Pourquoi j`ai mangé mon père

Transcription

Pourquoi j`ai mangé mon père
« Pourquoi j’ai mangé
mon père »
Roy Lewis
Le pas décisif…
• Tu as bien dit « dénaturée » ? S’écria-t-il avec
enthousiasme. Vois-tu, mon vieux Vania, depuis
un bon bout de temps que nous nous sommes
mis aux outils de silex, on pouvait dire qu’il y
avait, dans la vie subhumaine, un élément non
naturel, artificiel. Et peut-être que c’était ça, le
seuil, le pas décisif. Et peut-être que maintenant,
nous ne faisons plus que progresser.
Coupés de « l’ordre naturel »…
• Parce que ce faisant tu t’es expatrié de la nature.
Ne vois-tu pas quelle prétention c’est là ? Quel
orgueil, quelle outrecuidance, pour ne pas dire
plus ? Tu étais un simple enfant de la nature,
plein de grâce, d’ardeur et d’innocence. Tu étais
un des éléments de l’ordre établi…
• Coupé ! Séparé ! Exilé ! De la nature, de tes racines,
de tout vrai sentiment d’appartenance…
L’absence de spécialisation…
• C’est de la pure spécialisation, disait-il. Ces bêtes-là
sont de superbes machines à chasser, mais à
fonction unique. Il ne leur reste aucun progrès à faire,
et elles n’évolueront pas plus loin, croyez-moi…
Mais justement, je crois que notre force viendra
de ce que nous ne sommes pas des
spécialistes… Et je mettrais ma main au feu que
la spécialisation, cela met tôt ou tard un terme au
progrès d’une espèce.
Une avance technologique…
• Bien sûr, on les a eus, dit père. Et retenez la
leçon : à savoir que la nature n’est pas
nécessairement du côté des gros bataillons. La
nature est avec l’espèce qui possède sur les autres
une avance technologique. Pour le moment, c’est
nous. J’ai dit : pour le moment. Quelles que
soient nos réussites, ne les laissez jamais vous
monter à la tête. Nous avons encore beaucoup
de chemin à faire…
Aller plus vite…
• Imagine que j’invente une fourrure amovible ? ... En
attendant, le feu fait bien l’affaire, dit-il, on peut à
volonté réduire la chaleur ou l’augmenter ? C’est
de l’adaptation, ça, donc de l’évolution.
Seulement nous y arriverons beaucoup plus vite,
un point c’est tout.
• Voilà l’erreur ! De quel droit accélérer les
choses ? Tu veux bousculer la nature, mais sois
tranquille, elle ne se laissera pas faire…
Courir vite…
• Nous avons une grande cervelle, un grand crâne
pour la contenir, nous devons continuer de lui
faire confiance… En attendant, ce qu’il nous
faut, c’est une aussi bonne paire de jambes que
possible. Avec un bon entrainement, il n’y a pas de
raison pour qu’un pithécanthrope ne court pas le
cent mètres en dix secondes deux dixièmes, ne
saute pas un buisson de deux mètres dix de
haut…
Une espèce nouvelle…
• Tu t’imagines être en train d’engendrer une espèce
tout à fait nouvelle, n’est-ce pas ?
• Ben, l’idée m’est passée par la tête qu’il se
pourrait…
• Je sais exactement ce que tu as dans le crâne. Et
c’est de l’orgueil. L’orgueil coupable de la
créature ! Je te le répète : tu en seras puni,
rappelle-moi tes paroles ! Tu as perdu ton
innocence, et contre quoi ? Qu’as-tu gagné ?
Partager la connaissance…
• Je suis un homme de science. Je considère que les
résultats de la recherche individuelle sont la
propriété de la subhumanité dans son ensemble, et
qu’ils doivent être mis à la disposition de tous ceux
qui… eh bien… explorent où que ce soit les
phénomènes de la nature. De cette façon le
travail de chacun profite à tous, et c’est pour toute
l’espèce que s’amassent nos connaissances.

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