Mémoire de Master

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Mémoire de Master
Université Ferdowsi de Machhad
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Département de Français
Mémoire de Master
Sujet :
Étude du thème de la solitude dans L’Étranger
d’Albert Camus et La Nausée de Jean-Paul Sartre
Préparé Par :
Zahra ALIZADEH VATAN
Dirigé par :
Monsieur le Docteur A. Djamchid PARTOVI
Maître de conférences de littérature française
Professeur conseiller :
Madame N.L KHAZAI
Maître assistante de littérature française
Mai
Au nom de Dieu
Clément et Miséricordieux
Dédié :
À celui quel qu’il soit, je suis folle de lui,
À mon mari, homme généreux de ma vie,
À mon fils aîné que je n’oublie jamais ses gentillesses.
Je remercie mille fois tous ceux qui m’ont bien accordé leur soutien
et leur gentillesse pour que je puisse enfin terminer mon travail de
recherche.
Ainsi, je témoigne mes profondes gratitudes à Monsieur le Docteur
PARTOVI qui a dirigé cette étude et qui s’est donné la peine de lire ce
travail avec précision, que sans ses expériences et ses connaissances
savantes je ne pouvais réaliser mon devoir.
Je tiens à remercier sincèrement mon professeur conseiller
Madame KHAZAI qui a éclairé ce travail de son aimable rigueur. Je
lui suis vraiment reconnaissante qu’avec ses corrections adéquates, a
bien voulu me guider dans la rédaction de ce travail de recherche.
Mes remerciements les plus distingués aussi à mes chers
professeurs qui m’ont beaucoup aidé et m’ont fourni des références et
des renseignements utiles. Je tiens finalement à remercier ma famille
de tout mon cœur pour son soutien permanant et son patience.
Introduction
L'être humain est la créature la plus majestueuse et la plus sage qui
aurait existé dans le monde. Il pense, réfléchie et puis il se met à
concrétiser ses plans. Il est grand par sa pensée, prestigieux par son
caractère et généreux par son indulgence. Évidemment il est le roi
incontesté de ce monde terrestre. Mais ce "roseau pensant" dispose aussi
de faiblesses à tel point que malgré tant de compétences, quelques fois il
souffre de certains problèmes mentaux dont le plus fréquemment vécu
peut être le sentiment de solitude aux différents âges de la vie et que les
mauvaises effets ne seront perceptibles que dans une partie de la journée
et de certaines conditions.
Le sujet de la solitude humaine a occupé toujours l’esprit des maîtres à
penser qui jouent un rôle incontestable dans la vie intellectuelle d'un
pays. Comme tous les philosophes et conscients des problèmes
intellectuels et moraux de l'homme qui subit les conséquences de la
seconde guerre mondiale, les penseurs tels Jean-Paul Sartre et Albert
Camus ont reflété ces problèmes, puis essayé de convaincre, chacun à sa
manière, cet homme stressé, déçu et angoissé, insatisfait des solutions
politiques et mondiales. En effet tous les deux posent adroitement les
problèmes de l’époque à travers leurs œuvres.
Jean-Paul Sartre a assuré à l'existentialisme une large diffusion.
Comme il a le don des formules frappantes, il a illustré sa philosophie
par ses romans, son théâtre, ses essais. Enfin il l'a traduit dans l'action
par son engagement politique. « La Nausée », son œuvre le plus connu
contient beaucoup plus que les autres les concepts philosophiques. En
tout cas il exploite dans l’ensemble de son œuvre un thème, mais sous
toutes ses coutures : l'homme et sa condition.
«La Nausée », le roman philosophique présent l'expérience de la
contingence, c'est-à-dire le fait d'être pour l'homme, sans justification, au
même titre que les objets du monde. Cette expérience est vécue comme
une nausée que subit Antoine Roquentin, le personnage principal. Ce
roman est aussi une remise en question de l'existence de l'homme.
Le héros sartrien est condamné à sa liberté. Il cherche à engager sa vie
car l'engagement est la seule issue qui lui permet d’échapper au vide de
son existence. Le monde absurde qui l’environne (la société avec ses lois
et ses valeurs établies ainsi que les autres), menace sans cesse cette
liberté de choix sans laquelle il n'est rien. Donc le héros sartrien n'a que
deux choix : Confronter sans cesse les menaces des autres ou s'éloigner
si possible des autres et s'abriter en recourant à la solitude.
Sartre exploite, à travers l'homme, des notions comme lâcheté,
l'authenticité, la peur, la mort, la conscience, le remord, la mauvaise fois,
le pouvoir et la solitude. Il nous fait découvrir que l'homme est
finalement bien seul et qu'il est tout de même ce qu'il se fait. La nausée
aussi c’est une maladie qui démontre chez Sartre l’aggravation de la
solitude.
Albert Camus, lui aussi, a traité des thèmes proches de ceux de Sartre,
mais en y joignant des conclusions souvent différentes. Les romans, les
essais et les pièces de théâtre de Camus sont aussi marqués par sa
réflexion philosophique et politique. Cependant il ne suit pas exactement
la même voie que Sartre. Car l'homme de Camus, conscient comme celui
de Sartre, de l'absurdité de la vie et contrairement à l'homme sartrien,
s'efforce de trouver la voie qui peut être quand même une issue pour
l'homme absurde. En effet, face à l'absurdité du monde, Sartre éprouve
un sentiment de dégoût, de « nausée » tandis que Camus fait preuve
d'optimisme.
Bien que ces deux grands écrivains du XXe siècle aient réussi à
donner des théories bien différentes les uns des autres, toutes ces théories
renforcent une difficulté commune de l'homme de XXe siècle, à savoir
«la Solitude». On peut observer la solitude de l'homme absurde à travers
les romans philosophiques de ces deux maîtres à penser, car tous les
deux ont vu dans la création romanesque ou dramatique un bon moyen
pour illustrer leurs pensées. A noter que la source des ressemblances des
attitudes de ces deux héros, à savoir Meursault et Roquentin, réside dans
le mot «absurdité» et le sentiment de solitude dont tous les deux
souffrent. L’homme sartrien reste seul pour sauver sa liberté et l’homme
camusien aussi, se sent seul et abandonné parce qu’il se voit exilé dans le
monde, étranger pour lui-même et surtout étranger dans la société. La
notion de l’absurdité est l'axe principal qui rapproche les deux
philosophes. En effet, le sentiment de solitude et les réactions du héros
absurde s'enracinent dans l'absurdité de sa vie. Nos héros sont les cas
exemples de cette vision et de ce sentiment assez profond.
Dans ce travail de recherche, sans avoir l'intention de juger la nature
des philosophes, nous allons observer l'attitude de l'homme absurde dans
la société. Une attitude qui se justifie par une solitude souvent assez
profonde. Mais on ne doit pas oublier qu'en entrant dans l'espace de
l'Étranger d'Albert Camus et aussi la Nausée de Jean-Paul Sartre, on
considère que la solitude n'est pas seulement le problème des
protagonistes mais de tous les personnages.
Or, nous définissons la ligne directrice de notre lecture d’après une
méthode thématique, par rapport à la solitude, en en faisant la base de
notre problématique, l’enjeu qui met le texte en perspective. Aussi notre
étude vise-t-elle essentiellement à l’éclairage et à l’appréciation des
thèmes et des motifs récurrents, gravitant autour de la pensée absurde de
Jean-Paul Sartre et d’Albert Camus. Ainsi au premier chapitre nous
allons étudier la définition de Solitude et à ce point de vue la vie des
auteurs, afin d’explorer aux chapitres suivantes la manière dont les
romanciers reprennent à leur compte une thématique universelle : l’être
humaine, ses relations, ses malaises et ses bonheurs, la situation de
l’homme dans le monde, son rapport avec lui-même, et tout ce qui peut
justifier la solitude du héros. Alors, au deuxième chapitre, on étudiera les
comportements sociaux de l’homme absurde et les réactions de la société
afin de révéler son attitude à l’égard de certains éléments de
communicabilité tel amitié ou amour. Et enfin au troisième chapitre,
l'image multiforme de cette solitude sera énumérée.
Chapitre
Originalité de la solitude dans la
vie de l’auteur
- Définition de solitude
La notion de la solitude prend un sens légitime au moment où
l'homme se découvre en tant qu’une personne qui a perdu la
communication avec autrui. En apparence, la philosophie de solitude se
repose sur une série d'événements à travers lesquels la voix triste d'un
individu se fait entendre par un appel à l’absence de relations sociales.
Dans ce cas elle témoigne d’un état fixe sans agir qui crie son manque de
relation dans la société. La solitude entre sur la scène sociale pour
pouvoir présenter une condition humaine et en même temps affronter la
communicabilité. Touchant l'ensemble du corps social, elle n'en demeure
pas moins un phénomène difficile à décrire : Il s'agit d'un sentiment
avant d’être une réalité sociale.
La parole suffit pour fonder la certitude d'être en présence d'un alterego, mais est-ce que la pensée est aussi communicable ou nous sommes
condamnés à une solitude indépassable ?
On doit signaler que la solitude n’est pas obligatoirement le signe d'un
cœur isolé qui cherche à parler avec autrui. On sait bien que la société est
créatrice de «facteurs» de solitude et les études sociologiques aussi
montrent que les hommes vivent, en majorité, dans des agglomérations,
ce qui signifie qu'ils sont moins isolés objectivement, et donc ils ont la
possibilité d'être de moins en moins seuls. Ils disposent également de
moyens de communication remarquables. Alors pour quoi malgré les
moyens de communication, beaucoup de gens s'estiment-ils très seuls ?
On doit répondre qu’il est en effet possible d'être à la fois seul et entouré.
Parfois l’homme seul souffre de tout le monde. La vie terrestre ne le
satisfait plus et loin de toute prétention spirituelle et terrestre, pris de
l’absurdisme, il ne croit à rien. Cette fois il est seul car il n’a plus
d’espoir et que c’est l’absurdité qui règne dans sa vie.
En tout cas la solitude prend source d’une mythologie personnelle
pour presque tout le monde. De plus en plus de personnes choisissent de
vivre seul mais les raisons en sont variées. La solitude choisie et discutée
dans les œuvres de grands écrivains est favorisée par la montée de
l'individualisme, valeur dominante de toute société. Dans cette forme de
solitude, les personnes âgées, les pauvres et les malades ne sont pas à
souffrir. Ici, l’homme seul ne parvient plus à être parmi les gens.
Quelque chose s'est brisée en lui ; ce qui le fait monter aux hauteurs
suivie d'une inévitable chute. C’est-à-dire il remonte, et puis il
redescend. Pendant quelques jours, il ne voit pas dans cet abattement
qu'une simple baisse de forme. Puis, un basculement inéluctable est en
train de se produire dans sa vie. Et Quelque fois même l'ascension vers la
révolte ou la souffrance se fait à travers la solitude.
En tout cas, dans toute œuvre, l'histoire de solitude s'ouvre sur une
sensation qui vient justement de l’auteur. Celui-ci suggère à l'esprit
l'image des causes de sa solitude à travers son ouvre et son héros. Et le
héros, emprisonné dans sa solitude, est plutôt semblable au silence
magique d’une forêt qui veut dire beaucoup de chose. Un silence parfois
souffrant, parfois triste et même parfois gai et joyeux. Alors, au début on
se met à faire allusion à la vie de l’auteur afin de découvrir l’origine de
la solitude dans son œuvre.
Deux écrivains seuls
Albert Camus (
-
)
Albert Camus avait un an à peine quand son père est mort au champ
d'honneur. Sa mère, seule et pauvre vient s'installer au quartier de
Belcourt en Alger. Les deux enfants de cette pauvre famille, étrangers
au monde, ne connaissent que les ruelles, les couloirs sombres et les
voisins besogneux.
Entre sa mère sourde et illettrée dont la vie se borne à une présence
trop naturelle, une grand-mère autoritaire de soixante-dix ans qui domine
sur tout et tous par un poigne de fer et croit que l'amour est une chose
qu'on exige, un oncle infirme, apprenti tonnelier, le petit Albert éprouve
les premières solitudes. L'enfant qui participe à cette vie, ne va pas
devenir un auteur seul ?
L'adolescent, Camus s'adonne à la vie active et aux tâches accomplies
en commun. Mais un jour, en revenant d'un match de football où il
trouvait sa gaieté d'enfant de Belcourt, il prend froid et s'alite. Alors les
premiers symptômes de la tuberculeuse apparaissent. La maladie qu'il
surnomme «métaphysique», intime et farouche, contrebalance soudain
son désir du groupe et sa vie dynamique et installe au cœur de son être le
doute, le sens du tragique et l'enfonce de plus en plus dans la solitude.
A la fin de l'année
, le diagnostic est sans équivoque : Albert
Camus est tuberculeux. Voilà après l'épreuve de la misère, de la solitude
et de la contradiction, l'épreuve de la maladie.
Les écrits autobiographiques du jeune Albert Camus révèlent certains
aspects de son tempérament qui le rapprochent de son personnage ; ses
Carnets aident à découvrir les sources intérieures d'une aventure
imaginaire qui, sans se confondre aucunement avec la sienne, est une
transposition de sa propre expérience. Quelques semaines après cette
épreuve qui le sépara des autres hommes et fit surgir devant lui l'image
obsédante de la mort, il en résumait ainsi la leçon, dans le cloître
franciscain de Fiesole :
« Chaque fois que l'on cède à ses vanités, chaque fois qu'on pense et
vit pour paraître, on trahit. A chaque fois, c'est toujours le grand
malheur de vouloir paraître qui m'a diminué en face du vrai….Aller
jusqu'au bout, c'est savoir garder son secret, j'ai souffert d'être seul,
mais pour avoir gardé mon secret, j'ai vaincu la souffrance d'être seul…
Je ne serais pas digne d'aimer la nudité des plages si je ne savais pas
demeurer nu devant moi-même. Pour la première fois, le sens du mot
bonheur ne me paraît pas équivoque » .
C'est de la même épreuve qu'est né, en août
, le projet de
L'Étranger. « Albert Camus et L'Étranger » : Entre l'homme et l'œuvre,
il existe une relation essentielle.
Depuis l'atteinte pulmonaire de
, il avait connu plusieurs alertes
de santé. L'abus de soleil, les vicissitudes d'une vie cahotée
l'empêchèrent de guérir. En
, son état parut presque alarmant. L'été
venu, il dut se prêter à un traitement rigoureux. D'Alger, il partit pour
Paris, d'où il gagna les Hautes-Alpes. Les Carnets livrent à ce propos
une note explicite. Elle prouve combien la situation, brusquement, lui
apparut critique :
«Août. Sur le chemin de Paris : cette fièvre qui bat aux tempes,
l'abandon singulier et soudain du monde et des hommes. Lutter contre
son corps. Sur mon banc, dans le vent, vidé et creusé par l'intérieur, je
pensais tout le temps à K. Mansfield, à cette longue histoire tendre et
douloureuse d'une lutte avec la maladie. Ce qui m'attend dans les Alpes,
. Camus, Albert, Carnets, I,
-
c'est avec la solitude et l'idée que je serais là pour me soigner, la
conscience de ma maladie.»
La cure eut lieu à Embrun, sur une hauteur escarpée qui domine la rive
droite de la Durance. Une nouvelle note de Carnets évoque le «monde
aromatique et rocheux» qu'il y découvre et le «pacte» conclu avec «cette
nature étrangère», si profondément différente du paysage natal. Le repos
prolongé et la solitude modifièrent sa vision du monde, accentuèrent en
lui une tendance naturelle à la sauvagerie et favorisèrent une méditation
d'où devaient naître plusieurs œuvres importantes notamment La Mort
heureuse et L'Étranger dont les personnages sont très proches.
Mais voici qui nous achemine en ce même mois d'août
, vers le
sujet de L'Étranger :
«Un homme qui a cherché la vie là on la met ordinairement (mariage,
situation, etc.) et qui s'aperçoit d'un coup, en lisant un catalogue de
mode, combien il a été étranger à sa vie (la vie telle qu'elle est
considérée dans les catalogues de mode).
Première partie : Sa vie jusqu'à là
Deuxième partie : Le jeu.
. Ibid, P.
Troisième partie : L'abandon des compromis et la vérité dans la
nature.»
Nous imaginons volontiers Albert
Camus, dans sa retraite
montagnarde, feuilletant, par hasard, un de ces «catalogues» où la vie
sociale apparaît sous ses aspects les plus conventionnels. Isolé de tout, il
aperçoit, plus nettement que jamais, la vanité de tous les conformismes.
Il se remémore ses expériences antérieures, ses efforts pour s'adapter aux
conditions qui lui étaient offertes, pour donner un sens arbitraire à ce qui
n'en avait pas, bref pour jouer à l'homme social. On voit ainsi
l'importance de ce moi d'août
, où est venue l'illumination
essentielle. L'Étranger est, en grande partie, la transposition d'une
expérience qui, commencée dans le tumulte du monde, s'achève dans la
solitude d'une chambre de malade, mais dont le terme annonce un
nouveau départ. L'homme a pris une pleine conscience de lui-même ; il a
mesuré ses distances à l'égard de la société ; il a médité sur sa condition,
sur ses rapports avec l'univers, sur le sens possible de sa vie et sur les
nécessités de son destin : Les résultats de cette méditation vont
s'organiser en une œuvre romanesque intitulé «l'Étranger».
Dans quelle mesure l'Étranger évoque-t-il la vie de son auteur ?
. Ibid, P.
-
Une lecture attentive du roman nous révélera qu'il y a beaucoup de
rapports entre l'œuvre et son créateur dans le domaine biographique.
Dans une lecture biographique de l’Étranger, on peut voir partout des
résonances autobiographiques :
De l'évocation du ciel chez Meursault qui manque rarement du
signaler son état et que Camus observe également :
« J'ai tout le ciel sur la face»
Et il en fournit ce commentaire :
« Mais surtout, entre les grands ficus, il y avait le ciel.[…] A un
certain degré de richesse, le ciel lui-même et la nuit pleine d'étoiles
semblent des biens naturels. Mais au bas de l'échelle, le ciel reprend tout
son sens : une grâce sans prix»
Jusqu'à réduire le corps de la femme à un élément de la nature parmi tant
d'autres où il fait remarquer dans « Noces à Tipasa » qu'
« Étreindre un corps de femme, c'est aussi retenir contre soi cette joie
étrange qui descend du ciel vers la mer»
. Carnets, II, P.
. Ibid, P.
.Ibid, P.