Forum de discussion et responsabilité
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Forum de discussion et responsabilité
Le mot du juriste Forum de discussion et responsabilité Un forum de discussion est un service permettant à des individus de s’exprimer et de débattre librement sur un thème donné : chaque utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d'articles. Il peut également constituer l’occasion de mise en ligne de contenus illicites ou préjudiciables. Depuis l’adoption de la loi "pour la confiance dans l’économie numérique" (LCEN) en 2004, les services sur Internet, comme les forums de discussion, sont soumis non seulement au respect du droit commun mais aussi à la règlementation des services de communication en ligne par voie électronique, qui institue deux fondements de responsabilité : la responsabilité éditoriale pour les infractions dites "de presse" et la responsabilité limitée du fournisseur d’hébergement des messages présents sur le forum. Application du droit commun et de la responsabilité éditoriale Mise en œuvre de la responsabilité civile Droit commun Les auteurs de messages de forums de discussion sont susceptibles d’engager leur responsabilité civile sur le fondement de l’application de l’article 1382 du Code civil. ("Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.") Le juge appréciera en quoi aura pu consister la faute, la négligence ou l’imprudence des acteurs ainsi que le rapport de causalité existant entre celle-ci et le préjudice subi par la victime. Infraction de presse Pour les infractions de presse, l’exploitant d’un forum de discussion et l’auteur d’un message n’engageront leur responsabilité civile qu’au travers de la procédure contraignante du droit de la presse (compétence juridictionnelle spécifique, délai de prescription des infractions de un an) et non plus sur le fondement des articles 1382 et suivants. Mise en œuvre de la responsabilité pénale Infraction pénale de presse Toutes les infractions de presse (injures, diffamations, propos racistes, contestations des crimes de guerre...) et un certain nombre d’infractions de droit commun (le fait de provoquer au suicide d’autrui, de transmettre l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, de diffuser un message à caractère pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur...), lorsque celles-ci sont commises par la voie de la communication électronique en ligne, relèvent du régime spécial de la responsabilité en cascade, prévue par la LCEN. Ce régime de responsabilité en cascade a pour particularité de rendre le directeur de la publication responsable au premier chef du contenu des messages illicites qui ont été diffusés, du moins lorsque ceux-ci ont fait l’objet d’une fixation préalable à leur communication au public. La loi précise que lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur du fait litigieux sera poursuivi comme complice. Pour les cas exceptionnels ou le directeur de la publication serait impossible à identifier, ou résiderait à l'étranger, la loi désigne des responsables subsidiaires : "A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal.". En clair, pour le cas où le directeur aurait disparu ou se serait mis d'une manière ou d'une autre hors de portée du droit français, c'est l'auteur du fait litigieux qui sera poursuivi. À défaut de pouvoir poursuivre ce dernier, c'est le "producteur" qui sera poursuivi. Par producteur, il faut entendre : celui qui prend l'initiative et finance la réalisation du site Internet ou du blog ou du forum. L’existence d’une fixation préalable est tributaire de l’existence d’une modération a priori. La modération a priori permet au directeur de la publication, ou à celui qui travaille pour son compte, de prendre connaissance d’un message avant qu’il ne soit posté sur le forum de discussion. Ainsi, l’éditeur du site exploitant le forum de discussion pourra être poursuivi comme auteur principal de l’infraction lorsque le message aura fait l’objet d’une modération a priori. Si le modérateur est une personne distincte du directeur de la publication, il pourra également faire l’objet de poursuites en tant que complice de l’infraction. À défaut de modération a priori, donc de fixation préalable du message, l’auteur principal de l’infraction sera toujours l’auteur du message. École supérieure de l'éducation nationale Page 1 sur 2 www.esen.education.fr Le mot du juriste Infraction pénale de droit commun Les autres infractions, c’est-à-dire celles qui ne renvoient pas vers le système de responsabilité propre à la presse et à la communication en ligne, répondent à un régime de responsabilité de droit commun selon lequel l’auteur du message sera considéré comme auteur principal de l’infraction. La responsabilité de l’exploitant du forum de discussion et/ou celle du modérateur ne pourra être recherchée qu’au titre de la complicité ou comme coauteurs de l’infraction. La responsabilité du fournisseur d’hébergement des messages du forum Le régime de la responsabilité du fournisseur d’hébergement est issu de la LCEN aux termes de laquelle il bénéficie d’un régime de responsabilité civile et pénale aménagée quant au caractère illicite des informations qu’il héberge. Ainsi sa responsabilité civile ou pénale ne peut être engagée que si l’hébergeur n'avait pas effectivement connaissance du caractère illicite des contenus stockés, ou de faits et circonstances faisant apparaitre ce caractère ou si, dès le moment où il a eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. En conclusion l’auteur d’un message est le premier responsable au regard du droit commun. Il peut également engager sa responsabilité en tant qu’auteur principal d’une infraction de presse, lorsqu’aucune modération a priori n’aura été pratiquée sur le forum de discussion ou, en cas de modération a priori, comme complice de cette infraction ; le modérateur du forum de discussion peut dans tous les cas être considéré comme complice, voire comme coauteur de l’infraction, suivant son degré d’implication dans la diffusion du message ; l’éditeur du site exploitant un forum de discussion s’expose à des poursuites pour les contenus illicites ou préjudiciables aux tiers, soit en qualité d’auteur principal pour les infractions de presse, soit, dans tous les cas, en qualité de complice ou de coauteur ; les fournisseurs de l’hébergement des contenus du forum sont soumis à une responsabilité limitée en leur qualité de prestataires techniques n’intervenant pas sur la production des contenus. Et en guise de conseils : si vous souhaitez offrir un service de forums, pensez à rédiger et à faire signer une charte d’usage fixant clairement les règles de fonctionnement ; désignez un modérateur qui aura la charge de surveiller la qualité des propos échangés. École supérieure de l'éducation nationale Page 2 sur 2 www.esen.education.fr