Instelling Onderwerp Datum

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Instelling Onderwerp Datum
Instelling
Hof van Cassatie
Onderwerp
Wet 21 november 1989. Artikel 29bis. Slachtoffer. Zwakke weggebruiker
volledig aansprakelijk voor het ongeval. Rechthebbenden. Gevolgschade.
Vergoeding. Verzekeraar van een motorrijtuig betrokken in het
wegverkeersongeval. Gesubrogeerde verzekeraar. Indeplaatsstelling
Datum
23 januari 2012
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23 JANVIER 2012
C.09.0228.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.09.0228.F
ALLIANZ BELGIUM, anciennement AGF Belgium Insurance, société
anonyme dont le siège social est établi à Bruxelles, rue de Laeken, 35,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36, où il est
fait élection de domicile,
contre
1.
M. O.,
2. AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à
Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,
défendeurs en cassation,
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C.09.0228.F/2
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation,
dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait
élection de domicile,
3.
P. V.,
4. E.T.R., société de droit luxembourgeois dont le siège est établi à
Rombach-Martelange
(Grand-Duché
de
Luxembourg),
route
de
Bigonville, 18,
5. LA LUXEMBOURGEOISE, société de droit luxembourgeois dont le
siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), rue de
Aldringen, 10,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Charleroi, rue de l’Athénée, 9, où il est fait élection de
domicile,
6. LES ASSURANCES FÉDÉRALES, caisse commune d’assurances
contre les accidents du travail , dont le siège est établi à Bruxelles, rue de
l’Etuve, 12,
7. LES ASSURANCES FÉDÉRALES, société coopérative à responsabilité
limitée dont le siège est établi à Bruxelles, rue de l’Etuve, 12,
défenderesses en cassation.
en présence de
1. D. L.,
2. B. F.,
3.
B. D.,
parties appelées en déclaration d’arrêt commun.
I.
La procédure devant la Cour
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C.09.0228.F/3
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 juin
2008 par le tribunal de première instance de Nivelles, statuant en degré
d’appel.
Par ordonnance du 6 janvier 2012, le premier président a renvoyé la
cause devant la troisième chambre.
Le président de section Albert Fettweis a fait rapport.
L’avocat général délégué Michel Palumbo a conclu.
II.
Les moyens de cassation
La demanderesse présente trois moyens libellés dans les termes
suivants :
Premier moyen
Disposition légale violée
Article 149 de la Constitution
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué ne répond pas au moyen régulièrement soulevé
par la demanderesse, alors s.a. AGF Belgium Insurance, pris de
l’irrecevabilité des demandes de la s.a. E.T.R., de la s.a. La Luxembourgeoise
et des Assurances Fédérales à son encontre.
Griefs
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C.09.0228.F/4
Les conclusions d’appel du 12 mars 2007 de la demanderesse, alors
s.a. AGF Belgium Insurance, contenaient l’énonciation suivante :
« 3. La demande de la s.a. E.T.R. et de son assureur La
Luxembourgeoise et des Assurances Fédérales
3.1. Irrecevabilité de ces demandes contre la s.a. AGF Belgium
Insurance [l’actuelle demanderesse]
L’on a pu considérer les circonstances dans lesquelles s’est produit cet
accident et le drame qui s’en est suivi ;
Indépendamment de ces dramatiques circonstances, l’on ne perçoit pas
la faute qu’aurait commise feu monsieur B. ;
Celui-ci devant être considéré comme piéton au moment des faits, il
n’appartient pas à la s.a. AGF Belgium Insurance de payer la quote-part
éventuelle de la faute qu’aurait commise (quod non) feu monsieur B. ;
La demanderesse est en effet l’assureur R.C. Auto de monsieur B. ;
Il y a lieu de s’adresser à la R.C. Vie privée (ou familiale) pour la
réclamation des dommages ».
Le jugement attaqué condamne la demanderesse, alors s.a. AGF
Belgium Insurance, sur la base de demandes formulées par la s.a. La
Luxembourgeoise et par les Assurances Fédérales.
Le jugement attaqué ne répond pas ainsi au moyen régulièrement
soulevé par la s.a. AGF Belgium Insurance, visant à contester les recours à
son encontre de la s.a. E.T.R., de son assureur La Luxembourgeoise et des
Assurances Fédérales, en raison de ce que la faute imputée à feu monsieur B.
était sans relation avec son comportement de conducteur du véhicule assuré
par elle.
Ce faisant, le jugement attaqué ne motive pas sa décision de condamner
la demanderesse, assureur de la responsabilité civile automobile de monsieur
B. plutôt que son assureur de responsabilité civile familiale. Il s’abstient dès
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lors de répondre à un moyen régulièrement soulevé par la demanderesse, alors
s.a. AGF Belgium Insurance.
Il viole de la sorte l’article 149 de la Constitution.
Deuxième moyen
Dispositions légales violées
-
article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance
obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ;
-
articles 1382 et 1383 du Code civil ;
-
principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué décide qu’est fondée la demande d’indemnisation
de la s.a. La Luxembourgeoise à l’égard de la demanderesse, Allianz Belgium,
anciennement s.a. AGF Belgium Insurance.
Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralement
reproduits et en particulier par la considération selon laquelle :
« La s.a. La Luxembourgeoise, assureur de la s.a. E.R.T. condamné à
indemniser les demandeurs sur la base de l’article 29bis, est en droit d’agir à
l’encontre du responsable de l’accident, dès lors qu’elle est subrogée dans les
droits de la victime contre le tiers responsable en droit commun (article 29bis,
§ 4).
Il y a donc lieu de condamner la s.a. AGF Belgium Insurance à payer à
la s.a. La Luxembourgeoise, toute somme qu’elle serait amenée elle-même à
payer aux victimes, eu égard à l’entière responsabilité de monsieur B. dans
l’accident ».
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Griefs
Première branche
L’article 29bis, dans la version qui, avant sa modification par la loi du
19 janvier 2001, était applicable au moment de l’accident litigieux, disposait :
« § 1er. À l’exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant
de lésions corporelles ou du décès, causés à toute victime d’un accident de la
circulation ou à ses ayants droit, dans lequel est impliqué un véhicule
automoteur, sont indemnisés par l’assureur qui couvre la responsabilité civile
du propriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule automoteur
conformément à la présente loi.
(…)
Cette obligation d’indemnisation est exécutée conformément aux
dispositions légales relatives à l’assurance de la responsabilité en général et à
l’assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en
particulier, pour autant que le présent article n’y déroge pas.
§ 2. Le conducteur d’un véhicule automoteur et ses ayants droit ne
peuvent se prévaloir du présent article.
(…)
§ 4. L’assureur ou le Fonds commun de garantie automobile sont
subrogés dans les droits de la victime contre les tiers responsables en droit
commun.
(…)
§ 5. Les règles de la responsabilité civile restent d’application pour
tout ce qui n’est pas régi expressément par le présent article ».
Cette disposition légale établit expressément le droit à la subrogation
en faveur de l’assureur de la responsabilité civile du conducteur qui a
indemnisé l’usager faible contre le tiers responsable du dommage subi par
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C.09.0228.F/7
celui-là. Les conséquences inhérentes à la notion de subrogation telle qu’elle
est reconnue par le droit commun s’appliquent. En particulier, le subrogé
prend la place du créancier subrogeant et est ainsi substitué dans tous les
droits, actions, privilèges et hypothèques.
Dans un premier temps, le jugement attaqué condamne solidairement la
s.a. Winterthur Europe Insurance, dont l’instance a été reprise par la s.a. Axa
Belgium, assureur de monsieur M., et la s.a. La Luxembourgeoise, assureur de
la s.a. E.R.T., au paiement de dommages et intérêts aux ayants droit de
monsieur B., sur la base de l’article 29bis de la loi sur les usagers faibles, au
motif que l’indemnité due sur la base de cet article, en raison de l’implication
d’un véhicule automobile, est à charge de l’assureur qui couvre la
responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule.
Dans un deuxième temps, le jugement attaqué condamne la
demanderesse, alors s.a. AGF Insurance Belgium, assureur de monsieur B., à
payer à la s.a. La Luxembourgeoise, « toute somme qu’elle serait amenée ellemême à payer aux victimes, eu égard à l’entière responsabilité de monsieur B.
dans l’accident », au seul motif que « la s.a. La Luxembourgeoise, assureur de
la s.a. E.R.T. condamné à indemniser les ayants droit de monsieur B. sur la
base de l’article 29bis, est en droit d’agir à l’encontre du responsable de
l’accident, dès lors qu’elle est subrogée dans les droits de la victime contre le
tiers responsable en droit commun (article 29bis, § 4) ». Il autorise de la sorte
la s.a. La Luxembourgeoise, qui aura indemnisé les ayants droit de monsieur
B. sur la base de l’article 29bis, §1er, à récupérer les montants déboursés à cet
effet auprès de la demanderesse, compagnie d’assurances de la responsabilité
civile automobile de ce dernier, sur la base du § 4 du même article.
Il s’agit de l’hypothèse de l’action subrogatoire, exercée par la s.a. La
Luxembourgeoise, assureur du véhicule non responsable du dommage subi par
l’usager faible, contre la demanderesse, alors s.a. AGF Belgium Insurance,
assureur de la responsabilité de cet usager faible, déclaré seul responsable de
ce dommage en droit commun, pour les débours de celui-là en faveur des
ayants droit de celui-ci.
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Les débours payés en conformité avec l’article 29bis, § 1er, au profit
des ayants droit de cette victime protégée, elle-même responsable de son
dommage ne peuvent évidemment faire l’objet de l’action subrogatoire prévue
à l’article 29bis, § 4. En effet, le subrogeant, comme le subrogé, ne bénéficie,
contre le tiers responsable, que d’une action en responsabilité fondée sur les
articles 1382 et 1383 du Code civil.
Sur la base du droit commun de la responsabilité civile, les ayants droit
de monsieur B., dans les droits desquels l’assureur du conducteur est subrogé,
ne pouvaient se retourner contre la demanderesse, assureur responsabilité
civile automobile de monsieur B. pour les dommages subis par ses ayants droit
en raison de sa faute exclusive. Le droit commun de la responsabilité ne
prévoit, en effet, aucun recours pour obtenir l’indemnisation d’un dommage
dont on est à la fois responsable et victime.
En déclarant fondé le recours subrogatoire de la s.a. La
Luxembourgeoise, assureur d’un véhicule impliqué dans l’accident, à
l’encontre de la demanderesse, assureur de l’usager faible (ou de ses ayants
droit) indemnisé et responsable exclusif de l’accident, le jugement attaqué
viole les articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que l’article 29bis de la loi
du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en
matière de véhicules automoteurs.
Deuxième branche
Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense
implique que le juge du fond ne peut fonder sa décision sur une règle de droit
non invoquée par les parties, sans permettre à celles-ci de former chacune une
argumentation relative à ce fondement.
La s.a. La Luxembourgeoise revendiquait, dans ses conclusions d’appel
de synthèse, le droit, sur la base de l’article 1251, 3°, du Code civil, de
« réclamer à l’assureur de l’usager faible B., la s.a. AGF Belgium Insurance,
la quote-part du dommage correspondant à la faute de l’usager faible – quotepart qu’elle ne pouvait pas opposer à ce dernier ». En conséquence, elle
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affirmait que « la s.a. AGF Belgium Insurance doit rembourser à la s.a. La
Luxembourgeoise la somme correspondant à la faute du sieur B., laquelle est
entière dans ce litige. Il y a donc lieu de condamner la s.a. AGF Belgium
Insurance à payer à la s.a. La Luxembourgeoise toutes sommes qu’elle serait
amenée elle-même à payer aux victimes, ou la part correspondant à la part de
responsabilité que le tribunal mettra dans le chef du sieur B. ».
Dans ses conclusions d’appel du 12 mars 2007, la demanderesse, alors
s.a. AGF Belgium Insurance exposait :
« 3. La demande de la s.a. E.T.R. et de son assureur La
Luxembourgeoise et des Assurances Fédérales
3.1. Irrecevabilité de ces demandes contre la s.a. AGF Belgium
Insurance [l’actuelle demanderesse]
L’on a pu considérer les circonstances dans lesquelles s’est produit cet
accident et le drame qui s’en est suivi ;
Indépendamment de ces dramatiques circonstances, l’on ne perçoit pas
la faute qu’aurait commise feu monsieur B. ;
Celui-ci devant être considéré comme piéton au moment des faits, il
n’appartient pas à la s.a. AGF Belgium Insurance de payer la quote-part
éventuelle de la faute qu’aurait commise (quod non) feu monsieur B. ;
La concluante est en effet l’assureur R.C. Auto de monsieur B. ;
Il y a lieu de s’adresser à la R.C. Vie privée (ou familiale) pour la
réclamation des dommages ».
Le jugement attaqué s’est cependant fondé sur l’article 29bis, § 4, de la
loi sur les usagers faibles pour « condamner la s.a. AGF Belgium Insurance à
payer à la s.a. La Luxembourgeoise toutes sommes qu’elle serait amenée ellemême à payer aux victimes, eu égard à l’entière responsabilité de monsieur B.
dans l’accident » .
Il est établi que les parties invoquaient l’article 1251, 3°, du Code civil,
pour l’une, et une exception d’irrecevabilité, pour l’autre. Le juge fonde sa
décision sur l’article 29bis, § 4, de la loi sur les usagers faibles, sans permettre
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C.09.0228.F/10
aux parties de formuler chacune une argumentation relative à ce fondement. Il
viole de la sorte le principe du respect des droits de la défense.
Troisième moyen
Dispositions légales violées
-
article 149 de la Constitution ;
-
article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance
obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué décide de ne pas condamner la s.a. La
Luxembourgeoise à la réparation, in solidum avec la demanderesse, alors s.a.
AGF Belgium Insurance, et la s.a. Axa Belgium, alors s.a. Winterthur Europe
Assurances, du dommage subi par l’usager faible P., alors que le véhicule
qu’elle assurait était impliqué dans l’accident.
Il justifie cette décision par tous ses motifs réputés ici intégralement
reproduits et en particulier par la considération selon laquelle :
« Monsieur V. P. était passager du véhicule conduit par monsieur M. et
appartenant à la s.a. E.T.R.
Il convient, pour les judicieux motifs évoqués par le premier juge, de
confirmer sur ce point la décision entreprise, en ce qu’elle a condamné la s.a.
AGF Belgium Insurance et la s.a. Winterthur Europe Assurances in solidum à
payer à monsieur P. une somme provisionnelle de 250 euros, à majorer des
intérêts, et a désigné un médecin expert avec la mission habituelle ».
Griefs
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Première branche
L’article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 dispose :
« À l’exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant de
lésions corporelles ou du décès, causés à toute victime d’un accident de la
circulation ou à ses ayants droit, dans lequel est impliqué un véhicule
automoteur, sont indemnisés par l’assureur qui couvre la responsabilité civile
du propriétaire, du conducteur ou du détenteur de ce véhicule automoteur
conformément à la présente loi ».
Le premier juge avait condamné à la réparation du préjudice de
monsieur P. les assureurs de tous les conducteurs qui avaient été impliqués
dans l’accident. En particulier, il affirmait que « tant le véhicule piloté par le
sieur B. que le véhicule piloté par le sieur M. sont impliqués dans l’incident »
et condamnait en conséquence la demanderesse, alors s.a. AGF Belgium
Insurance, et la s.a. Winterthur in solidum à payer une somme provisionnelle à
monsieur P.
Dans ses conclusions d’appel, la demanderesse, alors s.a. AGF
Belgium Insurance, soutenait que le véhicule de monsieur M. était impliqué
dans l’accident et qu’il y a dès lors lieu de condamner également la s.a. La
Luxembourgeoise à réparer le dommage de monsieur P. aux côtés des deux
autres compagnies d’assurances.
Le jugement attaqué considère que « tant le véhicule de monsieur M.
que celui conduit par monsieur M. doivent (…) être considérés comme ayant
été impliqués dans l’accident litigieux ». Il ne condamne cependant pas la s.a.
La Luxembourgeoise à l’indemnisation de monsieur P.
Rien ne justifie, et aucun motif n’est d’ailleurs avancé par le juge, que
la s.a. La Luxembourgeoise ne doive pas participer à cette indemnisation,
alors que les deux autres compagnies d’assurances des véhicules impliqués y
sont condamnées. En ne condamnant pas in solidum l’ensemble des assureurs
des véhicules impliqués dans l’accident ayant causé un dommage à un usager
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faible, le jugement attaqué viole l’article 29bis, § 1er, de la loi relative aux
usagers faibles.
Deuxième branche
Le jugement attaqué se limite à motiver sa décision par référence, en
adoptant les motifs du premier juge. Si le juge du fond peut ainsi motiver sa
décision par référence, en adoptant notamment les motifs du premier juge, il
doit, ce faisant, veiller à répondre à tous les moyens invoqués devant lui et ne
peut se contenter de rejeter, par adoption des motifs du premier juge, les
conclusions d’appel d’une partie lorsque celle-ci formule dans ses conclusions
une prétention qui n’a pas été soumise au premier juge.
Le premier juge condamnait à la réparation du préjudice de monsieur
P. tous les conducteurs qui avaient été impliqués dans l’accident. En
particulier, il affirmait que « tant le véhicule piloté par le sieur B. que le
véhicule piloté par le sieur M. sont impliqués dans l’incident » et condamnait
en conséquence la demanderesse, alors s.a. AGF Belgium Insurance, et la s.a.
Winterthur in solidum à payer une somme provisionnelle à monsieur P.
Dans ses conclusions d’appel, la demanderesse, alors s.a. AGF
Belgium Insurance, soutenait que le véhicule de monsieur M. était également
impliqué dans l’accident et qu’il y a dès lors lieu de condamner également la
s.a. La Luxembourgeoise à réparer le dommage de monsieur P. aux côtés des
deux autres compagnies d’assurances.
Le jugement attaqué considère que « tant le véhicule de monsieur M.
que celui conduit par monsieur M. doivent (…) être considérés comme ayant
été impliqués dans l’accident litigieux ». Il ne condamne cependant pas la s.a.
La Luxembourgeoise à l’indemnisation de monsieur P.
En déclarant adopter les motifs développés par le premier juge, qui se
basait sur la notion d’implication du véhicule, sans cependant condamner la
s.a. La Luxembourgeoise, alors qu’il considère que celle-ci est impliquée dans
l’accident, sans motiver la différence de traitement qu’il opère entre les
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différents véhicules impliqués, alors que le premier juge, dont il adopte les
motifs, n’opérait pas une telle distinction de traitement, et alors que la
demanderesse la contestait, le jugement attaqué viole l’article 149 de la
Constitution et, par voie de conséquence, l’article 29bis de la loi relative aux
usagers faibles.
Troisième branche
Se référant aux motifs développés par le premier juge, le jugement
attaqué considère qu’il suffit, pour bénéficier de l’indemnisation octroyée par
l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative aux usagers faibles,
« qu’il soit démontré une participation, une intervention du véhicule impliqué
dans l’accident et la survenance du dommage ».
Le jugement attaqué considère également que « tant le véhicule de
monsieur M. que celui conduit par monsieur M doivent être considérés comme
ayant été impliqués dans l’accident litigieux ».
Le jugement attaqué, en décidant que les seules compagnies s.a.
Winterthur et s.a. AGF Belgium Insurance, actuellement demanderesse, les
assureurs de monsieur M. et de monsieur B., doivent être condamnés à
indemniser l’usager faible P. sur la base de l’article 29bis, § 1er, à l’exclusion
de la s.a. La Luxembourgeoise, l’assureur de la s.a. E.T.R., dont, selon le
jugement attaqué, le véhicule était également impliqué dans l’accident, viole
ainsi également l’article 149 de la Constitution et, par voie de conséquence,
l’article 29bis de la loi sur les usagers faibles. S’il suffit de démontrer la
participation du véhicule, il est en effet contradictoire que les juges d’appel,
après avoir reconnu cette participation, décident de ne pas condamner
l’assureur du véhicule impliqué en l’espèce.
III.
La décision de la Cour
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Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le défendeur
sub 3 et déduite du défaut de signification de la requête en cassation :
Il ressort des pièces de la procédure que la requête en cassation a été
signifiée au défendeur sub 3 le 28 avril 2009 et que tant la requête que l’acte de
signification ont été déposés au greffe le 5 mai 2009.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur la fin de non-recevoir opposée à chacun des trois moyens par
les défendeurs sub 1 et 2 et déduite de ce que ceux-ci sont étrangers aux
décisions que les moyens critiquent :
Les défendeurs sub 1 et 2 sont étrangers aux décisions critiquées par les
trois moyens.
La fin de non-recevoir est fondée.
Sur le fondement des moyens à l’égard des défendeurs sub 3 à 7 :
Sur le premier moyen :
Le jugement attaqué énonce que le véhicule de [feu Honoré] B. a été
impliqué dans le premier accident, sans lequel les deux autres ne se seraient pas
produits », que « monsieur B. est seul responsable du heurt survenu entre son
véhicule et la débardeuse à betteraves conduite par [monsieur] D’. », que « la
responsabilité de monsieur B. doit […] être retenue dans la genèse de
l’accident examiné dans son intégralité, pour, en infraction avec le prescrit des
articles 8.3, alinéa 2, et 10.1.3°, du code de la route, n’avoir pas été en mesure
d’effectuer toutes les manœuvres qui lui incombaient et n’avoir pu s’arrêter
devant un obstacle parfaitement prévisible » et que « seul monsieur B. a
commis une faute dans la survenance de l’accident envisagé dans son
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ensemble, cette faute étant en relation causale avec son propre décès de même
qu’avec les dommages causés aux véhicules conduits par [ le défendeur sub 1]
et [par le préposé de la défenderesse sub 4] et le préjudice subi par le passager
de ce dernier, [le défendeur sub 3] ».
Par ces motifs, le jugement attaqué considère que les dommages
résultant de l’accident, envisagé dans son ensemble, sont imputables à la seule
faute d’H.B. commise en qualité de conducteur et écarte ainsi les conclusions
de la demanderesse qui soutenait que son assuré était uniquement piéton au
moment des faits et qu’elle ne pouvait, dès lors, pas être condamnée, en qualité
d’assureur de la responsabilité civile automobile, pour la faute qu’il avait
commise.
Le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 décembre
1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de
véhicules automoteurs, avant sa modification par la loi du 19 janvier 2001, à
l’exception des dégâts matériels, tous les dommages résultant de lésions
corporelles ou du décès, causés à toute victime de la circulation ou à ses ayants
droit, dans lequel est impliqué un véhicule automoteur, sont indemnisés par
l’assureur qui couvre la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du
détenteur de ce véhicule automoteur conformément à la présente loi.
L’article 29bis, § 4, prévoit que l’assureur est subrogé dans les droits
de la victime contre les tiers responsables en droit commun.
Il suit de ces dispositions que l’assureur qui a indemnisé les ayants
droit de la victime sur la base de l’article 29bis, § 1er, alinéa
1er, est subrogé dans les droits de ceux-ci.
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Lorsque la victime est seule responsable de l’accident, ses ayants droit
ne peuvent obtenir en droit commun l’indemnisation des dommages qu’ils ont
subis par répercussion consécutivement aux lésions corporelles encourues par
la victime ou au décès de celle-ci.
Le jugement attaqué qui, eu égard à l’entière responsabilité de la
victime H. B. dans l’accident, condamne la demanderesse, son assureur, à
rembourser à la défenderesse sub 5 les sommes que celle-ci serait amener à
payer, en application de l’article 29bis, § 1er, alinéa 1er, pour indemniser les
ayants droit de cette victime, les parties appelées en application d’arrêt
commun, viole les articles 1382 et 1383 du Code civil et 29bis, § 4, précité.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu’il décide de ne pas
condamner la défenderesse sub 5, in solidum avec la demanderesse et la
défenderesse sub 2 à la réparation du dommage subi par l’usager faible, V.P.,
défendeur sub 3, alors que le véhicule que la défenderesse sub 5 assurait était
impliqué dans l’accident.
Il n’apparaît pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le
défendeur sub 3 ait saisi les juges du fond d’une demande tendant à ce que la
défenderesse sub 5 soit condamnée à indemniser son dommage.
Le moyen, qui en cette branche reproche au jugement attaqué de ne pas
avoir condamné la défenderesse sub 5 à indemniser le dommage du défendeur
sub 3, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième et quant à la troisième branche :
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Le jugement attaqué constate qu’en première instance « était […]
sollicitée la condamnation in solidum ou l’un à défaut de l’autre des [ayants
droit de monsieur H. B.], de monsieur M., de la s.a. AGF Belgium et de la s.a.
Winthertur Europe Assurances au payement de divers montants à l’égard de la
s.a. E.T.R., de sa compagnie d’assurances La Luxembourgeoise et de monsieur
P., celui-ci demandant de surcroît la désignation d’un médecin expert ».
Le jugement attaqué relève ainsi que le premier juge n’était pas saisi
d’une
demande
de
V.
P.
envers
la
compagnie
d’assurances
La
Luxembourgeoise et ne fait mention d’aucune demande nouvelle formée en ce
sens en degré d’appel par cette partie.
Compte tenu de ces constatations, le jugement motive régulièrement sa
décision de ne pas prononcer de condamnation à charge de la s.a. La
Luxembourgeoise envers V. P.
La violation de l’article 29bis précité est, en ces branches,
exclusivement déduite de celle, vainement alléguée, de l’article 149 de la
Constitution.
Le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.
Quant aux autres griefs :
Il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du deuxième moyen qui
ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
23 JANVIER 2012
C.09.0228.F/18
Casse le jugement attaqué en tant qu’il condamne la demanderesse à
payer à la défenderesse sub 5, la société La Luxembourgeoise, toutes sommes
que celle-ci serait amenée à payer aux ayants droit de la victime, les parties
appelées en déclaration d’arrêt commun ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Déclare le présent arrêt commun à L. D., F. B. et D. B. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement
partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse aux dépens des défendeurs sub 1 et 2. Condamne
la demanderesse à la moitié des dépens des défendeurs sub 3 à 7 et en réserve
le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance
de Bruxelles, siégeant en degré d’appel.
Les dépens taxés à la somme de mille cent trente-sept euros cinquante-deux
centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent huit euros cinq
centimes envers les parties défenderesses sub 1 et 2 et pour les parties
défenderesses sub 3 à 7.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Sylviane
Velu, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange et prononcé en
audience publique du vingt-trois janvier deux mille douze par le président de
section Albert Fettweis, en présence de l’avocat général délégué Michel
Palumbo, avec l’assistance du greffier Chantal Vandenput.
Ch. Vandenput
M. Delange
A. Simon
23 JANVIER 2012
M. Regout
S. Velu
C.09.0228.F/19
A. Fettweis