Libramont 2014 : La Politique agricole commune pour les nuls Une

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Libramont 2014 : La Politique agricole commune pour les nuls Une
Libramont 2014 : La Politique agricole commune pour les nuls
Une nouvelle réforme de la politique agricole commune est en cours
l occasion pour la Commission agricole de la foire de Libramont de faire
le point sur les questions relatives à l avenir de l agriculture. Et d élargir
le débat à la société Quels sont les choix des politiques mais aussi des
consommateurs ? Car si l être humain dit, depuis l antiquité, que la
nourriture est le premier des médicaments, il sait aussi que la santé n a
pas de prix et qu il est peut-être urgent de retisser du lien entre
producteurs et consommateurs et de prendre soin des uns et des
autres Dans un monde en profonde mutation, de nouveaux modes de
consommation émergent ; une nouvelle conscience voit le jour !
Quelques repères
À la fin des années 1950, l Europe sort d'un conflit mondial qui l'a
dévastée sur le plan humain, économique, culturel. Mais la
reconstruction des infrastructures a créé un développement économique
sans précédent. Les entreprises tournent à plein régime et les années
1960 se profilent avec un grand optimisme. Elles s appelleront d ailleurs
les Golden Sixties. Cette décennie connaîtra une économie de pleinemploi qui restera dans les esprits comme la référence d un âge d or
révolu.
L optimisme et le plaisir sont à l honneur ! JF Kennedy lance la conquête
de l espace et les nouvelles frontières. Les télévisions noir et blanc
arrivent dans les foyers et les gens se réunissent pour regarder le tour
de France ou les grands matches de foot en Eurovision. Chez nous,
l'Exposition universelle de 1958, au Heysel, a inauguré une ère de
prospérité qui semble ne pas devoir finir. Cest l avènement d une société
de consommation du toujours plus L intelligence est mobilisée pour
améliorer les processus de production dans une vision quantitative.
Les réflexions relatives à l environnement sont inexistantes. En fait,
consommer toujours plus est le signe d une belle prospérité
Cest dans ce contexte que va naître la Politique agricole commune.
La Politique agricole commune, née en 1957, fut mise en place en 1962.
Elle repose sur deux piliers. Le premier porte sur la production de
denrées alimentaires et le second sur le développement rural.
Au-delà du fait de donner une consistance à l Europe, la politique
agricole commune poursuit cinq objectifs précis :
- accroître la productivité de l agriculture notamment en développant
le progrès technique,
- assurer un niveau de vie équitable à la population agricole,
- stabiliser les marchés,
- garantir la sécurité des approvisionnements,
- assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
La PAC repose notamment sur les principes de l unicité du marché, la
préférence communautaire, la solidarité financière et des prix minimums
garantis pour les agriculteurs.
Plusieurs réformes marqueront l histoire de la PAC.
En 1984, pour résorber les excédents, des quotas de production sont mis
en place, notamment dans le domaine laitier, et les prix de soutien sont
réduits.
En 1992, la politique de soutien est à nouveau modifiée par la baisse des
prix garantis qui se rapprochent du niveau des cours mondiaux. La
baisse est compensée par des aides directes aux agriculteurs. Cest aussi
le moment d une première orientation vers une politique de
l environnement avec l instauration de mesures agri-environnementales.
En 1999, un cadre financier est fixé pour la période 2000-2006. Le
développement rural est soutenu. Cette réforme est destinée à préparer
l arrivée de dix nouveaux membres et à rendre la PAC compatible avec
les règles de l Organisation mondiale du commerce (OMC).
En 2003, à Luxembourg, la nouvelle PAC introduit le découplage des
aides pour se mettre en conformité avec les prescriptions de l OMC.
Cest-à-dire que les primes perçues ne sont plus liées aux productions de
l exploitation mais à une référence liée à la moyenne des primes perçues
sur 3 années de référence. Cette nouvelle PAC introduit la notion de
conditionnalité : les aides découplées sont versées à condition que
l agriculteur
respecte
les
bonnes
conditions
agricoles
et
environnementales ainsi que le bien-être animal.
En 2008 et les années suivantes, un bilan de la PAC permet d évaluer et
d anticiper l évolution à l horizon 2013 qui marque la fin du financement
actuel. La réflexion porte sur le fait de rendre l agriculture plus
compétitive, plus respectueuse de l environnement en passant entre
autres par une baisse des subventions liées à la production et une plus
grande aide au développement rural. Par ailleurs, on se dirige vers un
découplage complet des aides
Aujourd hui
Une nouvelle réforme de la PAC est en cours. Elle entrera en vigueur au
1er janvier 2015.
Cette réforme s inscrit dans la continuité de 1992 avec une agriculture de
plus en plus ouverte sur le monde
Le contexte a bien changé. Les crises sont passées par là. Les
préoccupations sont nouvelles. L économie s est mondialisée. La
production alimentaire, comme les autres productions, connaît une
grande mobilité. La production mondiale se retrouve dans les rayons des
hypermarchés européens.
En même temps, dans une société interconnectée, ce village planétaire
où l information est instantanée, des nouvelles tendances émergent.
L attention à l environnement est entrée dans les m urs ; l écologie a
trouvé droit de cité dans l ensemble des discours politiques.
La réflexion porte aussi sur le sens de la consommation. La
consommation bio se développe. Pourquoi transporter des aliments par
avion, de façon déraisonnée ? Quel serait l intérêt de consommer local ?
Des groupes d achat en commun désireux de retisser le lien avec le
producteur voient le jour.
L Europe est un marché de 500 millions de consommateurs à nourrir au
quotidien. 40 millions d emplois dépendent directement du secteur
agricole, soit un emploi sur six.
L enjeu est de fournir aux consommateurs des aliments en quantité
suffisante à des prix raisonnables et d assurer un revenu décent aux
agriculteurs.
La nouvelle Politique agricole commune confirme cette tendance à
découpler les aides par rapport à la production. Le risque est qu il ne
sera plus question de prix garanti mais de filet de sécurité. La tendance
est d aller vers un système de prime à l hectare qui ne sera donc plus en
lien avec la production.
Ce système ne manquera pas d avoir des incidences sur la pression
foncière. Une course à l hectare verra le jour et cet argent ne restera
sans doute pas dans la poche des agriculteurs.
Il est aussi permis de penser que la Politique agricole commune est de
moins en moins commune. Face à la grande diversité des agricultures
locales entre la Belgique et la Lettonie, par exemple, quelles sont les
décisions à prendre ? Une série de points seront décidés au niveau des
États. L Europe fournira le cadre dans lequel les états auront plus de
pouvoir de décision.
Par ailleurs, la nouvelle Politique agricole commune prévoit une
convergence entre les différents États de l Union. Concrètement, cela
signifie que la Belgique perdra dans la prochaine programmation environ
20% des aides actuelles. En effet, actuellement la moyenne européenne
de prime à l hectare est de 270 euros. La Belgique est à 460 euros à
l hectare et les pays baltes comme la Lituanie, l Estonie et la Lettonie
sont à 60 ou 70 euros. La convergence vers un niveau harmonisé des
primes va donc coûter à la Belgique. Cette mesure ne tenait pas compte
de l ensemble des coûts de production. Après négociation notamment
avec le monde syndical, cette adaptation se fera progressivement
Une autre grande tendance de la nouvelle Politique agricole commune
est le verdissement. Près de 30 % des aides directes seront liées à des
mesures environnementales. Cest sans doute une manière politique de
garder une aide importante à l agriculture en invitant les agriculteurs à
être attentifs à l environnement Ces mesures portent sur des pratiques
qui sont déjà concrètement en cours chez nous, comme la rotation des
cultures par exemple. D autres mesures portent sur une réserve de
surface à une action écologique, pour favoriser notamment la
biodiversité.
Cette action en faveur de l environnement est évidemment importante.
En même temps, il importe de ne pas perdre de vue que le rôle premier
de l agriculteur est d être le nourricier de la société.
Alimentation : l homme au service de l homme ?
Dans ce contexte où les systèmes montrent leurs limites, il est urgent de
se poser les bonnes questions.
Des tendances émergent.
Le bio trouve droit de cité. Mais quel est l avenir de cette philosophie
basée sur le naturel ? Le bio peut-il un jour se généraliser et peut-on
imaginer des productions de masse bio ? Techniquement sans doute
mais quelles sont les réelles possibilités ? Peut-on imaginer que le bio
devienne un jour la norme ?
La réflexion locale est aussi à l ordre du jour. Un grand groupe de
distribution français vient de signer avec le Président de la République un
accord garantissant que les produits transformés qui seront présentés
aux consommateurs seront à base de produits régionaux. En Belgique,
plusieurs initiatives sont prises afin d intégrer des produits locaux dans
les linéaires : c'était quasi inimaginable voici quinze ans. Il est question
de charte de collaboration, de prix rémunérateurs, de non-exclusivité ,
etc.
Le monde agricole, dont la mission était essentiellement de produire,
développe une nouvelle vision du métier : être à la fois producteur et
commerçant et valoriser sa production.
Quant au consommateur, il a un rôle majeur à jouer en faisant ses choix.
Mais a-t-il vraiment le choix ? La plupart des ménages européens doivent
naviguer entre l'exigence d'une nourriture saine, qui anticipe les
problèmes de santé publique tels que l'obésité et les maladies cardiovasculaires, et les contraintes budgétaires dans lesquelles ils se trouvent
pris, particulièrement lorsque la crise paraît. Il peut aussi être conscient
que la consommation est aussi un acte politique : un mouvement de
consommateurs bien organisé peut faire plier une multinationale ou un
gouvernement. Mais en est-il suffisamment informé ?
La réflexion de l'édition 2014 de la Foire de Libramont se portera donc
naturellement sur la pédagogie qui doit accompagner l'introduction de
cette énième réforme. Qu'est-ce que la PAC ? Quels en sont les
mécanismes ? Qui prend les décisions ? Qui en bénéficie ? Qui en pâtit ?
Quel sera l'impact concret de la réforme sur l'agriculteur wallon, notre
voisin ? Quel seront ses conséquences sur notre assiette, sur notre
portefeuille, sur notre santé, sur notre environnement ?
Quelles sont les pistes de développement ? Qui sont les acteurs qui
travaillent à la réflexion sur le futur de notre alimentation ? Quelles sont
les coopérations possibles entre les acteurs ? Où en est l esprit coopératif
dans l Europe d aujourd hui ?
Dans le hall 3, une exposition, des animations et un programme de
grandes conférences illustreront ces différentes questions.