Roméo et Juliette
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Roméo et Juliette
© Olivier Houeix Maison de l'Éducation des Yvelines Chorégraphie Thierry Malandain Costumes Jorge Gallardo Réalisations costumes Véronique Murat Musique Hector Berlioz Direction de production Conception lumières Jean-Claude Asquié Roméo et Juliette Ballet musique de Berlioz chorégraphie de Thierry Malandain Dossier pédagogique Roméo et Juliette © Olivier Houeix Roméo et Juliette de William Shakespeare L’auteur Chorégraphie Thierry Malandain Musique Hector Berlioz Direction de production et conception lumières Jean-Claude Asquié Synopsis Des sources d’inspiration multiples Les différentes versions de Roméo et Juliette La version de Berlioz Le ballet Costumes Un genre ancien Jorge Gallardo La genèse du ballet de Thierry Malandain Réalisations costumes Véronique Murat Avec : Ione Miren Aguirre, Aurélien Alberge, L’argument Mise en scène et scénographie Raphaël Canet, Olivier Coëffard, Ellyce Daniele, La scénographie Frederik Deberdt, Michaël Garcia, Cédric Godefroid, Les costumes Aureline Guillot, Jacob Hernandez Martin, Miyuki Kanéi, Mathilde Labé, Fábio Lopes, Nuria Les lumières Lopez Cortés, Silvia Magalhaes, Arnaud Mahouy, La mise en scène Joséphine Pra, Magali Praud, Nathalie Verspecht, Daniel Vizcayo. Ressources Ce dossier pédagogique destiné aux professeurs a été réalisé par Carole Jouffre professeur missionné auprès de la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines. Janvier 2012. 2 Roméo et Juliette de William Shakespeare L’auteur William Shakespeare est né le 23 avril 1564 à Stratford Upon Avon, en Angleterre. Son père était un marchand de cuir, qui était parvenu à entrer dans la bourgeoisie en épousant Mary Arden, issue d’une famille respectable. Alors qu’il était enfant, Shakespeare reçut une bonne éducation, suivant des cours d’Histoire, de langue, de latin et de rhétorique. Le 28 novembre 1582, Shakespeare épousa en hâte Anne Hathaway, alors que cette dernière était déjà enceinte de plusieurs mois. Nous perdons ensuite la trace de Shakespeare pendant près de dix ans. L’on ne sait rien de ce qu’il fit au cours de cette période, mais l’on sait qu’il quitta Stratford pour rejoindre Londres (sans doute vers 1587 ?), et que sa femme accoucha de plusieurs enfants. Shakespeare, alors acteur et dramaturge, reparaît en 1592, vertement critiqué par le pamphlétaire anglais Robert Greene, pour sa pièce Henri VI. Peu après, en 1594, Shakespeare rentra en collaboration avec une compagnie théâtrale, le Lord Chamberlain’s Men (du nom de Lord Chamberlain, ministre responsable des divertissements royaux, qui finançait alors la compagnie). Au fil du temps, Shakespeare finit par ne plus écrire que pour le Lord Chamberlain’s Men, ne dédaignant pas de monter sur la scène pour incarner l’un de ses personnages. Suite à la mort d’Elizabeth 1re et à l’avènement de Jacques 1re, le roi, attiré par la popularité de la troupe, rachète la compagnie qui fut renommé le King’s Men. Shakespeare et ses collaborateurs s’installèrent alors au théâtre du Globe. La fin de vie de Shakespeare fut un peu agitée. Il fut assigné en justice pour avoir clôturé ses terres, privant de revenus de nombreux paysans. Shakespeare mourut le 23 avril 1616, à l’âge de 52 ans. L’œuvre de William Shakespeare est considérable. En effet, ce dernier écrivit de nombreuses pièces de théâtre (classées aujourd’hui en trois catégories : comédies, tragédies, pièces historiques). Parmi les comédies les plus connues, nous pouvons citer Le songe d’une nuit d’été (1594), La mégère apprivoisée (1594), Beaucoup de bruit pour rien (1598), etc. Pour les tragédies, citons Roméo et Juliette (1591), Hamlet (1594), Jules César (1599), Troïlus et Cressida (1602), Othello (1604), Le roi Lear (1605), Macbeth (1606), Coriolan (1608), Antoine et Cléopâtre (1607). Enfin, parmi les pièces historiques les plus renommées de cet auteur, citons Richard III (1593) et Le roi Jean (1596). Les dernières pièces de Shakespeare, écrites à partir de 1608, sont nommées « Les romances tardives », et sont souvent considérées comme des pièces à problèmes (en effet, ces dernières mêlent aspects comiques et tragiques). Shakespeare écrivit aussi des sonnets et des poèmes. Synopsis Il n’est nul doute que Roméo et Juliette est une des pièces les plus connues et les plus jouées de William Shakespeare. C’est la seconde tragédie de l’auteur (15951596), elle suit des drames historiques principalement. 3 Elle se compose de cinq actes et d’un prologue. Prologue Le chœur rappelle la rivalité qui oppose les deux maisons des Capulet et des Montaigu à Vérone. Il annonce comme Anouilh le fera dans son prologue d’Antigone la mort des deux amants. Acte I Scène 1 Deux valets des Capulet épousent la querelle de leurs maîtres et provoquent deux valets de la maison adverse. Se mêlent à cette altercation Tybalt des Capulet et Benvolio des Montaigu, suivis des pères des deux familles. La rixe exaspère les bourgeois et le prince de Vérone qui annonce que toute querelle désormais sera punie de mort. Lady Montaigu s’enquiert de son fils, tous sont inquiets de sa mélancolie : Roméo est en fait éperdu d’amour pour Rosaline. Scène 2 Capulet refuse la main de sa fille à Pâris car elle est encore trop jeune pour songer à se marier. Il le convie à un festin le soir-même et donne une liste d’invités à un serviteur afin qu’il transmette les invitations. Or le serviteur, illettré, croise Roméo et Benvolio à qui il demande de l’aide pour déchiffrer la liste. Les deux Capulets prennent connaissance de la fête, y voient l’occasion de s’amuser et de voir Rosaline. Scène 3 Lady Capulet explique à sa fille que le beau Pâris a demandé sa main. Juliette ne se prononce pas. Mais déjà les invités arrivent et il leur faut descendre auprès de leurs convives. Scène 4 Roméo et Benvolio se glissent dans la fête, masqués. Scène 5 La fête bat son plein, Roméo voit Juliette et en tombe aussitôt amoureux. Tybalt reconnait la voix d’un Montaigu mais ordre lui est donné de laisser « l’ennemi » qui se conduit en gentilhomme. Roméo croise Juliette, les amants tombent sous le charme l’un de l’autre et quand ils apprennent leur identité respective, il est déjà trop tard : ils s’aiment. Acte II Prologue Le chœur chante l’amour infini des amants. Scène 1 Après que Benvolio et Mercutio ont ri de Roméo, ce dernier se retrouve seul dans le jardin, langoureux et pensif. Juliette sort sur son balcon. Les deux amants échangent leurs vœux et se promettent fidélité. Un messager doit venir le lendemain à neuf heures auprès de Roméo pour qu’il lui précise l’heure et le lieu de la cérémonie. Scène 2 Roméo confie à frère Laurent son nouvel amour. Les deux hommes sortent organiser le mariage. Scène 3 Mercutio et Benvolio rejoignent Roméo qui ne leur dit rien de ses sentiments si neufs jusqu’au moment où la nourrice, l’envoyée de Juliette, réclame un entretien privé avec le jeune homme. Il lui confirme son intention d’épouser la belle et lui donne rendez-vous l’après-midi même dans la cellule du frère Laurent pour qu’elle y soit confessée et mariée. Scène 4 La nourrice revient auprès de Juliette et lui explique où elle doit se rendre. Scène 5 Frère Laurent unit les jeunes amants. Acte III Scène 1 Tybalt provoque Roméo en présence de Benvolio et Mercutio. Roméo refuse de 4 répondre aux provocations mais Tybalt blesse Mercutio qui meurt peu de temps après. Quand Tybalt revient pour les narguer, Roméo ne peut se contenir : il le tue et est exilé par le prince. Scène 2 Juliette apprend le drame qui vient de se jouer et donne rendez-vous à son mari la nuit tombée. Scène 3 La nourrice vient prévenir Roméo, désespéré. Scène 4 Capulet, malgré ses objections au mariage prématuré de Juliette, accepte la demande de Pâris et envisage un mariage dès le jeudi suivant. Il envoie sa femme interroger leur fille. Scène 5 Roméo quitte Juliette après leur première nuit d’amour, Lady Capulet arrive peu après. Juliette feint d’être peinée de la mort de son cousin et exprime le désir de se venger de son meurtrier : Roméo. Enfin, Lady Capulet lui annonce qu’elle sera mariée à Pâris jeudi prochain. S’en suit un affrontement violent entre le père et la fille. Juliette court à la cellule du frère Laurent chercher un moyen d’échapper à ce mariage. Acte IV Scène 1 Juliette rencontre chez frère Laurent son promis Pâris et refuse tout engagement. Une fois seule avec le frère, elle lui avoue son désarroi et dit être prête à mourir. frère Laurent l’invite à feindre la soumission et à prendre une potion qui la fera passer pour morte. Il préviendra Roméo par un courrier. Scène 2 Juliette annonce à son père qu’elle se range à la décision paternelle. Les Capulet se lancent donc à la hâte dans les préparatifs de cette fête. Scène 3 Juliette, après avoir enfilé sa robe de mariée, avale la potion donnée par frère Laurent. Elle s’endort dans un profond sommeil, semblable à la mort. Scène 4 Les préparatifs se poursuivent pour le mariage. Scène 5 La nourrice découvre le corps de sa maitresse sans vie. Tous se lamentent et pleurent. Les musiciens se disputent de façon incongrue vu les circonstances. Acte V Scène1 Roméo apprend la mort de Juliette. Il se procure une fiole de poison pour mourir aux côtés de sa bien- aimée. Scène 2 Frère Laurent apprend que la lettre qui devait prévenir Roméo de leur stratagème ne lui est pas parvenue. Il craint le pire et se rend dans le tombeau de Juliette. Scène 3 Pendant ce temps, Roméo a croisé Pâris dans l’obscurité du tombeau : il le tue pour avoir le droit de voir sa Juliette. Puis il boit d’une traite le poison que l’apothicaire lui a donné. Il meurt tandis qu’arrive frère Laurent et que se réveille Juliette. Juliette, seule, se poignarde. Quand les gardes, le prince et les deux familles les rejoignent, c’est pour découvrir le sang versé par les amants à l’amour interdit. Pistes de travail Comprendre les temps forts de la pièce. On demandera aux élèves, à partir de ce résumé, de lister les scènes qui leur paraissent essentielles afin de comprendre le resserrement dramatique opéré par Berlioz. Ils pourront ensuite rédiger un résumé de l’intrigue en quelques lignes. 5 Des sources d’inspiration multiples Les différentes versions de Roméo et Juliette « Il existe au moins vingt-quatre opéras inspirés de Roméo et Juliette. Le premier, Romeo und Julie (1776), est un singspiel de Georg Benda ; il coupe une bonne partie de l’action et la plupart des personnages, et s’achève sur une fin heureuse. Le plus connu est le Roméo et Juliette (1867) de Charles Gounod, sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, qui rencontre un succès triomphal à sa création et reste fréquemment joué aujourd’hui. I Capuleti e i Montecchi de Vincenzo Bellini (livret de Felice Romani) est également interprété de temps à autres ; plutôt qu’une adaptation directe de Shakespeare, il s’inspire de sources italiennes, notamment du livret de Romani pour un opéra de Nicola Vaccai. Piotr Ilitch Tchaïkovski compose en 1869 son poème symphonique Roméo et Juliette, révisé en 1870 et en 1880. La pièce a inspiré d’autres compositeurs classiques, parmi lesquels Johan Svendsen (Romeo og Julie, 1876), Frederick Delius (A Village Romeo and Juliet, 1899-1901) et Wilhelm Stenhammar (Romeo och Julia, 1922). Le plus célèbre des ballets inspirés de la pièce est le Roméo et Juliette de Sergueï Prokofiev. Il est refusé par le ballet Kirov, qui l’avait commandé, lorsque Prokofiev tente d’y introduire une fin heureuse, puis en raison du caractère expérimental de sa musique. Roméo et Juliette a inspiré plusieurs œuvres de jazz parmi lesquelles la chanson Fever de Peggy Lee. L’album de Duke Ellington Such Sweet Thunder (1957) contient une pièce intitulée The Star-Crossed Lovers, dans laquelle le couple est représenté par deux saxophones, un ténor et un alto ; loin d’être traités à égalité, le saxophone de Juliette domine clairement la composition. Dans la musique populaire, la pièce a inspiré des chansons aux The Supremes, à Bruce Springsteen, Taylor Swift, Tom Waits et Lou Reed, ainsi qu’à Dire Straits, dont la chanson Roméo et Juliette est sans doute la plus connue du lot. La plus célèbre des comédies musicales adaptées de la pièce est West Side Story, avec une musique de Leonard Bernstein et des paroles de Stephen Sondheim. Lancée à Broadway en 1957 et dans le West End en 1958, elle fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 1961. Le cadre de l’intrigue est déplacé dans la New York du XXe siècle, et les familles ennemies sont remplacées par des gangs ethniques. D’autres comédies musicales reprennent la pièce : William Shakespeare’s Romeo and Juliet de Terrence Mann, co-écrit avec Jerome Korman (1999), Roméo et Juliette, de la haine à l’amour de Gérard Presgurvic (2001) et Giulietta & Romeo de Richard Cocciante (2007). » Extraits d’un article de Wikipédia. Pistes de travail Découvrir des adaptations cinématographiques. On peut mettre en regard la version de Zeffirelli, romantique (1968) et fidèle aux costumes d’époque et celles de Baz Luhrmann (1996) avec Leonardo di Caprio et West Side Story (1961). Ces deux dernières versions ont pour point commun d’offrir une relecture contemporaine de la pièce. Les élèves pourront s’interroger sur la version qu’ils préfèrent en argumentant Comprendre la portée d’un mythe. On invitera la classe à s’interroger sur la notion de mythe, puis à se demander en quoi et pourquoi la tragédie de Roméo et Juliette a inspiré autant d’artistes (le thème de l’amour interdit, l’amour et la mort, les rivalités …). Ce travail peut être enrichi par la lecture de Tristan et Yseult. On peut même travailler sur un groupement de textes sur les amours mal- 6 heureuses et condamnées dans la littérature. Histoire des arts. Art du visuel. Il s’agit de comparer l’évolution du mythe au travers des siècles : Joseph Wright of Derby (La scène du tombeau. Juliette avec le cadavre de Roméo, 1790-91), Johann Heinrich Füssli (Roméo se penche sur le cercueil de Juliette, 1809), Francesco Hayez (Le Dernier Baiser donné par Juliette à Roméo, 1823), Delacroix (Roméo et Juliette au tombeau des Capulet et Les Adieux de Roméo et Juliette, vers 1846), Pietro Roi (La Mort de Juliette et de Roméo, 1882) , Pino Casarini (L’adieu de Juliette à Roméo, 1939). On s’interrogera sur le choix des scènes illustrées, le point de vue adopté et le but recherché par chaque artiste. Enfin, on peut regrouper les œuvres de la première moitié du XIXe siècle et les étudier sous l’angle du mouvement romantique. Ce dernier point permet d’associer les arts du visuel avec les arts du son et Berlioz. 1. http://www.hberlioz.com/ Scores/promeo.htm La version de Berlioz Composée en 1839, la « Symphonie dramatique » Roméo et Juliette doit son existence à la générosité de Nicolo Paganini qui voyant en Berlioz l’héritier de Beethoven, lui fit don de 20 000 francs. Payant ses dettes, le compositeur se mit à l’œuvre et acheva la partition au bout de sept mois : « De quelle ardente vie je vécus pendant tout ce temps ! ». Après avoir rédigé un synopsis à partir des scènes les plus importantes du drame de Shakespeare, il confia au poète Émile Deschamps le soin d’écrire les textes des parties chantées. Outre son sujet, un amour idéal qui le consolait des tristes réalités de son mariage avec l’actrice Harriet Smithson, l’œuvre témoigne de plusieurs influences. C’est d’abord un hommage à Shakespeare dont la découverte en 1827 eut un fort retentissement sur son développement artistique et sur sa vie personnelle. C’est aussi un hommage à Beethoven (9ième symphonie). Enfin, après la Symphonie Harold en Italie, composée en 1834, elle rappelle que Berlioz séjourna en Italie comme lauréat du Prix de Rome. Avec le titre complet de Symphonie dramatique avec Chœurs, Solos de chant et Prologue en récitatif choral, composée d’après la Tragédie de Shakespeare, la partition fut exécutée trois fois au Conservatoire de Paris sous la direction de l’auteur, la première fois le 24 novembre 1839. Paganini, à qui elle était dédiée, ne l’entendit jamais. Plus tard, Berlioz y apporta quelques modifications, avant de la publier en 1847. La symphonie de Berlioz se subdivise ainsi : I. Introduction II. Roméo seul – Tristesse – Concert et bal – Grande fête chez Capulet III. Scène d’amour IV. La reine Mab ou la fée des songes – Scherzo VI. Roméo au tombeau des Capulets On lira sur le site1 tout une analyse extrêmement fouillée des différents mouvements musicaux. En 1966, Maurice Béjart fut l’un des premiers à porter à la scène le Roméo et Juliette de Berlioz. Pistes de travail Comparer des chorégraphies. On peut comparer un extrait de la chorégraphie de Maurice Béjart (costume, scénographie, danse) et celle de Thierry Malandain. Des extraits du ballet de Béjart sont accessibles sur You Tube. Comparer l’œuvre de Shakespeare à celles de Berlioz et de Malandain. On repérera d’abord le resserrement opéré par Berlioz par rapport à la tragédie shakespearienne. Les élèves relèveront les scènes que Berlioz a conservées. Puis dans un troisième temps, on effectuera le 7 même travail avec l’argument de Thierry Malandain que l’on trouvera plus bas. On pourra même établir un tableau récapitulatif des trois arguments en soulignant à la fois le resserrement dramatique opéré et le renversement des scènes dans le ballet. Préparer l’écoute. On fera écouter aux élèves certains grands airs de la symphonie de Berlioz (La Symphonie dramatique Opus 17 d’Hector Berlioz) en attirant leur attention sur le chant des chœurs et l’alternance des tempos lents et enjoués. On peut aussi lors d’une écoute vierge (sans préciser l’argument de la symphonie et de ces mouvements) demander aux élèves quelles sont les scènes qui pourraient correspondre aux différents airs. Le ballet Un genre ancien L’homme danse depuis l’antiquité, cet art s’est sans nul doute développé en même temps que la musique. Au Moyen-Âge, on pratique des rondes, des voltes ou des danses en chaînes. Déjà les rois de France y participaient. On parle d’un ballet, spectacle de danse, pour la première fois sous Catherine de Médicis, celui-ci est nommé le Ballet comique de la Reine. C’est le premier grand ballet de cour donné et imprimé en France. Représenté le 15 octobre 1581 dans la grande salle du Louvre à Paris, il a été imprimé l’année suivante chez Ballard, sous le titre Balet comique de la Royne, faict aux nopces de Monsieur le Duc de Joyeuse & madamoyselle de Vaudemont sa sœur. Par Baltasar de Beaujoyeulx, valet de chambre du Roy, & de la Royne sa mere. Mais c’est surtout sous le règne de Louis XIV que le Ballet prend ses lettres de noblesse. Le Roi et Lully instaurent la comédie-ballet (Les Fâcheux, La Prin- cesse d’Élide, Les Amants magnifiques, Le Bourgeois gentilhomme), puis le ballet de théâtre. Il s’agit d’un drame musical dans lequel les genres se mélangent (musique, chant, danse, comédie) tels Thésée, Athys, Acis et Galatée, Psyché,... Louis XIV crée encore l’Académie royale de danse, qui devint plus tard le ballet de l’Opéra de Paris. C’est Pierre Beauchamp (1631-1705), premier maître de ballet du roi, qui codifia cet art et son enseignement. À l’époque, les hommes sont prééminents par rapport aux danseuses. Les danseuses, empêtrées dans des robes à paniers et des coiffures emperruquées ne peuvent rivaliser avec leurs homologues masculins. À la fin du XVIIIe siècle, en 1789, fut créé ce qui peut être considéré comme un des plus anciens ballets encore dansé de nos jours, La Fille mal gardée. C’est aussi à cette époque que certaines danseuses comme La Camargo (1710-1770) et Marie Sallé (1707-1756) ont le courage de raccourcir les robes, de simplifier leurs tenues et coiffures afin d’être plus libres pour s’exprimer. Au XIXe siècle, les danseuses montent sur pointes. La plus connue sinon la première à s’essayer à cet art, est Marie Taglioni, créatrice du rôle de la Sylphide. La danse française à cette époque, va essaimer à travers l’Europe par le biais notamment d’Auguste Bournonville, qui fondera le ballet royal du Danemark, qui encore aujourd’hui conserve précieusement son style et de Marius Petipa qui ira porter son art à la cour de toutes les Russies. C’est le XIXe siècle qui verra la naissance des plus grands ballets du répertoire classique : en France, La Sylphide, Giselle, Coppélia... en Russie Le Lac des Cygnes, Casse-Noisette... C’est la grande époque du romantisme, et le triomphe du ballet « blanc » nommé ainsi à cause des longs tutus de tulle qui ceignent les danseuses. 8 Au début du XXe siècle, la danse se transforma encore sous l’impulsion de Serge de Diaghilev, qui fonda en 1909 la compagnie des Ballets Russes, qui verra éclore toute une génération de prodiges : Vaslav Nijinski, Anna Pavlova, Tamara Karsavina, Léonide Massine, Georges Balanchine, Serge Lifar, par exemple. Enfin on parle de danse moderne à partir d’Isodora Duncan qui s’affranchit des règles de la danse classique. Depuis on peut citer : Merce Cunningham, Georges Balanchine, Frédéric Ashton, Maurice Béjart, Roland Petit, Carolyn Carlson, Matts Eks, Jiry Killian, Nacho Duato, Angelin Preljocaj ou Thierry Malandain. La genèse du ballet de Malandain « À l’issue de la création de Maurice Béjart que l’on a évoqué plus haut, un récitant clamait au final : « Faites l’amour, pas la guerre ! ». Ce slogan hautement évangélique vaut toujours, raison de quoi le spectacle se déroule dans un climat de religiosité. Un an après la création de Maurice Béjart, naissait en Italie, « arte povera », une aventure artistique conceptualisée par le critique d’art Germano Celant, qui pour défier la société de consommation et la dérive mercantile des courants américains de l’époque, privilégia l’économie de moyen. En utilisant des matériaux pauvres qu’il s’agissait d’élever au rang d’art, les artistes de « l’art pauvre » s’attacheront à rendre signifiants les objets les plus quotidiens. Certains ont vu dans cette démarche une référence au renoncement franciscain. C’est à cette sorte d’ascèse artistique que j’ai voulu me soumettre en prenant pour décor des caisses en aluminium, tandis que les costumes sont conçus à partir de vêtements usés. L’idée m’est venue en découvrant en Italie les catacombes du monastère capucin de Palerme. Creusées au XVIe siècle à la seule intention des moines, y être inhumé devint une marque de prestige pour l’aristocratie sicilienne jusqu’au XIXe. Dans leur testament, les intéressés demandaient à y être conservés avec un certain type de vêtements, ou même à ce que l’on change ceux-ci à intervalles réguliers. Aujourd’hui, témoignant peu ou prou du caractère universel de la mort, ces catacombes offrent le spectacle de corps embaumés, mais aussi de cercueils empilés. Ces catacombes rappellent également que le thème de la mort et des funérailles était omniprésent dans la création artistique du XIXe siècle. Ainsi, en 1840, un an après Roméo et Juliette, Berlioz composa sa Grande symphonie funèbre et triomphale. Au XIXe siècle encore, s’appuyant sur la croyance populaire que, la nuit, les morts dansent dans les cimetières, les artistes vont réactualiser l’esthétique des danses macabres médiévales. On se souvient que dans La Vie dans la mort, Théophile Gautier décrit à la manière d’une danse comment le monde des morts et des vivants s’interpénètrent. Mais, c’est ce fragment de Vie de Rancé de Chateaubriand qui a retenu mon attention : « Les danses s’établissent sur la poussière des morts et les tombeaux poussent sous les pas de la joie ». Roméo et Juliette, c’est évidemment la haine séculaire existant entre les deux familles les plus puissantes de Vérone, les Montaigu et les Capulet. C’est aussi, bien sûr, le sort funeste de deux amants innocents. Et si tout ce qui cimente cette histoire d’amour mythique entre toutes a retenu l’attention de Berlioz, contrairement au ballet, Roméo et Juliette de Serge Prokofiev, La Symphonie dramatique pour solistes, chœur et orchestre ne suit pas à la lettre le récit shakespearien. Elle en exclut même certains épisodes. Et tandis que les parties purement 9 orchestrales dépeignent les émotions, c’est le chœur qui a charge de décrire les faits. Ainsi dans l’introduction, Berlioz dresse une sorte de table des matières des scènes à venir, après quoi il enchaîne sur quelques moments attendus comme le bal chez les Capulets, la scène d’amour ou encore la mort des deux amants. L’œuvre s’achevant par un récitatif qui permet à frère Laurent, figure principale du drame, de révéler à tous, ce qui s’est passé. C’est par cette dernière partie où l’on voit Roméo et Juliette au tombeau que j’ai choisi de commencer. Une scène conjuguée au pluriel, puisque gisent neuf couples, comme si ce rêve qui était trop beau était celui de tous. » Thierry Malandain, juin 2010 Pistes de travail Savoir lire les intentions d’un auteur. À partir des intentions de Thierry Malandain, exposées ci-dessus, on demandera aux élèves de noter ce qui a pu inspirer le chorégraphe et d’effectuer des recherches sur les différentes œuvres ou mouvements cités puis de relever les informations données sur sa propre chorégraphie : construction du ballet, décor et costume… de façon à préparer les élèves au mieux à un ballet contemporain sur un thème et un texte classique. L’argument L’argument tel qu’il est présenté est extrait du dossier proposé par la compagnie de Thierry Maladain. Figurent en rouge le découpage scénique et en bleu les personnages présents dans la scène. Prologue Le tombeau des Capulet « Ce cadavre, c’était l’époux de Juliette. Voyez-vous ce corps étendu sur la terre ? C’était la femme, hélas, de Roméo. C’est moi qui les ai mariés. » : frère Laurent dévoile le mystère des corps sans vie de Roméo et Juliette. Frère Laurent, Roméo, Juliette et toute la compagnie Scène 1 Combats et intervention du prince Escalus « La haine dans vos cœurs, l’injure dans vos bouches ! » : Depuis des années, les Montaigu et les Capulet se vouent une haine inextinguible. Exaspéré, le prince Escalus décrète, sous peine de mort, l’interdiction formelle de se battre dans sa ville. Mercutio, Tybalt, le prince Escalus et toute la compagnie Scène 2 Fête chez les Capulet « Allez rêver de bal et d’amour, allez, rêver d’amour jusqu’au jour. » : Roméo, mélancolique. Juliette se prépare pour le bal donné en son honneur. C’est au cours de celui-ci, qu’ils vont tomber sous le charme l’un de l’autre. Toute la compagnie Scène 3 Scène d’amour À la nuit tombée, Roméo se dissimule dans le jardin des Capulet. Comme celui de l’Éden, ce jardin évoque l’amour parfait. Roméo, Juliette, toute la compagnie Scène 4 Les duels « Bientôt de Roméo la pâle rêverie met tous ses amis en gaieté. Mon cher, dit l’élégant Mercutio, je parie que la reine Mab t’aura visité ! » : Travesti en reine Mab, la « fée des songes », Mercutio tente de divertir Roméo de ses pensées. Arrive Tybalt qui insulte Roméo. Nouvellement marié à Juliette, Roméo refuse de se battre contre le cousin de son épouse, Mercutio prend sa place. C’est alors que Tybalt blesse mortellement Mercutio et que Roméo, désespéré, tue Tybalt. Roméo, Mercutio et Tybalt 10 Frère Laurent, toute la compagnie Pistes de travail Comprendre la réécriture de Thierry Malandain. On commencera par noter les personnages et les scènes qu’il a conservés de la tragédie originelle. Puis on comparera les arguments de Berlioz et celui de Malandain en soulignant les points communs et les transformations faites par le chorégraphe. Mise en scène et scénographie La scénographie Le ballet se déroule sur une scène nue débarrassée de ses pendillons et encadrée de chaque côté par des échelles métalliques dressées, en bas desquelles sont fixés des projecteurs. À ces échelles métalliques répondent: des malles elles-aussi en métal, l’unique accessoire du ballet. On peut les apercevoir au second plan ici. Dans la première scène, les 16 caisses sont disposées sur quatre rangées de quatre ; elles seront ensuite maniées à vue par l’ensemble des 18 danseurs au fil de l’intrigue. Là encore on assiste à un véritable ballet : tantôt trois rangées, tantôt © Olivier Houeix Scène 5 Retour en avant : l’union de Roméo et Juliette « Mariés ! » : frère Laurent, qui voyait dans un mariage l’espoir de mettre un terme à la haine et de réconcilier les Capulet et les Montaigu consacre en secret l’union de Roméo et Juliette. Frère Laurent, Roméo, Juliette Scène 6 Mort des deux amants « Je lui fis prendre afin de conjurer le sort, un breuvage qui, le soir même, lui prêta la pâleur et le froid de la mort. » : Roméo ignorant la stratégie de frère Laurent arrive au tombeau de Juliette et s’administre un poison au moment où sa bien-aimée s’éveille de son sommeil. Et tandis qu’ils se jettent dans les bras l’un de l’autre, Roméo commence à ressentir les effets du poison. Juliette saisit alors le poignard de Roméo pour le rejoindre dans l’autre monde. Toute la compagnie Final « Jurez tous, jurez par le saint crucifix, de sceller entre vous une chaîne éternelle de tendre charité, d’amitié fraternelle ! » : La cité enfin réconciliée par la mort de Roméo et de Juliette, frère Laurent qui fut l’instigateur involontaire de ce sacrifice reste seul, marquant l’impuissance de l’Homme contre les forces du destin. 11 Les costumes Les danseurs arborent pour commencer une tenue très contemporaine et simple : les hommes en pantalon et chemise, souspull ou veste, les femmes en chemise et jupe ; le tout en un camaïeu de gris et noir, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous. Les jeunes gens se livrent à la rixe initiale qui déclenche la colère du prince. Seule Juliette porte une robe blanche, sa robe de mariée. Une fois sa robe ôtée, elle se fond parmi les tenues grises puis revêtira comme tous les danseurs un habit de couleurs pour la scène du bal : robes froufroutantes et acidulées pour les filles, simples © Olivier Houeix © Olivier Houeix deux, tantôt un mur au fond se constitue ou se démembre tandis qu’un escalier prend forme. Ce sont encore les couvercles qui sont ouverts et reflètent la lumière des projecteurs comme des miroirs ou qui sont claqués. Ces malles sont donc à la fois des cercueils, des lits nuptiaux, des chaises, la frontière de l’au-delà, des caisses dans lesquelles sont rangés les vêtements, des miroirs ou des éléments architecturaux. Ainsi, la scène du balcon est suggérée par Juliette qui se tient en haut de trois malles superposées et derrière le couvercle ouvert de la malle du dessus. 12 exprimant un certain romantisme. Puis c’est en sous-vêtements nacrés que ces duos d’amour s’achèvent. Seul le corset que portent les femmes nous inscrit dans une époque précise, les années 60. Trois danseurs dont Roméo reviendront habillés de leur tenue de la scène 1. Pour le final, les Roméo porteront un costume noir sans chemise et les Juliette des robes de mariée blanches et vaporeuses. Une fois les amants morts, ils se déshabilleront à nou- © Olivier Houeix vestes colorées pour les hommes. Ces habits aux couleurs vives sont portés par-dessus les anciens, comme si tout n’était que provisoire ; le bal reste un moment comme suspendu, plein de gaité et d’onirisme. Il laissera place à un dénuement progressif des corps. En effet la scène du bal est suivie par la scène d’amour des couples-amants. On voit apparaitre les femmes durant les duos d’amour, vêtues d’une robe de gaze qui renforce la grâce des pas de deux, tout en quant à lui, sera identifiable, quand il tient ce rôle-là, grâce à sa tenue noire et surtout son col blanc. Les costumes reposent donc sur des effets de contrastes : superposition de robes © Olivier Houeix veau. Sur la photo ci-dessous, les couples d’amants sont encore en sous-vêtements tandis que le couple principal Roméo et Juliette a déjà revêtu sa tenue de noces. Le danseur qui interprète frère Laurent, 13 contre corps nus, noir contre blanc et enfin gris contre couleurs acidulées, les seules couleurs étant réservées à la scène du bal. On rappellera enfin que tous les changements de costumes s’effectuent à vue comme les déplacements des malles. Les costumes légers donnent une impression de dépouillement, cette esthétique est celle d’un mouvement artistique italien des années 60 qui prônait un « art pour les pauvres » fait de sobriété, de dépouillement et de récupération... Les costumes sont donc des habits de tous les jours (ou presque) dans le style des années 60... Les lumières Le ballet se déroule sur un fond uni qui va du bleu-gris au rose final, suggérant avec ces teintes claires, une aube, un renouveau qui symbolise sans doute le paradis dans lequel évoluent les amants morts. Les jeux de lumière sont particulièrement importants car les feux des projecteurs se reflètent sur les malles et sur leur couvercle en particulier les transformant en miroir. Le plateau s’obscurcit aux moments clefs : les duos d’amour et la scène d’empoisonnement par exemple. La mise en scène Thierry Malandain élimine les coulisses et oriente toutes les entrées et sorties vers le fond de la scène dans un jeu optique, qui semble faire apparaître et disparaître les danseurs directement des malles, seuls éléments présents. Ainsi, durant les duos d’amour, chaque couple naît des malles, disparait derrière pour être immédiatement remplacé par un autre. Il faut plusieurs duos pour que le spectateur réalise pleinement que chaque couple est différent. On peut encore évoquer le final où les danseurs sont comme ensevelis par les malles, n’en dépassent que leurs bras qui forment comme un océan vivant. Le rideau s’ouvre sur frère Laurent et se fermera sur lui encore. Il marche seul vers le néant au milieu des cercueils en portant le poids son échec. Le ballet se présente donc comme une boucle et l’ouverture avec frère Laurent donne une tonalité dramatique dès le début. Les dix-huit danseurs forment tour à tour les familles ennemies ou les invités de la fête. Mais la plus grande singularité de ce ballet réside dans la démultiplication des Roméo et des Juliette. Ces dixhuit danseurs sont en fait neuf couples qui représentent tous – que ce soit en groupes ou en duos – le couple tragique. On alternera donc les pas de deux avec les danses du corps entier. La scène finale montrera neuf Juliette qui s’empoisonneront à tour de rôle ou encore neuf Roméo tentant de ranimer désespérément leur bien-aimée. Ces répétitions ne lassent pas mais offrent au contraire des moments poignants. Pistes de travail Rédiger une critique. Dans un paragraphe argumenté, les élèves exprimeront une opinion sur ce spectacle en le justifiant. Ils en souligneront l’originalité tout en montrant en quoi il reste fidèle à la trame shakespearienne. 14 Ressources Sur Berlioz • Site où l’on lira une très bonne analyse des différents mouvements musicaux de la symphonie. – http://www.hberlioz.com/BerliozAccueil.html Sur le mouvement arte povera • Site où l’on lira toutes les références littéraires et artistiques sur le mythe de Roméo et Juliette. – http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-ArtePovera/ENS-ArtePovera.htm – http://www.mediterranees.net/mythes/pyrame/romeo.html 15 Iconographie © Olivier Houeix 16 Iconographie © Olivier Houeix 17 Iconographie © Olivier Houeix 18 Iconographie © Olivier Houeix 19 Iconographie © Olivier Houeix 20