IEJ - droit commercial 2

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IEJ - droit commercial 2
PRATIQUE DE LA PROCEDURE
COMMERCIALE
Introduction:
Les Tribunaux de Commerce ont une histoire qui a beaucoup influé sur les pratiques
procédurales les concernant.
Il est important d’avoir une vision historique de cette institution pour en apprécier les
spécificités, tout en se rappelant que les Codes de Procédure Civile et de Commerce sont les
références obligatoires en la matière.
Nous aborderons donc au préalable un bref historique des Juridictions Consulaires, pour
aborder ensuite les questions plus précises concernant la procédure commerciale.
I. LES TRIBUNAUX DE COMMERCE
Leur origine :
Les juridictions consulaires sont apparues au 16ème siècle. Elles ont été instituées par des
édits royaux de 1549 pour Toulouse et 1563 pour Paris. Il s’agissait d’une institution
spécifique composée de marchands élus par leurs pairs qui connaissaient des litiges nés à
l’occasion de leurs opérations de commerce.
Les juridictions consulaires ont traversé la Révolution. Le décret du 16 août 1790 laisse
subsister les tribunaux de commerce et étend leur compétence aux affaires maritimes.
Le code de commerce de 1807 a intégré la faillite dans leur compétence.
Au 19ème siècle, un ensemble d’outils juridiques nécessaires au développement de l’industrie
et du commerce ont été créés renforçant la compétence des tribunaux de commerce.
Aujourd’hui :
Les tribunaux de commerce, juridiction civile, sont au cœur de la mise en œuvre des
dispositions législatives à caractère économique et financier.
135 tribunaux de Commerce –(ce qui correspond à la réforme DATI qui en a diminué le
nombre d’une cinquantaine en fusionnant des petits tribunaux de commerce, tout en créant
quelques-uns, là où les affaires commerciales étaient du ressort de chambres commerciales de
TGI, ceci sauf en Alsace- Lorraine où la situation est inchangée).
Les tribunaux de commerce sont composés de juges élus, bénévoles, issus du monde de
l’entreprise, chefs d’entreprise ou cadres dirigeants.
Les juges consulaires sont une exception française.
-1-
Le juge consulaire est directement impliqué dans l’évolution de l’économie et a à connaitre
de nouvelles sources de litiges.
Le cadre historique des relations habituelles entre 2 commerçants se trouve dépassé.
Le parquet constitué de magistrats professionnels siège essentiellement aux audiences de
procédures collectives. Il intervient en matière contentieuse chaque fois que l’ordre public
économique est en jeu. Il forme des avis au nom de l’intérêt général et prend des réquisitions.
Les greffes des tribunaux de commerce sont des sociétés professionnelles indépendantes et
délégataire de la puissance publique avec mission de recevoir, vérifier et diffuser les
informations sur les sociétés telle que prévu par le Code de Commerce.
Les greffiers assistent les juges à l’audience. Ils sont le garant de la procédure en cours
d’instance. Les greffes tiennent le registre du commerce et des sociétés sous le contrôle du
juge.
Demain :
Une réforme des Tribunaux de Commerce est actuellement en discussion et rencontre une
forte opposition de la part de Magistrats Consulaires.
L’échevinage et la mixité ne semblent plus être à l’ordre du jour mais il serait question de
multiplier les juridictions spécialisées et donc de retirer à de « petits » tribunaux, des secteurs
entiers de compétence.
Déjà, à ce jour8 tribunaux sont spécialisés pour connaitre des affaires de concurrence et
ruptures brutales de relations commerciales.
Les juges consulaires
Sont élus par leurs pairs pour une durée probatoire de 2 ans et sont soumis à réélection tous
les 4 ans. Leur mandat est au maximum de 14 ans.
Pour les tribunaux relevant du « Grand Paris » (Paris, Bobigny, Nanterre, Créteil, Evry)
c’est le CIEC (Comité Intersyndical des Élections Consulaires) qui recherche les candidats
présentés par chaque syndicat professionnel, mène une enquête de moralité et fait passer une
épreuve écrite et orale. Chaque Tribunal établit sa liste de candidats à partir des sélections
du CIEC. Le collège électoral est composé des délégués consulaires représentant les
syndicats professionnels, les anciens juges consulaires, et ceux en activité.
Les juges consulaires prêtent le même serment que les magistrats professionnels et se
soumettent aux même règles déontologiques : impartialité, indépendance…
Ils sont issus du monde de l’entreprise : chefs d’entreprise ou cadres dirigeants, ils ont une
expérience économique, ne sont pas tous juristes.
Ils ont l’obligation de suivre une formation délivrée par l’ENM tout au long de leur mandat.
Les juges du Commerce sont bénévoles.
-2-
II – PROCEDURE COMMERCIALE.
1. Compétence du Tribunal de commerce
1.1-Compétence d'attribution
Compétence centrée sur l'exercice du commerce, caractérisée par la notion d'acte de
commerce.
Selon l'article L.721-3 du Code de commerce, trois catégories de litiges entrent dans la
compétence des tribunaux de commerce :
1°) "Contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de
crédit ou entre eux".
Les commerçants sont des personnes physiques ou morales.
Rappels :
-
de nombreux professionnels ne sont pas commerçants (agriculteurs, artisans, etc…) ;
les sociétés commerciales sont réputées commerçantes (tandis que les sociétés civiles
ne sont en principe pas commerçantes) ;
la jurisprudence présume que le commerçant a agi pour les besoins de son commerce
(présomption de commerciabilité).
2°) "Contestations relatives aux sociétés commerciales"
Cette rubrique couvre entre autres :
-
-
les litiges entre une société et un associé (même non commerçant) ;
les litiges relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d'une société
commerciale ;
les cessions d'actions ou de parts sociales ;
(sous l'empire de l'article 631-2° ancien du Code de commerce, la jurisprudence
limitait ce chef de compétence, entre parties non commerçantes, au cas où la cession
d'actions ou de parts sociales emportait la cession de contrôle de la société ;sous
l'empire de l'article 721-2° du Code de commerce, la jurisprudence tend à considérer
que tous les litiges nés de la cession des titres d'une société commerciale relèvent de
la compétence du Tribunal de commerce, ce que critique une partie de la doctrine qui
reste favorable au critère du transfert de contrôle. Cf. Juriscl. Proc. Civ., fasc. 401
n°44 et les références)
extension récente aux litiges mettant en cause des dirigeants de sociétés (même s'ils
ne sont pas commerçants)
3°) "Contestations relatives aux actes de commerce entre toute personnes"
Les actes de commerce sont en principe accomplis par des commerçants, donc déjà couverts
par L.721-3-1° (supra).Toutefois, certains actes sont de nature commerciale même s'ils sont
accomplis par des non commerçants (par exemple : lettre de change, billet à ordre,
cautionnement commercial, opérations sur fond de commerce).
-3-
Cette catégorie est celle spécifiquement visée par L.721-3-3°.
Difficulté particulière : la théorie de l'acte mixte
Il arrive qu'un acte soit commercial pour une partie (par exemple : un commerçant agissant
dans le cadre de son commerce ou une société commerciale) mais civil pour l'autre partie (par
exemple, une partie non commerçante ou un commerçant n'agissant pas pour les besoins de
son commerce).
Solution jurisprudentielle :
-
si l'acte est commercial du côté du demandeur et civil du côté du défendeur : le
tribunal civil est seul compétent ;
si l'acte est civil du côté du demandeur et commercial du côté du défendeur : le
demandeur peut saisir, à son choix, le tribunal civil ou le tribunal de commerce.
1.2-Compétence territoriale
•
•
Droit commun : art. 42 CPC (Tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou de
l'un des défendeurs) et art. 46 CPC (options de compétence en matière contractuelle
ou délictuelle).
Article 48 CPC : Validité des clauses attributives de compétence lorsqu'elles sont
conclues "entre des personnes qui ont toutes contracté en qualité de commerçant"et à
condition qu'elles aient été "spécifiées de manière très apparente" (abondant
contentieux)
Rappel :
-
-
Les exceptions d'incompétence doivent être soulevées "in liminelitis" (art. 74
CPC) et de manière motivée, en indiquant quelle autre juridiction serait
compétente (art. 75 CPC).
Si une exception d'incompétence est soulevée par une partie, le juge ne peut
statuer au fond qu'en mettant préalablement cette partie "en demeure" de
conclure sur le fond (art. 76 CPC). Il a été jugé que cette disposition est
applicable devant le Tribunal de commerce, malgré l'oralité de la procédure
(Civ² 14 novembre 1979, Bull civ. II n°267).
ATTENTION !
Il existe aujourd’hui une exclusivité de compétence de quelques tribunaux de commerce
(fixées par décret) pour certains types de litiges, à savoir :
-
Pratiques anti-concurrentielles, dont ententes et abus de position dominante (cf. article
L.420-7 du Code de commerce)
-
Pratiques restrictives de concurrence dont rupture de relations commerciales établies,
pratiques discriminatoires ou abusives (cf. article L.442-6 du Code de commerce)
Les 8 tribunaux compétents pour l’application des dispositions de l’article 442-6 du Code de
Commerce sont Marseille, Bordeaux, Lille, Fort de France, Lyon, Nancy, Paris, Rennes.
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La Cour d'appel de Paris est seule compétente, en appel, pour ces litiges (art. R.420-5 et 4423 du Code de commerce).
Pour tous ces points merci de vous référer au Décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009ainsi
qu’aux articles R.420-3 et R.420-4 pour les pratiques anti-concurrentielles et R. 442-3 et R.
442-4 pour les pratiques restrictives.
Pour mémoire : en matière internationale, les règles de compétence territoriale au sein de
l'Union Européenne sont posées par le Règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 (qui a
succédé à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968).
2. Spécificités de la procédure commerciale
Trois principaux traits distinctifs :
2.1- Justice consulaire
Les juges ne sont pas des magistrats professionnels. Ils sont des commerçants ou exercent des
responsabilités auseind'entreprises. Ils sont élus par leurs pairs et exercent
gratuitement/gracieusement leurs fonctions de juge consulaire.
Depuis l'origine des tribunaux de commerce (créés à Paris en 1563 par un édit du roi Charles
IX, sous l'influence du chancelier Michel de l'Hospital) : idée d'une justice simple, rapide et
peu onéreuse.
Aujourd'hui, la complexification du droit requiert une formation, une expérience et une
spécialisation accrues des magistrats consulaires.
Perception d'une justice (plus pragmatique) où les faits occupent (par rapport au droit) plus de
place que devant des juges professionnels.
Les statistiques tendant à montrer que la justice consulaire est bien acceptée (faible taux
d'appel).
Le taux d'infirmation des jugements consulaires par les cours d'appel (où les magistrats sont
des professionnels) est également assez faible.
(cf. statistiques du Tribunal de commerce de Paris)
Note :
Dans 3 départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle) le Tribunal de commerce est composé "à l'allemande" :
une chambre du tribunal de grande instance est présidée par un magistrat professionnel entouré de deux
commerçants élus (échevinage).
Il existe une forte réticence des tribunaux de commerce à la généralisation de l'échevinage.
2.2- Pas de représentation obligatoire
Art. 853 CPC : "les parties se défendent elles-mêmes. Elles ont la faculté de se faire assister
ou représenter par toute personne de leur choix. Le représentant, s'il n'est avocat, doit
justifier d'un pouvoir spécial".
-5-
En pratique, devant le tribunal de commerce, les parties se font souvent assister par un
avocat, mais ce n'est pas obligatoire (contrairement au tribunal de grande instance où la
représentation par un avocat est obligatoire).
Une partie peut se présenter elle-même aux audiences ou se faire représenter par un
mandataire (qui devra être muni d'un pouvoir spécial s'il n'est pas avocat).
Note :
La loi du 31 décembre 1971 confère aux avocats le monopole de la représentation et de l'assistance en justice
(article 4). Sauf à enfreindre ce monopole et à méconnaître l'esprit de l'article 853 CPC, la représentation d'une
partie par un non avocat devant le tribunal de commerce ne peut donc être qu'occasionnelle (cf. Rep Proc Civ,
Procédure Commerciale, n°21).
Il est fréquent, en pratique, que deux avocats interviennent :
-
Un avocat (plaidant) ayant la relation directe avec le client, qui n'assiste pas aux
audiences de procédure mais prépare les projets d'actes de procédure et assure la
plaidoirie.
-
Un avocat (mandataire)qui, parfaitement au courant des usages et de la procédure de
la juridiction consulaire, assiste aux audiences de procédure et aide l'avocat plaidant à
conduire la procédure (héritage des anciens agréés auprès des tribunaux de commerce,
profession disparue en 1971).
2.3- Oralité de la procédure
Article 860-1 CPC : "la procédure est orale"
L'acte introductif d'instance (assignation) est écrit et doit contenir, comme toute assignation,
"l'objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit". (art. 56-2° CPC, décret
du 28 décembre 1998).
Art. 856 : l'assignation doit être délivrée 15 jours au moins avant l'audience.
Art. 857 : elle doit être placée (déposée au greffe) 8 jours au moins avant l'audience (sous
peine de caducité).
En pratique, la suite de la procédure s'effectue très souvent sous forme de conclusions, mais
ce n'est pas obligatoire. Les demandes et moyens de défense peuvent être formulés oralement.
Même lorsque des conclusions sont déposées, la procédure reste orale. C'est donc au jour
des plaidoiries que s'apprécie l'ordre des moyens de défense (cf. RépCiv, Procédure
commerciale et les références, n°30).
L'oralité de la procédure ne fait pas exception au principe de la contradiction, qui doit être
observé et préservé (art. 15 et 16 CPC).
Depuis un décret du 1er octobre 2010 relatif aux procédures orales, le juge peut organiser des
échanges d'écritures entre les parties comparantes (art. 446-2 CPC).
Pas de mise en état électronique type "RPVA" au Tribunal de commerce à ce jour (un projet
est en cours).
-6-
3. Procédure au fond
3.1- Instruction de l'affaire
Si l'affaire est simple (et/ou lorsque le défendeur ne comparaît pas), elle peut être renvoyée
pour délibéré dès la première audience.
Le plus souvent, l'affaire est renvoyée à une ou plusieurs audiences ultérieures pour être mise
en état (art. 861 al. 1 CPC).L'affaire peut aussi être renvoyée à un juge qui l'instruira (ibid).
Le décret du 24 décembre 2012 (entré en vigueur le 1er février 2013) a institué le "juge
chargé d'instruire l'affaire" (qui remplace le "juge rapporteur" des textes et de la pratique
antérieurs).
Ce juge n'a pas les mêmes pouvoirs que le juge de la mise en état du Tribunal de grande
instance (il n'a pas, notamment, le pouvoir d'allouer une provision ou d'ordonner une mesure
provisoire – cf. art. 771 CPC pour le JME).
Ses attributions sont fixées par les articles 861-3 à 871 CPC.
Parmi celles-ci :
- Organiser les échanges d'écritures et de pièces (renvoi aux articles 446-2 et 446-3
CPC)
- Ordonner des jonctions / disjonctions d'instance
- Entendre les parties
- Constater une conciliation ou désigner un conciliateur
Et par ordonnance motivée :
- Trancher les difficultés de communication de pièces
- Ordonner (même d'office) des mesures d'instruction
- Constater l'extinction de l'instance
Les ordonnances n'ont pas autorité de chose jugée au principal (art. 867 CPC) et ne sont pas
susceptibles de recours, sauf expertise et extinction de l'instance (art. 868 CPC).
Lorsque l'affaire est en état d'être jugée :
-
-
soit l'affaire est renvoyée pour plaidoirie devant le tribunal. Le juge chargé de
l'instruction (ou le président) fait un rapport oral avant la plaidoirie exposant (de façon
neutre) les demandes et moyens des parties, les questions posées et les éléments
propres à éclairer le débat (art. 870 CPC) ;
soit le juge chargé de l'expertise tient seul l'audience des plaidoiries puis en rend
compte au tribunal dans son délibéré ;il faut pour cela l'accord des parties (art. 871
CPC).
Dans les deux cas, à Paris, les parties sont invitées à transmettre au tribunal leurs conclusions
et leurs pièces (numérotées) 10 jours avant l'audience.
Le débat est plus "interactif" devant le tribunal de commerce que devant le TGI ou la Cour
d'appel.
-7-
Cette pratique (transmission du dossier avant les plaidoiries et rapport du juge en début
d'audience de plaidoiries) est en voie de généralisation depuis les décrets du 20 décembre
2005 (TGI) et du 28 décembre 2010 (Cour d'appel).
A l'issue des plaidoiries, les débats sont clos et l'affaire mise en délibéré. Un jugement motivé
(en droit et en fait) sera prononcé par le Tribunal en audience publique, dans un délai qui est
en pratique (à Paris) de 4 à 10 semaines.
3.2- Place de la conciliation
La recherche d'un accord amiable est souvent recherchée devant le Tribunal de commerce.
Le décret du 1er octobre 2010 (art. 127 et suivants du CPC) encourage la conciliation, qui
entre dans la mission de tout juge (art. 21 CPC).
Une tentative de médiation par un tiers (dans le cadre des articles 131-1 et s. du CPC) peut
aussi être recherchée.
3.3- Appel des jugements du Tribunal de commerce
Les jugements du Tribunal de commerce sont susceptibles d'appel (sauf en-dessous du taux
de 4.000 euros – décret du 30 décembre 2002).
L'appel est porté devant la Cour d'appel de Paris pour les tribunaux de commerce de Paris,
Bobigny et Créteil (la Cour d'appel compétente est celle de Versailles pour les jugements du
Tribunal de commerce de Nanterre).
Rappel :
-
Délai d'appel (article 538 CPC) : 1 mois à compter de la signification du jugement
(par déclaration au greffe de la Cour d'appel).
Délai de contredit (article 82 CPC) : 15 jours à compter du jugement ayant statué sur
la compétence (par déclaration motivée au greffe du tribunal).
Pas de spécificité de l'appel en matière commerciale :
- La représentation par avocat est obligatoire (art. 899 CPC)
- La procédure est écrite (art. 906 CPC)
(La procédure d'appel est sans représentation obligatoire dans certaines matières mais pas en
matière commerciale).
4. Procédure au fond "à bref délai" (article 858 CPC)
Pour accélérer, en cas d'urgence, la procédure au fond, il est possible d'agir "à bref délai".
Cela suppose d'obtenir, sur requête motivée, l'autorisation de réduire les délais de
comparution (moins de 15 jours, voire "d'heure à heure").
Lorsque l'affaire est appelée à l'audience, le tribunal veille au respect des droits de la défense
(Juriscl. Proc. Civ., fasc. 410 n°28).
-8-
En pratique, un renvoi est généralement ordonné pour permettre au défendeur de conclure.
(C'est la différence avec une procédure "à jour fixe" devant le TGI où la première audience
est souvent moins proche de l'assignation, mais où l'affaire est en principe effectivement
plaidée dès cette première audience.)
5. Référés
Procédure rapide, très pratiquée en matière commerciale
Textes généraux applicables à toutes les procédures de référé (articles 484 et suivants du
CPC).
Textes propres à la procédure commerciale :
-
Articles 872 et 873 du CPC (réplique des articles 808 et 809 relatifs aux référés
devant le TGI)
Article L.442.6 du Code de commerce ("référé-concurrence").
5.1- Procédure de référé
Le Président du Tribunal de commerce est saisi en référé par voie d'assignation (le placement
au greffe de l'assignation s'effectue 96h avant la date d'audience au plus tard). Il statue
comme juge unique.
Le juge doit s'assurer qu'il s'est écoulé "un temps suffisant" entre l'assignation et l'audience
pour que le défendeur ait pu préparer sa défense (art. 486 CPC).
La procédure est orale (même si, en pratique, des conclusions sont souvent déposées).
Les affaires sont mises en délibéré rapidement. Possibilité d'ordonnance rendue "sur le
siège".
Rappels :
- Les ordonnances de référé sont provisoires et dépourvues d'autorité de chose jugée au
principal (art. 488 CPC).
- Elles sont susceptibles d'appel (15 jours à compter de la signification).
- Elles sont exécutoires de plein droit : l'appel n'est donc pas suspensif.
La "Passerelle"
L'article 873-1 a consacré la pratique dite de "passerelle" par laquelle le juge des référés, au
lieu de statuer sur la demande dont il est saisi, renvoie l'affaire "à une audience dont il fixe la
date pour qu'il soit statué au fond".
Conditions : il faut qu'une des parties le demande et que l'urgence le justifie (art. 873-1).
Le référé devient alors, en cas d'urgence, un moyen d'introduire l'action au fond.
5.2- Compétence territoriale
Pas de texte spécifique mais validité des clauses d’attribution de compétence et application
des règles de compétence du juge du fond (cf. supra, 1).
-9-
Principe complémentaire : compétence du juge des référés du lieu d'exécution de la mesure
sollicitée (cf. Rep. Com, "référé commercial", n°162).
5.3- Cas généraux de référés
Trois cas généraux de référés :
-
Article 872 (le plus classique)
Article 873 al. 1 (le plus dynamique)
Article 873 al. 2 (référé-provision ou injonction)
a) Référé de l'article 872 CPC
Condition : l'urgence ("dans tous les cas d'urgence")
Mesures susceptibles d'être ordonnées :
- Celles "qui ne se heurtent à aucune contestations sérieuse" (le juge des référés est
juge de l'évidence)
- Celles "que justifient l'existence d'un différend" (même en présence d'une contestation
sérieuse)
Le juge des référés ne tranche pas le différend. Il ordonne des mesures telles qu'un séquestre,
la désignation d'un administrateur judiciaire de société, etc…
b) Référé de l'article 873 al. 1 CPC
Ce cas de référé suppose implicitement l'urgence.
Il est ouvert "même en cas de contestation sérieuse".
Il vise à obtenir des "mesures conservatoires ou de remises en état", dans 2 hypothèses :
-
"pour prévenir un dommage imminent"
Exemples :
• Exécution d'une commande (Com. 26 fév.1991)
• Suspension d'une obligation douteuse (Com, 2 février 1993)
• Poursuite d'une relation commerciale rompue brutalement (L442-6-1.50 du
Code de commerce)
ou
-
"pour faire cesser un trouble manifestement illicite"
Exemples :
• Cessation d'une publicité prohibée (Com, 19 janvier 1998)
• Gel d'une violation de clause de non-concurrence (Com, 28 septembre 2010)
c) Référé de l'article 873 al. 2 CPC
Ici, le juge tranche provisoirement le litige, en accordant une "provision" au créancier ou en
ordonnant "l'exécution d'une obligation" (de faire ou de ne pas faire).
Condition : "absence de contestation sérieuse" sur l'existence de l'obligation
- 10 -
Pas de condition d'urgence (sauf en présence d'une clause d'arbitrage).
Possibilité d'une provision "à 100%".
5.4- Référé de l'article 145 CPC
L'article 145 CPC permet d'établir avant tout procès ("in futurum") la preuve de faits dont
dépend la solution du litige.
Ce texte n'est pas spécifique à la matière commerciale ; il est couramment pratiqué devant le
tribunal de commerce.
Cela peut prendre la forme d'un référé ou d'une procédure sur requête (cf. infra).
Conditions d'exercice :
- Saisine du juge "avant tout procès"
- Existence d'un motif légitime (un litige plausible doit exister ; les faits à établir
doivent être pertinents et utiles)
Exemples :
• Mesure de constat d'huissier ou d'expertise
• Production forcée de documents par une partie ou un tiers
5.5- Référés spécifiques au tribunal de commerce :
•
Référé de L.442-6 C. Com., applicable aux pratiques respectives de concurrence.
Ce texte prévoit l'intervention du juge des référés "pour ordonner, ou sous astreinte,
la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire"
Il faut se poser la question de savoir si ce référé est autonome par rapport aux référés
de droit commun ?
Réponse jurisprudentielle négative (Com, 27 juin 1989 : "le jugene peut ordonner les
mesures prévues par ce texte que si les conditions fixées aux articles (…) 872 ou 873
CPC sont remplies"- cf. Rep. Com., Référé commercial, n°75 et s.)
•
D'autres textes du Code de Commerce ou des sociétés prévoient des référés spéciaux.
Exemple : droit des sociétés (nomination d'un organe ou d'un mandataire dans les cas
prévus par différents articles du Code de commerce).
Les conditions générales du référé ne sont alors pas applicables.
Attention!"En la forme des référés" (art. 492-1 CPC)
Certains textes prévoient que le juge statue "en la forme des référés" ou "comme en matière
de référé".
Par exemple :
-
Article 1843-4 C.civ. : pour la détermination de la valeur des droits sociaux d'un
associé, nomination d'un expert par ordonnance du président du tribunal statuant en la
forme des référés et sans recours possible.
- 11 -
-
Article R. 823-5 C.com : le tribunal de commerce statue en la forme des référés sur la
récusation ou le relèvement de fonctions d'un commissaire aux comptes.
Il ne s'agit pas véritablement d'un référé : les règles du référé s'appliquent pour la saisine du
juge et le déroulement de l'instance, mais le juge est juge du fond (art. 492-1 CPC).
La décision du juge a l'autorité de la chose jugée (comme un jugement au fond). Elle est
exécutoire à titre provisoire (comme une ordonnance de référé). Elle est parfois sans recours
(exemple de l'article 1843-4 C.civ.).
Le décret du 1er septembre 2011 a précisé le régime de ces ordonnances à l'article 492-1 CPC.
6. Requêtes
Une ordonnance peut être rendue sur requête par le Président du Tribunal de commerce, au
terme d'une procédure non contradictoire.
Un effet de surprise est recherché : Art. 875 CPC : "dans les limites de la compétence du
tribunal" et "lorsque les circonstances exigent que des mesures urgentes ne soient pas prises
contradictoirement".
Application du droit commun des ordonnances sur requête (art. 493 et s. CPC).
La voie de recours est la procédure de référé, qui est ouverte à ceux à qui l'ordonnance sur
requête fait grief (art. 496 CPC).On parle d'un "référé-rétractation".
Saisi en référé, le juge peut rétracter ou modifier son ordonnance, même si le juge de fond est
saisi de l'affaire (art. 497 CPC).
Exemples d'ordonnances sur requête :
- mesures d'instruction "in futurum" de l'article 145 (constat d'huissier, production de
pièces, etc…)
- Saisies conservatoires de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991. L'article 69 al. 1 de
cette loi donne compétence au tribunal de commerce pour ordonner avant tout procès
une saisie conservatoire. Conditions : justifier d'une créance (i) relevant de la
compétence commerciale, (ii) "paraissant fondée en son principe" et (iii) "menacée
dans son recouvrement".Exemple : saisie conservatoire de créance, de biens meubles
corporels, de droits sociaux ou de valeurs mobilières ; hypothèque judiciaire
provisoire ; nantissement judiciaire de fonds de commerce)
7. Procédure d'injonction de payer (art. 1405 et s. CPC)
Cette procédure permet à un créancier dont la créance porte sur une somme d'argent, d'obtenir
rapidement un titre exécutoire, lorsqu'il n'a pas été réglé amiablement après une mise en
demeure.
Il faut que la créance :
-
résulte d'un contrat ou d'une obligation légale et son montant est déterminé ;
ou qu'elle résulte d'une lettre de change, d'un billet à ordre, de l'acceptation d'une
cession de créance professionnelle (Loi Dailly du 2 janvier 1981).
- 12 -
La demande de recouvrement est formée par une requête, remise ou adressée au greffe du
tribunal de commerce par le créancier ou tout mandataire (art. 1407 CPC).
Cette requête pourra entraîner (art. 1409 CPC) :
- son rejet par le juge si au vu des pièces produites, la demande lui paraît infondée ;
cette décision est sans recours.
- son admission totale ou partielle, par une ordonnance portant injonction de payer.
L'ordonnance d'injonction de payer est non-avenue si elle n'a pas été signifiée dans les 6
mois.
Dans le mois suivant la signification, le débiteur dispose d'un droit d'opposition (article 1412
CPC) qui lui permet de faire valoir tout moyen de défense. Il peut contester le bien-fondé de
la demande de paiement (en son principe / en son montant) ou sa recevabilité (dont la
compétence de la juridiction qui a rendu l'ordonnance).
La procédure devient alors contradictoire et débouche sur un jugement.
*
*
- 13 -
*
LA RUPTURE ABUSIVE DES RELATIONS CONTRACTUELLES
Le fondement des relations contractuelles reste le contrat.
Qu’il soit à durée déterminée ou indéterminé, il peut intégrer un terme conventionnel mais
également faire l’objet d’une rupture à l’initiative de l’une des parties.
Cette rupture unilatérale peut intervenir de façon brusque voire imprévisible et avec une
durée de préavis variable, voire inexistante.
Dans ces cas – qui sont souvent la résultante d’un conflit – la partie qui subit la rupture peut
voir son activité menacée, les cas les plus extrêmes pouvant même entrainer la disparition
pure et simple.
Ainsi, la rupture abusive ou brutale est souvent lourde de conséquences et suscite un vif débat
contentieux, aujourd’hui encadré par l’application des textes spécifiques et plus
particulièrement les dispositions de l’article L.442-6-1.5° du Code de Commerce et pour le
présent sujet, les dispositions légales prévoient les conditions de mise en cause de la
responsabilité pour les faits suivants :
5°/ De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie,
sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et
respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du
commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale
porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale
de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni
sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre
chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant
compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les
conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur
durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation
sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de
force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en
concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de
celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la
durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres
cas ;.
Pour évoquer cette question, et aborder les réponses jurisprudentielles, nous aborderons au
préalable la définition des relations contractuelles établies, pour ensuite rappeler les textes en
vigueur et les conséquences d’une rupture abusive.
I – LES RELATIONS CONTRACTUELLES ETABLIES.
L'article L. 442-6-I.5° du Code de commerce s'applique à toutes les relations d'affaires quelle
que soit la qualité des professionnels engagés : peu importe que les partenaires économiques
soient producteurs, commerçants, industriels ou artisans.
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Par ailleurs, dans la mesure où le texte ne fait aucune distinction, il permet de sanctionner –
par exemple - aussi bien le distributeur qui souhaite changer de fournisseur que le fournisseur
qui souhaite changer de distributeur.
L'objet de la relation d'affaires est sans importance : il peut aussi bien s'agir de vente de
produits que de fourniture de services ou d'accord de sous-traitance.(Chambre commerciale, 23
avril 2003, n° 01-11.664).
Par ailleurs, et bien que le terme " commerciale " soit expressément utilisé pour qualifier la
relation unissant les professionnels, les dispositions du Code de commerce sont applicables
tant aux relations industrielles qu'aux activités commerciales.(Cour d'appel de Lyon, 15 mars 2002,
Cah. dr. entr. 2002, n° 5).
Est même admis comme auteur de la rupture un professionnel qui exerce une activité dans la
sphère concurrentielle (Cass. com., 14 septembre 2010 n°09-14322).
De plus, s’agissant de la victime de la rupture, la loi n’en donne aucune définition. Ainsi,
peuvent avoir potentiellement la qualité de victime tous agents économiques ayant entretenu
des relations d’affaires (peu importe l’objet et la nature de l’activité exercée) avec l’une des
personnes précitées par le texte de loi. La seule exigence concernant la victime est qu’elle soit
partie à une relation d’affaire, ce qui écarte nécessairement les relations entre professionnels
et consommateurs.
En revanche, les relations commerciales rompues doivent être des relations "établies".
L'article L. 442-6-I.5° ne fait aucune distinction entre les relations commerciales
contractuelles et les autres.(Cour d'appel de Paris, 1er décembre 2004, Lettre distrib., juin
2005).
Par conséquent, la réglementation est applicable à toute relation commerciale qu'elle
soit précontractuelle, contractuelle, postcontractuelle ou simplement informelle.
Pour déterminer si une relation commerciale peut ou non être qualifiée d'établie, notamment
en l'absence de toute convention, la jurisprudence prend en compte plusieurs critères tels que
la durée des relations entre les partenaires, la continuité de celles-ci ou encore l'importance et
l'évolution du chiffre d'affaires réalisé ; l'ensemble de ces critères constituent des indices
quant à l'existence et la qualité de la relation commerciale.
Cependant, le critère de la durée reste souvent prépondérant. En effet, une relation peut aussi
bien s'établir par un contrat unique de longue durée que par plusieurs contrats échelonnés sur
une longue période. Une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour conclure à
l'existence d'une relation commerciale établie.(Cass, com 15 septembre 2009, n°08-19.2009).
Cette solution logique permet ainsi de lutter contre l'habitude prise par certains distributeurs
de dénoncer systématiquement, quelques semaines avant leur renégociation pour l'année
suivante, les contrats qui les lient avec leurs fournisseurs.
Néanmoins, il a, par exemple, été estimé qu'il n'y avait pas de relation établie entre deux
sociétés qui avaient entretenu des relations d'affaires pendant douze ans, sans que leur accord
ait été formalisé, dès lors que durant cette période, le volume des transactions entre les parties
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avait varié et avait même été nul au cours de l'avant dernière année.(Cour d'appel de Douai, 2
mai 2006, JurisData n° 2006-305035).
II – LA RUPTURE ABUSIVE.
Nous allons évoquer les conséquences, tant de la rupture totale que de la rupture partielle des
relations commerciales.
Si la rupture totale se traduit généralement par une cessation pure et simple de la relation
contractuelle (résiliation ou non-renouvellement d'un contrat), la rupture partielle peut revêtir
de nombreuses formes.
Elle peut, par exemple, résulter :
d'un changement d'organisation dans le mode de distribution d'un fournisseur.
(Chambre commerciale, 17 mars 2004, n° 02-14.751)
d'une réduction significative du courant d'affaires.(Cour d'appel de Paris, 28 octobre 2005,
JurisData n° 2005-284109)
d'une modification des conditions tarifaires d'une hausse des prix sans préavis du
fournisseur alors qu'il pratiquait des prix spéciaux à ses acheteurs ou plus
généralement d'une modification unilatérale et substantielle des conditions d'un
contrat.(Cour d'appel de Nîmes, 15 septembre 2005, Lettre distrib., janv. 2006, Cass. Com., 6 février
2007, n° 04-13.178 et Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2001, n° 99-15368)
En tout état de cause, l'application des dispositions du Code de commerce n'est pas
subordonnée au motif de la rupture. En effet, le texte n'exige nullement que la rupture soit
motivée.
Rappelons que même si elle n’apparaît pas clairement dans le Code civil, la liberté
contractuelle constitue le principe fondateur du droit des contrats.
La possibilité de changer librement de partenaire est nécessaire au bon fonctionnement d’une
économie de marché et constitue un aspect fondamental de la liberté économique ainsi que du
principe de libre concurrence.
Ce principe est inclus dans notre droit positif qui, en dehors des cas spéciaux, n’indemnise
pas le professionnel du fait même de la cessation des relations contractuelles.
Par conséquent, ce n'est pas la cause de la rupture qui engage la responsabilité de son
auteur mais bel et bien le caractère brutal de la fin des relations commerciales.
Depuis la loi Galland du 1er juillet 1996, l’article L. 442-6-I-5° du Code du commerce
permet de sanctionner toute rupture brutale réalisée sans préavis d’une durée suffisante.
II-1) La condition d’application : la brutalité de la rupture
Depuis la loi du 1er juillet 1996, l'article L. 442-6-I-5° s'applique à la rupture totale mais
aussi à la rupture partielle des relations commerciales.
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En principe, la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée peut intervenir à tout
moment, sauf mauvaise foi.
Or, l’auteur de la rupture est tenu d’accorder à son cocontractant un préavis suffisant avant la
cessation des relations.
La durée de ce préavis sera fonction du temps écoulé depuis la conclusion du contrat, et
ce,afin de permettre à l’autre partie de se réorganiser (CA Paris, 20 décembre 2007, n°06-1841).
Le délai ne va commencer à courir qu’à partir de l’envoi d’un écrit, puisque le texte exige un
préavis écrit.
Si le contrat ne prévoit pas de préavis, le délai peut être fixé dans un contrat-type ou un
accord interprofessionnel et, à défaut, c’est à la partie de calculer elle-même la durée du
préavis qu’elle entend soumettre.
La partie à l’initiative de la rupture a tout intérêt à prendre d’autres facteurs en compte en
plus de la durée des relations commerciales.
La loi ne prévoit que deux hypothèses où la résiliation peut intervenir sans préavis :
l’inexécution par l’autre partie de ses obligations et la force majeure.
II- 2) Le régime de la rupture abusive des relations contractuelles
A) Une responsabilité délictuelle
Par plusieurs arrêts, la Cour de cassation a tranché en faveur d’une responsabilité délictuelle,
même lorsque l’on se trouve dans un cadre contractuel (Cass. com., 6 février 2007, n°03-20463 et
Cass.com., 13 janvier 2009, n°08-13971).
Elle admet que « le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne
immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une
relation commerciale établie, sans préavis écrit…, engage la responsabilité délictuelle de son
auteur ».
Ainsi, la Cour de cassation autorise un cocontractant à exercer une action
extracontractuelle pour obtenir réparation du préjudice subi à l’occasion de l’exécution
d’un contrat.
Ceci s’explique par le fait que l’indemnisation accordée à la victime d’une rupture brutale n’a
pas vocation à réparer le dommage né de l’inexécution ou de la violation des obligations du
contrat, mais celui lié au caractère brutal de la rupture.
En conséquence, la nature délictuelle de l’action conduit à rendre inefficaces des clauses
contractuelles et notamment celles attributives de juridiction.
Aux termes de l’article 46 du Nouveau Code de procédure civile, le demandeur peut
saisir soit la juridiction du lieu où le défendeur a son domicile ou siège social, soit celle
du lieu du fait dommageable, soit celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
La Cour de cassation (Ch. com., 6 octobre 2005, n°03-20187) a jugé que lorsque le dommage
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équivaut à la cessation d’activité suite aux difficultés financières issues de la rupture brutale
des relations commerciales, le lieu où il a été subi est celui où s’exerçait l’activité qui a pris
fin et non le lieu où la décision de rupture a été prise.
B) Détermination du caractère brutal de la rupture.
Le fait que le délai de préavis suffisant soit apprécié souverainement par les juges du fond est
source d’insécurité juridique.
En effet, il est très difficile de déterminer en fonction des circonstances quel délai peut être
considéré comme le juste délai.
On peut effectuer une comparaison en matière de prix : s’il est très facile de dire quand un
prix est manifestement excessif, il est beaucoup plus difficile de dire quel serait le prix le plus
juste.
Ainsi, les décisions prises par les juges du fond sont parfois divergentes selon les situations.
Par exemple, une Cour d’Appel a retenu la validité d’un préavis de 3 mois dans un cadre
contractuel. (Cour d'appel de Lyon, 8 janvier 2009, 07/07870)
Dans un arrêt « SAS Nestlé France c/ SAS Charles », la chambre commerciale de la Cour de
cassation a apporté de nouvelles précisions sur le point de départ de la durée des relations
commerciales établies.(Com. - 25 septembre 2012. n° 11-24.301 NESTLE France c/ Société Charles)
Une relation commerciale existait depuis 1991 entre un distributeur (la société Charles) et la
société Nestlé Maroc sans qu’aucun contrat écrit n’ait jamais été conclu entre les deux
sociétés.
En 2003, douze ans plus tard, la société Charles a conclu avec la société Nestlé France un
accord de distribution exclusive d’une durée de trois ans, renouvelable par tacite
reconduction et résiliable avec un préavis de 12 mois.
En janvier 2008, Nestlé France a dénoncé ce contrat en respectant le préavis contractuel de 12
mois.
Pourtant, le distributeur a décidé d’assigner Nestlé France en paiement de dommages et
intérêts pour rupture abusive et brutale des relations commerciales établies.
Par cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que la relation commerciale entre les deux
sociétés avait débuté en 1991 (et non en 2003) et que dès lors, le préavis contractuel de 12
mois était insuffisant.
Elle s’est notamment basée sur la référence dans le préambule du contrat aux relations
antérieures entre le distributeur et Nestlé Maroc et sur le fait que le contrat portait sur les
mêmes produits, ceci alors même que Nestlé Maroc et Nestlé France sont bien des personnes
morales juridiquement distinctes.
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Nestlé France a donc été condamnée au paiement de 450 000 € à titre de dommages-intérêts.
Mais dans tous les cas l’appréciation des Juridictions intègrera les spécificités de l’historique
des relations contractuelles.
C) Indemnisation du préjudice.
En ce qui concerne l’évaluation du préjudice, ce n’est pas la rupture en elle-même qui est
sanctionnée, mais les circonstances qui l’entourent.
Ainsi, la partie qui subit la rupture ne peut obtenir réparation que du préjudice entrainé par le
caractère brutal de la rupture.
Le préjudice indemnisable devrait alors être calculé de la manière suivante : multiplication de
la période de préavis qui aurait dû être donnée par la moyenne du bénéfice réalisé
antérieurement à la rupture. (Cour d'appel d'Amiens, 15 juin 2004, JurisData n° 2004-247709).
En pratique, cependant, force est de constater que les juges accordent parfois à la " victime "
des dommages et intérêts au-delà de la seule perte résultant directement de la brutalité de la
rupture.
Selon les circonstances, les tribunaux peuvent ainsi estimer que l'indemnisation de la victime
s'étend aux pertes annexes (amortissements, charges d'exploitation, coût des licenciements,
fermeture des locaux, pertes de stocks programmés...), ceci afin de tenir compte des coûts dus
à la désorganisation de l'activité ou à l'impossibilité de récupérer certainsinvestissements.
Par ailleurs, il arrive fréquemment que la partie qui se prétend victime d'une brusque rupture
invoque l'existence d'une situation de dépendance économique pour réclamer des dommages
et intérêts complémentaires.
Dans ces hypothèses, les magistrats sont amenés à apprécier concurremment l'infraction de
rupture abusive des relations commerciales établies avec l'abus de dépendance économique et
nombreuses sont les décisions qui s'attachent à ce contexte d'état de dépendance pour mieux
marquer le caractère brutal de la rupture.
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