Définition d`un « cours d`eau » : la réponse du Conseil d`État vaut

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Définition d`un « cours d`eau » : la réponse du Conseil d`État vaut
EAU JURIDIQUE
Définition d’un « cours d’eau » : la réponse du
Conseil d’État vaut-elle pour le domaine public ?
l'arrêté " Zones humides " du 28 juin 2008
. . . beaucoup moins intéressant que la doc sur les cours d'eau et ruisseaux
La protection et la gestion durable des zones humides, qui s'inscrivent dans le cadre des politiques
européennes des ressources naturelles (directive cadre 2000/60/CE) et de la biodiversité (directive Habitats
92/43CEE et directive Oiseaux 79/409/CEE), font depuis la mise en place de l'arrêté " Zones humides "
du 28 juin 2008, l'objet de différents débats. Ces milieux constituent un patrimoine naturel exceptionnel en
raison de leur richesse biologique et des fonctions naturelles qu'ils remplissent.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019151510
Évolution du cadre réglementaire relatif aux zones humides
Différentes lois-cadres en faveur des zones humides complètent et renforcent les dispositifs
réglementaires incités par la convention mondiale de RAMSAR, ratifiée en 1986 par la France. Il
s'agit notamment de la Directive Cadre sur l'Eau qui vise l'atteinte du bon état écologique des
masses d'eau, ainsi que la non dégradation de celles-ci. Mais aussi de la loi sur l'eau de 1992 et
de la loi de développement des territoires ruraux de 2005 qui intègrent des dispositions en faveur
de la préservation, de la restauration et de la valorisation des zones humides. Enfin, les lois
Grenelle encouragent des actions allant dans ce sens. Depuis 1992, les zones humides sont
protégées par le Code de l'environnement, au titre de la nomenclature " eau et milieux
aquatiques ". L'article R.214-1 du code de l'environnement détermine si les IOTA (Installations,
Ouvrages, Travaux ou Activités) sont soumis à déclaration ou à autorisation selon la nature du
projet. Ainsi, il importe que les porteurs de projets en zone humide aient connaissance :
- de la rubrique 3.3.1.0, relative à l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation, le
remblai de zones humides ou de marais. Les seuils sont de 1 ha pour les dossiers d'autorisation
et de 0,1 (ou 1000 m²) pour les dossiers de déclaration ;
- de la rubrique 3.3.2.0 relative à la réalisation de travaux de drainage. Les seuils sont de 100
ha pour les dossiers d'autorisation et de 20 ha pour les dossiers de déclaration ;
- de la rubrique 3.1.2.0 (rubrique ajoutée en 2006) relative à la modification du profil en long
ou en travers du lit mineur d'un cours d'eau. Les seuils sont de 100 m pour les dossiers
d'autorisation et de 10 m pour les dossiers de déclaration.
Définition d’un « cours d’eau » :
http://www.carlenckell.com/archive/2011/11/03/definition-d-un-cours-d-eau-la-reponse-duconseil-d-etat-vau.html
Dans un récent arrêt du 21 octobre 2011, Ministre de l’Ecologie, du Développement
Durable, des Transports et du Logement C/ EARL CINTRAT (requête n° 334-322 publiée
au Lebon), le Conseil d’Etat précise opportunément la définition d’un « cours
d’eau ».
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETA
TEXT000024698697&fastReqId=1952805752&fastPos=1
Le « cours d’eau » est une expression fréquente en droit de l’Environnement,
non seulement au titre des activités dites « IOTA » (soumises à la loi sur
l’eau) mais aussi s’agissant des installations classées. En effet, plusieurs
rubriques de la nomenclature des ICPE imposent aux équipements
industriels des précautions vis-à-vis de « cours d’eau » (une distance
minimale).
Encore faut-il savoir ce qu’il convient d’entendre par cours d’eau : peut-il
s’agir d’un canal artificiel, d’un ruisseau ? Qu’en est-il s’agissant de la
distinction entre domaine public et privé ?circulaire du 2 mars 2005
Saisi de la légalité d’un arrêté préfectoral qualifiant un ruisseau de « cours
d’eau » non domanial et soumettant à autorisation des prélèvements
effectués par un particulier, le Conseil d’Etat indique que constitue un « cours
d’eau » un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine,
alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de
l’année.
En revanche, si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à
l’appui de la qualification de « cours d’eau », l’absence de vie piscicole ne fait
pas, par elle-même, obstacle à cette qualification.
C’est pourquoi un canal artificiel peut être un cours d’eau, lorsqu’il est affecté
à l’écoulement des eaux d’une rivière principale (CE, 26 janvier 1972, req. n°
76.893, sieur X).
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le ruisseau en question s’écoule
depuis une source située en amont d’un plan d’eau et captée par un busage.
Il n’est pas seulement alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage.
Si l’eau s’écoule dans des fosses aménagées dans un talweig, le ruisseau
présentait bien, antérieurement à son réaménagement, un lit naturel comme
en attestent des données cartographiques.
En outre, quand bien même l’écoulement de l’eau ne serait pas permanent,
cette caractéristique ne prive pas le ruisseau de son caractère de cours d’eau
non domaniale dès lors qu’il a un débit suffisant la majeure partie de l’année,
attesté par la présence d’une végétation et d’invertébrés d’eau douce.
Une définition jurisprudentielle conforme à la circulaire du 2 mars 2005
L’arrêt EARL Cintrat du 21 octobre 2011 confère une force juridique à la circulaire
du ministère de l'Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005 (Circ.
min. Écologie, 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d'eau), selon laquelle
la qualification de cours d'eau repose essentiellement sur les deux critères
suivants :
- la présence et la permanence d'un lit naturel à l’origine, distinguant un cours
d'eau d'un canal ou d'un fossé creusé par la main de l'homme mais incluant
un cours d'eau naturel à l'origine mais rendu artificiel par la suite, sous
réserve d'en apporter la preuve ;
- la permanence d'un débit suffisant une majeure partie de l'année apprécié
au cas par cas par le juge en fonction des données climatiques et
hydrologiques locales et à partir de présomptions au nombre desquelles par
exemple l'indication du “cours d'eau” sur une carte IGN ou la mention de sa
dénomination sur le cadastre
Qu’en est-il du domaine public fluvial ?
Bien que l’arrêt EARL Cintrat porte sur le domaine privé, et non sur le domaine
public, les deux critères de définition retenus peuvent rendre obsolète la
définition légale du domaine public fluvial, inscrite dans le Code général de la
propriété des personnes publiques (CG3P).
En effet, selon le CG3P seul le domaine public fluvial naturel est constitué
des « cours d'eau » et lacs appartenant à l'État, aux collectivités territoriales
ou à leurs groupements (art. L. 2111-7 du CG3P). Ce sont les « cours d'eau
et lacs domaniaux » (art. L. 2111-8 du CG3P).
Au contraire, la définition du domaine public fluvial artificiel ne fait pas
référence à la notion de cours d’eaux. Ce domaine public est constitué des :
-
canaux et plans d'eau appartenant à une personne publique ou à
un port autonome et classés dans son domaine public fluvial ;
-
ouvrages ou installations destinés à assurer l’alimentation en eau
des canaux et plans d'eau ainsi que la sécurité et la facilité de la
navigation, du halage ou de l'exploitation ;
-
biens immobiliers concourant au fonctionnement d'ensemble des
ports intérieurs (art. L. 2111-10 du CG3P)
Comment interpréter cette distinction entre domaine public fluvial naturel et
artificiel depuis l’arrêt EARL Cintrat du Conseil d’Etat ?
Tout d’abord, il n’est pas évident que les auteurs du CG3P aient
volontairement entendus exclure le domaine public fluvial artificiel du champ
des « cours d’eaux » et de ses implications dans les autres législations (ICPE
mais aussi loi sur l’eau).
Ensuite, le droit communautaire ne distingue pas, de la même manière, les
domaines publics et privés pour déterminer l’applicabilité des textes en faveur
de la protection de l’environnement. La directive cadre sur l’eau du 23
octobre 2000 laisse notamment à chacun des Etats Membres le soin
d’apprécier le bon état écologique et chimique de ses différentes masses
d’eau de surface.
En définitive, le domaine public n’ayant pas vocation à moins garantir la
protection de l’environnement que le domaine privé, on peut considérer que
l’arrêt EARL Cintrat lui est transposable. Ainsi, un canal artificiel situé sur le
domaine public (une darse nautique par exemple) pourra bien être considéré
comme un « cours d’eau », nonobstant la rédaction approximative du CG3P.
Les conditions de définition d’un cours d’eau sont donc cumulatives :
i. Un écoulement d’eau courante originellement naturel, et alimenté par
une source,
ii. Un débit suffisant la majeure partie de l’année.
Toute autre considération n’est pas essentielle à la définition d’un cours
d’eau, notamment la richesse du milieu, le caractère artificialisé du cours
d’eau (busé ou canalisé), ou la circonstance que celui-ci soit domanial ou pas
(domaine public ou domaine privé).
Il convient également de retenir de cette décision que la qualification de cours
d’eau peut dépendre d’une recherche d’antériorité impliquant de déterminer si
un cours d’eau artificialisé a antérieurement été naturel (canal artificialisé ou
busé par exemple).
Écrit par Carl Enckell dans Eau, Environnement, Hydroélectricité, Installations classées,
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DROIT
Définition d’un « cours d’eau » : la réponse du Conseil d’État vaut-elle pour le
domaine public ?
http://www.carlenckell.com/archive/2011/11/03/definition-d-un-cours-d-eau-la-reponse-duconseil-d-etat-vau.html
Le cours d'eau : définition (par la DDAF 70)
http://ddsv70.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/22_TEC_071031_def_cours_d_eau_cle8f9611.pd
f
Conseil d'Etat 27-01-01 EAUX.
RÉGIME JURIDIQUE DES EAUX.
RÉGIME JURIDIQUE DES COURS D'EAU.
- NOTION DE COURS D'EAU
- 1) DÉFINITION
- 2) INDICE CONSTITUÉ PAR LA RICHESSE BIOLOGIQUE DU MILIEU
- MANIEMENT.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETA
TEXT000024698697&fastReqId=1952805752&fastPos=1
Circulaire du 11 février 2013
relative à la feuille de route des services déconcentrés dans le domaine de l’eau, de la
biodiversité et des paysages pour la période 2013-2014
http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/02/cir_36545.pdf
source :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
Direction générale de l’aménagement du logement et de la nature
Direction de l’eau et de la biodiversité
Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages
Sous Direction de l’Action Territoriale
Sous direction de la qualité du cadre de vie
Bureau des polices de l’eau et de la nature
Le ruisseau en termes de Droit
Mais, après cinquante ans de négation et d'effacement, le Nolange est-il toujours un
ruisseau au regard du Droit ?
Dans un arrêt du 21 octobre 2011, Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des
Transports et du Logement C/ EARL CINTRAT (requête n° 334-322 publiée au Lebon), le
Conseil d’Etat précise la définition d’un « cours d’eau »...
Le « cours d’eau » est une expression fréquente en droit de l’Environnement, non
seulement au titre des activités dites « IOTA » (soumises à la loi sur l’eau) mais aussi
s’agissant des installations classées. En effet, plusieurs rubriques de la nomenclature des
ICPE imposent aux équipements industriels des précautions vis-à-vis de « cours d’eau »
(une distance minimale).
Encore faut-il savoir ce qu’il convient d’entendre par cours d’eau : peut-il s’agir d’un canal
artificiel, d’un ruisseau ?
rappel :
La Circulaire DE / SDAGF / BDE n°3 du 2 mars 2005 relative à la définition de la
notion de cour d'eau
(...)
La qualification de cours d’eau donnée par la jurisprudence repose essentiellement sur les
deux critères suivants :
 la présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, distinguant ainsi un cours
d’eau d’un canal ou d’un fossé creusé par la main de l’homme mais incluant dans la
définition un cours d’eau naturel à l’origine mais rendu artificiel par la suite, sous
réserve d’en apporter la preuve – ce qui n’est pas forcément aisé - ;
 la permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année apprécié au cas
par cas par le juge en fonction des données climatiques et hydrologiques locales (1)
et à partir de présomptions au nombre desquelles par exemple l’indication du «
cours d’eau » sur une carte IGN (2) ou la mention de sa dénomination sur le
cadastre.
(...) il demeure toutefois essentiel de prendre en compte de façon circonstanciée ces deux
critères majeurs avant de considérer que l’on ne se trouve pas en présence d’un cours
d’eau (...)
La clarification du Conseil d'Etat
Saisi de la légalité d’un arrêté préfectoral qualifiant un ruisseau de « cours d’eau » non
domanial et soumettant à autorisation des prélèvements effectués par un particulier, le
Conseil d’Etat indique que constitue un « cours d’eau » un écoulement d’eaux courantes
dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la
majeure partie de l’année.
En revanche, si la richesse biologique du milieu peut constituer un indice à l’appui de la
qualification de « cours d’eau », l’absence de vie piscicole ne fait pas, par elle-même,
obstacle à cette qualification.
C’est pourquoi un canal artificiel peut être un cours d’eau, lorsqu’il est affecté à
l’écoulement des eaux d’une rivière principale (CE, 26 janvier 1972, req. n° 76.893, sieur
X).
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le ruisseau en question s’écoule depuis une
source située en amont d’un plan d’eau et captée par un busage. Il n’est pas seulement
alimenté par des eaux de ruissellement et de drainage. Si l’eau s’écoule dans des fosses
aménagées dans un talweg, le ruisseau présentait bien, antérieurement à son
réaménagement, un lit naturel comme en attestent des données cartographiques.
L’arrêt EARL Cintrat du 21 octobre 2011 confère une force juridique à la circulaire du
ministère de l'Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005 (Circ. min. Écologie,
2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d'eau), selon laquelle la
qualification de cours d'eau repose essentiellement sur les deux critères vus plus haut.
(...) Les conditions de définition d’un cours d’eau sont donc cumulatives :
 i. Un écoulement d’eau courante originellement naturel, et alimenté par une source,
 ii. Un débit suffisant la majeure partie de l’année.
Toute autre considération n’est pas essentielle à la définition d’un cours d’eau, notamment
la richesse du milieu, le caractère artificialisé du cours d’eau (busé ou canalisé), ou la
circonstance que celui-ci soit domanial ou pas (domaine public ou domaine privé).
Il convient également de retenir de cette décision que la qualification de cours d’eau peut
dépendre d’une recherche d’antériorité impliquant de déterminer si un cours d’eau
artificialisé a antérieurement été naturel (canal artificialisé ou busé par exemple).
Donc, bien heureusement, les outrages infligés au "ruisseau de Nolange" à Saint Gengoux
le National ne lui ont pas ôté la qualité de ruisseau, même au regard du Droit.

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