foie et toxiques d`origine professionnelle

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foie et toxiques d`origine professionnelle
FOIE ET TOXIQUES D’ORIGINE PROFESSIONNELLE
Les principales voies d’élimination des toxiques sont les voies hépato-biliaires et les voies rénales. Le foie transforme
les toxiques en métabolites eux-mêmes parfois très agressifs pour l’organisme.
Les substances industrielles responsables d’action toxique sur le foie peuvent exercer leurs effets directement sur la
cellule hépatique et entraînent alors des lésions dans les régions périportales des lobules hépatiques ou le plus
souvent elles seront toxiques après oxydation par le système microsomial et les lésions débuteront alors dans les
zones centro-lobulaires. Ces deux types d’hépatotoxicité directe sont dose-dépendantes. Il existe un autre type
d’action toxique de mécanisme immunoallergique réalisant une hépatotoxicité indirecte comme l’halothane par
exemple où la symptomatologie est indépendante de la dose mais très liée à la répétition des expositions.
1. HEPATITES AIGUËS CYTOLYTIQUES TOXIQUES
L’oxydation de certains xénobiotiques par les différents isoenzymes constituant le système des mono-oxygénases à
cytochrome P 450 produit des métabolites instables, réactifs de nature chimique variée (radicaux libres pour le
tétrachlorométhane par exemple) qui vont attaquer les constituants cellulaires. Les lésions ainsi initiées vont
prédominer dans la région centro-lobulaire. Des systèmes de protection existent au sein même de la cellule pour
limiter l’action des métabolites réactifs: autolimitation de la formation de métabolites par destruction du cytochrome
P 450, inactivation par conjugaison au glutathion. Ce n'est que quand les capacités d’inactivation du glutathion sont
dépassées que le métabolite réactif exerce son effet toxique. La connaissance de ces mécanismes est à l’origine de
propositions thérapeutiques: administration de N-acétylcystéine, précurseur du glutathion.
1.1. LES SOLVANTS
l.l.l. TETRACHLORURE DE CARBONE
Le tétrachlorure de carbone ou tétrachlorométhane (CCL 4) est un hydrocarbure halogéné
aliphatique, dérivé du méthane. Ce solvant chloré est un liquide incolore et volatil. La voie respiratoire est la voie
d’entrée principale, mais l’absorption percutanée peut contribuer à l’hépatotoxicité.
ØSources d'exposition
Du fait de sa toxicité qui peut se manifester après simple inhalation, son emploi a été
considérablement limité. Il était anciennement utilisé dans les pressings et dans les extincteurs car il est ininflammable.
Le danger d’intoxication qu’il présente, particulièrement lorsqu’il est porté à température élevée, a fait interdire son
emploi dans les extincteurs (circulaire du 30.06.61 relative à l’interdiction des extincteurs d’incendie chargés en
tétrachlorométhane). Actuellement il est employé :
àcomme produit intermédiaire dans l’industrie chimique: matières premières des
chlorofluorométhanes (fluides réfrigérants, propulseurs d’aérosols), composé donneur de chlore, agent d’extraction.
àen recherche comme réactif de laboratoire.
Il est interdit de fabrication depuis le 10 janvier 95 du fait de son importante toxicité et de l’appauvrissement de la
couche d’ozone stratosphérique (règlement CE n° 3093/94 du conseil, du 15 décembre 1994, relatif à des
substances qui appauvrissent la couche d’ozone).
ØPathogénie
Le tétrachlorure de carbone n’est pas directement actif sur les cellules hépatiques. Il y a un clivage du
tétrachlorure de carbone aboutissant à la formation de radicaux libres, seuls responsables des phénomènes toxiques.
L’hépatotoxicité est dose-dépendante. Les lésions vont prédominer dans la région centro-lobulaire.
ØManifestations cliniques
L’exposition aiguë se traduit par une atteinte du système nerveux central (excitation puis
somnolence, céphalées, troubles de la vue, vertiges, coma) puis par des troubles gastro-intestinaux (nausées,
vomissements, douleurs abdominales, diarrhées) réalisant des formes digestives pseudo -chirurgicales avec
fréquemment fièvre inaugurale suivis 12 à 24 h. après par une atteinte hépatique (cytolyse hépatique par nécrose).
Le patient présente habituellement une hépatomégalie sensible, parfois un ictère ou un sub-ictère et des urines
foncées. Sur le plan biologique, les transaminases peuvent être très élevées (supérieures à 100 N) et le TP ainsi que
le facteur V abaissés de façon variable, témoins d’une insuffisance hépato-cellulaire. L’atteinte hépatique se
complique au 2°ou 3° jour d’une tubulopathie aiguë oligo-anurique (par nécrose des tubules) s’accompagnant
d’oedèmes périphériques et d’une hypertension. L’oedème pulmonaire, complication fréquente de l’intoxication est
dû à l’insuffisance rénale et aux lésions directes de la paroi alvéolaire. L’éthylisme chronique, à l’origine d’une
induction des enzymes microsomiaux hépatiques est un facteur aggravant démontré lors d’intoxications collectives
où l’exposition était identique. Sa toxicité aiguë est également majorée par le trichloréthylène, les cétones et le
phénobarbital. Le traitement proposé est l’administration de N-acétylcystéine (Mucomyst°), précurseur du
glutathion qui restaure le stock cellulaire de glutathion et neutralise les radicaux libres. Le pronostic de cette
intoxication est bon grâce à l’hémodialyse. La guérison se fait en général sans séquelle.
ØRéparation
Elle se fait au titre du tableau n° 11 du R.G et n° 9 du R.A.
1.1.2. CHLOROFORME
Le chloroforme ou trichlorométhane (CHC13) a été abandonné comme anesthésique du fait de sa
toxicité hépatique et cardiaque (hyperexcitabilité ventriculaire). Il est encore employé actuellement comme
intermédiaire chimique.
1.1.3. 1,2 DICHLOROPROPANE (CHC13-CHCL-CH3)
Il est utilisé principalement comme solvant et décapant des vernis et des peintures, dégraissant des
métaux, des textiles mais également pour l’extraction des huiles, des graisses et des cires, les synthèses organiques et
le traitement des sols. Il entraîne une nécrose hépatocytaire associée initialement à une dépression du système
nerveux central et parfois à une hémolyse et à une CIVD. Les intoxications par le 1,2 dichloropropane sont réparées
par le tableau n°12 du R.G et n°21 du R.A.
1.1.4. 1,3 DICHLOROPROPENE ou DPC
Il est employé pour la fumigation des sols avant plantation pour détruire les nématodes qui parasitent
les pommes de terre, les légumes, le tabac et dans la culture des plantes de serre.
Le DPC est facilement absorbé par inhalation mais également par voie percutanée. La projection cutanéo-muqueuse
provoque des brulûres chimiques L’inhalation des vapeurs se traduit par une irritation ORL et respiratoire
(possibilité d’OAP lésionnel) accompagné d’une conjonctivite et de signes ébrio-narcotiques. La toxicité hépatique
n’est pas documentée: aucune atteinte hépato-rénale n’a été décrite après intoxication professionnelle.
1.1.5. 1,2 DIBROMOETHANE ET 1,2 DICHLOROETHANE OU CHLORURE D'ETHYLENE
Le chlorure d’éthylène est utilisé essentiellement dans la synthèse du chlorure de vinyle monomère.
Ils sont rarement à l’origine d’accident chez l'homme. Six observations ont été rapportées avec le 1,2
dibromoéthane, dont une mortelle. Ce solvant entraîne une double atteinte hépatique et rénale. Les intoxications sont
inscrites au tableau n°12 du R.G et n°21 du R.A.
1.1.6. BROMOBENZENE ET CHLOROBENZENE
Le brornobenzène est utilisé surtout en synthèse organique.
Le chlorobenzène est utilisé:
àdans l’industrie des peintures et des vernis comme diluant ;
àcomme dégraissant dans les industries textiles et métallurgiques;
àcomme agent d’extraction ;
àdans la fabrication des colorants et de certaines encres;
àdans la fabrication de fongicides et de certains insecticides;
àen synthèse organique.
Ils sont exceptionnellement responsables d’atteintes hépatiques chez l'homme.
1.1.7. 1,1,2,2 TETRACHLOROETHANE (classique ictère des perlières)
C’est un hydrocarbure aliphatique chloré. Très hépatotoxique, responsable d’hépatite mixte avec
ictère pouvant évoluer vers la cirrhose, il était utilisé comme solvant chloré de l’acétate de cellulose et a entraîné des
atteintes hépatiques mixtes dans l’industrie aéronautique pendant les deux guerres mondiales. Il est actuellement
abandonné comme solvant et est utilisé exclusivement comme produit de base en synthèse chimique dans les
laboratoires de recherche.
La réparation se fait au titre du tableau n°3 du R.G. Le délai de prise en charge est de 30 jours.
1.1.8. AUTRES SOLVANTS CHLORES
Le trichloréthylène et le tétrachloréthylène (perchloréthylène) ne sont pas des hépatotoxiques. Les
seules observations d’hépatites toxiques rapportées chez des sniffeurs de ces substances étaient en fait dues à du
trichloréthylène contenant des substances néphro et hépatotoxiques (tétrachlorure de carbone et 1,2
dichloropropane). A la suite de ces constats, une réglementation sévère a imposé en France un degré de pureté
strict au trichloréthylène commercial.
1.1.9. 2 NITROPROPANE
Utilisé comme solvant des résines époxydiques, d’encres et d’adhésifs, il a entraîné des hépatites
fulminantes lors d’inhalation en espaces clos après une symptomatologie initiale bruyante associant syndrome ébrio narcotique, troubles digestifs, céphalées, ataxie, dyspnée et douleurs thoraciques. L’hépatite est en général
gravissime, d’apparition retardée de 2 à 3 jours avec cytolyse majeure (transaminases supérieures à 100 N). Une
méthémoglobinémie est possible. La plupart des cas publiés ont une évolution fulminante avec décès par insuffisance
hépato-cellulaire terminale. Le diagnostic peut être confirmé par le dosage sanguin du 2 nitropropane.
1.1.10. DIMETHYLFORMAMIDE (DMF)
C’est un solvant d’odeur désagréable (poison) dont l’absorption est toute aussi importante par voie
transcutanée que par inhalation. La plupart des intoxications professionnelles sont dues à des contaminations
prolongées ou répétées de la peau, le DMF étant peu volatil. Les gants de latex et de néoprène sont perméables au
DMF.
ØSources d’exposition
Il est très utilisé comme solvant dans l’industrie des matières plastiques (fibres acryliques) et des
cuirs synthétiques. C’est aussi un solvant des pesticides, des colles, peintures, vernis ou encres (utilisé pour le
nettoyage des graffitis) et de quelques médicaments à usage vétérinaire.
ØManifestations cliniques
Le DMF peut provoquer une cytolyse hépatique habituellement bénigne après un contact
unique ou répété sur plusieurs jours. Les effets observés sont des dermites d’irritation, parfois sévères, des
kératoconjonctivites, un syndrome douloureux abdominal, une dépression du système nerveux central, une hépatite
cytolytique et un effet antabuse.
àL’hépatite survient habituellement 24 h. à 3 jours après la contamination par le DMF. Les
transaminases ne sont que modérément augmentées dans la majorité des cas. Histologiquement
l’atteinte hépatique est d’abord une stéatose, puis une nécrose centro-lobulaire. La sévérité des lésions est dosedépendante. L’atteinte peut-être sévère quand la prise de DMF est importante (un cas mortel a été publié),
cependant dans la majorité des cas l’évolution se fait vers la guérison sans séquelle. L’atteinte est d’autant plus
retardée que la contamination a été importante (l’inhibition par le DMF de son propre métabolisme explique
probablement cette particularité).
àLe syndrome douloureux abdominal se manifeste par des crampes généralement épigastriques, ainsi que par des
nausées et des vomissements.
àLe syndrome antabuse survient après une prise d’alcool car le DMF est un puissant inhibiteur des aldéhydes
déshydrogènases. Il se manifeste par une vasodilatation périphérique prédominant à la face et à la partie supérieure
du tronc, par une tachycardie sinusale, une hypotension, des céphalées, des vertiges, des sueurs, des vomissements.
àL’effet dépresseur du système nerveux central entraîne asthénie, céphalées, vertiges, somnolence.
Les intoxications professionnelles par le DMF ne sont pas rares. Elles sont rendues possibles par la signalisation
inconstante du DMF sur l’étiquetage dans les préparations commerciales, ainsi que par le port de protections
cutanées inadaptées.
Le traitement se fait notamment par administration de N-acétylcystéine.
ØRéparation
Le tableau n°84 du R.G. prend en charge le syndrome ébrieux ou narcotique et les dermites mais
pas l’atteinte hépatique.
1.1.11. PYRIDINE
C’est un solvant hétérocyclique soufré qui est utilisé comme réactif de laboratoire, intermédiaire de synthèse de
pesticides et de médicaments ainsi que comme solvant dans l’industrie du caoutchouc. La pyridine a entraîné des
hépatites cytolytiques après administration orale. En milieu de travail l’odeur très nauséabonde, perceptible dés 1
ppm, en limite l’inhalation.
1.2. METAUX ET METALLOIDES
1 2.1. PHOSPHORE
. L’hépatite phosphorée est actuellement exceptionnelle en raison de la suppression des raticides
phosphorés et du phosphore des allumettes. Elle est due à l’ingestion de phosphore blanc ou de phosphure de zinc.
La nécrose survient pour des doses de moins de 100 mg et prédomine en périportale.
1.2.2. ARSENIC
ØSources d’exposition
L’arsenic est présent comme impureté dans de nombreux minerais. Les principales circonstances
d’exposition professionnelle sont le grillage de minerais arsenicaux (fonderies de cuivre surtout, mais aussi d’or, de
plomb et de zinc), la fabrication des organo-arsenicaux, le traitement du bois par les fongicides CCA, la verrerie et
la cristallerie (affinage du verre), la tannerie, la fabrication de pesticides et le traitement de la vigne.
ØManifestations cliniques
La toxicité aiguë se traduit par une atteinte multiviscérale par cytotoxicité directe sur les cellules
endothéliales du tissu digestif (gastro-entérite intense avec diarrhées profuses, vomissements), nerveux (oedème
cérébral, convulsions), hépatique (cytolyse), rénal (insuffisance rénale par nécrose tubulaire), médullaire (hypoplasie)
et myocardique (troubles de la conduction et de l’excitabilité, choc cardiogénique). La guérison toujours très lente
est marquée par une atteinte de la peau et des phanères, et surtout par une polyneuropathie sensitivo-motrice.
ØRéparation
Elle se fait au titre du tableau n° 20 du R.G. et n°10 du R.A. avec un délai de prise en charge de 7
jours.
HYDROGENE ARSENIE
L’hydrogène arsénié ou arsine est un gaz incolore plus lourd que l’air. La pénétration dans l’organisme est
exclusivement respiratoire. C’est le plus toxique des dérivés de l’arsenic.
ØSources d’exposition
Hormis quelques applications dans l’industrie électronique comme gaz de dopage dans la
fabrication de semi-conducteurs et en synthèse organique, le plus souvent la formation d’hydrogène arsénié est
accidentelle.
Les principales circonstances de dégagement accidentel se rencontrent dans la métallurgie: traitement de minerais
ayant de l’arsenic comme impureté (zinc, cuivre, étain, plomb et cobalt), détartrage chimique acide de chaudières,
bronzage d’art, restauration de peintures contenant des dérivés arsenicaux. Ce risque existe chaque fois que
l’arsenic est en contact avec de l’hydrogène naissant ou des solutions acides.
ØManifestations cliniques
L’hydrogène arsénié provoque une hémolyse intra-vasculaire massive avec anémie et
hémoglobinurie. L’intoxication suraiguë peut entraîner le décès par collapsus cardio-vasculaire immédiat après
l’exposition. Selon l’intensité de l’exposition, la symptomatologie des accidents aigus débute par un malaise général
avec céphalées, paresthésies des membres, frissons, sueurs, nausées, vomissements et douleurs abdomino lombaires. Puis s’installent progressivement un état de choc avec pâleur et cyanose, et une insuffisance rénale aiguë
oligo-anurique, liée à la précipitation intra-tubulaire de l’hémoglobine libre, et à une toxicité directe sur le
parenchyme rénale avec urines rouges. Il existe souvent une cytolyse hépatique modérée, survenant après la 24°h.
avec élévation des transaminases de 1,5 à 2 N. L’hépatite peut être retardée. Le tableau peut ensuite se compliquer
d’une hyperthermie modérée, d’un ictère cutanéo-muqueux intense avec hépatomégalie sensible, d’une CIVD et
d’une rhabdomyolyse. Le décès survient dans environ 10 à 25% des cas selon les séries, l’évolution peut être
marquée par l’installation de complications arsenicales: alopécie, neuropathie périphérique, anémie mégaloblastique.
Des séquelles à type d’insuffisance rénale chronique avec HTA sont également possibles.
ØRéparation
L’intoxication professionnelle par l’hydrogène arsénié peut faire l’objet d’une déclaration de
maladie professionnelle au titre du tableau n° 21 du R.G. avec un délai de prise en charge de 15 jours.
Il faut absolument penser à la possibilité de dégagements fortuits d’arsine chaque fois que l’arsenic est présent,
même à l’état de traces.
1 2.3. PLOMB
Quelques rares observations font état d’une cytolyse hépatique lors d’intoxication massive.
1.2.4. CADMIUM
ØSources d’exposition
Il entre dans la composition d’alliages avec l’acier, le zinc et le cuivre. Il permet la fabrication de
batteries et d’accumulateurs rechargeables et la fabrication de revêtements anticorrosion des métaux, par électrolyse
ou par trempage. Les composés minéraux du cadmium sont des stabilisants des matières plastiques et des pigments
jaunes ou oranges pour peintures, encres et émaux. Ils sont également utilisés pour la fabrication de fusibles, de
cellules photo-électriques, de semi-conducteurs et de substances luminescentes.
ØManifestations cliniques
Lors des accidents aigus, les vapeurs et les fumées concentrées d’oxyde sont, caustiques pour les
voies respiratoires et peuvent entraîner une pneumonie chimique, "pneumonie cadmique" voire un OAP lésionnel.
L’inhalation de vapeurs et de fumées à concentration modérée peut être à l’origine d’un épisode de "fièvre des
métaux". De façon exceptionnelle l’atteinte respiratoire peut se compliquer d’une atteinte hépatique (cytolyse) et
rénale (tubulopathie proximale avec diabète phospho-gluco -aminé).
ØDiagnostic biologique
Il se fait par dosage sanguin du cadmium. Le taux normal est inférieur à 5 microgramme/1.
1.3. DECOUPLANTS
Le dinitrophénol (intermédiaire pour la synthèse des colorants, des explosifs, des produits de développement
photographique et des pesticides) et le dinitro-orthocrésol, sont des substances découplant la phosphorylation
oxydative mitochondriale pouvant entraîner une nécrose hépatique de façon contingente lors d’intoxications aiguës
massives.
La réparation se fait au titre du tableau n°14 du R.G. et n°13 du R.A. Le délai de prise en charge est de 3 jours.
1.4. ORGANOCHLORES
ØSources d’exposition
Ils sont employés comme insecticides pour le traitement des sols et des semences. Seules trois molécules
restent commercialisées en France: diénochlore, l’endosulfan ou thiodan et le lindane. Le DDT est interdit.
L’absorption est surtout percutanée, mais également respiratoire.
ØManifestations cliniques
Dans les formes graves lors d’intoxications aiguës, il existe des signes digestifs (vomissements, diarrhées,
douleurs abdominales) puis survient une confusion mentale avec tremblements et ataxie, puis l’apparition de
convulsions généralisées et d’un coma. Le tableau s’accompagne d’une acidose métabolique et peut se compliquer
d’une rhabdomyolyse, parfois d’une cytolyse hépatique (lindane) ou d’une tubulopathie rénale liée à la
myoglobinurie. Une hyperexcitabilité myocardique et un oedème pulmonaire sont possibles en particulier avec le
lindane.
ØDiagnostic biologique
Il se fait par dosage sanguin de l’organochloré.
1.5. POLYCHLOROBIPHENYLS (PCB)
Ils se trouvent présents dans des préparations commerciales telle que Phénochlor, Pyralène où ils sont mélangés à
du trichlorobenzène. Les PCB sont pratiquement non biodégradables d’où un problème majeur d’écotoxicité
(bioaccumulation au long des chaînes alimentaires). Leur pyrolyse à des températures comprises entre 450 et 700°
C.dégage de l’acide chlorhydrique, des oxydes de carbone, des polychlorodibenzofuranes (PCDF) ainsi que des
traces de polychlorodibenzodioxines.
ØSources d’exposition
Jusqu’au milieu des années 70, les PCB ont été utilisés comme fluides hydrauliques, lubrifiants, additifs des
matières plastiques ou d’huiles de coupe et en raison de leur ininflammabilité comme fluides isolants dans les
transformateurs de puissance et les condensateurs électriques. L’arrêté du 8 juillet 75 a limité, en France, leur emploi
aux systèmes électriques clos, en principe peu vulnérable à l’incendie. Depuis le 1° juillet 86, leur mise sur le marché
dans des équipements neufs est interdite dans toute la CEE.
A l’heure actuelle, l’intervention sur les nombreuses installations électriques contenant encore des PCB représente la
principale circonstance d’exposition professionnelle. L’emballement d’un réacteur de synthèse de trichlorophénol a
été à l’origine, en 1976 à Seveso, d’une exposition environnementale aux polychlorodibenzodioxines (PCDD).
ØManifestations cliniques
L’exposition aiguë lors de l’incendie d’un transformateur contenant des PCB entraîne une exposition aux
produits de pyrolyse: acide chlorhydrique, PCDF et PCDD. Le PCDD est considéré comme le principal
responsable des manifestations observées:
àmalaise avec nausées, céphalées, signes irritatifs oculaires, ORL et respiratoires liés à l’acide
chlorhydrique.
àchloracné pouvant survenir plusieurs mois après l’exposition, d’intensité proportionnelle à la
contamination et persistant plusieurs années.
àanomalies biologiques hépatiques (augmentation modérée des triglycérides, des gamma GT, des
transaminases, des PA) avec parfois hépatomégalie.
àasthénie, perturbations cognitives (troubles de la mémoire, allongement du temps de réaction) et
troubles de l’humeur.
ØDiagnostic biologique
Le dosage plasmatique des PCB est un moyen indirect d’évaluer l’exposition aux produits de pyrolyse
furanes et dioxines. Ces dosages sont toutefois délicats, longs et coûteux.
1.6. SUBSTANCES DIVERSES
1.6.1. HYDRAZINE
C’est un liquide incolore utilisé en solution acqueuse comme intermédiaire de synthèse d’agents
porogènes pour matières plastiques, de pesticides et de médicaments (isoniazide, dihydralazine). Elle est également
utilisée comme anticorrosif et comme base pour la fabrication de colorants.
La projection cutanéo-muqueuse provoque des brûlures chimiques d’intensité variable avec la concentration et le
temps de contact. Les vapeurs sont fortement irritantes pour les voies respiratoires et peuvent être à l’origine d’un
OAP lésionnel.
L’hydrazine entraîne un abaissement du seuil épileptogène.
Elle est également responsable d’hémolyse et d’atteintes hépato-rénales.
1.6.2. NITROSAMINES
La source majeure d’exposition humaine exogène aux nitrosamines est le tabac. Certaines activités
professionnelles peuvent être source d’exposition: les industries du cuir, du caoutchouc, la métallurgie.
Les nitrosamines essentiellement la diméthylnitrosamine sont hépatotoxiques. Les observations humaines
d’intoxication professionnelle sont exceptionnelles.
1.6.3. 4,4DIAMINODIPHENYLMETHANE (DDM)
ou 4,4 méthylènedianiline (MDA).
ØSources d’exposition
C’est une amine aromatique largement utilisée comme durcisseur de résines époxy, de
polyuréthanes et comme anti-oxydant pour caoutchouc. En France le décret du 28 août 89 n’autorise leur utilisation
à des concentrations supérieures à 0,1% qu’à des fins exclusives de recherche ou d’analyse.
ØManifestations cliniques
àDans les accidents aigus la DDM entraîne une hépatite mixte associant nécrose hépatocytaire et
cholestase. La symptomatologie aiguë consiste en des douleurs de l’hypocondre droit, suivies de fièvre, de myalgies,
de céphalées, de rash cutané, puis d’ictère franc avec prurit. Biologiquement s’associe l’élévation de la bilirubine
conjuguée, des phosphatases alcalines et des transaminases de façon modérée, inférieures à 10N. La guérison s’est
fait spontanément et sans séquelle dans la totalité des cas publiés.
àLors d’exposition chronique, la DDM peut être responsable d’une élévation isolée et
asymptomatique des transaminases et / ou de la bilirubine et / ou des phosphatases alcalines, à des concentrations
très inférieures à la VME compte tenu de la pénétration percutanée prédominante.
ØSurveillance des personnes exposées
La pénétration transcutanée de cette amine très liposoluble justifie le suivi de l’exposition
professionnelle par mesure du DDM dans les urines et la surveillance biologique de la fonction hépatique.
1.6.4. HALOTHANE
L’halothane ou fluothane est un dérivé halogéné de l’éthane (2 bromo,2 chloro,1,1,1 trifluoroéthane)
dont le métabolisme intermédiaire, cytochrome P450 dépendant entraîne la formation de plusieurs dérivés
électrophiles responsables de peroxydation lipidique.Il est actuellement admis que ces altérations cellulaires
engendrent secondairement une sensibilisation à l’halothane chez certains sujets seulement, ce qui expliquerait
l’aggravation des lésions lors des administrations itératives et la survenue sporadique d’hépatites toxiques.
ØManifestations cliniques
Les hépatites à l’halothane sont essentiellement observées chez les malades anesthésiés par cette
substance et sont exceptionnelles. Plus rarement il existe des intoxications professionnelles chez les anesthésistes et
le personnel de bloc opératoire ou de salle d’accouchement.
L’hépatite survient après plusieurs administrations successives d’halothane à intervalles brefs et se manifeste par un
ictère cytolytique au 5° jours post-anesthésique, accompagnée de manifestations générales d’hypersensibilité (rash,
fièvre, hyperéosinophilie). Le pronostic de ces hépatites est mauvais (50% de décès) avec évolution vers
l’insuffisance hépatocellulaire. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’auto-anticorps spécifiques dirigés
contre la membrane de l’hépatocyte. La prévention est assurée par la mise en place de système antipollution et le
travail en circuit fermé. L’enflurane également utilisé est exceptionnellement hépatotoxique et l’isoflurane n’est pas
considéré comme hépatotoxique.
ØRéparation
Elle se fait au titre du tableau n°89 du R.G.
Les situations classiques d’exposition aux différents hépatotoxiques industriels cités plus haut sont
maintenant exceptionnelles en raison des mesures de substitution touchant les produits les plus toxiques et de la
politique normative fixant des valeurs limites de concentration dans les lieux de travail. Depuis le début des années
80, de nouvelles interrogations sont apparues sur le risque pour le foie d’expositions à des mélanges de substances
faiblement hépatotoxiques (situations industrielles fréquentes, par exemple pour les solvants aux postes de peinture)
sachant que certaines substances comme les cétones exercent une action potentialisatrice, de même que l’ingestion
simultanée d’alcool ou de certains médicaments.
Le rôle de l’ingestion d’alcool apparaît de façon nette justifiant ainsi la surveillance ciblée, clinique et biologique des
salariés exposés aux solvants et ayant par ailleurs des facteurs de risque personnels (alcool, médicaments).
2.ATTEINTES HEPATIQUES CHRONIQUES
Il s’agit soit de fibrose en règle portale ou de cirrhose compliquée ou non d’hypertension portale (HTP), de
splénomégalie avec leucopénie et thrombopénie, de varices œsophagiennes avec hémorragies digestives, soit de
cancer primitif du foie.
2.1. ARSENIC
L’arsenic sous forme de trioxyde, a été utilisé en thérapeutique médicale sous forme de liqueur de
Fowler dans le traitement de certaines dermatoses, notamment du psoriasis. Ce métalloïde est également présent
dans de nombreux minerais métallifères et dans certains pesticides employés dans le traitement des vignes.
àL’intoxication chronique par ingestion d’arsenic induit une fibrose portale. L'HTP de type
présinusoïdale est importante et peut conduire à des hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes.
La responsabilité de l’arsenic dans la survenue de cirrhose a été soulevée dans certains groupes professionnels,
notamment les vignerons.
àL’ingestion chronique d’arsenic peut aussi être à l’origine d’angiosarcomes et
d’hémangioendothéliomes. L’angiosarcome du foie est réparé comme maladie professionnelle au titre du tableau
n°20 D du R.G. et n°10 du R.A. Le délai de prise en charge est de 40 ans.
2.2. CHLORURE DE VINYLE OU MONOCHLORETHYLENE
Le chlorure de vinyle monomère (CMV) est un gaz inflammable qui se polymérise facilement sous
l’action de l’oxygène, de la chaleur et de certains catalyseurs. En milieu industriel le CMV est stocké, transporté et
utilisé essentiellement sous forme liquéfiée entretenue par pression.
ØSources d’exposition
Le CMV est utilisé depuis les années 30 pour la production de polychlorure de vinyle (PVC) qui
constitue la base de très nombreuses matières plastiques (bouteilles d’eau, revêtements de sols, encadrement de
fenêtres, etc.). Les plus fortes expositions s’observent dans les ateliers de polymérisation lors du nettoyage et du
décrôutage des autoclaves. L’exposition professionnelle au CMV est réglementairement limitée (décret du
12.03.80:les concentrations moyennes à respecter sont de 1 ppm pour les installations en service et de 0,5 ppm
pour les nouvelles installations).
Les contraintes actuelles qui pèsent sur les teneurs en monomère du PVC rendent les risques environnementaux
négligeables: moins de 1 ppm imposé pour l’usage alimentaire et moins de 10 ppm imposé pour les autres usages.
ØPathogénie
La toxicité du CMV proviendrait de sa transformation en métabolites réactifs électrophiles: l’oxyde de
chloréthylène et le chloracétaldéhyde.
ØManifestations cliniques
L’exposition chronique au CMV peut provoquer une fibrose hépatique qui peut être associée à une
HTP, des varices œsophagiennes, une splénomégalie et une thrombopénie.
L’exposition prolongée (plus de 10 ans) est à l’origine d’angiosarcome hépatique, tumeur extrêmement rare dans la
population générale et de pronostic sévère (survie moyenne inférieure à 1 an) se développant à partir des cellules
bordant les sinusoïdes. L’angiosarcome survient avec une latence moyenne de 22 à 25 ans associé ou non à une
fibrose. Le tableau est celui d’une hépatomégalie douloureuse avec ictère, ascite, hémopéritoine, HTP. Le diagnostic
repose sur l’imagerie et l’histologie.
Par ailleurs le CMV est responsable de la "maladie des décrôuteurs d’autoclaves" qui se traduit par des troubles
angioneurotoniques des doigts, des phénomènes d’acro-ostéolyses parfois associés à des lésions sclérodermiformes
ØSurveillance des personnes exposées
Les travaux de polymérisation du chlorure de vinyle font partie des travaux nécessitant une surveillance
médicale spéciale.
Le dosage urinaire de l’acide thiodiglycolique est sans intérêt pour les expositions inférieures à 5 ppm. Il peut
représenter un indicateur en cas d’exposition accidentelle à forte dose. Le taux normal est inférieur ou égal à 2 mg/1
.
Une surveillance post-professionnelle tous les 2 ans est proposée aux salariés. L’échographie et le bilan biologique
hépatique restent les examens de base de ce suivi.
ØRéparation
L'HTP et l’angiosarcome sont reconnus comme maladie professionnelle au titre du tableau n°52 du
R.G. Le délai de prise en charge est de 30 ans, la durée d’exposition de 6 mois.
2.3. TETRACHLORURE DE CARBONE
L’exposition chronique aboutit à une dégénérescence hépatique graisseuse (stéatose) évoluant vers la
cirrhose (potentialisation par l’administration d’acétone ou d’éthanol) et à une atteinte rénale glomérulaire et tubulo interstitielle qui évolue normalement vers la guérison (après épuration rénale).
Des cas de carcinomes hépatocellulaires ont été publiés (1).
Une atteinte surrénalienne est également suspectée lors de l’exposition au tétrachlorométhane.
2.4. POLYCHLOROBIPHENYLS (PCB)
Une stéatose hépatique, accompagnée ou non d’anomalies biologiques (élévation des transaminases, des
triglycérides et / ou du cholestérol) ainsi qu’une discrète hépatomégalie, a été rapportée chez des travailleurs de
l’industrie des transformateurs et condensateurs électriques.
Les études épidémiologiques réalisées chez les salariés exposés aux PCB n’ont pas montré de surmortalité par
cancer du foie.
2.5. BERYLLIUM
Les principales circonstances d’exposition professionnelle sont la métallurgie du béryllium, l’industrie des
céramiques et des composants électroniques, la verrerie et le soudage avec des électrodes contenant du béryllium.
Il peut être responsable de bérylliose chronique, qui est une granulomatose multiviscérale prédominant au niveau du
poumon où elle réalise une atteinte proche de la sarcoïdose. Les autres localisations viscérales notamment au niveau
du foie, de la rate et des reins sont beaucoup plus rares.
La constatation d’une tumeur hépatique telle que l’angiosarcome compte tenu de la faible prévalence dans la
population générale (1 à 3%) doit faire systématiquement rechercher une exposition à l’arsenic ou au chlorure de
vinyle.
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