© Quentin Gibaud Bernard - 2013 Séance 3 La scène d`exposition

Transcription

© Quentin Gibaud Bernard - 2013 Séance 3 La scène d`exposition
Séance 3
La scène d’exposition de Britannicus
Support : Acte I, Scène 1 (vers 1 à 54) + Empereurs détestables et empereurs modèles (document historique)
Une scène d’exposition expose au spectateur l’intrigue, présente les personnages et renseigne aussi sur le lieu et
l’époque de l’action (à travers les didascalies, notamment la didascalie initiale pour le lecteur ; les décors et les
costumes pour le spectateur). L’objectif d’une scène d’exposition n’est pas qu’informatif : la scène d’exposition vise
également à plaire, à séduire le spectateur, à capter son attention. Une scène d’exposition est une étape délicate
car le dramaturge doit donner des informations au spectateur pour qu’il comprenne l’action tout en faisant croire
que les personnages dialoguent naturellement.
I-
Une scène d’exposition efficace et habile
Valeur informative : On apprend par Agrippine que Néron a fait enlever Junie, l’amante de Britannicus.
On apprend des choses sur le passé des personnages (vers 15 à 20)
Vers 10-17 : On comprend l’opposition entre Britannicus et Néron.
On apprend des choses sur la réputation de Néron : ce serait un bon empereur, proche de la perfection,
selon Albine.
Renseignements sur le lieu et le moment. Dans la première réplique d’Albine, on comprend que les
personnages sont devant la porte de Néron, à l’aube. L’intrigue qui s’esquisse peut ici se formuler sous la
forme de question : Néron est-il en train de changer, de devenir mauvais ? Est-il en train de révéler son vrai
visage par l’enlèvement de Junie ?
Habileté pour séduire la curiosité du lecteur : Racine ouvre la pièce sur trois questions qui expriment
l’étonnement d’Albine. C’est un début « in media res », c’est-à-dire au milieu des choses, au cœur de
l’action.
Ici, le dialogue est artificiel car Albine rappelle à Agrippine des choses qu’elle connaît, vers 15-18 afin de donner
des informations au spectateur/lecteur.
Double énonciation : Au théâtre, personnage qui parle à un double destinataire : le public et/ou le(s) autre(s)
personnage(s) sur scène. L’art d’un dramaturge consiste à faire oublier la double énonciation.
II-
L’amorce d’une tragédie
La tragédie finale est annoncée dès le début : « Tout ce que j’ai prédit n’est que trop assuré ». Agrippine manifeste
une inquiétude quant à l’évolution de son fils. Elle craint que sa prédiction ne se réalise pour trois raisons :
 Néron s’est déclaré contre Britannicus, son rival.
 L’ascendance de Néron a été horrible, coupable (le règne de Caligula, par exemple). Agrippine est quand
même coupable car c’est elle qui a mené son fils au pouvoir
 L’ « attentat » qu’est l’enlèvement de Junie
Dans une tragédie, les personnages ne sont pas libres de leurs actes, et quand ils croient l’être, ils ne font en fait
qu’accomplir leur destin. On a l’impression que le règne de Néron est déjà écrit, marqué par la fatalité.
Ce qui joue ici le rôle du destin est l’hérédité. Autre figure du destin dans les tragédies : le choix des dieux qui pèse
sur les hommes.
Agrippine apparait comme une mère coupable mais ambiguë. C’est elle qui a mis Néron sur le trône§. Elle est lucide
sur elle-même. Mais cela ne lui permet pas pour autant de se corriger. En effet, malgré ses craintes, Agrippine veut
rester au pouvoir à tout prix : (vers 43-44 / vers 47-48) : « Que m’importe [que Néron] laisse un jour [un] modèle ».
Elle ne se soucie pas du sort de Rome, mais que de son intérêt personnel : elle veut rester au pouvoir et garder son
pouvoir sur Néron.
Elle est prête à assumer la dimension incestueuse de ce pouvoir qu’elle ne veut pas partager.
« Qu’il songe un peu qu’Agrippine est sa mère »

La mère de Néron

La mère de Rome
L’inceste n’est pas présent dans toutes les tragédies mais il est très fréquent (Œdipe Roi de Sophocle). C’est
l’incarnation de la faute la plus monstrueuse.
© Quentin Gibaud Bernard - 2013