Daniel Richard – Le parrain des Grands Prix

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Daniel Richard – Le parrain des Grands Prix
Daniel Richard – Le parrain des Grands Prix
« Le véritable entrepreneur est celui qui ose »
Repreneur de Souleiado (à Tarascon – 13) avec son fils
Stéphane, Daniel Richard porte un regard plein
d’optimisme sur le pouvoir de la créativité et de l’innovation
mis au service de l’entreprise. Au fil d’un époustouflant
parcours de chef d’entreprise, il a pleinement eu l’occasion
de mettre en pratique ses intuitions d’écologiste convaincu
et de créateur infatigable.
Comment se déroule votre déploiement en Asie ?
Souleiado se développe bien au Japon, où nous sommes présents dans 50 boutiques environ.
Sur la Chine, je suis en train de poser les bases juridiques pour la création d’une société
implantée à Hong-Kong. Il nous faudra aussi un magasin pilote, en vue d’une série
d’ouvertures prévues d’ici fin 2013. En parallèle, nous travaillons sur notre gamme
cosmétique, qui sera lancée en début d’année. Nous devons donc faire, sur place, le même
travail sur les structures juridiques. Là où nous traitons avec un partenaire au Japon, nous
préférons tout faire en direct nous-mêmes en Chine. Les partenaires ou franchisés potentiels y
sont souvent des filiales de groupes publics ou même de collectivités, et d’expérience, je sais
qu’ils sont très difficiles à gérer.
Et sur les autres marchés ?
Nous n’irons pas sur le marché américain avant deux ou trois ans, sous peine de nous
disperser. Pour l’heure, nous misons sur la Suisse. Je conduis le même travail d’installation de
la société, en faisant le « nettoyage » auprès des boutiques ayant conservé le nom Souleiado
tout en usurpant la marque.
Est-il possible de produire encore en France dans le textile ?
Les marques françaises, y compris dans le luxe, n’ont gardé aucune activité de confection en
France. Je le vois lors de chaque déplacement en Chine ou en Inde. À l’époque des 3 Suisses,
nous achetions la maille au Bengladesh, et la chaîne et trame en Chine. Quand nous avions
besoin de réassort, nous le faisions au Maghreb. Aujourd’hui, tout vient de Chine. Ce sont les
chinois qui sous-traitent au Bengladesh ! À Souleiado, nous avons conservé la création et
l’engineering de nos produits. Notre volonté de faire travailler, ensuite, des façonniers dont
les ateliers sont situés, à 90 %, en France.
Comment réussir sur les marchés asiatiques ?
La Chine connaît un enrichissement qu’ont connu, par le passé, les pays occidentaux. Il y a de
plus en plus d’acheteurs, très friands de marques. Dans la cosmétique, des noms comme
L’Oréal ou Estée Lauder font un vrai carton, car tout le marché évolue vers le haut de gamme.
Mais il faut noter que si les Chinois s’ouvrent au monde, ils ne le connaissent pas. Souleiado
tente de les faire rêver, en leur donnant le goût et l’envie de la Provence, comme l’a fait
L’Occitane à une époque. Sauf que nous nous positionnons, nous aussi, davantage sur le
moyen et le haut de gamme.
La conjoncture mondiale est-elle actuellement favorable pour ça ?
Bien sûr, chacun a son marché. Mais il y a quelques règles… D’abord, plus votre activité est
tournée vers le matériel, plus vous aurez de difficulté, car il faut tout transporter. J’ai un ami
entrepreneur qui refuse tout business en « dur ». Il ne fait que dans l’immatériel, en rachetant
des droits, en valorisant de la propriété intellectuelle, etc. C’est le premier constat : le monde
se dématérialise. Ensuite, chacun doit devenir plus « holistique ». Nous sommes issus d’une
société industrielle, très analytique. Or désormais, tout va trop vite. On n’a plus le temps de
conduire de telles analyses. Il faut prendre les choses plus globalement. Par exemple, je me
méfierais des produits industriels purs. Toute production doit aller avec son savoir-faire. Dans
la cosmétique, il faudrait, en plus des produits, développer son offre vers les soins, le bienêtre…
Quelle carte le Languedoc-Roussillon, peu industrialisé, peut-il jouer ?
Globalement, l’industrie française est passée à côté des grands marchés liés aux
problématiques écologiques. Notre région n’avait pas de ressources énergétiques, hormis les
bassins miniers, et n’a pas pu développer d’industrie sur cette base. Mais ces contraintes
historiques ne pèsent plus pour ce qui concerne les ressources écologiques. De plus, celles-ci
intègrent un ensemble de marchés, dont certains ne sont pas encore exploités. Prenez les
médecines alternatives : aucun labo ne travaille là-dessus ! Par ailleurs, plus la crise
s’aggrave, plus l’envie de s’évader est forte. Notez que les secteurs qui travaillent le plus
aujourd’hui sont l’alcool, le tabac et les jeux. Il y a donc beaucoup de choses à développer sur
le plan épicurien. Dans la santé, l’industrie, ou les TIC, il faut exploiter tout ce qui est lié à
l’écologie, le soleil, la mise en relation, la gourmandise… Enfin, le Languedoc-Roussillon est
bien positionné par rapport à l’Afrique. C’est un énorme marché qui se développe là-bas. Son
taux de croissance actuel est sans commune mesure avec celui de la France. Il y a 7,5
milliards d’habitants sur Terre, qu’il faut loger, nourrir, habiller. Une bonne part d’entre eux
se trouve en Afrique. Et nous, nous sommes juste en face.
Les élus sont-ils conscients de ces évolutions, d’après vous ?
J’en connais peu en région, hormis dans le Gard, où j’ai eu maille à partir avec certains
d’entre eux. Vous savez, quand on est un écolo engagé comme moi, on est toujours rejeté. À
droite comme à gauche, j’ai toujours constaté, chez les hommes politiques que j’ai fréquentés,
un manque général de connaissances. C’est frappant sur l’écologie. Les élus sont très calés sur
les aspects administratifs et juridiques de leur fonction. Mais face à l’écologie ou l’économie,
où ils sont confrontés à une complexité systémique, ils surnagent.
Georges Frêche aussi ?
Ma passion est d’entreprendre. Et Georges Frêche était un politique entrepreneur. Il avait une
vision pour sa ville, puis son agglo, et il osait, il n’avait pas peur. Le véritable entrepreneur est
celui qui ose. Ce qui n’est pas le cas dans les grandes structures publiques. C’est pourquoi je
crois beaucoup aux PME.
Qu’avez-vous pensé d’Arnaud Monteboug posant en marinière à la une d’un magazine pour
défendre le « made in France » ?
Depuis Nicolas Sarkozy, les élus évoluent de plus en plus vers la politique-spectacle. C’est
leur façon à eux de faire passer des idées. Plus ils sont décalés, mieux ça vaut. Alors s’ils ont
en plus une compagne journaliste, c’est encore mieux ! (rires) Nous avons édité, à Nova, un
très bon livre à ce sujet : « Se distraire à en mourir »*, de Neil Postman. Son analyse a été
développée dans les années 80 à propos de la télévision, mais le constat reste valable
aujourd’hui. Arnaud Montebourg n’est qu’un rouage de ce système. Cela ne me dérange pas
qu’il agisse comme il le fait.
Propos recueillis par Anthony Rey
* : essai où l’auteur, critique et théoricien de la communication, montre que « le
divertissement audiovisuel ruine progressivement l’espace public de discussion au profit d’un
espace public voué à la distraction ».
BIO EXPRESS
Gardois d’origine, Daniel Richard (68 ans) dirige le réseau international des 3 Suisses à partir
de 1983, puis en prend la présidence en 1990. En 1997, il est nommé P-dg de Sephora.
Parallèlement, il devient administrateur du fonds WWF France en 1997, avant de le présider à
compter de 2001. À ce titre, il joue un grand rôle dans la négociation du Grenelle de
l’environnement. La même année, il prend la direction de l’innovation des Galeries Lafayette.
En 2007, il succède à Jean-François Bizot à la tête du groupe Novapress. Enfin, en 2009, c’est
avec son fils Stéphane qu’il reprend Souleiado, vendue par Louis Nicollin.