Alexis Savelief - Orchestre symphonique de Bretagne
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Alexis Savelief - Orchestre symphonique de Bretagne
Friedrich Wilhelm Murnau (1888-1931) Nosferatu, « Eine Symphonie des Grauens » (une symphonie de l’horreur) Musique d’Alexis Savelief (1987) Film mythique du cinéma muet allemand, Nosferatu a été réalisé en 1921 par Friedrich Wilhelm Murnau. Rappelons le début du synopsis. En 1838, à Wisborg, en Suède, Hutter est marié à Ellen. Hutter est envoyé par son directeur dans les Carpates afin de rencontrer le Comte Orlock (Nosferatu), désireux d’acheter une maison à Wisborg. Arrivé sur place, les personnes de la taverne lui déconseillent de rendre une visite tardive au comte. Dans sa chambre, il feuillette le livre consacré aux vampires. Le lendemain, il se rend à la demeure du comte qui lui offre à dîner. Hutter se coupe. Il se réveillera avec deux morsures à son cou… Le Monde ne sera sauvé que par la pureté de la femme de Hutter. Le nom des personnages et des lieux diffère entre les versions allemande et française. Aux origines de Nosferatu Nosferatu est une adaptation du Dracula de l’écrivain britannique Bram Stoker (1847-1912). Auteur principalement de nouvelles, il fit publier son roman en 1897. Stoker s’inspira à la fois du jeu d’un célèbre acteur londonien, Henry Irving, et des études d’un orientaliste hongrois du nom d’Armin Vambery. Il puisa aussi dans quelques romans consacrés, déjà, aux vampires. L’ouvrage est d’autant plus réussi que l’auteur fit des recherches approfondies sur les folklores de Transylvanie (où il n’alla jamais). Malheureusement, Stocker mourut avant de connaître la gloire avec son Dracula. Le dramaturge Hamilton Deane en acheta les droits à sa veuve. Une idée de génie car l’Angleterre restait encore traumatisée par le souvenir des meurtres de Jack l’Eventreur ! L’adaptation de Murnau L’histoire de Dracula fascina les courants littéraires du début du XXe siècle et tout autant les cinéastes du muet, qui s’en emparèrent. Aucun, pourtant, ne réalisa un film comparable au chef-d’œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau (1888-1931). Dans les années vingt, aux côtés de Fritz Lang et de Georg Wilhelm Pabst, le réalisateur imposa un style et une esthétique personnels au point que les américains l’engagèrent. A Hollywood, il réalisa l’un des plus grands films du cinéma, L’Aurore (Sunrise, 1927) qui obtint trois Oscars en 1929. Homme de théâtre avant tout, Murnau (de son vrai nom Friedrich Plumpe) avait été assistant de Max Reinhardt, le plus célèbre metteur en scène de Berlin. Dans Nosferatu, Murnau ne cherche pas à donner un sens moral – la lutte du Bien contre le Mal – à son film. Il montre simplement l’aspiration (au sens propre et figuré !) de la vie par une force irrépressible, force devant disparaître pour que l’équilibre soit préservé sur Terre. Pourtant, si Nosferatu suscite l’effroi, son personnage se révèle complexe. Il suggère en effet la compassion, la pitié, une ambivalence subtile : Nosferatu serait le double de Hutter. Ce jeu se présente déjà dans L’Etrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde, roman de Robert Louis Stevenson publié en 1886 et dont on sait la fortune qu’il connaîtra quelques décennies plus tard au cinéma… Murnau en réalisa une adaptation en 1920 avec son film Le Crime du Docteur Warren. Murnau possède une vision aussi précise qu’attachante du roman de Stoker. Il ne cherche pas à en trahir la veine romantique. La magie des décors naturels (une partie du tournage eut lieu en Allemagne et en Tchécoslovaquie), la recréation d’un château et de son atmosphère mystérieuse fascinent d’autant plus que le réalisateur joue de la profondeur de champ et d’un éclairage complexe. Il résout le problème de la sensibilité des pellicules en colorant les séquences de nuit en bleu et celles, de jour, en sépia. Peu de cartons de dialogues sont insérés dans les séquences, ce qui laisse davantage de liberté à l’imagination du spectateur. Dans ce film, Murnau prend ses distances avec l’esthétique expressionniste qui s’impose à la même époque, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Etonnant paradoxe, car le réalisateur est considéré comme un maître du cinéma expressionniste ! Quelques soient les esthétiques dans lesquelles baigneront ses films, il montre une tendresse profonde pour ses personnages et une obsession pour la Nature dont il magnifie la beauté. La partition d’Alexis Savelief Alexis Savelief évoque sa fascination pour le film. « Deux passions : la musique, et le cinéma. Un intérêt pour les vampires. C'est donc sans surprise que Nosferatu, Une Symphonie de l'Horreur, ce chef-d'œuvre de Friedrich Wilhelm Murnau m'a rapidement traversé l'esprit lorsque j'étais à la recherche d'un film muet à mettre en musique. C'était en 2004. Il m'aura fallu presque deux ans pour terminer la partition, deux ans à vivre en coloc' avec Nosferatu, entre musique et baccalauréat. Mais plus je me plongeais dans le film, plus j'en appréciais la richesse, et comprenais comment ce film avait pu influencer à un tel point quantité de réalisations ultérieures. La partition originale, composée par Hans Erdmann, étant perdue, de très nombreux artistes entreprirent de lui redonner une vie musicale, mais par chance pour moi, aucune (à ma connaissance) dans un style proche du mien, la plupart étant des improvisations ou des musiques électroniques. Quant aux DVD arborant soi-disant la partition originale, je me permets de signaler que la partition de Hans Erdmann a été perdue dans son état d'origine. En revanche, une suite d'orchestre (deux en fait) a été retrouvée, laquelle a servi à « reconstituer » la partition du film, en la complétant avec d'autres œuvres du même compositeur, et même de compositeurs différents ! Les intentions d'origine ne sont donc pas forcément conservées. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les deux reconstitutions différentes : celle de Gillian B. Anderson, et celle de Berndt Heller, reconstitutions très différentes… Le projet, pour octuor de violoncelles, trois synthétiseurs et deux percussionnistes, intéressa l’Octuor de Violoncelles de Beauvais, qui en assura la création en 2006 et 2007 avec l’ensemble 2e2m, dirigés par Pierre Roullier. Dès l’année suivante, Bernard Cavanna me demanda d’en tirer une suite pour grand orchestre symphonique, tandis que Jean-Louis Forestier m’en commanda une nouvelle version, dans laquelle les huit violoncelles seraient remplacés par un ensemble de huit cordes. Prévue pour être créée en Australie, cette version fut en fin de compte présentée au public en mars 2011, sous la direction de Jean-Louis Forestier ». Fiche technique Réalisation : Friedrich Wilhelm Murnau Production : Albin Grau et Enrico Dieckmann pour Prana-Film GmbH, Berlin Scénario : Henrik Galeen Acteurs : Max Schreck (Comte Orlok / Nosferatu), Gustav von Wangenheim (Hutter), Greta Schröder (Ellen Hutter), Ruth Landshoff (Lucy Westrenka), Alexander Granach (Knock Makler), G.H. Schnell (Harding) Directeur de la photographie : Fritz Arno Wagner Décors et costumes : Albin Grau Cadreur : Günther Krampf Musique : Alexis Savelief Musique originale (en partie perdue) : Hans Erdmann Lieu de tournage en intérieur : Jofa-Atelier Berlin-Johannisthal Lieux de tournage en extérieur : Wismar, Lübeck (Salzspeicher), Lauenburg, Rostock, Helgoland, Château d’Oravsky (Carpates), etc. Pour approfondir l’étude de la partition : http://alexissavelief.free.fr/fr/pdf/nosferatu-dossier-explicatif.pdf A voir Nosferatu en DVD