport étudie plus particulièrement, s’agissant de la Belgique, l’opposition
politique entendue comme une opposition parlementaire, c’est-à-dire une opposition qui se manifeste à
travers des partis politiques disposant d’une représentation parlementaire. Pour le dire plus
clairement, il s’agit « des acteurs et/ou des formations politiques présents au sein d’une assemblée,
qui tendent, par des moyens institutionnels et par des échanges extraparlementaires, à exercer une
influence et un contrôle sur l’action gouvernementale et se posent en alternative crédible en vue des
prochaines échéances électorales »2. Toutefois, l’opposition politique n’est pas nécessairement une
opposition parlementaire, « même si elle trouve dans l’institution délibérante le moyen privilégié de
sa reconnaissance et de son expression »3. Il y a place pour une opposition extraparlementaire. Elle ne
dispose d’aucune représentation parlementaire et se manifeste « à travers sa capacité à participer aux
élections (en présentant des candidats), par la confrontation des idées à travers les médias ou en
recourant le cas échéant à la violence » 4 . L’opposition extraparlementaire procède parfois, plus
radicalement, de l’idée de « contestation politique », entendue comme « un désaveu de l’opposition
jugée insuffisante ou inopérante »5.
I. LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION POLITIQUE
1. L’opposition politique, une notion ignorée
En Belgique, la notion d’ « opposition politique » ne fait l’objet, comme telle, d’aucune
consécration formelle et expresse par la Constitution ou par la loi. Certes, il en est parfois question
dans les règlements des assemblées parlementaires. Ainsi, le règlement de la Chambre des
représentants dispose que « pour l’ordre des questions, le président donne la parole alternativement à
l’opposition et à la majorité » (article 124-4) ou encore que « la répartition des rapporteurs entre la
Université de Louvain (UCL), Centre de recherche sur l’État et la Constitution (JUR-I – CRECO).
Y. SUREL, « L’opposition au Parlement. Quelques éléments de comparaison », Revue internationale de politique comparée,
2011, vol. 18, p. 118.
3 P. JAN, « Les oppositions », Pouvoirs, 2004, n° 108, p. 24.
4 A. DI STEFANO, C. RIBETTE et J. RAULINE, « Opposition », in Dictionnaire constitutionnel (dir. O. DUHAMEL et Y. MÉNY),
Paris, P.U.F., 1992, p. 677.
5 G. LAVAU, « La contestation politique », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1970, n° 480, p. 4.
1
2
— 28 —
Belgique
majorité et l’opposition se fait à la proportionnelle parmi les membres de la commission » (article 781). L’utilisation du terme reste pourtant très épisodique.
2. L’opposition politique, une réalité concrète
Ce n’est pas parce que le terme n’est pas, ou peu, utilisé dans les textes que l’opposition n’est
pas une réalité. Il y a bien place en Belgique pour une opposition politique. Cependant, en tant que
telle, elle n’est pas institutionnalisée. En tant que telle, elle ne jouit pas d’un statut, comme on peut en
trouver en Grande-Bretagne par exemple. Elle existe, mais par la médiation de règles relatives au
fonctionnement et au contrôle des institutions politiques. En effet, comme le montrera la deuxième
partie du présent rapport, consacré aux droits de l’opposition politique, l’ordre juridique belge
renferme plusieurs mécanismes qui, à certaines conditions et selon certaines modalités, permettent
aux membres de l’opposition de s’exprimer ou de se protéger.
Au sein d’une assemblée parlementaire, un élu fait partie de l’opposition dès le moment où il
ne fait pas partie de la majorité. En clair, s’il n’est pas rattaché à un groupe politique qui soutient
l’équipe gouvernementale, en lui accordant sa confiance, il sera considéré comme étant de
l’opposition. Toutefois, on peut être dans l’opposition tout en soutenant un volet déterminé du
programme gouvernemental.
C’est ainsi qu’en 1993, dans le cadre de la Quatrième réforme de l’Etat, la coalition gouvernementale regroupant
les partis socialistes et sociaux-chrétiens fait appel à des partis politiques de l’opposition – les partis écologistes,
d’une part, et le parti Volksunie, d’autre part – pour voter des révisions de la Constitution et l’adoption de lois
spéciales, ce qui dans les deux nécessite une majorité renforcée des deux tiers au sein de chaque assemblée
parlementaire fédérale. Un scénario similaire s’est reproduit durant la législature fédérale 2011-2014 : les partis
écologistes (Ecolo et Groen) ne faisaient pas partie de l’équipe gouvernementale, mais ont accepté de soutenir le
volet institutionnel du programme gouvernemental, c’est-à-dire le vote des textes constitutionnels et législatifs
liés à la Sixième réforme de l’Etat, les partis écologistes ayant participé aux négociations préalables à cette
réforme.
Si, en règle générale, l’appartenance à l’opposition s’identifie collectivement – par référence à
la position du groupe politique dont l’élu est membre –, elle peut parfois s’identifier individuellement.
Il en est ainsi pour l’élu qui n’est membre d’aucun groupe politique, mais aussi de l’élu qui, pendant la
législature, quitte le groupe politique dont il était membre : dans ces deux cas, son appartenance à
l’opposition dépend de la position personnelle qu’il adopte par rapport à la politique
gouvernementale.
Que l’appartenance à l’opposition soit collective ou individuelle, il n’existe pas de registre, de
liste ou de document qui attesterait officiellement de cette appartenance.
Il est utile de préciser qu’en raison des modes de composition spécifiques des deux
assemblées parlementaires fédérales, la Chambre des représentants et le Sénat, on pourrait imaginer
que l’opposition dans la première soit majoritaire dans la seconde. En effet, la Constitution exige que
le Gouvernement fédéral jouisse de la confiance d’une majorité de membres de la Chambre des
représentants, à l’exclusion du Sénat. Cela étant, un tel scénario est peu crédible, dans la mesure où il
subsiste un certain nombre de lois qui doivent ou peuvent être votées par le Sénat.
Dans le cadre de la Sixième réforme de l’Etat, le nouveau statut attribué au Sénat a entraîné des changements
substantiels dans la procédure d’adoption des lois fédérales, à savoir des modifications apportées aux articles 74,
75, 76, 77, 78 et 82 de la Constitution et l’abrogation des articles 79, 80 et 81 de la Constitution. Ces
changements ont été adoptés le 6 janvier 2014 et sont entrés en vigueur le 25 mai 2014. La distinction entre les
lois monocamérales, les lois bicamérales intégrales et les lois bicamérales virtuelles est maintenue, avec cette
différence importante que la catégorie des lois monocamérales est devenue résiduaire : la Chambre des
représentants et le Sénat sont compétents sur un pied d’égalité pour les matières visées à l’article 77 nouveau
(lois bicamérales intégrales) ; les projets de lois adoptés par la Chambre des représentants dans les matières
visées à l’article 78, § 1er, nouveau sont transmis au Sénat qui peut décider de les examiner, dans les conditions et
selon les modalités fixées à l’article 78, § 2, nouveau (lois bicamérales virtuelles) ; la Chambre des représentants
est compétente pour les autres matières, c’est-à-dire celles qui ne sont pas énumérées aux articles 77 nouveau et
78, § 2, nouveau (lois monocamérales).
— 29 —
Belgique
Par ailleurs, tout révision de la Constitution doit être votée, dans les mêmes termes, par les
deux assemblées.
Toute révision du texte constitutionnel doit obéir à une procédure définie par l’article 195 de la Constitution.
Une des règles inscrites au cœur de cette procédure procède de la volonté de répartir les révisions
constitutionnelles sur deux législatures : dans un premier temps, une liste de dispositions sont déclarées
révisables, ce qui a pour effet d’entrainer une dissolution de la Chambre des représentants et du Sénat, donc
l’organisation d’élections ; dans un second temps, les nouvelles Chambres législatives sont habilitées, avec le
pouvoir exécutif, à modifier les dispositions figurant dans la déclaration de révision. De tout évidence, en
Belgique, la procédure de révision constitutionnelle a été conçue pour qu’il y soit recouru avec circonspection.
Or, depuis 1978 – qui marque l’entame du processus de réforme de l’Etat – et à la seule exception de la
législature 1985-1987, la Belgique est en période continue de révision constitutionnelle, sa Constitution ayant
subi en une trentaine d’années cent fois plus de changements que durant les cent cinquante premières années de
l’Etat belge. C’est dire que, pour le Gouvernement fédéral, il est important d’avoir la confiance d’une majorité
renforcée de parlementaires, tant au Sénat qu’à la Chambre.
3. L’opposition politique, un phénomène pluriel.
L’opposition politique n’est pas seulement une réalité. Elle est aussi un phénomène
multiforme. La notion se décline, en effet, au pluriel : il n’y a pas une opposition, mais des
oppositions6.
Opposition politique et opposition linguistique. En Belgique, il y a place également pour
une opposition linguistique. En effet, chaque assemblée parlementaire fédérale est subdivisée en un
groupe linguistique néerlandais et un groupe linguistique français. Le mode de rattachement principal
étant fondé sur le lieu d'élection des parlementaires, le premier groupe est, par la force des choses,
plus nombreux que le second. En pratique, les droits reconnus aux groupes linguistiques permettent
au groupe linguistique français, minoritaire, de garantir une protection minimale aux francophones
dans tous les domaines qui sont du ressort de la collectivité fédérale. Dans le cadre d’une vision non
tyrannique de la démocratie, il s’agit d’éviter que le groupe majoritaire profite de son poids électoral
pour imposer sa volonté au groupe minoritaire.
Ainsi, l'adoption de certaines lois fédérales est subordonnée à des majorités renforcées, fixées par
l'article 4, alinéa 3, de la Constitution. Ces lois sont dites « spéciales », étant votées selon des
modalités plus strictes que celles prévues pour l'adoption des lois ordinaires. En effet, elles
requièrent la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des assemblées
fédérales, à la condition que la majorité des membres de chaque groupe se trouve réunie et pour
autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux
tiers des suffrages exprimés. Les majorités renforcées ainsi requises rendent inévitable une
conciliation entre francophones et flamands dans les domaines qui doivent être réglés par des lois
spéciales. Généralement, il s'agit de prolonger, en les précisant et en les complétant, les
dispositions constitutionnelles relatives à l'organisation des collectivités fédérées (composition et
fonctionnement des organes, définition des attributions, fixation des moyens financiers, etc.). Les
domaines réglés par les lois spéciales sont parmi les plus étroitement liés au clivage
communautaire entre les francophones et les flamands.
Est-ce à dire que l'adoption des lois ordinaires n'affecte jamais ce clivage ? Un tel risque n'est
évidemment pas à exclure. Afin de le rencontrer, l'article 54 de la Constitution met en place une
« soupape de sécurité ». C'est la procédure dite de la « sonnette d’alarme ». Si, au sein de la Chambre
des représentants ou du Sénat, un groupe linguistique estime qu'un projet ou une proposition de loi
en discussion est de nature à porter gravement atteinte aux relations entre les communautés – en clair
F. DELPÉRÉE, « Les oppositions parlementaires : le cas belge », in L’opposition parlementaire (dir. O. ROZENBERG et E.
THIERS), Paris, La Documentation française, 2013.
6
— 30 —
Belgique
entre les francophones et les flamands –, il peut déposer sur le bureau de l'assemblée une motion
motivée, signée par les trois quarts au moins des membres du groupe. Cette motion sera alors
déférée au Conseil des ministres qui offre deux avantages : c’est un organe collégial, dont les
membres sont soudés par la solidarité ministérielle, et surtout un organe linguistiquement paritaire.
Lorsque la sonnette d’alarme est tirée, la Constitution attend du Conseil des ministres qu’il assume
une fonction de conciliation et tente de trouver une solution d'apaisement.
Jusqu’en 2010, la sonnette d’alarme n’avait été tirée qu’une seule fois, en 1985, pour un motif mineur. Elle a été
tirée une seconde fois, le 29 avril 2010, dans le contexte d’une des plus graves crises politiques qu’a jamais
connu la Belgique. A l’époque, pour l’élection de la Chambre des représentants, le découpage des
circonscriptions électorales était réalisé par le législateur fédéral à partir du découpage du territoire national en
provinces. La loi électorale aménageait toutefois une circonscription électorale particulière – la circonscription
de Bruxelles-Hal-Vilvorde (dite « BHV ») – qui échappait à la logique du découpage provincial, puisqu’elle
englobait le territoire bruxellois et une partie seulement du territoire de la province du Brabant flamand – à
savoir l’arrondissement administratif de Hal-Vilvorde –, étant ainsi à cheval sur deux régions : la Région
bruxelloise et la Région flamande. De la sorte, la loi entendait permettre aux nombreux francophones domiciliés
dans l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde de joindre leurs voix à celles des francophones domiciliés
dans la Région bruxelloise et d'éviter ainsi leur isolement. Le maintien de cette circonscription particulière a été
longtemps un des points de crispation les plus importants entre francophones et flamands7. En 2010, une
proposition de loi scindant la circonscription électorale de BHV fut adoptée par la commission de l’Intérieur de
la Chambre des représentants, majorité flamande contre majorité francophone, ce qui représentait ne première
dans l’Histoire de la Belgique. En ultime recours, les francophones n’ont eu d’autre solution que d’actionner la
sonnette d’alarme. Or, le Conseil des ministres étant démissionnaire et les assemblées fédérales étant sur le point
d’être dissoutes, le déclenchement de la sonnette d’alarme revenait, pratiquement, à reporter le processus
d’adoption de la loi à la prochaine législature, celle qui s’est ouverte à la suite des élections fédérales du 10 juin
2010.
Dans les faits, les mécanismes de conciliation évoqués ci-dessus sont utilisés, non comme des
vecteurs de dialogue, mais uniquement comme des instruments d’obstruction8. Ils procèdent donc de
l’idée de « droits-freins », selon l’expression de Nathalie Des Rosiers, qui précise que « les
conceptions enrichies de la démocratie reconnaissent que ce n’est pas seulement le calcul brut des
voix qui permet à une société d’être juste, et que les droits de la personne et la protection des
minorités doivent aussi être pris en compte »9.
Opposition politique et système fédéral. Au-delà des assemblées parlementaires fédérales,
l’éclatement de la notion d’opposition politique est lié à l’émergence du fédéralisme. La Belgique est
un Etat fédéral. Elle n'est plus seulement une « monarchie constitutionnelle et parlementaire », selon
la formule consacrée. Pour autant que de besoin, la Constitution le proclame expressément, dès
l'article 1er : « La Belgique est un Etat fédéral qui se compose des communautés et des régions ». Les
articles 2 et 3 précisent, respectivement, que la Belgique comprend trois communautés et trois
régions : la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone,
d'une part ; la Région wallonne, la Région flamande et la Région bruxelloise, d'autre part. Chaque
communauté et chaque région dispose normalement d'une assemblée législative, appelée
« parlement », et d'une autorité exécutive, dénommée « gouvernement ». Le gouvernement est élu par
le parlement, dont les membres trouvent leur légitimité dans une élection démocratique directe. Il
existe donc autant d’oppositions politiques que d’assemblées parlementaires.
Dans la logique du fédéralisme, les majorités politiques en place ne sont pas nécessairement les
mêmes aux différents niveaux de pouvoir : l’existence d’entités fédérées ne vise-t-elle pas «
précisément à permettre l’existence de majorités différenciées qui se constituent non pas en
Voy. B. BLERO, « Bruxelles-Hal-Vilvorde, couronne d’épines de l’Etat fédéral belge ? », Pouvoirs, 2011, n° 136, pp. 97123.
8 Voy. M. VERDUSSEN, « La protection des minorités linguistiques en Belgique : heurs et heurts », in La mobilisation du droit
et la protection des collectivités minoritaires (dir. E. BROUILLET et L.-P. LAMPRON), Presses de l’Université de Laval, 2013, pp.
62-63.
9 N. DES ROSIERS, « Le droit et la protection de la langue : noblesse oblige ou habilitation des minorités », Revue générale de
droit d’Ottawa, 2010, vol. 40.
7
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Belgique
fonction d’intérêts transversaux des partis politiques, mais en fonction uniquement de l’intérêt de
l’entité concernée »10 ? Une majorité politique à un niveau de pouvoir doit conjuguer avec une
opposition interne, formée au sein de l’assemblée parlementaire, et une opposition externe, celle
qui s’exerce au départ de majorités différentes dans les autres niveaux de pouvoir.
Depuis les élections du 25 mai 2014, qui furent à la fois des élections fédérales et des élections régionales et
communautaires, c’est le règne de l’asymétrie politique, les différents gouvernements étant composés de
majorités différentes. Le Gouvernement fédéral est un gouvernement de droite, composé de la Nieuw-Vlaamse
Alliantie (N-VA), du parti social-chrétien flamand, le Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V), et des partis
libéraux flamand, l'Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Open VLD), et francophone, le Mouvement
réformateur (MR). Le Gouvernement flamand est également de droite, étant formé de la N-VA, du CD&V et de
l’Open VLD. Les Gouvernements de la Région wallonne et de la Communauté française sont des coalitions
entre le Parti socialiste (PS) et le Centre démocrate humaniste (CDH). La coalition en place au sein du
Gouvernement de la Région bruxelloise regroupe également le PS et le CDH, auxquels s’ajoutent les
Fédéralistes démocrates francophones (FDF). Quant au Gouvernement de la Communauté germanophone, il
est formé de trois partis : Sozialdemokraten und sozialisten (SP), Partei für freiheit und fortschritt (PFF) et Pro
Deutschsprachigen Gemeinschaft (ProDG).
Opposition politique et système électoral. L’éclatement de l’opposition politique ne tient pas
uniquement au fédéralisme, mais aussi au système électoral. Depuis 1899, la Chambre des
représentants est élue au scrutin proportionnel, en vertu de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution.
Ce système a également été retenu pour les élections régionales et communautaires11, ainsi que
pour les élections européennes. Par définition, le scrutin proportionnel favorise une multiplication
des partis politiques au sein des assemblées parlementaires et donc une fragmentation de
l’opposition. Certes, la législation électorale impose un seuil électoral (de 5 %), mais, s’il atténue la
dynamique de fragmentation, ce seuil ne l’élimine évidemment pas, les effets directs du seuil
s’avérant « relativement limités »12.
Cela emporte deux conséquences importantes. Tout d’abord, les gouvernements sont, par la force
des choses, des gouvernements de coalition. Ensuite, à l’intérieur même de chaque assemblée
parlementaire, la notion d’opposition se décline au pluriel. Concrètement, il n’y a pas dans une
assemblée une opposition, mais des oppositions ou, pour le dire autrement, des partis
d’opposition. Ceux-ci sont parfois très éloignés l’un de l’autre sur l’échiquer politique.
Pour ne prendre qu’un exemple, à la Chambre des représentants, sous l’actuelle législature, née des élections du
25 mai 2014, l’opposition est éclatée entre neuf partis politiques, depuis le parti d’extrême gauche Parti du travail
de Belgique jusqu’au parti d’extrême droite Vlaams Belang, en passant par les partis socialistes, francophone et
flamand, les partis écologistes, francophone et flamand, le CDH, les FDF et le Parti populaire.
Parmi les partis d’opposition, une distinction doit être faites entre ceux qui réunissent les
conditions pour former un groupe politique et ceux qui ne les réunissent pas. Ces conditions sont
définies par les règlements d’assemblée, chacune pour ce qui la concerne : un minimum d’élus est
requis pour former un groupe politique, qui varie d’une assemblée à l’autre. Les parlementaires
appartenant à un groupe politique assument jouissent de prérogatives et d’avantages dont sont
privés les autres parlementaires.
On le voit, l’opposition politique n’est jamais, dans aucune assemblée parlementaire, une réalité
homogène. L’opposition est diverse et parfois très disparate, ce qui est un facteur potentiel
d’affaiblissement13.
Puisqu’il n’y a pas une opposition, il n’y a pas non plus un chef de l’opposition. Chaque groupe
politique élit son président qui le représente. Ces présidents sont autant de chefs de l’opposition,
M. UYTTENDAELE, « Stop à quelques idées reçues », La Libre Belgique, 28-29 mai 2014.
Art. 29 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 ; art. 20, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 12 janvier
1989 relative aux institutions bruxelloises ; art. 44 de la loi du 6 juillet 1990 réglant les modalités de l’élection du
Parlement de la Communauté germanophone.
12 F. ONCLIN, « L’instauration et les effets du seuil électoral de 5 % », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2009, n° 2041-2042,
p. 52.
13 Voy. Y. SUREL, op. cit., p. 120.
10
11
— 32 —
Belgique
ce qui n’exclut pas que, dans les faits, certains bénéficient d’une influence et d’une visibilité plus
importante que d’autres.
II. LES DROITS DE L’OPPOSITION POLITIQUE14
Comme il n’existe pas, en droit belge, un statut formalisé pour l’opposition politique et que,
par ailleurs, celle-ci n’a pas d’existence en tant que telle, la présente recherche s’est attachée à
explorer de façon systématique les différentes règles établissant des droits pour les parlementaires,
afin d’identifier les droits particulièrement pertinents pour les parlementaires de l’opposition
(notamment lorsque le quorum de parlementaire requis est d’un quart, d’un cinquième ou d’un tiers,
ou lorsqu’il s’agit de droits personnels des parlementaires, susceptibles d’être utilisés de façon
pertinente par les parlementaires de l’opposition).
Cette exploration systématique doit tenir compte de la nature fédérale du système
constitutionnel belge. Ainsi, la recherche s’est portée sur l’analyse comparative – « intra-belge » – du
fonctionnement des huit assemblées législatives : la Chambre des représentants, le Sénat, le
Parlement flamand, le Parlement de la Communauté française, le Parlement de la Communauté
germanophone, le Parlement de la Région wallonne, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,
l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, et enfin le Parlement de la
Commission communautaire française.
1. La légitimité des règles établissant des droits pour l’opposition politique
A l’exception des règles constitutionnelles ou des règles contenues dans les lois spéciales, les
règles établissant des droits pour l’opposition politique sont adoptées par une majorité en place. Il y a
là très certainement un paradoxe, puisque le cadre d’action de l’opposition est ainsi en partie élaboré
par la majorité. Cela étant dit, ce paradoxe est à relativiser, à partir du moment où les oppositions
politiques sont, en Belgique, variables, changeantes, différentes selon les niveaux de pouvoir et les
territoires, hétérogènes et diversifiées (elles ne se recoupent pas dans les huit assemblées législatives).
De plus, certaines règles analysées requièrent des majorités qualifiées pour leur adoption ou leur
modification.
De manière plus générale, pour juger de la légitimité des règles établissant des droits pour
l’opposition, il faudrait avoir égard aux justifications du parlementarisme, et au modèle normatif
auquel on se réfère en ce qui concerne la nature de la délibération parlementaire et de son mandat15.
Le modèle classique du parlementarisme délibératif postule que les élus débattent des
questions d’intérêt public et qu’au terme de ce débat, la proposition qui rassemble la majorité des
élus, en raison de ses qualités et de la force des arguments ayant présidés à sa présentation, soit
adoptée16. L’écart abyssal entre ce modèle normatif et la réalité du fonctionnement des assemblées
législatives de nos démocraties modernes ne doit plus être constaté. Les réactions face à cet écart
sont variables, certains considérant que les parlementaires devraient encore pouvoir exercer leur
fonction législative mais en sont empêchés par une série de facteurs qu’il conviendrait d’identifier et
de dépasser afin d’assurer une réelle délibération au sein des assemblées législatives. Une autre
réaction, que Dominique Leydet qualifie de « piège schmittien », consiste à « évaluer la discussion
publique ayant lieu dans les institutions parlementaires à partir d’un modèle de la délibération
impossible à réaliser étant donné certaines conditions structurelles de la démocratie issue du suffrage
universel ». Le piège réside en ceci que cette évaluation conduit inéluctablement « soit à rejeter sans
Deux hypothèses de recherche mériteraient d’être éprouvées scientifiquement : l’opposition est d’autant plus efficace
dans les commissions parlementaires que ses membres jouissent d’une expertise liée à la compétence de la commission ;
la longévité et l’expérience d’un parlementaire de l’opposition contribuent à son influence.
15 Voy. not. pour des réflexions générales sur la nature du mandat parlementaire et sa justification : M. VAN DER HULST,
Le mandat parlementaire – Etude comparative mondiale, Genève, Publications de l’Union interparlementaire, 2000, pp. 6-12.
16 Voy. not. les écrits des grands auteurs du parlementarisme comme Burke ou Sieyes.
14
— 33 —
Belgique
retour les institutions parlementaires, soit à renoncer à l’idée même d’un alliage entre représentation
et délibération »17. Une autre réaction acte de la quasi virtualité de la participation du parlement à la
confection des lois, tout en considérant qu’il existe toutefois des instruments et des mécanismes au
sein du régime parlementaire actuel qui permettraient aux parlementaires de participer plus
activement à la fonction législative : soit, pour les parlementaires de la majorité, en participant
directement à la confection des lois, soit, pour les parlementaires de l’opposition, en influant,
médiatement, sur la qualité et/ou le contenu des lois18.
On trouve un autre modèle de parlementarisme dans la littérature politologique
contemporaine sur la question des assemblées représentatives. Pour Dominique Leydet, certaines
données structurelles de nos démocraties – qu’il n’est pas forcément désirable de vouloir modifier –
rendent totalement inadéquat le modèle parlementaire délibératif dans lequel le parlement participe
activement à la confection législative et à la direction politique de l’Etat. Ce modèle postulerait de
façon irréaliste une triple autonomie du parlement par rapport à l’exécutif, aux électeurs et aux
intérêts organisés dans la société. Or, certaines données structurelles de nos démocraties – presque
impossibles à modifier – comme le rôle déterminant de l’exécutif, la montée en puissance de la
société civile et des partis politiques, contredisent ce postulat de triple autonomie19. Par ailleurs, ce
modèle du parlementarisme délibératif repose sur un idéal de délibération de type
« conversationnel », reposant sur une discussion dans laquelle les participants s’échangent des
arguments visant à s’entendre sur le bien commun. Or, comme l’a rappelé Max Weber, « [l]es
discours d’un député ne sont plus aujourd’hui des professions de foi personnelles, encore bien moins
des tentatives pour convaincre un adversaire de changer d’avis. Mais ce sont des déclarations
officielles d’un parti, faites ‘par la fenêtre’ en direction du pays ».20 La division en partis, et la
discipline de parti, transforme les débats parlementaires en mise en scène des positions des partis
alors que la complexité des dossiers rend presque inévitable le renforcement du rôle de l’exécutif. Les
modèles alternatifs du parlementarisme proposent de redessiner ce que peut et doit être la discussion
publique au parlement en envisageant le parlement comme occupant une situation d’intermédiaire
entre le pouvoir politique réel (gouvernement) et la population. Pour Dominique Leydet, on ne peut
envisager cette situation d’intermédiaire qu’en tenant compte la configuration de la « fenêtre » à partir
de laquelle les députés s’expriment au pays, en examinant les contours et les limites de cette fenêtre21.
Selon lui, « le rôle d’intermédiaire de l’assemblée peut se décliner en quatre fonctions » 22 .
Premièrement, il s’agit de représenter, au plan symbolique, le demos « dans sa diversité et son unité ».
Deuxièmement, il s’agit de structurer le débat public, d’organiser l’espace public dans une assemblée
représentative, notamment parce que « l’assemblée occupe toujours une place stratégique au sein
d’un système politique et d’une société d’une complexité croissante, donnant à la vie politique, aux
événements qui la ponctuent, une lisibilité qui explique, (…) que les médias s’y attachent et que les
groupes sociaux, les activistes, les intérêts, tentent régulièrement de l’utiliser comme caisse de
résonnance » 23 . Troisièmement, il s’agit d’informer le public. Dès lors que les débats sont
correctement organisés, ils favorisent la diffusion d’informations et d’arguments contrastés : « ainsi,
la contradiction est-elle instituée et non pas seulement espérée (Manin 2004, 189). En rendant le
grand public conscient de cette opposition des arguments, les débats en séance plénière peuvent
contribuer à nourrir le débat public dans la société elle-même et à favoriser le développement d’une
opinion publique informée et raisonnée »24. Quatrièmement, l’assemblée parlementaire bien organisée
devrait permettre la « justification politique des décisions ».
D. LEYDET, « Les parlementaires peuvent-ils, doivent-ils, ensemble délibérer ? », Communication donnée dans le cadre
de l’atelier « Autour de Philippe Van Parijs », Faculté de philosophie, Université Laval (Québec, Canada), 14 juin 2008 :
http://www.paviagroup.be/documents/Leydet.Laval.08.pdf, p. 6.
18 Voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, « Qu’est-ce qu’un bon parlementaire ? », Revue belge de droit constitutionnel, 2014.
19 D. LEYDET, op. cit., pp. 3-4.
20 M. WEBER, « Parlement et Gouvernement », in Œuvres politiques, 1895-1919, Paris, Albin Michel, 2004, cité par D.
LEYDET, « Les parlementaires peuvent-ils, doivent-ils, ensemble délibérer ? », op. cit., p. 5.
21 Ibid., p. 7.
22 Voy. égal. D. LEYDET (dir.), La démocratie délibérative, numéro spécial de « Philosophiques », vol 29, n° 2, automne 2002.
23 D. LEYDET, « Les parlementaires peuvent-ils, doivent-ils, ensemble délibérer ? », op. cit., p. 8.
24 Id.
17
— 34 —
Belgique
« Le débat parlementaire, dans la mesure où il permet à l’opposition de talonner la majorité et le
gouvernement, force celui-ci à justifier ses grandes décisions politiques. Les procédures formelles que
sont la période de questions, le droit d’interpellation, les journées de l’opposition sont autant de
dispositifs qui contraignent le gouvernement à donner en public des raisons justifiant ses choix. Ces
raisons seront le plus souvent contestées par l’opposition, forçant ainsi le gouvernement à les étoffer
ou à modifier sa politique si les raisons la soutenant apparaissent trop faibles, ou encore à réaffirmer
ses choix face à l’opposition, devant ainsi assumer devant le public une pleine responsabilité. En
forçant ainsi l’exercice de la justification publique des politiques, le jeu parlementaire institue une
véritable épreuve de la discussion et joue un rôle important dans la formation du jugement public sur
l’action gouvernementale. En revanche, une assemblée complaisante abdique une de ses
responsabilités les plus cruciales et affaiblit la démocratie »25.
Assumant ces quatre fonctions, le parlement fonctionnerait alors sur le « modèle des
plaideurs » : il s’agirait non pas d’organiser une « conversation, un dialogue » mais plutôt d’assurer « la
présence d’arguments contraires, s’opposant explicitement les uns aux autres »26. Dans ce contexte,
l’organisation de l’assemblée doit garantir une présentation des arguments exhaustive, une bonne
qualité des informations transmises, une « égalité procédurale des moyens dont disposent les
différentes parties », des procédures permettant la confrontation d’arguments. L’objectif est toujours
d’assurer une « forme de discussion qui contribuer à la formation raisonnée de l’opinion » en
assumant un autre postulat normatif, et en identifiant les conditions institutionnelles d’une telle
discussion27.
Notre hypothèse est que, globalement, les règles garantissant des droits pour l’opposition
apparaissent comme étant aptes à assurer, dans une certaine mesure, les quatre fonctions identifiées
par Dominique Leydet, voire à garantir, dans certains cas, une certaine influence et une participation
à la fonction législative. Les prolongements du suffrage proportionnel dans les assemblées
législatives (notamment dans les droits de nomination) et l’organisation précise des périodes de
questions, du droit d’interpellation, des motions, des séances plénières, le droit de seconde lecture et
le droit de demander l’avis de la section de législation du Conseil d’Etat forment autant de garanties
permettant d’assurer une discussion dans laquelle sont présentés des arguments contraires.
Le problème fondamental réside, au niveau fédéral, dans l’institutionnalisation de la bipolarité
de la société belge. Ainsi, l’éclatement des partis fédéraux empêche l’élaboration d’un espace public
fédéral, dans lequel la diversité de la société belge serait représentée, le débat public national
structuré, les informations et idées éventuellement « communautaristes » seraient contredites et
discutées et les choix politiques discutés de façon globale, et non au sein des deux collèges
linguistiques.28 Dans les assemblées législatives fédérées, la situation est plus contrastée ; là, le débat
public peut, potentiellement, être structuré à l’assemblée, l’information peut circuler et être discutée,
la justification politique être discutée ; l’assemblée représentant potentiellement la diversité de la
société.
2. La nature juridique des droits de l’opposition politique
Il s’agit maintenant d’analyser les garanties dont dispose l’opposition politique belge qui,
rappelons-le, ne bénéficie pas d’un statut uniforme explicite. Elle bénéficie de droits, souvent
reconnus à tous les parlementaires, mais qui peuvent simplement s’avérer plus pertinents pour les
parlementaires de l’opposition. Par ailleurs, certaines procédures lui bénéficient plus directement, dès
lors qu’elles ne nécessitent qu’un pourcentage relativement faible de parlementaires pour être mises
en œuvre. Parmi les règles garantissant directement ou indirectement des droits pour l’opposition, on
trouve d’abord des principes et des droits de nature constitutionnelle, comme le principe général
Ibid., pp. 8-9.
B. MANIN, « Délibération et discussion », Swiss Political Science Review, 2004, vol. 10, p. 190.
27 D. LEYDET, « Les parlementaires peuvent-ils, doivent-ils, ensemble délibérer ? », op. cit., pp. 14-15.
28 Ibid., p. 11.
25
26
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Belgique
constitutionnel d’égalité et de non-discrimination (articles 10, 11, 11 bis et 131). Ensuite, il est
possible d’identifier certaines règles établies dans des lois fédérales qui viennent protéger les
minorités politiques, en application des principes susmentionnés, telle la loi sur le Pacte culturel et
sur la sonnette d’alarme idéologique et philosophique. D’autres normes législatives revêtent une
importance considérable, notamment celles relatives aux enquêtes parlementaires (adoptées au niveau
fédéral et fédéré, pour chaque assemblée législative). Par ailleurs, si la loi spéciale relative à la Cour
constitutionnelle ne garantit pas de droits spécifiques pour l’opposition, les lois coordonnées sur le
Conseil d’Etat établissent elles un mécanisme particulier dans le cadre de l’examen a priori des
normes législatives. En outre, au niveau législatif fédéral et fédéré, on trouve une série de normes
visant à garantir la représentation des minorités politiques que ce soit dans une série d’organismes
publics, ou encore dans des conseils d’administrations d’organismes para communaux. Au niveau des
règlements des assemblées, on trouve un corpus important de règles qui, sans être expressément
envisagées comme des droits de l’opposition, conduisent à lui conférer une série de garanties. Enfin,
mentionnons qu’ont également existé un ensemble de coutumes paralégales sur l’implication des
minorités idéologiques et philosophiques (qui ont été interprétée comme les tendances politiques),
qui sont par la suite devenues du droit « dur » (le Pacte culturel)29.
3. La jurisprudence constitutionnelle relative aux droits de l’opposition politique
En confiant à la Cour constitutionnelle le soin d’exercer un contrôle à l’égard des lois
(fédérales), des décrets (régionaux et communautaires) et des ordonnances (régionales), l’article 142,
alinéa 2, de la Constitution lui confie la surveillance de l’ensemble des normes législatives. En
revanche, la Cour n’est pas compétente pour exercer un contrôle à l’égard des normes
réglementaires, dont la constitutionnalité relève de la compétence de la section du contentieux
administratif du Conseil d’Etat (à titre principal) et des cours et tribunaux (à titre incident). Par
ailleurs, les règlements des assemblées parlementaires échappent à tout contrôle de constitutionnalité.
La question de l’utilisation – stratégique – du recours à la justice par l’opposition politique
sera examinée plus loin. On se limite ici à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur les droits
des minorités politiques. Compte tenu de l’interprétation qui est donnée à la notion de « minorités
idéologiques et philosophique », on étend l’analyse à la jurisprudence constitutionnelle sur les droits
de ces minorités.
a. Les droits des minorités politiques
Malgré l’absence d’un recours spécifique aux mains de l’opposition 30 , la Cour
constitutionnelle a, dans trois arrêts, analysé les prétentions de parlementaires de l’opposition, qui
réclamaient l’annulation de dispositions les désavantageant ou réduisant leurs droits par rapport aux
parlementaires de la majorité. Dans ces trois décisions, la Cour a utilisé, de façon très classique, le
principe d’égalité et de non-discrimination afin d’établir si une distinction de traitement injustifiée
avait été établie en l’espèce entre membres de groupes politiques majoritaires et minoritaires, ou entre
groupes politiques minoritaires, quod non en l’espèce.
Dans un arrêt n° 30/90, rendu le 9 octobre 1990, la Cour constitutionnelle a examiné le
recours en annulation introduit contre l’article 10bis de la loi spéciale relative aux institutions
bruxelloises, qui prévoyait un régime de suppléance pour les membres du Parlement de la Région de
Bruxelles-Capitale qui sont élus membres du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ou
secrétaire d'Etat régional. Ce régime disposait, en substance, que les suppléants – élus sur les listes
des membres du Gouvernement ou du secrétaire d’Etat – faisaient partie intégrante du Parlement et
se voyaient appliquer les dispositions relatives aux membres effectifs. Par ailleurs, ils siégeaient avec
voix consultative dans les assemblées plénières du Parlement, au bureau et dans les groupes
29 H. DUMONT, Le pluralisme idéologique et l’autonomie culturelle en droit public belge, de 1970 à nos jours, Bruxelles, Bruylant,
Presses de l’Université Saint-Louis, 1994.
30 Voy. infra.
— 36 —
Belgique
linguistiques de l’assemblée réunie. Ils avaient en outre voix délibérative, notamment dans le
fonctionnement des commissions parlementaires, à l’exclusion, évidemment, du droit de vote du
membre effectif qu’ils remplaçaient.
Etant donné que la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle ne prévoit pas explicitement la
recevabilité des recours intentés individuellement par des membres de l’opposition, les juges ont du
d’abord se prononcer sur la recevabilité du recours en annulation introduit devant elle. Ils
considèrent à ce sujet que puisque l’article 2, 3°, de la loi spéciale prévoit l’introduction d’un recours
en annulation « par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs
membres », « [i]l en résulte qu'un membre individuel d'une assemblée législative ne pourrait invoquer
un intérêt fonctionnel lui permettant d'introduire un recours en annulation en vue de la sauvegarde
des prérogatives de l'assemblée législative dont il fait partie ». Il n’existe donc pas d’intérêt
fonctionnel pour un membre de l’opposition à agir. Cependant, la Cour précise que l'article 2, 3°,
« n'exclut cependant pas qu'un membre d'une assemblée législative introduise un recours s'il est
personnellement susceptible d'être affecté directement et de manière défavorable dans sa situation
par la norme incriminée » 31 . Selon les juges constitutionnels, la requête présentée devant eux
« n’apporte aucun élément de nature à faire apparaître que le requérant, en tant que membre de
l'opposition, serait personnellement affecté dans sa situation, de manière directe et défavorable, par la
disposition attaquée »32. Pour le requérant, il y avait pourtant dans le nouveau régime de suppléance
une distinction de traitement injustifiée, qui lui portait personnellement préjudice. Il considérait qu’il
possédait dès lors un intérêt manifeste à l’annulation de la disposition33.
Dans un arrêt n° 83/97, rendu le 17 décembre 1997, concernant une ordonnance de la
Région de Bruxelles-Capitale34, la requête avait été introduite par un mandataire communal « Vlaams
Blok » siégeant au conseil communal de Molenbeek-Saint-Jean, et qui était, par ailleurs, le seul
représentant néerlandophone. Son groupe politique n’était pas représenté au collège des
bourgmestres et échevins. L’ordonnance bruxelloise attaquée modifiait une ordonnance antérieure
qui réglementait la représentation des groupes politiques d’opposition dans les sociétés de logement
social et qui disposait, en son article 13, qu'une représentation avec voix consultative dans le conseil
d'administration des sociétés immobilières de service public était attribuée aux groupes politiques
siégeant au conseil communal et non représentés au collège des bourgmestres et échevins, c’est-àdire à l’opposition au niveau communal. Cette ordonnance originaire visait, de l’aveu de la Cour
constitutionnelle, à « accorder aux minorités politiques au conseil communal un droit de contrôle en
leur garantissant une participation avec voix consultative aux réunions du conseil d'administration »
et « à contribuer à la lutte contre la politisation de l'attribution des logements sociaux. Le système
garantissait en outre que tous les groupes linguistiques représentés au conseil communal soient
associés à la gestion des sociétés immobilières de service public »35.
Pour la Cour constitutionnelle, « la disposition attaquée réduit cette représentation. En effet
désormais, la représentation est entre autre limitée à deux membres et ne vaut que pour autant que le
conseil d'administration n'ait pas encore d'administrateur appartenant à un groupe minoritaire au
conseil communal. Par ailleurs, désormais, les représentants en question sont choisis par l'assemblée
générale de la société immobilière de service public sur une liste de quatre candidats établie par le
C.C., arrêt n°30/90 du 9 octobre 1990, B.3.1.
Ibid., B.3.2.
33 Pour le requérant, son intérêt résultait principalement de la perte de poids politique qu’entraînait ladite législation : «
B.3.4. (…) Au lieu d'être un des 83 conseillers régionaux bruxellois, il deviendrait un des 75 membres de cette assemblée
et son poids politique serait augmenté en conséquence; En séance publique, comme en commission, il sera contredit par
huit personnes de moins, en conséquence de quoi les propositions d'ordonnances qu'il a déposées augmenteront leurs
chances d'être adoptées; Ses adversaires perdront une partie des traitements qu'ils percevaient jusque-là car certains
suppléants le sont de ministres ou de secrétaires d'Etat qui sont par ailleurs parlementaires nationaux, ce qui les prive
d'indemnité en tant que membres du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. En conséquence, le requérant augmente
ses chances de réélection dans la mesure où les fonds électoraux de ses adversaires se trouveront affectés par l'annulation
postulée ».
34 Il s’agissait d’une ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 février 1997 modifiant l'ordonnance du 9
septembre 1993 portant modification du Code du logement pour la Région de Bruxelles-Capitale et relative au secteur du
logement social
35 C.C., arrêt n° 83/97 du 17 décembre 1997, B.6.2.
31
32
— 37 —
Belgique
conseil communal sur la proposition des groupes au conseil communal qui ne sont pas représentés
au collège des bourgmestres et échevins. L’objectif de cette disposition était d’éviter que « les conseils
d'administration des sociétés immobilières de service public ne soient confrontés, dans le système
précédent, à un nombre relativement important de représentants de groupes minoritaires, ce qui était
de nature à compromettre l'efficacité du fonctionnement des conseils d'administration des sociétés
immobilières »36.
Il est tout à fait intéressant de constater que la Cour n’exclut cette fois pas que les règles qui
désavantagent la minorité politique puissent effectivement affecter directement et défavorablement le
requérant, sauf pour un moyen invoqué de façon peu motivée dans le cadre du recours en
suspension37. Elle ne soulève en effet aucune objection sur la question de l’intérêt à agir du requérant
dans le cadre du jugement rendu sur le recours en annulation.38
N’écartant donc pas l’intérêt à agir du requérant, membre de l’opposition communale, la
Cour analyse, sous l’angle du principe d’égalité et de non-discrimination, la mesure, qui visait à
concilier contrôle politique et représentation des minorités politiques du conseil communal et
efficacité des sociétés de gestion des logements sociaux. Si la Cour admet que pareille mesure établit
une distinction de traitement entre différents membres de l’opposition politique, puisque certains
avaient accès aux conseils d’administration des sociétés de logement social, quand d’autres non, elle
considère cependant que les moyens invoqués ne sont pas suffisamment sérieux pour prononcer une
suspension39 avant d’estimer, dans son arrêt d’annulation, que les distinctions de traitement instaurées
ne créent pas de discrimination40. Dans cet arrêt, la Cour identifie trois distinctions de traitement
dans la législation incriminées. La première distinction concerne le fait qu’une représentation de
groupes minoritaires au conseil d'administration n'est garantie qu'au cas où la commune et/ou son
centre public d'aide sociale disposent de la majorité dans ce conseil. La deuxième distinction est
induite du fait que des groupes minoritaires des groupes minoritaires au conseil communal ne
peuvent être représentés avec voix consultative au conseil d'administration de sociétés immobilières
de service public que lorsque le conseil d'administration ne compte aucun administrateur appartenant
à de tels groupes. Enfin, la troisième distinction découle de ce que « dans les autres cas, au maximum
deux membres appartenant aux groupes minoritaires siègent avec voix consultative au conseil
d'administration de la société immobilière de service public. Cette disposition ne garantit pas que
tous les groupes minoritaires soient représentés au conseil d'administration et elle empêche que tous
les groupes minoritaires soient représentés lorsqu'ils sont plus de deux »41. Pour la Cour cependant,
ces trois distinctions de traitement entre représentants de la majorité et de l’opposition sont
proportionnées et respectent les objectifs de la mesure. La Cour considère notamment que les
membres d’un groupe minoritaire ne bénéficiant pas d’une représentation au conseil d’administration
disposent déjà du droit à la publicité passive garanti par la législation relative à la publicité de
l’administration ou celle relative au contrôle sur le fonctionnement de sociétés immobilières de
services publics ainsi que des droits reconnus à l’article 84 de la nouvelle loi communale42 ?.
b. Les droits des minorités idéologiques et philosophiques
En dehors de ces trois affaires relatives à des distinctions de traitement établies entre
parlementaires de la majorité et de l’opposition, la Cour constitutionnelle a eu l’occasion de se
prononcer dans le cadre d’un recours à l’encontre de la loi dite « du Pacte culturel » (loi fédérale qui a
pour objectif de protéger activement les minorités idéologiques et philosophiques – en clair : les
tendances politiques bénéficiant d’une représentation parlementaire – dans le domaine culturel et des
médias), sur la délicate question de la comptabilité des mesures de discrimination positive favorisant
la protection collective des minorités politiques avec l’interdiction générale de discrimination.
Id.
Voy. l’arrêt de suspension : C.C., arrêt 83/97 du 17 décembre 1997, B.2.2.
38 C.C., arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998, B.1.1.
39 C.C., arrêt n° 83/97 du 17 décembre 1997, B.6.6.
40 C.C., arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998.
41 C.C., arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998, B.4.4.
42 C.C., arrêt n° 95/98 du 16 septembre 1998.
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37
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Belgique
La loi sur le Pacte culturel établit d’importantes garanties dans le domaine des médias et de la
culture pour les minorités politiques. La loi vise, en effet, à assurer une représentation équilibrée des
différentes tendances idéologiques et philosophiques dans le domaine culturel, ces dernières
tendances ayant été interprétées comme recouvrant les tendances politiques démocratiques
représentées au parlement. Afin de garantir cette représentation équilibrée des tendances, le dispositif
de la loi de 1973 prévoit qu’au sein des organismes culturels publics, et notamment des médias, les
« moyens et influences soient répartis entre les différentes tendances – à l’exception des tendances
liberticides –, et ce, en proportion de leur représentativité parlementaire respective »43. Selon ce
dispositif, le personnel lui-même, au sein des institutions culturelles et relevant des médias, devait
être représentatif des différentes tendances.
La Cour constitutionnelle a eu donc à analyser la délicate question de la discrimination entre
personnes privées instituée par un dispositif visant à protéger les minorités idéologiques et
philosophiques par l’octroi de droits à ces minorités. Au sujet de ce dernier mécanisme, la Cour
établit que :
« S’il est légitime de veiller à des équilibres, le législateur manque au principe de proportionnalité en recourant,
pour atteindre cet objectif, à un système qui impose à l’autorité de déroger au principe d’égalité en considération
des convictions personnelles. Il en est ainsi d’autant plus que le système impose, sur le plan des principes, un
sacrifice certain pour un avantage qui reste conjectural. Ce n’est pas encourager chaque agent à exercer ses
fonctions avec impartialité que de rendre officielle la tendance qu’il est incité à déclarer et d’attacher à celle-ci
des conséquences sur le plan de la carrière. Enfin, la loi n’indique même pas de limite à la mesure dans laquelle il
peut être dérogé à l’égalité en faveur des normes de répartition qu’elle lui oppose »44.
Dans cet arrêt, la Cour remet donc fondamentalement en question un pan entier de la
protection collective spécifique des minorités idéologiques et philosophiques prévue par l’article 11 et
131 de la Constitution, tels que concrétisés dans la loi sur le Pacte culturel, en obligeant les agents des
organismes publics dans le domaine culturel et des médias à afficher une tendance et en veillant de
manière générale à ce qu’un équilibre existe entre toutes ces tendances. Au-delà de l’annulation de
cette disposition, cependant, force est de constater que les autres mécanismes de protection des
minorités idéologiques et philosophiques restent tout à fait d’application.
4. Les droits garantis dans les institutions
Divers droits sont reconnus pour l’opposition politique, tant au niveau des parlements
fédérés qu’au niveau du Parlement fédéral.
a. Les droits spécifiques pour les « oppositions » idéologiques et philosophiques
Une procédure spécifique est organisée pour protéger les minorités idéologiques et
philosophiques. En vertu de l’article 131 de la Constitution, la loi fédérale arrête les mesures visant à
prévenir toute discrimination pour des motifs idéologiques ou philosophiques. En application de
cette dernière disposition constitutionnelle, la loi du 3 juillet 197145 établit qu’au sein des parlements
communautaires, « une motion motivée, signée par le quart au moins des membres d'un conseil
culturel et introduite après le dépôt du rapport et avant le vote final en séance publique, peut déclarer
que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de décret qu'elle désigne et dont ce conseil
43 B. RENAULD et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le principe d’égalité et de non-discrimination », in Les droits
constitutionnels en Belgique – Les enseignements jurisprudentiels de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation
(dir. M. VERDUSSEN et N. BONBLED), Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 560.
44 C.C., arrêt n° 65/93 du 15 juillet 1993, B.5. Sur cet arrêt, voy. not. H. DUMONT et X. DELGRANGE, « La loi du Pacte
culturel et la directive de l’équilibre idéologique et philosophique dans les nominations : sagesse ou monstruosité », Journal
des tribunaux, 1994, pp. 2-12.
45 Art. 4 à 6 de la loi du 3 juillet 1971 relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes
linguistiques et portant diverses dispositions relatives aux conseils culturels pour la Communauté culturelle française et
pour la Communauté culturelle néerlandaise (Mon. b., 6 juillet 1971).
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Belgique
culturel se trouve saisi, contiennent une discrimination pour des raisons idéologiques et
philosophiques ». La motion est d’abord examinée, en ce qui concerne sa recevabilité, par les
présidents des Chambres législatives et des deux conseils culturels. Ensuite, les Chambres fédérales
statuent sur la motion quant au fond. Les dispositions visées par la motion ne peuvent être
réexaminées par le conseil culturel que lorsque chacune des deux Chambres a déclaré la motion non
fondée. Cette « sonnette d’alarme idéologique et philosophique » existe au sein du Parlement
flamand, du Parlement de la Communauté française et du Parlement de la Communauté
germanophone. Elle est réglée, en ce qui concerne les détails de la procédure, dans le règlement de
l’assemblée concernée46.
b. Le contrôle du gouvernement
Les questions orales et écrites. Les questions orales et écrites font l’objet de dispositions
dans les règlements des assemblées parlementaires. C’est ainsi que le règlement de la Chambre des
représentants prévoit explicitement que les membres de l’opposition ont le droit à ce que le président
de la Chambre « donne la parole alternativement à l’opposition et à la majorité »47. Le règlement du
Parlement de la Communauté française prévoit que « l'ordre de la mise aux voix des questions posées
doit se faire en sorte que toutes les opinions puissent s'exprimer »48. En ce qui concerne le Parlement
de la Région wallonne, il est prévu que « le nombre de questions d’actualité est réparti
proportionnellement à l’importance de chaque groupe politique reconnu. Lorsqu’il s’avère qu’un
groupe n’a pas déposé toutes les questions auxquelles il a droit, il est loisible aux autres groupes de
développer les questions qu’ils auraient déposées de surcroît. Ces dernières sont acceptées dans
l’ordre chronologique de leur dépôt »49. Les différents règlements parlementaires règlent en détail
l’organisation des questions orales et les conditions de leur présentation et de la réponse qu’elles
appellent50.
Les interpellations. Le droit d’interpellation du gouvernement est particulièrement
pertinent pour les parlementaires appartenant à l’opposition. En ce qui concerne la Chambre des
représentants, l’urgence d’une telle interpellation peut être demandée par un cinquième des membres
de l’assemblée51. Ce droit d’interpellation vaut tant en commission52 qu’en séance plénière53. En ce
qui concerne la séance plénière, dès lors qu’un des membres de la conférence des présidents,
représentant au moins un cinquième des membres de la Chambre le propose, la conférence des
présidents décide de porter directement à l’ordre du jour de la séance plénière les interpellations
présentant un intérêt général ou politique particulier54. Un tel droit d’interpellation n’est pas organisé
au Sénat, dont on sait que les compétences ont été considérablement amoindries lors de la Sixième
réforme de l’Etat. Au Parlement flamand, les interpellations sont organisées de telle manière que
chaque groupe politique puisse avoir la parole dans le débat qui suit l’interpellation55. Par ailleurs, le
règlement du Parlement flamand insiste sur le caractère personnel du droit à l’interpellation56 et
prévoit que c’est le bureau élargi qui se prononce pour les interpellations portant sur des questions
urgentes. Le règlement du Parlement de la Communauté française ne prévoit ni procédure d’urgence
46 Art. 74, Règl. du Parlement flamand ; art. 53, Règl. du Parlement de la Communauté française ; art. 45, Règl. du
Parlement de la Communauté germanophone.
47 Art. 124, 4°, Règl. du Parlement de la Communauté française.
48 Art. 49, 1°, Règl. du Parlement de la Communauté française.
49 Art. 137, 2°, Règl. du Parlement de la Région wallonne.
50 Art. 39, 67 et 68, Règl. du Sénat ; art. 80 et 81, Règl. du Parlement de la Communauté française ; art. 105 et s., Règl. du
Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune ; art.
101 et s., Règl. du Parlement flamand.
51 Art. 130, 8° et 9°, Règl. de la Chambre des représentants.
52 Art. 132, Règl. de la Chambre des représentants.
53 Art. 131, Règl. de la Chambre des représentants.
54 Art. 41, 5°, Règl. de la Chambre des représentants.
55 Art. 86, 8°, Règl. du Parlement flamand.
56 Art. 86, 11°, Règl. du Parlement flamand
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Belgique
ni organisation des débats qui suivent les interpellations57. En ce qui concerne le Parlement de la
Région wallonne, il règle plus strictement les temps de parole respectifs du Gouvernement et des
parlementaires58.
Les motions. Les parlementaires disposent, en Belgique, du droit de déposer des motions à
l’encontre du gouvernement, dans le cadre d’un système de « parlementarisme rationalisé » inspiré du
modèle allemand.
Au niveau fédéral, ce sont les articles 46 et 96 de la Constitution qui trouvent à s’appliquer.
L’article 46 prévoit la dissolution de la Chambre des représentants en cas de rejet d’une motion de
confiance au Gouvernement fédéral sans proposition de nomination d’un successeur, alors que
l’article 96 prévoit que le Gouvernement fédéral remet sa démission au Roi si la Chambre, « à la
majorité absolue de ses membres », adopte une motion de méfiance proposant au Roi la nomination
d’un successeur au Premier ministre ou propose dans les trois jours ce successeur. L’article 133 du
règlement de la Chambre des représentants distingue entre les motions déposées en conclusion d’un
débat « sur une déclaration que le Gouvernement fait à l’occasion de sa formation, d’une
modification de son programme ou d’une modification de sa composition, ou d’un débat sur une
communication du Gouvernement à laquelle celui-ci lie la confiance » et les motions déposées en
conclusion d’un débat relatif à une interpellation. Dans la première configuration, les parlementaires
peuvent déposer une motion de méfiance constructive ou une motion de méfiance. Dans la
deuxième configuration, les parlementaires ont le choix entre quatre options : le dépôt d’une motion
pure et simple, d’une motion de méfiance constructive, d’une motion de méfiance ou d’une motion
de recommandation.
La motion pure et simple est une motion qui vise uniquement à passer à l’ordre du jour59. La motion de
méfiance constructive est une motion est « par laquelle la Chambre retire sa confiance au Gouvernement et
propose simultanément au Roi la nomination d’un successeur au premier ministre »60. Elle, doit, pour être
recevable, être « appuyée par un tiers des membres de la Chambre ». Elle est adoptée à la majorité absolue des
membres de la Chambre. Cette motion « a la priorité de droit sur la motion de méfiance et la motion de
recommandation »61. La motion de méfiance est « une motion par laquelle la Chambre retire sa confiance à un
membre du Gouvernement ou au Gouvernement, sans présenter simultanément un successeur au premier
ministre »62. Cette motion a priorité sur la motion de recommandation. Elle doit être adoptée à la majorité
absolue des membres. Dès lors que la motion est dirigée contre le Gouvernement, le Roi peut dissoudre la
Chambre. La motion de recommandation est « une motion motivée qui est déposée en conclusion d’un débat
sur une interpellation et par laquelle la Chambre ne se prononce ni sur la confiance ni sur la méfiance à l’égard
du Gouvernement ou d’un membre de celui-ci ».63 Le Roi peut dissoudre la Chambre si la motion était dirigée
contre le Gouvernement. En outre, dans le cas où une motion de confiance proposée par le Gouvernement est
rejetée par la Chambre, les parlementaires peuvent proposer une motion de présentation. Celle-ci est « une
motion par laquelle la Chambre propose au Roi la nomination d’un successeur au premier ministre. » Cette
notion ne peut être déposée qu’après qu’une motion de confiance à l’égard du Gouvernement a été rejetée à la
majorité absolue des membres de la Chambre, mais doit être déposée en temps utile pour permettre le vote dans
le délai de trois jours à compter du jour du rejet de la motion de confiance »64.
Le système des motions de méfiance constructive et des questions de confiance est également
présent dans les parlements des entités fédérées. N’existe cependant pas à ce niveau le système des
motions de méfiance simple. L’article 71 de la loi spéciale de réformes institutionnelles, s’inspirant de
l’article 67 de la Loi fondamentale allemande, prévoit que les assemblées législatives des collectivités
fédérées peuvent « à tout moment, adopter une motion de méfiance constructive à l’égard du
gouvernement ou d’un ou plusieurs de ses membres » mais que cette motion, adoptée à la majorité
absolue, n’est recevable que « si elle présente un successeur au gouvernement, à un ou plusieurs de
Art. 76, Règl. du Parlement de la Communauté française.
Art. 133, Règl. du Parlement de la Région wallonne.
59 Art. 134, Règl. de la Chambre des représentants.
60 Art. 137, Règl. de la Chambre des représentants.
61 Art. 136, Règl. de la Chambre des représentants.
62 Art. 138, Règl. de la Chambre des représentants.
63 Art. 139, Règl. de la Chambre des représentants.
64 Art. 136, Règl. de la Chambre des représentants.
57
58
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Belgique
ses membres, selon le cas ». L’article 72 établit quant à lui l’existence de la question de la confiance,
qui n’est accordée que si « la majorité des membres du parlement » y souscrit. En ce qui concerne le
Parlement de la Région wallonne, l’opposition politique, dès lors qu’elle réunit huit parlementaires, a
le droit de déposer une motion de méfiance présentant un successeur au Gouvernement de la Région
wallonne ou à l’un de ses membres65. En ce qui concerne le Parlement flamand, chaque parlementaire
peut introduire une motion de méfiance, dans quatre situations identifiées. En ce qui concerne les
motions introduites en clôture d’un débat d’actualité, elles ne peuvent être signées que par un
nombre de parlementaires correspondant au nombre de groupes politiques existant au Parlement
flamand66. Elle est adoptée à la majorité simple. Au Parlement de la Communauté française, la
motion de méfiance n’est recevable que si elle est signée par dix députés et si elle présente un
successeur au Gouvernement ou, selon le cas, à un ou plusieurs de ses membres67. Pour le Parlement
de la Région de Bruxelles-Capitale, une motion de méfiance visant l’ensemble du Gouvernement ne
peut aboutir que si elle recueille les voix d’une majorité des membres du Parlement et une majorité
dans chaque groupe linguistique, et ce en vertru de l’article 36 de la loi spéciale relative aux
institutions bruxelloises.
c. Les compétences autonomes
Les droits de nomination. Les différents règlements des assemblées parlementaires
garantissent à l’opposition une présence dans certains organes. De manière générale, l’article 158 du
règlement de la Chambre des représentants prévoit que « les nominations auxquelles la Chambre est
appelée à procéder parmi ses membres se font à la représentation proportionnelle des groupes
politiques. Cette représentation proportionnelle des groupes politiques est fixée sur la base du
nombre de sièges obtenus par ces mêmes groupes après chaque élection de la Chambre des
représentants. La Chambre détermine, sur proposition du bureau, le nombre de places à attribuer à
chaque groupe politique dans chaque cas ». Cette disposition instaure le principe de droits de
nomination de l’opposition, proportionnellement à son poids électoral. Ce principe d’une
représentation proportionnelle est également applicable pour la formation du bureau, qui dispose de
compétences étendues dans l’organisation des travaux de la Chambre. En effet, l’article 3 du
règlement de la Chambre prévoit que « la Chambre procède, conformément à l’article 158-1,
première phrase, et sur proposition des groupes politiques, à la nomination des vice-présidents et des
membres du bureau visés à l’alinéa 1er, c, étant entendu que la présidence est prise en compte pour
l’attribution de ces fonctions selon la règle de la représentation proportionnelle des groupes
politiques et qu’il est procédé à autant de nominations qu’il est nécessaire pour que chaque groupe
politique d’au moins douze membres compte au moins un membre au sein du bureau », étant
entendu que le bureau est complété « par un membre associé par groupe politique qui compte moins
de douze membres et qui n’a pas de membre du bureau visé » par le paragraphe précédent. On
trouve une disposition similaire dans le règlement du Sénat. Son article 77 établit que, sauf
disposition contraire, « les nominations auxquelles le Sénat est appelé à procéder parmi ses membres
se font à la représentation proportionnelle des groupes politiques ». Ceci implique que « (…) le
nombre de mandats revenant à chaque groupe est établi par le Sénat, sur proposition du bureau, qui
fait application de l’article 167 du Code électoral, en considérant comme chiffre électoral de chaque
groupe, le nombre de membres dont celui-ci se compose ». Au niveau des entités fédérées, cette idée
d’une représentation proportionnelle figure également dans les règlements des différentes assemblées
législatives68 et concerne notamment la formation du bureau69.
Art. 128, Règl. du Parlement de la Région wallonne.
Art. 89, Règl. du Parlement flamand.
67 Art. 84, Règl. du Parlement de la Communauté française.
68 Art. 21-3 et 22, Règl. du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et de l’Assemblée réunie de la Commission
communautaire commune; Art. 14, Règl. du Parlement de la Commission communautaire française ; Art. 10, 1°, Règl. du
Parlement flamand ; art. 15-2, Règl. du Parlement de la Communauté française.
69 Art. 3, Règl. Communauté française ; art. 5, Règl. du Parlement de la Région wallonne.
65
66
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Belgique
Le droit d’enquête parlementaire. Le droit d’enquête parlementaire est assurément un
instrument important pour l’opposition, car il permet à celle-ci d’exercer de façon informée ses droits
en matière de contrôle politique du gouvernement, mais également en matière d’initiative législative70.
Les commissions d’enquête ont en effet été conçues en Belgique comme poursuivant le double
objectif d’un contrôle politique effectif du gouvernement et du recueil d’informations permettant
l’exercice de la fonction législative71. Elles se situent par ailleurs « à la frontière des techniques de
contrôle politique et de contrôle juridictionnel »72. La section de législation du Conseil d’Etat a
précisé que « l’enquête doit fournir à la Chambre concernée des informations au sujet de tous faits
éléments ou situations qu’elle juge nécessaires afin de pouvoir, par la voie législative, résoudre des
problèmes de société et améliorer le fonctionnement des pouvoirs publics. Une information précise
est tout aussi nécessaire en vue de l’exercice efficace et correct du droit de contrôle parlementaire sur
les ministres»73.
Au niveau fédéral, le droit d’enquête parlementaire est consacré à l’article 56 de la
Constitution, modifié le 6 janvier 2014, et organisé par une loi du 3 mai 1880, elle-même modifiée le
30 juin 1996 et le 6 janvier 2014. Les modifications de 2014 entendent retirer au Sénat le droit
d’enquête, de telle sorte que ce droit n’appartient plus qu’à la Chambre des représentants. Au niveau
des collectivités fédérées, l’article 40 de la loi spéciale de réformes institutionnelles prévoit sobrement
que chaque parlement « a le droit d'enquête »74. Des initiatives législatives ont été prises dans chaque
entité fédérée pour organiser le droit d’enquête75.
Ces diverses législations consacrent une série de droits pertinents pour l’opposition. Ces droits auraient été
encore renforcés si la constitution d’une commission d’enquête avait pu être demandée par un tiers au moins des
membres de la Chambre des représentants ou du Sénat. La section de législation du Conseil d’Etat a cependant considéré
qu’une résolution d’une assemblée législative ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue, conformément à l’article 53
de la Constitution, et que les seules exceptions à cette règle ne concernent que des « élections » et « présentations »76. Ce
refus a suscité un débat doctrinal, certains auteurs considérant qu’une résolution visant à constituer une commission
d’enquête parlementaire devrait pouvoir être adoptée par un tiers seulement des membres de l’assemblée77. L’opposition
se voit par contre garantir une représentation proportionnelle dans les commissions d’enquête : l’article 3, alinéa 1er, de la
loi fédérale relative aux enquêtes parlementaires prévoit que « la commission est constituée et elle délibère conformément
aux règles établies par la Chambre », qu’on trouve à l’article 158, 1°, du règlement de la Chambre. Cependant, comme le
soulignent Nicolas Lagasse et Xavier Baeselen « l’application de ce principe donne des résultat très différents selon que le
nombre de commissaires est, ou non, important »78. En effet, dans le cas de commissions composées de quelques
membres seulement, seuls les groupes politiques les plus importants sont représentés. Par ailleurs, le huis clos lors des
réunions des commissions d’enquête ne peut être adopté qu’à la majorité des deux tiers des suffrages, ce qui implique que
70 Pour un aperçu complet de la littérature sur le droit d’enquête parlementaire en droit belge, voy. M. UYTTENDAELE,
Trente leçons de droit constitutionnel, Bruxelles, Bruylant, Limal, Anthemis, 2014, p. 399, note 38.
71 F. DELPÉRÉE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J., 2000, pp. 809-811 ; N. LAGASSE et
X. BAESELEN, Le droit d’enquête parlementaire, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 5 ; M. UYTTENDAELE, Trente leçons de droit
constitutionnel, op. cit., pp. 399-400.
72 M. UYTTENDAELE, Trente leçons de droit constitutionnel, op. cit., p. 394.
73 Avis de la section de législation du Conseil d’Etat, Doc. parl., Ch. repr., n° 675/2, sess. ord. 1988-1989, p. 18.
74 Voy. égal. l’art. 28 de la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises et l’art. 44, al. 1er, de la loi de réformes
institutionnelles pour la Communauté germanophone.
75 Décret de la Communauté française du 12 juin 1981 fixant la procédure d’enquête adoptée par le Parlement de la
Communauté française (Mon. b., 9 septembre 1981), modifié par un décret du 16 mars 2000 (Mon. b., 30 mars 2000) ;
décret de la Région wallonne du 15 septembre 1982 relatif aux enquêtes parlementaires (Mon. b., 22 janvier 1983) ; décret
e la Communauté germanophone du 17 janvier 1994 fixant le fonctionnement des commissions d'enquête instituées au
sein du Conseil de la Communauté germanophone (Mon. b., 16 mars 1994) ; ordonnance de la Région bruxelloise du 19
juillet 2001 relative aux enquêtes parlementaires (Mon. b., 28 novembre 2001) ; décret flamand portant organisation de
l’enquête parlementaire du 1er mars 2002 (Mon. b., 7 mai 2002) .
76 Voy. D. DE BRUYN, « L’actualité des enquêtes parlementaires fédérales », Journal des tribunaux, 1997, p. 629.
77 R. HENRION, « Enquêtes parlementaires et démocratie », Bulletin, 1992, n° 3-4, p. 120 ; F. DEHOUSSE, « Problèmes
d’actualité », Annales de droit de Liège, 1987, p. 450.
78 N. LAGASSE et X. BAESELEN, op. cit., pp. 44-45. Dans le cas de commissions composées de quelques membres
seulement, seuls les groupes politiques les plus importants sont représentés.
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Belgique
l’opposition dispose d’un droit de blocage en cas de proposition de huis clos79. Par ailleurs, même en cas de huis clos, la
loi fédérale établit, en son article 3, alinéa 2, que tout membre de l’assemblée « a le droit d'assister à l'enquête de la
commission, à moins que la Chambre ou la commission ne décident le contraire ». De plus, chaque membre de la
commission d’enquête peut consulter les dossiers judiciaires et administratifs, rapports et notes dont la commission
dispose80. Enfin, la pratique montre qu’ eu égard « à l’enjeu politique important » il n’est pas rare de constater que « le
plus souvent, plusieurs rapporteurs sont désignés ». Lors de la commission d’enquête relative à l’affaire Fortis, par
exemple, la commission a nommé trois co-rapporteurs : deux émanant de partis de la majorité, un de l’opposition81.
Cependant, contrairement à d’autres assemblées législatives, il n’est pas d’usage en Belgique que le rapport exprime l’avis
d’une minorité82.
d. Les droits relatifs à la confection législative
En droit constitutionnel et parlementaire belge, l’opposition dispose d’outils permettant
d’influencer, à tout le moins indirectement la production législative.
Le droit d’initiative. Au niveau fédéral, en vertu de l’article 75, alinéa 1er, de la Constitution,
les parlementaires de l’opposition disposent, comme les parlementaires appartenant à la majorité, du
droit d’initiative. Ils peuvent donc déposer des propositions de lois, ainsi que – on y reviendra – des
amendements aux projets et propositions en cours d’examen. Compte tenu des compétences plus
limitées du Sénat, depuis la Sixième réforme de l’Etat intervenue en 2014, le droit d’initiative des
parlementaires de l’opposition est surtout utilisé au sein de la Chambre des représentants. Est-il
besoin d’ajouter que le droit d’initiative est également reconnu aux membres des assemblées des
entités fédérées.
Un déséquilibre est manifeste, en droit belge, entre les initiatives législatives provenant du
gouvernement (qui participe à la fonction législative) et les initiatives purement parlementaires (dont
une partie substantielle provient de l’opposition). Selon le professeur Francis Delpérée, puisque
l’antagonisme gouvernement–parlement a largement été supplanté par celle entre oppositionmajorité, les propositions de loi émanant de parlementaires, tant de la majorité que de l’opposition,
n’ont en réalité presque aucune chance d’aboutir83. Numériquement, les projets de loi sont bien plus
nombreux que les propositions de loi84. Certaines propositions de lois émanant des parlementaires
appartenant à la majorité politique sont rédigées par les cabinets ministériels85, cette méthode du
ghostwriter86 étant parfois assumée explicitement87. A l’inverse des parlementaires de l’opposition, les
parlementaires de la majorité n’ont souvent « d’autre choix que d’accepter ce que le gouvernement
propose (…) la stabililité gouvernementale exige donc des groupes de la majorité une discipline
stricte et permanente »88. Par ailleurs, d’autres propositions de loi, parfois émanant de parlementaires
de l’opposition, constituent en réalité l’exécution d’un accord politique regroupant les partis de la
majorité et ceux de l’opposition. Ainsi, les documents relatifs à la Sixième réforme de l’Etat, rédigés
par le Comité de mise en œuvre de réformes institutionnelles (Comori), furent parfois déposés au
Dans la pratique toutefois, le huis clos est généralisé, notamment pour permettre aux témoins de citer des noms sans
publicité. Voy. M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, Courtrai, UGA, 2011, p. 467.
80 Art. 7-1, Règl. d’ordre intérieur des commissions d’enquête de la Chambre des représentants.
81 M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 475, note 2416.
82 Ibid., p. 475. L’auteur cite une exception, dans le cas d’un rapport complémentaire au rapport Fortis précité (ibid., note
2417).
83 F. DELPÉRÉE, Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit., p. 787.
84 Même s’il est malaisé de mesurer l’ampleur du phénomène. Voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit. Voy. égal. G.
VAN DER BIESEN, « Niet te schatten. Parlemenaire beinvloeding van wetgeving », in Wie maakt de wet ? (dir. P. POPELIER
et J. VAN NIEUWENHOVE), Bruges, die Keure, 2006, pp. 56-58.
85 Voy. not. G. VAN DER BIESEN, op. cit., pp. 57-58 ; R. COPPENS et M. BAETEMAN, « De Vlaamse Raad », in Het federale
Belgie in de praktijk – De werking van de wetgevende vergaderingen na de verkiezingen van 21 mei 1995 (dir. K. LEUS et L. VENY),
Bruges, die Keure, 1996, p. 194.
86 Voy. G. VAN DER BIESEN, op. cit., p. 66.
87 Voy. G. VAN DER BIESEN, op. cit., p. 66 ; H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit. Pour des exemples, voy. la
proposition de loi modifiant le Code électoral, mettant en œuvre l’accord politique du 26 avril 2002.
88 M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 156.
79
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Belgique
nom des parlementaires écologistes, qui faisaient partie de la majorité politique sur le volet
institutionnel sans être membre de celle-ci de manière générale89.
S’il faut effectivement constater une décrue importante de la fonction parlementaire dans le
débat politique, certains éléments amènent toutefois à nuancer le constat sans appel émis par de
nombreux auteurs et rappelés ci-dessus. D’abord, dans certaines matières, le gouvernement dispose
seul de l’initiative, notamment en ce qui concerne l’assentiment aux traités internationaux ou encore
pour les lois budgétaires, ce qui explique l’ascendant du gouvernement dans ces matières. Par ailleurs,
s’il est vrai que des propositions de lois émanant de parlementaires de la majorité sont souvent
préparées par le gouvernement, ceci n’exclut pas que certains parlementaires de la majorité soient
associés à la rédaction de ces projets90. Enfin, dans certains cas, des projets de loi reprennent des
propositions législatives.
Le déséquilibre entre propositions et projets est prolongé et renforcé par l’organisation
concrète des travaux des assemblées législatives. Les propositions de loi ne sont pas soumises au
même traitement que les projets de loi, notamment au Parlement fédéral. Les propositions de loi –
ou d’ailleurs de résolution, de révision du règlement, de création d’une commission d’enquête … –
doivent en effet passer le cap du double filtre du contrôle de la recevabilité et de la prise en
considération. Premièrement, les règlements prévoient que le président de l’assemblée, dans les
mains duquel est déposée la proposition, contrôle sa recevabilité et apprécie si la proposition « peut
être traduite, imprimée et distribuée »91. Les propositions manifestement inconstitutionnelles sont
considérées comme étant irrecevables, ainsi que celles dont le contenu sort « des limites du savoirvivre politique »92, et, en théorie tout au moins, toutes celles qui ne respectent pas une disposition du
règlement de l’assemblée93. Deuxièmement, lesdits règlements établissent que la proposition doit,
avant d’être inscrite l’ordre du jour d’une commission, être prise en considération en séance plénière,
sauf si cette proposition porte sur une révision de la constitution ou si cette proposition a été rédigée
par une commission.94 Comme le souligne Marc Van der Hulst, il y a ici un risque : « la majorité
pourrait théoriquement bloquer toute proposition de l’opposition en refusant de la prendre en
considération ». Ce risque semble être réduit, vu le faible nombre de propositions qui ne sont pas
prises en considération95.
De façon encore plus claire, une priorité est établie, par les règlements des différentes
assemblées parlementaires belges en faveur des projets dans l'organisation concrète des travaux des
commissions 96 . Néanmoins, ils prévoient, périodiquement, un examen prioritaire pour les
propositions97.
Malgré ces obstacles structurels et politiques, on peut identifier plusieurs catégories de
propositions de lois qui, même lorsqu’elles émanent de l’opposition, peuvent être couronnées de
succès et déboucher sur l’adoption d’une loi. Les premières sont les propositions de loi dont le
contenu révèle une haute technicité et qui ne mobilisent que peu de moyens financiers. Citons,
comme illustration, les propositions concernant le Code de droit international privé, la loi relative au
statut juridique des détenus ou encore la loi relative au droit d’auteur98. Ces propositions de loi
Voy. supra.
M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 156.
91 Ibid., p. 225.
92 Ibid., p. 226.
93 Ibid., p. 225. Voy., pour plus d’informations sur l’autorisation d’imprimer, les pp. 225 et 226. L’auteur mentionne
notamment le cas d’une proposition non conforme à la Constitution mais déclarée recevable car concomitante à une
révision de la Constitution.
94 Ibid., p. 227.
95 Ibid., p. 229. Mentionnons en outre que, dès lors que la proposition implique des « conséquences financières », la
commission parlementaire compétente peut demander une note à la Cour des comptes sur ces conséquences financières,
note insérée dans le rapport (art. 79, Règl. de la Chambre des représentants).
96 H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit.
97 Art. 24, Règl. de la Chambre des représentants ; art. 23, Règl. du Parlement de la Communauté française ; art. 48, Règl.
du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale ; art. 26, Règl. du Parlement flamand. En revanche, le Parlement de la
Région wallonne ne prévoit aucune exception à la règle de priorité des projets sur les propositions (Règl., art. 42-3).
98 Voy. par ex. la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins et la loi du 13 août 2011 réformant la
procédure de liquidation-partage judiciaire.
89
90
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Belgique
nécessitent un travail préparatoire intensif et, très souvent, n’impliquent pas forcément de conflits
politiques entre les partis. La deuxième catégorie regroupe les propositions de loi portant sur des
questions éthiques, pour lesquelles soit un consensus assez large se dessine dans la population et qui
peuvent rassembler ou provenir de parlementaires de l’opposition99, soit sont tellement délicates
qu’une large liberté est reconnue par les partis à leurs membres100. La dernière catégorie regroupe des
propositions de lois portant sur des sujets susceptibles de transcender l’antagonisme entre opposition
et majorité101.
Le droit de provoquer la saisine de la section de législation du Conseil d’Etat. En
vertu de l’article 2 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, le président de l’assemblée législative
concernée est tenu de demander un avis à la section de législation du Conseil d’Etat sur une
proposition de loi, de décret ou d’ordonnance dès lors qu’un tiers au moins de l’assemblée concernée
en fait la demande (ou la majorité des membres d’un groupe linguistique, dans les assemblées
composées de tels groupes). Ce droit est organisé de façon plus détaillée dans les règlements des
assemblées102. L’opposition se voit ici garantir le droit de faire intervenir la section de législation du
Conseil d’Etat sur toute proposition de loi, décret ou ordonnance.
L’avis rendu par la section de législation du Conseil d’Etat, bien que non contraignant pour
l’assemblée législative visée, n’en revêt pas moins une importance au plan juridique, en ce qu’il
permet d’indiquer aux parlementaires, non seulement les éventuels problèmes de légistique, mais
aussi toutes irrégularités ou incohérences, 103 qui, on le sait, peuvent être nombreuses et
problématiques104. L’avis du Conseil d’Etat constitue bien entendu une arme précieuse pour les
parlementaires de l’opposition. Cela étant dit, les parlementaires de la majorité seraient également
bien inspirés de promouvoir également le respect des observations du Conseil d’Etat, notamment par
le gouvernement105. A condition d’adopter une « attitude de compréhension mutuelle », un dialogue
constructif entre le Conseil d’Etat et le pouvoir législatif pourrait être renforcé sur ce point, qui
concourrait à une « bonne législation (…) en permettant clarifier les objectifs de la norme, en
remédiant aux incohérences qui peuvent nuire à son efficacité ou en supprimant les
inconstitutionnalités susceptibles d’en entraîner l’annulation »106.
Le droit d’amendement et de division. Le droit de suggérer des amendements ou la
division d’articles est reconnu à chaque parlementaire. Il est explicitement visé à l’article 76, alinéa 2,
de la Constitution : « Les Chambres ont le droit d’amender et de diviser les articles et les
amendements proposés ». A la Chambre des représentants, les amendements doivent être signés par
Voy. G. VAN DER BIESEN, op. cit., pp. 67-68.
H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit.
101 Voy. ibid., et les exemples cités : les propositions ayant abouti au décret du 31 mars 1994 organisant la neutralité de
l’enseignement de la Communauté française, au décret du 15 décembre 2010 visant à promouvoir la participation
équilibrée des femmes et des hommes dans les organes des personnes morales désignés par la Communauté française et à
la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement des personnes.
102 Voy. art. 63, 2°, Règl. du Sénat.
103 B. JADOT, « La section de législation du Conseil d’Etat et l’élaboration de la règle de droit », in Elaboration la loi
aujourd’hui, mission impossible ? (dir. B. JADOT et F. OST), Bruxelles, Publications de l’Université Saint-Louis, 1999, p. 181186.
104 Sur les questions de légistique et d’amélioration de la qualité des lois, voy. F. TULKENS, « Principes de bonne
législation et renouveau démocratique : qui osera, en Belgique, réellement franchir le pas ? », in Liber amicorum Michel
Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 491-504 ; H. DUMONT et S. VAN DROOGHENBROECK, « La loi », in Traité
international de droit constitutionnel (dir. M. TROPER et D. CHAGNOLLAUD), t. 2, La distribution des pouvoirs, Paris, Dalloz, 2012,
pp. 538 et s. ; P. POPELIER, « La loi aujourd’hui (le principe de légalité) », in Les sources du droit revisitées (dir. I. HACHEZ, Y.
CARTUYVELS, H. DUMONT, P. GÉRARD, F. OSt et M. VAN DE KERCHOVE), Limal, Anthemis, Bruxelles, Université SaintLouis, 2012, t. 2, p. 41 et s.
105 Voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit.
106 Voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit., et les références citées. Voy. égal. H. DUMONT et F. TULKENS, « La
section de législation du Conseil d’État : un acteur constitutionnel indispensable pour une bonne gouvernance », in De
adviesbevoegdheid van de Raad van State – La compétence d’avis du Conseil d’Etat (dir. L. WINTGENS), Bruges, die Keure, 2003, pp.
126 et s.
99
100
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Belgique
plus de dix membres de l’assemblée107 et ouvrent un droit de parole108. Ils font l’objet d’un certain
filtrage, puisque le président peut les déclarer irrecevables109, à condition de trouver un fondement
juridique concret dans le règlement de l’assemblée, tel l’article 90-1 du règlement de la Chambre, qui
exige que les amendements doivent s’appliquer effectivement à l’objet précis ou à l’article du projet
ou de la proposition qu’ils tendent à modifier. Des dispositions similaires règlent le droit
d’amendement et de division au niveau des assemblées régionales et communautaires.
Le droit d’amendement constitue assurément une des armes les plus précieuses de
l’opposition, qui lui permet notamment de retarder les travaux, pour rouvrir la discussion, parfois,
selon Marc Van der Hulst, pour « semer la zizanie au sein de la majorité gouvernementale », en
rappelant certains points inscrits au programme politique des partenaires de la majorité110. Plus
largement, le droit d’amendement permet à l’opposition de tenter d’influencer le contenu des projets
de loi avancés par le Gouvernement fédéral. On sait que la moitié des projets de loi sont amendés111,
que ce soit pour des raisons légistiques ou de contenu. Le droit d’amendement n’est donc pas
théorique, même si nous ne disposons pas de relevés concernant les amendements émanant de
l’opposition, qui ont, dans la pratique, moins d’impact que ceux émanant de parlementaires de la
majorité. En ce qui concerne les amendements émanant de l’opposition et visant à améliorer la
qualité légistique ou juridique du texte, cette différence de traitement, causée par la discipline de vote
émanant des partis, est problématique, puisqu’il n’y a pas forcément d’alternative politique exprimée
dans ces amendements112. Les mêmes constats s’imposent au niveau des parlements des entités
fédérées.
Le droit de modification dans l’organisation des travaux. Les parlementaires de
l’opposition disposent d’un certain nombre de garantie par rapport à l’ordre des travaux. Ainsi, pour
nous limiter à la Chambre des représentants, l’article 17-2 du règlement de la Chambre prévoit que
« l’ordre des travaux ainsi soumis pour ratification à la Chambre ne peut être modifié que par un vote
émis sur l’initiative soit du président de la Chambre, soit du Gouvernement, soit d’un membre de la
Chambre dont la proposition doit être appuyée par huit membres. Seuls peuvent intervenir l’auteur
d’une proposition de modification et un orateur par groupe politique. Le temps de parole est limité,
pour chacun d’eux, à dix minutes. A la demande du cinquième des membres de la Chambre, quatre
autres orateurs peuvent intervenir, pendant dix minutes au plus, deux pour et deux contre. L’ordre
des travaux ne peut être ultérieurement modifié que par un vote émis sur l’initiative, soit du président
de la Chambre, soit du Gouvernement ou par un vote émis sur une motion formulée par écrit et
appuyée par le tiers des membres de la Chambre ». En outre, l’article 18 prévoit un droit
d’opposition aux propositions faites en ce qui concerne les discussions en séance : « la conférence
des présidents peut fixer le temps imparti en séance plénière à une discussion ainsi que l’heure limite
à laquelle auront lieu les votes. A cette fin, elle fixe le temps global de parole à attribuer à chaque
groupe politique et aux membres ne faisant partie d’aucun groupe, à moins qu’il ne ressorte d’un vote
pondéré au sein de la conférence des présidents qu’un quart des membres de la Chambre s’opposent
aux propositions faites à cet égard.113
107Art.
80, 4°, Règl. de la Chambre des représentants.
Art. 93, 1°, Règl. de la Chambre des représentants.
109 Art. 5, al. 1er, Règl. de la Chambre des représentants.
110 M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 250.
111 G. VAN DER BIESEN, op. cit., pp. 62-63.
112 Voy. G. VAN DER BIESEN, op. cit., pp. 63-64.
113 Par ailleurs, l’article 76 du règlement de la Chambre des représentants prévoit que « la conférence des présidents peut
charger une commission de débattre d’un problème relevant de sa compétence et de faire rapport en séance plénière. La
proposition de résolution adoptée par la commission en conclusion de ses travaux est soumise à la séance plénière, qui
peut l’amender. L’article 75, 2° à 7°, n’est pas applicable aux propositions de résolution visées par le présent article. Un
seul orateur par groupe politique peut intervenir. La conférence des présidents fixe le temps global de parole à attribuer à
chaque groupe politique et aux membres ne faisant partie d’aucun groupe, à moins qu’il ne ressorte d’un vote pondéré au
sein de la conférence des présidents qu’un quart des membres de la Chambre s’opposent aux propositions faites à cet
égard, auquel cas le temps de parole est égal à celui prévu pour la discussion générale d’un projet de loi ».
108
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Belgique
Le droit de participation au traitement des projets et proposition en commission.
Suite au dépôt d’un projet ou suite à la prise en considération d’une proposition, le président peut
renvoyer le projet ou la proposition à la commission compétente. L’opposition peut avoir un rôle à
jouer dans ce processus, puisque, à la Chambre des représentants, le président doit se concerter avec
l’assemblée sur le renvoi du projet ou de la proposition en commission, à la demande d’un cinquième
des membres de la Chambre. Marc Van der Hulst nous apprend qu’en pratique, cette concertation a
lieu via la conférence des présidents et la décision est ratifiée par la Chambre114.
Les parlementaires de l’opposition disposent d’un certain nombre de prérogatives concernant
les travaux en commission. Ces prérogatives, si elles étaient développées plus abondamment,
pourraient leur permettre d’influencer de façon plus décisive l’interprétation de la règle adoptée, qui,
on le sait, est souvent dépendante des informations que l’interprète peut retrouver dans les travaux
parlementaires115. Bien entendu, les parlementaires de l’opposition – comme ceux de la majorité
d’ailleurs –, dès lors qu’ils ne sont pas les auteurs d’une proposition ou d’un projet, ne peuvent
modifier ou amender l’exposé des motifs ou le commentaire des articles, dont on sait pourtant qu’ils
sont décisifs dans l’interprétation que l’on donnera au texte ou dans l’analyse de sa constitutionnalité.
Ces parlementaires peuvent par contre participer aux travaux préparatoires en intervenant dans les
discussions en séance plénière ou en commission116.
Le rapport de la commission est particulièrement crucial, en raison de la publicité qui en est
donné. Par ailleurs, l’opposition a droit à une représentation proportionnelle parmi les rapporteurs.
Ainsi, en vertu de l’article 78 du règlement de la Chambre des représentants, « les commissions
nomment, à la majorité absolue, un de leurs membres en qualité de rapporteur, pour faire rapport à
l’assemblée », « la répartition des rapporteurs entre la majorité et l’opposition se fait à la
proportionnelle parmi les membres de la commission ». Le rapport est présumé contenir, selon
l’article 78, § 2, du règlement de la Chambre, les « conclusions motivées qui proposent soit d’adopter
le projet ou la proposition ou de ne pas l’adopter, soit de l’amender ». Par la garantie d’une
représentation proportionnelle, les parlementaires de l’opposition disposent donc potentiellement
d’un outil précieux pour influencer l’interprétation de la loi, pour discuter publiquement ses
fondements, exposer leurs alternatives politiques. Mais, comme le montre Marc Van der Hulst, « le
manque de temps – il est tellement plus rapide de reproduire les interventions chronologiquement –
mais aussi le souhait des orateurs de voir leurs propos restitués intégralement, empêchent parfois de
faire la synthèse des discussions, avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter pour
l’interprétation de la loi »117. Par conséquent, les rapports de commission sont souvent bâclés et
restent peu utilisés dans l’interprétation de la loi118.
Le droit de participer à la seconde lecture. Adopté à la suite de la récente réforme du
Sénat, l’instauration de la procédure de la seconde lecture est consacrée par l’article 94 du règlement
de la Chambre des représentants, en vertu de l’article 76, alinéa 3, de la Constitution. Cette seconde
lecture peut avoir lieu entre le vote des articles et le vote sur l’ensemble du projet ou de la
proposition de loi, et ceci à la demande du président de l’assemblée ou d’un tiers de ses membres.
Cette procédure de la seconde lecture existe au sein des assemblées législatives fédérées
depuis un certain temps, afin de pallier le caractère monocaméral de la procédure législative au sein
des entités fédérées119. Il semble toutefois peu utilisé du côté francophone120. Par contre, le Parlement
flamand fait un usage plus étendu de cette possibilité de seconde lecture121. Un auteur montre, à ce
sujet, que ce mécanisme de la seconde lecture peut amener à couronner de succès des amendements
M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 258.
Sur l’importance des travaux parlementaires dans l’interprétation de la norme, voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI,
op. cit.
116 H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit.
117 M. VAN DER HULST, Le Parlement fédéral - Organisation et fonctionnement, op. cit., p. 274.
118 H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit.
119 Art. 38, al. 2 et 3, de la loi spéciale de réformes institutionnelles.
120 Voy. H. DUMONT et M. EL-BERHOUMI, op. cit., qui citent les travaux de Nathalie Ryelandt..
121 M. ELST, « Reflecteren over theorie en praktijk van de tweede lezing in een eenkamerstelsel », T.v.W., 2005, n° 10, p.
364-365.
114
115
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Belgique
proposés en première lecture par l’opposition, ou permettre le développement de réponses
constructives aux demandes d’éclaircissement de l’opposition122. Il s’agit donc là, potentiellement,
d’un instrument précieux pour les membres de l’opposition.
Précisons que le droit de seconde lecture existe également au niveau du travail en
commission. Ainsi, l’article 83 du règlement de la Chambre des représentants prévoit que « la
commission procède à une deuxième lecture si un de ses membres le demande ou, s’il s’agit d’un
projet que le Sénat a renvoyé à la Chambre, si un tiers de ses membres le demande. Cette demande
doit être formulée au plus tard immédiatement après le vote sur le dernier article en première lecture.
La commission ne peut procéder à la deuxième lecture qu’au terme d’un délai de dix jours au moins à
compter du moment où le rapport de commission et le texte adopté en première lecture ont été
distribués. Lors de la deuxième lecture, il peut être présenté des amendements au texte adopté en
première lecture et il peut y être proposé des corrections d’ordre légistique, le cas échéant sur la base
d’une note légistique établie par les services. S’ils sont adoptés, ces amendements ou corrections ne
peuvent donner lieu à une troisième lecture ou à l’application de l’article 82-1 »
Le droit de vote et les majorités spéciales. Les parlementaires provenant de l’opposition
ont bien entendu le droit de voter. Mais, dans le droit constitutionnel belge, ils se retrouvent parfois
dans une situation où ils disposent de facto d’une sorte de droit de veto, dans les cas où une majorité
renforcée est requise, nécessitant un accord transcendant l’antagonisme majorité-opposition. Il s’agit
des lois spéciales et de la procédure de révision de la Constitution. Il s’agit également, par exemple,
de la présentation de candidats à une nomination au siège de la Cour constitutionnelle.
Les droits de l’opposition dans le cadre de la procédure de la sonnette d’alarme
idéologique et philosophique. En vertu de l’article 131 de la Constitution, la loi du 3 juillet 1971
relative à la répartition des membres des Chambres législatives en groupes linguistiques et portant
diverses dispositions relatives aux conseils culturels pour la communauté culturelle française et pour
la communauté culturelle néerlandaises, traduite dans les règlements des assemblées concernées,
consacre un droit pour les minorités idéologiques et philosophiques d’entamer une procédure de
sonnette d’alarme qui suspend le processus législatif123.
5. L’usage de ses droits par l’opposition
Comme cela a déjà été souligné, les particularités belges conduisent à ce qu’existent à différents
niveaux des majorités et des oppositions qui peuvent potentiellement différer. Ainsi, en 2007, « les
partis socialistes francophone et flamand se trouvent dans une position différente au niveau fédéral
(l’un dans la majorité, l’autre dans l’opposition) » 124. Ceci transforme le rapport entre opposition et
majorité ; les lignes de fracture étant multiples, les possibilités d’alliance également. Par ailleurs,
mentionnons que dans deux périodes de l’histoire des collectivités fédérées, tous les partis furent
associés à la fonction exécutive, les mandats étant répartis proportionnellement125.
La fameuse « discipline de parti » cantonne souvent l’opposition politique dans une posture de
critique, qui peut être exacerbée dans certains cas. Ainsi, on se souvient de certains cas d’obstruction
parlementaire, que ce soit par le recours à de longues lectures visant à ralentir la procédure
Ibid., pp. 366-367. Voy. égal. les modifications récemment apportées au règlement du Parlement flamand en vue de ne
plus limiter, en principe, le droit d’amendement des parlementaires aux dispositions modifiées en première lecture (M.
ELST, « Herziening van het Reglement van het Vlaams Parlement. Enkele gevolgen voor de parlementaire behandeling
van voorstellen en ontwerpen van decreet », T.v.W., 2012, n° 3, p. 205).
123 Voy. supra.
124 P. BLAISE, V. DEMERTZIS, J. FANIEL et J. PITSEYS, « L’évolution des partis politiques francophones (2007-2013) »,
Courrier hebdomadaire du CRISP, 2014, n° 2244-2245, p. 9.
125 De 1981 à 1985, l’exécutif des entités fédérées représentait tous les partis. Il en fut de même en Flandre, de 1988 à
1992. Voy. M. UYTTENDAELE, Précis de droit constitutionnel belge – Regards sur un système institutionnel paradoxal, 3ème éd.,
Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 429. Ces exécutifs ne délibéraient que « collégialement », « les décisions pouvaient donc y
être prises majorité contre opposition » (ibid., p. 461, note 86).
122
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Belgique
législative 126 – cette technique de flibuste est désormais rendue presque impossible par la
réglementation du temps de parole dans les règlements des assemblées législatives – ou encore par le
dépôt de montagnes d’amendements127.
Il arrive que l’opposition développe une approche constructive, notamment en cas de crises
institutionnelles ou politiques graves. On pense à l’accord Octopus, conclu le 24 mai 1998 entre huit
partis, appartenant tant à l’opposition qu’à la majorité. On peut prendre l’exemple d’Ecolo qui, bien
que figurant dans l’opposition de décembre 2007 à décembre 2008, participe à la fois aux travaux du
Groupe Wallonie-Bruxelles, dont l’objectif est d’élaborer un projet politique commun aux
francophones, et à différentes négociations institutionnelles (« Groupe des sages », « Groupe des 18
», « Groupe de l’Heptapus »)128. Ensuite, après les élections de 2010, Ecolo et Groen, bien que
critiques sur le volet socio-économique du projet de la majorité en place, apportent leur soutien à la
réforme institutionnelle en cours 129 . On remarquera la spécificité de ce parti qui transcende
également la ligne de fracture néerlandophones/francophones, en développant une stratégie
politique commune (notamment en adoptant des positions communes en matière institutionnelle)130.
III. LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION POLITIQUE
1. Les mutations structurelles
Comme nous l’avons souligné ci-avant (I-3), le système électoral belge, qui recourt au scrutin
proportionnel, est plutôt inclusif, puisqu’il « multiplie le nombre des partis politiques au sein de
l’assemblée et fait la part belle aux petits partis » 131 . En favorisant l’apparition sur la scène
parlementaire de nouveaux partis politiques, il permet ainsi leur transfert de l’opposition
extraparlementaire à l’opposition parlementaire. Cela étant, cette tendance est infléchie par un certain
nombre de facteurs correcteurs.
Certains facteurs tiennent au système électoral lui-même. Il s’agit du seuil électoral de 5 %,
évoqué également ci-avant. Il s’agit aussi des formules proportionnelles retenues, dont la mise en
œuvre concrète « n’assure pas dans tous les cas l’attribution à chaque formation politique d’une part
des sièges de l’assemblée correspondant exactement à la part des voix qu’elle a obtenue » et tend
même « à surreprésenter les partis électoralement les plus forts »132.
Suivant la Cour constitutionnelle, « même si les élections ont lieu suivant un système de représentation
strictement proportionnelle, on ne saurait éviter le phénomène des ‘voix perdues’. Il s’ensuit que chaque
suffrage n’a pas un poids égal dans l’attribution des sièges et que chaque candidat n’a pas les mêmes chances
d’être élu » 133. Et la Cour de poursuivre : « Même s’il peut être admis (…) que le ‘système Imperiali’ confère un
avantage relatif aux ‘grands partis’, il convient d’observer tout d’abord que ce sont les élections mêmes qui font
apparaître les partis ou les listes qui sont ‘plus grands’ et que les rapports peuvent être modifiés à chaque
nouvelle élection. En outre, les rapports proportionnels entre les listes ne sont pas seulement déterminés par la
formule mathématique du ‘système Imperiali’ ou par celle du ‘système D’Hondt’ mais également par une série
126 En 1976, une loi visant à fusionner les communes avait suscité de nombreuses critiques. Des parlementaires de
l’opposition avaient pratiqué l’obstruction, notamment en venant faire la lecture de passages d’ouvrages sans rapport
direct avec le sujet, avec pour seul objectif de faire durer les débats (voy. « La Belgique aussi connait l'obstruction
parlementaire », La Libre Belgique, 9 mars 2013).
127 Le dépôt de plus de deux mille amendements par l’élu Rik Daems, du parti Open VLD, dans le cadre du vote sur la loi
cadre budgétaire, en juillet 1996, reste dans les annales.
128 Voy. P. BLAISE, V. DEMERTZIS, J. FANIEL et J. PITSEYS, op. cit., p. 83. Les auteurs évoquent une « législature
d’opposition constructive » pour le parti écologiste.
129 Ibid., p. 89. Voy. supra.
130 Ibid., p. 88.
131 Y. LEJEUNE, op. cit., p. 428.
132 F. BOUHON, Droit électoral et principe d’égalité – L’élection des assemblées législatives nationales en droits allemand, belge et britannique,
Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 778-779.
133 C.C., arrêt n° 86/2012 du 28 juin 2012, B.6.3.
— 50 —
Belgique
d’autres facteurs comme le nombre de mandats à attribuer au sein de chaque circonscription électorale, le
nombre de listes participantes et les rapports réciproques entre les résultats électoraux des diverses listes »134.
D’autres facteurs tiennent au système de financement des partis politiques, organisé par une
loi du 4 juillet 1989135. Ce financement consiste en une dotation annuelle, qui est réservée aux partis
politiques les plus représentatifs. Deux conditions sont ainsi requises. Il convient, tout d’abord, d’être
un parti politique, au sens de l’article 1er, 1°, de la loi du 4 juillet 1989, c’est-à-dire une association de
personnes physiques, dotée ou non de la personnalité juridique, qui notamment « participe aux
élections prévues par la Constitution et par la loi » et qui « tente d’influencer l’expression de la
volonté populaire de la manière définie dans ses statuts ou son programme ». Il convient, ensuite, en
vertu de l’article 15 de la loi, que le parti politique soit représenté à la Chambre des représentants par
au moins un parlementaire. Cette exigence de représentativité s’explique par l’intention du législateur
de prévoir une aide financière permanente et générale aux partis politiques, plutôt qu’un financement
ponctuel et spécifique des campagnes électorales. C’est en raison de son caractère permanent et général
que le financement instauré par la loi est subordonné à la démonstration d’une certaine
représentativité, celle-ci étant évaluée à l’aune des derniers résultats électoraux. Dans un arrêt rendu
le 21 décembre 1990 136, la Cour constitutionnelle a considéré que, pour cette raison, une telle
exigence n’est pas de nature à établir une méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité et de
non-discrimination. Cela étant, de lege ferenda, la question mérite d’être posée de l’instauration d’un
double système de financement : un financement permanent et général des partis politiques les plus
représentatifs – c’est le système actuel – et un financement ponctuel et spécifique des campagnes
électorales, dont tous les partis concourant à l’élection auraient vocation à bénéficier. Une telle
réforme permettrait de rencontrer l’objection généralement soulevée à l’encontre de notre système, à
savoir qu’il ne favorise pas l’émergence de nouveaux partis politiques et procède ainsi d’une vision
peu dynamique de la démocratie137.
Comment ne pas voir, au demeurant, qu’en n’encadrant que très légèrement le processus de
sélection des candidats et en laissant sur ce point une substantielle latitude aux partis politiques euxmêmes138, le système électoral ne contribue pas à favoriser un renouvellement dans la représentation
parlementaire et peut conduire même, dans certains cas, à des dérives oligarchiques.
Tout cela étant dit, il n’est personne pour nier qu’en Belgique comme ailleurs, les partis
politiques nouveaux, bien qu’en dehors de la scène parlementaire, assument un rôle démocratique
essentiel.
« Les nouveaux partis, même s’ils n’arrivent pas à passer le cap de l’élection, sont cependant nécessaires à la
vitalité du débat démocratique car ils structurent les demandes des citoyens de façon nouvelle, apportent des
idées originales au débat public et obligent les partis traditionnels à en tenir compte, comme ce fut le cas à
propos de l’écologie ou de revendications communautaires. Les petites formations politiques permettent de
relayer des revendications essentielles aux yeux d’une partie de la population et, éventuellement, aux partis
Id., B.6.5.
Loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales, ainsi qu’au financement et à la
comptabilité ouverte des partis politiques (Mon. b., 20 juillet 1989), modifiée successivement le 21 mai 1991 (Mon. b.,
4 juin 1991), le 18 juin 1993 (Mon. b., 7 août 1993), le 19 mai 1994 (Mon. b., 25 mai 1994) – la loi du 19 mai 1994 complète
l’intitulé de la loi du 4 juillet 1989 afin de préciser qu’elle ne s’applique qu’aux élections des Chambres législatives
fédérales –, le 12 juillet 1994 (Mon. b., 19 juillet 1994), le 10 avril 1995 (Mon. b., 15 avril 1995), le 19 novembre 1998 (Mon.
b., 10 décembre 1998), le 12 février 1999 (Mon. b., 18 mars 1999), le 23 juin 1999 (Mon. b., 19 août 1999), le 27 décembre
2000 (Mon. b., 24 janvier 2001), le 13 décembre 2002 (Mon. b., 10 janvier 2003), le 19 février 2003 (Mon. b., 21 mars 2003),
le 2 avril 2003 (Mon. b., 16 avril 2003), le 17 février 2005 (Mon. b., 21 avril et 13 octobre 2005) – il s’agit de deux lois
distinctes –, le 27 mars 2006 (Mon. b., 11 avril 2006), le 23 mars 2007 (Mon. b., 28 mars 2007), le 18 janvier 2008 (Mon. b.,
23 janvier 2008), le 15 février 2012 (Mon. b., 6 mars 2012) et le 6 janvier 2014 (Mon. b., 31 janvier 2014). Sur cette dernière
réforme, voy. M. VERDUSSEN, « Partis politiques », in Dictionnaire de la Sixième Réforme de l’Etat (dir. M. UYTTENDAELE et
M. VERDUSSEN), Bruxelles, Larcier, 2015.
136 C.C., arrêt n° 40/90 du 21 décembre 1990, spéc. 4.B.4.2. Voy. M. VERDUSSEN, « La Cour d'arbitrage et l'argent des
partis politiques », Journal des tribunaux, 1991, p. 406.
137 Sur la distinction entre la fonction protectrice et la fonction catalytique des systèmes électoraux, voy. K.
CHRYSSOGONOS et C. STRATILATIS, « Limits of Electoral Equality and Political Representation », European Constitutional
Law Review, 2012, vol. 8, pp. 22-23.
138 Voy. F. BOUHON, op. cit., pp. 470-473 et 537-571.
134
135
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Belgique
traditionnels de les intégrer dans leur programme »139.
2. Les mutations fonctionnelles
Les mutations des lieux. L’opposition, entendue ici – rappelons-le, comme une opposition
parlementaire – s’exprime avant tout dans l’enceinte parlementaire. Mais il est bien évident qu’elle
s’exprime aussi par d’autres voies, tels les médias audiovisuels.
Sur l’accès aux médias audiovisuels, une distinction doit être faite selon les périodes.
En période normale, l’obligation faite aux médias audiovisuels de traiter l’information de
manière impartiale140 « n’instaure, ni au profit d’une personne ni au profit d’un groupe de personnes,
un droit subjectif quelconque au moyen de la radiodiffusion officielle », mais « garantit à chacun la
liberté d’expression (…) par ses propres moyens »141. Lorsqu’un temps d’antenne est accordé aux
partis politiques, quel sort doit être réservé à chacun de ceux-ci ? En application des principes
constitutionnels, toute différence de traitement doit reposer sur une justification objective et
raisonnable. Le critère retenu par le législateur est celui de la représentation parlementaire. Il résulte,
en effet, de l’article 18 de la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances
idéologiques que l’accès à l’antenne est réservé aux partis politiques qui sont représentés au
Parlement de la Communauté française, au Parlement flamand ou au Parlement de la Communauté
germanophone. Le critère est objectif et raisonnable. Rien n’est donc prévu par le législateur pour les
partis politiques non représentés. On relèvera tout de même un arrêt, plus nuancé, de la Cour d’appel
de Bruxelles.
Selon l’arrêt, « en tout temps, la R.T.B.F. doit respecter les principes propres à la mission de service public qui
lui a été confiée dans une société pluraliste, tels que le législateur communautaire les a définis. Elle doit ainsi
veiller à la diversité des programmes et refléter sans discrimination et avec objectivité les différents courants
d'idées de la société. Le pluralisme exige également qu'elle contribue à la protection des valeurs démocratiques et
à la cohésion sociale. En période électorale, il lui incombe d'organiser des tribunes politiques avec les partis
142
politiques concernés » .
En période électorale, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, le critère de la
représentation parlementaire se révèle inadéquat, car il les prive « de la possibilité de participer aux
débats électoraux », alors « qu’il est de l’essence d’un régime démocratique que des formations
politiques nouvelles puissent se présenter utilement aux élections »143. Tous les partis en compétition
doivent-ils pour autant être traités de manière strictement égale, notamment en termes de temps
d’antenne ? Il n’est aucun juge pour l’affirmer.
Selon la Cour européenne des droits de l’homme, « dans le cadre de l’exercice de leur marge d’appréciation et
dans le souci d’assurer la stabilité du système politique et la crédibilité des groupes politiques qui seront amenés
à siéger dans une assemblée parlementaire, les Etats sont libres de fixer les conditions qui régissent un scrutin. A
cet égard, offrir un appui restreint aux formations politiques dont l’écho auprès des électeurs est très limité, ne
saurait être considéré comme méconnaissant le principe d’égalité susmentionné dans une société démocratique.
En effet, en favorisant les formations les plus représentatives – qui sont du reste parfois composées des
courants idéologiques divers – la législation électorale permet à ces courants de s’exprimer sans pour autant
mettre en péril la représentativité de ces courants »144.
139 A. DESTEXHE, A. ERALY et E. GILLET, Démocratie ou particratie ? – 120 propositions pour refonder le système belge, Bruxelles,
Labor, 2003, p. 145.
140 Voy. not. Civ. Bruxelles (réf.), 24 septembre 2012, Auteurs & Media, 2013, p. 27, note E. WAUTERS : « La
radiotélévision publique R.T.B.F. qui ne laisse pas suffisamment participer un parti politique au débat public viole son
obligation de pluralisme telle qu’inscrite dans le décret du 14 juillet 1997 relatif au statut de la R.T.B.F. ».
141 C.E., arrêt Moulin et De Coninck, n° 11.749, du 6 avril 1966.
142 Bruxelles, 1er février 2007, J.L.M.B., 2007, p. 881, obs. A. VANDEBURIE.
143 C.E., arrêt Dumont, n° 53.249, du 16 mai 1995.
144 Cour eur. dr. h., déc. Antonopoulos c. Grèce, 29 mars 2001.
— 52 —
Belgique
On s’accorde donc pour considérer que des différenciations peuvent être retenues dès le
moment où elles reposent sur des critères objectifs et raisonnables. Malheureusement, au-delà du
consensus existant autour cette règle élémentaire, il règne un flou certain, qui s’explique par l’absence
dans la législation « de normes claires pour organiser la question délicate de l’accès à l’antenne
pendant la campagne électorale »145. Ce sont donc les médias audiovisuels eux-mêmes qui définissent
les modalités de cet accès, à travers des « dispositifs électoraux » adoptés dans le respect des règles
arrêtées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et sous le contrôle de la jurisprudence.
Les mutations des moyens. A maints égards, le rôle naturel de l’opposition politique est
d’exercer un contrôle sur l’action gouvernementale. En effet, l’évolution du régime parlementaire a
pour conséquence qu’aujourd’hui, le Gouvernement fédéral est soumis au contrôle politique, non pas
tellement de la Chambre des représentants, comme le prévoit l’article 101, alinéa 2, de la Constitution
– « Les ministres sont responsables devant la Chambre des représentants » –, mais de l’opposition146.
On observe le même phénomène au niveau des collectivités fédérées. Comme nous le rappelle Pierre
Rosanvallon, un ouvrage célèbre, rédigé par François Guizot en 1821 et intitulé Des moyens de
gouvernement et d’opposition, soulignait déjà qu’ « en ayant pour objectif de remplacer le gouvernement
en place, l’opposition le met constamment à l’épreuve ; elle le contraint à s’expliquer, à prouver son
efficacité, à justifier ouvertement ses choix : elle introduit de cette façon une contrainte
d’argumentation en même temps qu’elle contribue à sa rationalisation »147.
Les mutations des instants. Juridiquement, les négociations en vue de la formation de
coalitions gouvernementales débutent le lendemain des élections. Est-ce à dire qu’aucun accord n’est
jamais conclu avant les élections entre deux ou plusieurs partis ? Il serait naïf de le penser. Certes,
aucune règle constitutionnelle ou législative n’interdit, ni n’autorise de tels accords. N’étant pas régis
par le droit, ils sont noués dans la plus grande confidentialité, les partis concernés se gardant bien de
les divulguer aux électeurs. On doit toutefois à la vérité de dire que, si la conclusion d’accords
préélectoraux est une pratique fréquente au niveau local (élections communales), elle est plus délicate
au niveau parlementaire. Elle l’est d’autant plus aujourd’hui que, dans le cadre de la Sixième réforme
de l’Etat, il a été décidé que toutes les élections parlementaires – les élections fédérales et les élections
régionales et communautaires – auraient lieu le même jour que les élections européennes148. Il en
résulte que les négociations pour la formation de tous les gouvernements ont lieu sur la même
période, de telle sorte que les unes pèsent nécessairement sur les autres. Dans ces conditions, le
respect d’un accord préélectoral est tributaire des comportements des acteurs politiques à tous les
niveaux de pouvoir.
3. Les mutations stratégiques
La stratégie locale. Ces dernières années, des dispositifs législatifs ont été adoptés pour
limiter le cumul entre une fonction parlementaire et une fonction locale. On en donne un exemple.
Le 9 décembre 2010, un décret spécial est adopté par la Région wallonne qui limite le cumul des
mandats dans le chef des députés du Parlement de la Région wallonne149. Pris sur la base de l’article
24bis, § 3, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 – qui habilite la Région
wallonne et la Région flamande à déterminer par décret des incompatibilités supplémentaires par
rapport à celles prévues par l’article 24bis, § 2 –, l’article 2 du décret spécial du 9 décembre 2010
ajoute un paragraphe 6 à ce même article 24bis, qui prévoit que « pour les trois quarts des membres
F. BOUHON, op. cit., p. 703.
F. DELPÉRÉE, Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit., p. 787 ; M. UYTTENDAELE, Trente leçons de droit constitutionnel, op.
cit., p. 68.
147 P. ROSANVALLON, La contre-démocratie – La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006, p. 159.
148 Voy. les art. 65, al. 3, et 117, al. 2, de la Constitution, tous deux insérés le 6 janvier 2014.
149 Mon. b., 22 décembre 2010.
145
146
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Belgique
de chaque groupe politique, le mandat de membre du Parlement est incompatible avec un mandat au
sein d’un collège communal ».
La stratégie juridictionnelle. La Cour constitutionnelle peut être saisie de recours en
annulation dirigés contre des normes législatives par les présidents des assemblées législatives à la
demande des deux tiers de leurs membres, ce qui s’apparente à une saisine parlementaire à la majorité
qualifiée150. Cette disposition permet notamment aux assemblées législatives fédérales et fédérées
d’intenter un recours en annulation lorsqu’elles considèrent qu’une autre assemblée législative
empiète sur leurs compétences ; elle autorise donc une majorité politique dans une assemblée à
contester la constitutionnalité d’une norme adoptée par une autre majorité politique dans une autre
assemblée 151 . Aucune saisine n’est possible pour l’opposition, le législateur spécial n’ayant pas
souhaité « qu’une minorité au sein d’une assemblée législative puisse demander qu’un recours en
annulation soit introduit, étant donné que ce recours pourrait alors servir à affaiblir la volonté de la
majorité »152. La réticence manifestée par la Belgique à l’égard d’un recours mis aux mains de
l’opposition traduit assurément une préoccupation qu’on retrouve dans d’autres Etats où un tel
recours est parfois remis en question, parce qu’il permet à l’opposition de prolonger indûment le
débat mené dans l’enceinte parlementaire, ce qui entrainerait « une perturbation du fonctionnement
de la démocratie qui dépasse largement les bénéfices que l’on peut en attendre »153. Précisons qu’en
Belgique, l’absence de saisine au profit de l’opposition parlementaire peut être compensée, d’une
part, par les recours mis en oeuvre par les associations154 et, d’autre part, par l’asymétrie des majorités
politiques aux différents niveaux de pouvoir : une loi fédérale adoptée par une majorité de droite
peut être attaquée par un gouvernement régional de gauche ou une assemblée parlementaire
majoritairement de gauche, par exemple. A cet égard, la présente législature sera riche
d’enseignements.
En revanche, un membre de l’opposition peut introduire personnellement un recours en
annulation devant la Cour constitutionnelle, voire devant la section du contentieux administratif du
Conseil d’Etat, s’il peut démontrer l’existence d’un intérêt à agir, de telle sorte que l’antagonisme
majorité-opposition survit en quelque sorte après l’adoption d’une loi. Il arrive ainsi régulièrement
que des membres de l’opposition contestent l’œuvre législative de la majorité, que ce soit devant la
Cour constitutionnelle155 ou devant le Conseil d’Etat156, voire même devant la Cour européenne des
droits de l’homme157.
150 Constitution, article 142, alinéa 3 ; loi spéciale sur la Cour constitutionnelle, article 2, 1° et 3°. Voy. M. VERDUSSEN,
« La coexistence de la saisine parlementaire et des autres voies d’accès au juge constitutionnel en droit comparé », Les
Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2015, n° 48 (à paraître).
151 Les règlements des différentes assemblées organisent plus précisément la procédure à suivre pour introduire ces
recours.
152 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1988-1989, n° 633/4, p. 23.
153 F. RUBIO LLORENTE, « Tendances actuelles de la juridiction constitutionnelle en Europe », Annuaire international de
justice constitutionnelle, 1996, vol. XII, p. 27.
154 Voy. M. VERDUSSEN, « Le secteur associatif devant la Cour constitutionnelle », in Mélanges offerts à Francis Haumont,
Bruxelles, Larcier, 2015 (à paraître).
155 Voy. not. C.C., arrêt n° 157/2004 du 6 octobre 2004 ; arrêt n° 72/2005 du 20 avril 2005.
156 C.E., arrêt Bogaert, 28 juin 2004, n°133.174 ; C.E., arrêt Bogaert, 6 décembre 2004, n°138.028 ; C.E., arrêt Bogaert, 16
décembre 2008, n°138.519.
157 C.E.D.H., Vandenberghe et Grouwels c. Belgique, 15 septembre 2003, n°54769/00.
— 54 —
Espagne
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT ESPAGNE —
Établi par Juan Jose RUIZ RUIZ1
I.
A.
1)
LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
Comment reconnaît-on l’opposition ?
Les modalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l’institutionnalisation de l’opposition ?
® L’opposition est-elle institutionnalisée ? Dispose-t-elle d’un statut qui survit à l’inversion des rôles ? Les
alternances politiques conduisent-elles les formations politiques à investir tour à tour les habits de la majorité puis de
l’opposition dans des conditions stables et pérennes ?
L'opposition parlementaire n'a obtenu aucune reconnaissance normative ni dans la Constitution ni
dans les Règlements des chambres.
® Parle-t-on habituellement d’une opposition ? Des oppositions? Du chef de l’opposition? Des partis ou des forces
d’opposition ?
Même s’il n'existe pas une reconnaissance normative et juridique explicite de l'opposition, l'usage du
terme dans la pratique politique est indubitable, bien que non toujours avec un même sens. On peut,
pourtant, considérer que l'opposition, comme catégorie politique, est l’objet d'un usage très étendu et
fréquent.
D'une manière indistincte, le terme opposition s'applique bien à l'ensemble de forces parlementaires
qui n'ont pas affirmativement voté l'investiture du Gouvernement, ou aussi, d'entre celles-ci, à la
force politique la plus nombreuse. D’une certaine manière, la dite expression a pour fonction de
grouper à un ensemble de sujets parlementaires différenciés de la majorité de gouvernement, notion
qui est inhérente aux systèmes de gouvernement parlementaire. Il est correct dans ce sens d’affirmer
que l'opposition peut être utilisée comme synonyme de certains sujets parlementaires, même si elle
n'a pas obtenu une reconnaissance normative. Ainsi, un premier critère qui sert à différencier aux
groupes d'opposition de la majorité de gouvernement est, par conséquent, de faciliter avec son vote
affirmatif l'investiture du Gouvernement, résultant de cette façon insignifiant un autre type de
considérations comme l'existence de pactes de législature ou d'un pacte pour des appuis ponctuels
dans des lois déterminées, ou le vote favorable aux lois ou résolutions concrètes. Cependant, ce
critère est insuffisant, puisque le fait de voter en faveur de l'investiture d'un Gouvernement n'exclut
pas que le même groupe qui l'a appuyée retire sa confiance et passe à intégrer l'opposition. Cette
1
Professeur à l’Université de Jaen.
— 55 —
Espagne
hypothèse, appliquée aux groupes parlementaires, peut seulement se donner dans des coalitions de
partis de gouvernement ou des pactes de législature. Si le retrait de confiance a lieu d'une manière
explicite moyennant la signature d'une motion de défiance, il serait possible, au cas où elle ne
prospère pas, d’inclure au groupe qui, ayant initialement appuyé l'investiture a souscrit la motion,
parmi les groupes d'opposition. S’il n'a pas été un groupe parlementaire au complet, mais seulement
quelques parlementaires, ils devront forcément être encadrés dans un groupe parlementaire
également dans de l'opposition.
Or, étant donné que la cohérence et l’homogénéité de toute majorité gouvernementale est une chose
qui se trouve absente dans l'opposition considérée comme un tout, on trouve d'autres expressions
très répandues aussi pour désigner la même réalité, tels que les groupes de l'opposition, les partis de
l'opposition, les forces politiques de l'opposition ou les formations politiques de l'opposition. Par
soucis d’une plus grande précision, parfois on fait référence aux forces minoritaires de l'opposition, si
ce qui est prétendu est de se rapporter aux groupes moins nombreux à l'intérieur d’une des
chambres. Ce qui n'existe pas, probablement dû plus à des raisons linguistiques que d'une autre
nature, est l'utilisation du terme "oppositions", au pluriel, car le singulier admet être employé avec un
sens omni-compréhensif qui fait inutile recourir au pluriel. Le retrait de confiance peut, cependant,
avoir lieu de manière implicite, de façon qu'elle ne se matérialise pas dans la procédure réglementaire
pour voter ce retrait, mais il se manifeste dans le vote contre toutes les propositions de la majorité de
gouvernement dont un groupe faisait partie initialement. C'est spécialement un type de situations où
le critère du vote favorable dans l'investiture se révèle manifestement insuffisant. La stabilité ne peut
être définie alors comme un élément essentiel de l'opposition, puisqu’un groupe peut se dédire du
appui dans l'investiture du Gouvernement sans aucune restriction. Il est possible, pour ce motif, de
maintenir le vote favorable dans l'investiture seulement comme critère qui doit être complété par
autres, comme le vote contre une hypothétique motion de défiance ou dans une possible question de
confiance. La négation de la confiance implique de plus le vote contre de presque la totalité des
projets de loi du gouvernement.
® Existe-t-il plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition (niveau fédéral, fédéré ou régional,
institutions nationales et locales) ?
La décentralisation territoriale de l'État en Espagne permet de différencier autant d'oppositions
comme sous-systèmes de gouvernement existants. L'autonomie des Communautés Autonomes, des
Députations Provinciales et des Mairies se traduit en majorités de gouvernement contrôlées par des
assemblées dans lesquelles sont intégrées les minorités qui agissent comme opposition politique.
Cependant, il faut faire remarquer que même dans les institutions régionales ou locales, dans
lesquelles l'opposition peut ou pas coïncider avec l'opposition au niveau national, se produisent
souvent des votes sur l’axe de politique nationale qui mettent en évidence que le parti de l'opposition
au niveau national poursuit les mêmes objectifs d'usure du Gouvernement national et de présenter
des mesures alternatives à celles qui adopte le Gouvernement de la nation.
b)
Sous quelles formes s’opère la reconnaissance de l’opposition ?
® L’opposition fait-elle l’objet de références textuelles ? Est-elle formellement visée, définie, garantie, encadrée par
un texte ?
Dans le cas de l'Espagne, le langage normatif ignore presque complètement le terme opposition. Bien
qu'aucune référence n'existe dans les articles de la Constitution, cela ne serait pas un obstacle pour
son introduction dans la législation nationale ou autonome. Il n'y a pas non plus de texte de référence
qui regroupe les droits et garanties des groupes et des partis minoritaires avec ou sans représentation
parlementaire, c’est pour cela que leur statut juridique doit être extrait surtout à partir des règlements
parlementaires et à partir de la législation sectorielle correspondante, spécialement l'électorale et la
législation des partis politiques.
® Sa reconnaissance a-t-elle été opérée par voie constitutionnelle, législative (organique, ordinaire), jurisprudentielle
ou coutumière ? Existe-t-il des « conventions de la Constitution», usages ou habitudes (parlementaires) qui
contribuent à sa reconnaissance ?
— 56 —
Espagne
Puisque ni la Constitution fait mention dans un sens strict, ni la législation, l'opposition est une
catégorie politique qui comprend tous ces groupes parlementaires qui n'ont pas voté l'investiture d'un
Président de Gouvernement ou qui pendant la législature ont voté à retirer la confiance parlementaire
à celui-ci. Dans la jurisprudence constitutionnelle, s'est appliquée dans la protection des droits des
minorités parlementaires une approche très lié aux droits fondamentaux des élus, sans recourir à la
notion de statut d'opposition.
L'attachement à l'opposition n’entraîne pas alors la reconnaissance d'un statut spécifique avec des
droits ou des facultés différentes de ceux que les chambres reconnaissent de la même façon à tous les
groupes parlementaires. Cela ne veut pas dire qu'en pratique politique certains usages, dans lesquels
l'opposition a une certaine importance, n'existent pas. Dans presque tous les cas, il s'agit des
supposés dans lesquels le Président du Gouvernement maintient des contacts pour maintenir
informé au leader de l'opposition ou pour lui demander une opinion. Le Chef d'État maintient aussi
des contacts habituels avec le leader de l'opposition.
® L’opposition parlementaire est-elle reconnue dans sa diversité ? La reconnaissance inclut-elle les « groupes
minoritaires » ?
Si nous nous rapportons à l'opposition parlementaire, l'ensemble des facultés, des droits et des
devoirs des groupes qui intègrent l'opposition se reconnaît de la même façon à tous. C'est pourquoi
la reconnaissance d'un statut juridique aux groupes parlementaires n'est pas strictement liée à leur
force numérique, puisque celle-ci répercute seulement sur l'amplitude ou l'étendue avec laquelle ils
peuvent exercer leurs facultés, dans des questions telles que l'ordre des débats, dans la distribution du
temps, dans le nombre de représentants dans les organes internes de la chambre et dans la répartition
d'une subvention proportionnelle.
Dans le groupe le plus minoritaire, le soi-disant Groupe Mixte, qui, d'une manière résiduelle,
regroupe tous ces parlementaires qui, par leur faible représentation ne peuvent pas former un propre
groupe, il leur est permis de se distribuer le temps et les interventions dans les débats, de façon à ce
que chacun puisse exprimer sa propre spécificité.
2)
a)
Les finalités de la reconnaissance de l’opposition
Quel statut pour l’opposition ?
® Sa reconnaissance se limite-t-elle à son existence ? Inclut-elle une définition de son rôle, une garantie de ses
fonctions, une délimitation de ses prérogatives ?
En Espagne, il n'existe pas un statut de l'opposition, si nous entendons par ceci un ensemble précis
de fonctions et de prérogatives qui délimitent un cadre juridique spécifique. L'une des causes de ce
manque peut résider en l'absence dans la Constitution de n'importe quelle référence à son existence.
Or, l’inexistence d'un sujet juridique doté d'un propre statut, ne veut pas dire qu'il soit correct de
déduire d'ici l'inexistence ou l'ignorance de l'opposition comme fait politique avec une transcendance
juridique. De ce point de vue, il est vrai que l'ordonnancement constitutionnel espagnol continue à se
guider par les catégories traditionnelles des partis politiques et des groupes parlementaires, mais cela
n'implique, d’aucune manière, qu’il n'existe un l'ensemble de garanties de l'opposition. En effet, dans
la mesure dans laquelle les prérogatives et les garanties que l'ordonnancement reconnaît aux
minorités (partis ou groupes), exercent la même fonction qu'un statut d'opposition.
® Lui est-il conféré un rôle précis dans le fonctionnement des institutions ? Ce rôle est-il garanti par des mécanismes,
des procédures, un juge ?
Bien qu’il n'existe pas à niveau normatif une mission spécifiquement confiée à l'opposition, il est
inhérent à l'État démocratique l'exercice de la fonction de contrôle au gouvernement et au parti de la
majorité à travers des formes très variées. Avec cela, par convention constitutionnelle, l'opposition
joue un rôle fondamental dans l’élaboration de politiques d'État tels que la politique extérieure, la
politique éducative, la politique de justice, la politique territoriale et la politique antiterroriste. Les
pactes souscrits entre le parti du Gouvernement et le principal parti de l'opposition ont stimulé de
— 57 —
Espagne
grands accords par exemple, autour de la définition du modèle territorial de l'État ou autour de l'unité
des démocrates face au terrorisme intérieur et extérieur.
Nous ne pouvons oublier non plus que les minorités ont, dans le Tribunal Constitutionnel, un garant
dans la protection de ces positions minoritaires de la société qui méritent une protection à travers un
aspect objectif des droits fondamentaux.
b)
Quelle valorisation du rôle de l’opposition ?
® La reconnaissance de l’opposition est-elle conçue pour favoriser sa valorisation ? Existe-t-il des dispositions ou des
principes normatifs qui favoriseraient voire exigeraient l’intégration et la consultation de l’opposition ?
La valorisation de l'opposition dans le terrain normatif doit être mise en relation avec toutes les
dispositions qui ont pour but la protection des minorités parlementaires. De ce point de vue, il existe
tout un ensemble de règles et de mécanismes qui favorisent autant l'intégration de l'opposition dans
les organes de représentation parlementaire, ainsi que la consultation aux porte-parole des groupes
parlementaires de l'opposition. Parmi les premiers, nous pouvons mentionner l'exigence de
représentation proportionnelle dans les organes de direction des chambres ainsi que dans les
commissions législatives et celles de recherche ou d’étude. Parmi les deuxièmes, nous pouvons
mentionner la procédure de consultations qui correspond au Roi sa réalisation à caractère préalable à
la proposition d'un candidat à la Présidence du Gouvernement, et aussi les majorités exigées pour la
nomination de nombreux organes constitutionnels ou d'importance constitutionnelle, entre lesquels
ressortent les magistrats du Tribunal Constitutionnel, le Défenseur des droits, les membres du
Conseil Supérieur de la Magistrature, le Directeur et le Conseil de Radio de la Télévision Espagnole.
Il existe, cependant, des règles et des procédures qui peuvent faire obstacle au travail de l'opposition.
Un de ces cas est, sans doute, la création et la présidence des commissions d’enquête. En Espagne, la
création de commissions d’enquête exige son approbation par la séance plénière, ce qui rend
nécessaire le consentement du groupe de la majorité, qui est toujours réticent à la mise en place de
ces commissions qui essaient de contrôler la gestion des activités du Gouvernement les plus exposées
à la critique. Aussi, dans l'élection de la présidence du reste des commissions ne se favorise pas non
plus le travail d'opposition, étant donné que dans le Parlement espagnol le Président de la
Commission est choisi séparément à celui-là du reste des commissions. L'élection isolée de la
présidence de la commission débouche à que celle-ci retombe sur un parlementaire du groupe de
majorité. Dans d'autres systèmes, où les présidences des commissions, elles sont distribuées d'une
manière globale en appliquant un critère proportionnel qui assure la présidence d'un nombre
déterminé de commissions par des groupes de l'opposition. De même, l'élection séparée du Viceprésident et du Secrétaire des commissions, favorise que la Bureau de la chambre soit monopolisée
par le groupe de majorité, de cette façon il sera fait par les trois sièges restants du Bureau. En
revanche, seulement si l'élection conjointe du Vice-président et du Secrétaire serait adoptée avec
limitation du vote à un seul nom pour chaque parlementaire, un des deux sièges au moins serait à un
groupe de l'opposition. Au cas où les présidences seraient proportionnellement réparties pour éviter
que l'opposition eût une majorité dans le Bureau, on pourrait établir une double Vice-présidence,
avec un vote séparé du Secrétariat, de façon à ce que le groupe majoritaire puisse avoir une Viceprésidence et le Secrétariat.
® La reconnaissance de l’opposition vise-t-elle, au contraire, ou également, à faciliter son encadrement ? À éviter les
débordements, les phénomènes d’obstruction, les risques de déstabilisation ?
Si nous admettons que l'opposition, comme phénomène ou réalité politique, a sa traduction sur le
plan juridique dans la reconnaissance d'une série de droits et de garanties aux partis politiques et aux
groupes parlementaires minoritaires, alors nous pouvons affirmer que l'ordonnancement espagnole
est garantiste par rapport aux droits des minorités.
Malgré le caractère garantiste qui imprègne essentiellement les droits des groupes parlementaires
minoritaires, dans la norme constitutionnelle se sont introduites quelques préventions en vue d'éviter
des risques de déstabilisation du système politique. Ces préventions peuvent essentiellement se
réduire en trois. D'une part, l’exclusion de la possibilité d'initier une réforme constitutionnelle
moyennant l'exercice de l'initiative populaire, ce qui exclut qu'au moyen d'un recueil de signatures se
— 58 —
Espagne
puisse proposer une réforme ou une révision du texte constitutionnel. De la même manière, la
possibilité du référendum abrogatif des lois ou de tout autre type de normes reste exclue. Aussi, une
proposition de convocation de référendum consultatif ne pourra pas non plus se poser au moyen du
recueil de signatures. La Constitution reconnaît la possibilité de proposer un référendum pour la
ratification des réformes ordinaires à la Constitution pourvu que, dans n'importe quelle chambre, au
moins une dixième partie de ses membres le sollicitent (art. 167).
® Existe-t-il des règles qui interdiraient à l’opposition de se manifester dans une instance ou dans une situation
politiques ?
Les groupes d'opposition jouissent, comme le reste d'organisations citoyennes, du droit de réunion et
de manifestation, dont l’exercice exige seulement le communiquer aux autorités de l'ordre public.
Uniquement en journée de réflexion préalable au vote dans une convocation électorale, l'article 53 de
la loi électorale empêche que des manifestations se développent durant la journée préalable aux
votes, bien que le Tribunal Constitutionnel ait interprété cette prohibition de manière restrictive, de
façon à ce que seulement quand la manifestation s’instrumentalise avec des intentions électoralistes, il
conviendrait de refuser son autorisation.
La déclaration d’un des états d'exception peut aussi entraîner des conséquences pour l'exercice de
quelques droits fondamentaux avec incidence sur le travail d'opposition, précisément, la déclaration
des états d'exception ou de siège peut impliquer des restrictions aux droits de l'article 20.1, a) et d)
CE (liberté d'expression et d'information), et 20.5, articles 21 (droit de réunion), 28.2 (droit de grève).
B.
1)
Comment identifie-t-on l’opposition ?
Identifie-t-on une opposition ou des oppositions ?
a)
Au sein des institutions politiques
® Où identifie-t-on l’opposition ? À la chambre basse ? À la chambre haute (s’il en existe une) ? En dehors des
assemblées nationales (collectivités territoriales par exemple) ? Dans les parlements locaux ou régionaux ? En dehors
des instances délibérantes ?
Puisque l'opposition dans l'ordonnancement espagnol se trouve associée à la forme de
gouvernement, en se comprenant comme opposition au gouvernement, nous tendons à identifier
exclusivement l'opposition avec les groupes parlementaires dans le Congrès des Députés, étant
donné que c’est cette chambre qui octroie l'investiture au Président du Gouvernement, de façon à ce
que tous ces groupes qui n'ont pas voté en faveur dans l'investiture restent englobés dans
l'opposition.
La concentration de l'opposition dans le Congrès des Députés n'exclut pas que les groupes
d'opposition, qui ne sont pas une majorité dans cette chambre, agissent comme opposition politique
à partir d'autres institutions politiques dans lesquelles ils sont une majorité. Ceci a lieu avec les
Gouvernements et les Parlements des Communautés Autonomes et, en moindre mesure, avec la
Fédération Espagnole de Municipalités et de Provinces.
En dehors des institutions représentatives, on doit noter l'intensification de l'exercice de l'opposition
extraparlementaire comme phénomène plus récent, à travers des protestations, des manifestations,
des concentrations, des assemblées citoyennes ou même des campements. De même, l'essor de
l'opposition extraparlementaire dans des débats télévisés de grand impact médiatique a acquis un
grand protagonisme, ce qui a donné lieu à l'apparition de forces politiques, puisque le leadership
médiatique a suivi une grande perspective de vote dans des sondages qui se sont traduits, par la suite,
en votes dans les urnes dans des processus électoraux européens et régionaux.
® Quels liens fait-on entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires ? Y a-t-il correspondance,
prolongement naturel ou au contraire dissociation ?
En Espagne, les groupes parlementaires à l'exception du Groupe Mixte, tendent à être une
prolongation stricte des partis politiques. Ainsi, il est fréquent que les groupes parlementaires
d'opposition soient aussi et en même temps les partis d'opposition au gouvernement.
— 59 —
Espagne
Dans le Congrès des Députés, les partis qui ont obtenu plus de quinze députés peuvent former un
groupe parlementaire (art. 23). Mais, au même temps, il est permis de constituer un groupe
parlementaire aux formations qui, dans les élections, ont obtenues au moins cinq députés et 5 pour
cent des votes au niveau national ou bien le même nombre de sièges et 15 pour cent dans les
circonscriptions dans lesquelles ils ont participé aux élections. Cela permet la création de petits
groupes parlementaires à ces minorités idéologiques au niveau national et aussi à ces minorités avec
force électorale non au niveau national mais seulement dans quelques circonscriptions du territoire,
spécialement, les minorités nationalistes. Ces avantages pour créer des groupes parlementaires réduits
n'existent pas au Sénat, où sont nécessaires dix parlementaires pour former un propre groupe, bien
que ce nombre peut être réduit, mais en aucun cas peuvent être créés des groupes parlementaires de
moins de six sénateurs.
® Existe-t-il différents types d’opposition ? Dans les États fédéraux ou régionaux, l’opposition peut-elle être
identifiée à un double niveau ? Est-ce alors la même opposition (même partis politiques, par exemple) ou bien y
a-t-il des oppositions spécifiquement locales ?
En Espagne, au niveau étatique, on peut différencier entre l'opposition parlementaire et
l'extraparlementaire au Gouvernement. De plus, il existe la tendance à que les partis d'opposition au
niveau national qui gouvernent en même temps dans les Communautés autonomes exercent leur
opposition au Gouvernement central non seulement moyennant des déclarations ou des critiques
dans les médias, mais aussi en pratiquant une sorte d'obstructionnisme aux normes émanées du
Gouvernement ou du propre Parlement central, parfois à travers des mesures qui se chevauchent,
dans d'autres occasions en retardant leur mise en pratique ou en recourant, non seulement devant le
Tribunal Constitutionnel, mais aussi les règlements devant la juridiction administrative. Ce deuxième
niveau d'opposition peut se dénommer opposition territoriale et donne lieu, plus qu'à une opposition
entre des gouvernements, à une prolongation de l'opposition entre partis, puisque ce ne sont pas des
questions qui peuvent rentrer dans le conflit territorial normal qui, parfois, affronte des partis de
différents signes ou même de mêmes sigles, mais il s'agit de la prolongation d’un conflit politique
national en faisant des gouvernements autonomes le même front auprès du parti d'opposition.
b)
Au sein du parlement
® L’opposition est-elle identifiée par son hostilité au gouvernement ? À l’exécutif ? Par son statut non majoritaire au
sein de l’assemblée ? Au sein des assemblées ? Parle-t-on d’«opposition gouvernementale » ? D’« opposition
parlementaire » ?
Le critère qualifiant pour faire partie de la majorité qui appuit le Gouvernement est le vote favorable
dans la séance d'investiture du Président du Gouvernement dans laquelle la chambre basse du
Parlement octroie sa confiance. De là, il en ressort qu'un élément essentiel de l'opposition est son
hostilité au Gouvernement, qui peut se manifester dans ce moment initial et constitutif. Le vote
d'investiture fonctionne alors comme un premier outil pour identifier quels sont les groupes
d'opposition au gouvernement. En conséquence, il n'est pas suffisant, pour octroyer la condition de
groupe d'opposition, d’appliquer le critère numérique qui divise la chambre en groupe majoritaire et
groupe non majoritaire, puisqu’il est évident que même en étant un groupe non majoritaire, il peut
voter favorablement l'investiture du Gouvernement et même faire partie de celui-ci quand il y aurait
une interposition de pactes d'investiture ou de législature.
Dans le langage politique et journalistique, l'usage du terme opposition parlementaire semble
prédominer, bien que presque indistinctement, on emploie aussi l'expression "opposition au
gouvernement".
® En cas de parlement bicaméral, comment identifie-on les oppositions (éventuellement non concordantes
politiquement) des différentes chambres ? Laquelle fait-on prévaloir ?
Au Sénat espagnol, il est fréquent que le groupe majoritaire ne coïncide pas avec le groupe de la
majorité de gouvernement dans le Congrès des Députés, à cause du type de scrutin majoritaire, à la
taille réduite de la circonscription et la sous-représentation populationnelle de plusieurs d'entre elles.
Ce qui a donné l’occasion à des chambres de couleurs politiques différentes. Cependant, si le groupe
— 60 —
Espagne
majoritaire dans le Congrès des Députés est le groupe d'opposition dans le Sénat, il continue à avoir
la considération de groupe parlementaire du Gouvernement car, en Espagne, ce qui qualifie à
l'opposition est son appui dans l'investiture du Gouvernement ou voter en faveur du retrait de la
confiance en motion de défiance ou une question de confiance (articles 113 et 114 CE). C’est pour
cette raison que l'opposition qui prévaut est celle qui n'a pas voté l'investiture du Gouvernement,
chose qui peut seulement avoir lieu dans le Congrès des Députés.
Quand le groupe majoritaire d'opposition dans le Congrès a la majorité dans le Sénat, cette chambre
devient une institution d'opposition à la majorité parlementaire dans la chambre basse, normalement,
en exerçant un obstructionnisme au moyen de l'opposition du veto aux textes qu’il reçoit du
Congrès, pour cela il qui doit réunir la majorité absolue.
® Distingue-t-on, parmi les forces politiques hostiles au gouvernement ou à la majorité de l’assemblée («
l’opposition »), les différents courants d’opposition ? Identifie-on spécifiquement les groupes n’appartenant ni à
l’opposition ni à la majorité (groupes minoritaires, non inscrits…) ?
En général, la différenciation entre les différentes forces politiques qui forment l'opposition au
Gouvernement se trouve assez stabilisé dans le langage et la pratique politique. L'usage indistinct et
général du mot sert normalement à souligner l'union de toutes les forces d'opposition face à une
mesure du Gouvernement. En dehors de ces cas, on peut différencier entre le parti principal ou
principal groupe de l'opposition et le reste. On observe, également, une tendance à appliquer le terme
de groupes minoritaires seulement à ces forces ou partis sans groupe parlementaire propre ou qui
n'arrivent pas aux quinze sièges dans le Congrès des Députés.
La combinaison d'exceptions contemplées pour disposer d'un Groupe parlementaire propre a permis
qu'il y ait un nombre élevé de Groupes très minoritaires, la plupart appartenant aux partis
nationalistes, qui se bénéficient ainsi du traitement égalitaire attribué par le Règlement aux Groupes.
Les forces et groupes parlementaires du Sénat, qui dans le Congrès sont l'opposition à la majorité de
gouvernement, ne perdent pas cette attachement dans la chambre haute, même s’ils sont le groupe de
la majorité dans cette chambre. Ils peuvent, logiquement, paralyser des initiatives ou défaire à la
majorité gouvernementale dans la deuxième chambre, mais cette activité est encadrée dans l'activité
d'opposition au Gouvernement.
La figure du parlementaire non inscrit n'a pas obtenu de reconnaissance dans les règlements des
chambres du Parlement national. Il a uniquement eu existence dans les Parlements autonomes
comme celui-là de Catalogne et de Navarre qui n’ont pas établi, dans leurs débuts, l'existence d'un
Groupe Mixte et ils ont choisi d'incorporer la figure de député non inscrit. Cependant, cette figure a
été abandonnée par la suite, étant substituée, dans les deux règlements, par le Groupe Mixte.
Le Groupe Mixte constitue alors une garantie additionnelle de pluralisme politique constitutionnalisé
dans l’article 1.1 de la Constitution et, en même temps, résulte l'instrument parlementaire le plus
convenable pour que députés et sénateurs, sans groupe idéologique, puissent proposer leurs propres
initiatives parlementaires qui, autrement, ne pourraient développer qu'avec le soutien de
parlementaires soumis à la discipline de parti, ce qui paraît certainement invraisemblable.
Un des problèmes qu’on a tenté de résoudre pour respecter le pluralisme est celui des députés qui, au
sein du Groupe Mixte, sont minoritaires et voient compliqué le fait d'extérioriser une position
idéologique indépendante à celle du reste des membres. On a procédé, pour cela, à quelques
modifications réglementaires afin de reconnaître la figure des groupes parlementaires, auxquelles on a
été doté d’une certaine marge d'autonomie au sein du Groupe Mixte. À travers cette figure, on réussit
à donner une participation ordonnée et indépendante à la pluralité de voix qui configurent le Groupe
Mixte, quand il est constitué par des députés choisis dans différentes listes électorales et avec des
programmes politiques opposés.
2)
a)
Comment enregistre-t-on l’attachement à l’opposition ?
Comment appartenir à l’opposition ?
— 61 —
Espagne
® L’attachement à l’opposition s’identifie-t-elle individuellement (décision individuelle du parlementaire, de l’élu, du
personnage public) ou collectivement (décision du groupe parlementaire, du parti ou du courant politique) ?
L'attachement à l'opposition dans le système parlementaire espagnol s’identifie par l'attachement de
tout un parti ou d'un groupe parlementaire. Il s'agit, alors en principe, d'une décision collective qui
naît de ne pas soutenir l'investiture du Président du Gouvernement. La discipline de vote des groupes
parlementaires complique de plus que se produisent des décisions individuelles opposées à la
direction du parti et du groupe parlementaire.
® L’opposition s’identifie-elle sur la base d’un régime déclaratif ? D’un calcul arithmétique ? D’un constat empirique,
d’un comportement politique, ponctuel ou répété (refus de voter la confiance, d’approuver le budget du gouvernement,
d’adopter la loi adoptée par la majorité de l’assemblée…) ?
L'acte qui accorde une importance à l'attachement à l'opposition est en principe le vote dans
l'investiture du Président du Gouvernement, ou dans le retrait de la confiance dans une motion de
défiance ou dans une question de confiance. L'opposition se formalise, alors, à partir du sens du vote
dans l'octroi ou dans le retrait de la confiance au Président du Gouvernement. Dans les deux cas, le
vote a la nature d'un acte déclaratif qui, de plus, a une vocation de permanence, ce qui provoque des
conséquences qui atteignent au vote contre des textes législatifs, incluse la loi de budgets. Le vote
ponctuel ou occasionnel en faveur d'un projet de loi du Gouvernement ne fait pas d’un parti ou d’un
groupe d'opposition un allié du Gouvernement, mais la nature de quelques textes législatifs comme
les traités internationaux ou les lois organiques, par exemple, peuvent être consensués par le
Gouvernement avec un groupe de l'opposition, sans que cela n'implique que le dit groupe s’intègre
dans la majorité parlementaire de la chambre.
® Comment est-on admis en tant que composante de l’opposition ? Existe-il un registre, une liste, un document
constatant l’attachement d’un groupe ou d’un individu à l’opposition ? Comment est-on admis à faire partie de
l’opposition (et le cas échéant à bénéficier du statut correspondant) ?
Il n’existe aucun registre dans lequel doit rester une constance de l'attachement des groupes
parlementaires à la majorité de gouvernement ou à l'opposition. Dans le système parlementaire
espagnol, comme ces droits spécifiques qui sont privatifs et différents des groupes qui exercent
l'opposition ne sont pas reconnus, il existe une égalité formelle de droits et de facultés dont l'exercice
se règle en fonction de la force numérique de chaque groupe, sans qu'un régime distinct ou
particulier ne dérive de cela.
b)
Comment sortir de l’opposition ?
® Comment renoncer à l’attachement à l’opposition ? Peut-on quitter librement, se désenregistrer, modifier sa
déclaration à tout moment, en cours de mandat ou de législature ? Cela peut-il résulter d’une simple modification du
comportement, l’hostilité cédant la place à une démarche de appui (vote des textes, du budget, prise de parole) ?
Dans le régime parlementaire espagnol, l'opposition est un concept en négatif qui résulte, par défaut,
de ne pas voter l'investiture d'un président du Gouvernement ou de soutenir une motion de défiance
ou de voter contre une question de confiance. Pour cela, il est inhérent au système parlementaire
espagnol l'insignifiance des actes déclaratifs qui formalisent l'attachement à l'opposition, il n’existe
pas non plus un registre de groupes d'opposition.
® Y a-t-il des conditions ou formalités applicables concernant l’entrée et la sortie du statut de membre de
l’opposition ? Un contrôle ou une possibilité de contestation de l’attachement à l’opposition (par exemple
subordonnée au respect des principes démocratiques) ? Un délai incompressible d’attachement à l’opposition (par
exemple le temps d’une législature) ?
Dans le sens déjà signalé, dans le système parlementaire espagnol, il n'est pas exigible, pour
appartenir à l'opposition, aucun type d'acte déclaratif de chaque groupe, soit exprimé ou présumé.
Aucune restriction n'existe non plus aux groupes pour rester dans l'opposition, puisque les droits et
les facultés sont les mêmes durant toute la législature pour tous les groupes, en variant uniquement
— 62 —
Espagne
leur amplitude selon la force numérique des groupes. L'inexistence de droits spécifiques d'opposition
fait alors que tous les groupes se trouvent soumis au même régime juridique.
En ce qui concerne les parlementaires, leur attachement à l'opposition se produit de manière
automatique à partir du moment où ils manifestent la volonté d'intégrer dans un groupe
parlementaire déterminé, conditionnée uniquement à l'acceptation du chef du groupe. Les règlements
des deux chambres du Parlement obligent tous les parlementaires à appartenir à un groupe (article 25
du Règlement du Congrès, article 30 du Règlement du Sénat), c’est pour cela que le parlementaire
individuel lui ai reconnue tant la liberté de créer des groupes qui réunissent les conditions
réglementaires requises, comme celle de s’assigner à ceux qui sont déjà créés, mais il ne peut pas
rester comme parlementaire isolé. Or, cette liberté n'est pas pleine, puisqu’avec l'intention de lier les
groupes parlementaires aux partis, l'article 23.2 du Règlement du Congrès dispose que "en aucun cas
peuvent constituer un Groupe parlementaire séparé, des députés qui appartiennent au même parti" et
pour sa part, le Règlement du Sénat dispose que "les sénateurs qui ont concouru aux élections en
faisant partie du même parti, d’une fédération, d’une coalition ou d’un regroupement ne pourront pas
former plus d'un Groupe parlementaire" (article 27.3).
Une autre question est la possibilité de changer de groupe durant la législature, seuls les
parlementaires peuvent exercer cette faculté à un titre individuel sans plus de restriction que celle
d'être acceptés ou, dans son cas, pour faire partie du Groupe mixte, le seul groupe qui agglutine
plusieurs partis.
II.
A.
1)
a)
LES DROITS DE L’OPPOSITION
La garantie des droits de l’opposition politique
La nature de la garantie
Quel type de garantie ?
® Encadrer juridiquement l’opposition est-ce la brider ou la protéger ? N’est-il pas contradictoire d’offrir un cadre
juridique à l’opposition, dès lors que l’élaboration de ce cadre, expression du pouvoir, est le fait de la majorité ?
Limiter le cadre d’action de l’opposition est-ce l’enfermer et la nier ou, au contraire, préserver le principe majoritaire,
qui fonde la démocratie, en assurant les détenteurs du pouvoir, régulièrement désignés, d’une prééminence ?
La régulation d'un cadre normatif qui limite le champ d'action de l'opposition ne semble pas qu'il
contredise, en principe, aucune exigence démocratique ni porte atteinte contre le principe
constitutionnel du pluralisme politique. Il doit, plutôt, se comprendre comme une traduction au
niveau normatif des principes qui fondent une démocratie pluraliste majoritaire. De plus, il existe des
opinions doctrinales qui entendent, comme plus respectueux avec les principes démocratiques, la
reconnaissance d'un régime particulier et différencié pour les groupes d'opposition qui garantit des
droits face à la majorité afin d’ éviter que la force numérique puisse s'imposer dans des cas
déterminés, comme celui de la création de commissions d’enquête.
® Existe-t-il des coutumes, type « gentlemen’s aggreement », ou des « conventions de la Constitution » venant garantir
les droits de l’opposition ? Où ont-ils été négociés ? Ont-ils été codifiés ? Quelle est la norme de référence optimale,
entre la rigidité de la norme constitutionnelle et la souplesse du gentlemen’s aggreement et de la convention ?
Il existe des conventions constitutionnelles de grande importance pour les droits de l'opposition,
comme la célébration annuelle du Débat de l'état de la Nation dans le Congrès des Députés. Le
Président du Gouvernement profite ce débat pour faire un bilan de sa gestion et pour présenter des
mesures de stimulation et de grand relief pour l'action politique du gouvernement. Les leaders du
reste des forces politiques, qui ont une représentation parlementaire, interviennent pour opposer
leurs propositions au discours de gestion du Président, leurs critiques et leur bilan de l'action du
Gouvernement.
L'agilité et l'amplitude des sujets qui peuvent se discuter dans le Débat de l'état de la Nation l'ont
changé en débat phare des séances de contrôle et en moment central dans la vie parlementaire.
Cependant, la pratique parlementaire n'atteint pas à fixer sa date de célébration, c’est pourquoi c'est le
Gouvernement qui décide unilatéralement quand il est célébré. Ceci accorde un avantage indubitable
au Gouvernement et à sa majorité face à l'opposition, puisque la possibilité de choisir n'importe
— 63 —
Espagne
quelle date permet de le situer dans les moments dans lesquels il peut passer plus inaperçu à l'opinion
publique ou de l'approprier à l'obtention de résultats ou d’objectifs du programme de gouvernement
pour partir avec avantage et pour rentabiliser le débat devant l'électorat.
Une autre convention développée durant les dernières années dans le domaine parlementaire est celle
de la séance de contrôle du Président du Gouvernement dans le Sénat pour répondre aux questions
des groupes d'opposition. Cette séance de contrôle ne figure pas dans le Règlement de la Chambre et
c'est pour cela que son existence et sa périodicité ne sont pas garantis, mais elle se développe d'une
manière régulière, seulement avec des interruptions pour des raisons d'agenda.
De même, la célébration, dès 2004, de la Conférence de Présidents Autonomiques entre dans le cadre
des conventions constitutionnelles, et qui intègre les Présidents de toutes les Communautés
Autonomes et les deux villes autonomes de Ceuta et de Melilla. Elle a un format très ouvert qui
permet d'aborder les sujets les plus divers à caractère annuel, malgré lequel, elle n’est pas convoquée
toutes les années. Ce sommet ou forum d'Exécutifs se transforme en occasion idéale pour le dialogue
interinstitutionnel, mais constitue, de la même manière, une occasion idéale d'exercer l'opposition
territoriale face au Gouvernement de la Nation de la part de ces Communautés Autonomes
gouvernées par des partis qui, au niveau national, sont dans l'opposition.
® Existe-t-il une jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition ? La jurisprudence constitutionnelle
favorise-t-elle les droits de l’opposition ou en constitue-t-elle aussi un frein ?
Le Tribunal Constitutionnel s'est occupé des garanties et des droits de l'opposition uniquement
quand les droits fondamentaux des parlementaires peuvent être atteints, en dissant que "il ne
correspond pas à ce Tribunal le contrôle de n’importe quelles altérations ou irrégularités qui se
produisent, dans le domaine parlementaire dans les relations politiques ou institutionnelles entre
Législatif et Exécutif" (STC 196/90, du 29 novembre, FJ 6º), car l'exercice des fonctions
gouvernementales sont "susceptibles d'un contrôle politique et parlementaire et ne sont pas
révisables en général des considérations de correction juridique, sans risque de prétendre une
judiciarisation inacceptable de la vie politique, non exigée, en aucune manière, par la Constitution"
(ATC un 426/90, du 10 décembre, FJ 3º).
Même ainsi, le TC a considéré essentiel à un système démocratique que "certains représentants ne se
placent pas dans des conditions inférieures aux autres, puisque si il est nécessaire que l'organe
représentatif décide toujours dans le sens voulu par la majorité, il n'est pas moins qu’il ait à assigner à
tous les votes une valeur égale et on ait à placer à tous les votants dans des conditions égales de
l'accès à la connaissance des sujets et de participation dans les différents stades du processus de
décision" (STC un 32/1985, du 6 mars, FJ 3).
Concernant la composition des commissions parlementaires, le droit des minorités d'y être
représentées consiste, comme a reconnu le Tribunal Constitutionnel, "en obtenir autant de postes
dans les commissions comme il en résulte proportionnellement de l'importance numérique du
Groupe dans la chambre, et non pas en disposer des postes dans toutes les commissions
permanentes.
Concernant la composition des Bureaux des chambres, le Tribunal Constitutionnel a signalé dans sa
STC 141/1990 que "l'élection du critère de représentation proportionnelle, pour assurer le
pluralisme, doit se refléter aussi dans la structuration des organes du Parlement. La longue tradition
de notre système parlementaire selon laquelle le Bureau du Parlement est intégré par différents forces
ou Groupes Parlementaires, pour y permettre la participation aussi des membres des minorités,
même n'ayant pas été expressément reconnue par la Constitution, on doit le comprendre aussi
comme une exigence dérivée de la même pour assurer le pluralisme démocratique et de
proportionnalité représentative".
b)
Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
® Quels types de normes garantissent les droits de l’opposition ? La Constitution, la loi (organique ou ordinaire), les
règlements internes des institutions, les actes réglementaires ? Quelle est la place des coutumes ou du droit souple ?
— 64 —
Espagne
Les droits d'opposition se trouvent garantis par le maximal rang normatif que confère la
Constitution. Dans le texte constitutionnel, les droits politiques, de participation, de liberté
idéologique (art. 16) et d'expression (art. 20.1 a) ), de réunion (art. 21), d'association (art. 22),
d'information (art. 20.1 d) ) et les droits d’élu, conforment un premier noyau de droits garantis à
l'opposition. Avec ceux-ci, la règle d'adoption des accords (art. 79), la création de commissions
d’enquête (art. 76), l’inviolabilité et immunité parlementaires (art. 71.1 y 2) et l'initiative législative
populaire (art. 87.3), sont autant de garanties dans la Constitution.
Dans le rang sous-constitutionnel, les droits de l'opposition ont leur « locus » dans les règlements des
chambres et dans les actes des organes directeurs des mêmes. Mais ils ne sont pas exclusivement
recueillis dans les règlements des organes parlementaires, puisqu'ils sont aussi réglés dans la
législation électorale et des partis. Il faut aussi signaler l'existence d'usages parlementaires et de
résolutions interprétatives des organes de direction des assemblées. Ce type de résolutions peut avoir
une grande importance dans l'exercice des droits de l'opposition, puisqu'ils ont certaine efficacité
normative. Les résolutions interprétatives peuvent être approuvées par les Présidents ou d'autres
organes de direction des chambres, comme le Bureau ou l'Assemblée des Porte-parole. Il s'agit
d’accords qui servent à interpréter les règlements parlementaires ou, dans des cas extrêmes, à
remplacer leurs lacunes dans l'attente qu'ils soient réformés. À partir des Sentences du TC118/1988
du 20 juin, et 119/1990 du 21 juin, la jurisprudence a clarifié que ce type d'actes peuvent être jugés à
travers un recours par violation de droits fondamentaux (recours de "amparo" constitutionnel). Le
Tribunal Constitutionnel garantit, de cette façon, que ce type de résolutions ou de dispositions
n'innovent pas ou contredisent le contenu du règlement qui, formellement, se limitent à interpréter
ou à intégrer.
® Y a-t-il eu des évolutions du niveau de garantie ces dernières années ? Pour quelles raisons (dans l’affirmative
ou la négative) ? Le niveau de garantie était-il suffisant/satisfaisant ou, au contraire, insuffisant, insatisfaisant
et contesté ? Quelles sont les conséquences actuelles de cette évolution ou de cette stagnation ?
Dans dernières années, on n’a pas observé des altérations substantielles en ce qui concerne les droits
de l'opposition parlementaire. Cependant, il faut faire référence aux tentatives réitérées de réforme du
Règlement du Congrès des Députés dans les dernières années, tous frustrés non autant par le
manque d'accord, mais pour lier l'accord à d'autres types d'accords ou par la conjoncture politique ou
électorale du moment.
On peut observer une évolution dans l'exercice du droit de manifestation où se sont produites les
modifications législatives qui ont été très critiquées et répondues par les forces d'opposition.
Précisément, la nouvelle Loi Organique 4/2015 du 31 mars, de protection de la sécurité citoyenne
prévoit des sanctions allant jusqu'à 600.000 euros pour de très graves infractions, comme par
exemple participer aux "réunions ou manifestations, non communiquées, dans des installations dans
lesquelles se prêtent des services de base pour la communauté ou dans ses environs" (article 35.1).
Cela veut dire qu'une concentration de protestation en face d'un hôpital ou dans un campus
universitaire est interdite sans communication préalable, condition que la Constitution exige dans son
article 21 seulement pour des réunions dans des lieux de passage.
® Le niveau normatif de garantie des droits change-t-il en fonction des droits concernés ? Quelle typologie est-il possible
d’établir à partir de cette différence de niveaux de garantie ?
L'exercice de l'opposition parlementaire entraîne, à son tour, l'exercice de droits qui jouissent du rang
maximal de protection constitutionnelle. Il faudrait presque dire le même de l'opposition
extraparlementaire, puisque la liberté d'expression (article 16 CE), d'association (art. 21 CE), le droit
de réunion et de manifestation (article 22 CE), sont inclus dans le Chapitre II du Titre premier de la
Constitution et, c'est pourquoi, il lui est applicable le niveau maximal de garanties prévues dans
l'article 53 CE.
Le droit à l'exercice de la fonction représentative de l'article 23.2 CE assume une spéciale importance
dans le cas de l'opposition parlementaire. S’agissant d'un droit de configuration législative, son
contenu se concrétise dans tout un ensemble de facultés que reconnaît le règlement de chaque
— 65 —
Espagne
chambre. Bien que le rang normatif des règlements parlementaires soit celui d'une loi, l’atteinte au
droit de la fonction répresenative des élus continue à être protégée par le recours direct devant le TC.
2)
a)
L’étendue de la garantie
Quels droits au sein des institutions ?
® Quelles institutions politiques garantissent des droits de l’opposition ? Le parlement, les assemblées locales,
d’autres ? Y a-t-il des droits garantis spécifiquement dans certaines institutions et non dans d’autres ?
Les institutions politiques qui garantissent les droits de l'opposition sont, avant tout, les institutions
représentatives dont le lien avec la valeur constitutionnelle du pluralisme est très étroit. Alors, toutes
les assemblées représentatives, non seulement le Parlement national, ou les Parlements autonomes,
mais aussi les Députations provinciales et les Mairies sont des organes qui garantissent le pluralisme
et donc les droits de l'opposition.
® Quels types de droits sont garantis à l’opposition au sein des institutions ? Droits honorifiques (présidences de
commissions, intérêt simplement honorifique ou autre ?), d’interrogation (nature), d’enquête (étendue), de contestation,
de blocage, de renversement, de procédure parlementaire, de nomination ?
Il y a un principe général qui égale en droits à tous les groupes parlementaires d'opposition avec
indépendance de leur composition numérique. Ce principe général d'égalité des groupes détermine
que, par exemple, dans les débats généraux de la séance plénière, tels que le "débat sur l'état de la
Nation" ou dans les débats d'investiture du Président du Gouvernement, le leader de l'opposition
nationale dispose du même temps que les groupes minoritaires (la majorité d'eux nationalistes)
malgré le fait que le groupe majoritaire d'opposition possède quinze, vingt ou quarante fois plus de
votes que celui des groupes minoritaires.
Concernant la composition des commissions, l'ordonnancement parlementaire espagnol a adopté,
comme principe général, la désignation inégale de leurs membres de la part des groupes
parlementaires en répondant aux critères de proportionnalité numérique par rapport à la composition
de la séance plénière. Concernant la présidence des commissions, il n'y a pas de norme qui impose la
distribution des présidences de manière proportionnelle, de façon qu'il y a eu des législatures dans
lesquelles la majorité gouvernementale a occupé toutes les présidences alors qu'en d’autres a existé
une distribution plus ou moins proportionnelle. Concernant l'organe directeur des chambres, le
Bureau, son élection a lieu dans un moment où ne sont pas encore constitués les groupes
parlementaires, étant donné que leur élection est réalisée dans la séance constitutive des chambres
(article 36 du Règlement du Congrès) ou dans la séance dans laquelle se constitue d’une manière
intérimaire ou définitive le Sénat (article 4.1 et 5.1 RS). Même ainsi, les règlements des deux
chambres comptent sur des mécanismes qui garantissent un pluralisme dans la composition du
Bureau de façon à ce qu'ils reflètent d'une manière limitée leur composition politique. Seul les
Présidents de chaque chambre sont choisis par suffrage majoritaire (article 37.1 du Règlement du
Congrès, article 7 du Règlement du Sénat). Le reste des membres du Bureau des deux chambres sont
choisis par vote limité. De cette façon, le Président appartiendra généralement à la force politique
majoritaire dans la chambre, alors que les vice-présidents et les secrétaires se distribueront de manière
décroissante entre les forces de moindre représentation dans la chambre grâce au système de vote
limité établi, qui oblige à émettre un vote sur quatre postes dans les cas des vice-présidents et
secrétaires du Congrès (article 37 du Règlement du Congrès), et un vote sur deux dans le cas des
vice-présidents dans le Sénat et deux sur quatre pour les secrétaires de la chambre haute. Au-delà de
garantir le pluralisme et la proportionnalité dans la composition du Bureau des chambres et dans les
commissions il n'y a pas de prérogative ou de droit réservé à l'opposition dans un sens strict.
On peut interpréter, en revanche, comme droit honorifique que le leader de l'opposition soit appelé
par le Roi pour être écouté dans des sujets déterminés, ainsi que sa présence dans des actes
protocolaires déterminés.
De la même façon, il paraît paradoxal que le leader d'un parti national, qui est la troisième force la
plus votée en Espagne, se trouve relégué à intervenir derrière tous les groupes minoritaires
nationalistes auxquels il double ou triple dans des votes, mais cependant qui le précèdent dans le
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Espagne
débat par leur force numérique en députés. Les distorsions du système électoral marquent aussi la
formation de Commissions puisque dans les groupes plus petits, avec 3 députés ils sont présents
dans toutes les Commissions.
Le rôle de l'opposition augmente dans les cas de désignation des postes d'organes d'élection
parlementaire qui doivent être nommés par majorité qualifiée dans les chambres.
® Comment l’opposition est-elle associée à la confection législative ?
La possibilité d'initier la procédure législative ordinaire moyennant le dépôt de propositions de loi se
reconnaît dans le Congrès des Députés à 15 députés ou à un seul groupe (article 126 du Règlement
du Congrès), bien que seulement les groupes parlementaires aient attribuée la faculté de présenter des
amendements à la totalité. Les députés à un titre individuel peuvent seulement présenter des
amendements à l'articulé qui doivent porter la signature du Porte-parole de leur Groupe (article 110
du Règlement du Congrès). Bien que l'attribution égalitaire à tous les groupes parlementaires de la
faculté de pouvoir initier la procédure législative pourrait se considérer comme une garantie de
l'opposition, la majorité peut restreindre cette faculté dans l’examen de prise en considération dans
lequel s'expose et débat, dans la chambre, et dan lequel se décide s'il autorise le début de la
procédure, ce qui permet de refuser, en origine, n'importe quelle proposition qui n'appartient pas au
groupe majoritaire, en laminant de cette façon la capacité d'initiative reconnue à l'opposition.
Concernant les textes législatifs avec origine dans le Gouvernement, le Règlement du Congrès, qui
est la chambre de première lecture dans la procédure législative ordinaire, dispose qu’il n'est pas
nécessaire l’examen de la prise en considération et elle s’envoie directement à la commission qui
correspond. Cela évite que l'on puisse célébrer un débat lors de la séance plénière dans laquelle
l'opposition extériorise à l'opinion publique sa position. La seule manière de forcer un débat initial
dans la séance plénière de la chambre basse est de présenter un amendement à la totalité, de
demander la dévolution du projet au Gouvernement ou de proposer un texte alternatif, puisque dans
ces trois suppositions le Règlement établit la célébration d'un débat de totalité dans la séance plénière
sur l'opportunité, les principes et l'esprit du projet de loi (articles 110 et 112 du Règlement du
Congrès). Si le débat de totalité initiale dans la séance plénière ne se célèbre pas, l'opposition dispose
du débat final sur le Rapport de la Comission Législative, ce qui répare, en partie, le manque du débat
initial de totalité. Cependant, ce débat permet seulement un tour en faveur et un autre contre d’une
durée de quinze minutes pour chaque amendement (article 74.2 y112.2 du Règlement du Congrès),
avec le droit des groupes de l'opposition de fixer leur position en consommant un tour de dix
minutes seulement (article 73.2 du Règlement).
Quand la discussion et l'approbation des projets ou propositions de loi sont déléguées dans une
commission législative du Congrès (article 75 de la Constitution), l'opposition ne jouit pas de la
faculté de pouvoir rendre à la séance plénière la décision finale.
Le rôle de l'opposition se trouve également affaiblit en relation aux normes ayant rang de loi que le
Gouvernement peut édicter. Le Décret-Loi est, parmi ces normes de provenance gouvernementale,
la plus utilisée. Pendant l'actuelle Législature, il s’est battu le record de Décrets-Lois qui peuvent être
dictés seulement pour des raisons de nécessité extraordinaire et urgente (article 82 de la
Constitution). L'intervention qui a l'opposition est réduite à exposer ses points de vue alternatifs dans
un débat de totalité lors de la séance plénière et à voter, en bloc, sur la vigueur indéfinie du Décret-loi
au-delà de 30 jours ou son abrogation. Il n'existe pas, alors, la possibilité de présenter ou de débattre
des amendements. La ratification du Décret-loi a lieu, par ailleurs, avec une majorité simple, ce qui
fait que la capacité de l'opposition de s'opposer à la même soit très réduite.
La phase centrale de la procédure se déroule en diverses phases, en commençant par le Rapport de la
soit-disant Ponencia (organe collégial), où régit la pondération de vote et avec le débat et
l'élaboration du Rapport de la commission correspondante, intégrée par des représentants des
groupes qui reflète la composition de la chambre.
Dans le Sénat, les initiatives législatives peuvent être exercées par un groupe parlementaire ou par 25
sénateurs (article 108 du Règlement du Sénat), alors que la faculté de présenter des amendements se
reconnaît aux groupes et aux sénateurs sans limitation en incluant les propositions de veto aux textes
législatifs approuvés par le Congrès (article 107 du règlement du Sénat). Le débat plénaire est
— 67 —
Espagne
similaire à celui du Congrès. S’il y a de propositions de veto, ou des votes particuliers, on ouvre deux
turs en faveur et deux en contre qui peuvent uniquement être atribués aux sénatuers qui
appartiennent à divers groupes, suivis par les interventions des Porte-parole des groupes.
b)
Quels droits au-delà des institutions ?
® Le financement des partis politiques d’opposition favorise-t-il et renforce-t-il l’expression de l’opposition ? Quelles
sont les ressources financières de l’opposition ?
Le financement des partis politiques correspond à un système mixte qui reprend, d'une part, les dons
des citoyens et, d'autre part, les ressources provenant des pouvoirs publics en proportion de leur
représentativité comme moyen de garantie de l'indépendance du système, mais aussi de sa suffisance.
Les dons privés doivent procéder de personnes physiques ou juridiques qui ne peuvent contracter
pas avec les administrations publiques, et doivent être publiques et ne pas dépasser des limites
raisonnables et réalistes.
En vertu de l'article 3.2 de la Loi Organique sur le financement des partis politiques dispose que les
subventions publiques se distribueront en fonction du nombre de sièges et de votes obtenus par
chaque parti politique dans les dernières élections à la chambre correspondante.
Pour l'assignation de telles subventions, la consignation budgétaire correspondante sera divisée en
trois quantités égales. Une d'elles sera distribuée en proportion du nombre de sièges obtenus par
chaque parti politique dans les dernières élections au Congrès des Députés et les deux restantes
proportionnellement à tous les votes obtenus par chaque parti dans les dites élections.
Le nouvel article 3.6 de la Loi Organique de financement des partis a introduit, dans la réforme de
2015 (L.O. 3/2015 du 30 mars), une limite dans le financement en établissant que les subventions
étatiques annuelles prévues qui surpassent la quantité de douze millions d'euros. Dan ce cas il faudra
un accord préalable du Conseil des Ministres pour autoriser sa concession. Cette autorisation
n'impliquera pas l'approbation de la dépense qui, en tout cas, correspondra à l'organe compétent
pour la concession de la subvention.
Le paiement des subventions annuelles ne pourra pas se réaliser si le parti n'accrédite pas se trouver
au courant dans l'accomplissement de ses obligations fiscales et de la Sécurité Sociale en la forme
déterminée réglementairement, ou ayant en suspens un remboursement de subvention ou d'aide
(article 3.7 de la LO).
Le nouvel article 3.8 impose retenir le paiement des subventions annuelles ordinaires aux partis qui,
dans les dates établies, ont manqué aux obligations de présenter et de faire publics leurs comptes.
Avec le financement aux partis pour couvrir leur fonctionnement et les frais électoraux, il existe un
financement des groupes parlementaires qui se règle en fonction du caractère plus ou moins
nombreux des Groupes. Elle constitue une exigence d'équité, bien que la proportionnalité de la
distribution des quantités destinées à cet objet subisse les corrections qui s'estiment précises pour
garantir le fonctionnement adéquat des plus petits Groupes. L'article 28 du Règlement du Congrès
des Députés contemple, en plus des locaux et des moyens matériels, une assignation avec charge à
leur Budget, dédoublée en quantité fixe identique pour tous et une autre quantité variable en fonction
du nombre de Députés de chacun d'eux. Les quantités se fixent par le Bureau de la Chambre.
Comme dans la presque totalité des ordonnancements européennes, le principe d'égalité ne préside
pas non plus la distribution du financement par des frais électoraux puisqu'il est réalisé en fonction
des résultats électoraux qui ont été récoltés ayant pour objet la compensation du versement déjà
effectué. La distribution de cette aide financière exige, alors, d’avoir un certain succès électoral, c’est
pourquoi non toutes les formations qui ont concouru aux élections pourront bénéficier d'elle. Il est
certain que des avances de ces frais électoraux pourront être accordées aux partis et aux coalitions,
mais seulement à ceux qui ont obtenus des représentants dans les dernières élections au Parlement
national (« Cortes Générales »), au Parlement Européen ou dans les élections municipales (article
127.1 et 2 de la Loi Organique du Régime Électoral Général).
® De quels droits et/ou libertés l’opposition politique bénéficie-t-elle en-dehors des institutions ? Le droit d’asile, le
droit de grève, la liberté de la presse sont-ils ou peuvent-ils être considérés comme des droits de l’opposition ?
— 68 —
Espagne
Bien que les grèves politiques soient interdites, cela n'est pas un obstacle pour que des grèves
déterminées aient le caractère d'action de protestation et de confrontation à la politique du
gouvernement dans lesquelles l'opposition parlementaire et extraparlementaire participent. Les grèves
pendant la campagne électorale ne sont pas interdites.
La grève est alors devenue une arme politique de plus comme le témoignent les appels fréquents des
partis d'opposition à seconder les journées de grève générale ou de grève dans des secteurs clés pour
l'agenda de l'opposition, comme peut être l'éducation, l'Université, la santé, la réforme du marché de
travail, des pensions, l'âge de retraite, la pression fiscale, les couvertures sociales, le transport ou la
culture. Mais au-delà de l'exploitation du conflit social que peut réaliser l'opposition, il est certain que
la grève est un droit qui accomplit une fonction démocratisante.
Le droit d'asile est conçu par la Constitution espagnole comme un instrument de protection de
l'opposition politique dans des pays étrangers. Le propre texte constitutionnel interdit dans son
article 13 l'extradition par des délits politiques, mais ne considérant pas les actes de terrorisme
comme tels. Dans le paragraphe 4 de l’article 13 s'établit que la loi établira les conditions dans
lesquelles les citoyens d'autres pays et les apatrides pourront jouir du droit d'asile en Espagne à ceux à
qui serait reconnu la condition de réfugié et qui consiste en sa non dévolution ni expulsion, dans les
conditions de l’article 33 de la Convention sur le Statut des Réfugiés faite à Genève le 28 juillet 1951,
et qui entraîne les mesures suivantes: autorisation de résidence en Espagne, expédition de documents
de voyage et d'identité nécessaires, autorisation pour développer des activités de travail,
professionnelles ou mercantiles et toutes autres qui peuvent être incluses dans les Conventions
Internationales, souscrites par l'Espagne, se référant aux réfugiés.
Le pouvoir de renseignement constitue la meilleure garantie d'une société démocratique, puisqu'il lui
permet de jouir d'un ferme contrepoids face du pouvoir politique et, loin de requérir des limites et
des contrôles, devient méritant des garanties constitutionnelles exclusivement destinées à protéger la
liberté de l'informateur et la création libre d'entreprises de renseignements.
Le droit à l'information, selon l'interprétation reçue du Tribunal Constitutionnel, englobe un double
aspect: d'une part, le droit d'être informé sans que l'État ne puisse, en aucun cas, manipuler
l'information que les citoyens ont le droit de connaître, en même temps qu'il l’empêche aussi aux
particuliers. Le deuxième aspect oblige à permettre, à l'opinion publique, de recevoir une information
véridique, libre, effective, objective et plurielle, de telle sorte que la censure préalable se trouve
absolument interdite par le texte constitutionnel. Les faits de l’information doivent être certains ou,
au moins, doivent être diligemment vérifiés. Mais cela n'empêche pas que l'information ait un biais
politique qui permet l'existence d'une pluralité de médias pour garantir au citoyen le droit de recevoir
l'information par le média qui choisi, sans qu'il y ait une voie unique de connaître l'information. On
ne doit pas confondre, alors, la pluralité de médias avec la pluralité de chaque média.
De plus, la liberté de presse ne peut pas être séparée de la propriété des médias, entre lesquels la
télévision occupe une place très remarquable. Etant donné le rôle que jouent les médias dans la
formation d'une opinion publique libre, la liberté de télévision s'assimile à une liberté avec clairement
une dimension institutionnelle. D’où le fait que cette liberté s’est entourée d’un ensemble de garanties
que le Tribunal Constitutionnel s'est chargé de mettre en évidence: i) la Constitution autorise à
déclarer la télévision comme service public puisqu'il faut assurer l'activité de la télévision sans des
interruptions par son caractère essentiel pour la communauté; ii) il faut préserver alors le pluralisme
informatif; iii) il faut permettre l'accès, dans des conditions d'égalité, au droit de fournir l’information,
de façon à ce que les pouvoirs publics doivent ordonner un accès égalitaire à un bien limité; iv), il
existe l'obligation d'empêcher le monopole privé des médias informatifs pour garantir le droit des
citoyens de recevoir une information plurielle, cela à cause de que la stricte liberté d'entreprise ne
garantit pas suffisamment ce droit par les obstacles inévitables et factuels à l'existence d'un marché.
C’est un fait que le traitement normatif de l'information et des médias fait partie du combat politique.
Les divergences politiques ont un dénominateur commun: l'intérêt de celui qui détient le
Gouvernement en influencer, faire dépendre, médiatiser et même, de manipuler l'information dans
son bénéfice. Entre les instruments qui octroient une position prééminente au gouvernement: la
désignation du gérant des entités publiques de communication (et, d'une forme indirecte, celle des
responsables directs de l'information), l'octroi de licences d'émission d’informations en faveur des
— 69 —
Espagne
groupes médiatiques qui se présupposent des amis, ou le sponsoring de l'intervention sur le marché
de la communication des groupes économiques affines aux postulats politiques gouvernementaux.
® Quelle est l’étendue de ces différents droits et/ou libertés? Le droit d’asile est-il largement reconnu? Les droits
de grève et de manifester sont-ils fortement limités (interdiction de faire grève, autorisation de manifester)? La liberté
de la presse est-elle malmenée ?
On observe depuis 2001, année dans laquelle s’atteint le chiffre le plus haut, une tendance à la baisse,
avec une baisse de 72,8 % jusqu'à 2012. Une tendance qui s'est accentuée depuis l'approbation de la
nouvelle Loi d'Asile en 2009 puisque, dans les quatre dernières années, on a enregistré les statistiques
les plus baisses depuis 1988, première année à partir de laquelle existe une constance du registre des
statistiques d'asile. Cette baisse pourrait être due à l'élimination de la possibilité de solliciter l'asile par
voie diplomatique avec la réforme de la Loi 12/2009 du 30 octobre. Malgré l’élimination de la
possibilité de solliciter un asile en Espagne dans les missions diplomatiques ou les ambassades
espagnoles à l'étranger, les ambassadeurs espagnols pourront promouvoir le déplacement du
demandeur d'asile à notre pays pour initier les procédures de demande et de protection.
La Loi d'asile était utilisée par les personnes étrangères, en grande proportion, pour éviter la
législation sur les émigrants et les étrangers. Et cela parce que, compte tenu de la Loi dans sa
rédaction originaire, la simple demande supposait le droit d'entrer et de rester dans notre pays tandis
que l'on résolvait sur le fond, y inclus des recours administratifs et judiciaires, ce qui provoquait une
période de résidence légale si prolongée qu’elle rendait hautement improbable la sortie obligatoire,
même si la demande de protection soit faible. En conséquence, un des axes fondamentaux de la
modification opérée en 1994, a été la possibilité de déclarer irrecevables les demandes d'asile, à
travers une procédure caractérisée par la "célérité", qui impliquait le rejet dans la frontière ou le sortie
obligatoire ou l’expulsion du pays dans une série de cas.
La nouvelle régulation légale avait, en principe, pour but le transposition de trois Directives de l'UE
(Directive 2004/83/CE, 205/85/CE, 2003/86/CE), mais au fil de cette adaptation nécessaire, le
législateur a profité pour introduire des nouveautés qui, dans quelques cas, représentent un
recrudescence de la situation dans laquelle vivent des réfugiés potentiels, bien que dans les autres, la
nouvelle régulation présente des progrès ou des améliorations dans leur traitement.
Concernant les personnes qui ont besoin de protection, dans la nouvelle loi de 2009 celle-ci est
élargie à des raisons non seulement de race, religion, nationalité, politique ou groupe social, mais
également à des raisons de genre ou d'orientation sexuelle. L'introduction des critères pour que les
demandeurs de protection internationale puissent recourir à la protection subsidiaire, et pour les cas
dans lesquels ne se réunissent pas les conditions requises pour la reconnaissance d'asile ou la
condition de réfugié, étant réglée sa définition (article 4) et son statut juridique (article 10 à 12) aux
conditions (graves dommages), causes d'exclusion (commission de délits de paix, de guerre ou contre
l'humanité et graves délits) et causes de dénégation (danger ou menace pour la sécurité de l'État).
B.
1)
L’usage de ses droits par l’opposition politique
Au sein des institutions politiques
a)
Quelle légitimité ?
® Comment concilier le principe majoritaire et le fait d’accorder des droits à l’opposition politique ? Dans quelle
mesure les élus de l’opposition participent-ils à l’exercice de la souveraineté nationale ? La théorie de la
représentation politique ne doit-elle pas intégrer la qualité du représentant de l’opposition ? La création de binômes
majorité/opposition est-elle possible, dans quelles situations ?
Le statut juridique qui résulte en Espagne pour l'opposition parlementaire ni reconnaît ni garantit des
droits différents à ceux dont profite la majorité parlementaire, ce qui a comme conséquence que
n'importe quelle initiative ou vote de l'opposition reste bloqué ou neutralisé par la majorité, étant
donné que sa taille la fait insignifiante numériquement. Le contrôle et critique de l'opposition comme
substrat de la fonction parlementaire ne s’étend pas plus qu'aux débats et questions, mais au niveau
des décisions et d'inspection de la majorité parlementaire, l'opposition, si elle est en minorité, se
trouve condamnée à voir frustrées ses propositions, stériles face à une majorité mécanique.
— 70 —
Espagne
Il faut, évidemment, partir de l'idée de que la fonction d'impulsion politique et de législation dans une
démocratie majoritaire doit toujours correspondre à la majorité. Dans ce sens, aucun statut
d'opposition ne pourra permettre de dénaturaliser le principe majoritaire plus que quand
l'approbation des normes par des majorités qualifiées exigent d’intégrer le vote de l'opposition.
Il est possible, cependant, de concilier la garantie de quelques droits spécifiques d'opposition avec le
principe majoritaire, dans la mesure dans laquelle ces droits ne sont pas adressés à influer sur le
Pouvoir exécutif ni opposer le veto ou à bloquer ses propositions, mais á donner une effectivité à
une conception moderne du principe de séparation de pouvoirs qui empêche l'absence de contrôle et
la concentration de pouvoir résultant de l'addition du gouvernement à sa majorité parlementaire.
L'élaboration d'un statut pour l'opposition se transforme ainsi en garantie constitutionnelle de
limitation du pouvoir.
Il faut, alors, opposer la légitimité démocratique qui assiste à la majorité parlementaire, la légitimité
constitutionnelle du contrôle et limitation du pouvoir. De la théorie de la représentation politique et
du pluralisme démocratique il est possible également de trouver, de même, un appui au travail des
représentants de l'opposition. En effet, il faut distinguer entre la validité d'une décision adoptée en
conformité avec le critère démocratique du principe de la majorité, et la légitimité qu’on atteint
seulement si la souveraineté du peuple est présente dans cette même décision, c'est-à-dire, s'il y a une
liberté et une égalité, et un respect pour les minorités. En définitive, pour que le peuple puisse
continuer d'être entendu comme souverain; il faut institutionnaliser des mécanismes et des
instruments qui peuvent faire effectifs les droits de tous les représentants, ce qui, en substance, doit
conduire à la sauvegarde et la protection de quelques droits des minorités qui permettent l'accès à la
prise de décisions, l'exigence de transparence, de l'appui des conseillers, de la vigilance et de la
critique à la majorité.
L'étendue du binôme majorité/opposition se prolonge dans tous ces organes collégiaux dont la
nomination dépend du Parlement. Elle acquiert une importance spéciale, dans ce sens, la nomination
de 4 magistrats du TC par chacune des chambres qui composent le Parlement (article 159.1 CE), car
on a tendance à voir, dans les décisions du TC, la division d'un bloc de la majorité et l'autre de
l'opposition. D'une manière analogue, la même division se déplace aux nominations du Conseil
Supérieur de la Magistrature dans lesquelles les deux des chambres désignent, de fait, ses 20 membres
(article 122.3 CE).
b)
Quelle fréquence ?
® L’opposition est-elle systématique, voire permanente ? Pourquoi (y a-t-il des raisons objectives ou seulement
subjectives) ? Est-il possible d’établir des statistiques de l’usage de ses droits par l’opposition ?
L'opposition dans le système constitutionnel espagnol est définie par la forme de gouvernement et
l'expression de la confiance parlementaire au moment ponctuel de l'investiture. Un lien objectif
s'établit et qui a une vocation de permanence durant la Législature puisque, sauf faillite de la cohésion
ou de la discipline de parti dans la majorité gouvernementale, le vote d'investiture instaure une
confiance qui peut uniquement être démentie par une motion de censure ou par une question de
confiance. De cette façon, des abstentions éventuelles ou des votes contre des mesures impulsées par
le Gouvernement ne déterminent pas, elles seules, le rattachement des députés ou des sénateurs à
l'opposition.
Les statistiques des différentes initiatives, des propositions et des votes présentés ou impulsées à
partir des groupes d'opposition pouvaient être obtenues jusqu'à 2008 à travers des mémoires de
législature qui publiait chacune des chambres et, par la suite, à travers les chercheurs de leurs sites
web. Pour le Congrès des Députés ils peuvent être consultés dans :
www.congreso.es/portal/page/portal/Congreso/Congreso/Iniciativas et sur le site du Senat existe
un chercheur similaire :
www.senado.es/web/actividadparlamentaria/iniciativas/buscadoriniciativas/index.html.
® Y a-t-il, au contraire, un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition ? Est-il fréquent, récurrent ? En
fonction de quoi, de quels sujets peut-il avoir ou a-t-il lieu ? Y a-t-il des sujets plus consensuels que d’autres ? Pour
quelles raisons ?
— 71 —
Espagne
Le dialogue entre majorité et opposition adopte, plutôt, dans la plupart des occasions un dialogue
informatif du Président du Gouvernement avec le leader de l'opposition qui, d’habitude, est informel
et éloigné de la projection médiatique. Il entre dans ce qui peut être considéré comme dialogue
institutionnel dans lequel il ne s'agit pas d'atteindre des accords mais seulement de maintenir un
échange d'impressions ou de fournir des informations remarquables pour les intérêts nationaux.
Il existe, de plus, des canaux de dialogue beaucoup moins fréquents entamés à l'occasion de l'offre de
pactes d'État de la part du Gouvernement ou de l'intérêt gouvernemental pour négocier des lois
déterminées ou des initiatives.
® Peut-on distinguer parmi les droits de l’opposition, ceux qui ne seraient jamais utilisés (et, dans ce cas, pourquoi ?)
de ceux qui sont rituellement utilisés (dans une logique de posture) et d’autres encore qui le sont dans des circonstances
plus conflictuelles ? L’utilisation de ces prérogatives est- elle le révélateur d’une tension institutionnelle ?
Parmi les instruments dont dispose l'opposition, la motion de censure est celle qui se prête à être
utilisée dans de rares occasions, étant donnée la difficulté de construire une majorité absolue
alternative à la majorité d'investiture et la nécessité de proposer un candidat unitaire à la présidence
du Gouvernement.
Parmi les procédures que, difficilement l'opposition mettra en place par leur caractère extraordinaire,
on peut citer celui d'accusation pénale du Président du Gouvernement par des délits de trahison ou
contre la sécurité de l'État. L'accusation, dans ces cas, correspondra exclusivement au Congrès des
Députés, par initiative d'au moins une quatrième partie de ses membres et avec l'approbation de la
majorité absolue de la chambre. Le Tribunal Suprême a écarté (Ordonnance du 19 mai 1999)
l'admissibilité de l'exercice de l'action populaire face à deux membres du Gouvernement en les
accusant d'un délit de participation à une guerre sans respecter les dispositions de la Constitution,
plusieurs délits commis contre des personnes et des biens protégés en cas de conflit et un de
malversation impropre de fonds publics. Donc, selon le Tribunal Suprême, conformément à l'article
102.2 de la Constitution, l'accusation contre le Président et les autres membres du Gouvernement par
des délits déterminés peut seulement être proposée par le Congrès des Députés et conformément aux
termes prévus dans l'article 102, ce qui exclut, dans ces cas, l'exercice de l'action populaire.
c)
Quelles conséquences ?
® Quels sont les objectifs et les conséquences de l’opposition ? Sont-ils purement politiques ou également juridiques ?
Parle-t-on d’obstruction ? Comment l’opposition est-elle traitée et protégée par le juge (constitutionnel, le cas échéant) ?
L'accès de l'opposition aux recours d'inconstitutionnalité se trouve constitutionalisé et permet, d’une
certaine manière, l'intervention dans des conditions d'égalité des intéressés dans les processus de
décision qui les affectent. La légitimation à ces effets est assez ample puisque, en plus de 50 députés
et 50 sénateurs, pour impulser le jugement constitutionnel, cette légitimation s’étend aux organes
autonomiques ce qui implique que, si par son nombre réduit dans le Parlement national ou par
manque de soutien des autres forces, une force politique n'a pas de légitimité elle même pour
interposer le recours d'inconstitutionnalité, il se peut que, en étant en minorité dans la sphère
nationale, cette force politique soit majoritaire dans la sphère autonomique, pouvant activer le
contrôle de constitutionnalité des lois à partir du Parlement d'une Communauté autonome ou à
partir du Gouvernement autonome. Or, la légitimation procédurale des institutions autonomiques a
un caractère plus restreint puisqu'elles restent exclues de cette légitimité pour faire recours contre les
lois de la propre Communauté autonome et le reste de lois autonomiques, c’est pourquoi seules les
lois étatiques peuvent être attaquées, bien que cette restriction ne dérive pas de la Constitution, mais
de l’article 32.2 de la Loi Organique du Tribunal Constitutionnel. En tout cas, cela suppose
l'institutionnalisation d'une voie additionnelle pour la protection des minorités politiques. Cette
légitimité procédurale active suppose elle même une garantie qui permet l'utilisation d'instruments
adressés à la réalisation du Droit constitutionnel matériel qui est défini par les principes, les valeurs et
les normes de contenu substantif contenues dans le texte constitutionnel.
A partir de l'angle des processus de constitutionnalité des lois, il existe un niveau de juridisation des
types de conséquences qu’a l'exercice de l'opposition. La garantie du contrôle juridictionnel se
montre beaucoup plus effective que les garanties de contrôle politique, non seulement par les
— 72 —
Espagne
conséquences juridiques qui peuvent porter, mais parce que nous sommes devant le seul instrument
dont dispose l'opposition dans lequel se reconnaît une capacité de décision autonome aux minorités
qui échappe à l'obstructionnisme de la majorité. De sorte que bien que la majorité parlementaire ait la
liberté d'action politique qui ne peut être empêchée par l'opposition si elle est minoritaire, la garantie
juridictionnelle est une garantie externe à la majorité qui, sur la base d'un paramètre objectivable,
empêche des actes d’arbitrage et protègent le pluralisme.
® Comment l’opposition est-elle contrôlée par la majorité ? Existe-t-il des mécanismes permettant de l’écarter
totalement (radicalement) ?
Il n’existe pas seulement un obstructionnisme des minorités, mais plusieurs des mécanismes de
contrôle au Gouvernement donnent lieu la pratique d’un obstructionnisme de la majorité
parlementaire gouvernementale.
Dans la régulation des mécanismes de contrôle ordinaire, l'obstructionnisme de la majorité est
favorisé. Dans le cas des interpellations, on donne la priorité à unes face à autres dans le Congrès des
Députés et dans le Sénat. Dans la chambre basse, on donne priorité aux interpellations des Députés
de Groupes parlementaires ou à celles des propres Groupes parlementaires qui, dans la période
correspondante des séances, n'avaient pas consommé le quota résultant d'assigner une interpellation
par chaque dix députés appartenant au même (article 182.2 du Règlement du Congrès). Dans la
chambre haute, la priorité est donnée aux interpellations présentées par les sénateurs qui avaient
utilisé moins ce droit dans la période correspondante des séances et, quand cette circonstance est due
dans deux ou plusieurs interpelants, la préférence sera donnée au groupe parlementaire de plus
grande importance numérique (article 172 du Règlement du Sénat). Des deux règlements, on déduit
que les parlementaires de la majorité sont ceux qui utilisent le moins les interpellations, c’est
pourquoi ils jouiront de la priorité chaque fois qu'ils veulent faire obstacle aux moments de la période
de séances dans lesquelles l'opposition intensifie son contrôle. Chose pareille peut se dire de
l'organisation des tours de débat des interpellations dans le Congrès des Députés, puisque le
Règlement envisage qu’un représentant peut participer par chaque groupe, à l'exception du groupe
interpelant qui, après la première intervention et une réplique éventuelle, n'intervient plus (article 184
RC). Ce qui permet qu'après le membre du Gouvernement intervienne toujours un député du groupe
de la majorité parlementaire, qui vient à son secours sans qu'il n'ait la possibilité d’intervenir le
groupe duquel procède l'interpellation, ce qui évite le débat du membre de l'opposition avec le
Gouvernement. Également, si l'interpellation va suivie d'une motion pour établir la position de la
chambre, son contenu dépendra de la volonté de la majorité. Il est interdit, de plus, que dans le
même ordre du jour, on puisse inclure plus d'une interpellation du même groupe parlementaire, ce
qui restreint la capacité de l'opposition.
Dans les questions, aussi, une priorité est octroyée á celles présentées par les députés qui n'auraient
pas encore formulé des questions à la séance plénière dans la même période des séances (article 88.2
du Règlement du Congrès), cela arrive aussi dans le Sénat (article 163.3 du Règlement du Sénat). La
majorité dispose, ainsi, de la possibilité d'utiliser les questions à des fins obstructionnistes.
La décision de créer des commissions d’enquête se laisse aussi dans les deux des chambres dans les
mains de la majorité, mais non seulement la majorité contrôle sa création mais, une fois créées, elles
contrôlent aussi leur fonctionnement et les propres accords, due à que la composition doit respecter
l'importance numérique des groupes dans la chambre et les décisions sont adoptées en appliquant le
vote pondéré (article 52.3 du Règlement du Congrès, article 100.4 du Règlement du Sénat).
Les demandes d’audition des membres du Gouvernement prévues dans l'article 110.1 de la
Constitution, peuvent être sollicités par l'opposition puisque deux groupes parlementaires peuvent le
solliciter dans l'Assemblée des Porte-parole ou le cinquième de la chambre s’il est sollicité dans la
séance plénière (article 203.1 du Règlement du Congrès), mais l'approbation de la comparution
correspond au Bureau de la chambre et à l'Assemblée des Porte-parole dans les mains de la majorité.
D'une manière similaire, les séances d’information devant des commissions du Congrès des Députés
doivent être sollicitées par chaque commission à la majorité (article 202.1 RC), de même au Sénat
(article 66.2 RS).
— 73 —
Espagne
La seule façon d'esquiver l'automaticité de la majorité dans ces instruments de contrôle est d'utiliser
la voie d'urgence, spécialement dans le cas des interpellations, car les motions qui sont conséquences
des interpellations peuvent se présenter et se débattre immédiatement et son inclusion sans l'ordre du
jour ne dépend pas de plus de volonté que celle de l'interpelant et auteur de la motion.
2)
En-dehors des institutions politiques
a)
Les usages dans le droit
® Comment l’opposition politique est-elle encadrée ? La contestation en dehors des institutions politiques est-elle aisée
et/ou fréquente ?
En Espagne, les manières d'exercer l'opposition sont entrain de subir un changement vertigineux. Le
phénomène vécu à partir de la crise économique à partir de 2010 a intensifié des formes alternatives
d'exercer l'opposition. En marge des protestations organisées avec campements, un nouvel
instrument en hausse se profile pour exercer l'opposition en marge des institutions, c’est l'apparition,
dans des débats télévisés, du contenu politique, spécialement ceux qui sont émis en prime-time
d'audience. De fait, grâce à l'apparition dans ce type de programmes, deux nouveaux partis, sans
représentation parlementaire et qui s'opposent aux politiques du Gouvernement, ont expérimenté
une croissance spectaculaire en peu de mois, d'abord dans des sondages et des enquêtes d'opinion, et
après dans des processus électoraux au niveau régional et européen.
® Le vote peut-il constituer une forme d’opposition politique ? Le vote est-il obligatoire ? Quelle est la prise en compte
du vote blanc ?
Le vote en Espagne n'est pas obligatoire en aucun type de convocation électorale.
Le vote, comme forme d'opposition, ne s'est exercé que sous forme de réponse à l'appel des
plateformes ou des partis qui ont fait une campagne par ce type de vote comme forme de montrer
leur mécontentement ou leur opposition avec le système politique en vigueur. La valeur de ce type de
vote blanc est d'exprimer le délégitimation du système politique existant.
Dans les occasions dans lesquelles aucun mouvement ou force sociale a demandé le vote blanc, son
interprétation était plutôt comme simple indifférence vers la politique ou bien une équidistance par
rapport à l'offre politique dans les élections. Le vote blanc est interprété, dans ces autres cas, comme
une forme de protester contre les partis, mais pas nécessairement contre le système.
En Espagne, les votes blancs affectent le résultat final, au détriment des partis minoritaires. Ils sont
pris en compte au total des suffrages sur lequel la distribution de sièges est calculée et, en
conséquence, élèvent la barre électorale minimale pour entrer. Dans les élections générales, un parti a
besoin de 3 % du total des votes pour obtenir une représentation.
La désaffection s’observe depuis 2008 lorsqu’on a registré 500.000 votes blancs dans la Chambre
Haute et 280.000 dans le Congrès des Députés. Dans les dernières élections législatives de 2011, le
vote blanc a atteint 1,2 millions de voix dans le Sénat (choisi dans des listes ouvertes) et 300.000 de
voix dans le Congrès des Députés.
b)
Les usages au-delà du droit
® Quelles sanctions pour une opposition politique violant le droit ? Sont-elles civiles, administratives, pénales ?
Quelle en est l’importance ?
Les partis de l'opposition qui violent l'ordonnancement juridique peuvent fondamentalement avoir
comme grave conséquence son interdiction et, dans son cas, la persécution pénale pour soutien au
terrorisme comme il est arrivé, de fait, avec différents partis. L'article 9.3 de la Loi des Partis
politiques énumère une série de conduites qui supposent l’exposition à un des cas d’interdiction pour
soutien à des activités liées au terrorisme et qui s’étendent aux groupes parlementaires constitués par
des partis dissous ou interdits pour les mêmes raisons. En bref, les cas d’interdiction de l'article 9.2
incluent:
a) Violer systématiquement les libertés et les droits fondamentaux, en favorisant, en justifiant ou en
disculpant les attentats contre la vie ou l'intégrité des personnes, ou l'exclusion ou la persécution de
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Espagne
personnes à cause de leur idéologie, religion ou croyances, nationalité, race, sexe ou orientation
sexuelle.
b) Promouvoir, favoriser ou légitimer la violence comme méthode pour l'obtention d'objectifs
politiques ou pour faire disparaître les conditions précises pour l'exercice de la démocratie, du
pluralisme et de la liberté politique.
c) Compléter et soutenir politiquement l'action d'organisations terroristes pour l'obtention de leurs
objectifs de perturber l'ordre constitutionnel ou d’altérer gravement la paix publique, en essayant de
soumettre les pouvoirs publics à un climat de terreur, à des personnes déterminées ou groupes de la
société ou à la population en général, ou de contribuer à multiplier les effets de la violence terroriste
et de la peur et de l'intimidation générée par la même.
Dans le domaine administratif, les conséquences peuvent consister en l’interdiction ou l'annulation
des candidatures ou des listes qui ne réunissent pas les conditions requises que la législation électorale
établit, y incluse la composition paritaire des listes électorales introduite par la Loi Organique 3/2007,
du 30 mars, pour l'Égalité Effective de Femmes et Hommes.
L'inaccomplissement des obligations de propagande durant la campagne électorale entraîne aussi des
sanctions. Les sanctions méritent un chapitre à part pour l'inaccomplissement des normes sur le
financement électoral que contrôle la Cour des comptes et qui, en dépendant du type d'infractions,
peuvent être une réduction proportionnelle dans les subventions toutefois que l'on surpasse l'un pour
cent du limite des frais, ou la privation totale de la subvention si l'infraction consiste à ne pas
présenter les comptes électoraux devant la Cour des comptes. Cependant, dans le régime de
sanctions légalement prévu, on ne contemple pas des sanctions qui touchent à l'élection ou à la
permanence de l’élu, comme il arrive, par exemple, dans des pays comme la Grande-Bretagne ou les
États-Unis.
® Existe-t-il un droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civique ? A-t-il déjà été invoqué ? Son
invocation a-t-elle déjà été admise et reconnue par les institutions (le juge ou autre) ?
La possibilité d'exercer la désobéissance civile ne se contemple ni dans le texte constitutionnel ni
dans la législation, bien que dans le processus constituant il y a eu des tentatives pour l'introduire
dans la Constitution, comme imitation de la Constitution allemande. Cependant, il faut distinguer le
droit de résistance du droit de désobéissance civile. Dans le premier, en a traditionnellement englobé
deux suppositions: ceux qui protègent la résistance face à l'illégitimité d'un régime ou face á sa dérive
antidémocratique, et ces autres cas de résistance à l'autorité justifiée dans la défense d'un régime
légitime ou face à des ordres ou des mandats opposés à l'ordre constitutionnel.
La désobéissance civile est très différente, étant donné que, dans ces cas, l'opposition à l'autorité
n'essaie pas de questionner la légitimité d'un système politique, ni prétend son changement, mais il
s'agit de cas de résistance à l'obéissance face à des injustices qui touchent à une majorité sociale ou
pour favoriser des changements normatifs qui manifestent une conception déterminée de la société.
C’est dans ce domaine que la désobéissance civile s'établit sur l'acceptation de la reconnaissance que
les gouvernants peuvent se tromper ou même que, d'une manière involontaire, se produisent des
interventions injustes du point de vue de la justice sociale. On ouvre, ainsi, la possibilité de petits
actes de résistance qui ne cherchent pas à obtenir un avantage personnel ou à nuire les droits ou les
biens des autres, mais leur propos est de revendiquer l'existence de positions idéologiques différentes
de celles dominantes qui appuient certains secteurs sociaux, bien qu'il ait à souffrir pour cela les
sanctions prévues pour enfreindre l'ordonnancement juridique.
La mise en pratique de ce type de désobéissance civile dans les dernières années, autant dans son
aspect actif comme passif, s’est agrandi à partir de ceux qui étaient habituels de la part des groupes
écologiques ou par des groupes indépendantistes, aux autres qui ont fait leur apparition dans la phase
aigüe de la crise économique, comme le boycott aux expulsions par saisi immobilier.
Il peut aussi y avoir, malgré l'inexistence au niveau constitutionnel d'un droit à la désobéissance civile,
des conséquences pratiques pareilles à celles d'une résistance civique, mais toujours dans les cas dans
lesquels la Constitution ou les lois permettent l'objection de conscience.
— 75 —
Espagne
III. LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A.
Les mutations structurelles
® Opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire : le système politique (magnitude, formule électorale,
seuil…) est-il inclusif ou contribue-t-il au contraire à sous-représenter les petits partis au parlement, voire à les priver de
représentation ?
La disproportion du système électoral dans le Congrès des Députés se reflète dans le système de
partis, puisque la formule de scrutin de la loi électorale tend à réduire le nombre de formations
politiques avec représentation à la fois qu’elle augmente les possibilités de victoire du parti
majoritaire. La distribution des sièges est aussi disproportionnée et augmente les possibilités de que
se produisent des majorités artificielles de partis qui ont pu obtenir moins de suffrages que d'autres
ou dont le pourcentage de votes est moindre en proportion des sièges obtenus.
Plus le nombre de petites circonscriptions est élevé, le degré de la proportionnalité est moindre.
Étant donné que presque la totalité des circonscriptions sont plurinominales, celles de plus petite
taille ne dépassent pas cinq sièges, alors que la taille moyenne de circonscription se situe entre six et
neuf sièges. Les circonscriptions de plus grande taille sont celles où sont choisis plus de dix sièges.
De fait, les petites circonscriptions représentent plus de 50 % du total (environ 25), face à environ 18
circonscriptions moyennes et seulement sept grandes circonscriptions, de plus de 10 sièges.
Seulement dans ces dernières où la proportionnalité peut sembler opérationnelle, puisque la
proportionnalité dans l'attribution des sièges aux candidatures selon ses votes est en relation directe
au nombre de sièges assigné à la circonscription, c'est-à-dire, il existera un plus grand nombre de
forces politiques qui obtiennent une représentation, quand plus de sièges puissent être répartis dans
la circonscription. De là, le nombre de forces politiques qui pourront obtenir un siège dans les petites
circonscriptions est bas (d'habitude deux ou trois dans un cas isolé), alors que dans les
circonscriptions moyennes, le nombre de forces augmenteront de manière faible avec les possibilités
d'obtenir un siège et seulement dans les grandes circonscriptions (plus de dix sièges) la
proportionnalité présidera réellement la distribution et le partage des sièges entre les forces
politiques, ce qui arrive seulement dans sept grandes circonscriptions.
L'existence d'une barrière électorale dans le cas du Congrès a, à peine, une utilité dans la limitation de
la proportionnalité puisqu'elle se situe en 3% et elle s'applique à chaque circonscription, ce qui, en
tenant en compte de la taille de la chambre ainsi que celui des circonscriptions, n'a, à peine, de
conséquences au moment de répartir des sièges entre les partis minoritaires, puisque le normal
consisterait en que, sauf dans de grandes circonscriptions, il soit nécessaire d'obtenir plus de 3% des
votes pour pouvoir obtenir un siège.
Tous ces éléments combinés font que le système électoral porte préjudice surtout aux petits partis au
niveau national, restreint et limite les possibilités des partis d'obtenir une représentation, et si ils
l'obtiennent, elle n'est pas proportionnelle au nombre total de suffrages obtenus dans tout le
territoire national. Spécialement dans les petites circonscriptions, le système électoral a tendance à
fonctionner comme majoritaire en générant une grande dose de surreprésentation des grands partis
et une infra-représentation très sévère des petits partis.
® Existe-t-il des biais (distribution territoriale des voix, malapportionment, gerrymandering…) qui contribuent
à sous-représenter certaines forces au parlement, voire qui les condamnent à être minoritaires ?
En Espagne, la législation électorale est restée inchangée depuis la première législature, en partie à
cause de conditionnants qui procèdent de la même Constitution. Entre eux, la constitutionnalisation
de circonscriptions électorales dans le Congrès et dans le Sénat pour sa partie élective, ont eu pour
effet plus remarquable l'infra-représentation de certaines forces politiques et la surreprésentation des
autres. Par exemple, les distorsions, auxquelles conduit une assignation de sortie de deux sièges dans
la distribution de sièges par province dans les élections au Congrès, sont très connues. Par ailleurs, la
taille réduite de la majorité des circonscriptions élimine toute possibilité réelle qu'une
proportionnalité existe au moment d'assigner les sièges aux votes. Un parti d'implantation régionale
obtient toujours dans le Congrès des Députés beaucoup plus de sièges qu'un parti d'implantation
nationale qui double le vote mais qu’il ne l'a pas concentré dans quelques circonscriptions, ce qui
— 76 —
Espagne
présente le paradoxe de qu’avec beaucoup plus de votes le parti de niveau national obtient moins de
représentation.
® Le système partisan est-il stable ou le système politique favorise-t-il au contraire l’apparition de nouveaux partis,
issus de nouveaux clivages (centre-périphérie, Europe…) ?
Le système de partis s’est bénéficié d’une certaine stabilité, bien que de nouveaux partis n'ont pas
cessé d'apparaître avec un appui électoral significatif, c’est pourquoi, presque de manière constante, il
a expérimente des changements. Cependant, l'apparition de nouveaux partis ne semble pas
attribuable à des éléments comme les tensions centre-périphérie ou le discours antieuropéen. Dans
les derniers temps, on vit un phénomène de surgissement de partis qui essaient de régénérer la
politique et les institutions et que, certains, englobent dans le phénomène des populismes avec des
slogans plus qu'avec des programmes cohérents et structurés.
® La « présidentialisation de la politique » conduit-elle les partis d’opposition à se présidentialiser autant que le(s)
parti(s) majoritaire(s) ? Si oui, de quelle manière ?
En lignes générales, le système parlementaire espagnol, construit sur la prémisse de que le candidat
numéro un dans la liste par Madrid est le candidat présidentiable, répercute excessivement dans le
leadership des partis minoritaires. Seulement cet effet de présidentialisation du parti se trouve atténué
ou diminué dans le cas des partis nationalistes ou régionalistes, dans lesquels il n’existe pas une claire
vocation de gouvernement, étant donné que leur représentation et intérêts se limitent d'une manière
concentrée à une petite partie du territoire national.
Même ces nouveaux partis qui ont essayé de se présenter devant l'opinion publique comme
mouvements populaires, il a été vérifié que le leadership s’exerce de la coupule du pari, puisque la
direction de ces partis a réussi à impliquer les activistes à travers des "cercles", en leur permettant
d'avoir une expérience de participation du bas.
La loi Organique du Régime Électoral Général établit les principes minimum que les partis doivent
accomplir pour le fonctionne d’une régulation basique, dans laquelle la seule chose non modifiable
statutairement est l'existence d'une assemblée générale et la garantie que les organes directifs des
partis soient pourvus par un suffrage libre et secret ont un pouvoir pour développer dans leurs
statuts des mécanismes de sélection des candidats.
B.
1)
Les mutations fonctionnelles
Les mutations des lieux
® Le parlement reste-t-il la principale (ou la seule) tribune de l’opposition ? Être représenté au parlement, est-ce la
seule façon de s’opposer ?
Si quelque chose est vérifié dans l'actuelle Législature est que le Parlement n'est pas la seule tribune
de l'opposition et sûrement pas, non plus, la principale, au moins en ce qui concerne l'accessibilité à
l'électorat et en ce qui concerne la communication publique. On peut, alors, affirmer que la
représentation parlementaire n'est pas la seule manière d'exercer l'opposition.
® Quel est le traitement médiatique des partis politiques et les partis d’opposition bénéficient-ils d’un traitement
médiatique équitable ?
L'article 20.3 de la Constitution espagnole ne reconnaît pas seulement le droit de créer des médias
audiovisuels, mais il garantit aussi le droit d'accéder à ces médias aux groupes sociaux et aux hommes
politiques significatifs. En conséquence, l'article 20.3 de la Constitution est un mécanisme de garantie
du pluralisme interne et de l'exercice de la liberté d'expression et d'information dans des termes
d'égalité pour tout groupe significatif.
Il existe un Mandat-cadre pour la Corporation RTVE, publié le 30 juin 2008 et adopté par les
séances plénières du Congrès des Députés et du Sénat en accomplissement de l'article 4 de la Loi
17/2006, du 5 juin, de la Radio et la Télévision de Titularité Étatique. L'article 25 de ce Mandat-cadre
contient l'obligation de rendre une couverture des infos du Congrès des Députés, du Sénat et des
différents groupes politiques représentés dans les Cortes Generales, ainsi que des différents
— 77 —
Espagne
Gouvernements et Parlements territoriaux, conformément à un strict accomplissement des principes
de pluralisme et de neutralité et en tenant compte l'intérêt informatif.
Les journaux télévisés de TVE distribuent le minutage de leur information parlementaire en suivant
le critère des "trois tiers" : un tiers pour le gouvernement, un tiers pour le parti qui le soutient et un
tiers pour l'opposition.
Concernant les campagnes électorales, la régulation en vigueur privilégie aux formations déjà ancrées
après avoir établi, l'article 61 LOREG, que la distribution d'espaces gratuits pour une propagande
électorale se fait en répondant au nombre total de votes que chaque parti, fédération ou coalition a
obtenus dans les élections antérieures équivalentes (article 61 LOREG).
La distribution du temps gratuit de propagande électorale dans chaque média de titularité publique,
s’effectue selon les critères suivants qu’établi l'article 64 de la Loi Organique Électorale Générale.
a) Dix minutes pour les partis, les fédérations et les coalitions qui n'ont pas concouru ou n'ont pas
obtenu de représentation dans les dernières élections équivalentes ou pour ceux qui, l'ayant obtenue,
n'avaient pas atteint 5 pour 100 du total des votes valides et émis dans le territoire national ou, dans
son cas, dans les circonscriptions auxquelles l'article 62 fait référence.
b) Vingt minutes pour les partis, les fédérations et les coalitions qui, ayant obtenu une représentation
dans les dernières élections équivalentes, aient atteint entre 5 et 20 pour 100 du total des votes
auxquels fait référence le paragraphe a).
c) Trente minutes pour les partis, les fédérations et les coalitions qui, ayant obtenu une
représentation dans les dernières élections équivalentes, auraient obtenu, au moins, 20 pour 100 du
total des votes auxquels fait référence l’alinéa a).
Le droit aux temps d'émission gratuite énumérés ci-dessus correspond seulement aux partis,
fédérations ou coalitions qui présentent des candidatures dans plus de 75 pour 100 des
circonscriptions comprises dans au niveau de diffusion.
Pour les partis sans représentation parlementaire, l'Assemblée Électorale permet que, bien qu'ils
n'aient pas obtenu une représentation parlementaire, peuvent être considérés comme "groupe
politique significatif" toutefois qu'ils aient obtenu minimum 5 % des votes et, de cette façon, ils
seront tenus en compte dans la distribution d'espaces gratuits dans les médias.
® L’opposition participe-t-elle au gouvernement ? Selon quelles modalités, à quelles conditions, pour quels objectifs ?
En Espagne, il y a un manque de tradition de gouvernements de grande coalition ou de coalitions
multipartisanes comme celles connues en Allemagne ou en Italie. De fait, c'est le seul pays de
l'OCDE, en plus de la Russie et la Roumanie, qui n'a jamais eu des gouvernements de coalition. En
revanche, les pactes de législature sont assez fréquents et ont l'habitude de compromettre, autour
d'un programme de gouvernement, à des partis qui, en principe, ne sont pas co-liés.
Cependant, en parlant strictement, l'opposition n'a pas l'habitude de participer au Gouvernement,
malgré la proposition de cette possibilité pour faire face à la crise financière, du déficit et de la dette
qui a affecté l'Espagne dans la Législature présente.
2) Les mutations des moyens
® Les partis d’opposition ont-ils vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition gouvernementale ?
Existe-t-il des partis « anti-système » ?
La vocation des partis d'opposition est, ou bien, d’être une alternative au Gouvernement, ou bien, de
participer au Gouvernement moyennant des pactes postélectoraux ou des pactes de législature.
L'aggravation de la crise a causé l'irruption de challenger-parties, qui sont des partis antisystème qui
n'existaient pas avant. C'est le cas de "Podemos", une formation qui ne propose pas une réforme
constitutionnelle, mais un processus constituant qui établit les bases d'un nouvel État et qui
considère l'actuel système politique et ses institutions comme le cadre d'une caste privilégiée qui n'a
rien à voir avec les intérêts des citoyens et qui cherche seulement les prébendes, les privilèges et la
manière de s'enrichir.
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Espagne
® L’obstruction est-elle un détournement ou une radicalisation de la fonction d’opposition, voire sa seule façon d’être
efficace et d’exister ?
L'efficacité des médias pour pratiquer l'obstructionnisme est assez limitée, c’est pourquoi l'opposition
poursuit, préférablement, la rentabilisation de ses messages à travers de nouvelles techniques de
communication politique, qui expérimentent un "revival".
L'effet cherché n'est pas l'obstructionnisme, mais de dénoncer l'action du gouvernement dans des
médias ou dans des actes devant l'opinion publique et même dans les tribunaux.
® La contestation du pouvoir majoritaire est-elle une fonction dépassée ou, au contraire, renouvelée ? Le contrôle
parlementaire est-il devenu la fonction naturelle de l’opposition (répartition des présidences des commissions,
déclenchement et conduite des enquêtes parlementaires, contrôle financier) ?
La confrontation avec le pouvoir majoritaire est la constante de l'opposition dans la pratique
constitutionnelle, de façon que la fonction de contrôle et de fiscalisation du Gouvernement incarne
mieux la fonction d'une opposition.
® Quel est l’intérêt, pour l’opposition parlementaire, de s’opposer à la loi ? Y a-t-il une opposition « constructive »,
produisant des effets législatifs (adoption d’amendements, voire de lois émanant de l’opposition) ?
L'opposition aux projets de loi du gouvernement est frontale quand son contenu touche aux
principes idéologiques essentiels non-négociables ou il identifie à l'image de marque d'une formation
politique.
L'opinion est, d'habitude, plus constructive dans la procédure législative quand les groupes
d'opposition dans les chambres sont minoritaires, puisque sa vocation n'est pas autant celle de se
présenter comme alternative immédiate de gouvernement mais celle d'offrir une image de travailler
pour les améliorations de la législation et celle de s'occuper des nécessités spécifiques de quelques
collectifs ou territoires.
3)
Les mutations des instants
® Les coalitions se constituent-elles avant ou après les élections ? Les partis qui n’intègrent pas la coalition
gouvernementale ont-ils vocation à rester dans l’opposition pendant toute la législature ? Une nouvelle majorité peut-elle
se constituer dans le cadre parlementaire (confiance, censure) ou seulement au lendemain de nouvelles élections ?
En Espagne, les cas dans lesquels une coalition se crée avant les élections sont très peu abondants.
La pratique démontre que les coalitions de gouvernement se forment après les élections à vue des
appuis nécessaires pour l'investiture du Président de l'Exécutif. Dans des lignes générales, les partis
qui ne font pas partie de la coalition de gouvernement ont l'habitude de se tenir à l'opposition durant
toute la législature, mais pas toujours, puisqu’en absence de gouvernement en coalition, mais avec
des pactes ponctuels de législature, des partis qu’initialement se trouvaient dans l'opposition peuvent
donner leur appui à des lois déterminées ou à des mesures sans entrer formellement dans la structure
de gouvernement.
® L’opposition appuit-elle ponctuellement le pouvoir majoritaire ? À quelles conditions et pour quels objectifs ?
L'opposition, dans peu d’occasions, a soutenu des mesures du Gouvernement. L'appui est plus
habituel quand la mesure appuyée n'a pas de force juridique ou n'est pas un texte législatif. Cela n'a
pas empêché qu’au moyen de la stratégie des Pactes d'État se sont forgés de grands accords
nationaux pour stimuler des changements législatifs auxquels l'opposition a donné son appui. Ceci
s’est produit avec la réforme d'institutions déterminées comme le Conseil Général de la Magistrature
ou la législation antiterroriste ou l’interdiction de partis politiques.
Aussi, dans des moments critiques de la législature, des partis d'opposition ont appuyées des lois
pour garantir la soutenabilité budgétaire de l'État.
C.
Les mutations stratégiques
® L’implantation locale est-elle une stratégie payante à long terme ?
— 79 —
Espagne
L'implantation au niveau local d'un parti d'opposition a une grande importance, puisque cela suppose
une plateforme idéale de mettre en pratique les propres politiques en offrant les résultats comme
exemple de bonne gestion qui peut être exporté à d'autres institutions. L'importance de l'implantation
locale est plus grande quand on réussit à gouverner dans une localité de taille grande ou moyenne. Le
Parti Socialiste a fondé sa stratégie pour arriver au pouvoir dans la victoire dans les premières
élections, après l'approbation de la Constitution, qui étaient des élections locales et dans lesquelles ils
ont assis une première base d'électorat et de responsabilité de gouvernement.
® La recherche de la proximité avec les citoyens est-elle une stratégie passagère (réseaux sociaux, appel aux dons
privés, participation aux manifestations publiques…) ?
En général, on cherche la proximité avec les citoyens d'une manière plus intense en campagne
électorale avec la prétention de mobiliser l'électorat. Cependant, à travers des réseaux sociaux et les
vidéos dans des sites webs des partis, la recherche de la proximité citoyenne est plus constante
actuellement.
Il faudrait dire la même chose des activités de week-end dans des formats d'assemblées citoyennes,
de cercles ou de rencontres avec des militants qui fonctionnent comme des plateformes de
communication dans lesquelles on essaie de transmettre une image de proximité avec les citoyens.
® Le juge constitutionnel ou ordinaire est-il le meilleur recours de l’opposition, voire le seul ?
L'interposition de recours devant le Tribunal Constitutionnel peut se qualifier comme le moyen de
plus grande répercussion, le plus effectif et le plus utilisé par l'opposition dans l'actuel régime
constitutionnel espagnol, spécialement quand il s'agit du principal parti de l'opposition, n'importe
lequel. L'interposition de recours devant le Tribunal Constitutionnel est, de même, habituelle dans
l'opposition territoriale, dirigée par des partis nationalistes dans quelques Communautés autonomes
ou par le parti d'opposition dans la chambre basse du Parlement étatique.
Dans l'actuelle Législature, l'opposition a déjà surpassé plus de trente recours contre des lois ou des
décrets-lois devant le Tribunal Constitutionnel. L'utilisation par tacticisme des recours devant le
Tribunal Constitutionnel obéit, de plus en plus, aux stratégies conçues pour générer le conflit social
opportun, pour provoquer des mobilisations et pour affaiblir l'Exécutif.
— 80 —
France
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT FRANCE —
Établi par Jean-Philippe DEROSIER1 et Ariane VIDAL-NAQUET2
L’opposition politique est plurielle et multiple : de l’opposition radicale à l’opposition constructive,
de l’opposition parlementaire à l’opposition gouvernementale, elle peut passer par diverses voies et
voix et avoir différents objectifs. Elle se caractérise toutefois par un trait commun : la contestation
plus ou moins intense de la position politique adoptée, a priori par la majorité. La plus
institutionnalisée des oppositions politiques est l’opposition parlementaire, celle qui correspond, en
France, au plus grand groupe parlementaire (en nombre) de l’Assemblée nationale, qui ne soutient
pas la politique du Gouvernement et qui se trouve être, généralement mais pas nécessairement, le
deuxième plus grand groupe en nombre. Cette opposition parlementaire doit être distinguer de
l’opposition gouvernementale qui est celle qui s’oppose également au Gouvernement mais qui, au Sénat,
peut constituer la majorité dans ladite assemblée. Au sein des assemblées, il existe enfin des groupes
« minoritaires », reconnus par leurs règlements et la Constitution et qui peuvent soit soutenir le
Gouvernement (et ne pas être dans l’opposition), soit ne pas le soutenir, sans pour autant se
retrouver nécessairement dans la politique soutenue par le principale groupe d’opposition (c’est le
cas, par exemple, de l’actuel groupe GDR à l’Assemblée nationale, réunissant principalement des
députés Front de gauche). Enfin, l’opposition peut avoir différents objectifs : demeurer dans la
contestation et, donc, dans l’opposition sans avoir de véritable espoir d’accéder à la majorité ou, au
contraire, s’opposer de telle sorte à ce que la position défendue devienne, à terme, majoritaire. Ainsi,
au-delà de ce premier trait commun de la contestation, l’opposition se caractérise également par sa
position globalement minoritaire, l’empêchant de mener elle-même la politique qu’elle défend.
Minoritaire mais néanmoins représentative d’une partie de l’expression nationale, il serait
démocratiquement contradictoire de l’interdire d’influer sur l’exercice du pouvoir, c’est pourquoi il
est nécessaire de lui garantir certains droits.
1 Professeur à l’Université de Rouen, Directeur de l’École doctorale Droit Normandie (ED 98) et membre du CUREJ
(EA 4703).
2 Professeur à l’Université Aix-Marseille, membre de l’ILF-GERJC et UMR CNRS 7318, Droits international, comparé et
européen.
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France
I. LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
A. Comment reconnaît-on l’opposition ?
1) Les modalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l’institutionnalisation de l’opposition ?
→ L’opposition est-elle institutionnalisée ? Dispose-t-elle d’un statut qui survit à l’inversion des rôles ? Les alternances
politiques conduisent-elles les formations politiques à investir tour à tour les habits de la majorité puis de l’opposition
dans des conditions stables et pérennes ?
Depuis 2008, en France, l’opposition est institutionnalisée et dispose même d’un statut
constitutionnel. Elle est doublement visée dans la Constitution, de manière générale à l’article 51-1
qui reconnaît les groupes d’opposition et à l’article 48 en ce qui concerne sa participation à la
détermination de l’ordre du jour.
Cette consécration constitutionnelle était politiquement symbolique et juridiquement nécessaire. Du
point de vue politique, l’idée s’est progressivement imposée que la place accordée à l’opposition et le
statut susceptible de lui être reconnu étaient signes de maturité démocratique, surtout dans un régime
parlementaire conduisant, en pratique, à une fusion de l’exécutif et du législatif, qui serait alors
contrebalancée par le poids de l’opposition. Dès les années 1970, notamment sous la présidence de
Valérie Giscard d’Estaing, certaines réformes institutionnelles ont pu bénéficier à l’opposition :
l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel à 60 députés ou 60 sénateurs par la loi de
révision constitutionnelle de 1974 ; la pratique, systématiquement suivie depuis 1974, des questions
au Gouvernement. En 2006, le Président de l’Assemblée nationale avait souhaité aller plus loin et
conférer certains droits à l’opposition en modifiant, pour ce faire, le règlement de l’Assemblée
nationale. Cette tentative a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui l’a jugée contraire à la
Constitution3.
En conséquence, juridiquement, l’institutionnalisation de l’opposition supposait une révision de la
Constitution. Ainsi le Comité Balladur, suivant en cela la trace du Comité Vedel qui avait envisagé,
dès 1993, l’existence d’un véritable statut de l’opposition4, a-t-il été expressément chargé, en 2007, de
doter l’opposition d’un véritable statut. Cela s’est notamment traduit par l’introduction de l’article 511 C lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, au terme duquel « le règlement de chaque
assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des
droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes
minoritaires ». L’article 4 de la Constitution est également modifié pour énoncer que « la loi garantit
l’expression pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques
à la vie démocratique de la Nation », ce qui est en retrait par rapport aux propositions du Comité
Balladur (voir infra).
De manière générale, le système politique français est plutôt favorable à l’émergence et à
l’implantation de l’opposition. De ce point de vue, il faut souligner le rôle fondamental et structurant
de l’élection présidentielle au suffrage universel direct, depuis 1962, qui a conduit à une bipolarisation
croissante de la vie politique. En 1981 se produit la première alternance, qui conduit l’opposition
d’hier à devenir la majorité et qui conduit cette dernière à endosser les habits de l’opposition. Depuis,
les alternances sont systématiques : à chaque élection se produit l’alternance, à l’exception de 1995 et
2007.
Néanmoins, toutes les formations politiques n’ont pas vocation à endosser les habits soit de la
majorité, soit de l’opposition.
3
4
Décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006.
JORF, 16 février 1993, p. 2547, proposition n°28.
— 82 —
France
→ Parle-t-on habituellement d’une opposition ? Des oppositions ? Du chef de l’opposition ? Des partis ou des forces
d’opposition ?
En France, on parle généralement de « l’opposition », souvent appréhendée, autant dans le discours
politique que dans le discours doctrinal, comme une masse homogène. Néanmoins, cette vision est
assez factice et elle est battue en brèche par la consécration constitutionnelle à l’article 51-1C « des »
groupes d’opposition et, à leurs côtés, « des » « groupes minoritaires ». Il existe donc, en réalité, des
oppositions, de même qu’il existe des minorités qui relèvent tantôt de l’opposition, tantôt de la
majorité.
On parle, en revanche, moins du chef d’opposition, qui n’a pas été institutionnalisé en tant que tel.
Du reste, on soulignera que plusieurs personnes peuvent prétendre au titre de « chef de
l’opposition » : le chef du principal parti d’opposition, le chef du principal groupe parlementaire
d’opposition à l’Assemblée nationale, voire, dans une certaine mesure, le candidat battu à l’élection
présidentielle qui n’est pas le Président sortant, voire, hypothèse encore plus singulière, le Premier
ministre en cas de cohabitation ou, selon les points de vues, le Président de la République.
De manière générale, on parle moins de partis d’opposition ou de forces d’opposition que de
l’opposition, ce qui permet, en réalité, de décrire le rapport des forces politiques à un moment donné.
Le plus juste serait de parler de « groupes d’opposition », puisque l’opposition n’est institutionnalisée
qu’à travers le groupe parlementaire.
→ Existe-t-il plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition (niveau fédéral, fédéré ou régional,
institutions nationales et locales) ?
En théorie, l’opposition existe dans toute assemblée délibérante. Elle existe donc au niveau local
comme elle existe au niveau national, bien qu’elle n’y soit pas institutionnalisée. En effet, il n’existe
pas de statut de l’opposition au niveau local, même si les minorités sont protégées dans les
assemblées délibérantes, notamment par la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité5.
Lors de l’examen de la loi constitutionnelle de 2008, la commission Warsmann avait proposé
d’assurer plus nettement la représentation de l’opposition dans les assemblées locales, proposition
qui n’a pas été suivie d’effet.
Reste que les élections locales constituent un véritable enjeu national et un test pour la politique du
Gouvernement, à tel point que l’on peut parler de nationalisation des élections locales. La dimension
nationale des élections locales est encore accrue par le mode d’élection des sénateurs au suffrage
universel indirect par de grands électeurs qui sont, pour l’essentiel, des élus locaux. Aussi la force de
l’opposition dans les élections locales peut conduire cette dernière à devenir majoritaire à la deuxième
chambre, comme l’illustre le précédent de 2011, réitéré en 2014.
b) Sous quelles formes s’opère la reconnaissance de l’opposition ?
→ L’opposition fait-elle l’objet de références textuelles ? Est-elle formellement visée, définie, garantie, encadrée par un
texte ?
Depuis 2008, l’opposition est expressément visée par la Constitution, à l’article 51-1 C, qui confie aux
règlements des assemblées le soin de définir les droits spécifiques reconnus aux groupes d’opposition
et aux groupes minoritaires, et à l’article 48 relatif à la détermination de l’ordre du jour. On relèvera
que cet article ne renvoie pas à une loi, encore moins à une loi organique le soin de préciser les
modalités de ce statut, mais seulement aux règlements des assemblées, qui sont néanmoins soumis
obligatoirement au Conseil constitutionnel. Pour l’essentiel, ce sont donc les règlements des
assemblées qui concrétisent la distinction entre majorité et opposition et qui précisent le statut de
cette dernière. Les deux assemblées n’ont d’ailleurs pas emprunté tout à fait la même voix pour
procéder à l’institutionnalisation de l’opposition, comme en témoignent la résolution du 27 mai 2009
Par exemple en leur permettant de demander une délibération sur la création d’une mission d’information et
d’évaluation ou en reconnaissant un droit d’expression à l’opposition dans les bulletins municipaux.
5
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France
à l’Assemblée nationale et celle du 2 juin 2009 au Sénat, qui ont modifié les règlements pour
permettre d’identifier les groupes d’opposition et les groupes minoritaires et pour préciser la nature
et l’étendue des droits spécifiques reconnus à ces groupes.
Plus ponctuellement, l’opposition est visée à travers certaines lois organiques, notamment la loi
organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 qui instaure le temps législatif programmé, permettant
d’imposer des délais pour l’examen des textes en séance, tout en le conciliant avec le droit
d’expression des groupes d’opposition et des groupes minoritaires (article 18) ou encore à travers
certains textes, par exemple le Code électoral qui vise, dans son article L 167-1, sans les nommer
expressément, les groupes qui n’appartiennent pas à la majorité ou encore dans les recommandations
édictées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour le calcul de la répartition du temps de parole
entre la majorité et l’opposition.
→ Sa reconnaissance a-t-elle été opérée par voie constitutionnelle, législative (organique, ordinaire), jurisprudentielle ou
coutumière ? Existe-t-il des « conventions de la Constitution », usages ou habitudes (parlementaires) qui contribuent à
sa reconnaissance ?
L’institutionnalisation de l’opposition a été opérée par voie constitutionnelle, en raison de la position
très stricte adoptée par le Conseil constitutionnel. En 2006, en effet, à l’initiative du Président de
l’Assemblée nationale, une résolution parlementaire avait envisagé de conférer des droits particuliers
à l’opposition ; elle instaurait une déclaration d’appartenance des différents groupes à la majorité ou à
l’opposition avec, en cas de contestation, un pouvoir de décision confié au bureau de l’Assemblée,
élargi aux présidents de groupe. Pour le Conseil constitutionnel, ce mécanisme revenait à
méconnaître le premier alinéa de l’article 4 de la Constitution, qui précise que « Les partis et
groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité
librement ». Au-delà, le Conseil constitutionnel a jugé que l’octroi de prérogatives spécifiques à
l’opposition avait « pour effet d’instaurer entre les groupes une différence de traitement injustifiée »,
méconnaissant ainsi le principe d’égalité. En conséquence, la reconnaissance de droits spécifiques à
l’opposition ne pouvait être opérée ni par la voie du droit parlementaire, ni par la voie de la loi
ordinaire ou organique, mais uniquement par la voie constitutionnelle.
Cela étant, cette révision de la Constitution s’ajoute à certaines pratiques qui n’avaient pas été
institutionnalisées et qui ont pu être qualifiées de « conventions de la Constitution ». C’est le cas des
questions au Gouvernent mises en œuvre depuis 1974 en marge du règlement ou encore de la
présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale, confiée, en pratique, à un
parlementaire de l’opposition depuis 2007.
→ L’opposition parlementaire est-elle reconnue dans sa diversité ? La reconnaissance inclut-elle les « groupes
minoritaires » ?
L’opposition parlementaire est clairement reconnue dans sa diversité puisque sont consacrés par le
texte constitutionnel, aux côtés des groupes d’opposition, les groupes minoritaires. Il peut donc
exister plusieurs groupes d’opposition et plusieurs groupes minoritaires, possibilité confirmée par le
système déclaratif retenu.
A l’Assemblée nationale, le système est partiellement déclaratif et partiellement déductif : les groupes
d’opposition sont ceux qui se déclarent comme tels, les groupes minoritaires étant déduits de cette
déclaration d’opposition, puisqu’ils sont définis comme les groupes ne s’étant pas déclarés
d’opposition, à l’exception de celui d’entre eux qui compte l’effectif le plus élevé. En pratique, il s’agit
des groupes de la majorité les moins nombreux ou des groupes qui ne se situent ni dans l’opposition
ni dans la majorité. Au Sénat, en revanche, le système est entièrement déclaratif, puisque le groupe se
déclare à la Présidence du Sénat comme groupe d’opposition ou comme groupe minoritaire au sens
de l’article 51-1 de la Constitution.
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France
2) Les finalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Quel statut pour l’opposition ?
→ Sa reconnaissance se limite-t-elle à son existence ? Inclut-elle une définition de son rôle, une garantie de ses fonctions,
une délimitation de ses prérogatives ?
Au niveau constitutionnel, sont consacrés l’existence de groupes d’opposition ainsi que la
reconnaissance, à leur profit, de droits spécifiques. Mais ces derniers ne sont pas détaillés plus avant,
sauf à l’article 48 C relatif à la détermination de l’ordre du jour. C’est donc, pour l’essentiel, aux
règlements des assemblées qu’il est revenu de préciser ces droits.
Il n’y pas de définition du rôle joué par l’opposition. Néanmoins, l’insertion de l’article 51-1 C a
coïncidé avec la modification de la rédaction de l’article 4 de la Constitution, qui précise désormais,
dans son troisième alinéa, que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la
participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». En
ce sens, l’opposition participe à la vie démocratique de la Nation.
Durant les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de 2008, les débats se sont
concentrés sur la fonction de contrôle reconnue à l’opposition, à travers la possibilité de créer des
commissions d’enquête et de contrôle parlementaires ou de peser plus lourdement dans les questions
au Gouvernement. Concomitamment, l’idée d’une responsabilité de l’opposition, corollaire du statut
qui lui serait reconnu, s’est imposée plus ou moins insidieusement.
→ Lui est-il conféré un rôle précis dans le fonctionnement des institutions ? Ce rôle est-il garanti par des mécanismes,
des procédures, un juge ?
Dans la mesure où les droits spécifiques de l’opposition sont consacrés par les règlements des
assemblées, leur justiciabilité semble limitée. Cela résulte d’une jurisprudence constante du Conseil
constitutionnel selon laquelle les dispositions des règlements des assemblées parlementaires n’ont
pas, en elles-mêmes, valeur constitutionnelle. Cela signifie notamment qu’une méconnaissance du
règlement ne saurait, à elle seule, être invoquée à l’appui d’un recours devant le Conseil
constitutionnel. De fait, toutes les fois que l’opposition a invoqué la méconnaissance de ses droits
spécifiques tels que posés par les règlements au soutien de l’inconstitutionnalité de la procédure
législative, le Conseil constitutionnel a botté en touche.
Il en va différemment lorsque le droit qui bénéficie à l’opposition est directement consacré par un
article de la Constitution. Il en va ainsi de l’exigence d’une étude d’impact pour les projets de loi,
posée par la loi organique du 15 avril 2009 à laquelle l’article 39 de la Constitution renvoie : le
Conseil constitutionnel a ainsi jugé que, lorsqu’il est saisi, en application du quatrième alinéa de
l’article 39 de la Constitution, de la question de savoir si le projet de loi est bien accompagné d’une
étude d’impact, il lui revient de vérifier la suffisance de l’étude d’impact6. Il en va de même des règles
de fixation de l’ordre du jour telles qu’elles résultent de l’article 48 de la Constitution (voir infra).
b) Quelle valorisation du rôle de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition est-elle conçue pour favoriser sa valorisation ? Existe-t-il des dispositions ou des
principes normatifs qui favoriseraient voire exigeraient l’intégration et la consultation de l’opposition ?
Si des droits spécifiques sont reconnus à l’opposition, il est difficile d’en déduire une « valorisation »
de l’opposition. En réalité, il semble que l’opposition soit, aujourd’hui, dévalorisée en tant qu’elle
s’oppose : on lui demande, au contraire, d’être constructive et responsable. Pour autant, aucun
mécanisme particulier n’impose la consultation voire la participation de l’opposition à la prise de
certaines décisions politiques.
Décision 2014-12 FNR du 1er juillet 2014, Présentation du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et
départementales et modifiant le calendrier électoral.
6
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France
→ La reconnaissance de l’opposition vise-t-elle, au contraire, ou également, à faciliter son encadrement ? À éviter les
débordements, les phénomènes d’obstruction, les risques de déstabilisation ?
Il résulte de ce qui précède qu’une fois identifiée, l’opposition peut être mieux canalisée. Ainsi,
l’octroi de nouveaux droits à travers la révision constitutionnelle de 2008 est allé de pair avec de
nouvelles limitations, plus insidieuses en ce qu’elles n’étaient pas expressément prévues par la loi
constitutionnelle. C’est notamment la mise en place, dans la loi organique de 2009, du temps législatif
programmé qui, sous couvert de lutter contre l’obstruction parlementaire, conduit en réalité à limiter
le temps de parole de l’opposition.
→ Existe-t-il des règles qui interdiraient à l’opposition de se manifester dans une instance ou dans une situation
politiques ?
Non, il n’existe aucune règle en ce sens.
B. Comment identifie-t-on l’opposition ?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions ?
a) Au sein des institutions politiques
→ Où identifie-t-on l’opposition ? À la chambre basse ? A la chambre haute (s’il en existe une) ? En dehors des
assemblées nationales (collectivités territoriales par exemple) ? Dans les parlements locaux ou régionaux ? En dehors
des instances délibérantes ?
L’opposition est essentiellement identifiée au Parlement, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale et au
Sénat. Relevons cependant que cette double localisation possible de l’opposition peut conduire à des
divergences. Ainsi, à l’heure actuelle, l’opposition du Sénat est la majorité de l’Assemblée nationale.
Reste que s’il faut trancher entre les deux, l’opposition est d’abord celle de l’Assemblée nationale,
dans la mesure où c’est cette dernière qui soutient le Gouvernement. A cet égard, on peut introduire
une distinction entre l’opposition parlementaire, telle qu’elle se définit à l’Assemblée nationale, et
l’opposition gouvernementale, telle qu’elle se manifeste au Sénat, au sein duquel elle peut être
majoritaire.
Au niveau des collectivités territoriales, l’opposition n’est pas véritablement institutionnalisée. Certes,
elle peut être identifiée au sein des assemblées délibérantes mais les élus de l’opposition ne disposent
pas véritablement de droits spécifiques, sauf quelques exceptions qui figurent dans le CGCT aux
articles L 2121-1 et suivant consacrés au conseil municipal, telles que la possibilité de bénéficier d’un
droit d’expression dans les publications territoriales (article L 2121-27-1 du CGCT), le principe de la
représentation proportionnelle pour la composition des commissions ou encore, pour les plus
grosses communes, la mise à disposition de l’opposition de certains moyens matériels. A cet égard,
une proposition de loi tendant au respect des droits des élus n’appartenant pas à la majorité dans les
organes délibérants des collectivités territoriales a été déposée au Sénat le 6 janvier 2015.
En dehors du Parlement, l’opposition ne dispose pas de statut spécifique. Reste que le projet de loi
constitutionnelle proposait de reconnaître des garanties spécifiques à l’opposition en dehors de la
sphère parlementaire par l’ajout d’un article 4, alinéa 3, selon lequel « des droits particuliers peuvent
être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le
Gouvernement ». Cela aurait pu concerner « les règles de financement ou les règles protocolaires »7.
Concrètement, le Comité Balladur avait proposé que les droits de l’opposition soient respectés dans
la représentation des assemblées dans les organismes extérieurs au Parlement ou encore que le décret
du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires soit
7 Selon l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, « en dehors même de la sphère parlementaire, l’article 1er du
projet se propose d’ouvrir la possibilité, par un ajout à l’article 4 de la Constitution, de garanties spécifiques au profit des
partis d’opposition ; sont par exemple visées les règles de financement ou les règles protocolaires ».
— 86 —
France
modifié pour que les représentants des principaux partis d’opposition y soient représentés8. Dans le
même esprit, le comité Balladur avait incité à modifier la répartition, très contestée, des temps de
parole dans les médias audiovisuels, ce qui sera fait ultérieurement par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel à la suite d’un arrêt d’assemblée du Conseil d’État du 8 avril 20099, condamnant la non
prise en compte du temps de parole dans les médias audiovisuels des interventions du Président de la
République.
→ Quels liens fait-on entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires ? Y a-t-il correspondances,
prolongements naturels ou au contraire dissociation ?
En France, l’opposition est classiquement identifiée à travers le groupe parlementaire et les droits
spécifiques visés par l’article 51-1C sont accordés aux seuls groupes. En conséquence, les
parlementaires « non-inscrits » ne peuvent bénéficier des droits spécifiques visés à l’article 51-1 C.
Les inconvénients qui pourraient résulter de cette identification de l’opposition à travers le groupe
parlementaire sont minorés par plusieurs éléments. D’abord, la liberté de constitution des groupes
parlementaires est grande puisque les parlementaires peuvent se grouper par affinités politiques, sans
y être obligés. Ensuite, la constitution d’un groupe est relativement aisée, à partir de quinze membres
à l’Assemblée nationale (contre 20 jusqu’à la résolution du 27 mai 2009 et 30 jusqu’en 1988) et dix au
Sénat (contre 15 jusqu’en 2011). L’abaissement continu du nombre de membres nécessaires à la
constitution d’un groupe est étroitement lié à des considérations politiques : en 1988, le règlement de
l’Assemblée nationale avait été modifié pour permettre au parti communiste de constituer un
groupe ; en 2009, la modification du règlement de l’Assemblée répond à la promesse faite au parti
radical de gauche en échange du vote de la révision constitutionnelle de 2008. Le dernier abaissement
(de 15 à 10 membres, au Sénat, en 2011) pourrait être perçu comme la limite ultime à ne pas franchir.
En effet, le Conseil constitutionnel, en examinant cette modification, plutôt que de simplement
indiquer qu’elle « n’est contraire à aucune disposition de la Constitution »10, comme il le faisait
jusqu’alors, a précisé que, « dans cette mesure, une telle modification n’est pas contraire à la
Constitution »11 : si la mesure devait être différente, la censure serait encourue.
A ceci s’ajoute que des groupes rassemblant des parlementaires de plusieurs partis est toujours
possible, ce qui peut permettre de dépasser le clivage majorité/opposition, notamment au Sénat, mais
peut s’avérer plus problématique lors des déclarations d’appartenance.
→ Existe-t-il différents types d’opposition ? Dans les États fédéraux ou régionaux, l’opposition peut-elle être identifiée
à un double niveau ? Est-ce alors la même opposition (même partis politiques, par exemple) ou bien y a-t-il des
oppositions spécifiquement locales ?
En France, il est difficile d’identifier une opposition qui serait strictement locale. Voir supra.
b) Au sein du parlement
→ L’opposition est-elle identifiée par son hostilité au gouvernement ? A l’exécutif ? Par son statut non majoritaire au
sein de l’assemblée ? Au sein des assemblées ? Parle-t-on d’« opposition gouvernementale » ? D’« opposition
parlementaire » ?
L’opposition est généralement définie comme une opposition « gouvernementale ». Elle se confond
normalement, dans un régime parlementaire, avec l’opposition parlementaire.
Proposition n° 59.
CE Ass. 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus (req. n°311136).
10 Décision n° 88-243 DC du 13 juillet 1988, Résolution modifiant l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale, Rec. p. 85,
cette résolution avait abaissé de trente à vingt le nombre de membres pour constituer un groupe à l’Assemblée nationale.
11 Décision n° 2011-643 DC du 22 décembre 2011, Résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme
et l’action du Sénat en matière de développement durable, Rec. p. 599.
8
9
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France
Mais la spécificité du régime de la Ve république, tout particulièrement sa présidentialisation, pose la
question un peu différemment et il semble que l’on puisse parler d’opposition « présidentielle ».
L’hypothèse de la cohabitation illustre même un phénomène paradoxal. Alors que, dans cette
hypothèse, le Président pourrait être vu comme le chef de l’opposition, la majorité soutenant
l’Assemblée nationale et le Gouvernement, c’est l’inverse qui se produit : le Président est toujours
perçu comme le chef de la majorité, l’opposition étant alors au Gouvernement et au Parlement.
→ En cas de parlement bicaméral, comment identifie-on les oppositions (éventuellement non concordantes
politiquement) des différentes chambres ? Laquelle fait-on prévaloir ?
Classiquement, l’opposition s’identifie à la première chambre, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale.
Comme souligné plus haut, il est tout à fait possible que l’opposition soit majoritaire à la seconde
chambre, comme c’est le cas depuis septembre 2014 en France. Ainsi, dès octobre 2014, le président
du Groupe socialiste et apparentés a déclaré son groupe comme groupe d’opposition.
→ Distingue-t-on, parmi les forces politiques hostiles au gouvernement ou à la majorité de l’assemblée
(« l’opposition »), les différents courants d’opposition ? Identifie-on spécifiquement les groupes n’appartenant ni
l’opposition ni à la majorité (groupes minoritaires, non inscrits…) ?
Théoriquement, rien n’empêche la reconnaissance de plusieurs groupes d’opposition. En pratique,
depuis 2008, un seul groupe se déclare comme étant d’opposition. A l’Assemblée nationale, en raison
du système déductif retenu, les groupes minoritaires sont identifiés par défaut comme n’étant ni le
groupe d’opposition, ni le groupe numériquement le plus nombreux (la majorité). Au Sénat, en
revanche, le système étant entièrement déclaratif, on peut trouver un voire plusieurs groupes
d’opposition, des groupes minoritaires ainsi que des groupes qui ne sont ni de la majorité, ni de
l’opposition, ni de la minorité.
2) Comment enregistre-t-on l’appartenance à l’opposition ?
a) Comment appartenir à l’opposition ?
→ L’appartenance à l’opposition s’identifie-t-elle individuellement (décision individuelle du parlementaire, de l’élu, de
l’homme public) ou collectivement (décision du groupe parlementaire, du parti ou du courant politique) ?
Au sein du Parlement, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, l’appartenance à l’opposition passe
par une décision du groupe parlementaire.
→ L’opposition s’identifie-elle sur la base d’un régime déclaratif ? D’un calcul arithmétique ? D’un constat empirique,
d’un comportement politique, ponctuel ou répété (refus de voter la confiance, d’approuver le budget du gouvernement,
d’adopter la loi adoptée par la majorité de l’assemblée…) ?
En 2008, la question de l’identification de l’opposition s’est posée avec acuité.
Un système déductif a pu être envisagé, identifiant l’opposition à partir de la position d’hostilité
adoptée vis-à-vis du Gouvernement. Le procédé le plus simple, et le plus rapidement écarté, repose
sur le vote de confiance accordé au Gouvernement dans les conditions définies à l’article 49, premier
alinéa. Mais ce système a été rapidement écarté, parce que le Premier ministre n’a, en l’état actuel de
la Constitution, aucune obligation de solliciter ce vote d’investiture lors de son entrée en fonction et
que la responsabilité du Gouvernement ne peut être engagé devant le Sénat. Dans une vision plus
« parlementaire » de l’opposition, celle-ci aurait pu être identifiée à partir des différents votes émis au
sein des assemblées, posant alors de redoutables problèmes : quels votes faut-il prendre en compte ?
Sur tous les textes ou sur les seuls textes importants tels que les lois de finances ou les lois de
société ? A partir de quel pourcentage de votes négatifs bascule-t-on dans l’opposition ? Que faire
des abstentionnistes ?
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France
D’où le système finalement retenu, qui est un système déclaratif. Sont reconnus dans l’opposition les
groupes qui se déclarent comme tels. La majorité ne se déclare pas, elle est déduite de l’opposition :
elle est le groupe arithmétiquement le plus important ne s’étant pas déclaré dans l’opposition. A
l’Assemblée nationale, les groupes minoritaires sont, quant à eux, définis par défaut : ce sont les
groupes ne s’étant pas déclarés une fois que le ou les groupes d’opposition se sont déclarés et que le
groupe majoritaire a été identifié. Le système est légèrement différent au Sénat : les groupes
minoritaires doivent se déclarer comme tels, ce qui laisse, de fait, la porte ouverte à un quatrième
statut, celui de groupe n’appartenant ni à la majorité, ni à l’opposition, ni à une minorité.
→ Comment est-on admis en tant que composante de l’opposition ? Existe-il un registre, une liste, un document
constatant l’appartenance d’un groupe ou d’un individu à l’opposition ? Comment est-on admis à faire partie de
l’opposition (et le cas échéant à bénéficier du statut correspondant) ?
A l’Assemblée nationale, un groupe peut se déclarer d’opposition en remettant à la présidence une
déclaration politique signée par ses membres. Les groupes minoritaires, en revanche, sont identifiés
par défaut. Au Sénat, l’appartenance passe également par une déclaration à la présidence, qu’il
s’agisse de se déclarer groupe d’opposition ou groupe minoritaire.
b) Comment sortir de l’opposition ?
→ Comment renoncer à l’appartenance à l’opposition ? Peut-on quitter librement, se désenregistrer, modifier sa
déclaration à tout moment, en cours de mandat ou de législature ? Cela peut-il résulter d’une simple modification du
comportement, l’hostilité cédant la place à une démarche de soutien (vote des textes, du budget, prise de parole) ?
Pour les groupes parlementaires et en raison du système déclaratif retenu, la déclaration
d’appartenance à l’opposition peut être faite ou retirée à tout moment. Reste que les « droits
spécifiques » reconnus aux groupes d’opposition sont attribués en fonction de la situation des
groupes au début de chaque législature, puis chaque année au début de la session ordinaire afin
d’éviter ce que l’on pourrait appeler le « nomadisme politique ».
→ Y a-t-il des conditions ou formalités applicables concernant l’entrée et la sortie du statut de membre de l’opposition ?
Un contrôle ou une possibilité de contestation de l’appartenance à l’opposition (par exemple subordonnée au respect des
principes démocratiques) ? Un délai incompressible d’appartenance à l’opposition (par exemple le temps d’une
législature) ?
La question du contrôle susceptible d’être exercé sur les groupes et, au-delà, sur les parlementaires
est particulièrement sensible. En effet, dans le projet de résolution de l’Assemblée nationale de 2006,
une possibilité de contrôle du Bureau sur la déclaration d’appartenance à l’opposition avait été
prévue. Ce mécanisme a été directement censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il portait
atteinte à l’article 4 de la Constitution sur la liberté des partis politiques. La question a, à nouveau, été
posée en 2014, lorsqu’une résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale a été
adoptée afin d’obliger les groupes parlementaires à se doter d’un statut d’association, ce qui permet
notamment de leur reconnaître la personnalité morale. Le Conseil constitutionnel s’est assuré, dans
une décision du 16 octobre 2014, que cette obligation n’emportait aucun contrôle sur la constitution
des groupes parlementaires pour juger, dès lors, qu’elle n’était contraire à aucune disposition de la
Constitution (2014-702 DC).
II.
LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l’opposition politique
1) La nature de la garantie
— 89 —
France
a) Quel type de garantie ?
→ Encadrer juridiquement l’opposition est-ce la brider ou la protéger ? N’est-il pas contradictoire d’offrir un cadre
juridique à l’opposition, dès lors que l’élaboration de ce cadre, expression du pouvoir, est le fait de la majorité ? Limiter
le cadre d’action de l’opposition est-ce l’enfermer et la nier ou, au contraire, préserver le principe majoritaire, qui fonde
la démocratie, en assurant les détenteurs du pouvoir, régulièrement désignés, d’une prééminence ?
La démocratie et le principe de la séparation des pouvoirs – qui ont tous deux expressément valeur
constitutionnelle en France (articles 1er, 2 et 3 de la Constitution pour la première, article 16 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pour le second) – impliquent l’existence
d’une opposition : la garantie juridique de ses droits n’est donc ni paradoxale ni contradictoire avec le
principe majoritaire. Au contraire, cela relève, d’abord, du respect de la démocratie et de la mise en
œuvre de ce principe majoritaire : si celle-là repose sur celui-ci, alors « la majorité suppose l’existence
d’une minorité ; et par suite, le droit de la majorité suppose le droit d’une minorité à l’existence »12.
Ainsi, la Commission de Venise a pu estimer que « les conditions de droit et de fait nécessaires à
l’existence d’une opposition parlementaire pacifique constituent un critère d’appréciation de la
maturité démocratique de tout système politique donné »13. Par conséquent, loin de la contredire, la
garantie juridique de l’opposition renforce la démocratie14.
Ensuite, elle participe de la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs, tel qu’entendu
originellement par Montesquieu, pour lequel il s’agissait de permettre que « le pouvoir arrête le
pouvoir », à travers l’existence de contrepouvoirs et de mécanismes de contrôle. Si, initialement, ces
derniers étaient fonctionnellement et organiquement distincts à partir de la division entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif, désormais, avec l’apparition des démocraties majoritaires, cette
division tend vers une fusion puisque le Parlement soutient durablement le Gouvernement et n’a
vocation, sauf cas extrêmes, ni à le renverser ni à le mettre en difficulté au point d’engendrer sa
chute15. Le rôle de contrepouvoir appartient désormais davantage à l’opposition politique, qu’elle soit
parlementaire ou extraparlementaire, laquelle est en mesure de cibler les actions politiques qu’elle
entend contrôler pour, le cas échéant, faire vaciller la majorité et, espère-t-elle généralement,
(re)prendre le pouvoir. Mais pour cela, il est impératif qu’elle dispose de droits juridiquement
garantis, sinon, constamment minoritaire par définition, elle demeure à la merci des décisions de la
majorité.
Sans la brider ni la protéger, encadrer l’opposition revient ainsi à lui permettre d’agir. Mais cela ne
saurait déboucher sur une entrave à l’action majoritaire car la reconnaissance juridique des droits de
l’opposition échoit à la majorité, si bien qu’elle les garantira raisonnablement, dans un souci
démocratique, sans les garantir démesurément, ce qui mènerait à un dysfonctionnement
démocratique.
→ Existe-t-il des coutumes, type « gentlemen’s aggreement », ou des « conventions de la Constitution » venant
garantir les droits de l’opposition ? Où ont-ils été négociés ? Ont-ils été codifiés ? Quelle est la norme de référence
optimale, entre la rigidité de la norme constitutionnelle et la souplesse du gentlemen’s aggreement et de la
convention ?
12 Hans
KELSEN, La démocratie. Sa nature, sa valeur, Dalloz, Paris, rééd. de la 2ème édition (Sirey, 1932), 2004, p. 63.
de Venise, Rapport sur le rôle de l’opposition au sein d’un parlement démocratique, Étude n° 497/2008, 15
novembre 2010, § 23.
14 Dans le même sens, cf. Éric THIERS, « La majorité contrôlée par l’opposition : pierre philosophale de la nouvelle
répartition des pouvoirs ? », in Pouvoirs n° 143 (2012), La séparation des pouvoirs, pp. 61 à 72, spéc. p. 64.
15 Pierre Rosanvallon notait ainsi dans une tribune, en 2011, que « la vieille tripartition n’a plus aucun sens. Dans toutes
les sociétés modernes, il n’y a partout qu’un seul pouvoir dirigeant : le pouvoir exécutif », et c’est pourquoi « il est
nécessaire de reformuler les termes d’une nouvelle architecture des pouvoirs ». Pour cela, il faut « séparer
fonctionnellement action et contrôle, c’est-à-dire aussi gouvernement et opposition. […] Il ne s’agit pas tant là de séparer
des pouvoirs que de distinguer des positions. L’essentiel est notamment en ce sens de donner à l’opposition tous les
moyens nécessaires pour qu’elle joue son rôle de stimulation et de contestation », Pierre ROSANVALLON, « Mieux
contrôler l’exécutif, voilà la liberté des modernes ! », in Le Monde 17 juin 2011.
13 Commission
— 90 —
France
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 16 est venue offrir un statut constitutionnel à
l’opposition et à la minorité parlementaires, à travers l’introduction d’un nouvel article 51-1 dans la
Constitution, disposant : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes
parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de
l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires ». Avant cette consécration constitutionnelle,
qui s’est poursuivie par une modification des règlements des assemblées, la plupart des droits de
l’opposition résultait de gentlemen’s agreement, même si certains étaient néanmoins inscrits dans la
norme, notamment constitutionnelle, comme la possibilité offerte, depuis 1974, à 60 députés ou 60
sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel en contestation d’une loi (contentieux a priori), ce qui
revenait à en autoriser la saisine par l’opposition.
Ainsi, jusqu’en 2008, la quasi-totalité des droits de l’opposition résultaient de conventions et
coutumes. On en propose ici une liste qui ne prétend pas à l’exhaustivité :
•
Les questions d’actualité au Gouvernement, instituées en 1974 à l’initiative du Président Giscard
d’Estaing et qui ont perduré jusqu’à leur inscription dans le règlement de l’Assemblée nationale
en 199417. Elles étaient organisées par la conférence des Présidents, laquelle prévoyait également
le temps dévolu à chaque groupe (égalitaire en 1974, qualifié d’« équivalent » en 1981, après une
controverse résultant de l’octroi au groupe socialiste du double du temps de chacun des autres
groupes, puis au prorata des groupes en 198618).
•
En 1981, le nouvelle majorité avait proposé de répartir les présidences des commissions de
l’Assemblée nationale à la proportionnelle, mais le groupe RPR l’a refusé19, tandis qu’en 1986,
Roland Dumas a présidé la commission des affaires étrangères pendant quelques mois, sous le
Gouvernement de Jacques Chirac et qu’en 1988, Valéry Giscard d’Estaing a accepté de présider
la même commission et que, pour la première fois, des membres de l’opposition ont intégré le
bureau des commissions20. En 2007, la présidence de la commission des finances a été confiée à
Didier Migaud, député de l’opposition.
•
La répartition des fonctions du Bureau de l’Assemblée nationale, respectant la configuration
politique de l’Assemblée (art. 10 RAN), résulte également d’une convention, depuis 1958 et qui
perdure encore aujourd’hui21.
En 1995, une révision constitutionnelle a prévu qu’« une séance par mois est réservée par priorité
à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée » et la conférence des Présidents de l’Assemblée
nationale a décidé de la répartir entre les groupes selon leur importance numérique22.
Toutes ces conventions résultaient d’accord entre les groupes et certaines ont été prises à partir d’une
proposition ou après accord du Président de la République (en particulier pour les questions
d’actualités au Gouvernement). Elles ont toutes été codifiées dans le règlement des assemblées, au
plus tard après la révision constitutionnelle de 2008, à l’exception de la règle de répartition des
fonctions du Bureau de l’Assemblée nationale et de celle de la présidence de la commission des
finances attribuées à un membre de l’opposition, au Sénat (alors qu’il s’agit effectivement d’un
membre de l’opposition sénatoriale, c’est-à-dire, actuellement, de la majorité gouvernementale23). Il faut
enfin souligner l’apparition d’une nouvelle convention, depuis 2008 et en conséquence de la révision
constitutionnelle : afin de ne pas dénaturer l’esprit de cette révision qui a constitutionnalisé, à l’article
48, al. 5 de la Constitution, un jour de séance par mois au profit des groupes d’opposition et
•
16 Loi
constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, JORF 24
juillet 2008, p. 11890.
17 Résolution n° 151 du 26 janvier 1994. Au Sénat, elles sont apparues en 1982, cf. Pierre AVRIL et Jean GICQUEL,
« Chronique constitutionnelle française », in Pouvoirs, n° 22, p. 198. On citera désormais cette chronique par son
acronyme CCF, suivi du numéro de la revue dans lequel elle est parue et de la pagination.
18 Sur ces différents points, cf. CCF, n° 20, p. 195 (pour 1981) et n° 38, p. 193 (pour 1986), ainsi que Pierre AVRIL, Jean
GICQUEL, Jean-Éric GICQUEL, Droit parlementaire, LGDJ, Paris, coll. Domat, 5ème édition 2014, p. 27.
19 CCF n° 19, pp. 180 et 181.
20 CCF n° 47, p. 205.
21 Pierre AVRIL et al., Droit parlementaire, op. cit., p. 78.
22 Ibidem, p. 148.
23 Il s’agit actuellement de Michèle André.
— 91 —
France
minoritaire, au Sénat, le texte venant en discussion est celui de la proposition initiale, la commission
saisie s’abstenant de le modifier, contrairement à ce qu’impose désormais l’article 42 de la
Constitution24.
→ Existe-t-il une jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition ? La jurisprudence constitutionnelle
favorise-t-elle les droits de l’opposition ou en constitue-t-elle aussi un frein ?
Si l’on tend vers une juridictionnalisation (toujours balbutiante) des droits de l’opposition, on ne peut
que constater que, pour l’heure, le Conseil constitutionnel peine à censurer des dispositions
législatives pour violation de l’un de ces droits. Cette juridictionnalisation résulte de la multiplication
des saisines dans lesquelles l’opposition invoque la violation de ses droits25 et de ce que le Conseil
admet, de temps à autre, de contrôler la procédure parlementaire au regard de la violation des droits
de l’opposition. Ainsi, à propos du respect de l’ordre du jour et de l’obligation de prévoir des
questions au Gouvernement une fois par semaine au moins, même en session extraordinaire, il a
souligné « qu’un projet ou une proposition de loi qui serait adopté au cours d’une semaine dont
l’ordre du jour avait été établi en méconnaissance du dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution
serait adopté selon une procédure contraire à la Constitution »26. De même, à propos de la fixation
d’un temps législatif programmé (TLP), il a considéré que sa durée n’était pas « manifestement
disproportionnée »27 : tout en validant en l’espèce, il se réserve ainsi le droit de contrôler l’erreur
manifeste dans la fixation de la durée d’un TLP.
Toutefois, cette juridictionnalisation reste limitée pour plusieurs raisons. D’une part, car les droits de
l’opposition relèvent essentiellement de l’activité de contrôle et non de celle de législation, la seule
que le Conseil est en mesure de contrôler28. D’autre part, car ces droits sont essentiellement inscrits
dans le règlement des assemblées et que ces derniers n’ont pas, en eux-mêmes, valeur
constitutionnelle29 : « la seule méconnaissance des dispositions réglementaires invoquées ne saurait
avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution »30. Enfin, car le Conseil
constitutionnel est généralement le défenseur de l’exécutif et donc, indirectement, de la majorité : il
reste ainsi généralement réservé en faisant aimablement comprendre qu’il n’est pas là pour pallier les
faiblesses du jeu politique.
b) Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
→ Quels types de normes garantissent les droits de l’opposition ? La Constitution, la loi (organique ou ordinaire), les
règlements internes des institutions, les actes réglementaires ? Quelle est la place des coutumes ou du droit souple ?
→ Y a-t-il eu des évolutions du niveau de garantie ces dernières années ? Pour quelles raisons (dans l’affirmative ou la
négative) ? Le niveau de garantie était-il suffisant/satisfaisant ou, au contraire, insuffisant, insatisfaisant et contesté ?
Quelles sont les conséquences actuelles de cette évolution ou de cette stagnation ?
24 Pierre
AVRIL et al., Droit parlementaire, op. cit., p. 220, cf. également ce qu’en dit Jean-Louis HÉRIN, « La nouvelle
procédure législative au Sénat ou comment concilier l’accroissement du rôle de la commission avec le primat de la séance
plénière », in Pouvoirs n° 139 (2011, Les jeux d’argent), pp. 121 à 128, notamment p. 128.
25 Cf., par exemple, la saisine de 60 députés sur la Loi portant réforme des retraites, Décision n° 2010-617 DC du 9 novembre
2010, Rec. p. 310 ou celle par 60 députés sur Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, décision n° 2011-631
DC du 9 juin 2011, Rec. p. 252.
26 Décision n° 2012-654 du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), Rec. p. 461. Ultérieurement, il a
retenu qu’au cours d’une semaine consacrée par priorité au contrôle du Gouvernement et à l’évaluation des politiques
publiques puissent également être examinés des textes législatifs : la priorité n’est pas une exclusivité, décision n° 2013677 DC du 14 novembre 2013, Loi organique relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, Rec. p. 1024.
27 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, Rec. p. 252.
28 Ainsi, il n’a pas été saisi et n’aurait pas pu l’être lorsque, en 2009, l’opposition souhaitait mettre en place une
commission d’enquête en se fondant sur son « droit de tirage » (cf. infra) sur l’affaire des sondages de l’Élysée, mais que le
Bureau de l’Assemblée nationale le lui a refusé, prétextant d’une violation de la séparation des pouvoirs.
29 Décision n° 78-97 DC du 27 juillet 1978, Loi portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d’assises,
Rec. p. 31.
30 Décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le
pluralisme des entreprises de presse, Rec. p. 78.
— 92 —
France
→ Le niveau normatif de garantie des droits change-t-il en fonction des droits concernés ? Quelle typologie est-il possible
d’établir à partir de cette différence de niveaux de garantie ?
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la Constitution consacre l’existence de groupes
d’opposition et minoritaires (article 51-1, précité), mais il ne s’agit là que d’une reconnaissance
constitutionnelle, l’article 51-1 renvoyant expressément aux règlements des assemblées le soin de
prévoir des droits spécifiques. Seuls sont directement prévus par la Constitution la possibilité pour 60
députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel (articles 54 et 61) et le droit à un jour de
séance par mois (article 48, al. 5). Cette consécration constitutionnelle est due à la tentative de
reconnaître des droits de l’opposition en 2006, censurée par le Conseil constitutionnel31 et elle a
permis, après des modifications des règlements des assemblées, de codifier la quasi-totalité des
conventions qui venaient garantir, auparavant, les droits de l’opposition, tout en en ajoutant quelques
autres.
En 2006, à l’initiative de Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée nationale, une résolution
proposait d’instaurer une obligation, pour chaque groupe, de déclaration d’appartenance à la majorité
ou à l’opposition ce qui permettait, ensuite, d’offrir des droits spécifiquement à l’opposition. Le
Conseil constitutionnel a considéré que ces « modalités » de reconnaissance d’une majorité et d’une
opposition contrevenaient à l’article 4 de la Constitution et les droits qui étaient prévus au bénéfice
de l’opposition instauraient « entre les groupes une différence de traitement injustifiée ». S’il est vrai
qu’en 2003, le Conseil constitutionnel n’avait rien eu à redire lorsque le règlement de l’Assemblée
nationale avait été modifié afin de prévoir, lors de la création d’une commission d’enquête, que la
fonction de président ou de rapporteur revenait de droit à un membre du groupe auquel appartenait
le premier signataire de la proposition de résolution de laquelle résulte la création de ladite
commission, il ne s’agissait pas, de jure, de la reconnaissance d’un droit de l’opposition même si, de
facto, cela garantissait à cette dernière d’avoir droit à une telle fonction dès lors qu’elle était à
l’initiative d’une commission d’enquête. En 2006, avec l’octroi express de droits au profit de
l’opposition, la situation est différente et jugée inconstitutionnelle. Par conséquent, garantir des droits
spécifiques à l’opposition passait nécessairement par une révision constitutionnelle préalable.
Les conventions (gentlemen’s aggreements) ont ainsi quasiment disparu, à quelques exceptions près, ce
qui contribue à renforcer efficacement les droits de l’opposition puisqu’elle n’a plus à craindre de les
voir disparaître, du fait d’un simple changement d’état d’esprit (comme ce fut le cas, en 1981, à
propos des questions d’actualité au Gouvernement, par exemple). On peut toutefois noter que cette
consécration récente est également issue d’une réflexion menée au sein du Comité de réflexion et de
proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République (Comité
Balladur) de 2007 qui proposait, notamment, de rédiger une « “ charte des droits de l’opposition ”
qui recenserait l’ensemble des droits de l’opposition et pourrait, si elle était signée par le
Gouvernement, la majorité et les groupes qui ne s’en réclament pas, garantir les bonnes pratiques
d’une démocratie parlementaire plus respectueuse des opinions et des personnes »32. De valeur sans
doute non contraignante, cela aurait constitué un guide des bonnes pratiques parlementaires et « une
démonstration concrète de [la] capacité [des forces politiques] à passer outre les habituelles logiques
de conflits pour établir un socle minimum de règles de sociabilité démocratique »33. Mais une telle
charte n’a encore jamais été adoptée.
31 Décision
n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, Rec. p. 67.
Vème République plus démocratique, rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le
rééquilibrage des institutions de la Vème République, p. 66 (proposition n° 61).
33 Éric THIERS, « La majorité contrôlée par l’opposition », préc., p. 68.
32 Une
— 93 —
France
2) L’étendue de la garantie
a) Quels droits au sein des institutions ?
→ Quelles institutions politiques garantissent des droits de l’opposition ? Le parlement, les assemblées locales,
d’autres ? Y a-t-il des droits garantis spécifiquement dans certaines institutions et non dans d’autres ?
Les droits de l’opposition sont essentiellement reconnus au sein des deux chambres du Parlement,
quoique que de façon légèrement nuancée d’une chambre à l’autre. Ils sont assez rares au sein des
assemblées locales, mais certains existent. En particulier, on peut souligner l’obligation législative de
prévoir des questions orales au sein des assemblées délibérantes des communes, des départements et
des régions34. De plus, depuis 2002, il est possible de créer, au sein des collectivités territoriales, des
missions d’information et d’évaluation qui peuvent s’apparenter à des commissions d’enquête
parlementaires, à l’initiative d’un sixième de conseillers municipaux ou d’un cinquième de conseillers
départementaux ou régionaux, mais toujours après une décision à la majorité : elle ne pourrait donc
être créée qu’en cas de réel désaccord entre l’exécutif et son assemblée35. Depuis 2002 également, les
conseillers municipaux n’appartenant pas à la majorité (dans les communes de plus de 3 500
habitants) et les groupes d’élus des conseils départementaux et régionaux36 disposent d’une garantie
d’expression dans le bulletin d’information générale de la collectivité territoriale, s’il existe. Enfin, il
arrive que la loi prévoie que des conseillers siègent dans des commissions extérieures à la collectivité
et qu’elle impose que la désignation des conseillers se fassent alors à la représentation
proportionnelle37, mais cela reste ponctuel et n’a pas valeur de principe38.
→ Quels types de droits sont garantis à l’opposition au sein des institutions ? Droits honorifiques (présidences de
commission, intérêt simplement honorifique ou autre ?), d’interrogation (nature), d’enquête (étendue), de contestation, de
blocage, de renversement, de procédure parlementaire, de nomination ?
Il existe certains droits honorifiques, notamment celui d’être représenter au sein du Bureau des
assemblées, même cela garantit également que la majorité ne pourra être omnipotente puisque, si elle
conserve le droit de décider, elle devra composer avec le regard et parfois le rôle des responsables de
l’opposition. Il y a ainsi toujours des vice-présidents et un questeur (sur trois) de l’opposition. Il en va
de même en ce qui concerne le bureau des commissions et, à l’Assemblée nationale, la présidence de
la commission des finances revient, de droit, à l’opposition (cela résulte d’une convention au Sénat),
cette dernière fonction n’étant pas purement honorifique, le président de la commission des finances
étant compétent pour apprécier la recevabilité financière des amendements parlementaires (article 40
de la Constitution).
En matière de contrôle, les membres de l’opposition peuvent naturellement déposer des motions de
censure du Gouvernement, bien que ce droit soit encadré par l’article 49, al. 2 de la Constitution. La
motion doit être signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit au
minimum 58 députés, ce qui empêche à quelques parlementaires isolés d’être à l’initiative d’une telle
motion. De plus, un même député ne peut être signataire de plus de trois motions au cours d’une
même session ordinaire ou de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire. Depuis 2009,
chaque groupe d’opposition et minoritaire de l’Assemblée nationale dispose d’un « droit de tirage »
en vue de la création d’une commission d’enquête (ou d’une mission d’information) et, depuis 2003,
le groupe qui est à l’origine de cette création peut prétendre, de droit, à la fonction de président ou de
rapporteur. Enfin, toujours à l’Assemblée nationale, la règle de la parité entre majorité et opposition a
été rétablie en matière des questions d’actualité au Gouvernement (art. 133, al. 2 RAN).
34 Respectivement articles L. 2121-19, 3121-20 et 4132-20 CGCT, lesquels renvoient aux règlements intérieurs de chacune
des collectivités territoriales concernées.
35 Articles L. 2121-22-1 (cette possibilité ne vaut que pour les communes de plus de 50 000 habitants) , L3121-22-1 et
L. 4132-21-1 CGCT.
36 Respectivement articles L. 2121-27-1, L. 3121-24-1 et L. 4132-23-1 CGCT.
37 Par exemple les commissions consultatives des services publics locaux (L. 1413-1 CGCT), commissions d’appel d’offre
et bureaux d’adjudication (L. 2121-22 CGCT).
38 CAA Douai, 11 juillet 2000, M. Descaves et autres, AJDA 2000, p. 887.
— 94 —
France
En matière de procédure législative, en dehors de la possibilité de saisir de la Conseil constitutionnel
offerte depuis 1974 et de défendre des motions de procédure, les prérogatives demeurent assez rares.
On peut notamment signaler que, dès lors que le temps législatif programmé est décidé (à
l’Assemblée nationale), l’opposition bénéficie, de droit, de 60% du temps ainsi fixé. À cela s’ajoute la
mise en place, à l’Assemblée nationale, de rapports sur l’application des lois, rédigés par deux
parlementaires dont l’un appartient à l’opposition – mais cela relève également du contrôle.
On le constate, en dehors des hasards de la vie politique conduisant la majorité à ne pas disposer de
majorité lors d’une occasion précise, l’opposition ne dispose pas de véritable pouvoir de blocage : à
elle seule, elle ne peut ni s’opposer à un projet ou une proposition de loi (en refusant son inscription
à l’ordre du jour, en le rejetant en séance), ni rejeter une nomination. Elle dispose ainsi d’une part
limitée dans la législation, qui reste logiquement l’œuvre de la majorité puisqu’elle lui permet de
conduire et mettre en œuvre sa politique, mais d’une part renforcée et garantie dans le contrôle, dans
elle demeure l’instigatrice non moins logique puisque c’est à elle d’attirer l’attention sur tout
agissement de la majorité qui lui paraît justifier une contestation. Seul le peuple est alors en mesure
de trancher, in fine, lors de l’élection.
→ Comment l’opposition est-elle associée à la confection législative ?
Bien qu’elle ne dispose d’une influence que limitée sur le résultat, l’opposition peut largement
influencer les débats. Chaque parlementaire dispose ainsi d’un droit d’amendement, qu’il peut exercer
en commission et en séance. Les amendements de l’opposition sont rarement adoptés, mais cela peut
arriver39. Au-delà du droit d’amendement, on a déjà souligné son droit à 60% du temps lors de la
fixation d’un TLP. On mentionnera enfin le rôle particulier du Sénat, dès lors qu’il n’est pas de la
même couleur politique que l’Assemblée nationale : celui-là dispose des mêmes droits que celle-ci, à
l’exception de la possibilité de demander à cette dernière de statuer en dernière lecture, au terme de la
procédure législative. S’il est fréquemment fait usage de ce droit dans ce type de circonstance, le
recours n’est pas systématique, laissant donc supposer que la majorité sénatoriale (qui se trouve être
dans l’opposition gouvernementale) influe sur le texte final.
b) Quels droits au-delà des institutions ?
→ Le financement des partis politiques d’opposition favorise-t-il et renforce-t-il l’expression de l’opposition ? Quelles
sont les ressources financières de l’opposition ?
La réglementation en matière de financement des partis politiques est identique entre les partis de la
majorité et ceux de l’opposition et, globalement, les ressources publiques constituent deux tiers des
ressources des partis politiques. L’attribution de ces ressources résulte, d’une part, du nombre de
candidats présentés lors des dernières élections législatives et des résultats obtenus et, d’autre part, du
nombre d’élus à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les partis majoritaires se trouvent ainsi
logiquement favorisés, en particulier lorsqu’il s’agit d’une majorité de Droite, le Sénat étant peu
enclin à l’alternance et demeurant ancré à Droite, en dehors de la parenthèse 2011-2014.
→ De quels droits et/ou libertés l’opposition politique bénéficie-t-elle en-dehors des institutions ? Le droit d’asile, le
droit de grève, la liberté de la presse sont-ils ou peuvent-ils être considérés comme des droits de l’opposition ?
→ Quelle est l’étendue de ces différents droits et/ou libertés ? Le droit d’asile est-il largement reconnu ? Le droit de
grève et de manifester est-il fortement limiter (interdiction de faire grève, autorisation de manifester) ? La liberté de la
presse est-elle malmenée ?
Le principe du pluralisme impose un traitement équitable, dans les médias, des différents courants
politiques et de pensée et le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à son respect. À ce titre, on
parlait, jusqu’en 2000, du respect de la « règle des trois tiers », à partir d’une directive du Conseil
39 Au
cours des dernières années, le nombre d’amendements de l’opposition qui ont été adoptés, par rapport au nombre
total des amendements adoptés oscille entre 4 et 10%.
— 95 —
France
d’administration de l’ORTF du 12 novembre 1969 et l’on parle aujourd’hui du « principe de
référence », dont l’application a été modifiée en dernier lieu en 200940. Les « trois tiers » signifiaient
que le Gouvernement, la majorité et l’opposition devaient chacun avoir des temps similaires. Cela
paraissait trop rigide et écartait les partis politiques non représentés au Parlement. Ainsi, la souplesse
a voulu qu’il y ait un temps de référence, celui du Gouvernement et de la majorité et que le temps de
l’opposition devait être au moins égal à la moitié de ce temps cumulé. Quant aux partis non
représentés au Parlement, ils devaient être traités équitablement. Enfin, le temps de parole du
Président de la République et de ses collaborateurs, qui n’était initialement pas pris en compte car il
était censé s’exprimer au nom de la Nation tout entière, a connu une évolution en raison
d’interventions de plus en plus fréquentes au soutien de la politique du Gouvernement. Cela est dû à
un arrêt du Conseil d’État41 qui a ensuite débouché sur la dernière délibération du CSA et qui
imposent désormais que « les éditeurs prennent en compte celles des interventions du Président de la
République qui, en raison de leur contenu et de leur contexte, relèvent du débat politique national »42.
Au niveau local, comme déjà évoqué, l’opposition a le droit d’être présente dans le bulletin
d’information de la collectivité.
Le droit de grève constitue une forme de manifestation d’opposition à une politique, a priori celle
menée par le gouvernement, lorsque la grève est nationale. On peut donc considérer qu’il s’agit d’une
forme d’opposition politique, d’autant plus lorsque l’opposition gouvernementale s’en saisit. Le droit
de grève est assez largement reconnu et garanti en France, à quelques rares exceptions et interdiction
près. Ainsi, bien que le droit de grève soit généralement reconnu aux fonctionnaires civils sur la base
du préambule de la Constitution de 194643, certaines catégories de fonctionnaires se voient interdire
le droit de grève : les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), les personnels de police, les
magistrats, les personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire et les personnels
des transmissions du Ministère de l’Intérieur. À ceux-là s’ajoutent les fonctionnaires militaires. Les
grèves ne sont pas soumises à autorisation mais simplement à préavis et il en va de même pour les
manifestations publiques, qui sont soumises à déclaration, l’autorité publique pouvant s’y opposer
pour des raisons d’ordre public.
B. L’usage de ses droits par l’opposition politique
1) Au sein des institutions politiques
a) Quelle légitimité ?
→ Comment concilier le principe majoritaire et le fait d’accorder des droits à l’opposition politique ? Dans quelle
mesure les élus de l’opposition participent-ils à l’exercice de la souveraineté nationale ? La théorie de la représentation
politique ne doit-elle pas intégrer la qualité du représentant de l’opposition ? La création de binômes
majorité/opposition est-elle possible, dans quelles situations ?
L’opposition est importante en ce qu’elle introduit l’équilibre inhérent à la théorie de la séparation
des pouvoirs, dans une démocratie majoritaire, mais l’existence d’une majorité claire et stable (fait
majoritaire) est également nécessaire afin de garantir l’efficacité démocratique de la prise de décision
(on peut comparer avec les Républiques françaises antérieures, ou avec le début de la Vème
République : il est symptomatique que la seule motion de censure qui ait abouti depuis 1958 soit celle
de 1962, juste avant l’apparition du fait majoritaire). Il doit ainsi y avoir une claire répartition des
rôles entre la majorité et l’opposition : à la première, celui de soutenir la politique du Gouvernement
en votant les lois qu’il propose, à la seconde celui de contrôler toutes les actions de la majorité.
Malgré tout, cette distinction ne saurait être aussi tranchée car les deux processus (législation et
40 Délibération n° 2009-60 du 21 juillet 2009 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de
télévision.
41 CE Ass. 9 avril 2009, Hollande et Mathus, Rec. p. 140.
42 Délibération n° 2009-60 précitée, point I.
43 CE Ass. 7 juillet 1950, Dehaene, Rec. p. 426.
— 96 —
France
contrôle) sont le résultat de discussions, d’échanges voire de compromis entre la majorité et
l’opposition44. C’est ainsi que l’opposition et l’ensemble de la représentation nationale participe de
l’exercice de la souveraineté nationale. À ce titre, le Comité Balladur avait proposé d’associer plus
largement l’opposition à la sphère publique en suggérant de modifier « le décret du 13 septembre
1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires […] pour que les
représentants des principaux partis d’opposition y soient représentés selon les modalités qu’ils
détermineraient eux-mêmes »45.
À cette répartition des rôles, il faut ajouter un élément essentiel : le fait que l’opposition dispose des
garanties lui permettant de devenir, à un horizon plus ou moins bref, la majorité, afin d’éviter de
tomber dans une forme de « dictature de la majorité ». Cela suppose ainsi une double garantie des
droits de l’opposition (ou de la minorité) : une garantie d’action et une garantie d’évolution. Cette
dernière résulte principalement de la protection accrue de certains droits, par l’instauration de règles
majoritaires assurant que la minorité prendra part à la décision. Tel n’est toutefois pas le cas en
France, en-dehors de la révision constitutionnelle, qui impose, dans l’hypothèse d’un passage au
Congrès et non par referendum, une majorité des 3/5e. Néanmoins, depuis la révision constitutionnelle
de 2008, en matière de « texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des
députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs »46, une commission
indépendante est appelée à se prononcer par un avis public. Le mandat de membre de cette
commission est incompatible avec tout mandat électif et elle est composée à parité de membres
(supposés) issus du milieu politique et désigné par le Président de la République, celui de l’Assemblée
nationale et celui du Sénat – après audition et avis des commissions compétentes de chacune des
assemblées, la nomination ne pouvant pas avoir lieu en cas d’un avis négatif des 3/5e – et de
membres issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes47.
Enfin, ainsi qu’on l’a déjà signalé, en matière de contrôle, des binômes de parlementaires de majorité
et d’opposition sont possibles, voire obligatoires, en matière de commission d’enquête et de mission
d’information (binôme Président et rapporteur) et de rapport sur l’application des lois (binôme de
rapporteurs).
b) Quelle fréquence ?
→ L’opposition est-elle systématique, voire permanente ? Pourquoi (y a-t-il des raisons objectives ou seulement
subjectives) ? Est-il possible d’établir des statistiques de l’usage de ses droits par l’opposition ?
→ Y a-t-il, au contraire, un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition ? Est-il fréquent, récurrent ? En
fonction de quoi, de quels sujets peut-il avoir ou a-t-il lieu ? Y a-t-il des sujets plus consensuels que d’autres ? Pour
quelles raisons ?
L’opposition est généralement systématique et permanente, rarement constructive. Un exemple
topique et le projet de loi pour la croissance et l’activité, dite « loi Macron », qui a été soutenu par
l’opposition au cours des débats législatifs, qui a donné lieu à de nombreux et riches échanges,
constructifs, entre le Gouvernement, la majorité et l’opposition, mais que cette dernière a refusé de
voter (cf. infra sur le recours au 49, 3). Les raisons sont essentiellement subjectives : l’opposition
entend jouer son rôle auprès des électeurs et considère que s’opposer généralement au
Gouvernement signifie qu’on ne peut pas le soutenir ponctuellement. On peut ajouter ce que Guy
Carcassonne dénomme, à propos de l’opposition, « le syndrome français »48, qui conduit à ce que « la
confrontation entre majorité et opposition apparaît en France sous la forme d’un duel où les
44 « La volonté générale formée sur la base du principe majoritaire ne résulte nullement d’une décision dictatoriale de
imposée par la majorité à la minorité, mais de l’influence réciproque que les deux groupes exercent l’un sur l’autre, du
choc de leurs orientations politiques antagonistes », Hans KELSEN, La démocratie, op. cit., p. 66.
45 Une Vème République plus démocratique, op. cit., p. 66 (proposition 59).
46 Article 25, al. 3 CF.
47 Article L. 567-1 Code électoral.
48 Guy CARCASSONNE, « La place de l’opposition : le syndrome français », Pouvoirs n° 85 (1998), La démocratie majoritaire,
p. 75 et s.
— 97 —
France
convergences font figure de bizarreries, et ce pour des raisons liées à notre culture politique
profonde ». Toutefois, on peut établir une distinction entre le travail en séance publique, où
l’opposition est plutôt systématique et celui en commission, où il est davantage conciliant, même si
cela ne reste pas si fréquent. Le fait que les travaux des commissions aient été secrets pendant de
nombreuses décennies en est certainement la cause et l’on ne peut donc que déplorer qu’ils soient
désormais officiellement publics49.
Le dialogue consensuel n’est pas totalement absent mais reste rare, seulement pour des sujets que
l’on pourrait qualifier de « grande cause nationale » ou transpartisans. Tel fut le cas, récemment, sur la
loi relative à la fin de vie dans la dignité ou la reconnaissance du vote blanc. On peut également
mentionner, en 2001, l’écriture de la loi organique relative aux lois de finances, conduite sous l’égide
de deux parlementaires opposés, Didier Migaud et Alain Lambert.
→ Peut-on distinguer parmi les droits de l’opposition, ceux qui ne seraient jamais utilisés (et, dans ce cas, pourquoi ?)
de ceux qui sont rituellement utilisés (dans une logique de posture) et d’autres encore qui le sont dans des circonstances
plus tendues ? L’utilisation de ces prérogatives constitue-t-elle un indicateur quant à l’existence d’une tension
institutionnelle ?
L’opposition utilise la totalité de ses droits, bien qu’à des fréquences diverses. Ainsi, les questions
d’actualité au Gouvernement sont bihebdomadaires à l’Assemblée nationale et il est rare que
l’opposition n’y prenne pas part. Cela est dû, alors, à un incident politique qu’elle retiendra comme
majeur. À l’inverse, le dépôt d’une motion de censure est assez rare et traduit généralement une
tension importante. En tout état de cause, cela reste généralement de la posture politique.
c) Quelles conséquences ?
→ Quels sont les objectifs et les conséquences de l’opposition ? Sont-ils purement politiques ou également juridiques ?
Parle-t-on d’obstruction ? Comment l’opposition est-elle traitée et protégée par le juge (constitutionnel, le cas échéant) ?
L’objectif est essentiellement politique, ponctuellement juridique lors des saisines du Conseil
constitutionnel, même si, dans ces cas là également, le recours est motivé par des considérations
politiques. Il arrive assez rarement que l’opposition politique soit telle, qu’elle débouche sur une
modification juridique et une renonciation (radicale) de la majorité. Par exemple, la Gouvernement
n’a nullement reculé sur la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe (2012-2013), alors que
l’opposition était particulièrement vive et trouvait un écho dans l’opinion publique (manifestations).
En revanche, en 2006, le Gouvernement de Villepin a reculé sur son idée de « contrat de première
embauche » après que l’opposition fut extrêmement vive au niveau politique et au niveau publique,
avec de nombreuses émeutes urbaines.
L’obstruction existe mais elle est désormais jugulée par la possibilité de recourir au temps législatif
programmé.
→ Comment l’opposition est-elle contrôlée par la majorité ? Existe-t-il des mécanismes permettant de l’écarter
totalement (radicalement) ?
Afin de contrôler l’opposition lorsque celle-ci tombe dans l’obstruction, la majorité dispose d’un
certain nombre d’armes constitutionnelles. D’abord, elle est mesure d’engager la procédure accélérée,
permettant de réduire de deux à une le nombre de lectures nécessaires dans chaque assemblée, avant
la convocation d’une CMP. Cet engagement est désormais quasi-systématique. S’il n’a pas pour
vocation principale de contrer l’opposition, il a néanmoins pour effet de réduire ses possibilités
d’expression sur un texte. Ensuite, ainsi qu’on l’a exposé, il est possible de prévoir un temps législatif
49 Autrefois, le huis-clos en commission était le principe et la publicité des débats, l’exception mais, malgré le huis-clos, il
était rendu compte de ces débats. Désormais, depuis la modification du Règlement de l’Assemblée nationale du 28
novembre 2014, la publicité est la règle et le huis-clos, l’exception. Au Sénat, le huis-clos est toujours la règle et la
publicité l’exception.
— 98 —
France
programmé à l’Assemblée nationale, permettant de fixer la durée des débats : dès lors qu’un groupe a
épuisé son temps, il ne peut plus s’exprimer. L’opposition est ici protégée en ce qu’elle bénéficie de
60% du temps alloué aux groupes, mais elle est concurrencée par le fait que ni le temps du
Gouvernement ni celui du ou des rapporteurs ni encore celui du Président de la Commission saisie
au fond ne sont comptabilisés. Elle n’est pas en mesure de refuser le TLP car il est décidé en
conférences des Présidents, contrôlée par la majorité, mais elle bénéficie de prérogative pour
demander des allongements50.
Enfin, la majorité dispose de moyens de passage en force. Il y a, d’une part, le passage en force
mesuré de l’article 44, al. 3 de la Constitution : le vote bloqué, par lequel l’assemblée saisie se
prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les
amendements déposés ou acceptés par le Gouvernement. Cela limite les votes, évite les surprises (car
il n’y a qu’un vote et la majorité est donc mobilisée) mais n’empêche pas les discussions des
amendements. D’autre part, il existe le passage en force massif de l’article 49, al. 3 de la Constitution :
l’engagement de responsabilité sur un texte, par lequel ce dernier est adopté, sans vote, dès lors
qu’aucune motion de censure du Gouvernement n’est déposée ou adoptée. Ce mécanisme peut être
engagé à tout moment de la procédure, mais seulement devant l’Assemblée nationale et il permet de
couper court à toute discussion. Initialement prévu pour créer une majorité sur un texte alors qu’il
n’en existait pas formellement une (donc avant l’apparition du fait majoritaire), son utilisation a
dérivé en une arme contre l’obstruction alors que le Gouvernement disposait d’une majorité très
large. Il a donc été revu en 2008 et son utilisation est désormais limitée aux lois de finances et de
financement de la sécurité sociale, ainsi qu’à un texte par session. Tombé alors en désuétude, il a été à
nouveau invoqué le 17 février 2015, sur le projet de loi Macron, mais à la fin de l’ensemble de la
discussion et alors que le Gouvernement n’était pas assuré d’avoir une majorité sur son texte.
2) En-dehors des institutions politiques
a) Les usages dans le droit
→ Comment l’opposition politique est-elle encadrée ? La contestation en-dehors des institutions politiques est-elle aisée
et/ou fréquente ?
Le droit de grève et de manifester étant assez largement garanti (cf. supra), l’encadrement est faible et
la contestation aisée. À cela s’ajoute la possibilité également largement reconnue d’intervenir dans les
médias.
→ Le vote peut-il constituer une forme d’opposition politique ? Le vote est-il obligatoire ? Quelle est la prise en compte
du vote blanc ?
Le vote n’est pas obligatoire en France, à l’exception de l’élection des sénateurs par les grands
électeurs. Toutefois, le débat est récurrent, car l’abstention ne cesse de croître depuis le début de la
Vème République. Depuis une loi de février 201451, le vote blanc est soi-disant reconnu, mais on
préfère qualifier cela de « méconnaissance reconnue » du vote blanc. En effet, le vote blanc n’est pas
comptabilisé dans les suffrages exprimés, mais il est simplement distingué des votes nuls : cette loi
permet ainsi de l’identifier, non de le comptabiliser en tant que vote.
De façon générale, on considère que le vote est un moyen de sanctionner et, donc, de s’opposer à la
majorité au pouvoir. Cela ressort, d’une part, des scrutins locaux qui sont nationalisés (en ayant lieu le
même jour partout en France) et qui laissent alors place davantage à des débats de politique
nationale, alors qu’ils concernent la politique locale. D’autre part, depuis 1981 (soit la première
alternance), presque chacune des élections nationales a donné lieu à un changement de majorité, les
seules exceptions étant 1995 et 2007 : on peut en déduire qu’il s’agit donc, quasi-systématiquement,
50 Cf.
51 Loi
art. 49 RAN.
n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, JORF 22 février 2014, p. 3138.
— 99 —
France
de s’opposer au bilan de la majorité au pouvoir jusqu’à alors et, donc, de permettre à l’ancienne
majorité de devenir majorité nouvelle.
b) Les usages au-delà du droit
→ Quelles sanctions pour une opposition politique violant le droit ? Sont-elles civiles, administratives, pénales ? Quelle
en est l’importance ?
Il existe un contrôle assez strict sur les partis politiques en ce qui concerne leur financement et le
respect du principe de parité, mais cela concerne l’ensemble de la classe politique et non la seule
opposition (fort heureusement). Au-delà, les sanctions sont assez ponctuelles et rares et
généralement liées à des cas de favoritisme, abus de biens sociaux, emplois fictifs, etc. Mais, là
encore, cela ne concerne pas exclusivement l’opposition. Il n’y a pas véritablement de sanction
spécifique à l’égard de l’opposition en tant que telle, mais si elle devait violer les lois et règlements en
vigueur, cela serait certainement le cas. En revanche, il n’existe pas en France de véritable droit des
partis politiques leur imposant de respecter certains principes fondamentaux (comme c’est le cas en
Allemagne, par exemple), à l’exception de la règle générale de l’article 4 de la Constitution (les partis
politiques « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ») et de la
loi de 1936 sur les groupes de combats et les milices privées 52 , qui permet la dissolution
d’organisation, le cas échéant politique, mais seulement s’il y a une dimension armée ou
paramilitaire53.
→ Existe-t-il un droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civique ? A-t-il déjà été invoqué ? Son
invocation a-t-elle déjà été admise et reconnue par les institutions (le juge ou autre) ?
Le droit de résistance à l’oppression était constitutionnellement consacré dans les premiers textes
constitutionnels français : la Déclaration de 1789 qui en fait un droit naturel et imprescriptible de
l’homme (article 2), la Constitution montagnarde de 1793 fait de l’insurrection « le plus sacré des
droits et le plus indispensable des devoirs » (article 35). Ce droit a, par la suite, disparu des textes
constitutionnels postérieurs. Reste qu’il fait aujourd’hui partie du droit positif, en raison du renvoi
fait par le Préambule de la Constitution de 1958 à la Déclaration de 1789.
Si ce droit de résistance à l’oppression peut être aisément invoqué lors de certaines actions de
contestation, par exemple par les « faucheurs volontaires » (contre les OGM) ou les « commandos
anti-IVG », les juridictions sont très réticentes à l’admettre, y compris lorsqu’il prend la forme de
l’état de nécessité pourtant reconnu par le Code pénal.
III.LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A. Les mutations structurelles
→ Opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire : le système politique (magnitude, formule électorale,
seuil…) est-il inclusif ou contribue-t-il au contraire à sous-représenter les petits partis au parlement, voire à les priver de
représentation ?
Le système majoritaire, largement privilégié au début de la Ve République, permet de dégager des
majorités stables tout en avantageant les grands partis. Sous la Vème République, toutes les élections
législatives ont eu lieu selon le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sauf celui de
1986 qui a eu lieu à la proportionnelle au scrutin de liste à tour unique.
Ce mode de scrutin tend à priver les petits partis de représentation au Parlement, ainsi que ceux qui
ne passent pas d’accord avec les deux partis de gouvernement. Il est dénoncé par certains partis,
52 Loi
53 La
du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, JORF 12 janvier 1936, p. 522, article 1er.
disposition législative est désormais codifiée à l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
— 100 —
France
notamment les Verts et le Front National, qui réclament les élections à la proportionnelle, jugées plus
équitables. Les résultats aux élections de 2012 montrent tout particulièrement le décalage entre le
nombre de voix et le nombre de sièges obtenus, en fonction des accords politiques possibles et de
l’effet de la victoire. Ainsi, les deux partis de gouvernement, le Parti socialiste (PS) et l’Union pour un
mouvement populaire (UMP) atteignent respectivement 29,35% et 27,12% des voix au premier tour,
soit presque une égalité, mais obtiennent respectivement 258 et 185 sièges à l’issu du second tour,
soit 44,71% et 32,06% du nombre total des sièges (577). Parallèlement, Europe-Écologie – Les Verts
(EELV), qui avait passé un accord avec le parti socialiste, atteint 5,46% des voix au premier tour et
obtient 16 sièges, soit 2,77% du nombre total des sièges, tandis que le Front national (FN) atteint
13,6% des voix au premier tour (il est le troisième parti politique) et n’obtient que 2 sièges, soit
0,35% du nombre total. Ce dernier parti, avec un score moindre en 1986, lors du scrutin
proportionnel à tour unique, qui était de 9,8% des voix (déjà troisième parti politique), avait obtenu
33 sièges et avait pu, ainsi, constituer un groupe parlementaire (il s’agit de la seule fois dans l’histoire).
Pendant la campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait promis l’introduction d’une
dose de proportionnelle et la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique,
présidée par l’ancien premier ministre Lionel Jospin, avait proposé un système de double vote. Mais,
pour l’instant, le projet de réforme est au point mort.
→ Existe-t-il des biais (distribution territoriale des voix, malapportionment, gerrymandering…) qui
contribuent à sous-représenter certaines forces au parlement, voire qui les condamnent à être minoritaires ?
En soi, le mode de scrutin majoritaire à deux tours avec seuil pour se présenter au second tour est
accusé de biaiser la représentation des forces politiques.
Les critiques se sont également longtemps focalisées sur la question du découpage électoral qui, issu
de la loi du 24 novembre 1986, reposait sur des bases démographiques largement vétustes. Le
Conseil constitutionnel a réclamé, à de très nombreuses reprises, un nouveau découpage qui tienne
compte des évolutions démographiques afin que soit respectée l’égalité des citoyens devant le
suffrage. Reste que le redécoupage pouvant être opéré par une « simple loi ordinaire », les soupçons
de partialité étaient tels que personne n’a osé s’atteler à la tâche.
D’où la création, lors de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, d’une commission indépendante
chargée de se prononcer, dans un avis rendu public, sur les projets ou propositions de loi visant à
délimiter les circonscriptions législatives ou à modifier la répartition des sièges de députés ou de
sénateurs : cette commission est désormais prévue par l’article 25, al. 3 de la Constitution. Cette
commission est composée de trois magistrats élus au sein du Conseil d’État, de la Cour des comptes
et de la Cour de cassation, ainsi que de trois personnalités désignées par le Président de la
République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat et a été soumise à
l’approbation des membres de la commission des Lois du Parlement (possibilité d’un veto à la
majorité des 3/5e qui n’a pas été exercé). Le redécoupage a été opéré par voie d’ordonnance54,
doublement soumis au Conseil constitutionnel (saisi de la loi d’habilitation 55 et de la loi de
ratification56), qui a validé le redécoupage législatif non sans apporter d’importantes précisions sur la
constitutionnalité du texte. Le nouveau découpage est entré en application lors des élections
législatives de 2012.
→ Le système partisan est-il stable ou le système politique favorise-t-il au contraire l’apparition de nouveaux partis,
issus de nouveaux clivages (centre-périphérie, Europe…) ?
54 Ordonnance
n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour
l’élection des députés, JORF, 31 juillet 2009, p. 12752.
55 Décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009, Loi relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des
députés, Rec. p. 36.
56 Décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010, Loi ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des
sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, Rec. p. 64.
— 101 —
France
Globalement, le système politique reste stable. Les principales évolutions concernent, d’abord, des
dénominations. Ainsi, le parti gaulliste s’est-il successivement appelé l’Union pour la Nouvelle
République (UNR, de 1958 à 1967), l’Union des démocrates pour la Vème République (UDR, de
1967 à 1976), Rassemblement pour la République (RPR, de 1976 à 2002), l’Union pour une Majorité
Présidentielle, puis Union pour un Mouvement Populaire (UMP, de 2002 à 2015), une procédure de
changement de nom étant actuellement en cours pour rebaptiser ce parti Les Républicains. Ensuite,
les évolutions concernent également les résultats électoraux, avec la chute notoire du Parti
communiste, qui était le premier parti en 1958, avec 18,9% des voix au premier tour des élections
législatives (mais seulement 10 sièges), le deuxième parti de 1962 à 1973 (où il devient troisième), en
culminant au-delà de 20% jusqu’aux élections de 1978, puis en chutant de façon constante, pour
tomber à 4,29% aux élections de 2007 et légèrement remonter, en devenant le Front de Gauche, à
6,91% aux élections de 2012. À l’inverse, le Front National n’existait pas au début de la Vème
République et il n’a eu de cesse de renforcer son poids politique depuis son apparition sur la scène
politique en 1972.
→ La « présidentialisation de la politique » conduit-elle les partis d’opposition à se présidentialiser autant que le(s)
parti(s) majoritaire(s) ? Si oui, de quelle manière ?
La seule façon d’avoir un poids réel dans l’opposition et de pouvoir espérer devenir la majorité est
d’être un parti présidentiable, dirigé par une personnalité présidentiable. C’est ainsi que se sont créés,
notamment, le PS en 1971 (par François Mitterrand, afin de permettre à celui-ci d’accéder à la
magistrature suprême en créant un parti présidentiable à gauche) ou le RPR en 1976 (par Jacques
Chirac, qui quitte Matignon et désire reconquérir une légitimité gaulliste, disputée par Valéry Giscard
d’Estaing, tout en ambitionnant d’accéder à l’Élysée).
Sur ce point, on ne peut que citer Guy Carcassonne qui a le mieux décrit l’effet de l’élection
présidentielle sur la vie des partis politiques : l’élection présidentielle est « structurante parce que son
existence détermine le système et la vie des partis. Tout entier tournés vers la conquête de la fonction
suprême – ou, pour ceux qui ne peuvent espérer la victoire, désireux de figurer dans la compétition –
, les partis s’identifient à un candidat, voire à un président. Leur fonctionnement interne lui-même se
présidentialise, le leader l’emporte sur la doctrine, ses intérêts sur ceux de la formation. Structurante
encore parce que l’offre binaire du second tour oblige tous les acteurs ) choisir un camp, puis (hors le
cas atypique de 2002) à se tenir à ce choix jusqu’à l’élection présidentielle suivante »57.
B. Les mutations fonctionnelles
1) Les mutations des lieux
→ Le parlement reste-t-il la principale (ou la seule) tribune de l’opposition ? Être représenté au parlement, est-ce la
seule façon de s’opposer ?
Le Parlement reste la principale tribune de l’opposition, mais il n’est pas la seule : le niveau local, les
médias, la rue, tout particulièrement, sont des lieux et des tribunes d’opposition.
Dans ces enceintes, l’opposition peut sans doute mieux s’exprimer – en tout cas avec davantage de
liberté. Ceci n’est pas anodin : car si l’opposition est particulièrement bien protégée au Parlement,
c’est également l’endroit où on lui demande d’être constructive, raisonnable voire docile…
→ Quel est le traitement médiatique des partis politiques et les partis d’opposition bénéficient-ils d’un traitement
médiatique équitable ?
Le temps de parole audiovisuel des personnalités politiques a longtemps été gouverné par la règle des
trois tiers, appliquée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à partir de 1969 : cette règle répartissait
le temps de parole audiovisuel à égalité entre le gouvernement, la majorité parlementaire et
57
Guy CARCASSONNE, La Constitution, introduite et commentée, Seuil, Paris, 11ème édition, 2013, p. 58.
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France
l’opposition parlementaire, excluant de fait les partis politiques non représentés au Parlement, qui
n’avaient donc aucun droit d’accès aux médias audiovisuels, et écartant les interventions du Président
de la République, qui n’étaient jamais décomptées.
Une première modification a été opérée dans les années 2000, avec la mise en place du « principe de
référence », permettant l’intégration des partis politiques non représentés au Parlement. L’avancée
était importante pour l’opposition « non parlementaire ».
Un important arrêt du Conseil d’État du 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus a conduit à modifier
à nouveau cette règle de répartition du temps de parole, en jugeant que les interventions médiatiques
du Président de la République ne pouvaient être systématiquement exclues du décompte. Cet arrêt
prend acte de la place acquise par le Président de la République dans le fonctionnement des
institutions, liée à son élection au suffrage universel direct et encore renforcée par le quinquennat et
l’inversion du calendrier électoral.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a tiré les conséquences de cet en intégrant partiellement la
parole présidentielle à travers un nouveau principe dit « de pluralisme », qui intègre partiellement les
interventions du Président de la République, en fonction de leur apport au « débat politique
national ».
→ L’opposition participe-t-elle au gouvernement ? Selon quelles modalités, à quelles conditions, pour quels objectifs ?
L’opposition participe rarement au gouvernement.
Il en va autrement lorsqu’est pratiquée une politique dite « d’ouverture », qui invite au Gouvernement
des acteurs issus de l’opposition ou de la minorité politique. Elle fut appliquée pour la première fois
sous la Ve république dans le Gouvernement Rocard, accueillant à côté des socialistes des ministres
issus de l’UDF, classés à droite. Elle fut appliquée de manière plus systématique, peut-être aussi plus
machiavélique, par le Président Sarkozy en 2007, confiant des ministères-clés à des acteurs politiques
de gauche (par exemple B. Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes du
Gouvernement Fillon I et Fillon II, ce qui conduira à son exclusion du parti socialiste) ou réputés
proches de la gauche (Éric Besson, au sein du Gouvernement Fillon I, Fillon II et Fillon III).
2) Les mutations des moyens
→ Les partis d’opposition ont-ils vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition gouvernementale ?
Existe-t-il des partis « anti-système » ?
Sans être des partis « anti-système », certains partis politiques peuvent ne pas avoir comme principal
objectif l’accès au pouvoir mais viser seulement une fonction de représentation de certains intérêts
qui seront pris en compte par le pouvoir. Sur ce point, on peut noter l’évolution intéressante du
Front National, parti d’extrême droite, qui est marqué par deux ères différentes : celle de son
créateur, Jean-Marie Le Pen, puis celle de sa fille, Marine Le Pen. Sous la présidence du premier,
l’ambition majoritaire était absente, au profit d’une nette ambition contestataire. On peut ainsi
considérer que, lorsqu’il accède au second tour de l’élection présidentielle en 2002, Jean-Marie Le
Pen est le premier surpris. Sous la présidence de la seconde, en revanche, l’ambition change et il y a
une réelle volonté de conquérir le pouvoir. Diverses stratégies sont utilisées, en particulier ce que l’on
appelle la « dédiabolisation », tendant à faire disparaître l’étiquette extrémiste du parti.
→ L’obstruction est-elle un détournement ou une radicalisation de la fonction d’opposition, voire sa seule façon d’être
efficace et d’exister ?
Pendant très longtemps, l’obstruction est apparue comme une façon de manifester la fonction
d’opposition et de la radicaliser, en maximisant sa « capacité de nuisance ». Elle s’exerçait notamment
par une utilisation débridée du temps de parole ou par la prolifération des amendements.
Avec la révision constitutionnelle de 2008 et à travers le statut de l’opposition, l’objectif était de lutter
contre l’obstruction, en rendant l’opposition plus raisonnable, responsable et constructive. Si cette
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France
dernière est, aujourd’hui, davantage canalisée, elle n’a pas totalement disparu (en témoignent, par
exemple, les stratégies d’obstruction développées par l’opposition lors de l’examen de la loi relative
au mariage pour tous en 2013). Reste qu’elle ne peut empêcher l’adoption d’un texte de loi et que le
Gouvernement dispose d’armes efficaces, voire radicales pour lutter contre (Temps législatif
programmée, utilisation de l’article 49, 3)
→ La contestation du pouvoir majoritaire est-elle une fonction dépassée ou, au contraire, renouvelée ? Le contrôle
parlementaire est-il devenu la fonction naturelle de l’opposition (répartition des présidences des commissions,
déclenchement et conduite des enquêtes parlementaires, contrôle financier) ?
Sans qu’il s’agisse d’une fonction « naturelle », encore moins « exclusive », la fonction principale de
l’opposition est sans doute de contrôler la majorité. Elle participe également – et pleinement – à la
fonction de représentation, puisqu’elle est élue au même titre que la majorité, et à la fonction de
législation, en prenant part au débat législatif, mais n’ayant pas la faculté de décider, elle se concentre
sur la contestation et le contrôle de l’action de la majorité, afin d’éclairer le débat et l’opinion publics.
→ Quel est l’intérêt, pour l’opposition parlementaire, de s’opposer à la loi ? Y a-t-il une opposition « constructive »,
produisant des effets législatifs (adoption d’amendements, voire de lois émanant de l’opposition) ?
En pratique, l’intérêt pour l’opposition de s’opposer à la loi est assez faible puisqu’il ne lui est pas
possible de faire véritablement obstacle à l’adoption du texte. En revanche, politiquement, l’intérêt
est évident : l’opposition reste dans son rôle, celui pour lequel elle a été élue. Cela peut parfois
conduire à une opposition que l’on pourrait qualifier « d’affichage », la position affichée en séance
publique étant plus radicale et plus dure que celle adoptée en commission.
La révision de l’article 48 de la Constitution et l’ordre du jour prioritaire accordé aux groupes
d’opposition et minoritaires (un jour de séance par mois) pouvaient laisser envisager une opposition
« constructive ». Mais la pratique est, pour l’instant, décevante, la séance réservée à l’opposition se
trouvant neutralisée par le rejet du texte ou l’adoption d’une motion de rejet préalable.
3) Les mutations des instants
→ Les coalitions se constituent-elles avant ou après les élections ? Les partis qui n’intègrent pas la coalition
gouvernementale ont-ils vocation à rester dans l’opposition pendant toute la législature ? Une nouvelle majorité peut-elle
se constituer dans le cadre parlementaire (confiance, censure) ou seulement au lendemain de nouvelles élections ?
Elles peuvent se constituer avant, à travers des accords électoraux, garantissant aux petits partis
d’obtenir des élus. Elles peuvent également se constituer pendant ou après, par des accords de
gouvernement et l’on peut alors retrouver plusieurs partis représentés au sein du Gouvernement,
mais il arrive qu’elles se défassent et évoluent, comme c’est le cas du gouvernement actuel, bien que
la situation soit particulière car le parti majoritaire (le PS) n’a, en principe, pas besoin d’alliés pour
gouverner.
L’effet de l’élection présidentielle veut que les partis qui ont soutenu le candidat élu continuent à le
soutenir jusqu’à l’élection suivante, en particulier parce qu’en échange de leur soutien, ils obtiennent
des sièges au Parlement, qu’ils doivent, dès lors, à la victoire du candidat qu’ils ont soutenu : c’est la
logique du fait majoritaire. Toutefois, la victoire de François Hollande en 2012 et la XIVème
Législature qui a débuté en juin 2012 connaissent quelques particularités. D’une part, on peut
considérer que la victoire a été obtenue moins par adhésion au candidat élu que par contestation du
candidat battu. Cela débouche, d’autre part, sur une majorité acquise également par contestation, qui
ne doit donc pas tant sa victoire au candidat élu que, une nouvelle fois, à la défaite du candidat battu.
Ajoutée au contexte de crise économique et à l’arrivée de nouveaux jeunes élus au sein de la majorité,
cette situation a engendré ce que l’on peut appeler un « fait majoritaire contestataire », à savoir une
partie de la majorité qui cherche à exister par la contestation de son propre leader, dont elle souhaite
se distancer. C’est ce qui a conduit au recours à l’article 49, al. 3 de la Constitution, lors de la
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France
discussion de la Loi Macron, alors même que le groupe socialiste, pleinement soutenu par le groupe
des Radicaux de gauche (RRDP), était numériquement majoritaire.
→ L’opposition soutient-elle ponctuellement le pouvoir majoritaire ? À quelles conditions et pour quels objectifs ?
Assez rarement, sauf pour les grandes causes nationales (cf. supra, sur les lois consensuelles).
C. Les mutations stratégiques
→ L’implantation locale est-elle une stratégie payante à long terme ?
Oui, c’est d’ailleurs la seule qui permet véritablement de devenir un parti de gouvernement ou, à tout
le moins, de se coaliser avec un tel parti. L’exemple du FN est ici topique : il ne commence à
véritablement avoir des espoirs de conquête du pouvoir qu’à partir du moment où il est mieux
implanté localement. Cela est dû à une mobilisation de la base électorale, qui passe par une existence
au sein des collectivités territoriales et, notamment, des communes, ainsi qu’à l’élection présidentielle
et aux règles permettant de s’y présenter. En effet, la présentation d’un candidat à l’élection
présidentielle garantit, au moins temporairement, une existence dans le paysage politique. Or, afin de
se présenter à cette élection, il faut obtenir 500 signatures d’élus, issus d’au moins trente
départements différents sans que plus d’un dixième d’entre elles émane du même département : il est
donc nécessaire d’avoir une certaine implantation locale, même si la signature est « libre » et qu’un élu
n’est pas tenu de respecter la consigne de son parti politique, si tant est qu’il est rattaché à un en
particulier.
→ La recherche de la proximité avec les citoyens est-elle une stratégie passagère (réseaux sociaux, appel aux dons
privés, participation aux manifestations publiques…) ?
On assiste à une progression notoire de la communication politique via des plateformes de plus en
plus diversifiées. Ainsi, les partis politiques, les groupes parlementaires, les élus et les responsables
politiques ont-ils de plus en plus un compte Twitter, un compte Facebook, etc. et ils l’utilisent pour
de la communication dite « officielle », relayée par les médias : le « Tweet » a remplacé le
communiqué de presse.
→ Le juge constitutionnel ou ordinaire est-il le meilleur recours de l’opposition, voire le seul ?
Le meilleur recours de l’opposition reste le peuple, qui est le seul à pouvoir la conduire au pouvoir et
la rétablir dans la majorité.
Le juge constitutionnel constitue un recours, mais uniquement concernant les affaires législatives au
sens strict, c’est-à-dire la production des lois. Si certains moyens peuvent effectivement être invoqués
devant le juge constitutionnel, lorsqu’ils disposent d’un ancrage constitutionnel, ce dernier demeure
assez réticent à faire droit aux arguments de l’opposition. Rappelons, cependant, que le Conseil
constitutionnel est, en France, le juge des élections présidentielles et parlementaires et qu’il peut être
amené à juger de la régularité de ces élections, ce qui peut être un moyen pour l’opposition de
contester les résultats d’une élection.
Le juge ordinaire peut également être utile à l’opposition. C’est notamment le juge administratif qui
veille à la régularité des élections locales. C’est également lui qui peut être amené à statuer sur les
règles relatives à la répartition du temps de parole.
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Grèce
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT GRÈCE —
Établi par Giulia ARAVANTINOU LEONIDI1
I.
LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
A. Comment reconnait-on l’opposition?
L’opposition parlementaire est essentielle à la démocratie. Pour être effective elle a besoin d’un cadre
constitutionnel et légal solide qui n’est pas tout à fait présent dans le système politico-juridique de la
Grèce.
L’opposition n’est pas institutionnalisée, dans le sens qu’il n’existe pas un statut de l’opposition, un
document qui la reconnaisse formellement, même si elle fait l’objet de références textuelles par le
règlement intérieur du Parlement grec. Depuis la chute de la dictature des colonels en 1974, deux
partis monopolisaient la scène politique grecque et s’alternaient au pouvoir. Le PASOK, mouvement
socialiste hellénique fondé et dirigé par les Papandréou et la Nouvelle démocratie, un parti de droite
contrôlé par les Karamanlis et les Mitsotakis. La Constitution du 1975, dont Constantin Karamanlis
avait été l’inspirateur et Constantin Tsatsos l’architecte, a institué un Parlement (Vouli) monocaméral
qui compte 300 membres élus au scrutin proportionnel pour 4 ans.
Le Parlement hellénique est l’institution démocratique suprême qui représente les citoyens à travers
un corps élu de parlementaires. Dans sa composition actuelle, le Parlement comporte 300 membres
issus des dernières élections législatives du 25 janvier 2015.
La Constitution ne fixe pas le nombre exact des députés (article 51 §1), mais dispose qu’il ne peut pas
être inférieur à deux cents ni supérieur à trois cents. Depuis 1952, il est d’usage que ce nombre
s’élève à trois cents. Les élections législatives ont lieu normalement tous les quatre ans en Grèce,
même s’il n’est pas rare que des élections anticipées soient convoquées. Les députés du parlement
unicaméral sont élus au système proportionnel dans 56 circonscriptions, 48 comptant plusieurs sièges
et 8 un seul siège. Le système proportionnel grec est dit “renforcé” (loi 1907/1990), car le parti arrivé
en tête de l’élection remporte automatiquement un bonus de 50 sièges. Un quorum est fixé à 3%. Le
système proportionnel a longtemps favorisé l’alternance entre les deux principaux partis, le
Mouvement socialiste panhellénique, Pasok, et la Nouvelle Démocratie. L’alternance politique a donc
conduit, jusqu’au 2010, les formations politiques dominantes à investir tour à tour les habits de la
majorité puis de l’opposition dans des conditions plus ou moins stables. Le système électoral est
proportionnel et favorise généralement la formation de gouvernements expression d’un seul parti.
Le système électoral prévoit un seuil minimum de 3 pour cent et une règle qui favorise le parti
1
Maître de conférences, Université de Rome «La Sapienza», Département de Sciences Politiques.
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Grèce
majoritaire. Le parti qui obtient le plus de votes obtient la prime de majorité de 50 sièges. Le système
électoral permet donc un parti ou à une coalition qui obtient la majorité des votes d’avoir une
majorité absolue (151 sièges sur 300) en favorisant la stabilité gouvernementale. Les 250 sièges sont
répartis proportionnellement à chaque parti en fonction du pourcentage de votes obtenues2. Il existe
plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition: le niveau des institutions nationales
et ce des institutions locales (municipalités et préfectures).
L’opposition politique en Grèce n’est pas formellement visée par la Constitution. Toutefois,
conformément à l’article 20 du règlement intérieur « Le président du groupe parlementaire plus
grande en force qui ne participe pas au gouvernement est appelé chef de l’opposition et a des droits
spécifiques reconnus par le Règlement et par les dispositions existantes.
B. Comment identifie-t-on l’opposition?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions?
Le terme opposition parlementaire désigne l’ensemble des forces politiques parlementaires (groupes
parlementaires, députés indépendants) qui ne participent pas au gouvernement ou qui ne le
soutiennent pas. Généralement l’opposition s’identifie avec la minorité parlementaire, donc, par son
statut non majoritaire au sein de l’assemblée. Pourtant, on parle généralement d’opposition
parlementaire.
Dans la Constitution de la République hellénique ne se trouve pas la reconnaissance explicite du rôle
de l’opposition parlementaire, néanmoins une réglementation détaillée de cet institut. L’opposition
n’est pas par conséquent, un organe constitutionnel, étant plutôt, comme le souligne la doctrine
constitutionnelle hellénique, une institution de droit constitutionnel qui a son fondement dans le
principe démocratique et le principe du pluralisme (art. 29 Const.), et enfin, dans l’indépendance
accordée aux élus par les articles 60 et 61 de la Constitution. Les députés représentent la nation et
votent selon leur conscience (articles 51 par.2 et 60 de la Constitution). Cela signifie qu’ils ne sont
pas tenus d’agir en fonction des suggestions de leurs électeurs et ne sont pas les représentants de leur
circonscription électorale. Ils ne sont pas poursuivis ou interrogés pour un avis ou un vote qu’ils ont
émis dans l’exercice de leurs fonctions (à l’exception de la diffamation calomnieuse, pour laquelle
l’autorisation du Parlement est toutefois exigée, article 61 par.1 de la Constitution). Les députés
jouissent de l’« immunité parlementaire », n’étant pas poursuivis pénalement (à l’exception des
flagrants délits), arrêtés ou incarcérés pendant la durée de la législature, sauf sur autorisation du
Parlement (article 62 de la Constitution).
Le Parlement grec est monocaméral. Le rôle joué par l’opposition parlementaire dans les institutions
est limitée, donc, à une seule chambre.
Pour ce qui concerne les niveaux territoriales, les régions sont au nombre de 13 (periferies) parmi
lesquelles 4 sont insulaires. Le secrétaire général, nommé par le gouvernement, préside le Conseil
régional qui est composé des préfets de chaque département. Les départements sont au nombre de
52 et administrés par un préfet et un Conseil départemental. Les membres du Conseil départemental,
dont le nombre varie de 21 à 37, sont élus pour 4 ans. Les collectivités départementales sont chargées
du développement économique, social et culturel de leur territoire. Les villes et les communes rurales
sont respectivement au nombre de 900 villes et 133 communes rurales.
Les villes sont gérées par un Conseil municipal composé de 11 à 41 membres élus pour 4 ans et les
communes rurales par un Conseil municipal de 7 à 11 membres également élus pour 4 ans. Les villes
et les communes sont chargées du développement socio-économique et des affaires culturelles.
Comme il est connu, d’ailleurs, la Grèce est un Etat unitaire divisé en 13 périphéries et une région
autonome (Mont Athos). (Περιφέρειες) neuf sur le continent et 4 constitué des groupes d’îles.
2 Le système électoral n’a jamais été constitutionnalisé, mais a toujours été régulé par la loi ordinaire. Les Constitutions en
Grèce n’ont jamais prévu explicitement le type de système électoral, ce système a toujours été régulé par la loi ordinaire.
Cette considération a garantie aux gouvernements qui ont eu une majorité absolue au Parlement de s’assurer une stabilité
et de rester au pouvoir en modifiant le système électoral.
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Grèce
Les périphéries sont à leur tour divisés en 51 préfectures appelées individuellement nomos; en grec
νοµός, νοµοί,), mais il n’existe pas de parlements régionaux.
En dehors du Parlement l’exercice de l’opposition a lieu au niveau municipal (dìmoi). Dans tous cas,
on ne peut pas parler d’une opposition qui se peut identifier à un double niveau, néanmoins de
oppositions spécifiquement locales. Pour ce qui concerne les liens entre l’opposition et les parti
politiques et, même, les groupes parlementaires, on peut affirmer qu’il y a une certaine
correspondance entre eux, l’opposition étant souvent le prolongement naturel des groupes
parlementaires. A ce propos on doit souligner que la plupart des députés sont élus sur la base de
bulletins de vote des partis et constituent des groupes parlementaires après leur élection. Au
Parlement hellénique, pour constituer un groupe parlementaire, il faut réunir au moins dix députés
affiliés au même parti. Un groupe parlementaire peut être également constitué par cinq députés si
leur parti a présenté des bulletins de vote dans les deux tiers des circonscriptions électorales du pays
et a réuni sur l’ensemble du territoire national 3% des suffrages valides.
Le chef du parti devient président du groupe parlementaire, à condition qu’il ait été élu député. Il
peut désigner au maximum deux suppléants (trois suppléants peuvent être désignés par le président
du premier groupe parlementaire qui participe au gouvernement et par le chef de l’opposition
majoritaire).
Le président du plus important groupe parlementaire qui ne participe pas au gouvernement
est nommé chef de l’opposition majoritaire, fonction qui lui procure certains avantages (par exemple,
plus de temps de parole aux séances parlementaires). En ce qui concerne les députés non-inscrits, ils
sont peu nombreux. Ils ne s’identifient ni à l’opposition ni à la majorité. Leur existence est prévue
par le règlement parlementaire.
Le multipartisme étant la caractéristique principale du Parlement, les premier, deuxième et
troisième vice-présidents, deux questeurs et quatre secrétaires sont issus du premier groupe
parlementaire formant le gouvernement; le quatrième vice-président, un questeur et un secrétaire
sont nécessairement issus du premier groupe parlementaire de l’opposition; le cinquième viceprésident et un secrétaire sont issus du deuxième groupe parlementaire de l’opposition; le sixième
vice-président est issu du troisième groupe parlementaire de l’opposition et le septième viceprésident, du quatrième groupe parlementaire de l’opposition. Les membres du Bureau sont
obligatoirement des députés. La fonction de membre du Bureau du Parlement est incompatible avec
celle de ministre ou de secrétaire d’État. L’acceptation par un membre du Bureau de la fonction de
ministre ou de secrétaire d’État entraîne la démission d’office du Bureau. Le président du Parlement
et les sept vice-présidents sont élus au début de chaque législature et pour toute la durée de celle-ci.
La durée du mandat des questeurs et des secrétaires est égale à la durée de la session ordinaire du
Parlement pour laquelle ils ont été élus.
L’art. 6 du règlement intérieure du Parlement grecque disciplina le bureau du Parlement, l’élection du
Président et des vice-président et leur pouvoirs. En particulier, Parmi les membres du bureau, le
premier, le deuxième et le troisième vice-président, deux questeur et de quatre secrétaires viennent de
(la première de la force), le groupe parlementaire le plus fort. Le quatrième vice-président, un
secrétaire et d’un questeur proviennent de la première à la force du groupe parlementaire de
l’opposition. Le cinquième vice-président et un secrétaire proviennent de la deuxième en force
groupe parlementaire de l’opposition. Le sixième vice-président vient de la troisième force groupe
parlementaire de l’opposition. Le septième vice-président vient de la quatrième force de l’opposition.
Dans le cas où il n’y a pas de quatrième en force groupe parlementaire de l’opposition, le poste du
septième vice-président n’est pas rempli. Dans le cas où il n’y a pas de troisième en force groupe
parlementaire de l’opposition, le poste du sixième vice-président n’est pas rempli. Dans le cas où il
n’y a pas de second de la force du groupe parlementaire de l’opposition, le cinquième vice-président
et un secrétaire proviennent de la première à la force du groupe parlementaire de l’opposition.
2) Comment enregistre-t-on l’appartenance à l’opposition?
Les républiques modernes étant pluralistes, les partis politiques sont les acteurs principaux de la vie
politique. Cette tendance se reflète dans les parlements contemporains, où les députés non-inscrits
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Grèce
sont peu nombreux. La plupart des députes constituent, en fait, des groupes parlementaires. La
déclaration de appartenance au groupe parlementaire depuis les élections, marque aussi
l’appartenance à l’opposition avec une décision qui est individuelle du parlementaire. Même au
dehors du parlement, comment dans le cas des assemblées municipales, l’appartenance à l’opposition
est la conséquence d’une décision autonome de l’élu. Les députés sont considérés membres du
groupe parlementaire du parti avec lequel ils sont été élus, à moins que le député ne déclare une
préférence différente. Il s’agit, donc, d’une règle qui connait des exceptions. Cela signifie que
l’identification d’un membre d’un groupe parlementaire avec le parti dans lequel il a été élu n’est pas
automatique et que le rapport entre ceux deux ne constitue pas un lien indissoluble. Cette règle
représente la transposition du principe de la interdiction du mandat impératif accueillie par la
Constitution grecque. Pendant les années la doctrine s’est beaucoup interrogée sur l’opportunité de
visée dans une future révision constitutionnelle une règlementation du passage des députés d’un
groupe parlementaire à un autre.
II.
LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l’opposition politique
1) La nature de la garantie
La garantie des droits de l’opposition en Grèce est visée dans un cadre juridique fondé sur la
Constitution et sur le règlement parlementaire. L’action de l’opposition est reconnue et bénéficie
d’une ample considération. Il n’existe pas des coutumes ou des conventions de la Constitution ou des
autres normes souples venants garantir les droits de l’opposition. Du pareil, une jurisprudence
constitutionnelle des droits de l’opposition est absente. Pour ce qui concerne les niveaux normatifs
de protection des droits de l’opposition, il faut dire que les types de normes qui les garantissent sont
celles du règlement interne du Parlement grec. Dans ces dernières années il a eu des évolutions du
niveau de garantie dans le sens de favoriser l’affirmation du principe majoritaire avec la révision du
règlement intérieure du Parlement grec en 2008.
Le niveau de garantie peut être considéré suffisant à assurer le respect des droits de l’opposition dans
le système politico-juridique grec qui se caractérise, jusqu’à ce moment, par l’alternance des forces
politiques à la guide du Pays. La reconnaissance et la garantie des droits de l’opposition en Grèce
sont opérées par le règlement intérieur du Parlement.
2) L’étendue de la garantie
Les institutions qui garantissent des droits de l’opposition sont le Parlement et les assemblées locales.
Les droits qui sont garantis à l’opposition au sein des institutions sont de droits honorifiques comme
la présidence de commissions parlementaires (art.31 Règlement intérieure), le pouvoir du Président
du groupe parlementaire de l’opposition de nommer le même numéro de vice-présidents du
Président du groupe parlementaire de la majorité (art.17§ 2 Règlement intérieure), droits
d’interrogation. Pour ce qui concerne le contrôle parlementaire, il est exercé par la Chambre des
députés en assemblée plénière comme le prévoit le Règlement et, donc, la participation de
l’opposition au contrôle parlementaire est implicite.
Quant à la composition des commissions parlementaire, selon l’art.31 §3 du Règlement intérieur
(6/12/2001/JO 284 A’ 18/12/2001) « le président du Parlement constitue des commissions
parlementaires proportionnellement à la force des groupes parlementaires et des députés
indépendants dans l’application mutatis mutandis de l’art.29§5 du règlement parlementaire ». La
révision du règlement intérieur en 2008 comprend le §5 de l’art. 31 qui précise que, afin d’assurer la
participation de tous les membres du Parlement aux commissions permanentes et de respecter la
représentation proportionnelle de tous les groupes parlementaires, le nombre de membres de chaque
commission peut varier à la suite de la décision du Président sans causer de préjudice à la majorité
absolue du groupe parlementaire qui détient la majorité absolue au Parlement. Il faut souligner que
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Grèce
cette disposition ne tient pas compte de la possibilité que la majorité parlementaire est formée par
une pluralité de forces politiques représentées dans de nombreux groupes parlementaires. Toutefois,
même dans ce cas, la doctrine (Mavrias) estime que nous devrions appliquer le §5 de l’ art.31, sauf
pour les cas qui ne font pas une référence expresse à cette disposition réglementaire.
Pour ce qui concerne les droits de l’opposition au-delà des institutions, l’opposition politique en
Grèce bénéficie en-dehors des institutions exactement des mêmes droits et libertés qui sont reconnus
par la Constitution, le règlement intérieure et la loi à la majorité. On ne peut pas donc considérer ces
droits et libertés comme exclusifs de l’opposition.
Par exemple, le financement des partis politiques en Grèce est confié à la détermination de la loi dont
le texte ne prévoit pas une différenciation entre majorité et opposition. Selon l’ art. 29§2 de la
Constitution «Les partis ont droit au soutien financier de l’État pour leurs dépenses électorales et de
fonctionnement, ainsi qu’il est prévu par la loi. La loi précise les garanties de transparence en matière
de dépenses électorales et définit, d’une manière générale, la gestion financière des partis, des
députés, des candidats à la députation et des candidats aux sièges de la décentralisation locale de tout
niveau. La loi impose un plafond pour les dépenses électorales, peut interdire certaines formes de
promotion électorale et définit les conditions dans lesquelles la violation des dispositions relatives
constitue un motif de déchéance de la dignité de député, sur l’initiative de l’organe spécial de la
phrase suivante. Le contrôle des dépenses électorales des partis et des candidats à la députation est
effectué par un organe spécial incluant la participation de magistrats de rang supérieur, ainsi qu’il est
prévu par la loi. La loi peut étendre ces réglementations aux candidats à d’autres postes électifs».
Avant la révision constitutionnelle du 2001 le financement des partis politiques et l’obligation de
transparence en matière de dépenses électorales étaient réglés par la loi 2429/1996. La révision du
2001 a constitutionalisé le financement public des partis politiques en disposant que le contrôle des
finances des partis, des coalitions et des députés soit opéré par un organe ad hoc, la Commission de
contrôle des finances des partis et des députés, dont la composition et dont les taches sont établis par la loi
4065/2012. La Commission:
1) contrôle les finances des partis, des coalitions et des députés candidats ainsi que de remplir toutes
les obligations découlant de la Loi 3023/2002 (JO 146/Α/25.6.2002) modifiée par les articles 16 de
la Loi 3242/2004 (JO 102/Α/24.5.2004) et 36 de la Loi 3274/2004 (JO 195/Α/19.10.2004).
2) contrôle les déclarations de patrimoine des personnes suivantes:
i.Premiers ministres
ii.chefs des partis politiques représentés au Parlement national ou au Parlement européen
iii.ministres, ministres délégués et secrétaires d’Etat
iv.députés et députés européens
v.tous ceux qui gèrent les finances des partis politiques, en vertu de l’article 15 par.1 de la Loi
3023/2002 (JO 146/Α),
vi.conjoints et enfants mineurs de ceux-ci,
afin de contrôler la véracité de leur contenu et de vérifier si l’acquisition de nouveaux biens ou
l’augmentation des biens existants sont justifiées par les revenus, en liaison avec le train de vie des
personnes concernées, en vertu de la Loi 3213/2003 (JO 309/Α/31.12.2003), modifiée par les
articles 32 de la Loi 2843/2000 (JO 219/Α/12.10.2000), 13 de la Loi 3242/2004 (JO
102/Α/24.5.2004), 4 de la Loi 3327/2005 (JO 70/Α/11.3.2004), des Lois 3849/2010 (JO
80/Α/26.5.2010), 3868/2010 (JO 129/Α/3.8.2010), 3932/2011 (JO 49/Α/10.3.2011), 4065/2012
(JO 77/Α/9.4.2012).
La Commission est composée d’un député de chaque parti ou coalition de partis représentés au
Parlement, ainsi que d’un membre du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des
comptes, désignés par tirage au sort avec leurs suppléants par les assemblées plénières des tribunaux
correspondants. En vertu de la Loi 4065/2012, un professeur de l’université économique d’Athènes
et un professeur de la faculté de Droit de l’université nationale et Capodistrienne d’Athènes, avec
leurs suppléants, participent à la Commission de contrôle. La Commission est présidée par le viceprésident désigné par le Bureau du Parlement, qui nomme comme secrétaire un agent du Parlement.
Dans le cas où un parti ou une coalition de partis a reçu une subvention régulière ou électorale et
— 110 —
Grèce
n’est pas représenté au Parlement, son représentant participe à la Commission pour les questions
associées uniquement au contrôle du parti.
Donc, en matière de financement électorale et pour ce qui concerne le remboursement des dépenses
électorales, la loi envisage un traitement équitable pour l’opposition et la majorité en ne faisant
aucune distinction entre le deux.
Le droit d’asile est largement reconnu dans la Constitution grecque. A ce propos il faut rappeler que
le statut du parlementaire est défini au chapitre troisième de la Constitution grecque «Devoirs et
droits de députés» par les artt.59-63. En particulier à l’art. 61 §1 de la Constitution « Le député n’est
ni poursuivi, ni interrogé de quelque manière que ce soit, à l’occasion d’une opinion ou d’un vote
émis par lui dans l’exercice de ses fonctions parlementaires». Le § 2 spécifique que selon la loi le
député peut être poursuivi uniquement pour diffamation calomnieuse après que la Chambre ait
donné sa autorisation comment est visée par l’art.62 §1 selon lequel «[…]aucun député n’est
poursuivi, arrêté, emprisonné ou soumis à d’autres contraintes sans l’autorisation de la Chambre des
députés». En plus, il faut rappeler que l’Art.60§1 nous informe que « Le droit des députés d’exprimer
leur opinion et de voter selon leur conscience est illimité».
B. L’usage des droits par l’opposition politique
1) Au sein des institution politiques
Dans l’ordre constitutionnel hellénique la reconnaissance et la garantie des droits de l’opposition est
le résultat de la conciliation entre le principe majoritaire et le principe démocratique. L’opposition
concoure à l’exercice de la souveraineté nationale en participant activement à la vie politique et
démocratique du Pays. Dans les dernières années, la crise économique a favorisé la création de
binômes majorité/opposition qui généralement se produisent dans situations d’émergence.
Les dynamiques gouvernement-opposition sont très évidentes pendant les votes parlementaires dans
trois principaux projets de loi: le premier accord avec la troïka surnommé le `Memorandum’(Mai
2010), le plan à moyen terme (Juin 2011), et le second Memorandum d’accord avec la troïka (Février
2012), qui sont les pièces les plus importantes de la législation économique sous la période
d’examiner mais qui présentent également un haut degré de discontinuité dans les instructions de
vote émises par les parties. L’opposition n’est jamais permanente, même s’il n’est pas interdit par la
loi. Généralement l’opposition se manifeste comme systématique toutefois maintenant un dialogue
avec la majorité. La crise financière a eu pour effet d’aiguiser les tendances déjà identifiés et les
facteurs de la crise endogènes au processus de décision parlementaire. A’ partir de 2009, il y a en
Grèce l’apparition d’une tendance identifiable dans chaque crise économique, dans tous les systèmes
juridiques, à savoir la tentative d’introduire des modèles délibératifs de substitution du compromis
parlementaire. Le processus de décision parlementaire est contracté, étant ainsi limitée dans le temps
et dans ses propres règles de garantie. En fait, par rapport à un renforcement substantiel de l’exécutif
et dans le contexte des contraintes dans les comptes publics du gouvernement, certaines pratiques
parlementaires se consolident progressivement comme le contingentement de temps et la limitation
des garanties prévues en défense de la dialectique parlementaire. La crise financière a eu pour effet
d’aiguiser les tendances déjà identifiés et qui crise facteurs endogènes au processus de décision
parlementaire. En 2009, on a en Grèce à l’apparition d’une tendance identifiable dans chaque crise
économique, dans toutes sortes, à savoir la tentative d’introduire des modèles de substitution
délibératifs compromis parlementaire. Le processus de décision parlementaire est contracté, étant
ainsi limitée dans le temps et dans ses propres règles de garantie. En fait, par rapport à un
renforcement substantiel de l’exécutif et dans le contexte de la reprise des contraintes dans les
comptes publics du gouvernement, il est progressivement à consolider certaines pratiques quota
parlementaire de temps et la limitation des garanties prévues défense de l’aile parlementaire de la
dialectique.
2) En-dehors des institutions politique
a)
Les usages dans le droit
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Grèce
La contestation en dehors des institutions politiques est fréquente surtout par le media. En plus, le
vote peut constituer sans doute une forme d’opposition politique. Selon l’art.51 §5 « L’exercice du
droit de vote est obligatoire». Le vote est obligatoire en Grèce jusqu’à l’âge de 70 ans mais. Même si
le vote est officiellement obligatoire, les abstentionnistes n’encourent que des sanctions
administratives qui sont tombées en désuétude et ne sont pas appliquées. La participation électorale
reste assez élevée (63,6% aux dernières élections législatives de janvier qui ont vu arriver au pouvoir
le parti de la gauche radical, Syriza) malgré une tendance à la baisse dans ces dernières années.
b)
Les usages au-delà du droit
Pour mieux comprendre quelles sont les sanctions prévues par le système juridique grec dans le cas
d’une opposition qui viole le droit, il faut d’abord reconstruire le rôle des partis politique en Grèce.
La section A de la troisième partie de la Constitution, réservée à l’ Organisation et aux fonctions de
l’État, termine avec l’art. 29 dédié aux partis politiques qui à l’alinéa §1 récite « Les citoyens hellènes
ayant droit de vote peuvent librement créer des partis politiques ou y adhérer; l’organisation et
l’activité de ces partis doivent servir le fonctionnement libre du régime démocratique». La loi
3023/2002 a reconnu la personnalité juridique des partis politiques à partir de leur institution et dans
l’exercice de leur mission constitutionnelle en mettant fin à une question normative très longue.
Avant du passage de la loi du 2002 les partis politiques en Grèce n’avait pas de personnalité juridique.
Le législateur constitutionnel croyait que cette condition permettait aux partis de jouisse d’une
majeure liberté et de n’être pas conditionnés par l’art.12 §2 Const. Grecque selon lequel
«L’association ne peut être dissoute pour violation de la loi ou d’une disposition essentielle de ses
statuts que par décision judiciaire». En 2009 la Cour de Cassation avec la décision AΠ 590/2009 a
établi que l’art.12 §2 et §3 de la Constitution et l’art. 105 du Code Civil concernant la dissolution
judiciaire des organes ne s’appliquent pas aux partis politiques. Le législateur constitutionnel avait
considéré la possibilité de déclarer illégal le parti ou les partis dont les actions fussent contraires à
l’ordre démocratique de l’Etat ou dangereuses pour la sécurité de la Nation, toutefois la disposition
ne fut pas reçue dans le texte de la Constitution du 1975.
III.
LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A. Les mutations structurelles
Le système politique en Grèce n’est non plus stable. La stabilité même du système politique du pays,
système qui se caractérise, depuis 1981 au moins, par un bipartisme simple a tombée. L’ouverture de
la crise du système des partis a conduit à la fin de l’alternance du PASOK et de la Nouvelle
Démocratie au gouvernement du pays, alternance qui avait caractérisé les dernières quarante années
de l’histoire politique et institutionnelle de la Grèce. La liquéfaction des partis politiques est évidente
si l’on considère la période 2009-2012, un témoin de la forte fragmentation du parti et de la nécessité
pour la formation de gouvernements de coalition sous la direction de techniciens, solution qui était
inconnu au système politique grec. La suite des négociations et la conclusion des accords d’aide à
l’Etat grec ont eu sur le système politique l’effet de déterminer un repositionnement des forces
politiques sur la base de l’évolution du contexte. La distinction entre ceux qui soutiennent le
Mémorandum et ceux qui sont contre, alors a remplacé la division traditionnelle entre la droite et la
gauche. Une dernière observation méritent, enfin, les transformations qui ont eu lieu au sein des
partis politiques grecs. La référence est à l’expulsion de parlementaires des partis politiques
dominants à l’occasion de leur refus de voter sur les mesures d’austérité exigées par les accords de
prêt en s’opposant à la discipline imposée par les partis auxquels ils appartiennent. La désobéissance
aux règles imposées par la discipline de parti a été considéré par les commentateurs un signal de
transformation profonde du système politique grec provoqué par la crise économique. La
radicalisation du paysage politique conduise à une poussée générale du discours antisystème qui une
partie de la gauche au gouvernement et de la droite qui se trouve maintenant à gouverner avec elle
(ANEL) partage, en réalisant un paradoxe selon lequel les partis de la majorité se comportent comme
des partis de l’opposition.
— 112 —
Grèce
B. Les mutations fonctionnelles
Le Parlement reste la principale tribune de l’opposition politique, toutefois il y a aussi le niveau de
l’administration locale. Le traitement médiatique des partis politique en Grèce est déterminé par la
loi.
L’opposition en Grèce ne participe pas au gouvernement. Tous les partis, sauf le parti communiste,
ont la vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition gouvernementale. Aujourd’hui
en Grèce existe aussi des partis qui peuvent être considérés antisystème. Je me réfère en particulier à
Antarsia (Rébellion), qui regroupe des groupes extraparlementaires notamment anarchistes et des
organisations de la gauche radicale et anticapitaliste.
Pour ce qui concerne les effets législatifs de l’opposition, il faut dire que l’obstruction est
certainement un des moyens à travers lesquels l’opposition peut être efficace, même si le recours à
l’obstruction dans la Boulì ton Ellinon n’est pas fréquente, surtout parce que l’exécutif exerce son
pouvoir législatif en accord avec l’art.76 §4 qui prévoit que «Un projet ou une proposition de loi
qualifié de très urgent par le gouvernement est mis aux voix, après débat restreint en une seule
séance, par l’assemblée plénière ou la Section prévue à l’article 71, comme le prévoit le Règlement de
la Chambre».
C. Les mutations stratégiques
La recherche de la proximité avec les citoyens est une stratégie préférée surtout par les partis de la
gauche et dernièrement par les partis populistes. La crise économique qui a frappé la Grèce au cours
des dernières années confirme le lien étroit entre la crise économique et l’apparition de mouvements
populistes évocateurs d’une plus grande proximité avec les citoyens, à travers l’organisation de
manifestations publiques.
— 113 —
Italie
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— R A P P O R T I T A L IE —
Établi par Stefano CECCANTI et Salvatore CURRERI1
Introduction de méthode
L’index de ce chapitre a été reformulé par rapport au modèle proposé, en tenant compte de
l’Histoire italienne qui, par essence, ne reconnaît pas l’opposition.
I.
LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION (Stefano Ceccanti)
1.1- Les raisons historiques de la non-reconnaissance dans le premier système de partis
L’Italie est historiquement allergique à la reconnaissance institutionnelle de l’opposition.
Cela s’explique par l’origine de la forme particulière du système de partis qui, après la première
législature républicaine, a donné une courbure d’assemblée à la forme parlementaire de
gouvernement. Comme vous le savez cette forme de gouvernement a des virtualités multiples, et est
à géométrie variable. Si l’on exclut le cas des grandes coalitions (dans lesquelles le gouvernement est,
du moins en principe, le comité directif d’une grande majorité), elle peut avoir des variations d’un
gouvernement d’assemblée (qui sous-tient un système multipolaire), à une néo-parlementaire à
direction gouvernementale (qui sous-tend un système à deux partis ou pôles et qui est centrée sur le
continuum de la majorité électorale - majorité parlementaire). Ce gouvernement assume le rôle du
comité de direction de la majorité (Elia, 1970).
Dans ce dernier cas existe le problème de la reconnaissance solennelle de l’opposition, parce qu’au
sein du Parlement se distinguent les membres internes et les membres externes au continuum
majoritaire, normalement pour l’ensemble de la législature. Les membres extérieurs ont besoin de la
reconnaissance afin d’être mieux en mesure, à partir du Parlement, de présenter aux électeurs une
alternative en vue de la possible alternance électorale future. Au contraire, dans le premier cas, celui
du gouvernement d’assemblée, le Parlement semble toujours un ensemble entier (voir Guzzetta,
2004) qui, de temps en temps (plusieurs fois à l’Assemblée dans la législature) va déléguer à un
exécutif, entendu au sens étroit du terme, certains pouvoirs délimités.
Le gouvernement italien, à l’exception de la première période 1948-1953, n’a pas émergé comme le
comité directeur de la majorité. Dans le cadre de l’alternance impossible, à cause des connexions
entre le système des partis et la fracture Est-Ouest, il n’a pas été par conséquent nécessaire d’établir
un statut de l’opposition.
1
Professeur à l’Université de La Sapienza, Rome.
— 114 —
Italie
Le premier système de partis, formé en période constituante et ayant duré jusqu’en 1993, n’a pas
pratiqué l’alternance. Il a vu les forces du centre au gouvernement (les chrétiens-démocrates et leurs
alliés), forces qui dès le départ (libéraux, républicains, sociaux-démocrates) ou plus tard (socialistes)
se reconnaissaient soit dans la Constitution née de la Résistance (la ligne de démarcation qui va de la
Libération du 25 avril 1945 jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution le 1er janvier, 1948) soit
dans l’option européenne et atlantique (la ligne de démarcation qui va des élections du 18 avril 1948 à
août 1949, avec l’adhésion formelle à l’OTAN) et deux différentes minorités sur les ailes.
La plus importante d’entre elles, la gauche, centrée sur le Parti communiste, et qui a émergé des
élections de 1948 comme le plus fort parti de la gauche, se reconnaissait pleinement dans la
Constitution. N’appartenant cependant pas à une position internationale compatible avec une
responsabilité du gouvernement, la gauche tombait pour cela dans un « conventio ad excludendum » (du
gouvernement). Elle était, cependant, équilibrée, pour tenir ensemble le pays qui ne pouvait pas
résister aux collisions frontales (et aussi pour la faiblesse politique d’une majorité compliquée qui
utilisait l’opposition comme une ressource pour les conflits internes, en particulier entre les courants
du parti de la majorité), par un « conventio ad includendum » (ou « ad consociandum ») sur les principales
politiques du gouvernement, jusqu’à l’entrée explicite dans la majorité (mais pas dans le
Gouvernement) dans la législature de 1976 à 1979, dans le cadre de son évolution pro-européenne et
pro-Atlantique.
La minorité moins importante, celle de droite, basée principalement sur le Mouvement social italien,
ne se reconnaissait pas dans la Constitution, même si, en termes réalistes, malgré la matrice d’origine
fasciste, elle était pro-atlantique. A ce titre, la fonction anticommuniste essayait parfois de revenir
dans le jeu parlementaire, malgré les répercussions sociales et politiques négatives de son soutien au
gouvernement du 1960 (à l’étape où le centrisme avait été épuisé et l’alliance de centre-gauche avec
les socialistes, autonomes des communistes après l’intervention soviétique en Hongrie en 1956,
n’était pas encore mature). S’insère ici le choix politique de ne pas appliquer la XIIe disposition finale
interdisant la reconstitution du parti fasciste dissout contre le Msi, même si en 1952 une loi (la loi
Scelba, 655/1952) avait l’intention de la mettre en œuvre. La loi n’a été appliquée que dans les années
70 contre des groupes extrémistes mineurs liés au terrorisme.
En étant l’alternance non viable, le système, surtout après 1953, a trouvé sa flexibilité interne dans la
rotation annuelle de la structure des gouvernements et, en particulier, avec la rotation oligarchique et
la place de Premier ministre des barons des courants (Premier ministre distinct du secrétaire du parti,
baron d’un autre courant), puis, dans les années 80 avec la présidence du Conseil du républicain
Spadolini et puis du socialiste Bettino Craxi, la rotation s’est élargie aux dirigeants de petits partis.
Cette dynamique, profondément différente des autres démocraties parlementaires établies,
comparable dans certains aspects à la Quatrième République française, a conduit à voir le
gouvernement comme un simple comité exécutif temporaire du Parlement. Pas par coïncidence, il
n’y avait pas de véritable planification du travail parlementaire, et surtout dans ce domaine il n’y avait
pas un rôle importante du gouvernement. Par conséquent, on parle pour cette période de « centralité
du Parlement » (en fait, des partis dans le Parlement), conçu comme un tout indistinct, séparé du
gouvernement : une anomalie par rapport à la physiologie des démocraties parlementaires qui se
tournait paradoxalement pour beaucoup, sur le moment, vers un aspect positif. Les minorités ellesmêmes, incapables par leurs propres choix d’assumer des rôles de gouvernement, se voyaient bien
devoir être impliquées de manière subordonnée dans les conflits internes aux courants et aux partis
de la majorité, en particulier grâce à l’utilisation du scrutin secret final sur les lois, admis jusqu’en
1988.
Ce schéma théorique excluait par principe toute reconnaissance de l’opposition et des minorités,
c’est-à-dire une subdivision explicite dans le Parlement de groupes qui se distinguaient par rapport à
la mise en place du gouvernement, chose qui n’était pas au centre du fonctionnement du système. Au
mieux, il était question de reconnaissance pour l’opposition que pour la subvention au PCI de la
présidence de la Chambre, confirmée après que, en 1979, le parti ait quitté la majorité. En 1976, le
premier communiste élu, Pietro Ingrao, était en réalité issu d’un parti de la majorité. Plus tard
cependant, avec Nilde Jotti, une concession a été faite à l’opposition, à l’un des leaders du Parti
communiste moins éloigné de la majorité.
— 115 —
Italie
1.2- Les nouvelles raisons d’empêchement sous le deuxième système de partis
Déjà dans les années 80 avec la croissance du rôle du gouvernement, en partie en raison de la
mondialisation et l’européanisation, le système subit les premiers changements et commence à
reconnaître une ligne de démarcation importante au sein du Parlement avec l’application
systématique du principe de majorité : briser le pouvoir de véto du Parti communiste sur la législation
du travail (1984-1985) et la limitation du scrutin secret (1988), ainsi que la loi sur la présidence du
Conseil (1988), en sont les premières manifestations fortes. Si le principe de la majorité a désormais
été utilisé de manière significative dans le fonctionnement interne des Chambres, on en réclamait
l’utilisation même dans la relation entre l’électorat et les institutions parlementaires, dans leur
composition.
Par conséquent, après l’effondrement du mur de Berlin et la naissance du deuxième système de partis
(voir Lauvaux 2004, Barbera 2007 et 2009 et Ceccanti 2013), le caractère bipolaire, avec les élections
de 1994, stimulé par les nouvelles lois électorales politiques de 1993, dans l’abstrait on avait
rassemblé certaines conditions pour obtenir une reconnaissance constitutionnelle du rôle de
l’opposition. A alors commencé un débat important, du moins en termes de doctrine (il suffit de
regarder Isle 2004 et Guzzetta 2004). Les propositions comprennent à la fois une reconnaissance de
la minorité comme la principale opposition avec des prérogatives spécifiques (droit de réponse au
Parlement par le président de l’opposition à l’égard du Premier ministre, le pouvoir de convoquer le
Parlement en session extraordinaire et d’influer sur l’ordre du jour, droit de consultation par le
Président de la République en cas d’urgence, la capacité d’établir et de voir reconnaître un
Gouvernement de l’Ombre) et des garanties disponibles à des minorités non identifiées
précédemment (dans la théorie même interne à la majorité parlementaire, mais généralement utilisé
en particulier par l’opposition - création de commissions d’enquête, abaissement du quorum
structurel pour le référendum abrogatif, saisine de la Cour constitutionnelle sur les lois avant leur
entrée en vigueur, décisions sur le contentieux électoral politique finalement confié à la Cour,
élévation du quorum pour la réforme du Règlement des Chambres et d’examen la première partie de
la Constitution).
Quelles sont les raisons qui l’ont empêché ?
Premièrement, le bipolarisme du post-1993 était une bipolarité entre des coalitions préélectorales
dans lesquelles, une fois la victoire affirmée, la demande la plus pressante était d’équilibrer ad intra la
coalition, la garantie pour les minorités internes dans la majorité : par exemple s’affirme la
convention de l’attribution de la présidence de la Chambre, le lieu stratégique de la programmation
parlementaire après 1997, à un partenaire junior de la majorité (à l’origine du PDS qui était le plus
grand parti de la majorité pour équilibrer le Premier ministre Prodi, qui était une expression de la
minorité centriste de l’alliance), puis une séquence de secrétaires des petits partis de la majorité,
Casini, Bertinotti et Fini, enfin une personnalité mineure d’un parti minoritaire, Boldrini. Il y a une
compétition pour les coalitions, mais, après le vote, les règles constitutionnelles et règlementaires,
ainsi que certaines autres règles (comme le financement public et les règles relatives à la politique
d’édition) qui ne connaissent que le parti, ont donc tendance à affaiblir les coalitions. Les nouvelles
lois électorales de 2005 renforcent cette contradiction : les candidats communs disparaissent dans les
circonscriptions uninominales et les coalitions ont comme seul élément de cohésion le leadership
national commun.
Deuxièmement, les conventions formées autour du pouvoir de dissolution ont tendance à se
confirmer dans la continuité avec le passé du gouvernement d’assemblée même avec les nouvelles
lois électorales, qui en soi auraient du amener à un changement : actuellement il est théorisé que le
continuum de l’électorat peut être vrai pour le premier gouvernement de la législature, mais pas plus
tard. Si les rôles peuvent changer au cours d’une législature, sans gros obstacles, une reconnaissance
stable de l’opposition n’est pas nécessaire, au regard du deuxième gouvernement de la législature
dont la frontière peut changer de façon significative. La logique de l’alternance électorale s’applique
uniquement au premier gouvernement.
Troisièmement, contre certaines des propositions qui permettraient d’améliorer le rôle de la Cour
constitutionnelle, il y a eu l’objection du centre-droit qui, au fil des ans, a critiqué diverses décisions
de la Cour. De plus, en général, cette institution à exprimé l’année dernière un interventionnisme
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Italie
créatif (à la fois dans le domaine des politiques de procréation assistée et de lois électorales) envers
lequel le système politique a des doutes en ce qui concerne son élargissement.
Quatrièmement, lorsque le deuxième système de partis entre en crise (élections 2013), et lorsqu’on
s’efforce de prendre le chemin de la révision constitutionnelle, la question d’une distinction explicite
entre l’opposition et d’autres minorités est problématique par le fait que, au moins momentanément,
trois minorités (et pas seulement deux) ont eu un nombre de voix à peu près équivalent. En outre, le
nouveau sujet politique émergé (le Mouvement 5 Etoiles) exprime une vision de culture politique de
gouvernement d’assemblée, qui renouvelle les objections traditionnelles à ce choix.
Le paradoxe momentané du thème du Statut de l’opposition consiste donc en cela : en particulier
ceux qui pourraient en bénéficier (l’opposition politique du moment), pour une raison ou une autre,
semblent hostiles à faire quelque chose en plus, dans la révision de la Constitution, d’une simple
référence aux développements réglementaires subséquents ou une intervention secondaire (le
quorum pour les référendums). Pour la plupart de ceux qui continuent à soutenir le paradigme du
gouvernement d’assemblée (tant obsolète que têtu) se détermine une hétérogenèse des buts. Ils nient
à la racine, pour ne pas affaiblir le Parlement, la possibilité de reconnaître que celui-ci n’est pas
toujours un ensemble, mais est divisé en profondeur par une ligne de démarcation par rapport à la
confiance envers le Gouvernement. Du moment que cette ligne existe, et que les réformes envisagées
les rendraient plus permanente, le manque de reconnaissance est en fait l’une des principales raisons
de l’affaiblissement que le Parlement voudrait éviter. C’est un cas du masochisme institutionnel. Il
existe cependant d’autres exemples importants, tels que les protestations requérantes de ceux qui
sont dans l’opposition contre la combinaison de décrets-lois, maxi-amendements et des questions de
confiance qui sont la mère porteuse de l’absence d’une primauté du gouvernement dans l’ordre du
jour du parlement, sans laquelle les mêmes forces, quand ils se déplacent au gouvernement, sont
alors obligés de répéter le même comportement antérieurement critiqué.
II.
LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l'opposition politique (Salvatore Curreri)
1) La nature de la garantie
L'absence d’une réglementation nationale soit législative soit règlementaire pour protéger les droits
de l'opposition parlementaire est due principalement à des raisons politiques. Comme mentionné, en
fait, jusqu’aux réformes électorales des années 90, le régime parlementaire était durablement installé
de façon associative, avec une opposition, notamment celle du Parti communiste, exclue du
gouvernement pour les motifs de la division est / ouest de Yalta (conventio ad excludendum), mais
en même temps elle était si forte qu’elle pouvait influencer le travail de la majorité qui, à son tour,
cherchait l'accord avec l’opposition également pour compenser et affaiblir ses divisions internes.
Dans ce contexte, le thème de l'opposition était remplacé par celui de la protection des minorités et
de leur pouvoir de co-décision politique (2).
Cette association reposait sur des institutions et des règles déjà présentes dans la Constitution qui
multiplient les pouvoirs d'interdiction des minorités: la structure du parlement, marquée par un
bicamérisme absolument égal; la faiblesse du gouvernement, sans outils capables de diriger l'activité
parlementaire et l’un de ses domaines, et donc considéré comme le comité exécutif de la majorité
parlementaire et non comme un comité directif; les privilèges accordés aux minorités parlementaires
à la fois sur le plan parlementaire (comme le droit de refuser l'approbation du projet de loi
directement en Commission: Art 72,3 Cost) et à la fois extra-parlementaire, en vertu de l'accès à
certaines formes de garantie, tel que le référendum d’abrogation des lois et des actes ayant force de
loi (art. 75 Const.) ou l'approbation par référendum des amendements à la Constitution (art. 138 de
la Constitution.). Selon cette idée, donc, le régime parlementaire était plus démocratique dans la
mesure où l'opposition aurait pu forcer la majorité à des compromis, de manière à transformer la
2) V.. E. ROSSI (édité par),Maggioranza e opposizioni nelle procedure parlamentari, Padova, 2004; V. LIPPOLIS, Maggioranza,
opposizione e governo nei regolamenti e nella prassi parlamentare dell’età repubblicana, in L. VIOLANTE (édité par), Il Parlamento. Storia
d’Italia, 17, Torino, 2001, 613 ss.
— 117 —
Italie
direction politique de ce dernier dans la politique véritablement «nationale» (3). Le lieu central de ce
compromis ne pouvait être que les chambres, dont les Règlements, approuvés en 1971, exaltaient et
multipliaient les lieux et les opportunités de la négociation au nom d’une vision d’assemblée.
La transition vers une démocratie majoritaire, encouragée par les réformes électorales des années 90,
n'a pas trouvé accomplissement, en particulier en ce qui concerne le développement d'un véritable
statut de l'opposition, ni dans la Constitution, ni au niveau réglementaire (exception faite pour
certaines réformes limitées introduites en 1997-1999, en particulier dans la Chambre des députés).
Les raisons de ce manque de reconnaissance doivent être recherchées non seulement, bien sûr, dans
les résistances de la majorité (de crainte de voir son pouvoir politique limité), mais aussi dans un
certain désintérêt, sinon dans une réelle défiance de l’opposition face à l'efficacité de ces outils de la
politique, en préférant plutôt utiliser des espaces réglementaires dans une vision d’interdiction plutôt
que d’alternative.
Plus généralement, a prévalu dans les forces politiques l’idée que le statut et, avant cela, la notion
même d’opposition, devraient avoir une reconnaissance principalement dans la Constitution et, que,
donc, la réforme des règles parlementaires aurait été juste la dernière pièce d'une plus complète
réforme institutionnelle qui devrait intéresser surtout avant la Constitution et la loi électorale.
Cette conviction, qui évoque implicitement ce qui avait été déclaré par le Conseil constitutionnel
français (2006-537 DC), en réalité refusée puisque la notion d'opposition à la Constitution (introduite
dans les Règlements parlementaires par les réformes 1997-1999) reste inchangée, s’est révélée être
désavantageuse car elle a signifié qu’à partir des réformes des Règlements de la fin des années 90 la
question des garanties des droits de l'opposition n'a pas été récupérée. Par conséquent, dans l’attente
de l'approbation des réformes institutionnelles promises, les divers projets de modifications aux
règlements parlementaires, même présentés dans ces dernières années et portés à l'attention des
Comités de procédure respectifs (Giunte del Regolamento) sur l'impulsion décisive des présidents
des deux Chambres, sont restés dans le tiroir selon le bon vouloir des forces politiques.
En outre, les réformes institutionnelles attendues sont restées telles, du moment que, après le rejet
par référendum du projet de révision approuvé par le seul centre-droit (25-26 Juin 2006), le
processus de révision de la Constitution n'a pas été redémarré, sinon dans la législature actuelle par
l'impulsion décisive du gouvernement Renzi. Le projet de loi de réforme constitutionnelle,
actuellement en discussion au Sénat (2613-A), cependant, ne prévoit rien en matière de renforcement
des droits de l'opposition comme une limite à la puissance de la majorité gouvernementale. En fait, il
prévoit simplement que « les règles des chambres garantissent les droits des minorités
parlementaires » et, plus précisément, que « le Règlement de la Chambre des députés régit le statut de
l'opposition » (nouvel art. 64.2 Const.). La notion politique de l’opposition, ensuite, serait renvoyée à
la Chambre des députés, comme le seul « propriétaire du rapport de confiance avec le
gouvernement », mais pas au nouveau Sénat, appelé à représenter les « institutions locales » (v.
nouvel art. 55 Const.), qui serait divisé, selon un critère numérique, entre la majorité et des minorités.
Au-delà de cette distinction, cependant, le projet de réforme constitutionnelle réfère trop largement
le statut de l'opposition au Règlement de la Chambre des députés, avec rien de prévu.
Paradoxalement, donc, la réforme constitutionnelle, en attente de laquelle on avait bloqué le
processus de révision des règlements parlementaires, renvoie maintenant aux mêmes règlements sur
la question spécifique des droits de l'opposition.
Dans le cadre d'un renforcement plus complet de contre-pouvoirs dans une démocratie
parlementaire majoritaire, on aurait pu, par contre, fixer des pierres angulaires du statut de
l'opposition, tant au niveau parlementaire (la présidence de commissions parlementaires de garantie
et de contrôle; l'initiative de minorité pour la création de commissions d'enquête et leur composition
égale (4), la nomination de porte-voix qualifiés de l'opposition) qu’au niveau extra-parlementaire
(saisine de la Cour constitutionnelle, consultation dans circonstances particulières de ses leaders par
le président du Conseil ou par le Président la République).
3)
C. LAVAGNA, Maggioranza al Governo e maggioranze parlamentari, in Politica del diritto, 1974, 673 ss.
G. RIZZONI, La programmazione dei lavori alla prova: l’esperienza della XIV legislatura, in AA. VV., Le regole del diritto
parlamentare nella dialettica tra maggioranza e opposizione, Roma, 2007, 203 ss., ce qui indique la façon dont les groupes
d'opposition ont le plus souvent dans l'ordre, même dans l'exploitation des unités auxquelles ils ont droit.
4)
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Italie
Manque donc dans le projet une identification claire des rôles de la majorité et l'opposition, qui aurait
pu avoir pour effet de responsabiliser l'opposition et, par conséquent, de stabiliser le gouvernement,
de façon à restituer au Parlement le rôle d’arène principale du débat politique (5). Cette décision
montre la force dans la culture politique italienne de la résistance à considérer l'opposition non
seulement comme une fonction, avec des pouvoirs de procédure, mais aussi comme une institution,
symétrique au gouvernement, titulaire de pouvoirs spécifiques dans les procédures parlementaires et
dotée également d’un statut extérieur aux assemblées (6). Dans le cas de l'Italie, par conséquent, la
faiblesse de l'opposition ne provient pas d'initiatives de réforme punitives prises par la majorité, mais,
au contraire, de l’achèvement manqué du processus de réforme par des majorités politiques
différentes qui se sont alternées dans le gouvernement du pays.
Finalement, le fait d’avoir subordonné la poursuite du processus de révision des Règlements dans le
sens d'une plus grande extension des pouvoirs de l’opposition à l'approbation d'un dessin plus global
de réforme institutionnelle a produit le résultat d'un régime non pleinement majoritaire, où le
renforcement des rôles du gouvernement et de la majorité, déterminé par le fait majoritaire
commencé avec la réforme électorale de 1993, n'a pas été suivi de la reconnaissance à l'opposition
d'une gamme plus large et plus efficace des pouvoirs d'inspection, de surveillance et de contrôle qui
aurait permis qu'elle joue son rôle comme nécessaire contrepartie de la dialectique parlementaire.
La stagnation continue dans l'approbation des réformes constitutionnelles et des règlements rend le
niveau de garantie, aujourd'hui reconnu à l’opposition, totalement insatisfaisant, en particulier dans le
domaine de l'inspection et du contrôle. En effet, l’abandon d’une révision réglementaire totale a
permis l'émergence de toute une série de précédents et de pratiques parlementaires, approuvés dans
le Comités sur les règles des Chambres (Giunte del Regolamento), favorables aux majorités de
gouvernement. Celles-ci, en l'absence d'outils constitutionnels et réglementaires qui leur
permettraient de prendre des décisions rapides et efficaces, tels qu'ils sont actuellement requis par les
temps de l'économie, ont fait recours à une utilisation déformée des outils à disposition. À cet égard,
est significative l'approbation de lois d’habilitations caractérisées avec principes et critères très
généraux, de manière à permettre au gouvernements de grandes marges de manœuvre dans
l'émanation (même réitérées) d’ordonnances; ou l'utilisation fréquente de décrets-lois, dont la loi de
conversion a souvent été remplacée par des maxi-amendements, entièrement substitutifs du texte en
cours d'examen, sur lesquels le gouvernement pose la question de confiance, en limitant ainsi le
contrôle parlementaire préalablement effectué et en imposant la voix de conversion.
Le Parlement continue à particulièrement souffrir de l’achèvement manqué du processus de réforme.
Il aurait tout à gagner s’il devenait le forum idéal dans lequel l'opposition poursuit ses propres
batailles politiques alternatives au continuum majorité-gouvernement.
Telle impasse persistante est d'autant plus grave si l'on considère que, dans le cas italien, la voie des
réformes constitutionnelles et réglementaires apparaît la plus appropriée par rapport à la voie
conventionnelle pour la reconnaissance des droits de l'opposition. Manque en effet surtout dans les
forces politiques l'acquisition de la culture constitutionnelle d'équité et de respect mutuel sur
lesquelles on devrait fonder les relations de base entre la majorité et l'opposition, qui est une
condition préalable pour le bon fonctionnement d'une démocratie parlementaire dans laquelle le
droit de la majorité de gouverner s’oppose le droit de l'opposition de défier et de surveiller les actions
de ce dernier pour pouvoir se présenter devant les électeurs comme le meilleur et crédible
gouvernement alternatif.
En l'absence d'une telle culture et, par conséquent, de «gentlemen’s aggreements» ou «conventions
constitutionnelles», le ratio de certains droits introduits dans les règlements parlementaires en faveur
de l'opposition a été facilement contrecarré par la majorité qui a imposé des pratiques réelles contra
oppositionem, comme dans le cas des espaces réservés dans le programme de travail parlementaire à la
législation ou aux actes présentés par les groupes d'opposition, comme il leur a refusé le droit, ainsi
que pour discuter, et également de voter leur texte sans distorsions de contenu de la part de la
5)
Cfr. S. ROSSI, Brevi note sullo statuto “minimo” dell’opposizione, in www.forumcostituzionale.it, 19 aprile 2006.
Cfr. G. DE VERGOTTINI, Opposizione parlamentare, in Enciclopedia del Diritto, vol. XXX, Milano, 1980, 532 ss.; M. MIDIRI,
Regolamento e prassi parlamentare: le aspettative dei soggetti politici, in Studi parlamentari e di politica costituzionale, nn. 147-148, 1°-2°
trimestre 2005, 24.
6)
— 119 —
Italie
majorité; ou l'hebdomadaire Premier question time, inspiré par la pratique bien connue de la Chambre
des communes britannique, mais toujours déserté par Berlusconi quand il était premier ministre.
Violations qui sont également indifférentes à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, qui a
affirmé la ligne du strict respect de l'immunité absolue des affaires internes d'expression
parlementaire de l'autonomie politique du Parlement, même si en vérité il y avait des marges pour
une intervention plus incisive de la Cour (v. Arrêts 78/1984 sur le compte des abstentions, 154/1985
sur autonomie parlementaire (autodichia) et 379/1996 sur les pianistes, à savoir les parlementaires
qui votent à la place des autres). Jurisprudence qui mettait plutôt l'accent sur les prérogatives du
parlementaire individuel, en les élargissant (v 225/2001 sur l’empêchement légitime à assister au
procès en cas d'exercice de fonctions parlementaires: case Previti), ou en les délimitant (v. Arrêts 10
et 11 de l'année 2000 sur le contrôle des opinions des parlementaires exprimées à l'extérieur et sans
«lien fonctionnel substantiel» avec l'activité parlementaire précédente).
Le même échec de la tentative d'établir, un shadow cabinet (gouvernement de l’ombre), selon le modèle
britannique dans le sillage de l'anglais, gouvernement - ombre, rapidement abandonnée après la fin
du secrétariat Veltroni dans le Parti démocrate au début de 2009, résulte, en fin de compte, plutôt
que du manque de moyens juridiques efficaces, de l’absence de conditions politiques de base, à savoir
l'acceptation « loyale » des principes constitutionnels de la part des forces politiques et la dynamique
du régime parlementaire majoritaire, selon un modèle dans lequel l'opposition contre le
gouvernement n’est pas exercé par le Parlement considéré dans son ensemble, mais dans le Parlement
par un groupe parlementaire. D'ailleurs, lors de l'approbation de la réforme constitutionnelle, ces
exigences n’ont pas été soulevées par l'un des groupes pro tempore à l’opposition, ni par celui
impliqué (Forza Italia) ni par celui qui s’en était exclu (5 étoiles). Ce dernier, en particulier, a continué
à présenter des thèses strictement ancrées au régime d’assemblée, en continuant anachroniquement à
relancer l'idée du Parlement comme ensemble et du gouvernement comme un simple exécuteur dans
un sens résiduel du terme (7).
2) Mesure de la garantie
En l'absence, comme on l’a dit à plusieurs reprises, de législation ou de réglementation au sein des
Chambres en matière de droits de l'opposition, ce sont plutôt les régions, à travers leurs propres
statuts, à leurs assemblées représentatives, par leurs règlements, qui ont établi un statut de
l'opposition, tout en ne donnant pas une définition spécifique, sauf pour la Toscane, qui définit
l'opposition comme la minorité plus représentative (art. 10.2 Statut).
Des droits différents ont été affectés à l’opposition au niveau régional, afin d’assurer l’exercice des
fonctions de base du contrôle, de la supervision, de la critique et de la proportion.
Dans les lois et règlements en faveur de l'opposition, nous pouvons distinguer trois catégories (8):
1) les dispositions de la garantie générale qui assurent le bon déroulement des travaux parlementaires
et l'égalité de traitement de tous les administrateurs, dont bénéficie indirectement l'opposition. Parmi
ces dispositions, on trouve celles sur : le quorum, d’une part, pour l'élection du Président du Conseil
régional, auquel on confie la tâche de garantir les droits de la minorité et, d’autre part et en général,
pour l'élection des institutions de garantie; la majorité qualifiée requise pour l'approbation du Statut,
les règles de procédure de lois régionales ou spéciales, y compris la loi électorale, ou à la tenue de
référendum consultatif; ou de la nomination ou de l'élection des membres des conseils de garantie
statutaire ou de surveillance et de contrôle; les procédures de publicité du Conseil et l'égalité d'accès
aux médias entre les membres des différentes factions.
2) les dispositions non politiquement qualifiées, protégeant le conseiller individuel, les minorités
qualifiés ou les Présidents de Groupe, profitent à l'opposition. Elles relèvent de ces dispositions:
a) les droits liés à l'état de simple parlementaire ou conseiller, indépendamment du fait que
l'opposition ou la majorité relative à l'exercice de son mandat: la présentation des projets de loi ou de
règlement; actes d'inspection ou de direction politique; les demandes d'accès aux documents
7) V. S. CECCANTI, S. CURRERI, Il MoVimento 5 Stelle come partito personale autoescluso, dans le numéro spécial de la revue
Diritto pubblico comparato ed europeo dédiée aux partis anti- système à l'italienne , à paraître..
8) V. P.L. PETRILLO, Nuovi statuti regionali e opposizione, in Quaderni costituzionali, n. 4/2005, 835 ss.; M. RUBECHI, La forma di
governo regionale fra regole e decisioni, Roma, 2010
— 120 —
Italie
administratifs ou des entités régionales contrôlées par la Région; droit de recevoir des informations et
des nouvelles nécessaires à la réalisation du mandat;
b) les droits attribués aux actions des administrateurs pour l'exercice des pouvoirs de procédure
contraignants, tels que le droit de convoquer le conseil régional, ou la Conférence des présidents des
groupes parlementaires; le droit de saisine d'un projet de loi à l’assemblée; le droit d'exiger un vote
ouvert ou secrèt; le droit de présenter une motion de censure contre le Président de la Région; le
quorum pour la demande et à la validité du référendum pour l'abrogation de lois ou de mesures
régionales; le droit de recourir à des organes de garantie légale de jouer un contrôle préventif de la
correspondance au Statut de la législation ou de la réglementation de la Région;
3) les dispositions conférant des droits et pouvoirs à la/les oppositions politiques ou minorités
qualifiés. Sont incluses dans ce scénario, les dispositions qui, dans une référence spécifique à
l'opposition, fournissent: leur représentation dans les organes du Conseil régional (Bureau, les
organismes d'inspection et de surveillance); l'attribution à leurs membres de la présidence de comités
du conseil d'administration afin de garantir et de contrôle ou d'une enquête, la commission du
budget, ou la commission électorale ou du Règlement; les règles sur les groupes parlementaires, qui
peuvent favoriser les groupes d'opposition en ne subordonnant pas leur constitution à l'exigence
numérique généralement nécessaire; le droit du candidat à la présidece de la Région, vaincu, mais élu
au Conseil régional, de jouer le rôle de leader de l’opposition (9); l'institution d'un porte-parole unitaire
de l'opposition; la disposition statutaire d'un statut de l'opposition à développer dans les règlements
du Conseil; le droit de mettre en place des commissions d'enquête à la demande d'une minorité
qualifiée; la réserve, dans la planification des travaux, le temps de l'action pour la discussion des
projets de lois et de développer des actes d'inspection présentés par l'opposition; la réserve pour eux
d’une partie des nominations de la compétence du conseil régional; la participation de l'opposition
aux délégations de représentation régionale.
En particulier, en référence au rôle joué par l'opposition dans le processus législatif, il doit être
signalé à la fois la figure du rapporteur de minorité, évidemment chargé de faire rapport critique sur
le projet de loi examiné par la Chambre, et la disposition en faveur de l'opposition d’une part de
temps supérieur à celui attribué à la majorité, dans l'hypothèse où, si la deuxième a la force du
nombre, la première ne peut effectivement jouer son rôle critique que si elle a plus de temps, à la fois
pour proposer une orientation politique alternative, et à la fois pour éveiller l'attention du public en
embarrassant le gouvernement devant lui et donc en le forçant à changer de direction politique.
Dans les cas extrêmes, cela conduit à l'obstruction, pratiquée à travers la présentation des milliers
d'amendements, avec une illustration contextuelle, la vérification continue du quorum ou des ordres
du jour, les interventions au début de séance sur le procès verbal de la séance précédente.
Filibustering dépassé à travers les quotas de temps ou par l'utilisation de la technique de la question
de confiance, en vertu de ses effets procéduraux (priorité, indivisibilité, non modificabilité du texte et
vote ouvert par appel nominal sur lequel il est placé).
Plus généralement, la fonction législative est affectée, en fait, par le climat de confrontation
préjudicielle, où se déroulent souvent les relations entre la majorité et l'opposition. Les
gouvernements, composés de coalitions souvent disparates et de querelleurs, dans ces cas, ont du mal
à trouver un compromis en leur sein et, une fois trouvé, le défendent à tout prix devant le Parlement.
L'opposition sait que les chances d'influencer les mesures en question sont petites, et cherche ainsi à
empêcher son approbation et à démontrer que la majorité a tort et qu’elle est incapable de gouverner.
L'examen des projets de loi tend ainsi à se réduire à une déclamation stérile et obstinée de leurs
9) De nombreuses régions, en fait, dans l'exercice de leur autonomie statutaire en termes de régimes, ont opté pour un
modèle de cd néo-parlementaire où, contrairement au modèle classique, le président régional est élu directement, mais
peut être censuré par le conseil régional, ce qui provoque, ainsi que son déclin, même la dissolution du Conseil, selon le
principe de stabunt simul simul cadent. Le problème est que ce régime a été mixé avec un système basé sur des coalitions
de la liste, avec le droit d'exprimer des préférences sur la liste. En conséquence, les equilibres durant leurs termes ont
tendance à se dérouler dans une négociation entre l'unité du leader (le président) et l'articulation des listes et des candidats,
avec peu de place pour les groupes d'opposition efficaces. On ne peut pas exclure que, après l’'approbation de l’Italicum,
résultant de la transition de l'attribution du prime majoritaire d'une coalition à la liste, y compris les lois électorales
régionales puissent avoir une évolution similaire.
— 121 —
Italie
positions au lieu d'être une réflexion arbitrée sur les questions en jeu (10). Le résultat de cette situation
est, en cas de conflit plus échauffé, la question de confiance. Ceci est d'ailleurs souvent mis sur maxiamendements (11) de manière à résoudre avec un ou très peu des votes l'examen de l'ensemble de
projet de loi. Les icônes de cette approche sont devenues les lois de finances, regroupées dans
quelques articles extrêmement longs. Le mélange maxi-amendements/confiance exproprie le
Parlement de toute possibilité d'influer sur le texte en discussion. « La manifestation de l'opposition,
accusant la majorité d'étouffement des débats, réagit enfin avec les manifestations flagrantes: quitte
l’assemblée, ponctue slogan, même purement offensifs, présente des signes ou des bannières comme
dans les rues ou dans le stade. Les réactions verbales de la majorité sont situées sur le même niveau
intellectuel. Sont des manifestations qui, comme déjà dit, visent l'extérieur: à exploiter l'effet de
l’émission de la télévision, assis à quelques photos dans les journaux. Essayer de frapper l'émotion
publique » (12).
Au-delà des institutions, les partis d'opposition ont les mêmes droits reconnus à toutes les forces
politiques et, plus en général, et à des membres individuels et associés.
Par exemple, en termes de financement, il est prévu que l'opposition soit le destinataire des
ressources spécifiques ou que son chef ait droit à une indemnité appropriée. Les règles actuelles sur
le financement des partis (l. 13/2014) abrogeant l'ancien financement public (forfaitaire) des
dépenses électorales, en faveur d'un système de financement privé fiscalement avantagé pour les
partis enregistrés démocratiques et transparents, grâce à la déductibilité des dons jusqu'à 100.000
euros et la possibilité d'affecter le parti préféré du 2 pour mille de la taxe due dans le revenu fiscal des
particuliers (impôt sur le revenu).
Une attention particulière a été consacrée à la relation entre les médias et la communication en raison
de trois facteurs: le passage du système électoral proportionnel au majoritaire; les changements
induits soit dans l'organisation du parti, soit dans la relation entre l'électeur, le parti et l’élu; enfin, last
but not least, l'apparence du conflit d'intérêts, en raison de la victoire en 1994 dans l'élection générale
de Berlusconi, le Premier ministre et le propriétaire de Fininvest, holding ramifiée dans de nombreux
secteurs économiques, y compris, en particulier, la télévision, avec le contrôle de trois stations de
télévision privées majeures dans le contexte d'un duopole. Pour faire face, parfois sans vergogne, à
l’utilisation partisane de ces stations de télévision, seulement six ans après son lancement on a
approuvé une réglementation spéciale régissant la communication politique, surtout au moment des
élections (l. 28/2000 sur la soi-disant par condicio).
L'opposition a aussi d'autres droits politiques. Le droit de se réunir pacifiquement et sans armes, avec
la seule responsabilité de mettre en garde (sans attendre l'autorisation) des réunions dans un lieu
public pour la sécurité publique (art. 17 Const.). Le droit d'association à des fins non interdites par le
droit pénal à l'individu, de sorte que tout ce qui est admis à un niveau individuel, l’est aussi au niveau
de l'association, à condition que ce ne soient pas des associations secrètes ou qui poursuivent des fins
politiques par des moyens d'une organisation militaire (art. 18 de la Constitution.). Comme on peut le
voir, dans les deux cas, ce qu'il est pertinent pour les fins de l'exercice légitime du droit de réunion et
d'association n’est pas le but, mais la manière dont ils sont exercés. Pour cette raison, on ne peut pas
enregistrer sans préoccupation les violentes manifestations contre l'actuel leader de la Ligue Salvini du
Nord, l'obligeant à renoncer parfois à l'avance ou avoir à arrêter les meetings électoraux prévus dans
les élections régionales du 31 mai.
Pour le reste, le droit de grève, mais en l'absence de la loi qui aurait pour ajuster son exercice (art. 40
Const.) a eu une large reconnaissance dans les décisions judiciaires, ayant été admis à des fins d'abord
exclusivement économiques de contrats, puis sociales, enfin politiques, comme un instrument de la
participation politique du peuple.
Enfin, en ce qui concerne la liberté d'expression à travers les médias de communication de masse, en
particulier la presse (art. 21 Const.) et le diffuseur public Radio et de la Télévision (RAI), les pouvoirs
10) V. LIPPOLIS, G. PITRUZZELLA, Il bipolarismo conflittuale. Il regime politico della Seconda Repubblica, Soveria Mannelli, 2007, 53
ss.
11) V. N. LUPO, Emendamenti, maxiemendamenti e questione di fiducia nelle legislature del maggioritario, in E. Gianfrancesco, N.
Lupo (édité par), Le regole del diritto parlamentare nella dialettica tra maggioranza e opposizione, Roma, 2007.
12) V. LIPPOLIS, G. PITRUZZELLA, Il bipolarismo conflittuale, cit., 53 s.
— 122 —
Italie
de direction et de contrôle sur Rai n’appartiennent plus au gouvernement, mais au Parlement (et
donc aussi l'opposition politique) (l. 103/1975), qui les exerce par la commission parlementaire
compétente pour la supervision générale des services de radiodiffusion, qui sont présidés par
convention par un membre de l'opposition. Plus généralement, l'industrie des communications est
l'objet d'une autorité administrative indépendante, l'Autorité pour la garantie des communications
(AGCOM) établie par la loi 249/1997, et qui exerce des pouvoirs de réglementation, la supervision,
le contrôle et les sanctions en matière de télécommunications, de la radiodiffusion, de l'édition et de
la publicité. Son président est nommé par le chef de l'Etat sur la proposition du Président du Conseil
après consultation des commissions parlementaires compétentes à la majorité des deux tiers, de
manière à associer l'opposition.
Restent encore quelques problèmes, s’il est vrai que les rapports publiés par des organismes
internationaux indépendants ont mis l'Italie pour la liberté de la presse dans une position arrière (en
2014 à la 64ème place pour la Freedom House et 73ème place pour Reporters sans frontières). Tout en
donnant une valeur relative à ces classements, leur accord continu indique les faiblesses sur les profils
qu'elles prennent en compte (transparence, l'autocensure, les attaques contre les journalistes,
conditionnements par le pouvoir politique et économique).
B. L'utilisation par l'opposition de ses droits
1) Dans les institutions politiques
L'utilisation par l'opposition de ses droits au sein des institutions politiques trouve sa légitimité dans
le dépassement de la conception libérale classique de la représentation politique, comprise comme
représentant l'ensemble de la nation, en faveur d'un concept plus réaliste qui veut que l'élu soit le
destinataire d'un mandat politique des électeurs du parti auquel il est candidat et avec lequel il partage
le programme. Chaque élu, par conséquent, ne représente pas tous les électeurs, y compris ceux qui
ne l'ont pas voté, comme il le voudrait une rhétorique du XIXe siècle sans fondement dans la réalité;
ni il représente seulement le parti du moment que le mandat vient à lui non seulement par celui, mais
aussi par les électeurs; ni, enfin, il représente seulement ceux derniers, en étant le parti élément décisif
dans le vote. Il n’existe pas, par conséquent, une relation directe entre électeurs et élus en dehors des
partis politiques, comme il n’existe pas une relation entre les électeurs et les partis politiques en
dehors des élus. Plutôt entre les électeurs, le parti et l’élu existe un continuum de telle sorte que
comme le parti représente les électeurs qui ont voté pour le candidat proposé par lui, ainsi les élus
représentent les électeurs qui ont voté pour le parti et pas seulement le parti voté par les électeurs.
Plus généralement, alors que la reconnaissance des garanties pour la protection des minorités découle
de l’idée classique du Parlement comme lieu de la représentation et du pluralisme, dans lequel la
majorité et la minorité s’alternent pour prendre une décision, l’approbation d'un statut spécifique de
l'opposition indique une attitude différente de la dialectique parlementaire et une façon différente de
concevoir les assemblées représentatives, dans laquelle la confrontation entre deux côtés opposés est
conçu pour rendre publiques les décisions de la majorité et celles de l'opposition, de sorte que le rôle
du Parlement est d'enregistrer et amplifier cette dynamique (13).
Dans ce contexte, le rôle joué par l'opposition dans une opposition systématique et permanente à la
majorité gouvernementale, de façon à agir comme son alternative crédible aux yeux des électeurs,
commun à toutes les démocraties parlementaires majoritaires, a repris en Italie des caractéristiques
spécifiques, dues au bipolarisme conflictuel, régime politique typique de la « Deuxième République »
(deuxième système de partis), dirigé par le conflit radical et insurmontable entre partisans et
adversaires de Berlusconi, selon la logique schmittienne ami/ennemi (14). L'arrivée au pouvoir de
Berlusconi a fortement contribué à la bipolarisation du système politique en pôles alternatifs qui
toutefois se délégitimaient l’un l'autre en termes de fidélité aux valeurs constitutionnelles (15). La
délégitimation mutuelle des pôles politiques opposés, si d'une part a constitué la pierre angulaire de
13) V. G. G. CARBONI, Alla ricerca di uno Statuto per l’opposizione parlamentare, Torino, 2004.; A. BURATTI, Regolamento del
Senato: lavori in corso, in www.associazionecostituzionalisti.it/cronache, 17 ottobre 2002.
14) V. LIPPOLIS, G. PITRUZZELLA, op. cit..
15 ) S. SICARDI, Maggioranza e opposizione nella lunga ed accidentata transizione italiana, in ASSOCIAZIONE ITALIANA DEI
COSTITUZIONALISTI, Annuario 2001. Il Governo, Padova, 2002, 148.
— 123 —
Italie
leur cohésion, d'autre part a déterminé le manque de communication de fond, cause non dernière de
l'absence de l'approbation des réformes institutionnelles qui devaient achever la transition des
institutions politiques commencée dans les années 90 vers une démocratie parlementaire majoritaire
cohérente. Comme l’on a souligné à plusieurs reprises, a fait défaut une culture de fond, à la base du
modèle de Westminster, selon lequelle chaque parti politique reconnaît la légitimité politique et
constitutionnelle des autres qui lui sont opposés. Nonobstant la conversion présumée à la démocratie
majoritaire des dirigeants des principaux partis, cette culture est restée étrangère aux forces politiques
parlementaires, comme l'a montré, d'une part, la tendance de la majorité de centre-droit d'interpréter
son rôle afin de configurer un pouvoir illimité reçu par le peuple souverain, d'autre part, le choix de
l'opposition de recourir à la délégitimation de l'adversaire comme un outil privilégié de protestation
de la majorité et de ses choix politiques.
Cette délégitimation mutuelle entre factions opposées et la radicalisation régulière consécutive de
confrontation politique, qui prend souvent des tons instrumentaux qui vont bien au-delà du mérite
spécifique des questions politiques en question, a rendu extrêmement difficile de définir ce qui est
attribuable à la majorité de ce que, au lieu de cela, en tout ou en partie, doit être partagé avec
l'opposition, sans tomber dans les extrêmes de la puissance excessive des partis de gouvernement ou
du retour à des schémas associatifs. Nous nous référons, en particulier, aux principes et aux droits
qui sont le fondement de la démocratie et qui identifient les traits qui composent notre système
politique et institutionnel. Pourtant, même sur ce front, il y eu des conflits déchirants, en particulier
sur le rapport entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique ou sur l'image et les engagements
internationaux de notre pays.
Pour le reste, les statistiques montrent que les députés, par rapport à une plus grande utilisation de la
part de l'opposition à la présentation des projets de loi, motions, interpellations, questions et
résolutions, par contre la majorité parlementaire peut, grâce à une plus grande et plus rapide
implémentation des calendriers des travaux, approuver des initiatives législatives du gouvernement
(en particulier les projets de loi de conversion des décrets-loi), ne renonçant pas à introduire des
changements dans l'examen parlementaire, parfois exigés par le gouvernement. Cela est
particulièrement vrai dans la procédure de conversion décret-loi, étant donné la quantité de temps de
l'examen.
2) En dehors des institutions politiques
L'activité de protestation tenue par l'opposition à l'extérieur des institutions politiques dans le respect
de la loi souffre d'une certaine marginalité car elle n’est généralement pas prise en compte ou est
sous-estimée. Les mêmes formes extrêmes de protestation, expérimentées par l'opposition dans
certains cas afin de sensibiliser le public, tels que la publication de la presse politiciens payés dans les
principaux journaux nationaux ou organiser des sit-in de protestation devant le siège des institutions
(Parlement, Gouvernement, Présidence de la République), si elles sont répétées dans le temps,
finissent par suivre un certain ritualisme qui finit par enlever leur effet désiré.
Le phénomène de protestation avec la renonciation à voter, par l'abstention lors du vote (le vote
n’étant plus une obligation, mais un devoir civique « dont le libre exercice doit être garanti et promu
par la République » (Art 4 du Texte unique de la loi électorale pour la Chambre des députés) ou de
voter blanc ou nul, bien que considérablement augmenté au cours des dernières élections en raison
de la méfiance de plus en plus répandue entourant les institutions et les partis qui les animent, même
dans certaines élections régionales telle à surmonter la barrière de 50% de représentation, n'a pas eu
une répercussion particulière au-delà des commentaires épisodiques alarmés par les politiciens.
En ce qui concerne, au contraire, les formes de protestation conduites illégalement par l'opposition
en dehors des institutions politiques, en tant que telles subissent les types de sanctions communes
notamment pénales et administratives. Cependant, ces phénomènes presque toujours isolés, résultat
d'initiatives individuelles sporadiques, à l'exception de l'opposition dirigée par le Parti radical, qui a
toujours considéré la désobéissance civile comme l’une des formes principales d'appui pour ses
batailles dans le domaine des droits civils (l'avortement, le divorce, la libéralisation des drogues
douces, l'euthanasie, la procréation assistée, etc.). En absence, en fait, d’une saisine directe, le seul
moyen pour l'opposition pour demander à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la légitimité
— 124 —
Italie
des lois jugées contraires à la Constitution est de provoquer instrumentalement un conflit judiciaire
où soulever la question de la constitutionnalité.
Enfin, en ce qui concerne le droit collectif de la résistance, la Constitution italienne, contrairement à
d'autres, n’y fait pas spécifiquement référence. Elle n'a, jusqu'à présent, pas non plus été reconnue
par les tribunaux (mais voir le courant cas judiciaire en cours contre ceux qui s’opposent à la
construction d'un chemin de fer à grande vitesse Turin -.Lyon, qui invoquent précisément le droit de
résistance contre un acte qui, bien que confirmé légitime dans le tribunal, ils considèrent comme un
abus de pouvoir, contre lequel, en l'absence d'autres instruments de garantie, il serait légitime de
réagir de manière violente). Plutôt, au droit de résistance individuelle se réfèrent les dispositions qui
excluent les crimes de violence, les menaces, la résistance et l’outrage à un fonctionnaire public si il
« a donné cause au fait (...) avec des actes arbitraires en dépassant les limites de ses pouvoirs » (art.
393-bis cod. pen.) ou qui ne punissent pas ceux qui ne respectent pas des ordre illégaux de l'autorité
(art. 650 cod. pen.), Enfin, la personne qui exerce le droit à la résistance commet une infraction
politique pour laquelle il ne peut être extradé ou privé de la citoyenneté (art. 10 y 26 Const.).
Chapitre 2 deuxième Partie
Le Statut de l’opposition dans la perspective de la réforme électorale et constitutionnelle
(de Stefano Ceccanti)
La réforme électorale en cours d’approbation par la Chambre des députés se réfère uniquement à la
Chambre des députés, car elle présuppose l’approbation finale dans les mois suivants de la réforme
constitutionnelle (actuellement devant le Sénat) qui va transformer la seconde Chambre dans une
assemblée parlementaire des autonomies régionales et municipales, non plus liée au gouvernement
par le rapport de confiance.
La formule est à majorité garantie : la liste la plus votée serait affectée de 54% des sièges, les 46%
restants seraient attribués à toutes les autres listes qui avaient dépassé 3%. Pour obtenir le prix de
majorité, la liste la plus votée doit dépasser 40% des voix au premier tour du scrutin ; en l’absence de
cette exigence a lieu un deuxième tour entre les deux listes nationales les plus votées au premier tour,
sans possibilité d’apparentements entre les deux tours.
Cette formule électorale est donc en mesure de désigner un gagnant clair des élections nationales,
tandis que le cadre des forces supplémentaires destinées à l’opposition pourrait être fragmenté.
Même le cadre de l’offre politique et les résultats pratiques de 2013 avaient abouti à un équilibre
autour de trois pôles principaux : le centre (Pd et liste plus radicale de Vendola, Gauche écologie et
liberté, qui se sont séparés avec la formation du gouvernement Letta), centre-droit (PDL de
Berlusconi, ensuite clivé dans Forza Italie et Nouveau Centre-droit, avec la Ligue du Nord),
Mouvement cinq étoiles. Certaines forces, notamment le Ncd, qui fait partie du gouvernement de
coalition, ont accepté le principe d’une loi à majorité garantie pour la première liste en échange d’un
seuil bas qui garanti un accès pluriel à plusieurs minorités. Évidemment, ce choix, s’il donne d’une
part plus de rôles aux forces mineures, il est d’autre part susceptible de fragmenter le cadre des forces
de l’opposition, rendant politiquement plus forte la position de la liste de majorité.
La majorité garantie à la première liste n’est cependant pas suffisante à lui permettre d’élire seule les
organes de garantie : ni les cinq juges constitutionnels d’élection parlementaire (pour lesquels le
quorum final reste à 60% des membres des Chambres selon l’art. 3 de la loi constitutionnelle
2/1967), ni les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature élus par le Parlement (pour lesquels
le quorum est de 60% du vote des parlementaires présents, conformément à l’art. 22 de la loi 24
Mars 1958, n. 195), ni le Président de la République. Pour ce dernier (nouveau dernier alinéa de l’art.
83), le quorum est le même seuil maximum que pour le CSM, avec un souci critiqué comme hypergarantiste par une partie de la doctrine (De Siervo ( 16 ) Ceccanti ( 17 )) de manière que pour
déverrouiller l’élection on devrait accéder à une désignation de groupes d’opposition.
16 )
http://www.lastampa.it/2015/02/10/cultura/opinioni/editoriali/riforme-la-fretta-mette-a-rischio-la-funzionalitT6iWKNcDN3FBMlpgnCTVDN/pagina.html
17) http://www.huffingtonpost.it/stefano-ceccanti/riforma-costituzionale-leggere-direttamente-testi_b_6697496.html
— 125 —
Italie
L’article clé de la réforme constitutionnelle pour le thème en question est le nouveau paragraphe 2 de
l’art. 64 selon lequel « Les règlements des Chambres garantissent les droits des minorités
parlementaires. Le règlement de la Chambre des députés régit le statut des oppositions ». Ce sont les
principes généraux qui devraient ensuite inspirer la réforme des Règlements après la réforme. La
notion d’opposition est réservée uniquement à la Chambre car elle a l’exclusivité du rapport de
confiance ; l’utilisation est au pluriel parce que la fragmentation actuelle des groupes d’opposition
semble conduire plus à niveler leur statut qu’à favoriser le statut du groupe majeur entre eux comme
dans les parlements anglo-saxons. Peu clair, c’est plutôt l’utilisation du même terme « minorité » qui
se fera, soit par la Chambre avec le rapport de confiance (qui pourrait en tout cas affecter le statut
des groupes qui, a priori, ne veulent pas être placés ni dans la majorité ni dans l’opposition), soit par le
Sénat (qui pourrait comprendre tous les groupes différents de la majorité de la Chambre, soit
constitués sur une base politique, soit régionale, compte tenu des particularités d’une telle
Assemblée).
Le rôle des minorités diffusées dans le pays est par contre affirmé soit par l’obligation affirmée à
préciser dans les règlements parlementaires les formes et les limites des propositions de loi populaire
(nouvel art. 71 § 2 : pour en empêcher l’inflation le nombre de signatures est augmenté de 50.000 à
150.000) soit surtout par la nouvelle réglementation des référendums (lorsque le nombre de
signatures dépasse 800.000, le quorum de participation diminue à la moitié plus un des personnes qui
avaient voté lors de l’élection politique précédente selon le nouveau paragraphe 3 de l’art. 75).
Dans le cas où la Chambre ne connaît pas une telle majorité, ne doit pas être sous-estimée en termes
de droit de veto des groupes définis comme minorité du Sénat (dans le sens indiqué ci-dessus, mais
en réalité, la majorité dans cette assemblée) la liste des matières qui restent à bicamérisme paritaire
dans le premier paragraphe du nouvel article 70 (en commençant par les lois constitutionnelles et la
révision de la Constitution, auxquelles s’ajoutent les lois relatives aux traités de l’Union européenne ;
nouveau texte de l’art. 80). Une liste qui, toutefois, par rapport aux projets précédents de révision
constitutionnelle après 1993, encore fils d’une polémique dure entre les pôles opposés, apparaît
néanmoins beaucoup plus limitée (18).
Un nouveau contre-pouvoir confié dans les faits à des groupes de l’opposition et de minorité est le
nouveau contrôle préventif de constitutionnalité qui est introduit uniquement pour les lois électorales
des chambres, soit à régime (nouveau paragraphe 2 de l’art. 73 sur saisine par un quart des députés
ou par un tiers des sénateurs), soit comme une règle transitoire sur les lois applicables au moment de
l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle (paragraphe 9 bis de l’art. 39 du projet).
Une innovation qui a cependant suscité des critiques, y compris celle du président de la Cour
constitutionnelle, qui a souligné le risque de glisser cet organe de garantie au cœur d’un conflit
politique (19).
Une plus grande protection indirecte du rôle des groupes minoritaires et de l’opposition est
également donnée par les principales limites introduites par la Constitution sur l’utilisation de
décrets-lois (nouveaux paragraphes 4 et 6 de l’art. 77), mais en même temps en permettant au
gouvernement d’avoir une date fixe pour le vote des ses projets de loi (nouveau dernier alinéa de
l’art. 72).
Ainsi donc, même si le cœur de la question que nous examinons est confié au développement
successif dans la réforme ultérieure des Règlements, et si certaines des propositions ont suscité des
controverses, émergent déjà de la conjonction des deux réformes quelques principes intéressants qui
ont tendance à surmonter la réticence générale à distinguer rôles et fonctions des groupes en
fonction de leur collocation par rapport au rapport de confiance.
18
http://www.federalismi.it/nv14/articolodocumento.cfm?Artid=29070&content=Riforma+istituzionale:+l%27intreccio+ineludibile+tra+tecnica+e+politica+e+i
+criteri+di+giudizio&content_author=%3Cb%3EStefano+Ceccanti%3C/b%3E
19) http://www.repubblica.it/politica/2015/03/12/news/legge_elettorale_criscuolo-109352278/
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Italie
III.
LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION (Salvatore Curreri)
A. Les mutations structurelles
Alors qu’en Italie, depuis la guerre, il n’existe que trois lois électorales nationales différentes, et
que l’approbation s’une quatrième semble imminente, il ne semble pas qu’elles n’aient jamais
contribué à la sous-représentation de manière significative de la présence de l’opposition au
Parlement, même si, avec les réformes électorales de 1993 et 2005, nous avons voulu renforcer la
majorité gouvernementale au détriment des minorités.
Cela n’a certainement pas affecté l’opposition les lois pour l’élection de la Chambre des Députés
et du Sénat, approuvées en 1948 et restées en vigueur jusqu’en 1993, qui favorisaient la
représentation au détriment de la gouvernabilité, grâce au fait que de nombreux députés (945: 630
députés et 315 sénateurs) étaient élus en circonscriptions plurinominales de grande taille (31 à la
Chambre, 19 au Sénat), d’ampleur moyenne élevée (20 à la Chambre, 16 au Sénat) et les formules
proportionnelles (du droit à la Chambre : méthode du quotient naturel, avec récupération des restes
au niveau national ; en fait, le Sénat, où, si aucun candidat n’atteignait 65% des voix - ce qui était
rarement le cas - appliquée pour l’attribution des sièges à la méthode d’Hondt). Circonscriptions,
toutefois, où les sièges, par Constitution (art. 56.4 et 57.4), étaient répartis sur la base de la
population résidente (et non au nombre d’électeurs), chose qui empêchait des possibles
malapportionment (20). Tout favorisait l’accès des minorités au Parlement : il était prévu que pour
accéder à la répartition des sièges à la Chambre, il suffisait d’obtenir 300 000 votes valides et le
quorum dans une circonscription (seulement 65 000 votes dans les plus grandes).
Jusqu’en 1992, donc, il existait un système politique qui, pour consolider les institutions
démocratiques, favorisait le pluripartisme au détriment de la stabilité du gouvernement. Les
oppositions politiques étaient présentes au Parlement, mais exclues du gouvernement (cd conventio ad
excludendum) parce que retenues, pour des raisons de politique intérieure et internationale, non
fiables : à gauche le Parti communiste et à droite le Mouvement social italien – Droite Nationale. En
dérivait une démocratie parlementaire sans aucune alternative, verrouillée, aux fréquentes crises de
gouvernement en raison des conflits pérennes à la fois dans le parti de la majorité, les démocrateschrétiens, et à la fois entre elle et ses partenaires traditionnels de gouvernement (socialistes, sociauxdémocrates, républicains et libéraux). Contrastes qui, souvent, dans la législature, ont été surmontés
grâce à la négociation avec le principal parti d’opposition (conventio ad consociandum).
Le « besoin de parvenir aux gouvernements stables et d’alternance, comme cela se passe dans les
grandes démocraties européennes, est à la base du succès inattendu des initiatives référendaire de
1991 et 1993, avec lesquelles les italiens avaient supprimé respectivement les votes multiples de
préférence (comme une source de conflit au sein des partis et de l’augmentation des dépenses
électorales, qui favorisaient la corruption) et la formule de représentation proportionnelle, soulignant
ainsi la nécessité d’un système politique différent, plus simplifié et plus bipolaire.
Passée dans la vague de la réussite du référendum, la réforme électorale de 1993 (cd loi Mattarella,
du nom de son auteur, l’actuel président de la République) devait, aux yeux du public, atteindre des
objectifs ambitieux : réduire la fragmentation du système des partis, assurer un système de
multipartisme modéré ; assurer des gouvernements plus stables et, par conséquent, plus efficaces ;
moraliser la vie publique à travers un changement de classe politique, en terminant avec le l’existence
20)
La réforme électorale actuelle prévoit que les sièges attribués au niveau national ne soient pas assignés directement
dans les circonscriptions, mais, en leur sein, dans les 100 nouvelles circonscriptions plurinominales, de manière à avoir
des listes courtes de candidats, requis par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt n. 1/2014. Ces circonscriptions
plurinominales seront conçues par le gouvernement avec le décret législatif et leur nombre est fixé en proportion du
nombre de sièges attribués à chacune des circonscriptions (correspondant aux 20 régions actuelles) sur la base de la
population résidente. Ainsi, par exemple, en Campanie, dans la circonscription de laquelle sont attribués presque un
dixième du total des sièges, sera mis en place un dixième de circonscriptions plurinominales (10/100). Aussi, pour éviter
les phénomènes de malapportionment, il est prévu que chaque circonscription puisse s’écarter au maximum de 20% de la
moyenne régionale de la population des circonscriptions, afin d’exclure que, dans le même district régional, il y ait des
circonscriptions appelés à élire trois députés et d’autre appelées à en élire neuf ; v. N. MACCALLÈ, Italicum: i collegi
plurinominali ed il venir meno del vincolo territoriale, dans cise.it, 10.4.2015.
— 127 —
Italie
de multiples courants, laquelle minait les partis dans leurs membres et qui compliquait les relations
mutuelles, en rapprochant le lien entre le parlementaire et le territoire.
Le résultat était un système électoral mixte, principalement majoritaire qui, pour concilier la
représentation et la gouvernance, prévoyait l’assignation de trois-quarts des sièges dans le même
nombre de circonscriptions uninominales avec la méthode plurality et le quart restant des sièges avec
une formule proportionnelle.
Un système électoral par rapport au précédent, certainement plus sélectif pour l’opposition, mais
pas pour autant pénalisant, pour trois raisons. Tout d’abord, accéder à la répartition proportionnelle
des sièges qui a été fixé un seuil minimum, n’est pas insurmontable (4% à la Chambre, en fait au
Sénat). Deuxièmement, et plus important encore, les forces politiques mineures avaient bon jeu
d’exiger de ceux plus grands le soutien pour leurs candidats dans certaines circonscriptions
uninominales en échange de leur entrée dans la coalition (ou, au moins, de leur engagement à ne pas
présenter leurs candidats : cd désistances), souvent décisifs pour la victoire des circonscriptions
incertaines. Chose qui, entre autres, a contribué à faire moins conflictuelle le même périmètre, pour
la première fois, des circonscriptions uninominales, sans que cela donnait lieu à des allégations de
gerrymandering ( 21 ). Troisièmement, les circonscriptions uninominales périmaient ces forces de
protestation (la Ligue du Nord en particulier) qui concentrent leur consensus sur une partie du
territoire national. Merci donc à cette « proportionnalisation du majoritaire », au lieu d’entre deux
parties, la concurrence dans les circonscriptions uninominales était entre deux grandes coalitions
électorales rapiécés, bonnes pour gagner, mais incapables de gouverner, en tant que telles touchées
par la même division de celles de la c- d- Première République. En fait, ce deuxième système de
partis ne marginait donc pas l’opposition, sauf dans le sens où, comme la majorité, il reproduisait la
fragmentation dans la même coalition politique. Cela ne l’a pas empêché de se présenter comme un
gouvernement alternatif victorieux (donc en 1996, le centre-gauche dirigé par Romano Prodi a battu
le gouvernement de centre-droit dirigée par Berlusconi, qui à son tour en 2001 a battu le
gouvernement dell’uscente de centre-gauche Rutelli).
Un système, donc, qui favorisait, mais n’assurait pas la majorité des sièges à ceux qui avaient
remporté les élections. Par contre, né pour ne pas éviter (même à travers la partie proportionnelle) ce
qu’il imaginait être la future structure tripolaire du système politique, avec un pôle central dirigé par
le Parti populaire, né des cendres de la Démocratie chrétienne. En fait, trois étaient le pôle qui se
sont présentés dans les premières élections de 27-28 Mars 1994, où, cependant, le succès inattendu et
fort de Berlusconi, capable d’unir sous sa direction Forza Italie, qu’il a fondée, la Ligue du Nord et
l’Alliance nationale, ont contribué à consolider le système dans une perspective bipolaire, reléguant
ainsi le bord du système au fil du temps ces forces politiques qui avaient essayé d’utiliser le potentiel
de la nouvelle loi électorale pour créer un troisième pôle avec lequel il aurait été nécessaire de former
une alliance pour former le gouvernement. Ce qui s’est passé en 1994 au Pacte pour l’Italie dirigée
par Segni (seulement 46 députés et 31 sénateurs), aux élections générales successives du 21 Avril
1996, c’est passé à la Ligue du Nord de Bossi, qui s’est présentée seule après la rupture avec
Berlusconi (59 députés et 27 sénateurs), et enfin en 2001 à l’Italie des valeurs de Di Pietro aux
centristes de Democrazia Europea dirigés par D’Antoni.
La deuxième réforme du système électoral, approuvée en 2005 (loi n. 270, cd Calderoli du nom de
son auteur) était approuvée à la majorité alors de centre-droit (22) pour limiter ce qui était attendu
alors, une grande victoire du centre-gauche. Elle introduisait un système proportionnel mais avec
effets majoritaires : a) la majorité de la prime accordée à la liste ou de la coalition répertorie le plus de
21) Cependant, il reste à voir comment le gouvernement, si la nouvelle réforme électorale est approuvée, créera les
nouvelles circonscriptions plurinominales (v. supra, note 1), puisque leur nombre (100) ne correspond pas aux provinces
actuelles (110).
22) En effet, la l. 270/2005 a été la réforme électorale approuvée par le plus grand consensus (à la Chambre a voté en
faveur de 51,3% des députés). Donc pas le cas pour la réforme électorale de 1993 (favorable à la Chambre 39,4% des
députés) ni les lois qui ont introduit l’élection directe des maires (l. 81/1993) et les présidents des régions (l. 43 / 1995),
approuvés par la Chambre, respectivement, avec 46,8% et 42,4% des députés. Ce qui montre que les lois électorales, en
l’absence de la voile de l’ignorance, ont toujours été approuvés uniquement avec le consentement de ceux qui croient
qu’ils ont bénéficié électoralement; v. R. D’ALIMONTE, Riforme elettorali, prevale sempre l’interesse di partito, dans Il Sole – 24
Ore, 12 avril 2015, p. 8.
— 128 —
Italie
voix (pas de seuil minimum) au niveau national à la Chambre (340 sièges sur 630) ou régionale au
Sénat (55% des sièges) ; b) les seuils variables de barrage : pour les listes non coalisées 4% et 8% à la
Chambre et au Sénat ; mais il suffisait de se coaliser pour réduites les seuils (3% au Sénat, 2% à la
Chambre, avec une dérogation pour la liste plus votée dans chaque coalition au dessous des 2%) à
condition que la coalition ait obtenu 10% des votes à la Chambre et 20% au Sénat . En outre, le
mécanisme pour l’attribution des sièges était de haut en bas, donc la première remportait le prix de la
coalition de la majorité et sur cette base les sièges étaient répartis entre les circonscriptions (réduction
de 32 à 27 à la Chambre, toujours 20 le Sénat) et, dans ce dernier, répartis entre les listes de la
coalition.
Il était, par conséquent, une formule à des effets électoraux sur le système politique le plus
bipolaires parce que, contrairement à la précédente, a assuré au vainqueur de l’élection d’un
gouvernement majoritaire à la Chambre, mais pas au Sénat, où la somme des prix de majorité
régionaux pouvait conduire à des équilibres beaucoup plus incertaines. Ce est ce qui s’est passé lors
des élections de 9-10 avril 2006, lorsque le centre-gauche au Sénat pouvait compter sur seulement
159 sièges contre 156 du centre-droit, et même dans les dernières des 24 et 25 février 2013, lorsque
au Sénat le centre-gauche a remporté 123 sièges, le centre-droit 117 et le Mouvement 5 Étoiles 54.
En outre, l’introduction de la prime majoritaire conduit les parties à se joindre à deux maxicoalitions, numériquement utiles pour gagner les élections mais mauvais pour gouverner parce que le
fragmentées à leur intérieur et puis, comme il était facile de prédire, très conflictuelles.
Une forte incitation à le faire a certainement été donné par le seuil électoral inférieur prévue pour
les listes coalisées (2% à la Chambre, le Sénat 3%) par rapport aux non-coalisées (respectivement 4%
et 8%). Ces derniers, cependant, ne sont pas tels à empêcher l’accès aux forces politiques au
Parlement qui ont l’intention d’aller seules, non coalisées. Il en était ainsi dans l’élection générale de
2008 pour l’Union du centre (qui a remporté 36 sièges à la Chambre et trois au Sénat), et, en fait, le
Mouvement 5 étoiles qui dans l’élection générale de 2013, allant contre tout le courant système
politique et en utilisant les thèmes « anti-système », a obtenu 108 députés à la Chambre et 54 sièges
au Sénat. En outre, comme arrivait avec la loi électorale précédente, même les micro-partis peuvent
contourner le seuil électoral en se connectant à une coalition, en échange de la nomination de leurs
dirigeants dans les listes des grands partis (cd imbucati), de manière à être élu et, grâce à des
règlements internes laxistes des deux Chambres, constituer des groupes autonomes en leur sein ou,
au moins, des composantes politiques au sein du groupe mixte.
À cet égard, par conséquent, la loi électorale, si d’un côté, malgré diverses contradictions, a
façonné le système politique dans une structure, si ce n’est pas bipartite, au moins bipolaire, n’a pas
empêché, ni ne pouvait éviter, l’affirmation des troisièmes forces ou en désaccord avec les deux pôles
du centre - droite et du centre - gauche mais toujours places suivant tel clivage, ou par rapport à lui
complètement alternatives, comme dans le cas du Mouvement 5 étoiles, parce qu’ils ont été causés
par de nouvelles fractures par rapport aux formes traditionnelles de représentation politique, au
pouvoir de décision des institutions européennes, à l’ensemble de la classe dirigeante.
Il convient également de noter que la réforme électorale actuellement en cours d’approbation à la
Chambre introduit un changement significatif en ce qui concerne la répartition des sièges entre la
majorité et l’opposition : le prime de majorité de 340 sièges, en fait, irait non pas à la coalition, mais à
la liste gagnante au premier tour au moins avec 40% des votes valides (l’absence de quorum avait été
censurée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt n° 1/2014). Ou, à défaut, remportant le second
tour de scrutin 15 jours plus tard avec interdiction d’apparentements dans l’intervalle afin de ne pas
bénéficier de la position avantageuse des petits partis. Les principaux partis sont en mesure, alors,
cette fois d’échapper à l’étreinte mortelle des petits partis, empêchant ainsi que d’une liste de
coalition on puisse passer à un coalition de listes. Encore une fois, cependant, cette disposition, si elle
renforce qui gagne l’élection, ne pénalise pas ceux qui perdent, vu que les 290 sièges restants seraient
attribués aux listes défaites à condition qu’ils aient passé le seuil électoral de 3%, plus faible que
l’actuel 4% pour les listes qui ne sont pas en coalition. Seuil jugé trop faible et donc critiqué parce
que fragmenterait l’opposition, en les affaiblissant, par rapport à la majorité renforcée (23).
23)
V. A. PANEBIANCO, La scomparsa dell’opposizione, dans Corriere della Sera, 7 janvier 2015, p. 1-29.
— 129 —
Italie
Pour éviter cela, plutôt qu’une augmentation de plus d’un ou deux points de pourcentage du seuil
minimum, il conviendrait de récompenser, en plus de la majorité, la meilleure liste perdante (24). Ceci,
cependant, semble le résultat d’une « sur-ingénierie de l’élection, qui finirait par remplacer une
évolution naturelle dans le sens du bipartisme, induite dans le système politique par la prévision de la
prime majoritaire dans le nouveau système électoral »(25), avec l’introduction d’une autre modification
de la volonté électorale, d’autant plus faussée lorsque, comme dans la situation actuelle, le système
n’est plus bipolaire mais tripolaire, après l’entrée dans l’arène politique du M5S.
S’il y a encore un phénomène qui unit l’ensemble du système politique, c’est certainement la
personnalisation de la compétition politique, en raison de l’importance croissante de la
communication télévisuelle. Par conséquent, les partis d’opposition, comme ceux de la majorité, sont
dirigés par les chefs qui sont proposés comme futurs premiers ministres. L’identification entre
leadership et de premiership était en effet à la base de l’alternance, guide du gouvernement de centregauche actuel, entre Letta et Renzi. Ce dernier, en effet, a d’abord remporté le secrétariat du parti de
la majorité, remportant les primaires du Parti démocrate, puis, sur la base de ce leadership, a
revendiqué le poste de président du Conseil, en réalisant ainsi pour une quatrième fois en Italie (après
De Gasperi (10.12.1945-17.8.1953), Fanfani (1.7.1958- 31.1.1959) et De Mita (13.4.1988-22.7.1989),
ce qui, dans d’autres démocraties européennes est la norme, c’est-à-dire l’attribution de la direction
du gouvernement au chef du parti de la majorité(26).
L’identification entre le leadership et le premier ministre est en effet sanctionnée par la même loi
électorale en vigueur, qui oblige les partis ou groupes politiques organisés, qui, seuls ou dans les
coalition s’engagent à gouverner, à déposer, ainsi que la marque, le programme électoral dans lequel
indiquer le nom et prénom de la personne indiquée par eux respectivement à la tête de la force
politique ou comme seul chef de la coalition (art. 14-bis texte unique de la loi électorale pour la
Chambre). Le nom de ce chef n’est pas signalé, cependant, ni sur le bulletin de vote, ou sur des
affiches, au moins formellement, les pouvoirs prévus par l’art. 92,2 Cost. (sur le symbole indiqué
dans le bulletin de vote, les partis ont en tout cas pris l’habitude d’indiquer le nom de leur leader),
c’est-à-dire que c’est le président qui nomme le Premier ministre, même si sous ce mécanisme, il est
indirectement nommé par les électeurs qui ont récompensé la liste ou les listes de la coalition dirigée
par lui.
Si le chef qui gagne l’élection devient Premier, le meilleur perdant qui renonce à jouer le rôle de
chef de l’opposition (comme ce qui est toujours arrivé au centre-gauche) ou, en l’absence de
reconnaissance formelle, en fait assume ce rôle en vertu du « leadership inchangé » (dans le cas de
Berlusconi qui, bien qu’étant en déclin politique, conserve ce rôle en l’absence d’un leader de
remplacement). Pour être complet, il convient de noter que le rôle de chef de l’opposition a été reconnu
au niveau régional, où, en tant que candidat à la présidence du meilleur vaincu, il a réservé un siège
spécial sur le conseil régional (v. La disposition transitoire prévue art. 5,1 l. Cost. 1/1999 puis mis en
œuvre dans de nombreuses régions) (27). Il ne semble pas que cette reconnaissance formelle ait
cependant renforcé tel rôle parce qu’évidemment, « n’est pas important que le perdant devient chef
de l’opposition, mais plutôt que soit le chef du candidat de l’opposition à devenir président » du
Conseil ou région (28).
En conclusion, le système politique et électoral ne pénalise en Italie aucune opposition, ni
spécialement les nouvelles oppositions, qui, en effet, sont avantagées dans l’exercice de leurs
fonctions de contrôle et de critiques par l’existence des majorités plus certaines mais pas plus
cohérentes et stables. Il convient de savoir si la transformation du système politique de bipolaire à
24)
V. M. AINIS, Le travi che accecano la nuova legge elettorale, dans Corriere della sera, 13 avril 2015, p. 1-25
V. R. D’ALIMONTE , Non è il 3% a rendere più debole la destra , dans Il Sole – 24 Ore , 9 janvier 2015, p. 1-23; ID., Così il
sistema di voto porterà al bipartitismo, dans Il Sole – 24 Ore, 19 Avril 2015, p. 6.
26) Cette identification est désormais officiellement sanctionnée par l’art. 3 du Statut du Parti démocratique, selon laquelle
« le Secrétaire national (...) est proposé par le Parti comme un candidat pour le poste de Président du Conseil ».
27) Cfr.artt. 13.1 St. Abruzzo e 29.2 St. Emilia Romagna et et les lois électorales de la Toscana, Lazio (art. 2.5 legge
2/2005), Puglia (art. 2.9 legge 2/2005), Sicilia (art. 1-bis.11 e 2-ter.2 lett. b) legge reg. 8/2005) Campania (art. 14-bis reg.
Cons. reg.le), Calabria e Marche.
28) D. P ARIS , La reconnaissance de l’opposition qui d’acteur institutionnel dans les nouveaux statuts régionaux , dans les Carnets
régionales , 2006, n. 1, 103 s.
25)
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Italie
tripolaire se traduira par un avantage des majorités de gouvernement grâce à la nouvelle réforme
électorale ou, si elle n’est pas approuvé, va forcer des alliances contre nature et continues entre les
factions opposées du centre-droit et centre-gauche.
B. Les changements fonctionnels
B.1 - Changements des lieux
De même pour ce qui se passe dans d’autres grandes démocraties européennes, même le
Parlement italien souffre d’une crise d’identité qui investit les fonctions traditionnelles identifiées par
Bagehot en 1867 ( 29 ) et qui lui ont fait perdre, à certains égards, mythifiée, sa centralité
institutionnelle. La fonction législative est migrée vers d’autres institutions : le gouvernement, qui fait
un usage intensif des décrets-lois et d’ordonnances ; les régions, dont le pouvoir législatif est
augmenté après la réforme constitutionnelle approuvée en 2001 ; l’Union européenne ; les autorités
de régulation indépendantes dans leurs domaine ; les protagonistes des relations industrielles
(gouvernement, syndicats, organisations professionnelles). La fonction d’investiture des
gouvernements s’est déplacée efficacement auprès des électeurs qui, grâce au système électoral,
choisissent la majorité du gouvernement et en tant que Président du Conseil, son leader. Enfin, la
fonction de l’information et de l’éducation est remplacée par la télévision. Dans ce scénario, ou en
l’absence d’une loi qui autorise « l’opposition à jouer pour garantie et incivilité ses fonctions de
contrôle et de critique de la majorité », elles sont souvent exercées dans les lieux extraparlementaires,
et en particulier dans les cd- talk-show de la télévision, en les couvrant ainsi dans la logique de la
communication et dramatisation propre de ce média, parfois même reportée au Parlement (slogans,
banderoles, bavoirs, etc.), qui devient ainsi un lieu non de médiation, mais du jeu de la lutte politique.
De ce qui précède, suit l’importance du traitement médiatique des parties, en particulier dans un
pays où l’(ancien) leader du centre-droit politique est le propriétaire du plus grande groupe de
télévision privée opposé au groupe public. A cette situation n’ont pas répondu efficacement les deux
lois adoptées par les gouvernements de centre-droit dans la XIVe législature : ni la loi n. 215/2004
sur le soi-disant conflit d’intérêts (qui interdit aux titulaires de postes gouvernementaux qui ont des
postes de direction au sein d’une entreprise, mais pas le posséder), ni la loi n. 112/2004 de la réforme
de la radiodiffusion qui, tout en ouvrant le marché à de nouveaux opérateurs grâce à la technique de
transmission numérique, a confirmé le duopole actuel entre la RAI et Mediaset concernant le marché
des ressources publicitaires. Plutôt dans la précédente XIIIe législature la majorité de centre-gauche a
approuvé la loi no. 28/2000 (dite par condicio) visant à garantir le pluralisme des programmes de
télévision à travers une politique de juste traitement médiatique entre les forces politiques, et surtout
à ceux défavorables au centre-droit, à l’égard de leurs messages autogérées et de la communication
tant à l’extérieur que pendant la période électorale. Cette loi, toutefois, n’a pas empêché l’information
politique déséquilibrée, parce que sanctionnée inefficacement et seulement ex post.
Enfin, à l’égard du gouvernement « en tant que lieu », il n’y a pas de règles, pas de coutumes ou
conventions qui permettent à l’opposition de participer aux activités du gouvernement. Plutôt, en
présence de scénarios de crises internes ou internationaux d’une gravité particulière, est le chef de
l’Etat, en tant que décideur schimittien du système, qui s’est engagé à consulter, ainsi que le président
du Conseil, les principaux dirigeants politiques, en particulier ceux de l’opposition. Aussi, des
contacts entre la majorité au pouvoir et l’opposition sont établis de manière informelle lorsque les
Chambres siègent en commun en devant élire les membres des organes constitutionnels de garantie dont le Président de la République, cinq des quinze juges de la Cour constitutionnelle, huit des vingtquatre membres Conseil de la magistrature - ou lorsque l’on doit procéder à la nomination des
membres des autorités administratives indépendantes, dans le but de parvenir à l’identification des
candidats possibles mutuellement partagés, ou du moins sur lesquels il n’y ait pas de véto.
29)
« Il faut élire un bon ministère, bien légiférer, bien enseigner à la nation, bien exprimer les volontés de la nation, bien
porter les questions à l’attention de la nation ».
— 131 —
Italie
B.2 – L’évolution des moyens
À la lumière de ce qu’on a observé précédemment en relation avec les changements dans la loi
électorale et les conséquences qu’ils ont eues dans la dynamique du système politique, il est clair que
la transition d’une structure à multipartisme extrême, comme en l’espèce jusqu’en 1992, à un système
bipolaire, induit par la réforme majoritaire du 1993 et confirmé par la réforme électorale de 2005, a
abouti à la transformation du système parlementaire de consensuel à majoritaire. En ce sens, donc, la
ligne de démarcation entre la majorité et l’opposition a certainement été épaissie, mais pas en mesure
d’empêcher qu’elle soit traversée par des composantes politique dissidentes, attirées dans l’orbite du
gouvernement, ou par des transfuges parlementaires, à la recherche d’une meilleure fortune. Cela
conduit à se repositionner politiquement en vue de la prochaine élection générale.
La tendance à la bipolarisation de la compétition politique a donc invité les partis d’opposition à
prendre des positions d’opposition forte à la place de la collaboration/consolidation vers le
gouvernement. Mais nous devons constater que la cd vocation majoritaire, à savoir la tentative par le
principal parti de l’un des deux côtés d’agir comme un point de référence pour l’ensemble de son
pôle, a été poursuivi dans une façon plus convaincue, malgré les incertitudes, par le centre-gauche (en
fait aujourd’hui dominant dans ce domaine) que par le centre-droit (qui apparaît en retrait et
querelleur, également, comme mentionné, pour la perte de l’autorité de la direction traditionnelle de
Berlusconi).
Cette dynamique bipolaire, qui semblait bien établie, est cependant entrée en crise, comme le reste
des principales démocraties parlementaires par référence à la UE, suite à l’affirmation électorale de
troisième forces anti-système, comme le Mouvement 5 étoiles, dont la réticence à entrer au
gouvernement a conduit à la formation d’un gouvernement de grande coalition entre le centregauche et une partie du centre-droit, qui s’est détachée de la direction de Berlusconi.
Dans ce contexte, l’utilisation de pratiques d’obstruction (à travers la présentation et l’illustration
de milliers d’amendements, des rappels aux règlements, ou vérification du quorum), dans les limites
dans lesquelles les règlements des Chambres leur permettent, n’est pas une déviation temporaire et
exceptionnelle d’une opposition généralement dialoguant avec la majorité, mais une radicalisation
délibérée de la lutte politique qui est utilisée non pas tant pour empêcher la majorité de décider –
l’obstructionnisme pouvant bien justifier l’utilisation de contre-mesures adéquates et non indésirables
pour la majorité prévues par le même règlement (quota de temps, la session sans conclusion, la
confiance-disant technique) – mais plutôt pour la mettre en difficulté avant les électeurs, vers lesquels
est délivré un signal d’avertissement sur les allégations à propos des prétendus abus qu’elle aurait
commis. Encore une fois, cependant, nous devons souligner que l’entrée en scène d’une force antisystème comme le M5S a marqué un recours plus fréquent à des pratiques obstructives pas tellement
pour influencer l’activité parlementaire, mais plutôt pour mieux marquer leur différence aux yeux de
l’opinion publique. L’abus des ces pratiques, cependant, risques de les banaliser, en leur faisant
perdre les caractéristiques d’exception, desquelles, finalement, dépend leur efficacité politique.
Enfin, n’étant pas, comme dit, le Parlement la place centrale où l’opposition réussit à faire
entendre sa voix et exercer ses fonctions, rarement les instruments d’information et de contrôle à sa
disposition sont efficaces à cet égard. Interrogations et interpellations sont souvent utilisées par des
députés individuels en clef de propagande pour prouver aux électeurs qu’on a travaillé sur des
aspects sectoriels problématiques ou locaux ; rarement à travers leur usage on a suscité l’intérêt du
public pour embarrasser le gouvernement et sa majorité et donc les forcer à changer de direction
politique. Les mêmes commissions d’enquête qui, dans ce contexte, constituent l’instrument le plus
efficace parce qu’elles ont les mêmes pouvoirs (et les mêmes limites) que l’autorité judiciaire,
décomptent, ainsi que d’une certaine routine (comme dans le cas de la Commission Antimafia),
également le fait que leur mise en œuvre est soumise à l’approbation de la majorité, il est même arrivé
que de cet instrument ait fait usage la majorité nouvelle pour enquêter sur les prétendus méfaits de la
majorité sortante. En l’absence de réglementation spécifique à cet effet, est assez bien établie la
pratique parlementaire de confier à l’opposition la présidence des comités de contrôle et de
surveillance, tels que la Commission pour la supervision générale des services de radiodiffusion (loi
n. 103/1975), ou le conseil appelée à vérifier la régularité du processus électoral et de la protection
des prérogatives parlementaires, ou en fournissant la composition de pairs consultatif contrôle des
— 132 —
Italie
organes (tels que le Comité sur la législation introduit à la Chambre de vérifier la qualité du produit
législative). Seulement pour le Copasir (contrôle sur les services secrets, loi 124/2007) on a formalisé
que le Président doit être élu dans les groupes d’opposition.
Par conséquent, la contestation de la puissance majoritaire est une fonction certainement pas
obsolète mais qui devrait être renouvelée, avec prérogatives plus significatives et efficaces et, même
avant cela, avec l’acquisition d’une culture politique et institutionnelle plus respectueuse du rôle et
des fonctions de l’opposition. Paradigmatique de cela est l’histoire du Premier question time, introduit
sur la base de l’expérience anglo-saxonne, toujours boycotté au temps des gouvernements de centredroit et aujourd’hui en tout cas encore sans l’efficacité politique et médiatique incisive au début
espéré.
Les mêmes conclusions peuvent être tirées, enfin, à l’égard de l’activité législative des oppositions,
évidemment presque toujours destinées, selon la logique froide des nombres, à une défaite certaine,
même si bien sûr il peut se passer que la majorité non préjudiciellement hostile puisse voter en faveur
des amendements présentés. En général, donc, l’opposition a tout intérêt à mettre l’accent sur sa
critique politique vers les initiatives politiques de la majorité, grâce à des temps majeurs de réponse
qui leur sont reconnus respect à ceux à la disposition de la majorité. On doit ajouter qu’aux initiatives
législatives, et plus généralement aux propositions des groupes parlementaires de l’opposition, est
réservé un cinquième des sujets à inclure dans le calendrier ou le temps des travaux de l’Assemblée
(art. 24.3 Reg. Chambre). Cela est pour permettre aux mêmes oppositions la possibilité de forcer la
majorité à se mesurer sur des sujets sur lesquels, par exemple, elle est divisée à l’intérieur ou critiquée
par le public. Encore une fois, cependant, les buts de cette disposition ont été déformées, en
permettant à la majorité de renverser le texte de l’opposition ou de le renvoyer préjudiciellement en
commission, ne permettant pas ainsi l’examen en séance plénière publique.
B.3 - Les changements des moments
L’existence d’une prime de majorité nationale a conduit, comme mentionné, les partis à se joindre
au sein de maxi-coalitions, numériquement utiles pour gagner les élections, mais mauvaises pour
gouverner, dont les différences excessives ne pourraient être surmontées que par des accords de
programme très génériques et fumeux.
Il n’est pas surprenant, donc, que, contrairement à ce qu’on pourrait attendre dans une démocratie
parlementaire majoritaire, non seulement il n’y avait pas de gouvernements « de législature », mais
aussi que les mêmes crises gouvernementale ont été fréquentes en raison des contrastes au sein de la
coalition gagnante.
De 1994 à ce jour, il ya eu dans une législature bien sept crises gouvernementales qui ont conduit
à:
a) soit des changements dans la composition de l’équipe de gouvernement (Prodi (17.5.199621.10.1998), D’Alema I (21.10.1998-22.12.1999), D’Alema II (22.12.1999-25.4.2000), Berlusconi II
(11.6.2001-23.4.2005, Letta (28.4.2013-22.2.2014);
b) soit au lancement de gouvernements appelés « techniques », en tant que tels avec le soutien
de l’extérieur d’un large spectre politique : ainsi le gouvernement Dini (qui avait remplacé Berlusconi
I 10.5.1994-17.1.1995 jusqu’à la dissolution anticipée de la 1996) et le gouvernement Monti (remplacé
Berlusconi IV 8.5.2008-16.11.2011 f ino tout à la fin naturelle du Parlement de 2013),
c) soit à la fin anticipée la législature (Prodi II 17.5.2006-8.5.2008).
En supposant que sous a), les crises gouvernementales (parlementaires presque toujours, sauf les
deux seuls cas de gouvernements Prodi I et II, en raison de l’échec d’approuver la question de
confiance) ont été résolus ou par remaniements gouvernement (D’Alema I et II, Berlusconi II) ou la
substitution d’une partie de l’ancienne coalition avec un autre de la coalition opposée, quelques fois
née pour ce but. Ce fut le cas du gouvernement D’Alema, crée grâce à la confiance de l’Union
Démocratique pour la République (née par une scission à l’intérieur du centre-droit à l’initiative de
l’ancien président Cossiga, de manière à compenser le retrait de « soutien en dehors » de Refondation
communiste qui avait produit la crise du gouvernement Prodi ; ou le gouvernement actuel Renzi, né
grâce à l’appui du Nouveau centre-droit, né par scission de Forza Italia.
— 133 —
Italie
Si donc, en général, les partis qui ne deviennent pas composantes de la coalition au pouvoir ont
vocation à rester dans l’opposition pendant toute la législature, il y a eu des cas où, à la place, la force
d’attraction du gouvernement et de la crainte d’une dissolution anticipée des chambres a causé des
divisions au sein de la coalition opposée (toujours dans la centre-droite). Ont aussi été manqués des
cas où, à la place des forces politiques, pour aller au secours du gouvernement on a eu des députés
individuels, seuls ou en petits groupes, par déférence à une la tradition parlementaire de
transformisme toujours pas finalement surmontée. Cela s’est produit principalement dans le Sénat, à
cause des petites majorités existantes, dues, comme mentionné, au fait que la prime majoritaire,
plutôt qu’au niveau national, est assigné dans les circonscriptions régionales.
Les seuls cas où l’opposition (centre-droit) est intervenu à l’appui de la majorité (centre gauche),
parfois aussi pour l’aider à surmonter les conflits internes, ont porté sur le respect des engagements
internationaux (surtout vers l’ONU et l’OTAN) ou vers l’UE (comme dans ces jours pour la gestion
des grands flux migratoires) pour montrer comment il ya des moments où la majorité et l’opposition
reconnaissent l’existence d’intérêts communs, plus importants de leurs ambitions diverses, donnant
corps à l’unité de la nation.
Les crises du gouvernement, enfin, ne causent pas la dissolution des chambres et la tenue de
nouvelles élections s’il y a une chance de reconstituer le rapport de confiance avec une nouvelle
majorité gouvernementale ou pour la plupart une majorité qui coïncide avec les accords précédents
ou plus larges avec les gouvernements techniciens. Si ces conditions ne sont pas donnés, comme
dans le seul cas de la crise dans le second gouvernement Prodi en 2008, on est allé à des élections
anticipées (30). Il n’y pas eu, cependant, « ribaltoni » parlementaires intégraux, gouvernements nés dans
le sillage du succès électoral qui, en crise, ont été remplacés par d’autres du signe politique opposé.
Dans le cas le plus proche, le passage entre Berlusconi I et Dini, la Ligue du Nord a été le seul pari à
rester en majorité.
C. Les variations de stratégie
En ce qui concerne les endroits où l’opposition est exercée, l’influence de la télévision dans les
campagnes électorales rend l’enracinement local, une stratégie que, même si elle donne encore des
fruits à niveau local, ne paie pas à l’échelle nationale, ni à court ni à long terme. En effet, au cours des
dernières années, la faveur électorale traditionnelle dont jouissaient certaines forces politiques dans
les territoires qu’elles ont presque toujours administré (centre droit en Lombardie et la Vénétie, le
centre-gauche dans la cd zone rouge, Toscane, Emilie Romagne, Marches et de l’Ombrie) s’est
réduite, même à cause de scandales locaux. Le transfert de la voix de la compétition locale au niveau
régional ou national, n’est donc pas le plus fluide, ou du moins ne est plus comme avant, étant
donnée la forte mobilité de l’électorat et la force d’attraction exercée par le dernier niveau sur les
autres. Cela aussi en sens négatif, parce que souvent les élections régionales et locales sont souvent
utilisées pour punir le gouvernement national.
Dans cette perspective, la recherche de proximité avec les citoyens, est une stratégie limitée et
transitoire par les forces politiques. Les mêmes réseaux sociaux sont utilisés unidirectionnellement,
essentiellement par la propagande, même par les forces politiques (le mouvement 5 étoiles) qui
voient le Web non seulement comme un nouvel instrument politique de communication, mais aussi
comme la nouvelle façon de faire de la politique au nom d’une révolution démocratique qui
provoquerait un dépassement des mécanismes traditionnels de représentation et de médiation
politique en faveur de la participation pleine, constante et directe des citoyens dans la gestion des
affaires publiques.
30)
De la législature prochaine XVI (2008-2013), les bureaux de la présidence des deux chambres ont modifié les
dispositions régissant le système de sécurité sociale du parlement, en précisant que, pour percevoir la rente CD
(maintenant calculé selon le système mais non plus verser des cotisations) on ne plus avoir exercé le mandat
parlementaire seulement pour la moitié (au moins deux ans et six mois), mais Presque pour toute la durée (au moins
quatre ans et six mois). Selon de nombreux commentateurs politiques de fourniture, véritable « constitution matérielle »,
qui rend les parlementaires moins enclins à la dissolution des chambres.
— 134 —
Italie
Enfin, les oppositions, mais plus généralement les forces politiques, sont réticentes à porter le
conflit politique sur un plan juridictionnel. Sans aucun doute, cela dépend aussi du fait que,
contrairement aux dispositions des autres pays européens, il n’y a pas un accès direct à la Cour
constitutionnelle ou par les députés minoritaires - dans une façon préventive (v art. 61,2 Const.
France, 278.4 Const. Portugal (sur les lois organiques), 146 Const. Roumanie) ou successive (voir.
par exemple l’artt. 93.1.2 GG. Allemagne, 140 Const. Autriche, 162.1.a) Const. Espagne, 281.2.f)
Const. Portugal, 191.1.1) Const. Pologne) - ni par le citoyen, comme prévu, mais en ligne subsidiaire
en Allemagne (art. 93.1, 93 0,4 a) et b) GG), en Autriche (art. 144.1 Const.) et en Espagne (art. 161.1.
b) Const.). Reste toutefois ouverte la possibilité d’établir et de créer de faux conflits auprès de juges
pour soulever des questions de constitutionnalité des lois contestées à la majorité. Le fait que
l’opposition aient toujours renoncé à cette possibilité (sauf pour les radicaux qui ont souvent recours
aux tribunaux ordinaires et à la Cour constitutionnelle dans leurs batailles pour protéger les droits
fondamentaux), montre que, plutôt que de l’absence d’instruments appropriés, le recours manqué
aux tribunaux est dû au fait que cette option est considérée comme une abdication inacceptable du
pouvoir politique en faveur du pouvoir judiciaire. Paradigmatique en ce sens a été le conflit de
compétence soulevé par les Chambres devant la Cour de cassation pour avoir, dans l’inertie continue
du législateur, décidé à quelles conditions auraient pu être classé comme un traitement médical,
comme rejetables, la nutrition et l’hydratation artificielles, auxquelles a été soumise Eluana Englaro
(arrêt no. 21748/2007). Conflit considéré comme inacceptable par la Cour constitutionnelle (arrêt
334/2008) sous l’interdiction de non liquet auquel le tribunal est tenu, mais qui prouve une fois de plus
que, en Italie le problème de la reconnaissance et la protection de l’opposition, avant même l’aspect
juridique, est liée à la culture politique, en raison d’une mentalité d’assemblée, difficile à surmonter,
qui considère le Parlement comme un tout opposé au gouvernement.
Bibliographie :
Barbera, A. (2007), “Dalla Costituzione di Mortati alla Costituzione repubblicana”, lisible ici:
http://www.forumcostituzionale.it/wordpress/images/stories/pdf/documenti_forum/paper/0018_
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Barbera, A. (2009), “I principi della Costituzione repubblicana: dal ‘compromesso’ al radicamento
progressivo”, lisible ici:
http://www.forumcostituzionale.it/wordpress/images/stories/pdf/documenti_forum/paper/0093_
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Ceccanti, S. (2013), “Cambiamenti costituzionali. Italia”, lisible ici:
http://www.forumcostituzionale.it/wordpress/images/stories/pdf/documenti_forum/paper/0398_
ceccanti.pdf
Elia, L. (1970) ,Voce “Governo” (forme di) in Aa. Vv., “Enciclopedia del Diritto”, vol. XXIII,
Giuffré, Milano, pp. 634-675
Guzzetta, G, (2004), “La fine della centralità parlamentare e lo Statuto dell’Opposizione”, in
Ceccanti, S. – Vassallo, S. “Come chiudere la transizione”, Il Mulino, Bologna, 2004, pp. 301/319
Isle (2004) “Norme per uno Statuto dell’Opposizione”, lisible ici:
http://piattaformacostituzione.camera.it/application/xmanager/projects/piattaformacostituzione/fi
le/EventiCostituzione2007/cd_rom_studi/4_Dottrina/6%20Sistema%20delle%20garanzie/2004_0
2_15_ISLE_Astrid.pdf
Lauvaux, P. (2004), “Les grandes démocraties contemporaines”, Puf, Paris
Lippolis V., (2006) La regola della magioranza e lo statuto dell’opposizione, in « Valori e principi del del
regime repubblicano », a cura di S. Labriola, Collana Fondazione della Camera dei deputati, Laterza,
Roma-Bari
— 135 —
Luxembourg
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— RAPPORT LUXEMBOURG —
Établi par Luc HEUSCHLING1 et Philippe POIRIER2
L’opposition politique au Grand-duché de Luxembourg. Une analyse interdisciplinaire de
science juridique et de science politique. Une démocratie parlementaire et consociative
Toute démocratie vit du pluralisme, du choix entre des idées et des personnes. Qu’il y ait des
débats, des divergences et même des tensions est inhérent à la démocratie car, mis à part les points
sur lesquels il existe un large, voire très large consensus, les citoyens n’adhèrent pas à une même
vision de l’intérêt général. Même sur des questions dites « fondamentales » – le respect dû aux droits
de l’Homme ou à la « culture » et/ou à « l’identité nationales », etc. –, il existe des divergences plus ou
moins prononcées. Si la démocratie vit de la diversité, du pluralisme, et se doit, à ce titre, de soutenir
l’esprit critique, un excès de contradictions peut lui être fatal : le pays risque de devenir ingouvernable
(il suffit de penser à l’exemple de Weimar) ; au pire, il pourrait éclater ou succomber à la critique des
forces politiques extrémistes (opposition anti-système).
Le terme « opposition », utilisé dans le contexte de l’analyse des systèmes politiques en
science juridique ou en science politique, est vague. Il vise, au fond, une tension critique – d’aucuns
diront « une posture d’hostilité »3 – qui peut provenir d’une multiplicité d’acteurs, se déployer dans
des lieux variés (au sein du parlement et hors de celui-ci), se servir de modes d’action variables
(opposition publique ou occulte, pacifique ou violente, ponctuelle ou systématique, constructive ou
déconstructive) et déployer une corrosivité plus ou moins grande (contre telle politique ou contre le
système en soi)4. D’habitude, en référence à la conception traditionnelle des Britanniques, le terme a
un sens plus étroit dans la littérature scientifique, ne visant que l’opposition au sein du parlement.
C’est aussi en ce sens qu’est compris le terme dans le contexte luxembourgeois, que ce soit en droit
luxembourgeois (dans les très rares cas où le droit luxembourgeois se sert de ce terme pour réguler
certains rapports) ou dans le langage courant des citoyens, des médias et des acteurs politiques.
Comme ce projet scientifique retient toutefois un concept plus large, c’est ce concept qui sera
également utilisé pour analyser le cas du Grand-duché de Luxembourg.
Professeur de droit constitutionnel, Université du Luxembourg, membre de l’Institut grand-ducal, Luxembourg.
Professeur associé de science politique, Université du Luxembourg, Titulaire de la Chaire de recherche en études
parlementaires, Chambre des Députés.
3 M. de Villiers, A. Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel, Paris, Sirey, 8e éd., 2011, verbo « opposition », p. 251.
4 P. Jan, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108 (L’opposition), 2004, p. 23 ss.
1
2
— 136 —
Luxembourg
L’analyse qui suit est une analyse principalement de science juridique, étant précisé que
l’identité du droit luxembourgeois sera éclairée en replaçant le droit luxembourgeois dans son
contexte social et dans la pratique qu’en font les acteurs du système politique. A ce dernier titre, trois
traits dominants de la culture politique luxembourgeoise me semblent particulièrement intéressants :
en premier lieu, le pragmatisme ; en second lieu, la valorisation du consensus ; enfin, un certain
désintérêt, dans le passé, pour le droit constitutionnel.
I.
LA CULTURE POLITIQUE LUXEMBOURGEOISE : TROIS TRAITS SAILLANTS
D’abord le pragmatisme. Au Luxembourg, le droit est un outil, un instrument pour réguler le
social. Il n’est pas, ainsi que l’a suggéré Savigny, un objet de vénération culturelle, puisant ses racines
dans le « Volksgeist ». Le droit luxembourgeois, rédigé pour l’essentiel en français à l’heure actuelle,
est un mélange issu d’une multiplicité de transferts juridiques (le droit constitutionnel s’inspire, en
grande partie, du droit constitutionnel belge du XIXe siècle). S’il y a quelque-chose de spécifique dans
la culture juridique luxembourgeoise, c’est peut-être cette posture décomplexée consistant, en cas de
problème, à regarder immédiatement au-delà des frontières pour y chercher la solution juridique
adéquate, sans pour autant tomber dans une sorte d’adulation aveugle des solutions d’un pays
étranger en particulier. On compare, on pèse, on choisit, on combine. Il faut que la solution juridique
étrangère puisse fonctionner, en pratique, au Luxembourg. A cela s’ajoute une certaine méfiance visà-vis de tout « intellectualisme », de toute construction théorique par trop abstraite ou spéculative.
Jusqu’en 2003, le système juridique luxembourgeois fonctionnait sans la présence d’une université et
de professeurs de droit ; il était géré exclusivement par des praticiens, formés soit en Belgique, soit en
France. Le droit luxembourgeois est un droit largement marqué par l’empreinte des praticiens. Le
droit – si on a besoin d’une règle juridique (je reviendrai sur cette incisive) – est censé résoudre des
problèmes concrets, réels au Luxembourg. Ainsi, certaines tendances lourdes du constitutionnalisme
en Europe et dans le monde (la rationalisation du parlementarisme à partir des années 1920, le
développement des cours constitutionnelles depuis 1945, la mode des limites matérielles au pouvoir
de révision dans les 20 dernières années) n’ont connu aucun écho ou qu’un écho réduit en droit
luxembourgeois. Ces problèmes n’existaient pas (la menace de l’instabilité gouvernementale, le risque
d’un basculement vers une dictature) ou n’étaient pas perçus à leur juste mesure (le risque d’une
violation des droits et libertés par le législateur).
Ensuite, le système politique luxembourgeois est représentatif du “pluralisme modéré” qui se
caractérise notamment par une distanciation idéologique faible entre les partis qui aspirent à
gouverner ensemble5. La distance en termes programmatiques entre les formations politiques est
d’autant relative que le Grand-Duché est également une démocratie consociative6. Ledit consensus
est d’autant rendu possible que les partis luxembourgeois sont bien souvent l’expression d’un
utilitarisme en politique étant donné que les politiques publiques au Grand-Duché ne sont ellesmêmes que l’organisation d’une redistribution des besoins matériels à des groupes
socioprofessionnels ou à des communautés particulières forcément réduites7 et ne constituant en
aucune manière un espace public au sens arendtien du terme8. Cette fonction dévolue et acceptée par
les principales formations politiques luxembourgeoises est d’autant plus développée, qu’elle s’est
accompagnée de l’expansion croissante du domaine d’intervention de l’Etat : «...On assiste chez
Sartori, Giovanni, Parties and party systems : a framework for analysis. Cambridge : Cambridge University Press, p173, 1976.
Philippe Poirier « Le Luxembourg : exemple d’un régime politique consociatif et oligarchique». In, Jean-Michel De
Waele & Paul Magnette, Les démocraties européennes. Approches comparées des systèmes politiques nationaux. Paris:
Presses de Sciences Po, pp127-151, 2ème édition, 2010.
7 La démocratie consociative est l’instauration d’un compromis au sommet de l'Etat qui vise à assurer la stabilité du dit
régime par la multiplication des accords au niveau des élites politiques et économiques (de ceux qui sont représentatifs
d’une question sociale ou politique jugée par les autres acteurs du système comme important). La recherche du consensus
permet de surmonter les clivages de la société qu’ils soient d’ordre social, religieux ou identitaire. Voir à ce sujet, Lijphart,
A., “Consociational democracy”. World Politics, Volume XXI, n°2, p210, 1969.
8 Arendt, Hannah., La Crise de la Culture. Paris : Collection Points essais, Seuil : 1985.
5
6
— 137 —
Luxembourg
nous à un affaiblissement des structures intermédiaires classiques que sont le parlement et les partis
politiques au profit d’autres forums délibératifs où la représentation fonctionnelle supplée la
représentation politique. Dans la mesure où ces structures ne présentent pas les mêmes garanties de
transparence que l’enceinte parlementaire, le débat public se voit inévitablement occulté... »9.
Qui plus est, en raison de la petite dimension du pays renforçant et nécessitant ainsi le
maintien d’un niveau de proximité très élevé entre l’élu et l’électeur, les partis doivent aussi se
préoccuper perpétuellement de l’écart qui peut exister entre leurs visées politiques et les
revendications sociales que leurs « clientèles électorales » mettent en avant, tout en ayant la
prétention à une identité politique trans-classiste et/ou à rester un parti attrape-tout10. Dans le
microcosme politique luxembourgeois, les relations entre les élus sont aussi assez décontractées et
cordiales, dominées en général par un esprit fair play. Il n’est pas rare de voir certains ou même tous
les partis de l’opposition parlementaire voter les projets ou propositions de la majorité. A titre
d’exemple le budget de l’Etat fut adopté sans aucun amendement des partis de l’opposition
parlementaire de 2004 à 2012 !
Il n’en demeure pas moins que le système des partis au Luxembourg a été fondé, puis s’est
structuré jusque dans les années 70-80, sur des clivages socio-politiques et économiques identiques à
ceux d’autres systèmes politiques européens11. Autrement dit, les partis politiques du Grand-Duché
ont été à la fois les agents de confits sociaux et économiques similaires et les instruments de leurs
intégrations. Le système politique luxembourgeois, avec une plus ou moins grande intensité et quelles
adaptations, s’est construit sur quatre clivages fondamentaux qui sont tous issus à la fois de la
Révolution nationale (comprise comme étant la fondation de l’Etat-nation et de la démocratie
parlementaire) et de la Révolution industrielle. Les quatre clivages étant : Eglise versus Etat, centre
versus périphérie, monde rural versus monde industriel et « possédants » versus « travailleurs ». Le
premier conflit opposa les partis qui demeurèrent attachés à une vision sécularisée de la politique à
ceux qui au contraire manifestèrent leur attachement à l’Eglise ou au message social de l’Eglise. Le
second conflit, constitutif de la formation du système, engendra des partis qui militaient en faveur
d’une plus grande centralisation et des partis qui au contraire demeuraient attachés à une vision
régionaliste, autonomiste ou nostalgique des anciennes divisions territoriales et étatiques. Ce clivage,
vue l’exiguïté du territoire du Luxembourg, fut peu prégnant même si – notamment en raison de
l’existence de quatre circonscriptions électorales et de développements économiques et sociaux
différenciés entre celles-ci, la question régionale demeure. Le troisième conflit, plus qu’une simple
opposition entre partis sur un plan idéologique, fut surtout le révélateur des évolutions sociales et
économiques que connut la société luxembourgeoise lors de la révolution industrielle. C’est ainsi
qu’un fossé exista entre des mouvements sociaux qui militèrent pour la protection et la
modernisation de l’agriculture (et aussi parfois la réforme de la propriété agricole) et des mouvements
et syndicats qui allaient se transformer bientôt en partis ouvriers. Le quatrième conflit est
directement lié au précédent. Dans le cadre de l’industrialisation et parfois aussi de la réforme agraire,
il consistait alors à la mobilisation supposée des intérêts d’une classe vis-à-vis d’une autre classe.
Dans une perspective marxiste, des partis de classe seraient apparus afin de lutter contre la main mise
prétendue d’une classe dirigeante (et inversement des partis bourgeois ou indépendants auraient été
fondées pour préserver leurs acquis).
Hirsch, Mario, « La société dépolitisée », Nos Cahiers, Vol. 16, n° 4, p. 71, 1995.
Le parti attrape-tout correspondait aux partis politiques dominants des systèmes politiques occidentaux issus de la
seconde guerre mondiale. C’est à dire, bien que si nous ayons affaire au départ à des partis de masse, constitués à partir
d’un clivage idéologique (démocratie chrétienne, libéralisme, socialisme, etc.), ces partis attrape-tout s’éloignaient
progressivement de leur état d’origine afin de maximiser leurs gains électoraux. Ils devenaient (pour la plupart) des partis
de cadre contrôlant un réseau d’associations et d’institutions. Ils étaient sujets à un affadissement idéologique. Afin
d’apparaître toujours comme soucieux de l’établissement d’un consensus entre les différents acteurs (l'Etat, les syndicats,
les associations, etc.) ces partis devaient transcender les limites de classes et d’idéologies. C’est à dire, transformer,
articuler les différentes exigences de l’environnement au sein du système politique. Voir à ce sujet, Kirchheimer, O., «The
Transformation of the western European party systems». In Dahl, R., Political Opposition in Western Democracies. New
Haven: Yale University Press, p177-200, 1966.
11 Lipset, Seymour. Martin, & Rokkan, Stein, Party Systems and Voter Alignment: cross national perspectives. New York : Free
Press, 1967.
9
10
— 138 —
Luxembourg
De tels clivages ont engendré un système d’abord formé de quatre partis : Le Parti
démocratique (PD), les Libéraux Centre-droit (sur les questions économiques/Centre-gauche (sur
les questions sociétales), le Parti ouvrier socialiste luxembourgeois (POSL), les Socialistes, le Parti
chrétien social (PCS), le Centre-Droit et Droite, et le Parti Communiste du Luxembourg (PCL), ce
dernier n’étant associé qu’une seule fois au gouvernement au sortir de la Seconde guerre mondiale
(de 1945 à 1947). A ces partis politiques se sont ajoutées de nouvelles formations politiques : Les
Verts et le Parti réformateur démocrate (ADR, un parti souverainiste de droite né d’une
revendication de l’équité des retraites entre le secteur public et celui du privé où jusqu’alors le
premier était privilégié), fruits de la « révolution tranquille » qu’a connue le Luxembourg au milieu
des années 80 et porteuse en soi d’une « nouvelle culture politique »12. Plus précisément, ladite
révolution -sans heurts apparents et parfois même inintelligible aux gouvernants- révéla que de plus
en plus de Luxembourgeois avaient adopté de nouvelles valeurs comme l’égalité entre les sexes, la
défense de l’environnement, le respect des identités culturelles et linguistiques, l’attachement à la
souveraineté nationale ou bien encore le désir profond de sécurité et de liberté économique13. Face à
l’incapacité réelle ou supposée des partis politiques traditionnels, des syndicats existants à relayer ces
nouvelles exigences économiques, politiques sociales, de nouvelles modalités de représentation et de
participation politique sont apparues. Ces nouvelles formes d’expression politique, mais aussi parfois
de « dépolitisation », se sont retrouvées dans des mouvements sociaux ou des organisations nongouvernementales, terreau fertile pour de nouveaux partis politiques : La Gauche représentée à partir
de 1999 (mouvement néo-socialiste) au Parlement ; Le Parti pirate du Luxembourg à partir de 2011,
formation politique extra-parlementaire mais qui « força » en partie la publicisation des votes en
commissions parlementaires et de certains de leurs documents à partir de 2012, par leurs publications
sur son propre site internet ; le parti pour la démocratie intégrale, privilégiant les instruments de la
démocratie directe.
PCS-CSV
%
1945 1948 1951 1954 1959 1964 1969 1974 1979
1984 1989 1994 1999 2004 2009 2013
41,4 41,0 33,3 42,4 36,9 33,3 35,3 27,6 34,5
34,9 31,7 31,4 30,1 36,1 38,0 33,7
Sièges 25
POSL-LSAP
%
Les Verts
21
26
21
22
21
18
24
26,0 35,8 41,4 35,1 34,9 37,7 32,3 29,2 24,3
Sièges 11
PD
(GPD, %
GD)-DP
22
15
19
16,7 20,7 8,4
17
17
21
18
17
14
25
22
21
19
24
26
23
33,6 27,2 24,8 22,3 23,4 21,6 21,6
21
18
17
13
14
13
13
10,8 18,5 10,6 16,6 22,2 21,3
18,7 16,2 18,9 22,4 16,1 15,0 18,3
Sièges 9
9
8
6
11
6
11
14
15
14
11
12
15
10
9
13
%
-
-
-
-
-
-
-
-
-
5,2
4,2
10,9 9,1
11,6 11,7 10,1
Sièges -
-
-
-
-
-
-
-
-
-
2
5
7
(deux
partis
écologistes
GAP- GLEI en
1989)Déi
Gréng
5
7
6
4,2
Sièges
2
Poirier, Philippe, «La révolution tranquille », D’Letzeburger Land, numéro spécial 50ème anniv, p4-5, 9 janvier 2004.
Inglehart, Ronald, The Silent Revolution: Changing Values and Political Styles Among Western Publics. Princeton: Princeton
University Press, 1977 et Culture Shift in Advanced Industrial Society. Princeton: Princeton University Press, 1990.
12
13
— 139 —
Luxembourg
ADR (AK5/6)
%
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
7,3
7,0
11,3 10,0 8,1
6,6
Sièges -
-
-
-
-
-
-
-
-
-
4
5
7
5
4
3
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
3,3
1,9
3,3
4,9
Sièges -
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
1
-
1
2
16,9 8,9
9,1
12,5 15,5 10,5 5,8
5,0
5,1
1,6
-
0,9
1,4
1,6
5
4
3
3
5
6
5
2
2
1
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
9,2
6,0
-
-
-
-
-
-
Sièges -
-
-
-
-
-
-
5
2
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
6,0
-
-
-
-
-
-
-
-
-
Sièges -
-
-
-
-
2
-
-
-
-
-
-
-
-
-
%
0,0
0,0
2,8
0,6
0,0
0,3
1,3
8,1 dont 2,6
dissidences
socialistes
4,1
5,4
1,6
0,1
0,9
Sièges 1
-
-
-
-
-
-
-
2
-
-
-
-
-
-
Total
Sièges 51
51
52
52
52
56
56
59
59
64
60
60
60
60
60
Participation
%
91,9 90,8 92,1 92,3 90,3 88,5 90,1 88,9
La
Gauche- %
Déi Lénk
PCL-KPL
%
13,5 2,5
Sièges 5
PSDParti %
social
démocrate
(dissidence du
POSL)
MIP
%
(Mouvement
Indépendant
Populaire) parti
pour la défense
des »malgré
nous »
luxembourgeois
Autres
2,4
-
4,6
dont
le
Parti
pirate
60
88,8 87,4 88,3 86,5 91,7 85,2 91,3%
Source: Portail des élections au Grand-Duché du Luxembourg : http://www.elections.public.lu/
En raison du système électoral (quatre circonscriptions, représentation proportionnelle, votes
préférentiels, votes intra et inter-listes) il est très difficile, voire impossible à un parti d’obtenir une
majorité absolue à la Chambre des Députés (il n’a jamais existé non plus, en pratique, un
gouvernement minoritaire composé d’un seul parti). Dès lors tous les gouvernements
luxembourgeois sont le fait de coalition depuis l’introduction du suffrage universel direct tant pour
les hommes que pour les femmes en 1919. De 1945 à 2013, tous les Premiers ministres et/ou
Ministres d’Etat, à l’exception de la période 1974-1979, ont été issus du Parti Chrétien Social (PCS).
En 1974, bien que le PCS restât la première formation politique, celui-ci choisit de demeurer dans
l’opposition permettant ainsi pour la première fois une coalition inédite entre Parti Démocratique
(PD) et Parti Ouvrier Socialiste Luxembourgeois (POSL). En octobre 2013, après des élections
anticipées suite à la fin de la coalition Chrétienne-sociale/Socialiste en raison d’un Commission
d’enquête sur le fonctionnement des Services de renseignement de l’Etat pointant la responsabilité
administrative du Premier Ministre Jean-Claude Juncker, il a été composé un Gouvernement
tripartite inédit avec à sa tête le libéral Xavier Bettel associant en plus de son parti, les Socialistes et
— 140 —
Luxembourg
les Ecologistes. Cette coalition s’est formée à une voix de majorité « contre » le Parti chrétien Social
qui avait pourtant une nouvelle fois remporté le scrutin mais dont les autres partis ne voulaient pas.
A une démocratie consociative et une succession de gouvernements de coalition jusqu’en
2013, il faut ajouter également la présence de divers mécanismes de discussion et consultation visant
à faire émerger un consensus autour des questions clés de la politique économique et sociale entre
trois acteurs : le gouvernement, le patronat et les syndicats et parfois même tous les partis où le
Parlement joue un rôle mineur et les frontières entre majorité et opposition en son sein s’estompent.
Le premier de ces instruments de concertation est le Comité de conjoncture, qui trouve son
origine dans la loi du 26 juillet 1975 autorisant le Gouvernement à prendre des mesures
destinées à prévenir des licenciements dû à des causes conjoncturelles et à assurer le maintien
de l’emploi. Sa légalité se base également sur l’article L.511-4 du Code du Travail Titre 1er
Livre V. Il est placé désormais sous la seule autorité du Gouvernement qui a le monopole de
désignation de ses membres. A l’origine, il était constitué au niveau gouvernemental du
Ministre du Travail et de la Sécurité sociale, du Ministre de l’Economie nationale, du Ministre
des Finances et de huit délégués ministériels. A cela s’ajoutaient cinq représentants des
organisations professionnelles des employeurs, dont trois représentants pour le commerce et
l’industrie et de deux représentants pour l’artisanat et cinq représentants des organisations
syndicales les « plus représentatives sur le plan national ». Ces derniers étaient et sont toujours
tous nommés par le Ministre du Travail et de la Sécurité sociale sur proposition des
organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs. Le Comité pouvait et peut
toujours s’entourer de l’avis d’experts qui assistent avec voix consultative ledit Comité. Il est
chargé de surveiller étroitement l’évolution de la situation économique (et depuis 2007 celle
du marché du travail) et de faire rapport au Gouvernement une fois par mois au moins14.
Depuis sa réforme en 2007, le Comité de conjoncture est composé de trois collèges (le
collège gouvernemental composé de onze membres, le collège des représentants des
organisations professionnelles des employeurs composé de six membres; le collège des
représentants des salariés composé de six membres des organisations syndicales justifiant de
la représentativité nationale générale).
Le Comité de conjoncture est aussi symptomatique de la comitologie et de la
bureaucratisation des politiques économiques des Etats modernes occidentaux15, puisqu’il est
à la fois un organe consultatif rendant un avis sur les mesures d’exécution prévues par le
Gouvernement dans le domaine économique et social, un organe de gestion du fait qu’il
assure le suivi des politiques publiques en matière d’emploi et de compétitivité économique,
un organe réglementaire dont les décisions sont exprimées par un vote par collège et fixant
les limites futures d’un éventuel débat parlementaire sur la politique de l’emploi au
Luxembourg et que le pouvoir informatif est réservé au Gouvernement. Ce néo-corporatisme
est intéressant dans la mesure où il force les partenaires sociaux à élaborer des solutions
communes mais il consacre les groupes d’intérêts comme acteurs essentiels d’une législation
aussi sensible que celle sur l’emploi et le chômage. Il permet également jusqu’à un certain
niveau de déresponsabiliser le Gouvernement de cette politique devant le Parlement dans la
mesure où il peut rejeter l’échec de l’accord et l’inefficience des politiques d’exécution sur les
partenaires sociaux au sein de ce comité de conjoncture.
Le second instrument est le Comité de coordination tripartite créé en 197816. Il est l’acteur
essentiel pour la délibération, la proposition, l’arrêt et le suivi des grandes orientations
économiques et sociales du Luxembourg jusqu’à son échec retentissant en 2010 sur un
nouvel accord portant sur la compétitivité de l’économie luxembourgeoise, le marché du
A-1975-055-0001 Règlement Grand-Ducal du 18 août 1975 portant institution d’un comité de conjoncture.
Edward C Page, Policy without Politicians: Bureaucratic Influence in Comparative Perspective. Oxford : Oxford
University Press, 2012.
16 A-1978-009-0001 Règlement Grand-Ducal du 26 janvier 1978 déterminant le fonctionnement du comité de
coordination tripartite.
14
15
— 141 —
Luxembourg
travail et la situation des finances publiques après le déclenchement de la crise financière et
économique de l’automne 2008. Il réunissait au départ les poids lourds du Gouvernement
(quatre membres du Gouvernement dont le Premier Ministre qui assume la présidence, le
Ministre de l’Economie nationale, le Ministre du Travail et de la Sécurité sociale et le Ministre
des Finances) auquel s’ajoutaient quatre délégués employeurs dont deux à désigner par la
Chambre de commerce, un par la Chambre des métiers et un par la Centrale paysanne faisant
fonction alors de Chambre d’agriculture et quatre délégués nommés par les organisations
syndicales les plus représentatives sur le plan national dont un représentant de la fonction
publique [l’ Onofhängege Gewerkschaftsbond Lëtzebuerg, (OGBL), le Chrëschtleche
Gewerkschaftsbond (LCGB), la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), et
l’Association luxembourgeoise des employés de banque et assurance (ALEBA)]. Le Comité
de coordination tripartite qui devait être provisoire et combattu alors par l’opposition
chrétienne sociale au départ, a été prorogé à maintes reprises par tous les gouvernements
jusqu’en 2011.
Ledit Comité de coordination tripartite opère clairement dans une logique néo-corporatiste17,
c’est-à-dire la recherche d’accords à minima entre partenaires sociaux et groupes d’intérêts sur
les politiques économiques et sociales à mener. Les délibérations du Comité, avant la prise de
toute mesure, doivent refléter l’avis majoritaire de chacun des deux collèges des délégués
employeurs et des délégués des syndicats. Ce système de gouvernance s’éloigne du principe
directeur de la Constitution luxembourgeoise, à savoir la démocratie parlementaire.18 En effet,
outre les critiques évoquées ci-dessus, l’équivoque qui entoure les négociations tripartites
provient du fait que tout accord souscrit par le Gouvernement confère à celui-ci un caractère
« quasi obligatoire », du moins qui impose par la suite la discipline parlementaire aux groupes
de la majorité, d’une certaine manière le pouvoir législatif ne saurait s’y soustraire, sous peine
de désavouer le Gouvernement. Le rôle prépondérant du Comité de coordination tripartite
s’est encore accru sur la période 1998-2012 avec la mise en place de la méthode ouverte de
coordination (MOC) au niveau européen en matière de politique de l’emploi, dans le cadre de
la stratégie de Lisbonne et puis celle d’Europe 2020, ces deux dernières ayant pour objectif
d’accroître la compétitivité des économies des Etats membres et de l’Union.
Le troisième instrument du consensus fut le « Rentendësch ». Depuis le début des années 80,
le débat sur les retraites au Luxembourg s’était cristallisé par les différences existant entre le
régime général de retraite du secteur privé et les régimes statutaires de la fonction publique et
apparentée. Suite aux élections de 1999, marquées par la poussée des Libéraux, promoteurs
alors des intérêts de la Fonction publique au détriment des Socialistes, la nouvelle coalition
formée des premiers et des Chrétiens-sociaux décida de mener à bien une vaste réforme en
élargissant la concertation sociale au-delà du Comité de coordination tripartite, en incluant
notamment le Conseil national des femmes du Luxembourg et tous les partis politiques et, en
s’appuyant sur l’expertise internationale en matière de politiques publiques représentée par le
Bureau international du travail. Le « Rentendësch » constituait de fait une première
expérience de démocratie délibérative puisque d’une part, il prétendait inclure un maximum
d’acteurs du système politique en dépit de leur nature et de leurs pouvoirs fort différents et
d’autre part, le processus consensuel de négociations devait aboutir à une prise de décision
dans le domaine des retraites que tous les participants ne pourraient remettre ultérieurement
en cause. Le « Rentendësch » en lui-même portait atteinte une nouvelle fois en réalité aux
principes de la démocratie parlementaire comme le rappela pour des motifs différents à la
fois le Conseil d’Etat, la Commission des Finances et celle du Travail de la Chambre des
17 Mario Hirsch,”Tripartism in Luxembourg: The limits of social concertation”. In, West European Politics, volume 9,
pp54-66, 1986.
18 Serge Allegrezza, « Néo-corporatisme et performance économique : quel avenir pour le modèle luxembourgeois ». In,
Serge Allegrezza, Mario Hirsch, Nobert Von Kunitzki, L’histoire, le présent et l’avenir du modèle luxembourgeois.
Luxembourg : Institut d’études européennes et internationales du Luxembourg, 2003.
— 142 —
Luxembourg
Députés dans des avis et des documents liés et non liés au « Rentendësch »19. Il était rappelé
que la participation directe des groupes et des sensibilités parlementaires constituait en soi
une révolution par rapport à l’élaboration de la Loi dans un régime de démocratie
représentative. En effet, la signature d’accord apportée par tous les partis politiques « valait en
fait consentement » et « tuait » de fait le débat tant au niveau de la Commission de Travail
qu’en séance plénière de la Chambre des Députés entre majorité et opposition.
Un troisième trait dominant à noter est un certain désintérêt des acteurs du système juridique pour le
droit constitutionnel. Un fin observateur du droit luxembourgeois a noté le décalage, au sein de celuici, entre certaines branches qui sont particulièrement choyées, entretenues et modernisées par les élus
politiques (le droit bancaire et financier, le droit des médias, etc.) et d’autres qui sombrent plus ou
moins dans « l’archaïsme »20. Le cas du droit constitutionnel relève plutôt de la seconde classe.
Divers facteurs, en partie imbriqués, ont contribué à ce désintérêt pour le texte de la Constitution de
la part à la fois des élus, des juges et des citoyens : la suprématie du droit international sur la
Constitution luxembourgeois et la richesse du premier en matière de droits de l’Homme (on pense ici
en particulier à la CEDH et à la jurisprudence dynamique de la CoEDH) a fortement relativisé
l’intérêt des citoyens et des élus pour la garantie constitutionnelle des droits de l’Homme ; datant de
1868, voire même de 1831, le texte de la Constitution est, sur divers sujets, en net déphasage par
rapport à une pratique politique bien plus avancée, car plus démocratique ; la plupart des acteurs
politiques se réfèrent davantage, pour le fonctionnement quotidien du système politique, aux usages
et pratiques effectifs qu’aux règles formelles inscrites dans le texte de la Constitution de 1868 (celle-ci
était, en grande partie, « oubliée »21) ; la lourdeur de la procédure de révision d’avant la réforme de
2003 (tout déclenchement de la procédure de révision entraînait aussitôt une « dissolution de plein
droit » de la Chambre des députés) et la complexité de la tâche (il fallait, en vérité, réviser tout le
texte) décourageait nombre d’élus à se lancer dans une tâche aussi ingrate et chronophage que la mise
à jour et la rénovation du texte de la Constitution ; si, dans le silence des textes, les juges ordinaires
s’étaient dès les années 1950 déclarés compétents pour exercer un contrôle de conventionalité des
lois, ils ont toujours refusé de se reconnaître une telle compétence en matière de constitutionnalité
des lois ; la Cour constitutionnelle n’a vu le jour qu’en 1997 et elle ne peut être saisie que par les
juridictions ordinaires par voie de renvoi d’une question préjudicielle ; même après la création de la
Cour constitutionnelle, nombre de conflits entre acteurs politiques (les « Organstreitigkeiten ») ne
peuvent être résolus par voie juridictionnelle.
II.
LE CADRE NORMATIF : SOURCES ET INCERTITUDES SUR LES SOURCES
Les facteurs précédemment exposés expliquent qu’en matière d’opposition, pour ce qui est
des sources de normes régulant l’opposition, le droit luxembourgeois fasse preuve d’un certain
« classicisme ».
Le texte de la Constitution ne thématise pas directement, sous le terme « opposition », un
certain statut de l’opposition. S’inscrivant dans l’héritage du XIXe siècle (le texte de la Constitution de
1868 s’appuie sur celui de la Constitution luxembourgeoise de 1848 qui, lui, était en grande partie
copié du texte de la Constitution belge de 1831), et bien qu’ayant fait d’un nombre très élevé de
révisions à partir des années 1980, le texte actuel ignore le terme « opposition ». Il ne connaît que des
« députés », au singulier ou au pluriel (lire art. 50 et suivants de la Const.) et, enfin, depuis seulement
2008, des « partis politiques » (art. 32bis Const.). Un constat similaire s’impose – mise à part une
seule exception – lorsqu’on étudie d’autres textes, à l’instar du règlement de la Chambre des députés,
J-2001-O-1397 4887/05 Projet de loi 1. Adaptant le régime général et les régimes spéciaux de pension; 2. Portant
création d’un forfait d’éducation ; 3. Modifiant la loi modifiée du 29 avril 1999 portant création d’un droit à un revenu
minimum garanti. 4879/1 Proposition de loi portant introduction d’un forfait d’éducation et modifiant la loi modifiée du
19 juin 1985 concernant les allocations familiales et portant création de la caisse nationale des prestations familiales Avis
du Conseil d’Etat, 16 avril 2002.
20 P. Kinsch, Quo vadis, A compléter
21 A. Bonn, La Constitution oubliée, Luxembourg, Imprimerie centrale, 1968.
19
— 143 —
Luxembourg
la loi électorale et la loi sur le financement des partis politiques. Mais, cela ne veut pas dire que le
droit luxembourgeois se désintéresse et, à la limite, voudrait empêcher l’émergence de voix et de
forces politiques critiques. Le texte de la Constitution pose le cadre juridique général permettant
l’éclosion d’un débat pluraliste ; il encourage (mais aussi encadre) l’émergence et le développement
d’une ou plusieurs « oppositions », sans jamais se servir de ce terme.
Comme sur nombre de questions touchant au statut des députés, des partis, et donc aussi des
députés et partis de l’opposition, aucun juge ne peut ou n’a été saisi pour l’instant, il n’existe pas de
jurisprudence. Ce qui signifie aussi qu’il n’existe aucun corpus jurisprudentiel, ni doctrinal (de la part
de la doctrine universitaire), approfondissant le statut juridique de l’opposition/des oppositions, à la
lumière notamment des principes abstraits de la « démocratie » (art. 1er Const.), de la « démocratie
parlementaire » (art. 51 § 1 Const.) ou de la « représentation » (art. 50 Const.). En revanche, les
acteurs politiques eux-mêmes ont dû creuser ces questions. Ce faisant, ils se sont laissé guider par ce
que j’appellerai de manière volontairement vague des « calculs » ou « certaines conceptions
normatives ». Exemple : l’art. 20 du règlement de la Chambre des députés énonce, de manière
explicite, que le président de chaque commission (et l’essentiel du travail parlementaire se fait au sein
des commissions, les séances plénières ne servant qu’à valider officiellement les textes élaborés au
sein des commissions) est désigné à la majorité des votants. Etant donné que la composition des
commissions se fait de manière proportionnelle, au vu des rapports de pouvoir au sein de la
Chambre (cf. art. 19 § 1 Règlement), la majorité pourrait donc, en droit, – à prendre ce texte à la
lettre, et à réduire le droit positif à ce seul article –, rafler toutes les présidences de commission, au
détriment de l’opposition. Or, en pratique, il n’en est rien. Les partis d’opposition se voient attribuer
un certain nombre de présidences et vice-présidences. Cette largesse est-elle une simple concession
politique, rétractable à tout moment, bref un geste inspiré par un esprit magnanime ou par un calcul
politicien à long terme, ou s’agit-il du résultat d’une norme ? Si norme il y a, sommes-nous en présence
d’une simple norme politique, non juridique (à l’instar de ce que Dicey, dans le système britannique,
appelait les « conventions de la Constitution »), ou, au contraire, d’une norme juridique, étant précisé
que cette éventuelle norme juridique pourrait avoir la qualité ou bien d’une norme juridique non écrite à
valeur coutumière (d’aucuns, au Luxembourg, affirment l’existence d’une « coutume constitutionnelle »,
prétention dont le principe même est toutefois contesté par d’autres) ou bien d’une norme juridique
inhérente, quoique de manière implicite, au texte de la Constitution (elle découlerait de l’un des
principes abstraits consacrés dans le texte de la Constitution, à l’instar de celui de « démocratie ») ?
Cette question délicate de qualification reste, pour l’instant, incertaine.
III.
DU STATUT DE L’OPPOSITION, AU SENS ÉTROIT DU TERME
Ce n’est qu’à un seul endroit, à la marge, que le droit luxembourgeois se sert du terme
« opposition » (plus exactement : « opposition parlementaire ») pour renforcer, par des règles
particulières et ciblées, les forces politiques de l’opposition au sein de la Chambre des députés. A
propos de l’heure des questions au gouvernement, qui a lieu chaque semaine à la Chambre des
députés, l’article 83 du règlement de la Chambre prévoit que « le président de la Chambre des
députés veille à l’équilibre entre les questions posées par des membres de la majorité parlementaire et
celles posées par des membres de l’opposition parlementaire » (art. 83 § 3). Il « accorde
alternativement la parole à un député d’un groupe de la majorité et de l’opposition parlementaire »
(art. 83 § 6). La délimitation entre majorité parlementaire et opposition parlementaire se fait en
fonction de la participation, ou non, à la coalition soutenant le gouvernement.
Pour le reste, le droit luxembourgeois ne différencie pas de manière précise et formelle les
acteurs et forces politiques de l’opposition, mais fixe un cadre général pour tous les acteurs
politiques. Il reste, toutefois, à vérifier si ce régime juridique « général », valant pour tous, est au final
indifférent (neutre), plus favorable ou moins favorable à l’égard des partis politiques de l’opposition.
Pour se faire une idée précise à cet égard, il y a lieu d’évoquer une série de facettes de la vie politique
démocratique.
— 144 —
Luxembourg
1° Liberté de création des partis politiques et ouverture du système électoral
Selon le droit luxembourgeois, un parti politique peut, ou non 22 , avoir la personnalité
juridique. Si c’est le cas, le parti a pris la forme d’une association sans but lucratif (il n’y a pas de
régime juridique particulier pour les partis) et jouit à ce titre de la liberté d’association qui est garantie
dans la Constitution luxembourgeoise depuis 184823. A l’heure actuelle, la liberté d’association est
reconnue à la fois aux Luxembourgeois et aux non-Luxembourgeois (en 2015, 46 % de la population
sont non-Luxembourgeois, dont 86% sont ressortissants d’autres Etats membres de l’UE). Un nonLuxembourgeois pourrait non seulement être actif au sein d’un parti mais en outre, l’un étant la suite
de l’autre, se porter candidat pour un mandat au niveau communal (conseiller, échevin, bourgmestre)
ou pour un mandat de député européen. Les mandats de député à la Chambre des députés restent
pour l’instant réservés aux seuls titulaires de la nationalité luxembourgeoise24.
Une fois établi, un parti peut présenter des candidats ou listes de candidats lors des diverses
élections, communales, nationales (Chambre des députés) et européennes. Pour le renouvellement de
la Chambre des députés (composée de 60 députés tous les 5 ans), la Constitution retient le mode de
scrutin de la représentation proportionnelle (art. 51 § 5 Const.), sans imposer un seuil minimum, ce
qui, en droit, facilite l’émergence de nouveaux partis. La loi électorale du 18 février 2003 (art. 159 et
160) prévoit, conformément au modèle de Hagenbach-Bischoff, que l’attribution des sièges
s0’effectue selon le quotient électoral, ce qui favorise les grands partis (établis) et défavorise les petits
partis, en particulier les nouveaux venus.
De manière complémentaire, pour chacune des quatre circonscriptions électorales (Sud,
Centre, Nord, Est) qui forment le Luxembourg, selon le terme même de la loi électorale les
« groupements politiques » doivent constituer des listes de candidats dont le nombre ne peut être
supérieur au total des députés à élire dans la circonscription (respectivement, 23, 21, 9 et 7). Chaque
électeur dispose d’autant de suffrages qu’il y a de députés à élire dans sa circonscription. Le vote peut
être exprimé, soit par suffrage de liste, soit par suffrage préférentiel. Les élections européennes se
déroulent dans les mêmes conditions mais dans le cadre d’une circonscription unique (6 députés à
élire). Pour les deux scrutins, le vote est obligatoire et le vote par correspondance est permis depuis
1994.
L’électeur a la possibilité de voter de trois façons : un vote pour la liste entière ; un vote intraliste ; un vote inter-liste25. Le vote de la liste accorde un suffrage à tous les membres d’une seule liste.
Sans aucun doute, ce vote exprime l’attachement de l’électeur envers son parti et les consignes qui
ont été données par celui-ci. C’est le mode de vote que les partis préfèrent, d’où les instructions qu’ils
multiplient avant chaque scrutin. Le vote intra-liste sur une même liste est la possibilité offerte à
l’électeur d’exprimer son vote sur un nombre restreint de candidats appartenant à la même liste, en
donnant à chacun entre 0 et 2 suffrages. S’il le souhaite, il peut attribuer deux votes sur le même
candidat exprimant ainsi sa reconnaissance, son adhésion et parfois son plébiscite envers un candidat.
Un électeur partisan pourra ainsi arbitrer la course au leadership au sein d’un parti. Le vote inter-liste
est la possibilité offerte à l’électeur de répartir ses suffrages sur deux ou plusieurs listes. Le vote interliste est l’expression même de l’électeur stratège. Pourtant, en dépit du choix qui est offert, une part
non négligeable de l’électorat persiste à laisser la sélection du personnel politique aux partis et
22 Ni la loi du 21 décembre 2007 portant réglementation du financement des partis politiques (Mémorial A, 2007, n°237,
cf. art. 1), ni la loi électorale du 18 février 2003 (Mémorial A, 2003, n°30, cf. art. 91) n’exigent la personnalité juridique.
23 Art. 27 al. 1 Const. 1848 : « Les Luxembourgeois ont le droit de s’associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune
mesure préventive ». A l’heure actuelle, cf. art. 26 Const. 1868 : « La Constitution garantit le droit d’association, dans le
respect des lois qui règlent l’exercice de ce droit, sans pouvoir le soumettre à une autorisation préalable ». Voir les
précisions dans Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des droits et libertés fondamentaux, Luxembourg, Editions du
Conseil d’Etat, 2006, p. 118 ss. La liberté d’association est également consacrée dans l’article 11 de la CEDH qui, en droit
luxembourgeois, à l’instar de toutes les normes du droit international et européen, jouit d’un rang supra-constitutionnel.
24 Lors du référendum du 7 juin 2015, l’une des questions soumises à l’avis du peuple portait sur l’attribution du droit de
vote actif, mais non passif, pour les élections législatives nationales à tous les étrangers (UE ou hors UE) résidant depuis
plus de 10 ans au Luxembourg et ayant déjà voté lors d’élections communales ou européennes.
25 Service Central de la Législation, Loi Electorale du 18 février 2003. Luxembourg : Mémorial, Journal Officiel du
Grand-Duché de Luxembourg, 23 février 2004.
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respecte l’ordre des listes – du moins les candidatures placées dans le haut de la liste– que ce soit lors
d’un vote intra-liste ou d’un vote inter-liste26.
Le droit luxembourgeois autorise-t-il qu’un organe d’Etat (la majorité politique au parlement,
le gouvernement ou un juge) interdise la création ou décide de la suppression d’un parti politique
pour cause « d’extrémisme politique » ? Le texte de la Constitution luxembourgeoise ne comporte
pas, et n’a jamais comporté, de clause équivalente au célèbre article 21 de la Loi fondamentale
allemande de 1949, dont l’alinéa 2 autorise la Cour constitutionnelle de dissoudre des partis
politiques qui, au vu de leur programme ou au vu des pratiques de leurs adhérents, visent à saborder
l’ordre libéral et démocratique ou l’existence même de la République fédérale d’Allemagne. L’absence
d’une telle clause vaut-elle ouverture totale du système constitutionnel luxembourgeois ?
La question a donné lieu, en 1934, à un débat mémorable au Luxembourg, peu connu dans la
littérature internationale de droit constitutionnel. Lors des élections législatives partielles du 3 juin
1934 dans la circonscription du sud, la liste communiste dirigée par Zénon Bernard avait obtenu un
siège. Or, à l’inverse de la pratique des démocraties voisines (Allemagne, Belgique, France) où des
députés communistes siégeaient au parlement, la Chambre des députés luxembourgeoise, dominée
par le parti de la droite catholique et le parti radical-libéral, décida de barrer la route au parti
communiste, en invalidant le mandat du député Bernard et en éliminant tous ses colistiers27. En
l’absence de toute base textuelle explicite, et contre les vives critiques de l’opposition socialiste qui
dénonçait une violation de la Constitution, des libertés et de la volonté des électeurs, la majorité s’est
appuyée sur l’exigence du serment de loyauté à l’égard de la Constitution que doit prêter tout député
(« Je jure fidélité au Grand-Duc, obéissance à la Constitution et aux lois de l’Etat »28). Elle a soulevé
d’office l’incompatibilité entre le programme du parti communiste et « l’essence » ou « l’esprit » de la
Constitution de 1868. Si, dans un premier temps, l’essence de la Constitution de 1868 a été identifiée,
selon une logique très proche de Carl Schmitt, à certaines valeurs fondamentales définissant l’identité
du système politique (dans le cas luxembourgeois : la monarchie, la liberté, la propriété privée, etc.)29,
la majorité a dû par la suite, face à l’argument adverse que toutes ces valeurs étaient susceptibles
d’être modifiées et même supprimées par voie de révision, réduire la quintessence de la Constitution
à l’article 114 relatif à la procédure de révision (possibilité de modifier le texte de la Constitution à la
majorité qualifiée des deux tiers des députés). Or, au vu de cette définition plus restrictive de la
loyauté à l’égard de la Constitution, le parti communiste s’est vu opposer le reproche (du reste admis
par Bernard) de prôner la révolution armée30. La question fondamentale était dès lors de savoir si le
texte de la Constitution autorisait, ou non, la majorité d’exercer un tel type de contrôle des
programmes des partis. L’argumentation constitutionnelle de la majorité, sur ce point, était pour le
moins ténue, mais cela ne l’a pas empêché d’invalider le mandat de l’unique député communiste.
Dans le sillage de ce débat, le ministre d’Etat de l’époque, Joseph Bech, chef du
gouvernement de coalition entre la droite catholique et le parti radical-libéral, a soumis à la Chambre
des députés en 1935 le célèbre projet de loi « ayant pour objet la défense de l’ordre politique et
Dumont, Patrick, Fehlen, Fernand, Kies, Raphaël & Poirier, Philippe, Les Elections Législatives et Européennes de
2004 au Grand-Duché de Luxembourg. Luxembourg : Service Central des Imprimés de l’Etat, 2006.
27 Lire Compte rendu des débats de la Chambre des députés du Grand-duché de Luxembourg, session ord. 1934-35, col. 5-14, 21-22 et
surtout col. 111-166. Voir aussi, dans les archives du Conseil d’Etat, l’avis (non publié) du Conseil d’Etat de 1934 sur
l’éligibilité du député Zénon Bernard.
28 Cf. art. 57 al. 2 Const. 1868 (version applicable en 1934) = art. 57 § 2 Const. 1868 (version actuelle).
29 Sur le lien établi par Schmitt entre le serment de fidélité et ces décisions fondamentales du constituant, lire ses pages
toujours éclairantes de sa Verfassungslehre (1928), Berlin, Duncker & Humblot, 8e rééd., 1993, § 3, II, 2e), p. 27 s.
30 A la même époque, le gouvernement de Joseph Bech a révoqué de la fonction publique deux instituteurs (Kill et
Urbany) au motif de leurs opinions politiques communistes, révocation confirmée par l’arrêt du Conseil d’Etat du 25
novembre 1936.
26
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Luxembourg
social », appelé populairement « loi muselière »31. Ce projet avait pour objet, d’une part, d’interdire le
parti communiste et, d’autre part, d’autoriser le gouvernement à dissoudre tout groupement qui
« sous quelque forme ou dénomination que ce soit, vis(ait) à changer la Constitution ou à entraver le
libre fonctionnement des institutions » en se servant de la violence ou en menaçant d’y avoir recours
(art. 1er). La dissolution entrainait la déchéance des membres du parti concerné de tous leurs mandats
de député ou de conseiller communal (art. 3). Adopté à une très large majorité par la Chambre des
députés, le texte fut critiqué par la gauche et une partie des libéraux. Pour clore le débat, la majorité a
accepté de soumettre le texte à un référendum (consultatif) qui, contre toute attente, a abouti, à une
courte majorité, à un rejet. Suite à ce veto populaire du 6 juin 1937, qui, dans la mémoire de la
gauche, constitue l’un des moments phares de l’histoire de la démocratie luxembourgeoise, le texte de
la loi n’est pas entré en vigueur.
A partir de ce moment, la constitutionnalité du parti communiste et d’aucun autre parti n’a
plus été contestée. A l’heure actuelle, la question des partis « extrémistes » – « anti-système » – ne se
pose pas dans la pratique. Elle n’est d’ailleurs nullement évoquée dans la proposition de refonte
totale de la Constitution. Cela n’empêche pas pour autant de se poser, en théorie, la question de
savoir si, en l’état actuel du droit luxembourgeois, les autorités de l’Etat pourraient agir contre un
parti « extrémiste » ? L’actuel texte de la Constitution protège le rôle et l’existence des partis en tant
que vecteur du « pluralisme démocratique » (art. 32bis Const.). En l’absence de toute limite à ce
pluralisme à l’instar de l’art. 21 LF et de toute clause d’éternité (cf. art. 79 al. 3 LF), l’invalidation des
mandats d’un parti « extrémiste » (si un tel parti devait voir le jour) paraît pour le moins discutable,
sauf à penser que le pluralisme dit « démocratique » de l’art. 32bis ne couvre que les partis favorables
à la démocratie. Si l’on regarde à présent le droit ordinaire, il apparait que celui-ci reconnaît à l’Etat
un certain nombre de prérogatives afin, au moins, de se protéger contre des actes de violence (actes
tantôt réalisés, tantôt projetés). D’une part, le Code pénal permet de poursuivre divers actes, ou
tentatives d’actes, visant à renverser par la force l’ordre politique (crimes et délits contre la sûreté et
la sécurité intérieure de l’Etat : art. 101 ss, art. 124 et 126 ; terrorisme : art. 135-1 Code pénal).
D’autre part, la loi actuelle sur les associations du 21 avril 1928 habilite la justice judiciaire de
prononcer la dissolution d’une association qui « contreviendrait gravement … soit à la loi, soit à
l’ordre public » (art. 18). Reste à savoir ce que veut dire, à la lumière des exigences de la Constitution
et du droit international et européen (CEDH), « une atteinte grave à l’ordre public ».
2° L’accès des partis aux médias : un accès peu régulé par l’Etat
A l’instar de ce qui se passe dans toutes les démocraties pluralistes contemporaines, les partis
politiques, et donc aussi les partis de l’opposition, bénéficient, au Luxembourg, de la liberté
d’expression (art. 24 Const.), de la liberté de la presse (art. 24 Const.) et de la libertés des autres
médias.
Au Luxembourg, le paysage de la presse écrite était dans le passé assez compartimenté :
chaque parti majeur avait son propre journal32. En outre, ce paysage était largement dominé par le
journal conservateur Luxemburger Wort (La voix du Luxembourg), qui était la propriété de l’Eglise
catholique et défendait les idées du parti chrétien social. Le système de l’aide financière de l’Etat à la
presse écrite permettait en outre de maintenir un nombre assez élevé de journaux au sein d’un
Voir les divers documents parlementaires sur ce projet de loi : Compte rendu des débats de la Chambre des députés du Grandduché de Luxembourg, session ord. 1934-35, Annexes n°23 et n°39 ; session ord. 1936-37, Annexes n°18 et n°40. Pour une
contextualisation historique, cf. les divers articles parus dans le numéro 97 (1987) de Forum consacré à la loi muselière ;
les articles réunis dans la publication 50 Joër Maulkuerw, Luxembourg, Editpress, 1987 ; G. Trausch, Un passé resté vivant, op.
cit., p. 207 ss (« Une loi de répression. Le ‘Maulkuerf’ de 1937 ») ; L. Blau, « 6. Juni 1937 : Nein ! Vor 68 Jahren lehnten
die Luxemburger das Ordnungsgesetz ab », Tageblatt, 4/5 juin 2005, p. 14-17; H. Koch-Kent, Ils ont dit non au fascisme. Rejet
de la loi muselière par le référendum de 1937, Luxembourg, 1982 ; B. Fayot, Les quatre référendums du Grand-Duché de Luxembourg.
Essai, Luxembourg, Editions de la petite Amérique, 2006.
32 Parti chrétien social : Luxemburger Wort (http://www.wort.lu/fr) ; parti socialiste : Tageblatt (http://www.tageblatt.lu/) ;
le parti libéral : Letzebuerger Journal (http://www.journal.lu/home/) ; le parti communiste : Zeitung vum Letzebuerger
Vollek (http://www.zlv.lu/). Cf. R. Hilgert, Les journaux au Luxembourg 1704-2004, Luxembourg, 2004.
31
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marché somme toute très petit33. A l’heure actuelle, les différents journaux, en particulier le Wort,
cherchent à prendre de la distance par rapport à ce rôle antérieur de « porte-parole d’un parti ami » et
à ouvrir davantage leurs colonnes aux thèses et acteurs des autres partis. En ce qui concerne la presse
écrite, la gestion du « pluralisme » relève de la discrétion de chaque journal et de règles de la
déontologie journalistique. L’Etat se contente de poser l’objectif du pluralisme et d’encourager et de
soutenir la diversité des organes privés de presse.
La situation est, en partie, différente pour ce qui est des radios (privées et publique) et de la
télévision (il n’existe que deux chaines luxembourgeoises34 () : l’opérateur privé RTL et la chaîne
parlementaire Chamber TV. La loi modifiée du 27 juillet 1991 sur les médias électroniques35, impose
à toutes les stations de radio et chaines de télévision « l’indépendance et le pluralisme de
l’information » (art 1 § 2). La concrétisation de ces objectifs généraux est déléguée, par la loi, aux
cahiers de charges établis par le gouvernement à l’égard de chaque opérateur. Dans l’actuelle pratique
de ces cahiers de charges, seuls deux opérateurs sont soumis à un régime formalisé : d’une part,
l’opérateur privé historique, qui, pendant longtemps, jouissait d’un monopole au Luxembourg et qui
continue à dominer le marché, à savoir l’entreprise privée CLT-UFA gérant la radio et la télévision
RTL Luxembourg ; d’autre part, l’unique station de radio publique 100,7, dite radio socioculturelle
(cet établissement public a été créé lors de l’abolition du monopole de RTL et de la libéralisation du
secteur des médias en 1991). Pour les autres radios (nationales ou locales), le respect du pluralisme
est confié à la discrétion de l’opérateur privé concerné et aux règles de la déontologie journalistique36.
En vertu de la loi de 1991, des cahiers de charges et des décisions prises par le conseil du
gouvernement sur le fondement de ces normes, RTL et la radio socioculturelle 100,7 se voient
imposer un certain nombre d’obligations spécifiques de la part du gouvernement. Deux cas de
figures sont à distinguer : lors des campagnes électorales et en-dehors des périodes de campagne
électorale.
Lors des élections législatives (Chambre des députés, Parlement européen) du passé, le
conseil du gouvernement a imposé, sur proposition de la « Commission consultative ‘Compagnes
électorales’ »37 le régime suivant : tous les partis présentant des candidats à l’élection se voient offrir le
droit de transmettre un spot, de même durée, sur RTL (radio et télévision) et sur 100,7. Lors des
tables rondes organisées par ces deux médias, tous ces partis doivent être représentés et disposer du
même temps de parole (avec, à la clé, un minutage du temps de parole). Pour le reste, la campagne
électorale n’est pas davantage réglementée ; en particulier, il n’existe pas, comme en France, un
système administratif de décompte exact des interventions des divers partis et acteurs politiques sur
toutes les chaînes de télévision38. Le droit luxembourgeois, qui, de manière générale, est marqué par
l’empreinte du libéralisme, fait confiance aux divers médias afin qu’il y ait un débat « pluraliste et
équilibré », ce qui est aussi, grosso modo, le cas au final du fait de la pluralité des radios et de la
présence assez équilibrée des divers partis à l’unique chaine de télévision.
Loi du 11 mars 1976 d’aide directe de l’Etat à la presse écrite, Mémorial A, 1976, n°11 ; Loi du 3 août 1998 sur la
promotion de la presse écrite, Mémorial A, 1998, n°81.
34 Sous ce terme (non juridique), il y a lieu d’entendre une chaîne qui vise, de manière directe, le public luxembourgeois. Il
y a, en outre, des chaînes de télévision (luxembourgeoises, selon les critères juridiques) qui ont reçu une concession de la
part de l’Etat luxembourgeois mais dont les émissions s’adressent, en priorité, à un public hors du Luxembourg, à l’instar
de RTL-TVI (public belge).
35 Mémorial 1991, n°47
36 A vérifier : le rôle et la pratique de l’ALIA.
37 Cette commission se substitue à l’ancienne commission dite « des tribunes libres », établie par arrêté ministériel du 10
janvier 1979. Elle a été établie, par arrêté du conseil de gouvernement du 25 juillet 2003, au sein du Ministère d’Etat,
service information et presse du gouvernement, et est composée des membres suivants : un représentant du service
information et presse, un représentant du service des médias et des communications et un représentant de chaque groupe
politique représenté à la Chambre des députés. Sont admis également, en tant qu’observateurs, des représentants de RTL
et de 100,7. C’est au sein de cette commission que sont dégagés, par consensus, les propositions de règles relatives à la
campagne électorale, qui sont soumises ensuite à la validation du gouvernement. Ce dernier s’est contenté dans le passé à
entériner ces avis.
38 Du moins pas du côté du ministère d’Etat, service d’information et de presse. Vérifier pour ALIA.
33
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Il reste à présent à évoquer les périodes hors campagnes électorales. La pratique établie, et
actuelle, est la suivante. Une fois les résultats de l’élection connus, le service information et presse
(SIP) relevant du ministère d’Etat attribue à chaque parti représenté à la Chambre des députés (à
l’exclusion donc des partis de l’opposition extra-parlementaire39), un certain nombre de créneaux
horaires sur la radio RTL (« Tribunes libres ») et la radio 100,7 (« d’Parteien hunn d’Wuert ») où le parti en
question peut communiquer librement sur le thème de son choix. L’usage par les partis de ce temps
d’antenne est entièrement gratuit, l’opérateur RTL prenant même en charge l’enregistrement de
l’émission (il n’y a pas non plus d’indemnisation de la part de l’Etat). Ces émissions, à courte durée
(quelques minutes), sont programmées toutes les semaines et ne sont suspendues que pendant les
campagnes électorales40. Le principe directeur régissant l’attribution de ces temps de parole est non
pas l’égalité arithmétique, mais l’égalité proportionnelle : la régularité avec laquelle un parti représenté à
la Chambre des députés a droit à une telle émission est fonction du nombre de ses députés. En outre,
comme déjà indiqué, seuls les partis représentés à la Chambre ont accès à ces émissions. Le
gouvernement, qui a imposé ces obligations aux deux opérateurs, n’a donc pas retenu de raisonner en
fonction de la distinction « majorité/opposition ». Cette distinction ne joue, comme déjà indiqué,
qu’un rôle marginal en droit luxembourgeois. Pour compléter ce tableau, il faut toutefois fortement
relativiser l’importance sociale de ces émissions réservées à chaque parti. Leur impact est, à première
vue, faible ; l’influence des partis (de certains partis, de certains orateurs) sur le débat médiatique se
fait essentiellement par d’autres émissions, de grande écoute, qui sont plus interactives. Or, pour ces
autres émissions, l’accès est régulé par le média en question. Là aussi, le facteur clé est certainement
la diversité des médias, diversité qui a été fortement enrichie en 1991 lorsque l’ancien monopole de
RTL a été aboli. A cela s’ajoute, bien évidemment, ce nouvel espace de communication, entièrement
libre, qu’est internet.
Notons, enfin, que pour l’actuelle campagne précédant le référendum du 7 juin 2015, le
gouvernement a décidé, suite à l’avis en ce sens de la commission consultative « Campagnes
électorales », de ne pas mettre sur pied un régime spécial, à l’instar de ce qui se fait pour les
campagnes électorales. C’est donc le régime de droit commun – l’accès réservé aux partis politiques
représentés à la Chambre, selon une clé de répartition proportionnelle – qui s’applique en ce
moment. La conséquence en est que les acteurs privés qui se sont massivement investis dans ce débat
(sur la question du droit de vote des étrangers, le « oui » et le « non » sont, en grande partie, promus
par des initiatives privées, les partis faisant, curieusement, un « service minimal ») n’ont pas accès à
ces temps d’antenne répartis par l’Etat. En revanche, le pluralisme est effectivement garanti lors de
cette campagne référendaire, au niveau des médias, grâce à l’accès que leur accordent, en toute
liberté, les divers médias, public ou privés, sans oublier, là encore, l’importance cruciale des nouveaux
médias sociaux (internet, facebook, twitter, etc.).
3° Le financement public des partis 41
La simultanéité des scrutins national et européen en 1979 a généré un long débat sur le
financement public de la vie politique luxembourgeoise dans le cadre des élections proprement dites
ou en dehors de celles-ci42. Qui plus est, le financement public n’était en la matière que l’un des
éléments de la dispute sur le rôle et la fonction des partis et de leur éventuelle constitutionnalisation au
cours de ces trente dernières années.
39 A l’heure actuelle, trois partis au moins peuvent être mentionnés : le parti des pirates, le parti communiste et le parti
PID (parti pour la démocratie intégrale).
40 Sur les éventuelles campagnes référendaires, cf. infra.
41 Philippe Poirier (sous la direction de), Les Elections Législatives et Européennes de 2009 et de 2014 au Grand-Duché
de Luxembourg. Luxembourg : Service Central des Imprimés de l’Etat, 2011.
42 Frieden, Luc, « Le droit constitutionnel et les partis politiques au Parlement ». In, Annales du Droit Luxembourgeois,
volume 1/1991, p123-153, 1992. « Le prix de la démocratie pluraliste ». In, Annales du Droit Luxembourgeois, volume
3/1993, p173-181, 1994.
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Luxembourg
Au cours des années 80 de nombreuses questions parlementaires ont été en effet adressées au
Gouvernement – surtout à l’initiative des formations alors dans l’opposition– particulièrement sur la
nécessité de la personnalité juridique des partis politiques dans le cadre d’une réforme de la loi sur les
associations de 193643, sur les dons émanant des personnes morales, sur les conditions de location
d’immeubles appartenant à l’Etat luxembourgeois au profit de l’un des deux partenaires de coalition.
Tout au long de cette décennie, le Conseil d’Etat s’est toujours opposé à la Chambre des Députés dès
lors que celle-ci a voulu modifier la loi électorale notamment pour le financement public du scrutin
de 1984 et par ricochet pour soutenir financièrement, même de façon indirecte, les partis politiques.
A l’époque, pour la Haute corporation, l’inscription même du terme parti dans la loi électorale
risquait de « restreindre des libertés et des droits dont ils bénéficient actuellement en tant qu’associations de fait […]
et pour ceux des Luxembourgeois qui ont fait le choix de ne pas être affiliés à un parti »44. Au moment de la
réforme de la Constitution en 1988, la Commission parlementaire en charge de celle-ci, utilisa le
même argumentaire pour rejeter l’enchâssement constitutionnel des partis politiques45. Legs de cette
décennie jusqu’en 2007, le droit électoral luxembourgeois n’avait pas créé de lien direct entre les
partis et les groupements de candidats.
Les années 90 marquent néanmoins un certain « raidissement » des positions au sein du
système politique grand-ducal. Aux accusations de corruption46, de mise en place de systèmes de
« dépouilles ministérielles » entre les différents partis de coalition gouvernementale (les formations
politiques se réservant des ministères et les émoluments qui vont avec en imitation de la Ière
République italienne) succèdent des propositions législatives supportant toujours plus l’idée à la fois
d’une inscription constitutionnelle des partis et d’un financement public des formations politiques !
La « grande affaire » de la décennie fut l’institution d’une Commission d’enquête
parlementaire suite aux déclarations du député Robert Mehlen, président de l’ADR. Ce dernier avait
affirmé avoir recueilli les confidences d’un de ses collègues parlementaires concernant le versement
de dons substantiels de Centrale paysanne, le plus grand syndicat agricole du Luxembourg, à des
partis politiques… La Commission conclut que « l’échafaudage de prétendues preuves devant corroborer les
affirmations [du député Mehlen] aujourd’hui rétractées s’étaient écroulées de fond en comble. Ses agissements ciblés
[discréditaient] publiquement l’honorabilité des mandataires politiques et [ébranlaient] les structures démocratiques. »47.
Cette condamnation « morale » par les pairs du président du parti souverainiste, nouveau
venu sur la scène politique, fut toutefois suivie rapidement d’une reconnaissance implicite de
pratiques répréhensibles dans la déclaration justifiant une nouvelle coalition gouvernementale entre
chrétiens sociaux et socialistes issue des élections de 1994. Le Premier ministre de l’époque, Jacques
Santer, souligna en effet que la prochaine législature devrait définir « les modalités et les conditions suivant
lesquelles l’Etat pourra contribuer à assurer des moyens financiers adéquats aux partis politiques, sans toutefois mettre
en cause leur indépendance vis-à-vis du pouvoir public. Il est évident que la contrepartie consistera en une transparence
43 Chambre des Députés, Proposition de Loi ayant pour objet de modifier la loi du 11 mai 1936 garantissant la liberté d’association. M.
Robert Krieps (POSL), session ordinaire 1980-1981, n° 2512, 25 juin1981. Question n° 42 de M. Alex Bodry (POSL) concernant la
réglementation du financement des partis politiques. Question 262 de Mme Anne Brasseur (PD) concernant la mise à disposition de locaux
par l’Etat, Session ordinaire 1980-1990, 19 avril 1989.
44 Chambre des Députés, Rapport de la Commission spéciale J-1983-O-0047 Projet de loi portant modification de la législation
régissant les élections au Parlement Européen, à la Chambre des Députés et aux conseils communaux - n°2736. 1. Avis du Conseil d’Etat
(8.12.1983). 2.1. Amendements proposés par la Commission spéciale Lettre du Président de la Chambre des Députés au Président du
Conseil d’Etat (14.2.1984). 2.2. Avis complémentaire du Conseil d’Etat (1.3.1984). 2.3. Rapport de la Commission spéciale, 2 mars
1984.
45 Chambre des Députés, Commission révision constitutionnelle, Projet de Révision de l’article 26 de la Constitution, Session ordinaire
1987 – 1988, n°3228, 1er septembre 1988.
46 Chambre des Députés, Question 116 de M. Josy. Simon (PD) concernant les narco-dollars du “cartel de Cali" & Réponse de M.
Marc Fischbach, Ministre de la Justice, Session ordinaire 1991-1992, 26 novembre 1991.
47 Chambre des Députés, Commission d’enquête instituée par la décision du 1er février 1994, Rapport sur les conclusions de l’enquête,
Session ordinaire 1993 – 1994, n° 3892, 18 mars 1994.
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Luxembourg
appropriée de la gestion des finances des partis ». En 1994, une première question parlementaire concernant
le financement des européennes fut également adressée au Gouvernement48.
Un an avant les élections de 1999, deux propositions de loi furent soumises au Parlement : L’une de Robert Mehlen, portant réglementation du financement des partis et des campagnes
électorales ; - L’autre de Jean Asselborn, du POSL, sur le remboursement partiel des frais des
campagnes électorales. La proposition socialiste limitait l’intervention de l’Etat à une participation au
coût des campagnes électorales se rapportant aux élections législatives et européennes, alors que la
proposition de l’élu souverainiste dépassait largement ce cadre, en y incluant la campagne pour les
élections communales et, différence plus fondamentale, elle prévoyait une participation importante
de l’Etat aux frais de fonctionnement des partis en dehors des joutes électorales.
Le Conseil d’Etat considéra de nouveau que le financement de la vie politique entrainait le
risque pour les formations politiques « d’être identifiées à des institutions publiques »49. Par conséquent, le
Gouvernement fit adopter une loi en janvier 1999 sur le financement public des seules campagnes
électorales et dont ses principales dispositions furent inclues par la suite dans la dernière loi électorale
du 18 février 2003 toujours en vigueur50.
Cette première avancée ne pouvait occulter le fait que le Grand-duché dans l’Europe des 15
était le seul Etat qui n’avait pas encore de loi sur le financement public des partis. Les Verts saisirent
donc la balle au bond en 2002 en estimant qu’un contrôle du statut et du fonctionnement des partis
devenait inéluctable. Le parti environnementaliste souligna aussi que « cette loi (d’exécution) devra obliger
tous les partis ou groupements politiques à publier leurs comptes annuellement afin de garantir la transparence
financière. En plus, les partis devront être tenus à respecter leurs propres statuts, des statuts qu’ils sont libres de choisir
eux-mêmes, sous condition que ces derniers respectent les valeurs démocratiques et la Constitution… »51. On
s’interrogea aussi sur les modes de financements de certaines sections de jeunesse de certains partis
politiques financées éventuellement par le Ministère de la Famille52.
Finalement, l’accord de coalition signé en août 2004 entre chrétiens-sociaux et socialistes 53
annonçait une loi sur le financement des partis politiques, effective en décembre 2007 54 . Le
financement officiel de la vie politique au Grand-duché (sans compter le règlement de la Chambre
des Députés) s’opère depuis lors de trois manières :
•
La loi électorale révisée en février 2003 prévoit un financement dans le seul cadre de la
campagne des élections législatives et européennes ;
•
Le règlement européen relatif au statut et au financement des partis politiques européens de
2004.
•
La loi du 21 décembre 2007 portant réglementation du financement des partis politiques
nationaux, réformée en 2011 ;
En premier lieu, la loi électorale de 2003 stipule qu’un « parti politique ou groupement de candidat est
une association de personnes physiques, dotée ou non de la personnalité juridique, qui concourt, dans le respect des
48 Chambre des Députés, Question 314 de MM. Jean-Pierre Koepp, Gast Gibéryen, Fernand Rau et Robert Mehlen (ADR) concernant
le financement des élections européennes Réponse de M. Jacques Santer, Premier Ministre, Ministre d’Etat, Session ordinaire 1993-1994,
5 mai 1994.
49 Conseil d’Etat, Avis du Conseil d’Etat Proposition de loi portant réglementation du financement des partis et des campagnes électorales,
session ordinaire 1998-1999, n°4401/1 4424/1, p2, 10 novembre 1998.
50 Service Central de la Législation, loi du 7 janvier 1999 sur le Remboursement partiel des frais de campagnes électorales aux partis et
groupements politiques engagés dans les élections à la Chambre des Députés et au Parlement européen, Mémorial, A-n°6, 29 janvier 2004.
51 Les Verts, Financement des Partis : Qui a peur de la transparence ? Luxembourg : Publications Déi Gréng, collection Démocratie et
Institutions, 10 octobre 2002.
52 Chambre des Députés, Réponse de Madame la Ministre de la Famille, de la Solidarité Sociale et de la Jeunesse Marie-Josée Jacobs à la
question parlementaire 2069 de M. Robert Garcia (Les Verts), Session ordinaire 2002-2003, 4 mars 2003.
53 Service
Information et Presse, Ministère d’Etat, Programme Gouvernemental, Questions Institutionnelles,
http://www.gouvernement.lu/gouvernement/programme/programme2004/programme_accord.pdf, 4 août 2004.
54 Service Central de la Législation, Loi du 21 décembre 2007 portant réglementation du financement des partis politiques. A -n° 237,
28 décembre 2007.
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Luxembourg
principes fondamentaux de la démocratie, à l’expression du suffrage universel et de la volonté populaire de la manière
définie dans ses statuts ou son programme…»55. Lors de l’examen du projet de loi, le Conseil d’Etat
abandonna sa position traditionnellement peu favorable à l’égard de l’institutionnalisation des partis
en arguant cette fois-ci qu’il était fondamental d’avoir « une définition plus générale et plus complète des partis
politiques capable de les ancrer fermement dans le régime institutionnel luxembourgeois »56 !Concrètement, l’Etat
luxembourgeois assure les frais d’affranchissement postaux d’une seule communication adressée sous
forme d’imprimé aux électeurs à chaque parti ou groupement de candidats. La dotation est allouée, à
condition que le parti ou le groupement présente des listes complètes de candidats dans toutes les
circonscriptions aux législatives et aux européennes. Le parti doit avoir également recueilli au moins
5% des suffrages valables. Le montant de la dotation pour les élections législatives est forfaitaire
(c’est aussi le cas pour les européennes) : 50 000 euros pour les partis ou groupements qui comptent
1 à 4 élus à la Chambre ; 100 000 euros pour les partis ou groupements qui comptent 5 à 7 élus au
Parlement, etc. C’est la Chambre des Députés qui fixe par son règlement intérieur les montants de
remboursement des frais de campagne57.
En second lieu, en novembre 2003, un règlement européen autorisant le financement des partis
politiques européens sur le budget général de l’Union européenne est entré en vigueur. Ces dépenses
couvrent les frais administratifs, les frais liés au soutien technique, aux réunions, à la recherche, aux
manifestations transfrontalières, aux études, à l’information et aux publications. Les crédits
disponibles sont répartis chaque année entre les partis politiques au niveau européen : 15 % sont
répartis en parts égales ; 85 % sont répartis entre ceux qui ont des élus au Parlement européen,
proportionnellement au nombre d’élus (plus de 50% des subventions se concentrent sur le Parti
populaire européen et le Parti socialiste européen)58. Ce financement est distinct de celui qui est
accordé aux groupes parlementaires européens du Parlement européen59 et du Comité des Régions60.
Chose remarquable, parmi les exigences pour bénéficier du financement européen, les partis
politiques européens doivent respecter, dans leurs programmes et par leurs actions, les principes sur
lesquels l’Union européenne est fondée, à savoir les principes de la liberté, de la démocratie, du
respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit. Une
normalisation de la démocratie européenne s’opère donc. Les partis politiques doivent avoir
également la personnalité juridique dans l’Etat membre où il a son siège ; être représenté, dans au
moins un quart des Etats membres, par des membres du Parlement européen ou des Parlements
nationaux ou régionaux ; - avoir réuni, dans au moins un quart des Etats membres, au moins 3% des
votes exprimés dans chacun de ces Etats membres lors des dernières européennes. Ces
conditionnalités normatives n’ont pas été reprises dans la législation luxembourgeoise en 2007.
En troisième lieu, en octobre 2006, en reprenant les travaux de la Commission pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise) et le Groupe d’états contre la corruption (GRECO)
du Conseil de l’Europe, la Commission parlementaire des institutions et de la révision
constitutionnelle s’est finalement prononcée à l’unanimité pour l’enchâssement constitutionnel des
Service Central de la Législation, Titre III.- Des collèges électoraux, Chapitre IX.- Du financement des campagnes
électorales Article 91. In, Loi électorale du 18 févier 2003. Mémorial, A- n°30, p457, 21 février 2003.
56 Conseil d’Etat, op.cit, p8, 9 juillet 2002.
57 Chambre des Députés, op.cit, Art. 165.- Conformément à l’article 93 de la loi électorale du 18 février 2003, les partis et
groupements ayant satisfait aux conditions présentent, dans les deux mois qui suivent les élections à la Chambre des
Députés et au Parlement européen, un rapport des dépenses électorales effectuées jusqu’à concurrence du montant de la
dotation fixée à l’article 93. Des pièces y afférentes sont à produire. Le Bureau de la Chambre fixe les dotations par parti
et groupement politique d’après les dispositions du même article 93. http://www.chd.lu/docs/pdf/reglement.pdf, 25
octobre 2007.
58 Commission européenne, Eur-lex Règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003
relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen. Luxembourg : L 297/1 Journal officiel de l’Union
européenne FR, 15 novembre 2003.
59 Parlement Européen, Règlement, 15ème édition : Strasbourg, Chapitre V, Groupes Politiques, article 29 bis. Strasbourg :
http://www.europarl.eu.int/omk/sipade3?PUBREF=-//EP//TEXT+RULESEP+20031020+TOC+DOC+XML+V0//FR, octobre 2003.
60 Comité des Régions, Règlement Intérieur Article 9 - Groupes politiques et membres non inscrits, alinéa 5,
http://www.cor.eu.int/document/fr/int_reg_fr.pdf, 5 février 2004.
55
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Luxembourg
partis politiques sur proposition d’Alex Bodry, président du POSL: « Les partis politiques concourent à la
formation de la volonté populaire et à l’expression du suffrage universel. Ils expriment le pluralisme démocratique ».
Selon son rapporteur, la formulation, retenue par la suite par le Gouvernement, était plus concise que
la première définition légale donnée dans la loi électorale de 1999. Dans l’exposé des motifs, le leader
socialiste expliqua que la notion de « parti politique » incluait également les groupements politiques se
présentant aux élections, sans que dans leur dénomination officielle soit repris le terme de parti
politique. Le député socialiste rappela sans son rapport que « …L’expérience de la loi dite « muselière » de
1937 montre d’ailleurs qu’un quelconque contrôle des partis quant à leur légalité est une opération très hasardeuse,
difficilement conciliable avec certains principes fondamentaux d’un régime démocratique »61.
En mars 2007, une proposition cosignée de nouveau par le président du POSL Alex Bodry, le
président de l’ADR, Robert Mehlen, le président du PD, Claude Meisch et le président du groupe
parlementaire des Verts, François Bausch62 est déposée sur le financement des partis politiques. Le
texte de la proposition de loi faisait habilement la distinction entre le financement des partis
politiques d’une part et celui des groupes parlementaires et des sensibilités politiques d’autre part.
Pour pouvoir profiter d’une dotation annuelle de l’Etat un parti politique devait selon la proposition:
- participer de façon active et permanente à la vie politique du pays; - présenter une liste complète
dans les quatre circonscriptions électorales lors des législatives et une liste aux européennes; - avoir
obtenu 2% à la fois aux législatives et aux européennes; - déposer ses statuts au greffe de la Chambre
des Députés; - déclarer ses sources de financement en fournissant une liste précisant les donateurs et
les dons de chaque donateur supérieur à 250 euros; - engager 10% de l’allocation étatique à la
recherche, à la formation et à des études en matière politique; - veiller à ce que chaque structure
centrale d’un parti politique soit obligée de tenir une comptabilité qui couvre l’ensemble de ses
recettes et dépenses ainsi que sa situation patrimoniale active et passive; - veiller à ce que toute entité
constituée au niveau des circonscriptions électorales, toute section locale et toute organisation
sectorielle d’un parti soit tenue de présenter annuellement au parti politique dont elle relève un
compte rendu de la caisse. A l’inverse donc de la législation sur les partis politiques européens, les
cosignataires refusaient de suspendre ou de conditionner un éventuel financement d’un parti
politique s’il contrevenait à certaines valeurs comme la Convention européenne des droits de
l’Homme63.
La loi luxembourgeoise de 2007 sur les partis politiques issue du Gouvernement a repris les
critères de représentativité dans toutes les circonscriptions pour les deux scrutins (national et
européen) de la loi électorale de 2003 (et sa définition de parti) et de la proposition susmentionnée
avec l’obligation de recueillir 2% des suffrages en moyenne nationale tant aux législatives qu’aux
européennes. Cette dernière condition fut fortement critiquée par La Gauche et le PCL bien qu’elle
leur fût destinée. Un montant forfaitaire de 100 000 euros, un montant supplémentaire de 11500
euros pour chaque point de % des suffrages supplémentaires recueilli lors des législatives et des
européennes, sont dorénavant attribués à chaque parti. La dotation, ne peut toutefois excéder 75%
des recettes totales du parti politique (reprenant ainsi une disposition du règlement européen).
Curieusement, le financement des campagnes des candidats aux élections, ne sont pas sujet à des
règles en matière de transparence, de comptabilité, de contrôle et de sanctions similaires à celles
applicables aux partis politiques. Il n’existe pas par ailleurs de modèle commun aux partis pour établir
leurs comptes annuels.
Chambre des Députés, Proposition de révision portant création d’un article 32bis nouveau de la Constitution Dépôt (M. Alex Bodry,
Vice-Président de la Commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle) et transmission à la Conférence des Présidents le 30
janvier 2007, Session ordinaire 2006-2007, n°5673, 22 février 2007. Gouvernement du Luxembourg, Prise de Position du
Gouvernement. Dépêche de la Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement au Président de la Chambre des Députés, Session
ordinaire 2006-2007, n°5673/1, 31 août 2007.
62 Chambre des Députés, Proposition de loi portant réglementation du financement des partis politiques, Dépôt : (Monsieur François
Bausch en son nom propre et au nom de Monsieur Marco Schank, Monsieur Alex Bodry, Monsieur Claude Meisch et Monsieur Robert
Mehlen), Session ordinaire 2006-2007, n°5700, 22 mars 2007.
63Commission européenne, Eur-lex, Règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003,
op.cit, 2004 : « Respecter, notamment dans son programme et par son action, les principes sur lesquels l’Union européenne est fondée, à savoir
les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit,… ».
61
— 153 —
Luxembourg
Pour bénéficier des subventions, la formation politique dans la loi de 2007 doit déposer
auprès du Ministre d’Etat, ses statuts, une liste de ses dirigeants au niveau national, un relevé de ses
donateurs et des dons. Seules les personnes physiques sont autorisées à faire des dons aux partis et à
leurs « composantes ». L’interdiction des dons pour les personnes morales s’étend aussi pour les
associations, groupements ou organismes ne jouissant pas de la personnalité juridique. Par
composante, il faut entendre « toute entité nationale, régionale, locale ou sectorielle d’un parti politique ainsi que
tout organisme contribuant à l’action de celui-ci par des activités de formation, d’études et de recherché ou de gestion du
patrimoine, quelle qu’en soit la forme juridique ».
C’est justement l’un des points qui a inquiété le GRECO dans son rapport publié en juin
2008 sur le cas luxembourgeois, un an avant les élections de 200964: « Il convient de savoir si le périmètre
des comptes des partis politiques comprend bien l’ensemble des recettes et dépenses de leur composantes ou bien si
certaines recettes non reversées à la structure centrale (dépensées localement ou bien conservées) n’ont pas à y apparaître.
Si cela était le cas, la transparence globale ne serait pas assurée […] un certain flou demeure […] (a) quant à savoir
si les comptes des partis politiques doivent sous une forme ou une autre intégrer ceux des ASBL qu’ils ont pu créer et
qui juridiquement sont propriétaires le plus souvent du patrimoine immobilier des partis politiques (b) plusieurs
formations politiques ont des liens très forts avec la presse luxembourgeoise, au-delà de liens idéologiques ; pour assurer
une réelle transparence, il pourrait être utile de demander aux partis politiques de préciser l’existence ou non de liens
juridiques ou financiers et prévoir la possibilité d’une retranscription comptable de ces liens… ».
Qui plus est, dans son premier rapport sur le financement des partis politiques – qui
concerne l’exercice comptable 2008 et produit en janvier 2010 seulement –, la Cour des Comptes du
Luxembourg, sur base des informations reçues des partis politiques, notamment ne pouvait pas se
prononcer sur le contrôle circuits financiers des différentes composantes des formations politiques
grand-ducales65.
En 2009, le remboursement partiel des coûts de campagnes électorales s’élevait à 1 624 500 €,
les dotations aux groupes politiques à 2 389 219,30 € et les dotations aux partis politiques à 2 503 185
€. Selon les chiffres communiqués par les formations politiques en début de campagne en 2009, le
budget total du PCS avoisinait le million d’euros (+5% par rapport à 2004), celui du PD 800 000 € (18%) et celui du POSL 750 000 € (-10%), celui de l’ADR 750 000 € (+20%) et celui des Verts
650 000 € (+40%), en tenant aussi compte des 70 000 € prévus pour fêter le vingt-cinquième
anniversaire du mouvement. Les deux formations de la gauche radicale reconnaissaient avoir dépensé
entre 80 000 (PCL +25%) et 125 000 euros (La Gauche + 40%)66. Comme en 2004, les partis
politiques estimaient avoir consacré entre 10 et 15% de leur budget total de campagne aux seules
élections européennes. A l’exception des Verts et du PD, aucune formation politique
luxembourgeoise n’a reconnu avoir reçu une aide financière et/ou logistique des partis politiques ou
des groupes parlementaires auxquels ils sont rattachés au niveau européen.
En mai 2009, le député libéral Xavier Bettel déposa une motion parlementaire pour que cesse
tout activisme électoral au sein des établissements scolaires pendant la campagne préélectorale sous
prétexte que différentes campagnes d’information y étaient organisées par le Gouvernement à
quelques semaines des élections et ne concernaient que des projets de loi ayant été adoptés il y a
plusieurs années et faisant donc objet de propagande électorale aux frais des contribuables. La
motion fut présentée avec l’appui de tous les partis de l’opposition.
Dans son rapport en date du 31 décembre 2012, la Cour des Comptes du Luxembourg observait tout
d’abord que les comptes des partis étaient bien tenus et respectait le seuil des 75% comme spécifié
64 Conseil de l’Europe, Greco Eval III Rep (2007) 6F Thème II Troisième Cycle d’Evaluation Rapport d’Evaluation du
Luxembourg sur la « Transparence du financement des partis politiques » (Thème II) Adopté par le GRECO lors de sa
38ème
Réunion
Plénière
(Strasbourg,
9-13
juin
2008)
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round3/GrecoEval3%282007%296_Luxembourg_Two_FR.
pdf, juin 2008.
65 Cour des Comptes, Rapport sur l’observation des dispositions des articles 2, alinéa 3, 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 de la loi du 21
décembre 2007 portant réglementation du financement des partis politiques, janvier 2010.
66Hansen, Josée, « Au marchée des idées » In, d’Lëtzebuerger Land, 30 janvier 2009.
— 154 —
Luxembourg
par l’Article 2, alinéa 3 de la Loi de 200767.
La Loi du 16 décembre 2011, qui lui a succédé, stipule désormais qu’«une copie de ces pièces
est transmise simultanément par le parti politique au Président de la Chambre des Députés ». Les
comptes et bilans des partis politiques sont publiés également sur le site Internet du Parlement. Qui
plus est, selon l’article 14 de ladite Loi, c’est le Président de la Chambre des Députés qui envoie tous
les documents susmentionnés avec le relevé des donateurs à la Cour des comptes pour vérification et
contrôle. La Cour des comptes avant la fin de l’année civile transmet ses observations, accompagnés
le cas échéant des réponses des partis politiques concernés, au « Président de la Chambre des
Députés, qui en informe le Bureau de la Chambre des Députés et les présidents des partis
politiques ». Le Président de la Chambre des Députés transmet le rapport au Premier Ministre et le
publie de nouveau sur son site Internet. Le nouvel article 17 de la Loi formule que les fausses
déclarations et les infractions à la Loi sont « passibles des peines prévues aux articles 496-1, 496-2 et
496-3 du Code pénal ». L’article 23, paragraphes (2) et (3) du Code d’instruction criminelle, est
applicable.»68.
Le 30 juillet 2013, soit à peine trois semaines après l’annonce de la « démission » du
Gouvernement Juncker, un accord conjoint du PCS, du POSL, du PD, des Verts et de l’ADR était
officialisé. Celui-ci définissait les règles des dépenses des partis signataires pour la campagne à venir.
Les spots publicitaires dans la presse69 ne pouvaient, par exemple, excéder un total de 75 000 euros.
Un même effort de maitrise des coûts concernait le nombre de grandes affiches (les partis
s’accordant 140 grandes affiches) ainsi que les cadeaux et gadgets habituellement dévolus à soutenir
publicitairement les partis et leurs slogans: chaque parti choisissant un seul gadget pour l’ensemble de
la campagne. Le plafonnement de ces budgets a été renforcé par les partis afin de subventionner
leurs dépenses de campagnes 2013 (il faut toutefois encore noter que deux campagnes électorales
séparées – législatives et européennes – favorisent le sentiment de réduire les budgets…qui sont eux
même, de fait, séparés). Le Parti pirate annonçait donc des dépenses comprises entre 22.000 et
25.000 euros en tout. Les principaux partis (PD, PCS, POSL) annoncèrent 600.000 euros de
budget70.
67 Rapport sur l’observation des dispositions des articles 2, alineas 3, 6, 8, 9, 11, 12 et 13 de la loi du 21 décembre 2007,
portant
réglementation
du
finacement
des
partis
politiques
pour
l’exercice
2011.
http://www.chd.lu/wps/wcm/connect/0c657e09-77b5-481a-ab79-bd3c8212b49d/Rapport++Cour+des+comptes.pdf?MOD=AJPERES
68 Service Central de Législation, Code Pénal, Art. 496-1. (L. 15 juillet 1993) Est puni des peines prévues à l’article 496,
celui qui sciemment fait une déclaration fausse ou incomplète en vue d’obtenir ou de conserver une subvention,
indemnité ou autre allocation qui est, en tout ou en partie, à charge de l’Etat, d’une autre personne morale de droit public
ou d’une institution internationale. Art. 496-2. (L. 15 juillet 1993) Est puni des peines prévues à l’article 496, celui qui
suite à une déclaration telle que visée à l’article précédent, reçoit une subvention, indemnité ou autre allocation à laquelle
il n’a pas droit ou à laquelle il n’a droit que partiellement. (L. 30 mars 2001) Est puni des mêmes peines celui qui aura
sciemment employé une subvention, indemnité ou allocation telle que visée à l’article précédent, à d’autres fins que celles
pour lesquelles elle a été initialement accordée, Art. 496-3. (L. 30 mars 2001) Est puni des peines prévues à l’article 508,
celui qui accepte ou conserve une subvention, indemnité ou autre allocation, ou partie d’une subvention, indemnité ou
autre
allocation,
sachant
qu’il
n’y
a
pas
droit,
http://www.legilux.public.lu/leg/textescoordonnes/codes/code_penal/CodePenal_PageAccueil.pdf, 1er août 2013.
69 Les spots publicitaires concernaient l’ensemble des annonces pour les médias écrits et audiovisuels à l’exception du
cinéma (qui étaient interdits).
70 Chambre des Députés, Règlement de la Chambre des Députés, Art. 16.- Pour assurer le fonctionnement des groupes
politiques et techniques ainsi que des sensibilités politiques, le Bureau de la Chambre met à leur disposition les locaux et
les installations nécessaires, ainsi que des crédits de fonctionnement calculés sur la base de leur représentation
proportionnelle à la Chambre. Sur présentation des pièces justificatives, les groupes politiques et techniques ont encore
droit au remboursement, jusqu’à un montant à déterminer par le Bureau de la Chambre, des frais relatifs à l’engagement
de personnel. Dans les conditions à fixer par le Bureau de la Chambre, le remboursement des frais relatifs à l’engagement
de personnel peut également être accordé par le Bureau aux sensibilités politiques, sur présentation des pièces
justificatives. Le Bureau de la Chambre met à la disposition de chaque député, à sa demande, un bureau équipé, à
proximité du palais de la Chambre. http://www.chd.lu/docs/pdf/reglement.pdf, 25 octobre 2007.
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Luxembourg
4° Le fonctionnement interne du Parlement
Le règlement n’est nullement une loi ordinaire et/ou une loi organique bien qu’elle
s’apparente à celle-ci pour son approbation et la validation de ses nouvelles dispositions. Il est prévu
en effet au Titre V du règlement Chapitre 21 Des changements au Règlement, que sa révision
générale ou partielle, est à l’initiative de cinq députés au minimum. Leur proposition de révision est
adressée à la Conférence des Présidents, qui en saisit la Commission du Règlement. Celle-ci comme
toute autre commission établit un rapport discuté et voté en plénière « comme pour les projets de loi
» comme le signale l’article 203 du règlement, sans toutefois, et c’est capital, l’avis du Conseil d’Etat.
Le jour des débats et l’éventuel vote d’une modification sont communiqués au préalable au
Gouvernement. A l’article 205, chapitre 23 Disposition finale, il est indiqué que le règlement est
désormais publié au Mémorial. Sa publication est récente. Elle date de l’année 2007. Jusqu’en 1965 le
règlement faisait l’objet d’une participation dans la rédaction du projet du Gouvernement et d’un avis
du Conseil d’Etat, ce qui en soi limitait le pouvoir souverain du Parlement en la matière. Bien que le
règlement ne fasse pas expressément référence à ce qu’est l’opposition, il en détermine fortement les
contours au regard de ses réformes, des attributions qu’ils donnent à la Conférence des présidents et
au Bureau, à la formation des groupes, des sensibilités et des commissions, aux modalités du contrôle
de l’action du Gouvernement.
En 1877, il est rendu obligatoire un compte rendu systématique des débats en plénière en
éliminant toutes les « entraves à la nature réelle des débats y compris les admonestations et injures
personnelles (complété en 1905 par un compte-rendu analytique en allemand distribué à tous les
électeurs, puis en français et en Luxembourgeois depuis 1945). Des réformes en apparence mineures
sont introduites en 1926, en 1932 et en 1933. Le règlement reconnut alors la possibilité pour un
député de voter pour un autre député. Il fut créé les postes de vice-présidents de la Chambre des
Députés, permettant ainsi la mise en place du premier « système des dépouilles » entre partis
politiques au sein du Parlement. Des mesures disciplinaires supplémentaires sont adoptées au regard
des dérives de violence au sein des parlements allemand, belge et italien et de la volonté de canaliser
le travail des nouveaux députés communistes et de certains de La Droite (futur PCS) qui a moult
reprises provoquèrent des incidents en Chambre. L’exclusion temporaire est ainsi introduite. Surtout,
une Commission de travail (préfiguration de la Conférence des Présidents) est permise dans la
dernière réforme règlementaire. La Commission de travail (désormais Conférence des Présidents) a
depuis pour objet de fixer l’agenda législatif. Elle était alors composée du Président du Parlement et
des délégués des « groupes politiques », qui bien qu’ils ne furent pas expressément déterminés et
dotés de moyens d’actions dans ledit règlement, étaient mentionnés pour la première fois. Dans ledit
règlement, chaque groupe était représenté par des délégués au prorata du nombre de leurs députés
qui oralement se rattachaient à l’un d’entre eux. Le groupe dénommé « fraction » dans le règlement
devait être composé d’au moins deux députés ainsi que des députés sans affiliation partisane. Dans le
même ordre d’idée, il fut introduit l’ « orateur mandaté » par les groupes politiques qui devait
intervenir sur tel ou tel projet ou proposition de loi, premier exemple de rationalisation politique et
de spécialisation du travail législatif, y compris en plénière71.
Au début des années 60, la Chambre des Députés procéda à une vaste réforme de son
règlement72. Primo, le règlement officialisa pour la première fois l’existence des groupes politiques et
leur attribuent des moyens pour assurer leur fonctionnement, leur représentativité et leur
participation aux travaux du Parlement. La condition pour leur composition est uniquement
numéraire. Ils doivent être pourvus au minimum de cinq membres. Cette contrainte est toujours
71 Manuel parlementaire / préparé, sous les ordres du Bureau, au greffe de la Chambre des Députés.
Luxembourg : V. Bück, 1933. Le manuel contient : 1°. La constitution luxembourgeoise. 2°. Le règlement d’ordre
intérieur de la Chambre des Députés
72 C-1965-O-007-0001 Règlement des travaux parlementaires. C-1969-U-001-0002 Vérification des pouvoirs. C-1969-U001-0004 Election du Bureau définitif. C-1969-U-001-0005 Assermentation de M. Georges Wagner C-1969-U-001-0006
Election du Bureau (suite). C-1969-U-001-0007 Allocution de M. le Président élu. C-1969-U-001-0008 Nomination de la
Commission des Pétitions. C-1969-U-001-0009 Nomination de la Commission des Comptes. C-1969-U-001-0010
Nomination des Commissions permanentes. C-1969-U-001-0011 Renouvellement des mandats de M. le Greffier et de M.
le Greffier adjoint. C-1969-U-001-0012 Règlement des travaux parlementaires.
— 156 —
Luxembourg
d’actualité. L’apparentement des députés non-inscrits au groupe politique fut aussi autorisé. La
création d’un groupe politique permet depuis lors aux électeurs d’identifier qui sont les acteurs
principaux du système politique. Il prévient d’une certaine manière toute dissidence au sein du
Parlement et à venir dans les prochains scrutins au moment de la constitution des listes de candidats,
d’autant plus avec une loi électorale qui consacre le vote préférentiel et « organise » la distinction
entre les groupes de la majorité et ceux de l’opposition.
Secundo, le rôle de la Commission de travail (désormais Conférence des Présidents), toujours
composée uniquement des délégués des groupes politiques, fut renforcé. Elle devint notamment
l’organe parlementaire réglant le temps imparti entre les députés inscrits à des groupes politiques et
les non-inscrits pour chaque débat parlementaire.
Tertio, il fut introduit, suivant la nature des débats, une règlementation du temps de parole en
distinguant le principe de la discussion générale et de la discussion par articles pour les projets et
propositions de lois d’une part et d’autre part, suivant la qualité des intervenants entre membres du
Gouvernement, rapporteurs, auteurs de propositions de lois et orateurs mandatés par les groupes
parlementaires/politiques. Une codification écrite des questions, des motions et des interpellations
fut également opérée. L’interpellation au Gouvernement devint alors une question menant
obligatoirement à un débat et à un éventuel vote. La Commission du règlement proposa de porter le
maximum des membres des commissions permanentes de 11 à 13 afin de que la répartition du
nombre des députés entre les différents groupes soit rendue « équitable » et « proportionnelle ».
En 1990, une nouvelle réforme majeure du règlement fut adoptée par le Parlement,
notamment en raison du poids croissant de nouveaux partis politiques en son sein (l’ADR et Les
Verts), dont les effectifs étaient toutefois insuffisants alors pour constituer un groupe politique à part
entière. Ces partis étaient animés qui plus est de conceptions politiques promouvant la démocratie
« délibérative », « participative » et « rédemptrice »73. Une question fondamentale se posait alors :
Comment organiser le pluralisme politique au sein du Parlement sans que le travail législatif soit
paralysé par des groupes qui de par la volonté des électeurs sont pour le moins minoritaires ? Avec
ladite réforme, les députés qui ne font pas partie d’un groupe politique et ceux qui ne sont pas
apparentés peuvent désormais former un « groupe technique ». Leur coordinateur, qui les représente
dans la Commission de Travail (actuelle Conférence des Présidents), a le même statut que les
présidents des groupes politiques. De plus, la Chambre met à la disposition de tous les groupes
politiques et techniques des locaux et des moyens techniques, ainsi que des crédits calculés sur la base
de leur représentation proportionnelle au Parlement, sur présentation des factures pour l’engagement
de personnel et d’assistant parlementaire. La réforme de 1990 introduit également le fait que les
commissions spéciales sont composées selon la règle de la proportionnalité, à l’inverse des
commissions permanentes qui le sont à la majorité absolue, permettant ainsi la présence en leur sein
de députés de groupes techniques. In fine, les procès-verbaux des réunions et les documents
distribués pendant les réunions des commissions permanentes et/ou spéciales sont communiqués
d’office aux groupes politiques et techniques, même s’ils ne sont pas représentés74.
En 1994, le règlement prévit désormais qu’après la vérification des pouvoirs du Parlement, il était
procédé en début de législature à l’élection du Bureau, composé d’un Président, de trois viceprésidents et de sept membres au plus. Pour ce faire il est successivement tenu un scrutin spécial
pour la nomination du Président, des trois vice-présidents et des membres du Bureau à la majorité
absolue au premier tour et à la majorité relative au second tour. Ces dispositions du règlement
toujours en vigueur participent au renforcement du pluralisme politique dans la gestion
administrative, financière et la représentation internationale du Parlement (fonctions principales du
Bureau) mais le principe de l’élection avantage assurément les groupes politiques au détriment des
groupes techniques.
73 Pour une définition de ces concepts, se rapporter à Philippe Poirier (sous la direction), Les pouvoirs d'un parlement
L'exemple de la Chambre des Députés du Luxembourg. Bruxelles, Larcier, 2014.
74 J-1990-O-0059 Projet de règlement de la chambre des députés - n°3440. 0.1. Texte proposé par la Commission du
règlement en vue de la 1ère lecture (26.6.1990) 1.1. Texte proposé par la Commission du règlement (13.12.1990).
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Luxembourg
En 1997, il est décidé que les documents distribués pendant les réunions des commissions sont
communiqués d’office non seulement aux groupes politiques et techniques mais aussi aux différentes
« sensibilités politiques ». Ces sensibilités sont pour les forces politiques qui ne disposent pas de cinq
députés au minimum au sein du Parlement. Bien qu’elles apparaissent à plusieurs reprises depuis dans
le règlement, en aucune manière les règles de leurs constitutions ne sont définies sinon numéraires
(minimum 1 député).
Les principales dispositions du règlement actuel concernant l’ « organisation » de
l’opposition
Les groupes et les sensibilités parlementaires
Au Titre I, Chapitre 4 Des groupes politiques et techniques, au sein du Parlement, les députés
peuvent se constituer en groupes politiques. Ils doivent comprendre au moins cinq membres quelle
que soit la circonscription d’origine. Les députés qui n’appartiennent à aucun groupe politique
peuvent s’apparenter à un groupe de leur choix avec l’agrément de ce groupe. Ils comptent pour le
calcul des sièges accordés aux groupes dans les commissions. Les députés qui ne font pas partie d’un
groupe politique et ceux qui ne sont pas apparentés peuvent former un groupe technique avec un
minimum de cinq députés sans qu’une cohésion politique et/ou idéologique soir requise. Ils
désignent un coordonnateur qui aura le même statut que les présidents des groupes politiques.
Des députés peuvent se regrouper en sensibilités politiques s’ils n’atteignent pas le nombre requis de
cinq députés. Ils pourront disposer de certains moyens administratifs, financiers et techniques mais
n’ont pas de représentants au sein de la Conférence des Présidents. Le Parlement met à leur
disposition des locaux, ainsi que des crédits de fonctionnement calculés sur la base de leur
représentation proportionnelle à la Chambre.
Sur présentation des pièces justificatives, les groupes politiques et techniques ont encore droit au
remboursement, jusqu’à un montant à déterminer par le Bureau de la Chambre, des frais relatifs à
l’engagement de personnel. Les aides financières accordées aux groupes politiques sont destinées
exclusivement à couvrir les dépenses ayant trait aux activités parlementaires et ne peuvent être
utilisées pour couvrir les dépenses produites par les partis politiques75.
En ce qui concerne le pluralisme politique au Parlement, le Bureau de la Chambre élargit aux «
sensibilités politiques » les libéralités en termes de fonds et les commodités en termes de bureaux et
d’infrastructures techniques jusqu’alors réservées aux groupes politiques et techniques. Tout comme
les groupes politiques et techniques, les sensibilités politiques ont droit au remboursement, jusqu’à
un montant à déterminer par le Bureau de la Chambre, des frais relatifs à l’engagement de personnel.
Pour autant, la Commission de révision du règlement a procédé à une séparation dans le règlement
entre les groupes (politiques ou techniques) et les sensibilités. Le nouveau texte accorde un droit aux
groupes, alors que le « Bureau peut accorder un remboursement aux sensibilités »
Les sensibilités politiques bénéficient dorénavant d’un temps de parole de x/5 de celui d’un groupe
politique, la variable x correspondant au nombre de membres de la sensibilité. Il est toutefois tenu
compte des augmentations de temps de parole par membre prévues antérieurement par les modèles 1
et suivants. Le temps de parole minimal est fixé à 2 minutes. La commission a décidé d’accorder un
temps de parole identique à chaque groupe politique dans le cadre du modèle de base. Le temps de
parole du rapporteur est augmenté à 15 minutes pour le modèle 1. Le temps de parole du
75 D’après les chiffres du GRECO publiés en 2013 : depuis 2011: Montant annuel (réparti et versé par trimestre) alloué
aux groupes politiques et techniques: a) montant de base: 3.100 € par député du groupe (inscrit ou pas); b) frais
d’engagement de personnel: 28.950 € par groupe (ou une somme au prorata de la taille de la sensibilité politique) ; c) pour
équipement et services informatiques: 49.600 € à chaque groupe (ou 10.000€ par député membre d’une sensibilité
politique); d) location véhicule et frais de participation aux congrès: montants globaux de 49.000 € + 15.000 €, à répartir
proportionnellement entre les groupes. Le Bureau de la Chambre a également décidé d’un crédit prévu par législature
pour chaque groupe (ou une somme proportionnelle pour les autres sensibilités politiques) : max. 12,400 pour un
photocopieur +12.400 € pour achat de mobilier, + 500 € par député pour achat de mobilier.
— 158 —
Luxembourg
gouvernement sera de 10 minutes dans le cadre du modèle de base et de 15 minutes pour le modèle
176.
En 2011, le Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) a recommandé
de séparer clairement le financement des groupes politiques de celui des partis politiques, ou faire en
sorte que le contrôle de la Cour des comptes « s’étende aux groupes parlementaires dans la mesure
jugée nécessaire pour la mise en œuvre efficace du mécanisme de contrôle de la loi de décembre
2007 »77. Aux termes de l’article 1er de la loi du 8 juin 1999 portant organisation de la Cour des
comptes, celle-ci contrôle la gestion financière des organes, administrations et services de l’Etat dans
les conditions déterminées à l’article 3 de la même loi. Il en résulte que la Chambre des Députés est
clairement soumise au contrôle imparti à la Cour des comptes. Comme les groupes et sensibilités
politiques n’existent qu’en vertu d’une disposition du règlement de la Chambre des Députés, plus
particulièrement les articles 14, 15 et 16 du règlement et comme les crédits budgétaires destinés au
fonctionnement et au paiement des salaires de leurs collaborateurs font partie du budget de la
Chambre des Députés et de la dotation qui lui est versée, il faut en conclure que le financement des
groupes et sensibilités politiques est soumis au contrôle de la Cour des comptes78.
A l’article 16, il est ajouté un alinéa 5 nouveau, libellé comme suit: « Les aides financières accordées
aux groupes politiques sont destinées exclusivement à couvrir les dépenses ayant trait aux activités
parlementaires et ne peuvent être utilisées pour couvrir les dépenses produites par les partis
politiques ».
Le chapitre 14 intitulé "Remboursement partiel des frais de campagnes électorales aux partis et
groupements politiques engagés dans les élections à la Chambre des Députés et au Parlement
européen" du Titre V "Procédures et dispositions particulières" est supprimé et les chapitres et
articles subséquents sont renumérotés en conséquence79.
La Conférence des Présidents
Au Titre I, Chapitre 6 De la Conférence des Présidents et de l’ordre des travaux, avec le Président de
la Chambre des Députés, les présidents des groupes politiques et techniques, constituent
actuellement la Conférence des Présidents qui a pour mission de décider des questions relatives à
l’organisation des travaux de la Chambre et de proposer l’ordre du jour de la Chambre. L’ordre du
jour ne peut être modifié que par un vote émis sur l’initiative, soit du Président de la Chambre, soit
du Gouvernement ou d’un membre de la Chambre dont la proposition doit être appuyée par cinq
membres au moins. Les députés qui ne sont affiliés à aucun groupe politique ou technique sont
invités à participer aux travaux de la Conférence des Présidents dans les cas où celle-ci est appelée à
émettre son avis sur des projets d’arrêtés ou de règlements. Les présidents des commissions
permanentes et des commissions spéciales peuvent être invitées ou demander à l’être au sein de ladite
Conférence. Le Président du Gouvernement est informé par le Président du jour et de l’heure de la
réunion de la Commission. Il peut y assister ou s’y faire représenter.
Depuis 2000, la Conférence des Présidents peut fixer, à l’unanimité, le temps de parole maximum
pour la discussion de chaque projet de loi et proposition de loi ainsi que pour chaque interpellation,
J-2007-O-0044 5786/01 Propositions de modification du Règlement d la Chambre des Députés Rapport de la
Commission du Règlement (18.10.2007).
77 Conseil de l’Europe, Greco Eval III Rep (2007) 6F Thème II Troisième Cycle d’Evaluation Rapport d’Evaluation du
Luxembourg sur la « Transparence du financement des partis politiques » (Thème II) Adopté par le GRECO lors de sa
38ème
Réunion
Plénière
(Strasbourg,
9-13
juin
2008)
http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round3/GrecoEval3%282007%296_Luxembourg_Two_FR.
pdf, juin 2008.
78 J-2010-O-3135 6289A/01 Proposition de modification de l’article 16 du Règlement de la Chambre des Députés
Rapport de la Commission du Règlement (6.7.2011).
79 J-2012-O-0183 6508/00 Proposition de modification du chapitre 14 du Titre V « Procédures et dispositions
particulières » du Règlement de la Chambre des Députés 1) Texte de la proposition de modification du Règlement de la
Chambre des Députés 2) Exposé des motifs.
76
— 159 —
Luxembourg
débat de consultation, débat d’orientation, débat sur l’état de la Nation, débat sur la politique
financière et budgétaire et débat sur la politique étrangère et selon plusieurs modèles 80. Dans le
modèle 0 (aujourd’hui modèle de base) il est prévu un temps de parole de 5 minutes pour chaque
groupe politique comptant plus de 10 membres, de 2 minutes pour chaque autre groupe politique et
d’1 minute pour chaque sensibilité politique. Le temps de parole du Gouvernement est en principe
de 5 minutes. La discussion des motions et résolutions sont incluses dans ce modèle. Les modèle 1,
2, 3 et 4 augmentent proportionnellement le temps de parole de chaque groupe politique et accorde
des minutes supplémentaires par membre du groupe. Le temps de parole de chaque sensibilité
politique augmente de la même manière mais avec un capital de temps parole à sa disposition
inférieur à celui d’un groupe parlementaire normalement constitué. Pour la discussion de toutes les
motions et résolutions, il est attribué à chaque groupe, sensibilité et au Gouvernement un temps de
parole supplémentaire ainsi que pour le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi. En cas
d’interpellation ou de débat, le Gouvernement dispose du même temps de parole que l’interpellateur
ou l’auteur du débat. La Conférence des Présidents peut, à l’unanimité, décider d’autres temps de
parole, à condition de respecter la proportion entre les temps de parole des groupes prévus dans les
modèles susmentionnés. Sauf avis contraire de la Conférence des Présidents le temps de parole pour
la discussion d’un projet de loi ou d’une proposition de loi est celui prévu au modèle 4, le temps de
parole pour les débats sur l’état de la Nation, les débats sur la politique financière et budgétaire et les
débats sur la politique étrangère est celui prévu au modèle 4, et le temps de parole pour les
interpellations, les débats de consultation et les débats d’orientation est celui prévu au modèle 2. Pour
les débats sur l’état de la Nation, les débats sur la politique financière et budgétaire et les débats sur la
politique étrangère, la déclaration introductive du Gouvernement n’est pas comprise dans son temps
de parole. Il fut également introduit une heure d’actualité qui sauf décision contraire de la
Conférence des Présidents, l’heure d’actualité a lieu le mardi, après l’heure de questions au
Gouvernement. Le temps de parole est de 10 minutes pour le groupe politique qui est à l’origine de
l’heure d’actualité, de 5 minutes pour les autres groupes politiques, de 2 minutes pour chaque
sensibilité politique, ainsi que de 15 minutes pour le Gouvernement.
Une nouvelle réforme a été introduite en 2007 :
Organisation primaire du principe délibératif
Modèle de base
Le temps de parole est de 5 minutes pour chaque groupe politique comptant plus de 10
membres, de 2 minutes pour chaque autre groupe politique et d’1 minute pour chaque sensibilité
politique. En sus du temps de parole arrêté pour les groupes et sensibilités politiques, le
rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi dispose d’un temps de parole supplémentaire
de 10 minutes. Sans préjudice de l’article 80 de la Constitution, le temps de parole du
Gouvernement est en principe de 5 minutes. Ce temps de parole englobe la discussion des
motions et résolutions.
Modèle 1
Le temps de parole de chaque groupe politique est de 10 minutes, augmenté d’1 minute par
membre que comporte le groupe. Le temps de parole de chaque sensibilité politique est de 5
minutes, augmenté d’1/2 minute par membre que comporte la sensibilité. Pour la discussion de
toutes les motions et résolutions, il est attribué à chaque groupe politique et au Gouvernement un
80 J-1999-O-0401 Proposition de modification du règlement de la Chambre des Députés n°4664/00 (Dépôt, M. Lucien
Weiler, Président de la Commission du Règlement: le 18.5.2000) Rapport de la Commission du Règlement (18.5.2000). I1999-O-M-1499-01 Résolution de Monsieur Jeannot Krecké : Nouvelle modification du Règlement de la Chambre des
Députés Document écrit de dépôt.
— 160 —
Luxembourg
temps de parole supplémentaire de 5 minutes et à chaque sensibilité politique un temps de parole
supplémentaire de 2 1/2 minutes. En sus du temps de parole arrêté pour les groupes et
sensibilités politiques, le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi dispose d’un temps
de parole supplémentaire de 10 minutes et l’interpellateur ou l’auteur d’un débat d’un temps de
parole supplémentaire de 20 minutes. Sans préjudice de l’article 80 de la Constitution, le temps de
parole du Gouvernement est de 10 minutes; en cas d’interpellation ou de débat, le Gouvernement
dispose du même temps de parole que l’interpellateur ou l’auteur du débat.
Modèle 2
Le temps de parole de chaque groupe politique est de 20 minutes, augmenté de 2 minutes par
membre que comporte le groupe. Le temps de parole de chaque sensibilité politique est de 10
minutes, augmenté d’1 minute par membre que comporte la sensibilité. Pour la discussion de
toutes les motions et résolutions, il est attribué à chaque groupe politique et au Gouvernement un
temps de parole supplémentaire de 10 minutes et à chaque sensibilité politique un temps de
parole supplémentaire de 5 minutes. En sus du temps de parole arrêté pour les groupes et
sensibilités politiques, le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi dispose d’un temps
de parole supplémentaire de 20 minutes et l’interpellateur ou l’auteur d’un débat d’un temps de
parole supplémentaire de 40 minutes. Sans préjudice de l’article 80 de la Constitution, le temps de
parole du Gouvernement est de 20 minutes; en cas d’interpellation ou de débat, le Gouvernement
dispose du même temps de parole que l’interpellateur ou l’auteur du débat.
Modèle 3
Le temps de parole de chaque groupe politique est de 30 minutes, augmenté de 3 minutes par
membre que comporte le groupe. Le temps de parole de chaque sensibilité politique est de 15
minutes, augmenté d’11/2 minute par membre que comporte la sensibilité. Pour la discussion de
toutes les motions et résolutions, il est attribué à chaque groupe politique et au Gouvernement un
temps de parole supplémentaire de 15 minutes et à chaque sensibilité politique un temps de
parole supplémentaire de 71/2 minutes. En sus du temps de parole arrêté pour les groupes et
sensibilités politiques, le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi dispose d’un temps
de parole supplémentaire de 30 minutes et l’interpellateur ou l’auteur d’un débat d’un temps de
parole supplémentaire de 60 minutes. Sans préjudice de l’article 80 de la Constitution, le temps de
parole du Gouvernement est de 30 minutes; en cas d’interpellation ou de débat, le Gouvernement
dispose du même temps de parole que l’interpellateur ou l’auteur du débat.
Modèle 4
Le temps de parole de chaque groupe politique est de 40 minutes, augmenté de 4 minutes par
membre que comporte le groupe. Le temps de parole de chaque sensibilité politique est de 20
minutes, augmenté de 2 minutes par membre que comporte la sensibilité. Pour la discussion de
toutes les motions et résolutions, il est attribué à chaque groupe politique et au Gouvernement un
temps de parole supplémentaire de 20 minutes et à chaque sensibilité politique un temps de
parole supplémentaire de 10 minutes.
En sus du temps de parole arrêté pour les groupes et sensibilités politiques, le rapporteur d’un
projet ou d’une proposition de loi dispose d’un temps de parole supplémentaire de 40 minutes et
l’interpellateur ou l’auteur d’un débat d’un temps de parole supplémentaire de 80 minutes. Sans
préjudice de l’article 80 de la Constitution, le temps de parole du Gouvernement est de 40
minutes; en cas d’interpellation ou de débat, le Gouvernement dispose du même temps de parole
que l’interpellateur ou l’auteur du débat.
La Conférence des Présidents peut, à l’unanimité, décider d’autres temps de parole, à condition
de respecter la proportion entre les temps de parole des groupes politiques, des sensibilités
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Luxembourg
politiques ainsi que des rapporteurs, interpellateurs ou auteurs de débats telle qu’elle est établie
dans les modèles ci-avant. Le temps de parole ci-avant déterminé comprend la discussion des
amendements. Au cas où la Conférence des Présidents ne fixe pas, à l’unanimité, un temps de
parole sur base des alinéas qui précèdent, le temps de parole pour la discussion d’un projet de loi
ou d’une proposition de loi est celui prévu au modèle 4, le temps de parole pour les débats sur
l’état de la Nation et les débats sur la politique financière et budgétaire est celui prévu au modèle
6, et le temps de parole pour les interpellations, les débats de consultation et les débats
d’orientation est celui prévu au modèle 2. Pour les débats sur l’état de la Nation, les débats sur la
politique financière et budgétaire, la déclaration introductive du Gouvernement n’est pas
comprise dans son temps de parole. Si l’interpellateur ou l’auteur d’un débat excède le temps de
parole lui attribué par le règlement, le surplus utilisé sera imputé sur le temps de parole de son
groupe ou de sa sensibilité politique."
Les commissions
L’organisation et le travail des commissions sont régis par le Chapitre 5 du Titre I du règlement
intérieur du Parlement. Quatre types de commission existent : En premier lieu, les commissions
permanentes constituées après chaque renouvellement du Parlement, et composées de cinq membres
au minimum et de treize membres au maximum. Lesdites commissions peuvent constituer des souscommissions dont elles déterminent la composition et la compétence. En second lieu, les
commissions spéciales après un vote à la majorité absolue du Parlement et désignées par le Président
de la Chambre. Sauf décision contraire de la Chambre, la mission des commissions spéciales prend
fin par le dépôt de leur rapport sur les projets de loi ou propositions dont elles ont été saisies. En
troisième lieu, des commissions instituées de manière permanente par le règlement pour
l’organisation de son administration, des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution et ou par
une loi ordinaire/organique. Il s’agit en l’occurrence de la Commission des Comptes, de la
Commission du Règlement, et de la Commission des Pétitions81 de la Commission de Contrôle
parlementaire du Service de Renseignement de l’Etat. En quatrième lieu, les commissions d’enquêtes,
dont le travail est organisé également par une Loi ordinaire en 2011 et qui fait l’objet d’une
proposition de loi pendante, de son auteur, depuis 2012, le socialiste Alex Bodry 82 . Lesdites
commissions sont composées sur le mode des commissions permanentes avec le vote d’une
résolution en plénière.
Indépendamment de la nature de la commission, c’est la Conférence des Présidents qui arrête le
nombre de places à attribuer à chaque groupe politique, à chaque groupe technique et aux députés
non-inscrits en fonction de leur représentation proportionnelle dans chaque commission considérée
individuellement. La nomination est faite néanmoins à la majorité absolue, les bulletins nuls et blancs
ne comptant pas pour le calcul de cette majorité. Toutes les commissions nomment dans leur sein, à
la majorité absolue des votants et pour la durée de la session, un président et deux vice-présidents et
pour chaque loi un rapporteur. Chaque député peut assister comme observateur aux réunions de
toutes les commissions dont il n’est pas membre, sans toutefois pouvoir prendre part aux votes, sans
pouvoir participer aux débats et sans pouvoir prétendre un remboursement de frais de route. Elles
peuvent inviter les membres du Gouvernement pour les entendre.
La priorité du travail des commissions est réservée aux projets et aux propositions de loi suivant
81 Article 67 de la Constitution, Il est interdit de présenter en personne des pétitions à la Chambre. La Chambre a le droit
de renvoyer aux membres du Gouvernement les pétitions qui lui sont adressées. Les membres du Gouvernement
donneront des explications sur leur contenu, chaque fois que la Chambre le demandera. La Chambre ne s’occupe
d’aucune pétition ayant pour objet des intérêts individuels, à moins qu’elle ne tende au redressement de griefs résultant
d’actes illégaux posés par le Gouvernement ou les autorités ou que la décision à intervenir ne soit de la compétence de la
Chambre.
82 J-2012-O-0956 6622/00 Proposition de révision de l’article 64 de la Constitution 6623/00 Proposition de loi modifiant
la loi du 27 février 2011 sur les enquêtes parlementaires 1) Texte de la proposition de révision de la Constitution 2) Texte
de la proposition de loi 3) Exposé des motifs.
— 162 —
Luxembourg
l’ordre indiqué par la Chambre s’étant prononcée en séance plénière. Elles ont le droit de présenter
elles-mêmes des propositions et amendements à la Conférence des Présidents. L’auteur principal
d’une proposition a le droit d’assister, avec voix consultative, aux séances de la commission chargée
de l’examiner. Chaque membre de la Chambre a le droit de faire parvenir à une Commission des
observations écrites sur les projets ou propositions dont elle est saisie. Elles ont également pour
mission de préparer des débats, d’organiser des auditions publiques et non publiques ainsi que des
visites et de poursuivre toute autre activité rentrant dans le cadre de leurs attributions, sur avis
conforme du Président de la Chambre, du Bureau ou de la Conférence des Présidents, laquelle arrête
les principes en la matière. Par ailleurs les projets de règlements grand-ducaux pour lesquels
l’assentiment de la Conférence des Présidents est requis en vertu d’une disposition légale peuvent
être transmis par la Conférence des Présidents pour avis à la commission compétente de la Chambre.
La Conférence des Présidents fixe un délai dans lequel la commission doit avoir émis son avis; à
défaut d’avis dans le délai imparti, la commission est supposée avoir marqué son accord avec le
projet de règlement grand-ducal.
Le rapport écrit contient, outre l’analyse des délibérations, des conclusions motivées et le texte
proposé par la Commission. Les rapports sont soumis à l’approbation de la Commission. Ils sont
distribués avant la discussion en séance publique, au moins trois jours avant les débats, à moins que
la Chambre n’en décide autrement. Les documents distribués pendant les réunions sont
communiqués d’office aux groupes politiques et techniques, ainsi qu’aux différentes sensibilités
politiques. Les travaux parlementaires en Commission sont non publics. Sur demande d’une
Commission, la Conférence des Présidents peut autoriser l’organisation d’auditions publiques.
Exceptionnellement, et sur demande d’une commission, la Conférence des Présidents peut décider
que les travaux d’une réunion sont retransmis en direct par la chaîne télévisée de la Chambre. De
chaque réunion il est dressé un procès-verbal qui doit être approuvé au début d’une prochaine
réunion de la commission. Le projet de procès-verbal est accessible aux membres de la Commission,
aux présidents des groupes politiques et aux membres du Gouvernement concernés.
Le contrôle du Gouvernement
Dans la constitution, le contrôle du Gouvernement est régi d’abord par l’article 78 où les membres
du Gouvernement sont déclarés « responsables ». L’article 80 (Révision du 12 janvier 1998) implique
quant à lui que «Les membres du Gouvernement ont entrée dans la Chambre et doivent être
entendus quand ils le demandent. La Chambre peut demander leur présence.». L’article 81 stipule que
les membres du Gouvernement ne sauraient échappés à leurs responsables « par un ordre
quelconque du Grand-Duc ». L’article 82 insiste sur le fait que « la Chambre a le droit d’accuser les
membres du Gouvernement. - Une loi déterminera les cas de responsabilités, les peines à infliger et
le mode de procéder, soit sur l’accusation admise par la Chambre, soit sur la poursuite des parties
lésées ». L’article 83 oblige le Grand-Duc à demander l’autorisation de la Chambre s’il souhaite
gracier un membre du Gouvernement.
De manière surprenante, il n’existe pas dans la Constitution les modalités pour l’organisation un vote
de confiance. La Commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle en 2009 a proposé
d’y remédier. Le texte toujours pendant prévoit deux cas de figure.
Dans le premier cas, le vote de confiance est à l’initiative du Premier Ministre et à lui seul au moment
du vote d’un projet de loi ou d’une déclaration gouvernementale. Il ne pourrait le faire qu’après
toutefois une délibération au sein du Conseil de Gouvernement.
Le contrôle du Gouvernement est régi au Titre III Des questions, des motions, des résolutions, des
interpellations et des débats du règlement interne du Parlement.
Plusieurs types de questions au Gouvernement existent. Mais toutes en commun que leur recevabilité
doit être faite fonction de l’intérêt général, de l’importance ou de l’actualité de leur objet. Le
Président de la Chambre est le seul juge de la recevabilité des questions. En cas de contestation des
motifs d’irrecevabilité, le Président consulte la Conférence des Présidents pour avis. La décision
— 163 —
Luxembourg
définitive du Président ne donne pas lieu à recours devant un autre organe parlementaire. Une
question, à laquelle le Ministre compétent a fourni une réponse, ne peut être représentée dans les
mêmes conditions au cours de la même session.
Une nouvelle fois la recevabilité de toutes les questions doit être décidée par la Conférence des
Présidents et non pas par le seul Président du Parlement.
En ce qui concerne les questions et réponses écrites, le député la remet au Président de la Chambre
qui la transmet au Ministre concerné Il en informe la Chambre lors de la séance publique suivant le
dépôt de la question. La réponse écrite du Ministre compétent est envoyée au Président de la
Chambre au plus tard dans un délai d’un mois. Si le Ministre compétent n’est pas en mesure de
fournir sa réponse dans le délai prescrit, il en informe le Président de la Chambre tout en indiquant et
les raisons d’empêchement et la date probable de la réponse. Le Président de la Chambre peut
accorder un délai supplémentaire. La question et la réponse sont intégralement publiées dans le
compte rendu de la Chambre. A défaut de réponse du Ministre à une question dans le délai d’un
mois, cette question pourra être posée oralement lors de la première séance publique de la semaine
suivant l’expiration du délai de réponse accordé au Gouvernement par le Président de la Chambre.
En ce qui concerne les questions urgentes communiquées par écrit au Président qui juge de sa
recevabilité. Le temps de parole global de l’auteur de la question est de 5 minutes et celui du
Gouvernement de 10 minutes. Au cas où il n’y a pas de séance de la Chambre, le Ministre donnera
une réponse écrite dans un délai d’une semaine.
En ce qui concerne les questions avec débat, elles sont prévues dans le rôle des affaires des séances
publiques. Le nombre de ce type de questions est limité par session pour chaque groupe politique et
pour chaque sensibilité politique au double du nombre de leurs membres. Le Président fait parvenir
les questions avec débat au moins 2 semaines en avance au Gouvernement.
Il existe aussi l’heure des questions chaque mardi, en début de séance, pendant les semaines où la
Chambre siège. Le Gouvernement est alors interrogé par les députés sur des sujets d’intérêt général
ou d’actualité politique. Le Président veille à alors l’équilibre entre les questions posées par des
membres de la majorité parlementaire et celles posées par des membres de l’opposition. L’objet de la
question, avec indication au ministre compétent, doit être soumis par écrit au Président au moins
trois heures avant l’heure de questions. Le temps de parole du député est 2 minutes par question, le
temps de réponse du Gouvernement est limité à 4 minutes.
Il demeure aussi l’heure d’actualité qui a lieu après l’heure de questions, pendant les semaines où la
Chambre siège, au cas où l’heure d’actualité aura été demandée au plus tard le jeudi précédant par un
groupe politique. Le temps de parole est de 10 minutes pour le groupe politique qui est à l’origine de
l’heure d’actualité, de 5 minutes pour les autres groupes politiques, de 2 minutes pour chaque
sensibilité politique ne faisant pas partie d’un groupe, ainsi que de 15 minutes pour le Gouvernement.
Chaque député a le droit de déposer des motions adressées au Gouvernement et des résolutions
adressées à la Chambre des Députés83. Les motions et résolutions sont rédigées par écrit et remises
au Président de la Chambre. Elles doivent être signées par cinq membres au moins. Le Président de
la Chambre est seul juge de la recevabilité en la forme des motions et résolutions. En cas de
contestation, il consulte la Conférence des Présidents, qui décide du renvoi des motions soit à la
Chambre, soit au Gouvernement, soit à une commission traitant du même sujet. Chaque député a le
droit d’interpeller le Gouvernement. La demande d’interpellation ne peut être introduite que par un
seul membre. Le Président donne lecture de la déclaration écrite et la Conférence des Présidents fixe
Article 62 Décision formelle Aux termes de l’article 62 de la Constitution, toute résolution de la Chambre est prise à la
majorité absolue des voix et en cas de partage des voix la proposition mise en délibération est rejetée. Il suit de cette règle
fondamentale de droit public que la volonté de la Chambre doit se manifester par une décision formelle, prise
conformément à l’article précité. S’il est donc loisible au juge d’interpréter un texte de loi en scrutant l’intention qui a
guidé le législateur, il lui est interdit de dénaturer un vote de la Chambre en invoquant des votes antérieurs au vote
définitif ou l’opinion individuelle émise par certains membres au cours des débats. Cour (cass.), 13 octobre 1932, Pas. 13,
p. 1.
83
— 164 —
Luxembourg
la date de l’interpellation. L’interpellation devra être évacuée endéans les six mois de l’introduction de
la demande, sauf accord de l’interpellateur. (6) L’interpellation devra se limiter à des questions
d’intérêt public. La Conférence des Présidents peut décider également d’une demande
d’interpellation. La Chambre peut, à l’initiative de cinq députés au moins, organiser finalement un
débat d’orientation sur un sujet d’intérêt général déterminé. A cette fin, elle peut charger une
commission d’élaborer un rapport détaillé sur le sujet en question.
IV.
L’OPPOSITION/LES OPPOSITIONS AU SENS LARGE DU TERME
Trois exemples d’opposition et de limitation d’opposition
Le Conseil d’Etat
Le Grand-duché est caractérisé par le monocaméralisme (la Chambre des Députés) même si à bien
des égards le Conseil d’Etat, peut apparaître comme une « seconde chambre législative ».
Le Conseil d’Etat ou dans le langage commun « Haute corporation » est composé de 21 conseillers,
formellement nommés par le Grand-duc, suivant les propositions faites alternativement par le
Gouvernement, la Chambre des Députés et le Conseil d’Etat. Leurs nominations font l’objet d’un
savant marchandage entre la Haute fonction publique, les partis politiques et les groupes d’intérêts.
Aucun projet ni aucune proposition de loi ne sont présentés à la Chambre des Députés qu’après que
celui-ci ait donné son avis. Un contre-projet peut-être proposé dans l’avis. Si le Conseil d’Etat estime
un projet ou une proposition de loi contraire à la Constitution, aux conventions et traités
internationaux, ainsi qu’aux principes généraux du droit, il en fait mention dans son avis. Son rôle est
donc « de persuader et non d’imposer ». Ses avis peuvent être divergents.
L’Accord de coalition gouvernementale de 2004 a donné lieu à un projet de loi de 2005 visant à
augmenter le nombre de conseillers d’Etat de 21 à 27 et enrichir son cadre en personnel afin de
tenter de répondre aux besoins croissants de main d’œuvre et de spécialisation dans un contexte
d’inflation et de complexification de la production législative et règlementaire. De nombreuses
propositions de réformes plus profondes furent par la suite émises, et les Verts furent sans doute les
plus actifs sur ce dossier, demandant dès 2005 à ce que la Chambre seule propose de nouveaux
candidats quand un siège est vacant et que les forces politiques les plus sous (voire pas) représentées
par rapport à leur poids électoral au dernier scrutin puissent avoir la priorité pour suggérer leur
candidat, un équilibre hommes/femmes, une limitation du mandat à douze ans et des
incompatibilités avec des fonctions politiques locales. Ce parti entendait introduire un délai de six
mois maximum pour la remise d’avis et que les votes des conseillers soient rendus publics.84 Ces
propositions furent relayées à la Chambre fin 2009 sur demande de la conférence des présidents sans
voir de changement dans la pratique lors de procédures de recrutement nouvelles ou d’avancées dans
le sens de réformes en profondeur du Conseil d’Etat.
Le rôle du Conseil d’Etat a été profondément modifié lors de la révision constitutionnelle du 12
juillet 1996 pour tenir compte de l’arrêt Procola du 28 septembre 1995 de la Cour européenne des
Droits de l’Homme. Le constituant a ainsi décidé de créer non seulement un ordre juridictionnel à
part chargé exclusivement du contentieux administratif (tribunal administratif et Cour administrative
en appel) 85 mais aussi une Cour constitutionnelle qui saisit à titre préjudiciel par toute juridiction,
statue désormais sur la conformité des lois à la Constitution, à l’exception des lois portant
approbation de traités. La Cour Constitutionnelle est composée du Président de la Cour Supérieure
de Justice, du Président de la Cour administrative, de deux conseillers à la Cour de Cassation et de
84 Déi Gréng, Pour une Réforme en profondeur du Conseil d’Etat, http://www.greng.lu/actualites/conseild%E2%80%99etat-pour-une-r%C3%A9forme-en-profondeur, 2005.
85 Jusqu’alors, le Comité du contentieux du Conseil d’Etat, composé de onze de ses membres, constituait la juridiction
suprême en matière administrative.
— 165 —
Luxembourg
cinq magistrats nommés par le Grand-duc, sur l’avis conjoint de la Cour Supérieure de Justice et de la
Cour administrative.
Le rôle du Conseil d’Etat en matière législative et règlementaire est précisé à l’article 2 de la loi de
1996 portant réforme de l’institution : « Aucun projet ni aucune proposition de loi ne sont présentés
à la Chambre des Députés et, sauf le cas d’urgence à apprécier par le Grand-Duc, aucun projet de
règlement pris pour l’exécution des lois et des traités ne sont soumis au Grand-Duc qu’après que le
Conseil d’Etat ait été entendu en son avis ». La suite de cet article conforte le rôle du Conseil d’Etat
comme gardien de la Constitution mais le contrôle ex ante des projets et propositions de loi et
règlement effectué par cette institution se fait aussi quant à leur conformité aux conventions et traités
internationaux et aux principes généraux du droit. On retrouve dans les rapports d’activités du
Conseil d’Etat depuis cette date la distribution des oppositions formelles émises par le Conseil d’Etat
selon cette nomenclature.
En novembre 2006, le Luxembourg célébra le 150ème anniversaire du Conseil de Etat. A cette
occasion, le Gouvernement par la voix de Luc Frieden estima que dans le cadre des oppositions
formelles – le refus du Conseil d’Etat de dispenser la Chambre du second vote constitutionnel,
l’obligeant ainsi à revoter le texte trois mois après le premier vote – ce droit ne devrait « exister à
l’avenir que dans les cas où le projet de loi se trouverait en opposition avec d’autres principes juridiques ou des normes
juridiques supérieures ». Dans la même veine, il s’interrogea sur l’opportunité de maintenir la nécessité
d’un avis du Conseil d’Etat en matière de transposition de textes européens à caractère technique ou
encore de traités internationaux qui, pour leur approbation parlementaire, ne requièrent pas de
modification de la législation interne luxembourgeoise. Dans ce contexte, il fut proposé, de manière
audacieuse, que les directives notamment dans le domaine économique et financier, soient
retranscrites dans une loi-cadre recourant de manière plus fréquente au règlement grand-ducal, quitte
à instaurer un mécanisme de concertation entre le Gouvernement et le Parlement, permettant, dans
certains cas, à un certain nombre de députés d’exiger une approbation parlementaire 86!
La crise du Souverain
En décembre 2008, une majorité de 31 députés vota pour la loi légalisant l’euthanasie et le suicide
médicalement assisté (Verts, libéraux, un membre du PCS, 11 POSL sur 14 et deux ADR) alors que
l’accord de coalition entre le PCS et le POSL de 2004 ne le mentionnait pas. 26 députés votèrent
contre, dont 23 PCS. Trois députés s’abstinrent (1 POSL, 1 ADR, 1 indépendant)87.
Le Grand-Duc ne voulut pas sanctionner la loi autorisant la pratique de l’euthanasie. Face au refus du
Chef de l’Etat, invoquant un problème de conscience personnelle, le Gouvernement chrétien socialsocialiste, en accord avec l’opposition libérale, souverainiste et écologiste décidèrent de modifier la
Constitution afin d’éviter l’éventuelle résurgence d’un droit de veto grand-ducal88. Le second vote est
intervenu le 12 mars 2009 où aux termes du projet, l’article 34 de la Constitution a été modifié
comme suit : « Le Grand-duc promulgue les lois dans les trois mois du vote de la Chambre. »89. De janvier à
février 200990, comme le permettent l’article 114 de la Constitution et la loi du 4 février 2005 relative
au référendum au niveau national, un groupe de citoyens tenta d’organiser un référendum d’initiative
86 Conseil d’Etat, Discours prononcé par Monsieur Luc Frieden, Ministre de la Justice, à l’occasion de la séance solennelle du 150e
anniversaire
du
Conseil
d’Etat,
http://www.conseiletat.public.lu/fr/actualites/2006/11/seance_solennelle/discoursfrieden/index.html, 27 novembre 2006.
87 Service Information et Presse, Gouvernement du Luxembourg, Vote en 1ère lecture du projet de loi aux soins palliatifs, à la
directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie ainsi que de la proposition de loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide,
http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/12-decembre/18-chd/index.html, 18 décembre 2008.
88 Service Information et Presse, Gouvernement du Luxembourg, Déclaration du Premier ministre sur les implications
institutionnelles en cas de refus du Grand-Duc de donner son aval à une éventuelle loi sur le droit de mourir en dignité,
http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/12-decembre/02-juncker-declaration/index.html, 2 décembre
2008.
89 Service Information et Presse, Ministère d’Etat - Service Central de Législation, Loi du 12 mars 2009 portant révision de
l’article 34 de la Constitution, http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2009/0043/a043.pdf#page=2, 12 mars 2009.
90 Rhein, Jean, « Constitution changée en 1ère lecture ». In, Le Quotidien, http://www.lequotidien.lu/politique-etsociete/1524.html, 12 décembre 2008.
— 166 —
Luxembourg
populaire sur la révision constitutionnelle enlevant le pouvoir de sanction de la loi au Grand-duc.
L’initiative échoua faute d’avoir atteint les 25000 signatures requises et après une condamnation
unanime des partis membres du Parlement à l’exception des élus de l’ADR. Le président de la
Chambre des Députés d’alors, Lucien Weiler, intervint d’ailleurs à titre exceptionnel pour dissuader
les citoyens de soutenir la démarche susmentionnée : « Le droit au référendum est un droit constitutionnel et
fondamental dont disposent les citoyens. Il n’y a rien à redire à ce principe […] Mais d’autre part, faire usage de ces
droits de manière responsable est aussi un pilier de la démocratie […] «Cela fait 25 ans que je suis à la Chambre et je
ne peux pas me souvenir qu’une proposition ait jamais donné lieu à un tel consensus »91.
Le référendum
Le référendum a été introduit dans la Constitution luxembourgeoise pour la première fois en 1919
(art 51). C’est le Parlement qui détermine les cas dans lesquels il est nécessaire de l’organiser. Selon
l’article 114 de la loi fondamentale luxembourgeoise, toute modification constitutionnelle peut être
aussi soumise à un référendum à partir du moment où dans les deux mois suivant le premier vote à la
Chambre des Députés, un quart de ses membres ou vingt-cinq mille électeurs inscrits sur les listes
électorales pour les législatives en font la demande. En mai 2003, le Premier Ministre, Jean Claude
Juncker a déposé un projet de loi relative à l’initiative populaire en matière législative et au
référendum. Le Conseil d’Etat s’y est opposé et a eu gain de cause au motif qu’il était nécessaire de
procéder au préalable à une révision constitutionnelle.
Le Luxembourg a tenu jusqu’alors quatre référendums. En septembre 1919, les Luxembourgeois se
sont d’abord prononcés sur le maintien ou non de la monarchie avec un changement éventuel du
souverain (le « oui » l’emporta avec 80% des voix). Le deuxième référendum, se déroula le même
jour, il était d’ordre économique. 73% des électeurs grand-ducaux se prononcèrent alors pour une
union économique avec la France finalement non réalisée puisque en juillet 1921 est signée une
convention d’union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL). Le troisième référendum a été
organisé en 1937, il est plus connu sous le terme de « loi muselière ». Il avait pour objet « la défense
de l’ordre politique et social » interdisant l’appartenance à tout groupement dont « l’activité tend à
abolir ou à changer par la violence ou par tout autre moyen illicite la Constitution ». 50,67% des
électeurs répondirent par la négative à la question92.
L’avant dernier en date, portant sur le Traité constitutionnel européen a été décidé en juin 2003 par le
Gouvernement chrétien-social/libéral présidé par Jean-Claude Juncker93. Il prévoyait que la Chambre
des Députés aurait voté une première fois sur la Constitution européenne avant les électeurs. Il
stipulait que le résultat du référendum aurait engagé le Parlement et le Gouvernement. La Chambre
devait soit confirmer soit désavouer son premier vote lors du second vote constitutionnel94. Le
Premier ministre avait déclaré qu’il renoncerait à son poste si le « non » l’emportait. Si la majorité des
Luxembourgeois et leurs représentants sont demeurés finalement attachés à la méthode
communautaire, 56,52% pour le « oui », 43,48% pour le « non », la campagne référendaire a révélé
des inquiétudes de la part de plusieurs segments de la société et la constitution d’un pôle « eurovigilant » 95.
Les Luxembourgeois ont été appelés d’abord à se prononcer le 7 juin 2015 par voie de référendum
sur trois questions en relation avec l’élaboration d’une nouvelle Constitution : Le droit aux
Luxembourgeois de seize ans de s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales pour les
législatives, les européennes, les communales ainsi qu’aux référendums ; Le droit des étrangers de
Anen, Nicolas, « Ne pas banaliser les référendums ». In, La Voix du Luxembourg, p4, 20 janvier 2009.
Fayot, Ben, Les Quatre Référendums du Grand-duché de Luxembourg. Luxembourg : Editions de la Petite Amérique,
janvier 2006.
93 Service, Information et Presse, gouvernement du Grand-duché de Luxembourg, « Le gouvernement luxembourgeois
décide de soumettre la future Constitution européenne à la ratification par référendum national »,
http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2003/06/27referendum/index.html, 27 juin 2003.
94
Service
Information
et
Presse,
Ministère
d’Etat,
Programme
gouvernemental,
http://www.gouvernement.lu/gouvernement/programme/programme2004/mae/index.html,
4 août 2004.
95 Dumont, Patrick, Fehlen, Fernand, Kies, Raphaël & Poirier, Philippe, Le Référendum sur le Traité établissant une
Constitution pour l’Europe. Luxembourg : Service Central des Imprimés de l’Etat, 2007.
91
92
— 167 —
Luxembourg
s’inscrire de manière facultative sur les listes électorales pour les législatives, à la double condition
particulière d’avoir résidé pendant au moins dix ans au Luxembourg et d’avoir préalablement
participé aux élections communales ou européennes au Luxembourg ; La limitation à dix ans la durée
maximale pendant laquelle, de façon continue, une personne peut être membre du Gouvernement.
Ce référendum a été marqué par un échec cuisant pour le Gouvernement alors que deux des trois
partis rejetés dans l’opposition (PCS et ADR) avaient appelé à voter contre : respectivement 80,87%,
78,02% et 69,93% pour le « non ». Au plus tard en 2018, les Luxembourgeois seront convoqués pour
un second référendum sur l’ensemble de la refonte constitutionnelle qui est opérée depuis 2009 et
dont le nouveau gouvernement depuis 2013 a fait l’un de ses champs prioritaires.
V.
UN REGARD PROSPECTIF
Depuis 1868 le Luxembourg a choisi d’être une démocratie parlementaire96, c’est-à-dire où la
Loi est l’expression de la volonté générale des citoyens, déléguée à un Parlement et où le
Gouvernement est responsable de ses actes. Le formalisme juridique qui concoure à la définition
dudit régime politique depuis l’entrée en vigueur de la Constitution en 1868 ne saurait toutefois faire
l’économie d’une réflexion sur l’état réel de la démocratie et du parlementarisme au Grand-Duché, et
particulièrement des droits de l’opposition97.
La démocratie parlementaire dont les maîtres mots sont l’élection, la délégation et la
responsabilité, ne fonctionne plus de la même manière qu’au moment de sa fondation au XIXème
siècle où triomphèrent partiellement les parlementarismes moniste et dualiste, c’est-à-dire le pouvoir
du Parlement et du Conseil d’Etat, dans la définition de la Loi, de son domaine et de son contrôle de
constitutionnalité98. Le législateur, le citoyen et l’ensemble des groupes d’intérêts formant la société
grand-ducale jouent aujourd’hui une pièce de théâtre où la majorité des règles du jeu et sa trame ont
changé. Désormais ce sont les parlementarismes rationalisé et européanisé qui l’emportent.
Autrement dit, le Gouvernement et ses administrations sont à présent les maîtres de l’agenda
législatif par l’existence même d’un Etat-social, providentialiste et interventionniste en économie et
par celle de la Gouvernance européenne qui renforce l’emprise des exécutifs sur la décision en
politique (Conseil européen, Commission européenne) et des groupes d’intérêts lors de la
préparation et l’évaluation même des politiques publiques99. De nouveau, si la Constitution et la loi
électorale reconnaissent que les députés ne sont pas les commettants de leurs électeurs, c’est-à-dire
qu’ils ne détiennent pas de mandats impératifs et révocables par les citoyens en cours de législature,
nombreux sont les instruments juridiques et les conditions politiques qui bornent désormais la
délégation et l’autonomie des pouvoirs des parlementaires, qu’ils soient dans la majorité ou dans
l’opposition.
En premier lieu, le Luxembourg, comme toute autre démocratie européenne, n’a plus fait
l’économie à juste titre d’instruments relevant de la démocratie délibérative et de la démocratie
participative100. il s’est agi par exemple de l’introduction du référendum national à portée consultative
(mais dont le Parlement s’engage à respecter les résultats), de son exercice en 2005 pour le Traité
constitutionnel européen et à venir en juin 2015 sur la révision constitutionnelle (droit de vote des
étrangers, financement des ministres des cultes, de la limitation du nombre et de la durée du mandat
ministériel et du droit de vote facultatif dès l’âge de 16 ans); de l’introduction de la pétition publique
et en ligne ouverte aux personnes âgées de 15 ans inscrites dans le Registre national des personnes
Pierre Avril, La Forme parlementaire de la Démocratie. Paris: Dalloz-Sirey, 2012.
Pour une exposition complète de l’état de la question, voir à ce sujet, Philippe Poirier (sous la direction) les Pouvoirs
d’un Parlement : La Chambre des Députés du Luxembourg. Bruxelles : Editions Larcier, 2014.
98 Eugène Pierre, Traité de droit politique, électoral et parlementaire. Paris: Motteroz, 1902
99 Klaus Von Beyme, Parliamentary democracy: democratization, destabilization, Reconsolidation 1789-1999. London,
Palgrave, 2000.
100 James Bohman & William Rehg, Deliberative Democracy: Essays on Reason and Politics. Cambridge: MIT Press,
1997. Carole Pateman, Participation and democratic Theory. Cambridge: Cambridge University Press, 1970.
96
97
— 168 —
Luxembourg
physiques en 2013 sans distinction de nationalité, du dialogue légitime et en voie
d’institutionnalisation avec les groupes d’intérêts pour la fabrication de la Loi avec en retour la
nécessaire création d’un code de déontologie parlementaire en 2014.
En second lieu, l’exercice même du mandat parlementaire est désormais influencé, pour ne
pas dire conditionné, par de multiples paramètres tels que : la discipline parlementaire imposée par le
Gouvernement, quel que soient ses couleurs politiques depuis Paul Eyschen jusqu’à Xavier Bettel ; la
fabrication du consensus et de la décision politique souvent réservées désormais en primauté aux
médias dans une sorte de « démocratie de l’immédiateté et de l’émotion », la prégnance d’un néocorporatisme et consociatif que la Tripartite consacra et que le nouveau Conseil des finances
publiques entré en fonction fin 2014 poursuit parmi d’autres exemples (les Chambres
professionnelles à partir des années 20 et 30, le Rentendësch en 2003, etc.) ; ou bien encore la
spécialisation du travail parlementaire en commission (bien qu’inférieure à d’autres parlements en
raison même du fort cumul des mandats législatif et local au Luxembourg) et dont par ailleurs la
transparence est devenue une exigence depuis 2012.
En troisième lieu, l’internationalisation (Traité de Vienne en 1815, Traité d’adhésion à la
Deutscher Zollverein en 1842, Traité d’Union économique belgo-luxembourgeoise en 1921, Traité
Union Benelux 1944, etc.), et l’européanisation101 (Traité instituant la Communauté européenne du
charbon et de l'acier en 1952, Traité de Rome en 1957, etc.) du domaine de la Loi et de celui du
règlement au Luxembourg dont le dernier Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en
2013 est si emblématique, ont des effets directs sur l’autonomie parlementaire. Cette acceptation de
la limitation de la souveraineté (autrement dit le respect du principe de conventionalité) a été
consacrée par le Parlement, lui-même en 1956. La Chambre des Députés a ainsi affirmé, sans jamais
y porter atteinte depuis, la primauté du droit international et européen sur la législation nationale.
L’opposition s’organiserait désormais à un autre niveau que la démocratie nationale
De nouveau, les transformations du régime démocratique luxembourgeois et les réponses
institutionnelles et politiques ne sont encore qu’à leurs prémisses dans les domaines susmentionnés :
•
•
•
101
Qu’adviendra le pouvoir de représentation, de délégation et de médiation des parlementaires
alors même que les citoyens réclament désormais des activités de co-législation grâce aux moyens
techniques d’interactions et d’informations sans cesse plus performants, qui vont bien au-delà de
la pétition et/ou du référendum à portée consultative, redéfinissant ainsi les contours et la nature
de l’opposition ?
Que sera la nature du travail parlementaire professionnalisé, éthiquement responsable et
autonome sans une nouvelle définition des relations entre le Parlement, le Gouvernement, les
agences de consultance dans le domaine de l’aménagement du territoire, de la science et des
finances publiques et les groupes d’intérêts ?
Quelle sera la participation du Parlement à la gouvernance économique dans la zone euro, à
quel(s) niveau(x) et de quelle manière, il procèdera à un renforcement de la coopération
interparlementaire, au-delà du contrôle de subsidiarité et de proportionnalité prévu par les Traités
européens et sera-t-il seul ou avec d’autres institutions parlementaires et/ou co-législatives
(Parlement européen, parlements nationaux, Cour des comptes, Médiateurs, etc.) capable de
créer un office d’évaluation des politiques publiques pour améliorer la qualité du travail et du
contrôle parlementaire sur les législations européenne et nationale, éléments constitutifs d’une
démocratie représentative, où l’opposition pourrait y avoir accès ?
Kevin Featherstone & Claudio Radaelli, The politics of Europeanization, Oxford, Oxford University Press, 2003.
— 169 —
Royaume-Uni
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— R A P P O R T R O Y A U M E -U N I —
Établi par David MARRANI1
I- LA RECONNAISSANCE DE L'OPPOSITION POLITIQUE
A- Comment reconnait-on l'opposition?
1) Les modalités de la reconnaissance de l'opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l'institutionnalisation
de l'opposition ?
L'opposition, dans le système britannique est institutionnalisée en ce sens qu’elle bénéficie non
seulement d'un statut spécial, mais encore elle n'est pas privée de la participation au fonctionnement
du système politique. Au contraire elle est en permanence la comme une proposition d’alternance
politique2. L'une des conséquences du système partisan britannique est l'amplitude de ses alternances
politiques. Cela ne signifie pas qu'à chaque élection générale, il y a systématiquement un parti qui
remplace un autre. En effet, l’observation historique prouve que le rythme de l'alternance depuis un
siècle n'est pas ou plus systématique. En somme, si opposition et majorité investissent tour à tour le
pouvoir depuis des siècles, la situation politico-institutionnelle penche à l'avenir pour le
multipartisme.
L'opposition en Grande-Bretagne dispose d'un statut notamment à travers son leader, comme le
présente le Ministers of the Crown Act, 1937 qui accorde des salaires fixes et au premier ministre et au
chef de l'opposition. Cette loi est remplacée en 1975 par le Ministerial and Other Salaries Act 1975
(amended 1991), un salaire étant aussi accorde au opposion chief et deputy chief whip. 3
Le système britannique est surtout connu pour un bipartisme historique. Le parti libéral et les
conservateurs, jusqu’en 1924, puis les travaillistes et les conservateurs depuis, alternent au pouvoir
permettant de maintenir une stabilité bipartisane, même si depuis quelques années, les libéraux
démocrates ont jailli pour former désormais ce qu'on appelle le tripartisme.
Au royaume uni, il s'agit plutôt d'une opposition en raison de la dualité majorité/opposition. Quand
bien même qu'il existerait des groupes d'opposition (très souvent minoritaires), le parti politique
d’opposition qui possède le plus grand nombre de sièges a la chambre basse du parlement
Institute of Law, Jersey avec la collaboration d’Aly Kemmesso, doctorant au CERC, Université de Toulon.
R.M.PUNNET, Front Bench Opposition, The rôle of the leader of the Opposition, The shadow Cabinet and shadow Governement in
british politics, Heinemann éd., Londres, 1973, p.9..
3 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1991/5/pdfs/ukpga_19910005_en.pdf?timeline=true&view=extent. Au 15 Avril
2015.
1
2
— 170 —
Royaume-Uni
(actuellement le parti travailliste à sa tête Ed Miliband ) est celui qui occupe le fauteuil de l'opposition
officielle.
Le chef de l'opposition au Royaume Uni incarne une figure majeure dans l'architecture politique
d'où son appellation de "Leader de la très royale opposition de Sa Majesté" (Leader of Her Majesty's
Most Loyal Opposition). Il est donc considéré comme le premier ministre alternatif et dirige le Shadow
Cabinet ou le Cabinet Fantôme ou de l’ombre.
À l’instar de la plupart des régimes parlementaires, l'opposition en Grande-Bretagne s'exprime à la
chambre basse du parlement, ici la chambre des communes. C'est au fils du temps que la chambre
des communes est devenue le véritable champ de confrontation entre majorité et opposition.
Pourtant, depuis la dévolution, la reconnaissance d'une opposition est présente au niveau régional où
les partis politiques ont érigé une forme d'opposition extra Royaume Unis dans son ensemble, qui
s’exprime localement et hors de la chambre des communes. Le Scottish National Party (SNP) en
Ecosse, par exemple occupe la place de la majorité au sein du parlement écossais avec pour
opposition le parti conservateur. Dans une certaine mesure ceci est également le cas du Democratic
Unionist Party (DUP) en Irlande du Nord.
b) Sous quelles formes s'opère la reconnaissance de l'opposition ?
Le Royaume-Uni ne possédant pas de constitution écrite donc au sens formel, il n'existe pas de ce
point de vue une seule ou simple référence constitutionnelle faisant allusion à l'opposition.
Cependant, il faut voir que l'opposition est intégrée à la structure des conventions constitutionnelles
alors que les conditions préservant la légitimité de l'opposition sont les conditions reconnus comme
préservant la constitution.4
Le non-encadrement textuel du droit ou de la reconnaissance de l'opposition en Grande-Bretagne
n'est pas problématique dans la mesure ou d’une part la constitution du Royaume Uni est largement
une constitution politique et que le droit politique est essentiellement coutumier.5
La loi de 1937 relative à la reconnaissance d'un statut du chef de l'opposition est celle qui a le plus de
valeur constitutionnelle dans le sens ou elle contribue à la promotion d'un organe institutionnel
important à savoir le cabinet fantôme ou de l’ombre.
La diversité au sens d'une multitude partisane semble être à l'anthithese du bipartisme historique tel
qu’il est implantée en Grande-Bretagne. Les "groupes minoritaires" font difficilement le poids face
au trois partis actuellement qui dominent: le parti conservateur, le parti travailliste et le parti des
liberaux démocrates. Le système électoral à un tour et à une majorité relative défavorise
manifestement les groupes minoritaires qui sont marginalisés en termes de représentations au point
de devoir se rallier aux grands partis lors des élections. Cependant, très récemment il convient de
noter que les partis minoritaires tentent à se hisser au niveau des grands partis. L'UKIP ( parti pour
l'indépendance du Royaume-Uni) après sa victoire aux Européennes de 2014 se montre très
redoutable pour les élections de 2015 par exemple.
2) Les finalités de la reconnaissance de l'opposition
a) Quel statut pour l'opposition ?
La reconnaissance de l'opposition va au-delà de son existence. Elle implique une définition de son
rôle d'une manière assez particulière. Ainsi, le chef de l'opposition officielle (la fidèle opposition
officielle de Sa Majesté) chapeaute ce qu'on appelle "le cabinet fantôme"6. Ce cabinet est composé
des membres les plus importants avec des postes plus ou moins en adéquation ou en miroir (ou dans
l’ombre) avec le parti majoritaire au pouvoir, phénomène qui lui contraint de proposer des politiques
alternatives.
Dans chaque législature, une vingtaine de jours de débats est consacrée à l'opposition (Oppositions
days), et 17 jours sont à la disposition du chef de l'opposition. Cette consécration des jours dédiés à
l'Opposition donne toute liberté à cette dernière de fixer son ordre jour, de mener en toute latitude
4
5
6
Allen POTTER, Great Britain:Opposition with a capital "O" in Political Opposition in Wester Democraties, London, 1966.p.9.
Daniele FRISON, Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques, Ellipses éd., 2000, p.214.
Yves SUREL, « Le chef de l'opposition », Pouvoirs, 2004, n° 108, pp.67 et 73..
— 171 —
Royaume-Uni
les sessions inclues. La dévolution d'un nombre de jours à l'opposition est révélatrice de la
particularité du système britannique en ce qu'elle permet à cette dernière de choisir les sujets qui
l'intéresse tout en remettant en cause la politique gouvernementale.
b) Quelle valorisation du rôle de l'opposition ?
La reconnaissance de l'opposition en Grande-Bretagne est née de la conception singulière des
britanniques pour leader et leadership,7 comme élément central en politique. A la différence des autres
pays, les Etats Unis et la France par exemple où l'identification et la valorisation de l'opposition
semblent être ponctuelle (période de campagne électorale), la Grande-Bretagne voit en l'opposition
une condition nécessaire pour l'efficacité de l'action publique et la garantie démocratique et
constitutionnelle.
Ainsi, sur le plan normatif, cette valorisation se cristallise par l'article 14 du règlement de la chambre
des communes qui mentionne brièvement le premier groupe parlementaire le plus majoritaire et le
second groupe parlementaire le plus important en référence à l'opposition dans ses attributs au sein
de l'hémicycle. En revanche, il convient de préciser a nouveau que les autres mention de
l'opposition ont comme origine des conventions constitutionnelles. Au regard de son statut
institutionnalisé, l'opposition de Sa Majesté est consultée dans pratiquement chaque étape des
travaux parlementaires. De la présidence des commissions (du budget), en passant par les
commissions d'enquêtes, le règlement de la chambre des communes offre une large palette normative
à la consultation de l'opposition.
Nous avons vu que le chef de l'opposition jouit d'un véritable statut lui permettant de faire poids face
à la majorité. Partant de là, il forme son cabinet fantôme en attribuant des postes qui sont des miroirs
de ceux du gouvernement de Sa Majesté et chaque membre de son cabinet fantôme est un potentiel
membre du gouvernement une fois l'accession de son parti au pouvoir assurée.8 Cette situation
cristallise une certaine stabilité au point que le principe de l'alternative évite toute forme d'obstruction
au pouvoir en place. Le risque de déstabilisation est quasiment nulle tant la structure des partis, la
volonté affichée de l'opposition (offrir à la population un point de vue différent sur la politique du
moment) constituent des éléments clés de la stabilité.
Il existe au Royaume Uni un véritable encadrement des règles liées à la manifestation et de
l'opposition et de ceux qui n'en font pas parti. D'ailleurs le droit de manifester n'a jamais été reconnu
officiellement au Royaume Uni.9 Dans le cas de l'opposition, celle ci ne peut se manifester dans une
instance (publique) que si elle ne trouble pas l'ordre public. Ainsi, le Public Ordre Act, 1986, classifie
les troubles liées à l'ordre public et leur sanctions.10
Sur la question de la manifestation de l'opposition dans une situation politique, celle ci est récurrente
lors des situations politiques de grande envergure et se traduit par la mobilisation de l'opinion
publique sur son point de vue comme ce fut le cas en 2013 lors du vote sur le mariage entre
personnes de mêmes sexes. Elle doit prendre en compte les lois et éviter toute forme de
débordement démontrant une forme de stabilité, de consensus, et au fond de pragmatisme.
B- Comment identifie-t-on l'opposition ?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions?
a) Au sein des institutions politiques
Au Royaume Uni, l'opposition est identifiée au sein du parlement à travers le groupe parlementaire
opposant le plus nombreux après celui du ou des partis au pouvoir.11 La chambre des communes est
la place principale des opérations politiques, cependant cela n'exclue pas l’activité de l’opposition
Max WEBER, Economie et société,1,les catégories de la sociologie, Pocket éd., Paris, 1995, p.320..
WI JENNINGS, Parliaments, Cambridge University Press éd., Cambridge, 1969, p.79..
9 Daniele FRISON, Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques, p.229.
10 http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1986/64. Au 15 avril 2015.
11 Voir S. 10 du Ministers of the Crown Act 1937.
7
8
— 172 —
Royaume-Uni
dans la chambre des lords (fonction de réflexion sur la chambre des communes).12 En outre, dans les
parlements locaux ou régionaux, l'opposition est présente même si elle y est moins significative.
Il existe une imbrication conséquente entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires.
En effet, l'opposition en tant que telle est incarnée par des partis politiques en Grande-Bretagne,
notamment les grands partis qui ne sont pas au pouvoir. En 2010, les travaillistes et les libéraux
démocrates se trouvent en opposition. Les libéraux démocrates joignent les conserveurs comme
partis de gouvernement laissant les travaillistes en positon d’opposition officielle. Les petits partis
sont amenés à s'associer selon les affinités politiques pour constituer des groupes parlementaires dans
le but de peser dans l'armature politique. Les députés indépendants n'appartenant pas aux partis
politiques sont totalement marginalisés dans la fonction d'opposition.
On retrouve une forme d'opposition dans le parti lui même, dans le système politique britannique.
Ainsi, au sein d'un même parti, il existe des antagonismes à l'image d'une opposition au sens propre
(opposition intra partisane) - le parti conservateur actuellement au pouvoir doit par exemple faire
face en son sein à des distensions sur les questions de souveraineté et les termes relatives à l'adhésion
de la Grande-Bretagne à l'Union Européenne d'une part. En outre, dans la coalition au pouvoir, se
greffe la difficile conciliation des points de vue avec les libéraux démocrates avec qui les
conservateurs partagent rarement les mêmes convictions politiques.
Par ailleurs, il faut voir qu'il n'existe pas réellement de partis régionaux pesant véritablement sur la
scène politique nationale, bien que les partis régionaux font forte impression dans d'autres pays qui
forment le Royaume Uni ( SNP en Ecosse, DUP en Irlande du Nord. L'opposition qui caractérise
ces partis régionaux est d'un niveau inferieur car fondé sur une spécificité purement locale.
b) Au sein du parlement
L'opposition en Grande-Bretagne est identifiée par son statut non majoritaire au sein de l'assemblée
élue, l'opposition parlementaire, car ce sont les partis politiques et les groupements politiques à
l'assemblée en désaccord avec le gouvernement forme ce qu'on appelle l'opposition officielle à leur
tète le chef de l'opposition officielle.13
Le parlement britannique composé de la chambre des communes et de la chambre des lords, mais
c’est devant la chambre des communes élue que le gouvernement est responsable. En outre, depuis
les Parliaments Act 1911 et 1949, on peut parler d’hégémonie de la chambre des communes qui peut
adopter un projet de loi sans le consentement de la chambre des lords et que par convention cette
dernière ne s'oppose pas aux projets de loi inscrit dans le programme du gouvernement en place.
On distingue des oppositions qui se présentent sous diverses formes: d'abord l'opposition de la force
politique en coalition avec le gouvernement (actuellement les libéraux démocrates). Les tendances
partisanes de ces derniers créent des désaccords sur de nombreux points avec le parti conservateur,
par conséquent il existe une véritable forme d'opposition basée sur les idéaux et convictions
politiques. Ensuite nous avons l'opposition intra partisane qui subsiste au sein d'un même parti
politique, elle prend la forme d'une compétition inclusive entre membres d'un même parti dans
l'optique d'assurer le rôle de leader. Enfin, parmi les différents courants d'opposition on compte les
partis politiques très minoritaires qui n'ont que quelques députés à la chambre des communes. A coté
de ces groupes minoritaires il existe aussi des députés indépendants, rares, qui n'appartiennent ni à
l'opposition ni à la majorité faute d'intégrer un groupe parlementaire (condition nécessaire pour
appartenir à l'opposition).
2) Comment enregistre-t-on l'appartenance à l'opposition ?
a) Comment appartenir à l'opposition?
L'appartenance à l'opposition diffère d'une part selon les conditions d'adhésion aux partis et
d'autre part selon les modalités d'appartenance aux groupes parlementaires d'opposition. Ainsi,
jusqu'à une période récente, le parti travailliste qui constitue actuellement l'opposition n'admettait
pas les résidents Nord irlandais comme membres. L'adhésion au parti travailliste commence pour
12
13
Phillip NORTON, « Adding Value? The Role of the second Chambers », Asia pacific laws Review, 2007, n° 15, 1, p. 7.
Olivier DUHAMEL et Yves MENY, Dictionnaire de droit constitutionnel, PUF éd., 1992, 677.
— 173 —
Royaume-Uni
les syndicats par une demande d'affiliation moyennant le paiement des cotisations faisant d'eux des
membres affiliés pouvant élire les délégués aux congrès du parti. En revanche pour un simple
sympathisant, l'adhésion s'effectue par ce qu'on appelle op in ou option individuelle d'adhésion.
Quant à la question relative à l'adhésion au groupe parlementaire, à la différence des conditions de
formation des groupes en France par exemple,14 liée à la déclaration de politique commune et une
liste des députés, l'appartenance au groupe d'opposition parlementaire en Grande-Bretagne se
concrétise par la réception d'un document whip (communication hebdomadaire comportent plus ou
moins une directive de vote de la part du député) envoyé par le chief whip.15 C'est ce document
whip qui permet au chief whip de déterminer l'appartenance d'un député à un groupe parlementaire,
et il convient de remarquer que ces règles ne sont contenues dans des règles écrites, mais une
production coutumière.
L'opposition de Sa Majesté s'identifie sur la base d'un constat empirique, d'un comportement
politique qui a su restée constante depuis des siècles. C'est dans ce sens qu'à l'image du schéma
parlementaire britannique faisant prévaloir le cabinet dans la maitrise de l'action publique, 16 le mode
opératoire de l'opposition se dessine toujours à travers un comportement politique répété et non
ponctuel à l'opposé par exemple de la France ou des Etats Unis où l'identification d'une figure de
l'opposition est complexe en dehors des périodes électorales.
L'admission en tant que membre de l'opposition comme nous l'avons vu requiert les conditions
d'adhésion du parti à l'opposition et la règle souple coutumière qui consiste à la réception du
document envoyé par le chief whip.
b) Comment sortir de l'opposition?
Le renoncement de l'appartenance à l'opposition s'effectue par la volonté du membre du parti de
l'opposition de Sa Majesté d'une part et d'autre part la volonté du membre d'un groupe parlementaire
d'opposition. Ce renoncement peut survenir à tout moment et est lié à la liberté de chaque membre
du parti de se retirer pour des raisons de liberté de parole et d’action parlementaire. En revanche,
bien que permis, ce comportement de renonciation n'est pas répandu en raison du système politique
du Royaume Uni, dans le sens où la discipline interne des partis est encrée de façon cohérente. On
peut cependant compter des cas de changement d'allégeance parmi les conservateurs alors que les
travaillistes les rencontrent très exceptionnellement.
Le Royaume Uni connait un mode de scrutin majoritaire à un tour, et la division du pays en
circonscription fait que chaque parti cherche à arriver en tête dans chaque circonscription au lieu de
viser le nombre de voix globale.17 Ce système favorisant les grands partis fait que les autres groupes
deviennent minoritaires et le risque d'éparpillement des députés devient faible. Ceci étant, chaque
groupe parlementaire a à sa tête un chief whip qui envoie un whip à ses députés pour s'assurer de
leur allégeance et appartenance à un groupe parlementaire spécifique. Le chief whip peut décider de
prendre des mesures contre les députés qui se rebellent. Ces mesures peuvent aller jusqu'au refus par
le chief whip d'envoyer le whip autrement dit une exclusion du député (membre du groupe
parlementaire d'opposition).
Le député (membre de l'opposition) peut aussi de sa propre volonté décider de se retirer du parti ou
du groupe parlementaire. Cette volonté n'est nullement liée à un délai incompressible puisque à tout
moment le député opposant peut décider de se retirer ou faire l'objet d'exclusion.
14
Voir par exemple l’Article 19 du règlement de l'Assemblée nationale. http://www.assembleenationale.fr/connaissance/reglement_2015_01.pdf. Au 15 avril 2015.
15 Robert ROGERS et Walther RODRHI, How Parliament works, edition 6 éd., Longman, Londres, 2006, p.101..
16 Michel TROPER et Francis HAMON, Droit Constitutionnel, 35 eme edition éd., LGDJ, 2014, p.201..
17 Olivier DUHAMEL et Guillaume TUSSEAU, Droit constitutionnel et Institutions Politiques, Seuil éd., 2013, p.191..
— 174 —
Royaume-Uni
II- LES DROITS DE L'OPPOSITION
A- La garantie des Droits de l'opposition politique
1) La nature de la garantie
a) Quel type de garantie?
La protection de l'opposition passe nécessairement par l'encadrement juridique autrement dit une
institutionnalisation conséquente. Il n'est pas contradictoire en effet d'offrir un cadre juridique à
l'opposition dès lors que l'élaboration de ce cadre s’accommode avec le fait majoritaire et que
l'opposition en Grande-Bretagne joue un rôle de rééquilibrage au sein des institutions. Au lieu de
constituer une opposition simple typique, on a ici un exemple d’opposition constructive qui
contribue au processus de mise en forme de la volonté populaire tout en offrant à cette dernière
une action concrète sur les programmes politiques.
Limiter le cadre d'action de l'opposition est synonyme de précaution démocratique contribuant au
bon fonctionnement du système politique britannique. Ainsi, le gouvernement ayant la majorité au
parlement dispose des moyens d'actions pour faire passer sa politique et ceci passe systématiquement
par une certaine dilution du pouvoir de l'opposition. La plupart des systèmes parlementaires ont mis
en place un parlementarisme rationnalisé en ce qu'il permet à l'exécutif d'assurer sa politique sans
craindre un blocage du parlement. La Grande-Bretagne est un modèle ici de ce type de régime, il
n'est donc pas surprenant que l'exécutif puisse limiter le cadre d'action du parlement pour réaliser
efficacement son programme.18
L'opposition parlementaire est marquée et reconnue dans le système partisan britannique. N'ayant
pas de constitution écrite, il n'y a que les conventions et quelques textes qui garantissent les droits de
l'opposition. La non mention de l'opposition dans des dispositions normatives ou dans la
constitution n'est pas significatif de son importance et de sa reconnaissance puisque le droit est ici
par nature coutumier. Les quelques textes relatifs au statut de l'opposition demeurent comme on l’a
vu: Le Ministers of the Crown Act, 1937 amendé et modifié. En somme la reconnaissance des droits de
l'opposition ne répond qu'à une constatation des pratiques parlementaire. Cela revient à dire que la
norme de référence optimale est marquée par une souplesse qui caractérise même dans sa globalité le
droit du common law.
b) Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
Jenning reconnaît les droits de l'opposition britannique au prisme des normes de la sorte : ‘Les droits
des minorités ne dépendent pas des règles expresses, mais des habitudes de la chambre des
communes.’19 Les droits de l'opposition se situent donc bien au cœur de la coutume.
La reconnaissance des droits de l'opposition sur le plan normatif s'effectue différemment selon les
régimes et les systèmes politiques. L'opposition de Sa Majesté est différente en ce qu'elle s'est forgée
sur des pratiques parlementaires. Ainsi, les évolutions normatives faisant référence aux droits de
l'opposition sont extrêmement rares. En revanche les garanties consacrées par les conventions faisant
intervenir l'opposition par exemple dans la procédure législative sont suffisantes, stables, et
constamment appliquées. Ceci se vérifie par le fait que l’opposition officielle se plaint rarement de ses
droits. Le débat croisé ayant eu lieu en Avril 2015 entre David Cameron (premier ministre) et Ed
Milliband chef de l'opposition (critiqué pour son manque de charisme) a permit à ce dernier de jouir
du droit de parole tant cher à l'opposition à la BBC réunissant à cet effet tous les autres partis
d'opposition.20 Les conséquences de la stagnation de l'évolution des normes garantissant les droits de
l'opposition sont consubstantielles à la place importante accordée aux habitudes parlementaires et a
la production coutumière du droit.
Ibid p.197..
WI JENNINGS, Parliaments, p.79..
20
http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/04/17/le-travailliste-ed-miliband-face-a-sa-gaucheplurielle_4617839_3214.html. Au 18 avril 2015.
18
19
— 175 —
Royaume-Uni
2) L'étendu de la garantie
a) Quels Droits au sein des institutions?
Le parlement britannique à travers les moyens dont il dispose (pouvoir de contrôle, le droit de
s'informer et d'être informé, la participation à la procédure législative) garantie à cet égard en tant
qu'institution les droits de l'opposition. L'opposition britannique (officielle) étant essentiellement
parlementaire, les droits de cette dernière sont difficilement garanties à travers d'autres institutions
pour la simple raison tirée de l'hégémonie parlementaire sur toutes les institutions21.
Les droits accordés à l'opposition sont entre autre : le droit d'égalité des chances pendant et en
dehors des élections avec le parti majoritaire,22le droit d’informer, de s'informer et d'être informé, la
participation aux travaux parlementaires avec la présidence des commissions de finance (Public
Account Committee).23
Dans la procédure législative, l'opposition de Sa Majesté a la possibilité de proposer des lois (sous
forme de Unofficial member's Bills) dans l'optique de confronter ses propres programmes a ceux du
gouvernement, le droit d'amendement qui retarde l'adoption des projets de loi, quoi qu'il existe des
contre poids au déploiement de cette compétence. L'opposition peut également mettre en place des
groupes de travail (composés de membres et de juristes) qui vont préparer une offensive contre un
texte du gouvernement.24
b) Quels Droits au-delà des institutions?
L'une des étapes décisives dans le processus démocratique est l'évolution saine des rapports entre
l'opposition et la majorité, et le financement des partis politiques est une illustration de la
reconnaissance de cette opposition. 25 En Grande-Bretagne, l'opposition de Sa Majesté bénéficie
d'une rémunération sur fonds publics.26 Aussi, la Chambre a instauré un financement général au
bénéfice de tous les partis d'opposition au parlement.
A coté de la question du financement, un certains nombre de droits sont garanties à l'opposition en
Grande-Bretagne- le droit de grève, et le droit d'asile étant les corolaires des grandes démocraties, il
n'est en effet pas surprenant que ceux ci soient consacrés, bien qu'encadrés. Si l’encadrement de la
liberté d'expression (presse ou télévision) est parfois problématique, en Grande-Bretagne elle est
garantie à travers une répartition juste entre l'opposition et la majorité, au parlement sous l'égide du
Speaker et en dehors du parlement sous l'égide des médias. Ces derniers sont obligés d'observer et de
traiter le parti majoritaire et l'opposition sur un même pied.
On peut noter que sous l'impulsion de Margaret Thatcher, le droit de grève est devenu strictement
encadré.27 Ici, le chef de l'opposition se refuse très souvent de soutenir les grèves contre les politiques
gouvernementales (en 2011, le chef de l'opposition Ed Milliband a refusé de soutenir la grève née de
l'initiative des syndicats liée à la réforme des retraites du service public).
B- L'usage de ses Droits par l'opposition politique
1) Au sein des institutions politiques
a) Quelle légitimité?
En Grande-Bretagne, toutes les conditions sont réunies pour parler d'un monopole du pouvoir de la
part de la majorité représentée au cabinet et dirigée par le premier ministre. Ce schéma laisse par
conséquent une place bien réduite à l'opposition de Sa Majesté de décider des actions
gouvernementales. Pour concilier ce principe majoritaire dur et le fait d'accorder des droits à
l'opposition, le droit accorde au premier ministre la possibilité de bien mener la politique
gouvernement tout en instaurant un parlementarisme rationnalisé d'une part et d'autre part permet à
Voir AV Dicey sur le sujet de la souverainete du parlement. AV Dicey, Law of the Constitution, 1885.
Pascal JAN, « Les Oppositions », Pouvoirs, Janvier 2004, n° 106.
23 Carlos Miguel PIMENTEL, « L'oppossition ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, 2004, n° 106, p. 47-48..
24 Peter RICHARDS, Honourable Members: the job of the a backbencher, Faber and Faber éd., Londres, 1964.
25 G PRUNIER, « le statut des partis politiques en Europe », RDP, 2004, p.681 et s..
26 Voir Ministers of the Crown Act, 1937 et s.
27 Employement Act 1980 & 1982: la grève peut être considérée comme une faute.
21
22
— 176 —
Royaume-Uni
l'opposition de s'affirmer de manière cohérente et institutionnelle, avec un rôle de contrôle (au sein et
en dehors des institutions). Elle peut aussi se constituer une comme alternative viable au
gouvernement en place.
La qualité du chef de l'opposition est inhérente à la conception britannique de la représentation
politique. Le chef de l'opposition officielle bénéficie à ce titre d'une réputation dans et en dehors du
Royaume Uni. Celle ci lui permet d'être invité par des chefs d'Etat étrangers comme représentant
d'une large partie de la population britannique qui espère demain voir le pouvoir aux mains de ces
représentants.
Il n'existe pas en Grande-Bretagne de séparation des pouvoirs exécutif et législatif au sens strict
puisque en réalité les deux pouvoirs sont substantiellement imbriquées et dans les mains du cabinet.
En revanche, cette situation laisse la place à un binôme Majorité/Opposition dans la mesure où c'est
l'opposition de Sa Majesté qui, comme proposition d'alternative, arrive à s'ériger en contre pouvoir.28
b) Quelle fréquence?
L'opposition de Sa Majesté est systématique c'est à dire conditionnée par le système partisan et le
mode de scrutin. Cette particularité britannique appelle à la permanence de l'opposition basée sur des
raisons objectives et subjectives. En effet, les membres de l'opposition peuvent exercer une pression
sur le chef de l'opposition pour l'amener à adopter tel ou tel comportement dans telles circonstances
sur la base des convictions et du programme du parti. Aussi, le chef de l'opposition et seulement lui,
de par ses compétences et son expérience, puisque très souvent il en a, fait usage de ses droits pour
remettre en cause la politique gouvernementale. Il n'est pas cependant possible d'établir des
statistiques de l'usage de ses droits pour la simple raison que l'institutionnalisation de l'opposition
offre à cette dernière une large palette de droits difficilement quantifiable dans leur mise en pratique.
Le dialogue entre opposition et majorité est la condition nécessaire de toute démocratie. Ceci
s'accroit exponentiellement en Grande-Bretagne dès lors qu'il est courant de qualifier gouvernement
et opposition ‘de Sa Majesté’. Cette qualification ‘de Sa Majesté’ est révélatrice des rapports entre les
deux corps. Nous constatons qu'il existe un véritable dialogue constructif entre la majorité et
l'opposition en rapport au monarque. A titre d'exemple, lors des attentats de Londres en 2005, Tony
Blair alors premier ministre dut s'entretenir avec le chef de l'opposition pour évoquer la question du
retrait de la Grande-Bretagne en Irak. En fonction de la situation politique ou géopolitique,
l'opposition est amenée à formuler ses points de vue, ce qui revient à dire que cette consultation
s'articule généralement sur les questions nécessitant soit une décision politique marquant un tournant
politique de grande envergure (En 1947, Clément Attlee et Winston Churchill se sont entretenu à
propos de l'indépendance de l'Inde, ou encore lors de la guerre des Malouines entre Margaret
Thatcher et Michael Foot) soit un débat de société tel que l'avortement comme ce fut le cas en 2007.
Il existe néanmoins des questions plus consensuelles que d'autres lors de la consultation entre
majorité et opposition de Sa Majesté. Ainsi le soutien aux forces britanniques lors des opérations de
sauvetage d’otages, le dévouement envers la famille royale et même la dévolution constituent des
points de consensus, à l'opposé des questions relatives à l'Europe (le parti conservateur doit même
faire fasse en son sein d’opposition), à la dette publique et au chômage qui sont globalement des
objets de discorde.
Parmi les droits de l'opposition de Sa Majesté, il faut voir qu'il existe ceux qui sont rituellement
utilisés dans une logique de posture comme: le droit de s'informer et d'informer par le biais des
commissions et de l'usage des motions d'ajournement,29 la procédure des questions; et ceux qui sont
utilisés avec modération comme la motion de censure qui est devenue plus une procédure
d'information plus qu’autre chose (appel de l'opposition pour obtenir un débat sur un sujet en
particulier), qu'un moyen de renversement du gouvernement. La raison de l'usage restreint de ce
droit par l'opposition est liée au principe majoritaire (discipline partisane) qui maintient un cadre de
Patrick GAIA, Richard GHEVONTIAN, LOUIS FAVOREU, Droit constitutionnel, Dalloz éd., 2015.
Pierre PACTET, Les institutions politiques de la Grande Bretagne, la documentation française éd., 1971, p.71.: Les motions
d'ajournement sont généralement à l'initiative de l'opposition pour attirer l'attention de l'opinion publique sur un point
important ( s'exprimer sur un abus de l'administration dans telle circonscription, attirer l'attention sur une reforme
éventuelle...).
28
29
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Royaume-Uni
stabilité du gouvernement. De plus, l'appel à la motion de censure témoigne très généralement d'une
tension.30 C'est généralement quand le gouvernement en place est ou devient minoritaire, donc avec
opposition intra parti, que l'opposition officielle a tendance à faire appel à cette procédure.
c) Quelles conséquences?
Les objectifs et les conséquences de l'opposition sont multiples, néanmoins il est possible de les
résumer en quelques mots. Le système politique britannique nous montre à quel point le
gouvernement est un gouvernement d'opinion, ou la majorité et l'opposition ont pour objectif de
proposer un programme viable, s'ils veulent influencer l'opinion publique et l’électorat. Donc, on est
la devant une confrontation d'ordre purement politique. L'obstruction au sens de critique et de
démonstration de faille en faisant retarder l'adoption d'une loi dont le projet vient de la majorité est
un phénomène courant dans le parlement britannique. Elle permet à l'opposition de Sa Majesté
d'exister et de critiquer la politique gouvernementale sans pour autant chercher à être violente.31
Sur la question du traitement de l'opposition de Sa Majesté par le juge, il convient de remarquer la
place du juge dans la sphère politique dans les pays de common law. 32 Depuis toujours, les juges
britanniques refusent de contrôler les lois en raison de la suprématie du parlement. Cependant, la
mise en place de la cour suprême du Royaume Uni a conforté d'avantage le principe de Rule of Law
avec la suprématie de la loi, permettant à l'opposition dese prévaloir devant cette cour en évoquant le
principe de protection de ses droits.33
L'opposition est contrôlée par la majorité au sein du parlement à travers diverses techniques. La
procédure législative est révélatrice de cette domination de la majorité en ce sens que cette dernière,
liée au gouvernement, joue sur son poids pour faire passer les textes gouvernementaux. Ainsi, la
clôture pure et simple des débats limite très clairement l'abus du droit à la parole de l'opposition, la
technique du Kangourou qui permet de sauter d'un amendement à un autre (pouvoir discrétionnaire
du speaker), la guillotine qui permet l'obtention par le gouvernement (suivi par la majorité) d'un
projet dans le délai préalablement assigné à cet effet pour la discussion. Nous constatons donc
l’immense panoplie à disposition de la majorité et de son gouvernement pour apaiser les ardeurs
d'obstruction de l'opposition. Cependant, il n'existe pas de mécanismes permettant d'écarter
radicalement l'opposition de Sa Majesté. En effet, elle constitue une force reconnue dans les
institutions.
2) En dehors des institutions politiques
a) Les usages dans le droit
L'Opposition est encadrée par les conventions qui font d'elle une composante majeure de la politique
britannique. Elle est tenue de respecter un certain nombre de règle de droit au risque de ternir son
image auprès de l'électorat. Ces contraintes vont de l'observation des principes démocratiques au
respect de la famille royale.
Les contestations émanant de l'Opposition passe au-delà des institutions si bien qu'elles donnent
l'impression d'être plus accentuées qu'au sein des institutions. Ainsi, les grands partis sont
généralement appuyés par des groupes de lobbies ou des syndicats qui les influences.34 Le parti
travailliste par exemple est animé par les syndicats qui l'ont créée et par conséquent jouent un rôle
considérable dans la direction et l'orientation du parti.
30 Margaret Thatcher en Mars 1977 avait déposé une motion de censure contre le gouvernement travailliste alors
minoritaire.
31 Max BELLOF, ‘The leader of the Opposition’, Parliamentary affairs, vol 11., 1958, p.156..
32 Ronald DWORKIN, Taking right seriously, Presses Universitaires de France éd., 1995, p.VII : Les juges ne peuvent pas
eviter de s'appuyer sur leurs convictions politiques pour rendre des décisions. Ce facteur a toujours marqué l'incitation
limitée du juge dans les questions politiques.
33 Olivier DEPARRIS, ‘La Cour supreme au Royaume-Uni et la question de la constitutionnalité’, Nouveaux cahiers du
Conseil Constitutionnel, 2011, 32, p. 2.
34 Jean BLONDEL, « Y a-t-il une mutation politique en Grande Brétagne », Revue Française de Science Politique, 1969, n° 19,
4, p. 773-792..
— 178 —
Royaume-Uni
Le vote peut constituer une forme d'opposition politique dans la mesure où c'est à travers le vote que
devient déterminable au sein du parlement les choix des opposants pour telle ou telle question.
L'enjeu du vote étant la décision et la non participation, il permet à l'opposition de manifester ses
intentions. La particularité du système partisan britannique rend le vote prévisible et l'opposition
n'est pas tenue de voter les textes gouvernementaux et les amendements majoritaires autrement dit
elle peut refuser de voter. Le vote n'est nullement obligatoire, les parlementaires britanniques qu'ils
soient dans la majorité ou dans l'opposition ne sont obligé de voter (par contre le vote blanc est vue
comme une atteinte à la discipline partisane).
b) Les usages au delà du droit
L'opposition de Sa Majesté dès lors qu'elle viole le droit s'expose naturellement à des sanctions. La
violation du droit peut s'entendre comme manœuvres frauduleuses, le recours aux financements
illégaux, le non respect de la parité dans les organes du parti etc. Ces sanctions peuvent être civiles,
administratives et pénales selon qu'elles ont un lien avec les dits domaines. Elles peuvent toucher le
parti d'opposition et le parti au pouvoir. De surcroit, ces sanctions traduisent l'expression de
l'encadrement juridique des conduites politiques en désaccord avec le droit. Une opposition qui
transgresse à titre d'exemple les règles institutionnelles non seulement ternie son image auprès de
l'électorat, mais également perd la confiance des groupes de pressions qui très souvent pousse vers le
haut, dans l'arène parlementaire, le parti.
Sous un angle politique, on entend comme oppression tout acte gouvernemental, des pouvoirs
publics en général, étouffant le peuple. 35 Le droit de résistance à l'oppression est difficilement
admissible dans le système britannique pour la simple raison que l'opposition de Sa Majesté a
toujours eu la tendance à qualifier la politique gouvernementale d'asphyxie pour la population. Ce
comportement est plutôt d'ordre purement politique et justifie le refus de domination de la majorité
autrement dit une sorte de confirmation de la fonction de ‘s'opposer’.36 En revanche sous l'angle
juridique, il existe véritablement un droit de résistance à l'oppression dans le cas ou les lois adoptées
par le gouvernement et sa majorité portent atteinte à un droit garanti tel que la privation d'un droit
fondamental à un membre de l'opposition. Alors ce dernier peut se présenter devant un juge (à titre
individuel ou collectif).
L'admission par la loi d'une désobéissance civile à la loi peut paraitre paradoxale.37 Pourtant, la
désobéissance civile à certains égards peut être raisonnable et compatible avec l'état de droit. Le
droit anglais admet s ce droit à la désobéissance civile à chaque fois qu'un citoyen est victime d'abus.
L'affaire Rice v. Connolly en 1966 est révélatrice d'une désobéissance de Mr Rice en ce qu'il refusa
de se suivre les policiers pour une interrogation. Quand bien même, la loi prévoit l'injonction de
suivre les agents de police, la cour a retenu qu'un citoyen ne peut être condamné pour avoir exercé
simplement tous ses droits. Cet usage de la désobéissance civile apparait comme la conséquence de la
conception britannique du droit vue comme procédural et pragmatique.
La désobéissance civile est un excellent moyen pour un membre de l'opposition d'invoquer à la fois
la liberté d'adhérer à une loi ‘gouvernementale’ controversée et de profiter justement de la
controverse de la dite loi pour attirer l'attention de l'électorat.
III- LES MUTATIONS DE L'OPPOSITION
A- Les mutations structurelles
Le système politique britannique comme nous l'avons rappelé est manifestement sous représentatif
des petits partis politiques. Les petits partis sont insignifiants en Angleterre, mais dans les autres
pays du Royaume Uni, on trouve des partis qui connaissent un essor considérable du fait de leur
35 Adam Smith dans ses leçons sur la jurisprudence écrivait qu' " un impôt exorbitant est tellement synonyme d'abus de
pouvoir que la résistance du peuple se justifie".
36 Jean Jacques ROUSSEAU, Du contrat social ou Principes du droit politique, M-M.Rey éd., Amsterdam, 1762, p.196..
37 Voir Kant " Que la justice soit faite et que le monde périsse"
— 179 —
Royaume-Uni
proximité avec les populations. Pourtant, sur le plan politique, nous avons vu que le bipartisme
historique englouti considérablement les autres partis.
La sous représentation de certaines forces politiques est inhérente au mode de scrutin selon lequel le
candidat qui obtient la majorité simple des voix remporte le siège dans sa circonscription. Ce mode a
pour résultat que le parti majoritaire à la chambre des communes est celui qui a remporté le plus
grand nombre de sièges. En outre, le système favorise les partis dont l'électorat est concentré d'un
point de vu géographique et défavorise ceux dont l'électorat est reparti à peu près dans tout le pays.38
Le système politique britannique défavorise l'apparition de nouveaux partis en raison du bipartisme
même si les libéraux démocrates ont empêche l'obtention de 50 % des votes/sièges en 2010. Les
petits partis restent présents au sein des nations constitutives du Royaume Uni
Le régime politique britannique est purement parlementaire et il n'y a pas de place pour quelque
tendance présidentielle que ce soit. Ainsi, le fait que la reine qui règne mais ne gouverne pas permet
une configuration claire et du clivage entre la majorité et l'opposition sur la scène politique.
B- Les mutations fonctionnelles
1) Les mutations des lieux
Bien que les médias constituent un espace propice pour s'opposer, le parlement britannique reste la
principale tribune de l'opposition dans la mesure où c'est le lieu par excellence de la confrontation
entre majorité et opposition. C’est dans le parlement que l'opposition de Sa Majesté trouve les
moyens de contre attaquer les projets gouvernementaux (contrôles parlementaires en général) à
travers les compétences qui lui sont dévolues. Un parti politique non représenté au parlement
britannique ne peut constituer véritablement d'opposition, et il est condamné à s'isoler.
Le traitement médiatique des partis politiques est crucial dans le processus de valorisation de
l'opposition. Ainsi, qu'il s'agisse de période électorale ou non, l'accès aux médias repose sur les
mêmes conditions (majorité et opposition). Loin des régimes politiques où les chaînes de radio et de
télévision sont monopolisées par le parti majoritaire au pouvoir, en Grande-Bretagne, l'opposition
officielle ou non bénéficie du droit d'antenne, du droit de réplique et du droit d'accès sur invitation.
La BBC depuis 1947 a mis en oeuvre un accord avec le gouvernement du moment et l'opposition
pour l’obtention d’un temps fixe pour l'année dont l'usage est libre (choix du thème, date de
diffusion ...). 39
Il semble intéressant de démontrer à quel point l'opposition britannique peut à défaut de gouverner
infléchir ou aider l'action gouvernementale. Il n'existe pas de modalités définies de participation au
gouvernement, mais une véritable allure de Fair Play allant jusqu' à la consultation entre
gouvernement et opposition. Ainsi, le chef de l'opposition appuie souvent les projets
gouvernementaux qu'il trouve nécessaire ou en temps de crise grave. Il s'agirait presque d'une
homogénéité de partis tant le soutien s'affiche sur la scène politique. Il faut aussi voir que du fait de
l'alternance, l'opposition n'a aucun intérêt à chercher à déstabiliser l'action gouvernementale. Au
contraire elle adopte une posture visionnaire et constructive.
2) Les mutations des moyens
L'opposition britannique, avec l'alternance très probable, devient la majorité dès lors qu'elle accède
au pouvoir. Ainsi, tel que mentionné, les autres partis ont vocation à entrer dans une coalition. Ce fut
le cas du parti des libéraux démocrates qui se sont unis avec les conservateurs en 2010 pour former
l'actuel gouvernement. Si l'on entend antisystème par une remise en cause des institutions
dominantes tout en demandant un changement de programme, il existe bien des partis anti systèmes
notamment le British National Front, très minoritaire, qui est vu comme un parti allant à l'encontre de
plusieurs principes du système politique et institutionnel (A voir pour le cas du UKIP).
38
39
Daniele FRISON, Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques, p.182..
Monica CHARLOT, La democratie à l'Anglaise, Armand Colin éd., 1972, p.116..
— 180 —
Royaume-Uni
L'obstruction permet à l'opposition de Sa Majesté d'être au cœur du processus de l'action publique
(procédure législative), mais en aucun cas elle ne constitue une radicalisation ou un détournement de
la fonction d'opposition pour une raison liée à la loyauté et à l'esprit Flair Play.40
La contestation du pouvoir majoritaire est une fonction renouvelée en ce sens que l'opposition tente
toujours d'apporter un programme différent du programme du pouvoir majoritaire. Cette
contestation implique également pour le parti au pouvoir de veiller à ce que les velléités des
membres et des partisans soient observées par leur.
Le contrôle parlementaire reste de nos jours le domaine par excellence où l'opposition se reconstruit
comme alternative crédible. Il lui permet de ne pas rester en marge dans les procédures impliquant
une prise de décision du gouvernement. Il faut voir donc que la formule de Louis Favoreu selon
laquelle ‘le régime de la séparation des pouvoirs laisse la place à une séparation entre majorité et
opposition’ continue de caractériser le régime politique britannique.
C’est au sein du parlement que l'opposition arrive à jouer un rôle décisif. Par conséquent, la
procédure législative est un moment clé pour s'opposer à une loi, donc a une mise en oeuvre
juridique de l’initiative du gouvernement. On remarque généralement que l'intérêt pour l'opposition
de s'opposer à la loi s'articule autour de deux agencements: la recherche d'une alternative liée aux
idéaux et ses convictions politiques et la volonté affiché de s'exprimer au sein d'un parlement où les
projets gouvernementaux passent toujours très aisément.
L'opposition britannique est constructive au point qu'elle produit des effets législatifs considérables.
En revanche, il faut voir que les propositions de loi émanant de l'opposition (opposition motion) ou
même les Privates Members Bills émanant individuellement de députés, ne sont susceptibles d'être
considérés qu'avec l'approbation du gouvernement qui bénéficie bien evidement de la majorité au
parlement.
3) Les mutations des instants
Les coalitions se constituent généralement après les élections. En 2010 par exemple, après être
arrivés en tête lors des élections générales, les conservateurs se sont retrouvés avec un parlement sans
majorité, il fallut donc cinq jours de négociation entre conservateurs libéraux démocrates pour
finalement arriver à un accord qui érigea un gouvernement de coalition formé de conservateurs et de
libéraux démocrates.
Les partis qui n'intègrent pas la coalition gouvernementale ont vocation a rester dans l'opposition
pendant toute la législature. En effet, c'est seulement au lendemain de nouvelles élections qu'une
nouvelle majorité peut se constituer dans le cadre parlementaire.
L'opposition soutient le pouvoir majoritaire en cas de grave crise nationale nécessitant une union
nationale autour d'une problématique. Par conséquent, il est clair que ce soutien n'est nullement
ponctuel puisque l'ambition affichée par l'opposition est de donner aux électeurs le choix entre des
politiques, dont une est son alternative.
C- Les mutations stratégiques
L'implantation locale est une stratégie payante à long terme non seulement par le fait qu'elle permet
l'association des populations locales au processus démocratique.
La recherche de la proximité des citoyens est une stratégie à long terme dans la mesure où toutes les
stratégies mises en œuvre par l'opposition - de la présence sur les réseaux sociaux en passant par les
manifestations - ont pour but de monter dans l'estime de l’électorat en vue des élections.
L'expansion du contrôle de constitutionnalité a fait irruption dans la plupart des démocraties
européennes, la Grande-Bretagne a mis en place d'une cour suprême en 2009 (héritière de la
formation judiciaire de la chambre des lords) afin de vérifier les dispositions contraires au droit
positif britannique. Cette possibilité est désormais un moyen pour l'opposition d'attirer l'attention
de la cour suprême qui à son tour à défaut d'imposer quoi que ce soit tente d'inciter le
gouvernement ou le parlement à modifier un texte contraire par exemple à la convention
européenne. La procédure de l'impeachment constitue un excellent moyen pour l'opposition de
40
Ibid.
— 181 —
Royaume-Uni
destituer un haut fonctionnaire du cabinet impliqué dans un scandale. 41 Cette procédure permet à
l'opposition de montrer du doigt les failles de la politique du pouvoir majoritaire tout en proposant
une alternative crédible. En somme, toutes ces possibilités constituent des excellents moyens pour
l'opposition de Sa Majesté non pas simplement d'exister mais d'avoir une mission authentique.
Le principe du droit anglais est que le roi ne peut mal faire, et par conséquent les agents du gouvernement se doivent
d'être irréprochables. Voir DICEY, Introduction to the law of the Constitution, 3 eme éd., 1889, p.30..
41
— 182 —
Union européenne
FORINCIP
FORUM INTERNATIONAL SUR LA CONSTITUTION ET LES INSTITUTIONS POLITIQUES
1ER FORUM
L’OPPOSITION POLITIQUE
— R A P P O R T U N IO N
EUROPÉENNE
—
Établi par Laetitia GUILLOUD1
I.
LA RECONNAISSANCE DE L’OPPOSITION
A. Comment reconnaît-on l’opposition ?
1) Les modalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Le système politico-juridique est-il favorable à l’institutionnalisation de l’opposition ?
→ L’opposition est-elle institutionnalisée ? Dispose-t-elle d’un statut qui survit à l’inversion des rôles ? Les alternances
politiques conduisent-elles les formations politiques à investir tour à tour les habits de la majorité puis de l’opposition
dans des conditions stables et pérennes ?
→ Parle-t-on habituellement d’une opposition ? Des oppositions ? Du chef de l’opposition ? Des partis ou des forces
d’opposition ?
Si on définit l’opposition comme la « position reconnue d’un groupe au sein d’un régime politique en
compétition pour l’accession légale au pouvoir et son exercice pacifique »2, l’Union européenne, de
par sa nature juridique – il ne s’agit pas d’un État mais d’une organisation internationale – et de par
son mode de fonctionnement, qui repose sur un équilibre entre différentes sources de légitimité, ne
présente pas une telle caractéristique fondée sur une alternance des forces politiques au pouvoir3.
Cependant, les réformes successives des traités ont entrepris de renforcer la « parlementarisation » de
l’Union européenne. En effet, le Traité de Maastricht a consacré la pratique inaugurée en 1985
consistant pour la Commission à obtenir un vote d’approbation du Parlement européen. Le Traité
d’Amsterdam, quant à lui, a renforcé les compétences de ce dernier sur la désignation du président de la
Commission, en substituant dans ce domaine son approbation à sa consultation. Enfin, depuis l’entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne, le candidat à la fonction de président de la Commission est proposé
par le Conseil européen « en tenant compte des élections au Parlement européen […]. Ce candidat est
élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne
recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai
Professeur à l’Université de Grenoble.
P. Jan, « Les oppositions », Pouvoirs, n°108, 2004, p. 38.
3 Cf. K. Neunreither, « Governance without Opposition : the Case of the European Union », Government ans Opposition,
vol. 33, n°4, 1998, p. 421 : “The main function of an opposition is to provide for an alternative within the system. This
function does not exist in the EU, and we shall see that its absence results in an increase in instability”.
1
2
— 183 —
Union européenne
d'un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure »
(Art. 17 §7 TUE). Pour certains auteurs, « il n’est sans doute pas injustifié de voir dans l’article 17 § 7
TUE tel qu’issu du Traité de Lisbonne la première esquisse tangible d’un fait majoritaire.
L’introduction d’un mécanisme de prise en compte des orientations politiques majoritaires au
Parlement pourrait ainsi se traduire à terme par le refus systématique de maintenir la confiance dès
lors que la Commission ne s’efforce pas de donner à celles-ci une traduction juridique »4.
À plusieurs reprises – en 2004, 2009 et 2014 – le Parlement européen a démontré, lors de l’audition
des commissaires 5 , qu’il entendait jouer un rôle actif dans la désignation des membres de la
Commission, au besoin en s’opposant à la nomination de certaines personnalités pressenties. Il n’en
reste pas moins que le choix des membres de la Commission, autres que le Président, n’est pas lié aux
résultats des élections européennes mais aux majorités politiques en place au sein des États membres,
ces derniers ayant tendance à désigner des commissaires issus du parti majoritaire (ou de la coalition
gouvernementale le cas échéant), même si cette pratique n’est pas systématique. Elle ne forme donc
pas un gouvernement homogène. De plus, en vertu de l’article 17 §2 TUE, la Commission est
chargée de promouvoir « l’intérêt général de l’Union », et non de mettre en œuvre un programme
politique soutenu par une majorité parlementaire. Dès lors, elle « ne saurait être « partisane » au sens
de l’opposition droit-gauche »6. Par ailleurs, si le Parlement dispose du droit d’adopter une motion de
censure à l’encontre de la Commission, cette dernière porte, selon les termes de l’article 234 TFUE,
« sur la gestion de la Commission », ce qui confère une dimension plus administrative que politique à
cette modalité de mise en cause de la responsabilité de la Commission. En outre, les autres moyens
de contrôle dont dispose le Parlement, ainsi que sa capacité d’influence sur le pouvoir d’initiative
législative détenu par la Commission, restent faibles, tandis que l’indépendance des membres de la
Commission à l’égard des autres institutions européenne est affirmée par le traité (article 17 §3 TUE).
Quant au Conseil, non seulement ses prérogatives législatives empêchent de l’assimiler à un
« gouvernement » à l’échelle de l’Union européenne, mais de plus le Parlement reste globalement
dépourvu de moyens de contrôles efficaces (et surtout de sanction) à son égard. Ainsi, du fait de
« l’absence d’un exécutif présentant une cohérence partisane et réclamant le soutien d’une majorité
d’élus ; le Parlement européen n’est pas structuré par un clivage permanent entre majorité et minorité
parlementaires mais plutôt par une superposition de clivages et a tendance à recourir à de larges
majorités »7.
Plusieurs caractéristiques du système politico-juridique de l’Union européenne s’opposent ainsi à
l’instauration d’un clivage « majorité/opposition » en son sein. En premier lieu, l’organisation
institutionnelle de l’Union européenne n’a pas pour vocation d’instaurer la subordination d’une
institution à une autre, mais de maintenir un équilibre entre elles, ce que l’on désigne sous le terme
d’équilibre institutionnel. Cette particularité est liée aux fondements de la légitimité de l’Union. En
effet, contrairement aux États membres qui n’ont qu’une seule source de légitimité, les institutions de
l’Union européenne reflètent différents types de légitimité : démocratique pour le Parlement
européen, interétatique pour le Conseil (et le Conseil européen), intégrative pour la Commission8. De
plus, le Parlement ayant été historiquement l’institution la moins dotée en compétences, le souci
S. Roland, « Le renforcement des pouvoirs de colégislateur du Parlement européen », L.P.A., n°116, 2009, p. 4.
Cette pratique est apparue en 1994.
6 J. H. H. Weiler, « Les enjeux de la participation électorale aux élections européennes de 2014 », Note à la Commission
des affaires constitutionnelle du Parlement européen, 2013, PE493.036.
7 N. Brack, L’euroscepticisme au sein du Parlement européen, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 134.
8 Cf. D. Simon, Le système juridique communautaire, Paris, P.U.F., 2001 (3e édition), pp. 203 et 220. Notons que ces
différentes formes de légitimité ne sont pas nécessairement exclusives les unes des autres. En effet, même si la légitimité
démocratique au sein de l’Union est principalement incarnée par le Parlement, en raison de son élection au suffrage
universel direct par les citoyens européens, les autres institutions ne sont pas exemptes de toute légitimité démocratique :
la Commission est responsable devant le Parlement européen, et les membres du Conseil devant les parlements nationaux.
L’article 10 §2 TUE précise d’ailleurs que « les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d’État
ou de gouvernement et au Conseil par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs
parlements nationaux, soit devant leurs citoyens ».
4
5
— 184 —
Union européenne
d’accroître son poids à l’échelle européenne a incité les parlementaires à privilégier la recherche
d’accords sur la manifestation de leur opposition en vue d’accroître leurs compétences9.
En deuxième lieu, les décisions adoptées à l’échelle européenne, soit en raison de leur dimension
technique, soit parce qu’elles ont suscité l’émergence d’autres formes d’opposition (entre petits et
grands États, anciens et nouveaux, riches et pauvres….), n’ont pas permis la généralisation d’un
clivage droite/gauche, même si l’émergence d’un tel clivage reste ponctuellement possible10. Ainsi,
« l’opposition au Parlement européen n’est pas identifiée comme un bloc homogène. Au contraire,
plusieurs types d’oppositions se dégagent »11. Cette caractéristique est renforcée par les particularités
de l’organisation partisane du Parlement européen. En effet, le mode de scrutin proportionnel retenu
pour l’élection des députés européens favorise la représentation de diverses sensibilités politiques au
sein du Parlement. En outre, les groupes parlementaires étant composés de membres issus de
différents partis politiques nationaux, il n’est pas possible de dégager une position unique dans tous
les domaines. Dès lors, même si en pratique la discipline de vote au sein des deux principaux groupes
est assez forte, ce n’est pas « le produit d’une discipline de groupe, du partage d’une vision de la
société, de la défense collective d’une politique ou d’une attitude de soutien ou d’opposition à la
politique gouvernementale », mais « le résultat d’une division du travail poussée, qui incite les députés
à s’en remettre aux positions de leur groupe pour tous les dossiers qu’ils n’ont pas suivis de près »12.
En troisième lieu, les règles procédurales présidant à l’adoption des décisions nécessitent la mise en
place d’accords entre les groupes politiques représentés au Parlement européen. En effet, dans
plusieurs cas celui-ci ne sont prononce pas à la majorité simple, mais sur la base de majorités
renforcées13, ce qui oblige les députés des différents groupes parlementaires (notamment ceux des
deux principaux groupes) à collaborer pour pouvoir exercer leurs prérogatives. Par ailleurs, « dans un
système politique qui tient du fédéral et du confédéral, la réunion de larges majorités est […]
indispensable à la légitimation des décisions »14.
Cela conduit néanmoins certains auteurs à affirmer que « l’Union européenne ne satisfait pas aux
critères généralement acceptés d’une démocratie moderne : elle a manqué la troisième étape du
processus conduisant à des institutions pleinement démocratiques, à savoir l’établissement du droit
pour une opposition organisée au sein du système »15. Il en résulte une conséquence importante : le
9 Cf. sur ce point O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles,
2001, pp. 437-460 ainsi que N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité
législative : une analyse des évolutions de son organisation », Cahiers de recherche politique de Bruges, n°39, 2015.
10 Y. Bertoncini et Th. Chopin identifient ainsi au sein du Parlement européen ce qu’ils appellent des « majorités de
confrontation » qui reflètent un tel clivage. Cela représente cependant, selon les auteurs, moins d’un tiers des votes sur la
période 2009-2014. Cf. « Des visages sur des clivages. Les élections européennes de mai 2004 », Notre Europe – Institut
Jacques Delors, VoteWatch Europe, Fondation Robert Schuman, Études et rapports, n°104, 2004, p. 46.
11 S. Bendjaballah, « Des assemblées sans opposition ? Perspectives comparées sur le Parlement européen et le Congrès
américain », in O. Rozenberg, E. Thiers, L’opposition parlementaire, Paris, La documentation française, 2013, p. 179.
12 O. Costa, « La parlementarisation de l’Union européenne : pour une approche dynamique du régime politique
européen », Mémoire d’habilitation à diriger des recherches, Université de Bordeaux, 2013, p. 73.
13 Selon les traités, le Parlement européen se prononce « à la majorité des membres qui le composent » lorsqu’il élit le
Président de la Commission (article 17 §7 TUE), pour approuver le recours à une procédure de révision simplifiée (article
48 §7 TUE), pour autoriser l’adhésion d’un nouvel État membre (article 49 TUE), pour adopter les dispositions
permettant l’élection de ses membres selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à
des principes communs à tous les États membres (article 223 §1 TFUE), pour demander à la Commission de soumettre
une proposition d’acte (article 225 TFUE), pour demander la tenue d’une session extraordinaire (article 229 TFUE), pour
adopter son règlement intérieur (article 232 TFUE), pour encadrer les actes délégués (article 290 §2 TFUE), pour rejeter
la position du Conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire ou l’amender (article 294 § 7 TFUE), pour
adopter le règlement fixant le cadre financier pluriannuel (article 312 § 2 TFUE), pour amender le projet de budget
(article 314 §4 TFUE) ou pour le rejeter (article 314 §7 TFUE), pour réduire les dépenses si le Conseil a autorisé un
dépassement du douzième provisoire (article 315 TFUE), pour approuver la suspension du droit de vote de certains États
membres en application de l’article 7 TUE (article 354 TFUE). De plus, le Parlement statue « à majorité des membres qui
le composent et des trois cinquièmes des suffrages exprimés », pour confirmer l'ensemble ou une partie des amendements
adoptés au projet de budget (article 314 §7 TFUE). Enfin, il statue à la « majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la
majorité des membres qui [le] composent » pour adopter une motion de censure à l’encontre de la Commission (article
234 TFUE).
14 O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 33.
15 N. Brack, L’euroscepticisme au sein du Parlement européen, Op. cit., p. 278.
— 185 —
Union européenne
développement d’une opposition à l’Union européenne16. Dès lors, si on définit plus largement
l’opposition comme l’ « ensemble des forces politiques qui se dressent contre le pouvoir en place,
soit au sein des assemblées (opposition parlementaire), soit dans l’ensemble du pays ; hommes ou
partis qui n’étant pas au pouvoir (par ex. parce qu’étant dans la minorité), surveillent les hommes ou
partis au pouvoir, les critiquent, agissent contre eux, parfois même contestent le régime politique en
vigueur »17, alors une telle opposition existe à l’échelle européenne. Elle se caractérise soit par une
opposition au processus même d’intégration européenne (au nom de la défense de la souveraineté
des États membres), soit par une opposition aux modalités d’intégration actuellement retenues (rejet
d’une Europe libérale).
→ Existe-t-il plusieurs niveaux de reconnaissance potentielle de l’opposition (niveau fédéral, fédéré ou régional,
institutions nationales et locales) ?
L’opposition a du mal à se manifester au sein du Parlement européen en raison des contraintes qui
affectent l’action des députés non inscrits et des groupes minoritaires (cf. infra). Par ailleurs, il est
quasiment impossible d’identifier une opposition parlementaire qui s’opposerait à une majorité
parlementaire (et/ou gouvernementale), dès lors que les deux groupes politiques les plus importants
(PPE et S&D) s’entendent pour se répartir les principaux postes au sein de l’assemblée et adopter
ensemble les actes législatifs de l’Union (cf. infra), sauf à considérer que les groupes minoritaires,
exclus de ces accords constituent l’opposition. Néanmoins, des coalitions ponctuelles (intégrant les
groupes minoritaires) interviennent également à l’occasion de l’adoption des actes. L’opposition
parlementaire tend alors à se résumer aux seuls députés non inscrits et groupes eurosceptiques qui
refusent de se rallier à ces compromis mais qui, pour les raisons précédemment évoquées, ont du mal
à exercer une véritable opposition18.
D’autres formes et d’autres lieux d’opposition peuvent néanmoins être identifiés. Ainsi, à l’occasion
d’un vote au Conseil, l’opposition s’incarne dans la minorité d’États membres opposés à l’adoption
de l’acte concerné. Néanmoins, en raison du caractère intergouvernemental de cette institution,
l’influence du processus diplomatique dans l’adoption des décisions reste marquée. En effet, alors
que l’adoption des actes à la majorité qualifiée au sein du Conseil est devenue la règle depuis l’entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne (article 16 § 3 TUE), la recherche du consensus prédomine. Ainsi,
« plus de 85 % des décisions sont en fait adoptées à l’unanimité bien que la seule majorité qualifiée
soit requise »19. Cependant, l’opposition des États membres peut se manifester de manière radicale,
lorsque ces derniers refusent de se rallier aux actes adoptés par la majorité (qualifiée) d’entre eux.
Pour rester conforme aux traités une telle opposition doit néanmoins être négociée avec les autres
États membres (clause d’exemption ou opt out). Ainsi, le Royaume-Uni et le Danemark bénéficient
d’une clause d’exemption dans le cadre de l’Union économique et monétaire (Protocoles n°15 et 16
annexés aux traités). Le Danemark dispose également d’un opt out dans le domaine de la politique
étrangère de sécurité et de défense (Article 5, alinéa 1 du Protocole 22 annexé aux traités). Enfin, la
Pologne, la République tchèque et le Royaume-Uni disposent d’une clause d’exemption concernant
l’application de certaines dispositions de la Charte des droits fondamentaux (Protocole n°30 et
Déclaration n°61 annexés aux traités).
Par ailleurs, la situation récente de la Grèce a souligné comment un État pouvait incarner une forme
d’opposition à l’Union européenne. Mais parallèlement, l’exemple de la Grèce tend à démontrer que
16 En effet « Once we cannot organize opposition in the EU, we are then almost forced to organize opposition to the
EU ». P. Mair, « Political Opposition and the European Union », Government and Opposition : the Case of the European Union,
vol. 42, n°1, 2007, pp. 6-7.
17 G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, P.U.F., 2014, p. 713.
18 Cf. N. Brack, « Quelle opposition au sein du Parlement européen ? », in A. Crespy et M. Petithomme (dir.), L’Europe
sous tensions : appropriations et contestation de l’intégration européenne. Paris, L’Harmattan, 2010, pp. 179-190. V. également N.
Brack et S. Weinblum, « Pour une approche renouvelée de l’opposition politique », R.I.P.C., vol. 18, n°2, 2011, pp. 13-27.
19 J.-P. Jacqué, « Le vote au Conseil de l’Union européenne », in M. Blanquet (dir.), La prise de décision dans le système de
l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 70. Cf. également S. Novak, La prise de décision au Conseil de l’Union
européenne. Pratiques du vote et consensus, Paris, Dalloz, 2011.
— 186 —
Union européenne
l’Union européenne tend à réduire les choix politiques des États membres, ce qui peut également
avoir un effet sur le rôle de l’opposition au sein de ces derniers20.
Enfin, le Traité de Lisbonne a renforcé le rôle des Parlements nationaux à l’échelle européenne. En
effet, ces derniers disposent désormais de différents moyens, leur permettant d’intervenir en amont
comme en aval de l’adoption d’un acte législatif, pour s’opposer aux propositions de la Commission
s’ils estiment ces dernières contraire au principe de subsidiarité (Protocole n°2 sur l’application des
principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au Traité de Lisbonne). Ils peuvent ainsi
exercer le rôle de « chambres d’opposition » à l’égard de l’Union européenne Néanmoins cette
opposition vise en l’espèce à défendre leurs compétences contre un empiétement de l’Union
européenne et non à opposer une ligne politique à une autre.
b) Sous quelles formes s’opère la reconnaissance de l’opposition ?
→ L’opposition fait-elle l’objet de références textuelles ? Est-elle formellement visée, définie, garantie, encadrée par un
texte ?
→ Sa reconnaissance a-t-elle été opérée par voie constitutionnelle, législative (organique, ordinaire), jurisprudentielle ou
coutumière ? Existe-t-il des « conventions de la Constitution », usages ou habitudes (parlementaires) qui contribuent à
sa reconnaissance ?
Les mécanismes par lesquels les États membres – que ce soit par l’intermédiaire de leurs parlements
nationaux ou au sein du Conseil – peuvent exprimer leur opposition au sein de l’Union européenne
sont encadrés par les dispositions des traités ainsi que par les Protocoles qui y sont annexés (cf.
supra). En revanche, ces derniers ne confèrent aucune prérogative particulière à l’opposition
parlementaire, faute pour cette dernière d’être explicitement reconnue au sein du Parlement
européen.
De même, le règlement intérieur du Parlement européen (RIPE) ne fait pas référence à une
« opposition » ni à une « majorité » institutionnalisée. Néanmoins, les procédés par lesquels un député
ou un groupe parlementaire peuvent manifester leur opposition à l’adoption d’un acte ou à une
politique mise en œuvre par la Commission sont consacrés et encadrés par ce dernier. Un ensemble
de droits sont en effet reconnus à « une commission, un groupe politique ou quarante députés au
moins »21, à la « commission compétente, un groupe politique ou quarante députés au moins »22, ou
bien seulement à « un groupe politique ou quarante députés au moins »23. Si ces droits ne sont pas
réservés aux députés / groupes de l’opposition, ils intéressent plus spécifiquement ces derniers.
→ L’opposition parlementaire est-elle reconnue dans sa diversité ? La reconnaissance inclut-elle les « groupes
minoritaires » ?
Les groupes minoritaires au sein du Parlement européen n’ont pas nécessairement vocation à
constituer une opposition. En effet, « nombre de ces groupes ont vocation à participer aux coalitions
de vote, jouent le jeu de l’institution et ne remettent que très rarement en cause le fondement des
projets présentés. Par contre, les groupes d’extrême gauche […], d’extrême droite […] ainsi que les
Cf. P. Mair, « Political Opposition and the European Union », Government and Opposition, vol. 42, n°1, 2007, p. 14.
Cf. Article 128 RIPE : poser une question avec demande de réponse orale suivie d’un débat, article 152 RIPE : faire
des propositions de modification de l’ordre du jour, article 123 §2 RIPE : déposer une proposition de résolution à l’issue
d’une déclaration de la Commission, du Conseil ou du Conseil européen suivie d’un débat, article 135 §1 RIPE :
demander un débat sur un cas urgent de violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit.
22 Article 38 §2 RIPE : vérifier le respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne par une
proposition d’acte législatif, articles 68 et 69 RIPE : déposer une proposition de rejet de la position du Conseil dans le
cadre de la procédure législative ordinaire, article 169 §1 RIPE : déposer des amendements pour examen en séance
plénière.
23 Article 105 § 5 RIPE : déposer une proposition de résolution sur un acte délégué, article 134 §1 RIPE : présenter une
proposition de recommandation à l'intention du Conseil, concernant des matières traitées au titre V du traité sur l'Union
européenne ou lorsque le Parlement n'a pas été consulté sur un accord international, article 188 §1 RIPE : demander un
renvoi en commission, article 190 §1 RIPE : ajourner un débat ou un vote, article 153 §1 RIPE : demander que soit
inscrit à l'ordre du jour du Parlement un débat extraordinaire sur un thème d'intérêt majeur concernant la politique de
l'Union européenne, article 180 §1 RIPE : demander un vote par appel nominal, article 226 §4 RIPE : s’opposer à
l’interprétation du règlement intérieur par la commission compétente.
20
21
— 187 —
Union européenne
députés non inscrits collaborent plus rarement avec les autres formations »24. Ainsi, l’opposition
politique à l’échelle de l’Union ne se manifeste pas par une tendance systématique à l’obstruction
parlementaire, même si certains députés ou groupes parlementaires ont tenté d’agir en ce sens.
2) Les finalités de la reconnaissance de l’opposition
a) Quel statut pour l’opposition ?
→ Sa reconnaissance se limite-t-elle à son existence ? Inclut-elle une définition de son rôle, une garantie de ses fonctions,
une délimitation de ses prérogatives ?
Comme évoqué précédemment il n’y a pas de consécration textuelle, ni de droits spécifiquement
conférés à l’opposition au sein de l’Union, même si les prérogatives conférées aux groupes
parlementaires ou à un seuil minimal de députés intéressent évidemment ceux qui souhaitent
manifester leur opposition.
→ Lui est-il conféré un rôle précis dans le fonctionnement des institutions ? Ce rôle est-il garanti par des mécanismes,
des procédures, un juge ?
Au sein du Parlement européen, l’ensemble des groupes parlementaires, et pas seulement celui qui
dispose de la majorité des sièges, sont en principe appelés à exercer un rôle dans le fonctionnement
de l’assemblée. En effet, les postes de vice-présidents du Parlement comme de présidents de
commissions sont répartis entre les groupes proportionnellement à leur importance numérique. Les
sièges au sein des commissions sont également répartis entre les groupes politiques en fonction de
leur poids.
En outre, du fait des majorités renforcées exigées pour l’adoption de certains actes, les groupes sont
incités à collaborer pour permettre au Parlement européen de remplir ses fonctions (législatives,
budgétaires) (cf. supra). En effet, « d’un point de vue strictement arithmétique, l’équilibre relatif des
forces de gauche et de droite, auquel s’ajoute la marginalisation des députés « anti-européens », rend
irréaliste la constitution d’une majorité de gauche ou de droit capable de mettre en œuvre
efficacement et de manière suivie les pouvoirs législatifs de l’assemblée »25.
b) Quelle valorisation du rôle de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition est-elle conçue pour favoriser sa valorisation ? Existe-t-il des dispositions ou des
principes normatifs qui favoriseraient voire exigeraient l’intégration et la consultation de l’opposition ?
→ La reconnaissance de l’opposition vise-t-elle, au contraire, ou également, à faciliter son encadrement ? À éviter les
débordements, les phénomènes d’obstruction, les risques de déstabilisation ?
→ Existe-t-il des règles qui interdiraient à l’opposition de se manifester dans une instance ou dans une situation
politiques ?
La tendance actuelle au Parlement européen est à l’encadrement, plutôt qu’à la valorisation de
l’opposition, au nom de l’impératif visant à assurer l’efficacité de ce dernier (cf. supra) face à une
opposition incarnée par des députés (éventuellement des groupes) hostiles à l’intégration européenne.
Ainsi, les possibilités pour les députés non inscrits d’agir ont été restreintes26. En effet, si les députés
disposent toujours de certains droits27 qu’ils peuvent exercer à titre individuel28, ils ne disposent plus
S. Bendjaballah, « Des assemblées sans opposition ? Perspectives comparées sur le Parlement européen et le Congrès
américain », précité, p. 179.
25 O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 333.
26 Cf. N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité législative : une analyse des
évolutions de son organisation », précité, pp. 24-26.
27 Nous ne reviendront pas sur les droits reconnus par le règlement intérieur du Parlement européen à un ensemble de
députés (une commission, un groupe politique ou quarante députés au moins), puisque que les députés non inscrits ne
peuvent exercer ces droits lorsqu’ils n’atteignent pas le seuil numérique exigé.
28 Cf. Article 130 §1 RIPE : le droit de poser des questions avec demande de réponse écrite au président du Conseil
européen, au Conseil, à la Commission ainsi qu’à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité ; article 129 RIPE : le droit de poser des questions orales lors de l’heure des questions, en principe à
24
— 188 —
Union européenne
du droit de déposer des amendements en séance plénière29 ni de demander à tout moment le renvoi
d’un texte en commission 30 . En revanche, aucune règle ne prévoit de situations politiques
particulières au cours desquelles les pouvoirs de l’opposition seraient plus restreints.
B. Comment identifie-t-on l’opposition ?
1) Identifie-t-on une opposition ou des oppositions ?
a) Au sein des institutions politiques
→ Où identifie-t-on l’opposition ? À la chambre basse ? À la chambre haute (s’il en existe une) ? En dehors des
assemblées nationales (collectivités territoriales par exemple) ? Dans les parlements locaux ou régionaux ? En dehors
des instances délibérantes ?
En dehors du Parlement européen, et comme évoqué précédemment, l’opposition peut se manifester
sous la forme d’une minorité d’États membres au sein du Conseil. Elle peut également s’incarner
dans les Parlements nationaux qui disposent depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne de
différents moyens pour s’opposer à une propositions d’acte législatif de la Commission s’ils estiment
cette dernière contraire au principe de subsidiarité.
→ Quels liens fait-on entre opposition, partis politiques et groupes parlementaires ? Y a-t-il correspondance,
prolongement naturel ou au contraire dissociation ?
Initialement, les groupes parlementaires ont été à l’origine de la création des partis politiques à
l’échelle européenne et ont participé à leur financement. Ainsi, « alors qu’au niveau national, les partis
engendrent les groupes politiques, qui sont chargés de relayer leurs positions au sein des chambres et
d’assurer la discipline partisane, la relation est inverse à l’échelle européenne » 31 . Les « partis
politiques au niveau européen » (article 10 §4 TUE) ont été consacrés par le Traité de Maastricht,
même si les premières structures sont antérieures (les premières fédérations de partis sont apparues
dans les années 1970). Désormais les partis politiques européens disposent d’un statut et d’un
financement provenant du budget de l’Union européenne (cf. infra). Plusieurs conditions doivent
ainsi être remplies pour obtenir le statut de parti politique européen et le financement qui y est
attaché32.
Il n’y a pas de totale adéquation entre les sept groupes politiques au Parlement européen et les treize
partis politiques à l’échelle européenne, certains groupes politiques accueillant des députés de
différents partis politiques européens33. De plus, les groupes politiques au Parlement européen ne
la Commission, même si des heures des questions spécifiques peuvent être organisées avec le Conseil, avec le président
de la Commission, avec haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et avec le
président de l'Eurogroupe ; article 183 §1 RIPE : le droit d’émettre, sur le vote final, une déclaration orale qui ne peut
excéder une minute.
29 En première lecture, « La commission compétente au fond est la seule habilitée à présenter des amendements en
séance plénière » (article 53 RIPE). En seconde lecture « La commission compétente au fond, un groupe politique ou
quarante députés au moins peuvent déposer des amendements à la position du Conseil, pour examen en séance plénière »
(article 69 RIPE).
30 Article 188 RIPE : « Le renvoi en commission peut être demandé par un groupe politique ou par quarante députés au
moins ».
31 O. Costa, « La parlementarisation de l’Union européenne : pour une approche dynamique du régime politique
européen », précité, p. 81.
32 Cf. Article 3 du Règlement (CE) n° 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relatif au
statut et au financement des partis politiques au niveau européen, JOUE, n° L 297 du 15 novembre 2003, pp. 1-4 : Le
parti doit disposer de la personnalité juridique dans l’État membre dans lequel se trouve son siège. De plus, il doit être
représenté, dans au moins un quart des États membres, par des membres du Parlement européen (ou dans les parlements
nationaux ou régionaux ou dans les assemblées régionales) ou avoir réuni au moins 3 % des votes exprimés dans au
moins un quart des États membres lors des dernières élections au Parlement européen. Il doit également respecter dans
son programme et son action, les principes fondateurs de l’Union européenne. Enfin il doit avoir participé aux élections
du Parlement européen ou en avoir exprimé l’intention.
33 Le groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) regroupe ainsi des députés membres du
parti de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE) et des députés membres du parti démocrate
— 189 —
Union européenne
défendent pas une ligne ou un programme politique global en raison de la diversité de leurs
composantes puisqu’il s’agit de fédérations de partis politiques nationaux.
En outre, alors que le rôle des groupes parlementaires est essentiel au sein du Parlement européen,
celui des partis politiques européens reste marginal à l’échelle de l’Union. En effet, ce sont les partis
politiques nationaux qui présentent des candidats aux élections européennes. Néanmoins dans le
cadre des élections européennes de mai 2014, et à la demande du Parlement européen34, les partis
politiques européens ont proposé des candidats à la présidence de la Commission, afin de renforcer
la visibilité de ce scrutin et de ses enjeux.
b) Au sein du parlement
→ L’opposition est-elle identifiée par son hostilité au gouvernement ? À l’exécutif ? Par son statut non majoritaire au
sein de l’assemblée ? Au sein des assemblées ? Parle-t-on d’« opposition gouvernementale » ? D’« opposition
parlementaire » ?
→ Distingue-t-on, parmi les forces politiques hostiles au gouvernement ou à la majorité de l’assemblée (« l’opposition »),
les différents courants d’opposition ? Identifie-on spécifiquement les groupes n’appartenant ni à l’opposition ni à la
majorité (groupes minoritaires, non inscrits…) ?
Le Parlement européen (ou la majorité parlementaire au sein de ce dernier) n’a pas pour fonction de
soutenir un gouvernement, dès lors que l’Union européenne ne comporte pas de gouvernement au
sens strict. En effet, si la Commission, comme le Conseil semblent, à première vue, pouvoir faire
office de gouvernement à l’échelle de l’Union, la composition politique de la première ne dépend pas
de la majorité parlementaire (cf. supra). Quant au second il est indépendant du Parlement européen et
sa composition procède de considérations politiques strictement nationales. Ainsi, la logique
majoritaire (ou le fait majoritaire) est difficilement transposable à l’échelle de l’Union européenne.
De fait, si au sein du Parlement européen on peut identifier des groupes minoritaires, ils ne
constituent pas une opposition parlementaire qui s’opposerait à une majorité parlementaire. En effet,
le Parlement européen fonctionne sur la base de coalition entre plusieurs groupes. C’est pourquoi,
« bien que la quasi-totalité des députés se déclarent spontanément de gauche ou de droite, les
majorités résultent d’agrégation multiples et changeantes qui varient en fonction des activités de
l’assemblée et de la nature et des enjeux des textes »35. L’opposition parlementaire s’incarne alors
dans les députés non inscrits et dans les groupes (en général les groupes eurosceptiques) qui refusent
de se rallier à ces compromis.
Dans le cadre de la législature 2014-2019, le poids des eurosceptiques a ainsi incité le groupe du Parti
populaire européen (PPE), le groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et des démocrates au
Parlement européen (S&D), et l’Alliance des démocrates et des libéraux (ADLE) à s’allier pour la
durée de la législature. Par un accord du 24 juin 2014, étendu à l’ADLE le 26 juin, les groupes en
question se sont engagés « à œuvrer afin de créer une majorité pro-européenne stable au Parlement
et ainsi défendre les valeurs et les principes de l'intégration européenne ». Cet accord est plus
ambitieux que les accords « techniques » conclus lors des précédentes législatures entre les deux
principaux groupes politiques du Parlement européen afin de se répartir les postes clefs. Néanmoins,
il n’est pas exempt de tensions entre les partis concernés. Ces dernières se sont manifestées dès la
nomination de la Commission. En effet, les membres du groupe S&D ayant critiqué le choix de
certains commissaires conservateurs (Miguel Arias Cañete), le PPE a menacé de refuser de confirmer
la nomination du socialiste Pierre Moscovici. Le statu quo a finalement été privilégié. Dès lors, il est
encore trop tôt pour évoquer l’émergence d’une majorité parlementaire ou gouvernementale solide.
2) Comment enregistre-t-on l’appartenance à l’opposition ?
européen (PDE). Certains députés membres du PDE ont par ailleurs rejoint le groupe de l’Alliance progressiste des
démocrates et des libéraux pour l’Europe (S&D) principalement composé de députés membres du parti socialiste
européen (PSE). Le groupe des Verts/Alliance libre européenne regroupe pour sa part les membres de ces deux partis.
34 Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2012 sur les élections au Parlement en 2014, 2012/2829(RSP).
35 O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 333.
— 190 —
Union européenne
a) Comment appartenir à l’opposition ?
→ L’appartenance à l’opposition s’identifie-t-elle individuellement (décision individuelle du parlementaire, de l’élu, du
personnage public) ou collectivement (décision du groupe parlementaire, du parti ou du courant politique) ?
→ L’opposition s’identifie-elle sur la base d’un régime déclaratif ? D’un calcul arithmétique ? D’un constat empirique,
d’un comportement politique, ponctuel ou répété (refus de voter la confiance, d’approuver le budget du gouvernement,
d’adopter la loi adoptée par la majorité de l’assemblée…) ?
→ Comment est-on admis en tant que composante de l’opposition ? Existe-il un registre, une liste, un document
constatant l’appartenance d’un groupe ou d’un individu à l’opposition ? Comment est-on admis à faire partie de
l’opposition (et le cas échéant à bénéficier du statut correspondant) ?
Au sein du Parlement européen, « l’opposition » s’identifie sur la base d’un calcul arithmétique.
« L’opposition est constituée de tous les groupes qui ne détiennent pas le plus grand nombre de
sièges » 36 . Cette définition reste néanmoins très sommaire, car du fait du mode de scrutin
proportionnel aucun groupe ne dispose de la majorité absolue des sièges. Sept groupes politiques
sont ainsi représentés au Parlement européen. Les deux plus importants – le groupe du parti
populaire européen (PPE) et le groupe de l’alliance progressiste des socialistes et des démocrates
(S&D) disposent respectivement de 219 et 191 sièges 37 et s’associent pour diriger ensemble le
Parlement européen et former des coalitions de vote.
Néanmoins, comme cela a été évoqué précédemment, le fait d’appartenir à un groupe minoritaire
n’implique pas un comportement systématique d’opposition dès lors que ces derniers peuvent
conclure un accord avec le parti majoritaire ou participer ponctuellement aux coalitions de vote.
L’opposition tend alors à s’incarner dans les groupes (ou députés non inscrits) qui refusent de
participer à ces coalitions parce qu’ils s’opposent à l’intégration européenne elle-même (ou a minima
parce qu’ils critiquent cette intégration européenne, c’est-à-dire dénoncent les choix présidant à sa
construction). Dès lors, aucune formalité ne s’impose pour être identifié comme faisant partie de
l’opposition.
b) Comment sortir de l’opposition ?
→ Comment renoncer à l’appartenance à l’opposition ? Peut-on quitter librement, se désenregistrer, modifier sa
déclaration à tout moment, en cours de mandat ou de législature ? Cela peut-il résulter d’une simple modification du
comportement, l’hostilité cédant la place à une démarche de soutien (vote des textes, du budget, prise de parole) ?
→ Y a-t-il des conditions ou formalités applicables concernant l’entrée et la sortie du statut de membre de l’opposition ?
Un contrôle ou une possibilité de contestation de l’appartenance à l’opposition (par exemple subordonnée au respect des
principes démocratiques) ? Un délai incompressible d’appartenance à l’opposition (par exemple le temps d’une
législature) ?
Aucune formalité de sortie de l’opposition n’existe au sein du Parlement européen. En outre, les
modalités d’adoption des actes imposant une coopération entre groupes politiques, le fait pour ces
derniers de s’accorder sur le vote d’un texte n’est pas révélateur d’une telle sortie, ni ne préjuge d’un
accord quant à l’adoption d’un autre texte.
II.
LES DROITS DE L’OPPOSITION
A. La garantie des droits de l’opposition politique
1) La nature de la garantie
a) Quel type de garantie ?
36 S. Bendjaballah, « Des assemblées sans opposition ? Perspectives comparées sur le Parlement européen et le Congrès
américain », précité, p. 179.
37 Source : http://www.europarl.europa.eu/meps/fr/hemicycle.html. Dernière consultation 9 avril 2015.
— 191 —
Union européenne
→ Encadrer juridiquement l’opposition est-ce la brider ou la protéger ? N’est-il pas contradictoire d’offrir un cadre
juridique à l’opposition, dès lors que l’élaboration de ce cadre, expression du pouvoir, est le fait de la majorité ? Limiter
le cadre d’action de l’opposition est-ce l’enfermer et la nier ou, au contraire, préserver le principe majoritaire, qui fonde
la démocratie, en assurant les détenteurs du pouvoir, régulièrement désignés, d’une prééminence ?
→ Existe-t-il des coutumes, type « gentlemen’s aggreement », ou des « conventions de la Constitution » venant garantir
les droits de l’opposition ? Où ont-ils été négociés ? Ont-ils été codifiés ? Quelle est la norme de référence optimale, entre
la rigidité de la norme constitutionnelle et la souplesse du gentlemen’s aggreement et de la convention ?
→ Existe-t-il une jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition ? La jurisprudence constitutionnelle favoriset-elle les droits de l’opposition ou en constitue-t-elle aussi un frein ?
Au sein du Parlement européen, l’encadrement des droits de l’opposition a été progressivement
renforcé. Cette évolution repose en grande partie sur la volonté des groupes majoritaires d’assurer
l’efficacité du travail parlementaire afin de justifier l’accroissement des pouvoirs confiés à l’assemblée.
En outre, l’opposition parlementaire coïncidant globalement avec une opposition à l’intégration
européenne, les groupes politiques ont été tentés de limiter son expression au sein du Parlement
européen38. Cela s’est notamment traduit par une restriction des droits accordés à titre individuel aux
députés, au profit des groupes politiques ou d’un nombre minimal d’élus (quarante députés au
moins), ou encore par une limitation des temps de parole des députés (cf. supra). Cet encadrement –
et les résistances qu’il suscite de la part des députés concernés – reflète ainsi la confrontation de
« deux approches [de] l’impératif démocratique dans l’Union : la démocratie par le parlement et la
démocratie au parlement. La première met l’accent sur la démocratisation du fonctionnement de
l’Union européenne par la maximisation de l’influence du PE en son sein, et donc la rationalisation
de ses activités. La seconde insiste sur le caractère démocratique du fonctionnement du PE; elle
promeut un parlement de parole, fondé sur des principes de pluralité et de représentativité,
pratiquant une délibération libre et favorisant l’expression de toutes les sensibilités »39.
Néanmoins, plusieurs prérogatives sont garanties aux groupes minoritaires. Elles sont normalement
prévues par le règlement intérieur du Parlement européen. Ainsi, lorsqu’un rapport doit être élaboré
par une commission, « les groupes politiques peuvent désigner […] un rapporteur fictif pour suivre
l'avancement du rapport en question et trouver des compromis au sein de la commission, au nom du
groupe. Leurs noms sont communiqués au président de la commission. La commission […] peut
notamment décider d'associer les rapporteurs fictifs à la recherche d'un accord avec le Conseil dans
les procédures législatives ordinaires » (Article 205 § 4 RIPE). De même, la composition des
commissions « reflète autant que possible la composition du Parlement » (article 199 §1
RIPE). Certaines résultent de la pratique. Ainsi, les présidences des différentes commissions sont
réparties entre les groupes selon leurs effectifs sur la base d’une représentation proportionnelle à la
plus forte moyenne40. En outre, les deux principaux groupes politiques du Parlement européen se
partagent habituellement la présidence de l’assemblée pour la durée de la législature41. Cette pratique
de la « grande coalition » a connu une exception sur la période 1999-2004 puisque le PPE s’est allié
avec les libéraux. Pour autant, cela n’a pas conduit à l’émergence d’une véritable opposition
parlementaire car la pratique du vote consensuel a persisté.
Il n’existe pas de jurisprudence constitutionnelle des droits de l’opposition dès lors qu’il n’existe pas
de véritable « statut de l’opposition ». En pratique, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union
européenne est susceptible de freiner comme de préserver les droits exercés par les groupes
38 Cf. en ce sens N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité législative : une
analyse des évolutions de son organisation », précité, p. 7.
39 N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité législative : une analyse des
évolutions de son organisation », précité, p. 32.
40 Cf. O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 454.
41 Le Président du Parlement européen est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés pour une durée de deux ans et
demi. Cf. article 16 et 19 RIPE. En vertu de l’article 15, les candidatures « ne peuvent être présentées que par un groupe
politique ou par quarante députés au moins ». Dès lors que les deux principaux groupes s’accordent sur le choix d’un seul
candidat, ce dernier est assuré d’être élu.
— 192 —
Union européenne
minoritaires. Ainsi, dans un arrêt du 29 juin 2004 « Front national contre Parlement européen »42, la
Cour de justice a déclaré irrecevable le recours exercé contre un parti politique national contre la
décision du Parlement européen portant dissolution du Groupe technique des députés indépendants
au motif qu’un parti politique national n’était pas directement et individuellement concerné par une
telle décision, revenant sur la décision du Tribunal qui avait pour sa part rejeté le recours au fond43.
Dans un arrêt du 23 avril 1986, elle a, en revanche, jugé recevable le recours exercé par un groupe
parlementaire contre une décision du Parlement introduisant un système de remboursement des frais
de campagne et annulé l’acte attaqué44. Enfin, les décisions adoptées par le Parlement européen en
matière de levée d’immunité45, ou à titre de sanction à l’encontre des députés européens46 sont
susceptibles de faire l’objet d’un recours devant les juridictions européennes.
Enfin, on remarquera de manière générale que le fonctionnement du Parlement européen est très
encadré par son règlement intérieur, lequel est régulièrement modifié, alors que la coutume ne trouve
guère sa place dans ce système ce qui peut s’expliquer, d’une part, par le caractère récent de son
fonctionnement (et plus encore de son fonctionnement au suffrage universel direct), et d’autre part
par l’hétérogénéité de ses membres (issus de cultures politiques nationales distinctes) qui réduit les
chances de consensus autour de certaines pratiques47.
b) Quel(s) niveau(x) normatif(s) ?
→ Quels types de normes garantissent les droits de l’opposition ? La Constitution, la loi (organique ou ordinaire), les
règlements internes des institutions, les actes réglementaires ? Quelle est la place des coutumes ou du droit souple ?
Le droit européen ne consacre pas de « statut de l’opposition » puisque cette dernière n’est pas
institutionnellement reconnue à l’échelle de l’Union. Des dispositions plus générales relatives au
statut des députés se trouvent néanmoins dans le Protocole de 1965 sur les privilèges et immunités
(actuel Protocole n°7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne annexé aux traités), dans
l’Acte de 197648 (dont l’article 6 concerne les incompatibilités), ainsi que dans la décision du 28
CJCE, 29 juin 2004, Front national contre Parlement européen, aff. C-486/01 P, Rec. 2004, I, pp. 6289 et ss. En
revanche, « il ne saurait être nié que l’acte litigieux – en ce qu’il a privé les députés ayant déclaré la constitution du groupe
TDI et, notamment, les députés élus sur la liste du Front national, de la possibilité de se constituer, à travers le groupe
TDI, en groupe politique au sens de l’article 29 du règlement – affecte directement lesdits députés. Ainsi que le Tribunal
l’a relevé à bon droit aux points 59 et 65 de l’arrêt attaqué, ces députés ont en effet été empêchés, du seul fait de cet acte,
de se constituer en groupe politique et ils ont été considérés, dès cet instant, comme des députés non-inscrits au sens de
l’article 30 du même règlement, bénéficiant, de ce fait, de prérogatives parlementaires plus restreintes ainsi que
d’avantages matériels et financiers moindres que ceux qui auraient été les leurs s’ils avaient été membres d’un groupe
politique au sens dudit article 29 ».
43 Tribunal, 2 octobre 2001, Jean-Claude Martinez e.a. contre Parlement européen, aff. jointes T-222/99, T-327/99 et T329/99, Rec. 2001, II, pp. 2823 et ss.
44 CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste « Les Verts » contre Parlement européen, aff. 294/83, Rec. 1986, pp. 1339 et ss.
45 En effet selon le Tribunal « l’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait à tout contrôle juridictionnel. En effet,
il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des
règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par l’institution, l’absence d’erreur manifeste dans
l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir ». Tribunal, 17 janvier 2013, Bruno Gollnisch contre
Parlement européen, aff. T-346/11 et T-347/11, non encore publiée. Points 59 et 60. En matière de défense de
l’immunité, la Cour de justice a affirmé dans l’arrêt « Marra » que la décision du Parlement européen dans ce domaine ne
constitue qu'un avis qui ne produit pas d'effet contraignant à l'égard des autorités juridictionnelles nationales. Cf. CJCE,
21 oct. 2008, Alfonso Luigi Marra c/ Eduardo De Gregorio et Antonio Clemente, aff. jtes. C-200/07 et 201/07, Rec.
2008, I, pp. 7929 et ss. Point 28. En effet, la procédure de défense de l’immunité, contrairement à la procédure de levée,
n’est pas prévue par le Protocole n°7. Le Tribunal semble moins catégorique dans son arrêt Gollnisch précité cf. point 59,
même si en l’espèce il juge qu’il n’y a plus lieu à statuer dès lors que la décision de levée d’immunité est confirmée.
46 Tribunal, 5 septembre 2012, Farage contre Parlement et Buzel, aff. T-564/11, non publié.
47 Cf. en ce sens O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 399.
48
Acte
portant
élection
des
représentants
à
l'assemblée
au
suffrage
universel
direct,
JO L 278 du 8 octobre 1976, pp. 5-11.
42
— 193 —
Union européenne
septembre 200549. Cette dernière consacre notamment dans son article 8 §1 le droit pour les députés
de s’organiser en groupes politiques50.
Si les droits consacrés par ces dispositions appartiennent à l’ensemble des députés sans distinction, ils
sont particulièrement indispensables à ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires et/ou qui se
caractérisent par leur opposition à l’intégration européenne. Ainsi, en vertu de l’article 7 du Protocole
n° 7 sur les privilèges et immunités : « aucune restriction d'ordre administratif ou autre n'est
apportée au libre déplacement des membres du Parlement européen se rendant au lieu de réunion du
Parlement européen ou en revenant ». L’article 8 prévoit que « Les membres du Parlement européen
ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans
l'exercice de leurs fonctions ». Enfin, selon l’article 9 pendant la durée des sessions les députés
européens bénéficient sur leur territoire national, « des immunités reconnues aux membres du
parlement de leur pays », et sur le territoire des autres États membres, « de l'exemption de toute
mesure de détention et de toute poursuite judiciaire ». L'immunité les couvre également lorsqu'ils se
rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent. L'immunité ne peut être
invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement
européen de lever l'immunité d'un de ses membres. Cependant, cette levée d’immunité ne peut
porter que sur les garanties accordées en vertu de l’article 9 du protocole, alors que l’article 8 ne peut
faire l’objet d’une telle demande51.
Par ailleurs l’existence des partis politiques au niveau européen est mentionnée à l’article 10 § 4 TUE,
ainsi qu’à l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux52 qui consacre plus généralement la liberté
de réunion et d’association. Cette disposition permet de mettre un terme aux incertitudes antérieures.
En effet, dans son arrêt du 2 octobre 2001 « Jean-Claude Martinez e.a. contre Parlement européen »,
le Tribunal avait émis un doute quant à l’invocation du principe de liberté d’association à l’égard des
groupes parlementaires53. En revanche il n’est pas fait référence au pluralisme politique, ni aux partis
d’opposition.
L’article 224 TFUE prévoit enfin que « Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément
à la procédure législative ordinaire, fixent par voie de règlements le statut des partis politiques au
niveau européen […] et notamment les règles relatives à leur financement ». Les institutions ont
adopté, le 22 octobre 2014, un nouveau règlement relatif au statut et au financement des partis
politiques européens et des fondations politiques européennes, visant notamment à doter ces partis
politiques d’une personnalité juridique européenne qui se substituera à toute personnalité juridique
nationale préexistante54. Il sera applicable à compter du 1er janvier 2017.
→ Y a-t-il eu des évolutions du niveau de garantie ces dernières années ? Pour quelles raisons (dans l’affirmative ou la
négative) ? Le niveau de garantie était-il suffisant/satisfaisant ou, au contraire, insuffisant, insatisfaisant et contesté ?
Quelles sont les conséquences actuelles de cette évolution ou de cette stagnation ?
Décision du Parlement européen du 28 septembre 2005 portant adoption du statut des députés au Parlement européen,
JOUE L 262 du 7 octobre 2005, pp. 1-10.
50 L’article 32 du règlement intérieur du Parlement européen précise néanmoins les conditions requises. D’une part les
députés s’organisent en groupes « par affinités politiques ». D’autre part « Tout groupe politique est composé de députés
élus dans au moins un quart des États membres. Le nombre minimal de députés nécessaires pour constituer un groupe
politique est fixé à vingt-cinq ».
51 CJUE, 6 septembre 2011, Aldo Patriciello, aff. C-163/10, 2011, I, pp. 7565 et ss. Point 27 : « lorsque les conditions de
fond pour reconnaître l’immunité édictée à l’article 8 du protocole sont remplies, celle-ci ne peut pas être levée par le
Parlement européen et la juridiction nationale compétente pour l’appliquer est tenue d’écarter l’action diligentée contre le
député européen concerné ».
52 « Les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à
l'expression de la volonté des citoyens de l'Union ».
53 Selon le Tribunal « même en admettant que ledit principe ait vocation à s'appliquer au niveau de l'organisation interne du Parlement, il
convient de souligner qu'il ne revêt pas un caractère absolu ». Tribunal, 2 octobre 2001, Jean-Claude Martinez e.a. contre
Parlement européen, aff. jointes T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec. 2001, II, pp. 2823 et ss., Point 232.
54 Règlement (UE, Euratom) n°1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et
au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, JOUE L 317 du 4 novembre
2014, pp.1-28.
49
— 194 —
Union européenne
Comme cela a été évoqué, au sein du Parlement européen, l’encadrement des droits de l’opposition a
été progressivement renforcé. En effet, l’opposition politique au sein du Parlement européen est
essentiellement une opposition à l’intégration européenne. Cette forme d’opposition « anti-système »
étant implicitement considérée comme une forme déviante d’opposition 55 , ses droits ont été
progressivement minorés au nom de l’efficacité du travail législatif du Parlement européen56.
Le Parlement européen (dans son ensemble) a été incité à agir en ce sens, notamment en raison du
fait que dans le cadre de la procédure législative ordinaire, l’article 294 §7 TFUE prévoit que si dans
un délai de trois mois le Parlement européen « approuve la position du Conseil en première lecture ou
ne s'est pas prononcé, l'acte concerné est réputé adopté dans la formulation qui correspond à la position
du Conseil ». Ainsi, dans l’hypothèse où le Parlement européen ne parviendrait pas à exercer ses
prérogatives (à cause de stratégies d’obstruction par exemple), il en serait dépossédé en pratique. Cela
a néanmoins pour effet d’accroître les critiques – et donc l’opposition – des acteurs concernés.
2) L’étendue de la garantie
a) Quels droits au sein des institutions ?
→ Quelles institutions politiques garantissent des droits de l’opposition ? Le parlement, les assemblées locales, d’autres
? Y a-t-il des droits garantis spécifiquement dans certaines institutions et non dans d’autres ?
Si, à l’occasion d’un vote au Conseil, on assimile l’opposition à la minorité d’États membres hostiles à
l’adoption de l’acte concerné, ses droits sont garantis par les traités (par exemple : la possibilité
d’exercer un recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne contre l’acte
concerné), comme par la pratique institutionnelle. Ainsi, même si l’adoption des actes à la majorité
qualifiée au sein du Conseil est devenue la règle depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne
(article 16 § 3 TUE), la recherche du consensus prédomine (cf. supra).
→ Quels types de droits sont garantis à l’opposition au sein des institutions ? Droits honorifiques (présidences de
commissions, intérêt simplement honorifique ou autre ?), d’interrogation (nature), d’enquête (étendue), de contestation,
de blocage, de renversement, de procédure parlementaire, de nomination ?
Plusieurs dispositions du règlement intérieur du Parlement européen confèrent des prérogatives aux
groupes / députés minoritaires. Ainsi, les principaux postes au sein du Parlement sont répartis
proportionnellement entre les groupes politiques. Cependant ce principe est « moins équitable qu’il
n’y paraît. Si la répartition des vingt présidences de commission est plus ou moins respectueuse du
poids relatif de chaque groupe, elle postule aussi que ces mandats présentent tous le même intérêt.
Or, l’ordre dans lequel les groupes sont appelés à se prononcer permet aux deux grands groupes, qui
sont les premiers servis, d’exercer systématiquement les présidences des commissions les plus
importantes et de laisser celles des autres […] aux petits groupes »57. En outre, si la désignation des
rapporteurs au sein des commissions dépend de l’importance numérique de chacun des groupes
politiques, ces derniers peuvent également désigner « un rapporteur fictif pour suivre l'avancement
du rapport en question et trouver des compromis au sein de la commission, au nom du groupe.
Leurs noms sont communiqués au président de la commission. La commission […] peut notamment
décider d'associer les rapporteurs fictifs à la recherche d'un accord avec le Conseil dans les
procédures législatives ordinaires » (Article 205 § 4 RIPE). De plus, et même si cette pratique tend
aussi bien à conforter le poids des groupes majoritaires qu’à éviter une marginalisation des groupes
minoritaires, lorsqu’un consensus ne peut être atteint au sein de la Conférence des Présidents, il est
recouru à un vote pondéré pour lequel les présidents de groupe disposent d’un nombre de voix
proportionnel aux effectifs de leurs formations respectives.
55 Cf. N. Brack et S. Weinblum, « Pour une approche renouvelée de l’opposition politique », R.I.P.C., vol. 18, n°2,
2011, pp. 13-27.
56 Cf. en ce sens N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité législative : une
analyse des évolutions de son organisation », précité, p. 7.
57 O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 454.
— 195 —
Union européenne
Par ailleurs, en matière de contrôle parlementaire, tous les députés peuvent poser des questions avec
demande de réponse écrite au président du Conseil européen, au Conseil, à la Commission ou à la
vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité (Article 130 RIPE). De plus, « Une commission, un groupe politique ou
quarante députés au moins peuvent poser des questions au Conseil ou à la Commission et demander
que ces questions soient inscrites à l'ordre du jour du Parlement (article 128 §1 RIPE). Les conditions
pour constituer une commission d’enquête58 sont assez strictes puisque cela nécessite une demande
d'un quart des membres du Parlement européen (article 198 §1 RIPE et article 226 TFUE)59. Les
membres de ces commissions sont désignés par les groupes parlementaires en fonction de leur poids
respectif. Enfin, « un dixième des membres qui composent le Parlement peut déposer auprès du
Président du Parlement une motion de censure visant la Commission » (Article 119 §1 RIPE), ce qui
reste assez ouvert même si le règlement intérieur du Parlement européen se montre ici plus restrictif
que le traité qui n’imposait aucun seuil60. De plus, le dépôt d'une motion de censure peut intervenir à
tout moment. En revanche la motion doit être adoptée « à la majorité des deux tiers des suffrages
exprimés et à la majorité des membres qui composent le Parlement »61 ce qui la rend peu effective
(cf. infra).
→ Comment l’opposition est-elle associée à la confection législative ?
Dans le cadre de la législature 2004-2009, la proportion de votes communs au groupe PPE et au
groupe PSE a été de 69 %. Sur la législature 2009-2014, la proportion de votes communs au groupe
PPE et au groupe S&D était de 73 %. Enfin, sur les 6 premiers mois de la législature 2014-2019 elle
s’est élevée à 79,5 %62. Une telle proportion de votes communs remet en cause l’existence même
d’un clivage majorité / opposition au sein du Parlement européen. Elle est critiquée par ceux qui
dénoncent l’absence d’alternative politique qui en résulte, laquelle laisse le champ libre aux partis
anti-européens. On peut s’interroger sur la raison d’être ou les origines de cette culture du
compromis qui se manifeste au sein du processus législatif européen. Selon Olivier Costa,
« l’observation de la délibération révèle que les consensus, entendus ici comme des décisions quasi
unanimes, peuvent intervenir dans trois contextes distincts : lorsque les députés entendent défendre
les intérêts du Parlement dans le triangle institutionnel, lorsqu’ils souhaitent adopter des résolutions
particulièrement audacieuses et, enfin, lorsqu’ils veulent donner un fort impact à leurs positions,
notamment dans le domaine législatif »63.
b) Quels droits au-delà des institutions ?
→ Le financement des partis politiques d’opposition favorise-t-il et renforce-t-il l’expression de l’opposition ? Quelles
sont les ressources financières de l’opposition ?
Les règles relatives au statut et au financement des partis politiques au niveau européen sont inscrites
dans le règlement n° 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 200364, tel que
58 Une telle commission peut être constituée « pour examiner les allégations d'infraction au droit de l'Union ou de
mauvaise administration dans l'application de celui-ci qui seraient le fait soit d'une institution ou d'un organe de l'Union
européenne, soit d'une administration publique d'un État membre, soit de personnes mandatées par le droit de l'Union
pour appliquer celui-ci ».
59 Dans la configuration actuelle du Parlement européen il faudrait ainsi l’accord d’au moins trois groupes (PPE et S&D
exclus).
60 L’article 234, alinéa 1 TFUE prévoit simplement que le Parlement européen est « saisi d'une motion de censure sur la
gestion de la Commission ».
61 Article 119 § 7 RIPE. D’autres conditions sont également prévues. Ainsi, le débat doit avoir lieu vingt-quatre heures au
moins après l'annonce aux députés du dépôt d'une motion de censure et le vote (par appel nominal) quarante-huit heures
au moins après l'ouverture du débat.
62 Source : http://www.votewatch.eu.
63 O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 445.
64 Règlement n° 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relatif au statut et au financement
des partis politiques au niveau européen, JOUE L 297 du 15 novembre 2003, pp. 1-9.
— 196 —
Union européenne
modifié par le règlement n° 1524/2007 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 200765.
Un nouveau règlement a été adopté en 2014 mais il ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier
201766. Ces dispositions établissent les conditions que doit remplir un parti politique au niveau
européen et bénéficier ainsi d’un financement67 : il a la personnalité juridique dans l’État membre où
il a son siège68 ; il est représenté, dans au moins un quart des États membres, par des membres du
Parlement européen (ou dans les parlements nationaux ou régionaux ou dans les assemblées
régionales) ou il a réuni (également dans un quart des pays) au moins 3 % des votes exprimés dans
chacun de ces États membres lors des dernières élections du Parlement européen ; il respecte,
notamment dans son programme et par son action, les principes fondateurs de l’Union européenne
(la liberté, la démocratie, le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales, ainsi que
l’État de droit)69 ; il a participé aux élections du Parlement européen ou en a exprimé l’intention70. Le
règlement 1141/2014 du 22 octobre 2014 renforce les sanctions en cas de non-respect des
conditions mentionnées en créant notamment une Autorité pour les partis politiques européens et les
fondations politiques européenne.
Les partis politiques reconnus au niveau européen introduisent chaque année leur demande de
financement auprès du Parlement européen. 15 % des crédits disponibles sont répartis également
entre les différents partis politiques reconnus au niveau européen, 85 % sont répartis entre les partis
politiques qui ont des élus au Parlement européen, proportionnellement au nombre d’élus71. « La
dotation financière des partis politiques européens est donc, pour une grande partie, fonction de leur
importance numérique au PE. En revanche, le montant de la subvention versée par le PE à un parti
politique européen bénéficiaire du financement ne peut pas excéder 85 % des dépenses éligibles de
ce parti. Le reste du financement doit être couvert par des ressources propres, qui peuvent être de
trois natures différentes : les dons, les cotisations provenant de partis politiques nationaux membres
ou d’une personne physique membre et les cotisations d’une fondation politique au niveau européen
– ces cotisations ne pouvant excéder 40 % du budget annuel de la fondation politique au niveau
européen »72. À plusieurs reprises les membres de différents groupes parlementaires ont protesté
contre le financement par l’Union européenne des partis européens d’extrême-droite (actuellement
l’Alliance européenne pour la Liberté et l’Alliance européenne des Mouvements nationaux). On
trouve l’écho de ces protestations dans le règlement n°1141/2014 précité qui se réfère au nécessaire
respect des « valeurs » de l’Union par les partis politiques européens.
→ De quels droits et/ou libertés l’opposition politique bénéficie-t-elle en-dehors des institutions ? Le droit d’asile, le
droit de grève, la liberté de la presse sont-ils ou peuvent-ils être considérés comme des droits de l’opposition ?
→ Quelle est l’étendue de ces différents droits et/ou libertés ? Le droit d’asile est-il largement reconnu ? Les droits de
grève et de manifester sont-ils fortement limités (interdiction de faire grève, autorisation de manifester) ? La liberté de la
presse est-elle malmenée ?
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre le pluralisme des médias (article
11 §2) ainsi que le droit de négociation et d’actions collectives (article 28).
B. L’usage de ses droits par l’opposition politique
65 Règlement n° 1524/2007 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2007 modifiant le règlement (CE) n°
2004/2003 relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen, JOUE L 343 du 27 décembre
2007, pp. 5-8.
66 Règlement n°1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement
des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, JOUE L 317 du 4 novembre 2014, pp.1-28.
67 Article 3 du règlement n° 2004/2003 précité.
68 À partir du 1er janvier 2017 les partis politiques européens seront dotés de la personnalité juridique européenne. Article
12 du règlement n°1141/2014 précité.
69 Le règlement n°1141/2014 précité prévoit : qu’il respecte « notamment dans son programme et ses activités, les valeurs
sur lesquelles se fonde l'Union, telles qu'énoncées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, à savoir le respect de la
dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'homme, notamment
les droits des personnes appartenant à des minorités ».
70 Le règlement n°1141/2014 précité ajoute qu’il ne doit pas poursuivre de but lucratif.
71 Article 10 du règlement n° 2004/2003 précité.
72 V. Demertzis, « Élire le Parlement européen », Courrier hebdomadaire du CRISP, n°2211-2212, vol. 6, 2014, p. 84.
— 197 —
Union européenne
1) Au sein des institutions politiques
a) Quelle légitimité ?
→ Comment concilier le principe majoritaire et le fait d’accorder des droits à l’opposition politique ? Dans quelle mesure
les élus de l’opposition participent-ils à l’exercice de la souveraineté nationale ? La théorie de la représentation politique
ne doit-elle pas intégrer la qualité du représentant de l’opposition ? La création de binômes majorité/opposition est-elle
possible, dans quelles situations ?
L’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct ne permet pas, à elleseule, de lever les incertitudes concernant la légitimité démocratique de l’institution. En effet, si
depuis l’entrée du Traité de Lisbonne, le Parlement européen est réputé représenter les citoyens de
l’Union (article 10 §2 TUE)73, l’organisation des élections européennes, comme le statut des députés
élus restent largement encadrés par des dispositions nationales, ce qui atténue le caractère
européen de la représentation. De plus, la répartition des sièges au Parlement européen s’opère entre
les États membres selon le système de la proportionnalité dégressive, ce qui entraîne des inégalités
entre les citoyens européens. Dès lors, le souci de conforter tant la légitimité que l’efficacité de
l’institution – et des actes qu’elle adopte – a incité ses membres à privilégier le fonctionnement
consensuel sur l’affrontement politique. C’est pourquoi, même s’il est possible d’identifier des
situations dans lesquelles les actes législatifs sont adoptés par une partie seulement des forces
politiques (que l’on pourra alors identifier à la « majorité » au sein du Parlement européen), la plupart
sont adoptés par des coalitions rassemblant des élus de différents groupes, y compris des coalitions
réunissant des membres des deux principaux groupes (PPE et S&D)74. Enfin, le fait qu’aucune
composante du Parlement européen (même majoritaire) ne puisse se revendiquer de la « souveraineté
nationale » contribue sans doute également au compromis entre les forces politiques.
b) Quelle fréquence ?
→ L’opposition est-elle systématique, voire permanente ? Pourquoi (y a-t-il des raisons objectives ou seulement
subjectives) ? Est-il possible d’établir des statistiques de l’usage de ses droits par l’opposition ?
→ Y a-t-il, au contraire, un dialogue constructif entre la majorité et l’opposition ? Est-il fréquent, récurrent ? En
fonction de quoi, de quels sujets peut-il avoir ou a-t-il lieu ? Y a-t-il des sujets plus consensuels que d’autres ? Pour
quelles raisons ?
Au sein du Parlement européen, les deux principaux groupes politiques travaillent ensemble. Ainsi, le
clivage « oppose les membres des « grands » groupes (PPE et S&D, et dans une moindre mesure
ALDE) à ceux des autres formations […]. Ce clivage recouvre, en partie, une opposition entre
députés pro et anti-européens. Les premiers privilégient la participation du PE au fonctionnement de
l’Union et à l’approfondissement de l’intégration européenne, et sont disposés pour cela à favoriser
l’émergence de positions majoritaires au sein de l’assemblée. Les seconds se focalisent sur la
dénonciation des travers de l’intégration européenne […] ils privilégient les stratégies d’obstruction et
de protestation »75. Cette coalition entre les grands groupes s’explique par les raisons évoquées
précédemment : l’absence de gouvernement européen politiquement homogène qui placerait les
membres du Parlement européen face à une alternative (soutien/opposition), la volonté de conforter
la légitimité d’une assemblée contestée (et historiquement quasi dépourvue de prérogatives), le
caractère souvent technique des questions abordées… Le Parlement européen se distingue ainsi (de
la plupart) des assemblées législatives nationales par « un mode de fonctionnement spécifique,
caractérisé par le recours à l’expertise, des coalitions pragmatiques à géométrie variable et un
Il était composé de « représentants des peuples des États » aux termes de l’article 189 TFUE.
Cf. Y. Bertoncini et Th. Chopin, « Des visages sur des clivages. Les élections européennes de mai 2004 », Notre
Europe – Institut Jacques Delors, VoteWatch Europe, Fondation Robert Schuman, Études et rapports, n°104,
2004, pp. 48 et ss.
75 N. Brack, O. Costa et C. Dri, « Le Parlement européen à la recherche de l’efficacité législative : une analyse des
évolutions de son organisation », précité, p. 35.
73
74
— 198 —
Union européenne
processus décisionnel basé sur le compromis […] les députés européens étant d’abord et avant tout
des experts dont le but est d’aboutir à des compromis acceptables »76.
→ Peut-on distinguer parmi les droits de l’opposition, ceux qui ne seraient jamais utilisés (et, dans ce cas, pourquoi ?)
de ceux qui sont rituellement utilisés (dans une logique de posture) et d’autres encore qui le sont dans des circonstances
plus conflictuelles ? L’utilisation de ces prérogatives est elle le révélateur d’une tension institutionnelle ?
Plusieurs procédures de contrôle peuvent être utilisées par les députés européens, soit
individuellement, soit collectivement (par une commission, un groupe parlementaire ou un seuil
minimal de députés) : questions écrites, questions orales, heure des questions, mise en place de
commissions d’enquête parlementaire (sur les modalités de mises en œuvre de ces différentes
procédures cf. supra). Le Parlement européen est également destinataire de plusieurs rapports portant
sur des domaines précis d’intervention de l’Union européenne. L’usage de ces prérogatives reste
néanmoins inégal. Ainsi, concernant les questions orales, il s’avère qu’elles occupent « une place
importante de l’ordre du jour pour des résultats fort limités. En effet, les questions abordent
fréquemment des problèmes très généraux n’ayant qu’un lointain rapport avec l’activité
communautaire. Elles contribuent à la transformation du Parlement européen en un forum où se
débattent les problèmes d’actualité mondiale au détriment des activités législatives de l’Assemblée »77.
Quant aux questions écrites, elles sont parfois détournées de leur objectif, devenant pour leurs
auteurs « de véritables discours répétitifs sur des sujets qui leurs sont chers », « une source de
renseignement d’ordre pratique », ou bien une incitation adressée à l’institution de « prendre parti sur
un conflit politique intérieur » 78 . Les avis sont également réservés concernant l’impact des
commissions d’enquête parlementaire. En effet, cette procédure est rarement utilisée79. Comme le
souligne le Parlement européen lui-même, les commissions d’enquête constituent « des instruments
exceptionnels de contrôle politique »80.
Enfin, concernant la motion de censure, la procédure n’a jusqu’à présent jamais formellement abouti,
même si c’est la menace de l’adoption d’une telle motion qui a conduit à la démission de la
Commission présidée par Jaques Santer en 1999. En effet, « le Parlement européen a très peu intérêt
à démettre la Commission de ses fonctions étant donné qu’il ne contrôle pas le choix d’un nouveau
collège » 81 , bien que les traités successifs aient progressivement renforcé ses prérogatives en la
matière (cf. supra). En outre, la cohésion politique du Parlement européen reste aléatoire car si l’on ne
peut pas nier l’existence de clivages partisans à l’intérieur du Parlement européen, les divergences
nationales se superposent aux oppositions politiques. Ainsi, en pratique, les motions de censure font
souvent l’objet d’« utilisations tribunitiennes […] de la part de groupes minoritaires opposés à
l’intégration européenne »82 comme en témoigne le récent usage de cette prérogative à l’égard de la
Commission présidée par Jean-Claude Juncker83.
c) Quelles conséquences ?
N. Brack, L’euroscepticisme au sein du Parlement européen, Op. cit., p. 203.
J.-P. Jacqué, Le Parlement européen, Paris, Economica, 1984, p. 226.
78 M. Chauchat, Le contrôle politique du Parlement européen sur les Exécutifs communautaires, Paris, L.G.D.J., 1989, p. 50.
79 Depuis l’entrée en vigueur du Traité sur l’Union européenne, trois commissions d’enquête ont été constituées : la
première sur le régime de transit communautaire (janvier 1996-mars 1997), la deuxième sur l’encéphalopathie
spongiforme bovine (ESB) (septembre 1996-février 1997), la troisième sur la débâcle financière de la compagnie
"Equitable Life Assurance Society" (janvier 2006-juin 2007).
80 Proposition de règlement du Parlement européen du 23 mai relatif aux modalités d’exercice du droit d’enquête du
Parlement européen et abrogeant la décision 95/167/CE, Euratom, CECA du Parlement européen, du Conseil et de la
Commission.
81 O. Costa et N. Brack, Le fonctionnement de l’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2014, p. 179.
82 O. Costa, « Les relations entre la Commission et le Parlement européen au prisme du parlementarisme », Politique
européenne, n°1, 2002, p. 34.
83 Une motion de censure avait été déposée en novembre dernier à l’encontre de la Commission à l’initiative de 76
eurodéputés eurosceptiques (44 membres du groupe EFDD et 32 non-inscrits). Elle n’a recueilli que 101 voix et plusieurs
signataires n’ont pas participé au vote.
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Union européenne
→ Quels sont les objectifs et les conséquences de l’opposition ? Sont-ils purement politiques ou également juridiques ?
Parle-t-on d’obstruction ? Comment l’opposition est-elle traitée et protégée par le juge (constitutionnel, le cas échéant) ?
Si le vocable « obstruction » n’est pas inscrit dans le règlement intérieur du Parlement européen, il
est largement sous entendu dans l’article 22 §1, alinéa 2 RIPE. Selon ses termes en effet, le Président
du Parlement européen à le pouvoir « de mettre fin à un recours excessif à des motions telles que des
rappels au règlement, des motions de procédure, des explications de vote et des demandes de vote
séparé, de vote par division ou de vote par appel nominal, dès lors que le Président est convaincu
qu'elles ont manifestement pour but et auront pour effet d'entraver gravement et de manière prolongée les procédures de
l'Assemblée ou l'exercice des droits d'autres députés ».
En outre, l’article 166 RIPE évoque les sanctions qui peuvent être prononcées par le Président
contre un député qui « trouble la séance d'une manière exceptionnellement grave ou perturbe les
travaux du Parlement » (blâme, perte du droit à indemnité de séjour pour une durée pouvant aller de
deux à dix jours, suspension temporaire pour la même durée, suspension ou retrait d’un ou de
plusieurs mandats que l’intéressé occupe au sein du Parlement avec l’accord de la Conférence des
Présidents).
L’usage des motions de procédure est encadré par le règlement, ce qui tend à limiter l’utilisation de
ces instruments en vue de faire obstruction à l’adoption d’un texte. En ce qui concerne le rappel au
règlement (article 186 RIPE), les députés doivent préciser l'article auquel ils se réfèrent au début de
leur intervention et le temps de parole est limité à une minute. Le renvoi en commission (article 188
RIPE), la clôture du débat (article 189 RIPE), l’ajournement du débat ou du vote (article 190 RIPE),
la suspension ou la levée de séance (article 191 RIPE) doivent être demandés par un groupe politique
ou quarante députés au moins. Selon O. Costa, « la motion de renvoi en commission est la procédure
la plus utilisée […]. Ce sont généralement les membres de la commission compétente qui demandent
ce renvoi, lorsque des difficultés imprévues apparaissent au cours des délibérations […]. Les
demandes d’ajournement ou de clôture du débat et de suspension ou de levée de la séance ne sont,
quant à elles, utilisées que lorsque l’organisation des travaux de l’assemblée l’exigent réellement »84.
L’utilisation de l’article 168 (vérification du quorum) peut s’avérer en pratique efficace mais son
utilisation a également été encadrée. Ainsi, une demande de constatation du quorum ne peut être
présentée que par au moins quarante députés. Une demande présentée au nom d'un groupe politique
n'est pas recevable. En outre, les auteurs de la demande sont automatiquement inclus dans le
décompte des présents.
Comme cela a été évoqué précédemment, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union
européenne est susceptible de freiner comme de préserver les droits exercés par les groupes
minoritaires.
→ Comment l’opposition est-elle contrôlée par la majorité ? Existe-t-il des mécanismes permettant de l’écarter
totalement (radicalement) ?
Tout d’abord, le poids de groupes politiques dans le fonctionnement du Parlement européen (par
exemple au sein de la Conférence des présidents ou pour la désignation des présidents des
commissions parlementaires) a pour effet de marginaliser les députés non inscrits. En outre, le poids
conféré à la représentation proportionnelle a pour effet de minorer le rôle des groupes minoritaires
(par exemple pour la désignation des rapporteurs chargés d’examiner les propositions de la
Commission, pour la répartition du temps de parole au sein de l’assemblée85)
Par ailleurs, plusieurs mesures ont été introduites dans le règlement intérieur du Parlement européen
afin de combattre l’obstruction. Par exemple, en ce qui concerne les explications de vote, le temps de
parole prévu par le règlement est passé de 3 à 2 minutes pour un groupe politique (article 183 RIPE).
O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 430.
En vertu de l’article 162 RIPE : pour la première partie d’un débat une première fraction du temps de parole est
répartie à égalité entre tous les groupes politiques; une deuxième fraction est répartie entre les groupes politiques au
prorata du nombre total de leurs membres. Le reste du temps de parole du débat n'est pas spécifiquement attribué à
l'avance. Le Président accorde la parole à des députés, en règle générale pour un maximum d'une minute, en veillant à ce
que, dans la mesure du possible, soient alternativement entendus des orateurs de différentes tendances politiques et de
différents États membres.
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Union européenne
En outre, certains droits qui pouvaient auparavant être exercés individuellement par les députés
(comme le droit de déposer des amendements en séance plénière ou celui de demander à tout
moment le renvoi d’un texte en commission) doivent désormais être exercés collectivement ce qui
réduit les possibilités.
2) En-dehors des institutions politiques
a) Les usages dans le droit
→ Le vote peut-il constituer une forme d’opposition politique ? Le vote est-il obligatoire ? Quelle est la prise en compte
du vote blanc ?
L’importance de l’abstention aux élections européennes invite évidemment à s’interroger sur la (les)
signification(s) du phénomène. L’abstention a en effet atteint le taux record de 57,4 % en 2014 sur
l’ensemble de l’Union86, ce qui s’inscrit dans le contexte d’une progression constante (56,9 % en
2009, 54,5 % en 2004 et 50,5 % en 1999)87. On ne saurait cependant interpréter ce phénomène
exclusivement sous l’angle de l’opposition à l’Union européenne. En effet, d’autres facteurs sont
susceptibles d’intervenir tels : le manque de visibilité des compétences exercées par l’Union en
général et par le Parlement européen en particulier, ou le caractère national de ces élections, qu’il
s’agisse des enjeux développés dans le cadre des campagnes électorales ou du déroulement du
scrutin.
Par ailleurs, les référendums négatifs qui ont retardé, voire empêché la ratification des traités88 dans
les vingt dernières années reflètent sans doute également une forme d’opposition à l’Union
européenne même si, là encore, les enjeux de politique interne ne sont pas absents. Certains auteurs y
voient la fin du « consensus permissif » à l’intégration européenne89. Il n’en reste pas moins difficile
de distinguer ce qui relève d’une opposition aux politiques menées à l’échelle européenne (opposition
au libéralisme), de ce qui constitue une opposition à la construction européenne en elle-même
(défense de la souveraineté de l’État).
Les modalités du vote (obligatoire ou facultatif), comme la prise en compte du vote blanc sont régies
par des dispositions nationales variables selon les États membres. Il est donc impossible d’en tirer
des conclusions à l’échelle de l’Union européenne.
b) Les usages au-delà du droit
→ Quelles sanctions pour une opposition politique violant le droit ? Sont-elles civiles, administratives, pénales ? Quelle
en est l’importance ?
→ Existe-t-il un droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civique ? A-t-il déjà été invoqué ? Son invocation
a-t-elle déjà été admise et reconnue par les institutions (le juge ou autre) ?
Au sein du Parlement européen, l’article 166 RIPE évoque les sanctions qui peuvent être prononcées
par le Président contre un député qui « trouble la séance d'une manière exceptionnellement grave ou
perturbe les travaux du Parlement » (blâme, perte du droit à indemnité de séjour pour une durée
pouvant aller de deux à dix jours, suspension temporaire pour la même durée, suspension ou retrait
d’un ou de plusieurs mandats que l’intéressé occupe au sein du Parlement avec l’accord de la
Ce chiffre global masque néanmoins des inégalités importantes selon les États membres, notamment en raison du fait
que certains d’entre eux le vote est obligatoire.
87 http://www.europarl.europa.eu/elections2014-results/fr/election-results-2014.html
88 Référendum du 2 juin 1992 au Danemark concernant la ratification du Traité de Maastricht, référendum du 7 juin 2001
en Irlande concernant la ratification du Traité de Nice, référendums du 29 mai 2005 en France et du 1er juin 2005 aux
Pays-Bas concernant la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, référendum du 12 juin 2008 en
l’Irlande concernant la ratification du Traité de Lisbonne.
89 P. Mair, « Political Opposition and the European Union », Government and Opposition, vol. 42, n°1, 2007, p. 1 : “there was
a consensus in the sense that there was agreement across the political mainstream that European integration should be
furthered, and it was permissive in the sense that the high levels of trust in the political elites during these years ensured
that there was almost always popular deference ton their commitments”.
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Union européenne
Conférence des Présidents). Cela fait suite aux manifestations d’opposition parfois violentes
(verbalement ou physiquement) de certains élus au sein de l’hémicycle.
Le droit de résistance à l’oppression ou de désobéissance civile n’est pas consacré à l’échelle de
l’Union européenne, sans doute parce que les États constituent le « rempart » entre l’Union et les
citoyens. Il leur appartient de veiller à ce que les compétences confiées aux institutions européennes
soient exercées dans le respect des prérogatives qui leur sont conférées et des droits garantis aux
ressortissants de l’Union. Ils disposent pour ce faire des prérogatives nécessaires, qu’il s’agisse de leur
participation à l’élaboration des actes par l’intermédiaire du Conseil ou de leur capacité de saisir la
Cour de justice de l’Union européenne d’un recours en annulation. En outre, le Traité de Lisbonne a
consacré le droit pour les États membres de se retirer de l’Union européenne (article 50 TUE), ce qui
constitue pour ces derniers la manifestation ultime d’opposition à l’Union.
III.
LES MUTATIONS DE L’OPPOSITION
A. Les mutations structurelles
→ Opposition parlementaire et opposition extra-parlementaire : le système politique (magnitude, formule électorale,
seuil…) est-il inclusif ou contribue-t-il au contraire à sous-représenter les petits partis au parlement, voire à les priver de
représentation ?
Le mode de scrutin proportionnel pour l’élection des députés européen, imposé par la décision du
Conseil des 25 juin et 23 septembre 200290, favorise la représentation des différentes sensibilités
politiques, ce qui se justifie d’autant plus que le Parlement européen n’a pas actuellement vocation à
soutenir un gouvernement. En revanche, le fonctionnement interne du Parlement européen, fondé
également sur le principe de proportionnalité, permet aux principaux groupes parlementaires
d’encadrer le fonctionnement de l’assemblée.
→ Existe-t-il des biais (distribution territoriale des voix, malapportionment, gerrymandering…) qui contribuent à
sous-représenter certaines forces au parlement, voire qui les condamnent à être minoritaires ?
Les États membres n’étant pas parvenus à s’entendre pour adopter les « dispositions nécessaires pour
permettre l'élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans
tous les États membres » (article 223 TFUE), sous réserve des « principes communs » énoncés dans
l’Acte du 20 septembre 1976 modifié par la décision du Conseil des 25 juin et 23 septembre 2002, la
procédure électorale relève des États membres, notamment en ce qui concerne le découpage des
circonscriptions. La majorité des États (20 sur 28) ont opté pour une circonscription unique à
l’échelle nationale ce qui permet de représenter un maximum de partis même si certains États ont
instauré un seuil minimal de suffrage à atteindre pour accéder à la répartition des sièges (seuil de 5 %
en France).
Dans son arrêt du 26 février 2014 91 , la Cour constitutionnelle fédérale allemande a déclaré
inconstitutionnelle la disposition prévoyant l’application d’un seuil minimal de 3 % pour l’attribution
de sièges lors des élections européennes au motif qu’il défavorise les petits partis. La juridiction a
ainsi confirmé un arrêt du 9 novembre 2011, par lequel elle avait annulé une réglementation similaire
prévoyant un seuil plus élevé. En effet, la Cour souligne qu’à la différence d’un parlement national, le
Parlement européen n’est pas amené à élire un gouvernement qui nécessiterait le soutien d’une
majorité stable.
En France, le passage d’une circonscription unique à un découpage en huit circonscriptions depuis
2003 a pénalisé les petits partis politiques. En effet, alors qu’il leur suffisait auparavant d’atteindre le
seuil de 5 % des voix pour obtenir un siège au Parlement européen, ils doivent désormais atteindre le
quotient électoral (variable selon la circonscription) pour avoir un siège dans la circonscription
concernée.
90 Décision 2002/772/CE, Euratom du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l'acte portant élection des
représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, JOUE n° L 283 du 21 octobre 2002 pp. 1-4.
91 2 BvE 2/13.
— 202 —
Union européenne
→ Le système partisan est-il stable ou le système politique favorise-t-il au contraire l’apparition de nouveaux partis,
issus de nouveaux clivages (centre-périphérie, Europe…) ?
→ La « présidentialisation de la politique » conduit-elle les partis d’opposition à se présidentialiser autant que le(s)
parti(s) majoritaire(s) ? Si oui, de quelle manière ?
Du fait du mode de scrutin proportionnel et de l’absence de seuil pour être représenté au Parlement
européen dans certains États membres 92 , la création à l’échelle nationale de partis politiques
présentant des candidats aux élections européennes est encouragée. En revanche, les conditions
nécessaires à la reconnaissance du statut de parti politique au niveau européen (cf. supra) encadrent
l’émergence de nouveaux partis sans la rendre impossible. En effet, si le PPE et le PSE ont été
respectivement créés en 1976 et 1974, le Parti de la Gauche européenne (PGE) a été créé en 2004,
l’Alliance des conservateurs et des réformistes européens (ACRE) en 2009 et le Mouvement pour
l’Europe des libertés et de la démocratie (MELD) en 2011.
On a pu assister à une certaine « présidentialisation » de ces partis politiques lors des élections de mai
2014. En effet, à la faveur de l’innovation introduite par le Traité de Lisbonne pour la désignation du
Président de la Commission (cf. supra), le Parlement européen a invité les différents partis à présenter
des candidats à la présidence afin « qu'ils jouent un rôle moteur dans la campagne électorale du
Parlement, en particulier en présentant personnellement leurs programmes dans tous les États
membres de l'Union » 93 . Certains ont refusé de s’engager dans cette voie pour des raisons
idéologiques, tels les partis d’extrême-droite ou l’ACRE (anti-fédéraliste), mais plusieurs ont désigné
leur candidat94.
B. Les mutations fonctionnelles
1) Les mutations des lieux
→ Le parlement reste-t-il la principale (ou la seule) tribune de l’opposition ? Être représenté au parlement, est-ce la
seule façon de s’opposer ?
La présence de députés eurosceptiques au sein du Parlement européen, et ce depuis les origines de
l’élection de l’assemblée au suffrage universel direct, démontre que ce dernier est bien considéré
comme une tribune pour l’opposition (à l’intégration européenne), même si les stratégies adoptées
par les députés eurosceptiques au sein de l’assemblée sont assez variable. Nathalie Brack distingue
ainsi trois conceptions distinctes de son rôle politique par le député eurosceptique : le tribunitien
« qui donne la priorité à deux aspects de son mandat : la prise de parole et la diffusion d’informations
négatives sur la construction européenne »95, l’absent qui se caractérise par « un refus absolu de
s’impliquer dans le fonctionnement de l’institution »96, et le pragmatique qui « tente de trouver un
équilibre entre la promotion de ses convictions et la poursuite de résultats concrets » 97 . Ainsi,
l’opposition de ces élus ne se manifeste pas uniquement au sein de l’assemblée à laquelle ils
appartiennent, elle s’exprime également à l’échelle nationale, via les médias ou le contact direct avec
les citoyens.
D’autres formes d’opposition s’incarnent également dans les mouvements de mobilisation et de
protestation menés par la « société civile » à l’échelle nationale et/ou européenne. Ainsi, le 15 février
2015 a été organisée dans plusieurs capitales européennes une journée européenne de mobilisation
avec les Grecs à l’initiative de plusieurs organisations politiques et syndicales et d’associations. Le 18
mars dernier une manifestation anti-austérité a également été organisée devant le nouveau siège de la
92 Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, Royaume-Uni, Irlande, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Espagne,
Chypre et désormais Allemagne.
93 Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2012 sur les élections au Parlement en 2014, 2012/2829(RSP).
94 Jean-Claude Juncker pour le PPE, Martin Schultz pour le PSE, Guy Verhofstadt pour ALDE, Alexis Tsipras pour le
PGE, Ska Keller et José Bové pour le Parti Vert européen.
95 N. Brack, « S’opposer au sein du Parlement européen : le cas des eurosceptiques », R.I.P.C., vol. 18, n°2, 2011, p. 134.
96 Ibidem, p. 137.
97 Ibidem, p. 138.
— 203 —
Union européenne
Banque centrale européenne à l’appel du mouvement « Blockupy » (une alliance de différents
mouvements de protestation, syndicats et partis politiques).
→ Quel est le traitement médiatique des partis politiques et les partis d’opposition bénéficient-ils d’un traitement
médiatique équitable ?
Il est difficile de donner une réponse générale à cette question dès lors que le traitement médiatique
des élections européennes – et plus généralement de l’Union européenne – varie selon les États
membres et reste souvent assez décevant. Cependant, dans le cadre des élections qui se sont
déroulées en mai 2014, du fait de la désignation par les principaux partis politiques européens de leur
candidat à la présidence de la Commission, des débats réunissant les candidats ont été organisés et
télévisés dans plusieurs États membres. De fait, les partis qui n’ont pas présenté de candidats étaient
désavantagés. Néanmoins, ce sont les partis politiques nationaux qui sont médiatisés, plus que les
partis politiques européens, au moment des élections européennes.
→ L’opposition participe-t-elle au gouvernement ? Selon quelles modalités, à quelles conditions, pour quels objectifs ?
En raison des règles qui régissent sa composition, la Commission est le reflet des clivages politiques
nationaux (cf. supra). Différents courants politiques sont donc, de fait, représentés.
2) Les mutations des moyens
→ Les partis d’opposition ont-ils vocation à devenir majoritaires ou à entrer dans une coalition gouvernementale ?
Existe-t-il des partis « anti-système » ?
La légitimité même de la construction européenne reste contestée. Des partis eurosceptiques98 sont
ainsi représentés au sein du Parlement européen. Ils constituent des partis anti-système en ce sens
qu’ils s’opposent au processus d’intégration européenne en lui-même et pas seulement aux
orientations retenues et aux modalités de mise en œuvre des politiques européennes.
→ L’obstruction est-elle un détournement ou une radicalisation de la fonction d’opposition, voire sa seule façon d’être
efficace et d’exister ?
L’obstruction caractérise plutôt, au sein de l’assemblée, les partis et/ou les députés eurosceptiques.
En ce sens, elle peut apparaître comme une forme de détournement de la fonction d’opposition.
Néanmoins, l’absence d’un réel clivage entre majorité et opposition au sein du Parlement européen,
du fait de la « cogestion » de l’assemblée par les principaux groupes, a pour conséquence que
l’opposition à l’Union européenne est devenue un substitut à l’absence d’opposition au sein de
l’Union (cf. supra).
→ La contestation du pouvoir majoritaire est-elle une fonction dépassée ou, au contraire, renouvelée ? Le contrôle
parlementaire est-il devenu la fonction naturelle de l’opposition (répartition des présidences des commissions,
déclenchement et conduite des enquêtes parlementaires, contrôle financier) ?
En l’absence de fait majoritaire (c’est-à-dire, plus précisément, de soutien d’une majorité
parlementaire à un gouvernement qui en émane) le contrôle parlementaire est une fonction qui n’est
pas réservée à l’opposition mais qui est exercée par l’ensemble du Parlement. L’assemblée est
d’ailleurs attachée à cette prérogative qui initialement était la seule dont elle disposait (en l’absence de
véritable pouvoir législatif et budgétaire).
→ Quel est l’intérêt, pour l’opposition parlementaire, de s’opposer à la loi ? Y a-t-il une opposition « constructive »,
produisant des effets législatifs (adoption d’amendements, voire de lois émanant de l’opposition) ?
Dans l’Union européenne le pouvoir d’initiative des actes législatifs appartient à la Commission
(article 17 §2 TUE). Elle est concurrencée dans certains domaines par les États membres, ou par la
98 On peut définir l’euroscepticisme comme l’ensemble des « attitudes d’opposition au régime européen, ses institutions,
sa légitimité et aux fondements même du système de gouvernance ». N. Brack, L’euroscepticisme au sein du Parlement européen,
Op. cit., p. 136.
— 204 —
Union européenne
Banque centrale européenne, mais ce pouvoir n’appartient pas aux membres du Parlement européen.
En outre, si l’article 225 TFUE prévoit que le Parlement européen peut « demander à la Commission
de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration
d'un acte de l'Union pour la mise en œuvre des traités », cette prérogative s’exerce « à la majorité des
membres qui le composent », ce qui exclut une action minoritaire.
L’opposition « constructive » se manifeste néanmoins lors du travail en commission. En effet,
lorsqu’un rapport doit être élaboré par une commission, « les groupes politiques peuvent désigner
[…] un rapporteur fictif pour suivre l'avancement du rapport en question et trouver des compromis
au sein de la commission, au nom du groupe. Leurs noms sont communiqués au président de la
commission. La commission […] peut notamment décider d'associer les rapporteurs fictifs à la
recherche d'un accord avec le Conseil dans les procédures législatives ordinaires » (Article 205 § 4
RIPE). Par ailleurs, pour ce qui est du rapport « officiel », « lorsque les traités exigent du Parlement
qu’il se prononce à la majorité de ses membres […], le rapporteur est tenu d’adopter un point de vue
susceptible de recueillir un large consensus au sin de la commission »99. Enfin le règlement intérieur
du Parlement européen évoque les « amendements de compromis » entre différents groupes
politiques adoptés en commission. Ils font l’objet d’un vote prioritaire en session (article 173 §4
RIPE) et peuvent être déposés après la clôture de la discussion sur un rapport (article 174 §4 RIPE).
3) Les mutations des instants
→ Les coalitions se constituent-elles avant ou après les élections ? Les partis qui n’intègrent pas la coalition
gouvernementale ont-ils vocation à rester dans l’opposition pendant toute la législature ? Une nouvelle majorité peut-elle
se constituer dans le cadre parlementaire (confiance, censure) ou seulement au lendemain de nouvelles élections ?
→ L’opposition soutient-elle ponctuellement le pouvoir majoritaire ? À quelles conditions et pour quels objectifs ?
La notion de coalition gouvernementale n’a pas de sens concernant la Commission, dès lors que sa
composition ne dépend pas des élections au Parlement européen (sauf en ce qui concerne désormais
le Président) mais des majorités politiques nationales.
En ce qui concerne le Parlement européen, il existe généralement un accord entre les deux
principaux groupes concernant le fonctionnement général de l’assemblée (cf. supra). Néanmoins les
coalitions se créent également au cas par cas, au gré de l’adoption des actes. Ainsi, « lorsqu’il s’agit de
textes techniques, qui ne recèlent pas d’enjeux particuliers, les coalitions sont souvent restreintes aux
groupes PSE et PPE-DE. Si la majorité semble incertaine – en raison notamment de la dissidence de
délégations nationales – ou si un motif particulier appelle l’obtention d’un plus large compromis, il
peuvent chercher à rallier les autres groupes »100. Enfin, « lorsqu’un compromis entre le PSE et le
PPE-DE semble exclu, le poids des petits groupes dans les négociations se trouve singulièrement
renforcé, ce qui leur permet de faire entendre leur voix et de prendre des initiatives »101.
C. Les mutations stratégiques
→ L’implantation locale est-elle une stratégie payante à long terme ?
→ La recherche de la proximité avec les citoyens est-elle une stratégie passagère (réseaux sociaux, appel aux dons privés,
participation aux manifestations publiques…) ?
Compte tenu des modalités de scrutin aux élections européennes (circonscription unique ou de
grande taille) on peut difficilement évoquer une implantation locale des députés européens. La
recherche de proximité avec les citoyens relève de stratégies personnelles. Pour les députés
eurosceptiques cela constitue notamment un moyen de propagande à l’encontre de l’Union
européenne.
→ Le juge constitutionnel ou ordinaire est-il le meilleur recours de l’opposition, voire le seul ?
O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 408.
O. Costa, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Op. cit., p. 443.
101 Ibidem, 2001, p. 444.
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Union européenne
Comme évoqué précédemment, il n’existe pas de jurisprudence constitutionnelle des droits de
l’opposition dès lors qu’il n’existe pas de véritable « statut de l’opposition ». En pratique, la
jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne est susceptible de freiner comme de
préserver les droits exercés par les groupes minoritaires.
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