quel avenir pour les big pharma
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quel avenir pour les big pharma
industrie global player 3/03/06 18:09 Page 2 i n d u s t r i e 17 QUEL AVENIR POUR LES BIG PHARMA ? Analystes et experts passent au peigne fin l’évolution des grands groupes mondiaux du médicament et leurs marchés. La feuille de route est loin d’être rédigée. —————— ntre 2005 et 2014, selon une de pénétrer à leur analyse de Merrill Lynch, des tour dans la chasse produits pharmaceutiques gardée des big représentant 131 milliards pharma, tant au plan de dollars verront leur brevet tomber de la R&D que de la dans le domaine public. 42 % seront production. « Cela soumis, sur les deux années à venir, change la division du à la compétition des génériques. 2006 travail qui s’était instaureprésente un pic dans la chronique rée jusqu’à présent, pourde ce mouvement annoncé de longue suit l’analyste du ministère date. « Pour maintenir leur rentabilité, de l’Industrie. Si toute la proles sociétés pharmaceutiques devront duction ne se délocalisera pas, dans l’avenir générer un chiffre d’afloin s’en faut, en Asie, la « Vieille Eufaires par la mise sur le marché de rope » comme le « Nouveau Continouvelles molécules représentant de nent », autrement l’Occident, ne pour« vraies innovations », et donc ne plus ront exister, pronostique encore le fabriquer de « me-too », explique rapport du ministère « que par une Nelly Weinmann dans un récent rapforte compétence dans la recherche port du ministère de l’Economie, des avancée ». Une recherche qui semble Finances et de l’Industrie. « Il faudrait cependant manifester de réels signes mettre sur le marché 2 à d’essoufflement. 3 nouvelles molécules « L’industrie monpar an, ce qui représente diale du médicament une mission impossible est à la recherche de Une recherche par la moindre rentabinouveaux modèles de qui s’essouffle lité actuelle de la redéveloppement ducherche », ajoute cette rable », explique de son dernière. Car dans les côté Emmanuel Sève, faits seulement, une petite trentaine directeur d’une autre étude également de nouvelles entités chimiques issues consacrée aux big pharma . Une inde la R&D des « global players » de la dustrie qui se trouve soumise à un pharma se présentent désormais annombre croissant de pressions, qui nuellement sur le marché (contre émanent tant des autorités de tutelles plus de 40 par an dans la décennie que des prescripteurs ou des patients écoulée). consommateurs, mais aussi et surtout des marchés financiers, « dont l’exiNouveaux entrants. L’industrie phargence de résultats à court terme rend maceutique se trouve également face malaisée le financement d’une reà ces nouvelles donnes : les faibles cherche aléatoire, et à long terme », coûts de production des pays émerprécise ce dernier. En panne (provigents d’Asie - Inde et Chine en tête -, soire ?) de blockbusters, l’industrie se et la volonté de « nouveaux entrants » trouve ainsi face à de grands marchés E thérapeutiques de masse en perte de vitesse, une innovation en retrait et un modèle de marketing traditionnel quelque peu obsolète. Sans compter une R&D dont la productivité ne suivrait pas. « De manière préoccupante, elle est même en net déclin depuis le début de la décennie 2000 et avec l’essor des biotechnologies, note encore l’analyste, elle favorise des champs où les solutions thérapeutiques sont moins uniformes et/ou pour des publics plus restreints. » Soumise de toute part à de multiples pressions réglementaires et tarifaires, l’industrie voit également sa légitimité remise régulièrement en cause. « Jamais au cours de son histoire, l’industrie pharmaceutique n’avait essuyé une telle avalanche de critiques, rappelle ainsi Emmanuel Sève. Elles portent tout autant sur le prix des thérapeutiques innovantes, que sur les dérives des stratégies marketing et promotionnelles des laboratoires, sur fond de montées des appréhensions sur la sécurité sanitaire des médicaments. » MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES industrie global player 3/03/06 18:09 Page 3 QUEL AVENIR POUR LES BIG PHARMA ? i n d u s t r i e 19 Concentrations inévitables. Le sa- lut viendra-t-il du premier marché mondial du médicament qui pèse encore 40 % des ventes et dont la dynamique libérale a largement séduit nos champions européens, Sanofi Aventis en tête, il y a peu encore ? A horizon 2010, les perspectives qu’affiche le marché américain semblent « moins enthousiasmantes », note l’étude Precepta. Car si l’entrée en vigueur cette année de la réforme de santé Medicare contribuera bien à gonfler les volumes d’activité des laboratoires, elle entraînera également un renforcement de la pression des payeurs, échaudés depuis le constat fait par General Motors1. Aussi, les grands groupes du secteur se trouvent-ils, de l’avis de nos analystes public et privé, face à deux options possibles : demeurer sur des positions défensives pour mieux gérer les risques, au besoin par croissance externe, ou opter pour certaines formes de diversification (hors médicament) délaissées il y a 20 ans. « Le prolongement du mouvement de concentration semble inéluctable » plaide à cet égard Emmanuel Sève qui estime par ailleurs que la diversification des big pharma en dehors du médicament n’est pas à l’ordre du jour, hormis quelques exceptions (J&J, Roche, Abbott, Bayer, Schering AG, 3M Santé). « A l’horizon 2010, un plateau resserré de 5 à 6 leaders mondiaux sur les grands marchés de masse devrait se détacher », pronostique ce dernier. Dans cette perspective, les leaders mondiaux devront adopter de nouvelles « options offensives » tant sur le plan des produits proposés – en misant notamment sur la spécialisation et les produits issus des biotech, stra- tégie mise en œuvre très tôt chez Roche et J&J – que sur celui de la conquête de marchés estimés prioritaires ou en forte croissance. Dans la redistribution des cartes qui devrait s’opérer entre big pharma dans un proche avenir, une certitude s’impose : la dynamique du marché est loin, très loin, de s’épuiser, alimentée par des nombreux moteurs. Son socle de croissance minimale est ainsi estimé à 5 % par an. Nous sommes loin des 10 % et plus qu’a connu la branche il y a peu encore. Mais c’est aussi un socle à partir duquel toutes les stratégies de développement sont permises. ■ JEAN-JACQUES CRISTOFARI (1) GM a payé 5 milliards de dollars de primes d’assurances maladie, facture qui devrait passer à 6 milliards cette année, grevant par là même considérablement les coûts de production des voitures américaines. CROISSANCE dernière. Les Etats-Unis continueront pour quelques années encore de dominer le marché mondial. « Les prix peuvent diminuer, mais les volumes continueront d’augmenter », note la mission prospective. Si dans un proche ZONES DE CROISSANCE DE LA PHARMACIE MONDIALE passé les Etats-Unis doublaient leur À L’HORIZON 2010 chiffre d’affaires tous les cinq ans, un ralentissement est aujourd’hui CROISSANCE 2005-2010 prévisible. « Les Américains, comme Des pays émergents les assurances privées et les Asie Un moteur plus attractifs > 10 % Afrique industriels, commencent à souhaiter un moins Australie système moins coûteux prenant mieux performant en compte les résultats amélioration de la santé versus économie. Les EtatsAmérique 5 % à 10 % Unis perdraient un peu de leur Latine Amérique rentabilité ». du Nord Le Japon, qui se trouve face au plus fort taux de vieillissement de sa population, Fortes marges de Europe connaîtra une poursuite de la baisse des 0%à5% progression pour les prix imposée par le gouvernement. « Ce Japon opérateursoccidentaux pays devrait avoir une croissance annuelle du marché comprise entre + 0%à5% 5 % à 10 % 10 % à 20 % 20 % à 40 % > 40% 3 % et 4 % », notre la DG Entreprises. La Chine fait partie des nouveaux POIDS DU MARCHÉ MONDIAL entrants. Absente il y a dix ans, elle Les cinq premiers marchés européens devraient compte une fraction croissante de sa population, estimée connaître une croissance située entre 4 et 7 % entre entre 50 et 100 millions d’individus, en mesure de se 2004-2008, pronostique la mission prospective de la payer des médicaments. IMS prévoit d’ailleurs qu’elle Direction générale des Entreprises au ministère de devienne le huitième marché mondial en 2008, indique le l’Economie. « Le marché des médicaments des nouveaux rapport. D’autres pays vont également émerger : l’Inde entrants dans l’Union Européenne devrait connaître une dont la classe moyenne (90 millions de personnes) peut forte croissance et apparaître comme l’une des zones les accéder aux médicaments, les « dragons » asiatiques plus dynamiques pour rattraper le retard par rapport aux (Corée du Sud, Taiwan, Singapour) où les big pharma sont quinze premiers pays », explique le rapport piloté par déjà présents, le Brésil et sa classe moyenne de 60 Nelly Weinmann. « Mais il s’agit principalement d’un millions de Brésiliens. « Quant à la Russie et l’Ukraine, ils marché de génériques, ce qui ne sera pas sans représentent aussi un marché potentiel énorme, mais à conséquence pour les quinze premiers » ajoute cette plus long terme », conclut le rapport. SOURCE : PRECEPTA LES 5 PREMIERS MARCHÉS EUROPÉENS MARS 2006 _ PHARMACEUTIQUES