BOCQUART MAËL nosferatu
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BOCQUART MAËL nosferatu
BOCQUART MAËL « NOSFERATU : Costumes et vêtements - au service du fantastique et de l’esthétique annonciatrice » Nosferatu , Eine Symphonie des Grauens , œuvre emblématique et particulière du courant expressionniste allemand , est aussi une adaptation du célèbre Dracula de Bram Stoker.Le vampire est alors au cœur de l’intrigue , et le film en plein dans le genre de l’imaginaire et du fantastique.Parmi les éléments visuels du film , les costumes et les vêtements apportent au fantastique du film un apport considérable.Nous pouvons voir que ceux-ci nous donnent en premier lieu de nombreuses informations sur les personnages , se referant à des œuvres connus , tout en étant en même temps annonciateurs de l intrigue elle-même , traduisant les notions imprégnés dans le film. NOSFERATU, L’APPARENCE D’UN MAL ANNONCE Le Comte Orlok existe seulement pendant qu’il est coiffé d’une toque , premier signe de marginalité par rapport au style allemand .Sorte de coiffe bourgeoise , elle ne sert qu’a montrer une certaine élégance de la part du comte , montrant aussi l’environnement froid, tout en gardant un certain suspense sur la forme de sa tête.Le comte adopte également un style civil opposé à celui d’Hutter et de ses contemporains.En effet son manteau fermé avec un col qui ne sort pas de la veste ,contrairement a la chemise à jabot donne le sentiment d’un personnage introverti ou cachant un secret.C’est un genre d’uniforme qui peut rappeler une aristocratie militaire , dans une tradition de violence ou alors de prêtre rituel ( dévoué à un culte malfaisant ?).Le comte apparaît tout de même comme quelqu’un de propre sur soi, vivant dans un milieu froid (agressif) dont l’habit rappelle les boutonnières croisés typiquement allemand mais en trouvant sa propre originalité dans la sobriété.Ce personnage atypique devient alors après le Nosferatu le vampire, décoiffé, à nu .La vrai réalité s’applique. Ce nouveau statut donne beaucoup à dire sur ses vêtements. Sur la forme d’abord, il faut noter cette raideur des habits qui renvoie à une notion de mort, de rigidité cadavérique.Murnau, « le montreur d’ombre », se sert de ce vêtement près du corps pour justement marquer et dessiner ses ombres plus fortement avec la volonté que l’on reconnaisse le personnage distinctement, même à travers ces déformations dues à la position de la lumière. Le double porté au mur est alors un deuxième personnage, plus énigmatique, plus agressif qui suit notre vampire.Son apparence, construite en lignes verticales, est brisé à chaque fois par la courbure d’un bras replié ou d’une jambe avancée.Il se confond avec les lignes architecturales des décors et lieux tout en pouvant les briser sans difficultés.Nous pensons alors aux lignes du Déméter (le navire qui amène Nosferatu dans la ville), aux formes des portes et autres constructions du château. Il est complètement intégré dans l’univers qui l’entoure , mais surgit de ce milieu sans mal.L’agressivité , la peur réside dans le quotidien (l’ UnHeimlich) .Nosferatu , avec ses griffes ,transparent , est presque sans substance , presque un fantôme .Son habit noir ,referant au deuil, à la mort, contraste avec la blancheur de ses mains ,de son visage, et de la brillance de ses yeux encerclés de noir.Le contraste brutal nous rappelle ici l’expressionnisme allemand, ainsi que le font la brisure des lignes.L’angoisse et le repli ,propre à l’expressionnisme , apporte au fantastique de la rencontre d’Hutter et du Nosferatu. . En relevant peu à peu les styles de vêtements rencontrés progressivement par Hutter dans son voyage ,nous nous rendons compte que l’on quitte un univers provincial et bourgeois de 1830 , qui se métamorphose en un monde habité par la mort et la dévastation.La sobriété du Nosferatu fait écho au paysage minéral et sans vie où il vit , tandis que l’excentricité , l’élégance voulu d’Hutter accompagne la nature débordante de sa ville.Les animaux même s’habillent dans le fantastique de Murnau .La voiture qui emmène Hutter au château d’Orlok est tiré par des chevaux parés de noir , dégageant une aura apocalyptique , démoniaque , mais aussi guerrière.Ils font corps avec leur « cavalier » lui aussi en noir , sorte de copie de Nosferatu , passeur des vivants dans le monde des morts.Ils font tous ainsi parti d’une même communauté ( comme le sont les cavaliers et chevaux blancs du Ku Klux Klan ) , d’un monde effrayant .Ce noir omniprésent, insécurisant et absorbant, fait corps avec la nuit , environnement idéal du vampire , mais aussi de l’imaginaire fantastique , de l’ombre , des cauchemars.Il tend vers le deuil (celui des victimes de la soi-disante peste mais aussi d’Ellen) et les forces obscures ,occultes.Le vêtement de Nosferatu annonce des le début la mort , l’angoisse par ses couleurs et son style . Le rapport de force qui s’opère entre lui et les décors qu’ils traversent, nouveaux terrains de jeu, annonce également l’emprise maléfique, déstabilisante et destructrice qu’il aura sur la ville d’Hutter et sur Ellen. ELLEN, LE DESIR ET LE SACRIFICE Tout d’abord, l’évidence d’un contraste entre Ellen et Nosferatu saute aux yeux.Dans une robe blanche , elle est totalement en opposition au noir du vampire.Cette blancheur a plusieurs raisons.Elle admet la pureté, l’érotisme, le désir.En effet il s’émane de la rencontre entre le vampire et la belle d’Hutter un érotisme fort lui-même lié à l’instinct de mort.La presque transparence de son vêtement peut être comparé a un linceul mortuaire mais aussi a une nuisette nuptiale.La mort et l’accomplissement d’un acte physique d’amour se mêle .Dans la nuit , la robe blanche d’Ellen devient objet de tous regards ,de tous points convergents , de tous désirs.Au contraire de Nosferatu , cette robe est assez ample , elle respire la vie (par sa mobilité ) et en même temps la mort.Elle ressemble également a ces sacrifiées , données en offrande aux forces divines pour calmer leur colère ou s’attirer leurs bonnes grâces.Ici elle se donne au vampire , accomplissant les désirs de celui-ci ,se sacrifiant également pour la ville.Dans de nombreuses cultures , le blanc est associé aux rites funéraires .Dans la religion chrétienne le blanc porté par les enfants lors de leur communion ou de leur décès marque le fait que rien n’ait été accompli .Ellen se prépare elle-même à sa mort.Le fait que cette robe mette en valeur le cou d’Ellen ,le dénudant généreusement ,n’est pas anodin.De plus elle est souvent la tête vers le haut , annonçant au vampire son accord de l’union ,de la morsure dans son cou.Cette morsure , baiser légèrement déplacé mais n’étant pas pour autant moins érotique est un signe de vie en ébullition et pourtant ils meurent tous deux.Ceci nous était annoncé au début car elle était habillé sombrement ( encore le deuil ) mais elle a évolué en même temps que les autres personnages .Elle devient l’équilibre des deux forces du film , Nosferatu ( la mort vivifiante ) et Hutter ( la vie morte dans le sens dépouillée d’intérêts dans sa conventionalité ). Le blanc est une figuration d’une chasteté morale et physique .Elle est dévouée à l amour pour son mari mais l’appel des ténèbres et le désir de le sauver l’amène à un amour corrompu .Le sang pris par le vampire donc le rouge accompagné du blanc de la robe d’Ellen est lourd de sens.L’acte est accompli, révélé .la mort et la vie ont été consommé dans cet acte.Le bien et le mal se sont confondus.C’est dans ce mélange des formes et notions que Murnau dégage la force et l’émotion.Ellen n’est donc pas opposé au vampire mais mis entre celui-ci et Hutter ,et ceux-ci vont lutter chacun de leur coté pour elle.L’intrigue est donc bien annoncée mais le suspense réside dans certaines questions que l’on peut se poser : Qui attend-elle à la plage ? Nosferatu ou Hutter.Est-ce une délivrance ou un sacrifice forcé ? OUVERTURE PAR DES PERSONNAGES FANTASTIQUES Certains personnages révèlent également la puissance fantastique annonciatrice du film par leur accoutrement.Hutter lui se situe dans la conventionalité et ne se soumet pas tellement à ce registre…au début car lors de sa halte à l’auberge ,sa chemise de nuit préfigure celle d’Ellen , avec ce cou dénudé et offert.Rappelons qu’il se fait mordre le premier et qu’il n’en meurt pas.Pour lui ce n’est pas un sacrifice mais un choc, une sorte de renaissance qui lui fait prendre conscience de la situation .Il adopte alors une certaine sobriété (chemises noires opposées aux blanches du début ou chemise blanche en communion avec la robe d’Ellen à la fin) mais il est déjà trop tard.Murnau appelle-t-il à réfléchir sur les comportements pré-établis des personnages ?Le professeur Hellsing est lui complètement original et fantastique.Son habit élaboré , complexe et en même temps mystérieux lui donne un statut d’élite (cependant il n’aurait pas été professeur , nous aurions dit de lui « marginal »).Ce personnage positif annonce alors la force et le pouvoir scientifique.Hellsing qui semble être le conteur de ce récit sait par avance les atouts et faiblesses des vampires et il nous l’expose à travers ses « bêtes » tel le polype ,qui rappelle par sa blancheur la mortelle luminance de Nosferatu.Il est incompétent pour sauver Ellen et les habitants mais il est placé au-dessus des autres par la connaissance.Le dernier plan l’expose ,méditant avec en fond Ellen (morte) et Hutter .Murnau annonce-t-il l’importance de la science dans une ère prochaine ?.En tout cas il l’a figure comme supplantant le fantastique.Knock ,disciple du comte Orlok ,par son accoutrement et aussi par une certaine gestuelle s’identifie à son maître.Il sombre peu à peu dans la folie.Là encore une question peut être soulevée : L’obéissance aveugle ( traditionnel , rituel) n’amènet-elle pas un chaos intérieur ?Le film de Murnau a été réalisé après la 1ere guerre mondiale et cela donne alors une portée différente à ces questions.Le fantastique de Murnau et ses thèmes fait alors probablement écho dans le temps . Le fantastique est plastiquement très élaboré dans Nosferatu .Murnau , se basant sur l’expressionnisme , a placé ses personnages dans des situations qui génèrent des lignes de forces ,d’émotions intenses grâce au visuel et donc grâce à l’habillage des protagonistes.De symboles en métaphores , de signes avant-coureurs en méditation post-filmique , Murnau s’engage dans un processus stylistique qui ne laisse aucun détail au hasard.Les costumes et vêtements prennent place dans ce processus et participent activement ,liés à d’autres éléments essentiels de l’esthétique comme le décor ou la lumière , à l’élaboration d’une intrigue ,d’un drame qui plonge le spectateur au cœur l’angoisse. Quelques références vestimentaires BIBLIOGRAPHIE Altdorfer et le réalisme fantastique dans l’art allemand, Centre culturel du Marais L’Allemagne fantastique de Goethe à Meyrink, Anne et Hugo Richter, éditions Marabout Murnau, par Charles Jameux, éditions universitaires Murnau, Lotte H.Eisner, Ramsay Poche cinéma 100 ans de cinéma allemand, Monika Beller, Ellipses Vie des fantômes, le fantastique au cinéma, J.L. Leutrat, collection essais des cahiers du cinéma Dracula (1897 – 1997), Alain Pozzuoli, éditions Hermé