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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit de la copropriété
Répartition des charges - Usufruit n° 571
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Justice de paix d’Ixelles, Jugement du 8 septembre 1999
Les charges respectives de l'usufruitier et du nu-propriétaire sont régies exclusivement par les articles 600 à 616
C.civil relatifs aux obligations de l'usufruitier; seules les grosses réparations, dans le sens très restrictif défini par
le Code, sont à charge du nu-propriétaire. En l'espèce, il est jugé que les réparations ou remplacement des
"appareillages" installés dans les lieux tels que chaudière, ascenseurs, les réparations "terrasses" ou "escaliers de
secours", le remplacement des vitrages dans les garages et les restaurations de portes ne sont point des grosses
réparations au sens de l'article 606 C.civ. et sont donc dues exclusivement par l'usufruitier.
Si le nu-propriétaire a une action contre l'usufruitier pour l'obliger à effectuer les réparations d'entretien visées
par la loi, l'usufruitier ne dispose d'aucun droit lui permettant de forcer le nu-propriétaire à réaliser effectivement
les grosses réparations.
En revanche, la copropriété, tiers aux rapports usufruitier-nu-propriétaire, a une action contre le nu-propriétaire,
fondée sur l'article 577-9 C.civ., pour tous les travaux décidés légalement par l'assemblée générale, l'usufruitier
disposant, quant à lui, d' une véritable exception à l'encontre de la copropriété qui lui réclamerait le paiement de
charges équivalant à de grosses réparations (JJP 2000, p. 400).
Jugement du 8 septembre 1999
Le tribunal,
(…)
I. Objet de l'action
Attendu que l'action principale tend à entendre
condamner la défenderesse au principal à payer la
somme de 139.928 francs à titre de charges, 16.238
francs à titre d'intérêts de retard arrêtés au 10 janvier
1999,1.250 francs de frais de rappels et 70.000 francs
de pénalité forfaitaire, le tout majoré des dépens;
Qu'à titre subsidiaire, au cas où l'action principale serait
déclarée non fondée à l'égard de la défenderesse au
principal, ordonner la réouverture des débats afin de
permettre à la demanderesse de formuler une demande
incidente contre la défenderesse en intervention forcée;
Attendu que madame Y forme une demande
reconventionnelle et en intervention forcée par laquelle
elle demande d'entendre condamner solidairement et/ou
in solidum les deux autres parties à lui payer la somme
de 225.000 francs à titre de dommages et intérêts à
majorer des intérêts compensatoires au taux légal à
dater du 27 janvier 1997, 77.132 francs à majorer des
intérêts judiciaires à dater du 23 janvier 1997, et aux
dépens, et entendre dire pour droit que madame Z devra
supporter en principe toutes charges de la copropriété
reprises sous l’intitulé "frais propriétaire";
Attendu que madame Z formé une demande
reconventionnelle tendant à entendre déclarer madame
Y, déchue de son droit d'usufruit sur l'appartement de
type A au 3e étage aile droite à front de la rue ... n° 12 à
I, ordonner la transcription du jugement en 'marge de la
transcription du titre de l'acte constitutif de l'usufruit
inscrit au registre du conservateur des hypothèques, et
condamner madame Y à 50.000 francs pour procédure
téméraire et vexatoire et aux dépens;
II. Discussion
Attendu que la demande, quant à l'obligation à la dette,
n'est pas contestée;
Que le "propriétaire" de l'appartement 3D de
l'immeuble sis rue ... 12 à 1. est bien redevable à la
copropriété de cet immeuble des montants réclamés;
Que la contestation ne porte que sur la contribution à la
dette, usufruitière et nue-propriétaire se rejetant
l'imputabilité desdites charges;
Que la copropriété a cependant, et à juste titre, pris
position clairement à cet égard, en réclamant les
charges à l'usufruitière;
Que celle-ci pour la première fois depuis une douzaine
d'années que l'usufruit a été constitué tente d'imputer
ces charges qui lui incombent à la nue-propriétaire;
Que pour ce faire elle utilise des arguments juridiques
totalement erronés, où elle tente d'assimiler la situation
de l'usufruitier à celui du locataire et cherche en dépit
du plus élémentaire bon sens juridique, à invoquer à
son profit les articles 1719 à 1728quater du Code civil,
relatifs aux droits et obligations respectifs des preneurs
et des bailleurs;
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Droit de la copropriété
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Répartition des charges - Usufruit n° 571
Attendu que ces dispositions ne s'appliquent
évidemment pas à l'usufruit, et aux charges respectives
de l'usufruitier et du nu-propriétaire;
Que celles-ci sont régies exclusivement par les articles
578 à 624 du Code civil, et en particulier les articles
600 à 616 relatifs aux obligations de l'usufruitier;
Que les articles 605 et 606 du Code civil disposent en
particulier ce qui suit:
Art. 605
"L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.
Les grosses réparations demeurent à la charge du
propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées
par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi
tenu."
Art. 606
"Les grosses réparations sont celles des gros murs et
des voûtes, le rétablissement des poutres et des
couvertures entières.
Celui des digues et des murs de soutènement et de
clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations
sont d'entretien."
Qu'en vertu de l'article 608 "L'usufruitier est tenu,
pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles
de l'héritage, telles que les contributions et autres qui
dans l'usage sont censées charges des fruits";
Attendu que ces principes sont clairs, et ne souffrent
pas d'interprétation; que seules les "grosses réparations"
dans le sens très restrictif défini par le Code, sont à
charge du nu-propriétaire;
Que ces principes traditionnels bien connus ont
d'ailleurs été repris dans l'acte constituant l'usufruit luimême, acte passé le 1er septembre 1986 par devant les
notaires D, et C. de résidence à Bruxelles, et dont
l'article 5 des conditions générales est libellé comme
suit:
"L'acquéreur a la jouissance du bien vendu, savoir
madame Y à titre d'usufruit à partir du 3 août 1987
jusqu'au jour de son décès, à charge pour elle d'en
payer et supporter dès lors toutes les contributions,
taxes et impositions généralement quelconques, ainsi
que les charges communes, mademoiselle Z à compter
du jour du décès de madame Y, époque à laquelle elle
réunira entre ses mains l'usufruit du bien et la nuepropriété par elle présentement acquise";
Attendu qu'il résulte des principes qui précèdent que
l'action principale dirigée contre madame Y, est
totalement fondée, et les réserves quant à la demande
incidente sans objet dans la mesure où aucun des
montants réclamés ne concerne les grosses réparations
au sens restrictif de l'article 606 du Code civil;
Qu'il est bien évident que tout ce qui concerne les
réparations ou remplacement des "appareillages"
installés dans les lieux tels que chaudière-ascenseurs,
ne tombent pas sous l'article 606 du Code civil, et ne
sont dès lors pas à charge du nu-propriétaire, alors
qu'incontestablement ces mêmes "grosses réparations"
sont incontestablement à charge du bailleur en vertu de
l'article 1720 du Code civil; que le même raisonnement
doit être tenu pour les réparations "terrasses" ou
"escalier de secours", remplacement des vitrages dans
les garages, restaurations de portes etc .... qui apparaissent dans les décomptes de charges produits à la
rubrique "frais propriétaire", aucun de ces travaux ne
tombant sous la définition de l'article 606 du Code
civil;
Qu'il résulte de ce qui précède, qu'aujourd'hui, l'action
reconventionnelle dirigée par madame Y contre la
copropriété n'est pas fondée, pas plus que l'action en
intervention dirigée par elle contre la nue-propriétaire
madame Z;
Qu'il y a toutefois lieu de dégager en droit les principes
qui régiraient les rapports entre les diverses parties si
des "grosses réparations" au sens de l'article 606 du
Code civil devaient s'avérer nécessaires pour la
copropriété, par exemple le remplacement de la toiture
entière;
Qu'à cet égard, nous ne partageons pas entièrement le
point de vue juridique exprimé par la partie Z;
Qu'il est tout à fait exact que l'article 605 et 606 ne
créent aucun droit pour l'usufruitier d'exiger du nupropriétaire qu'il fasse effectivement les grosses réparations; que ceci découle tout simplement du fait que
nous ne sommes pas ici en matière de contrats
synallagmatiques, où il y a des droits et obligations de
part et d'autre (comme dans le bail), mais en matière de
droits réels;
Que l'usufruit n'a d'autres conséquences que celles
établies par la loi, et que le Code civil ne prévoit en
matière d'usufruit que des droits et des obligations pour
le seul usufruitier; que le code ne crée aucune
obligation à l'égard du nu-propriétaire;
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Que les articles 605 et 606 se trouvent d'ailleurs dans la
section 2 intitulée "les obligations de l'usufruitier", et
signifie tout simplement que celui-ci doit faire toutes
les réparations d'entretien sauf ... certaines qui restent à
charge du nu-propriétaire;
Que si sa position apparaît en fil de compte comme non
fondée, ce n’est qu'après un long examen des pièces du
dossier, et des principes juridiques applicables en
l'espèce, principes au demeurant assez complexes,
surtout pour des non juristes;
Qu'il en résulte donc que si ce dernier a une action
contre l'usufruitier pour faire les réparations d'entretien
visées par la loi, l'usufruitier ne dispose d'aucun droit
qui lui permettrait de forcer le nu-propriétaire à
effectivement faire les travaux de gros entretien au sens
de la loi (article 606);
Que dans ces conditions, l'attitude madame Y n'est ni
téméraire ni vexatoire, et que la demande
reconventionnelle de madame Z apparaît comme
excessive ;
Que nous ne sommes en effet pas en matière de droit
des obligations, mais en matière de droit réel, l'usufruit
ne constituant qu'un simple démembrement du droit de
propriété;
Que ce principe ne pose pas beaucoup de problèmes
lorsque nous avons à faire à un immeuble unique
occupé tout entier par un usufruitier, et appartenant par
un seul nu-propriétaire;
Que cette position juridiquement correcte doit
cependant être fortement nuancée lorsque la situation
se complique en faisant intervenir des tiers comme en
l'espèce, la copropriété;
Que si l'usufruitier n'a effectivement aucune action
contre le nu-propriétaire
Que si cet usufruitier a payé par erreur, il aurait une
action en répétition d’indu contre la copropriété; que
bien plus on pourrait même concevoir le cas échéant
une action contre le nu-propriétaire sur base de
l'enrichissement sans cause, gestion d'affaires ou toute
autre institution de ce type, puisqu'il aurait payé
quelque chose qui ne lui incombait pas;
Que si l'usufruitier n'a pas d'action contre le nupropriétaire pour le contraindre à effectuer les "grosses
réparations rappelons tout de même que ce nupropriétaire ne peut pas en imposer la charge à son
usufruitier;
Que l'attitude de la défenderesse au principal consistant
à refuser de ce qu'elle pensait incomber à la nuepropriétaire, sur pied de l'article 6005 du Code civil est
donc tout à fait compréhensible;
Qu'elle doit être déclarée non fondée ;
PAR CES MOTIFS,
Nous, juge de paix, statuant contradictoirement,
Déclarons la demande principale recevable et fondée;
Condamnons la défenderesse au principal à payer à la
demanderesse au principal la somme de 139.928 francs
à titre de charges, 16.238 francs à titre d'intérêts de
retard arrêtés au 10 janvier 1999,1.250 francs de frais
de rappels et 70.000 francs de pénalité forfaitaire;
Condamnons la défenderesse au principal aux dépens,
ces derniers liquidés jusqu'ores à 1.400 francs plus
12.600 francs à titre d'indemnité de procédure;
Déclarons la demande incidente sans objet;
Déclarons la demande reconventionnelle et en
intervention forcée de madame Y contre madame Z
recevables mais non fondées, en déboutons la
demanderesse et laissons les dépens à sa charge;
Condamnons la partie Y à payer à la partie Z la somme
de 12.600 francs à titre d'indemnité de procédure;
Déclarons la demande reconventionnelle de madame Z
contre madame Y recevable mais non fondée, en
déboutons la demanderesse et laissons les dépens à sa
charge;
Déclarons le présent jugement exécutoire par provision
nonobstant tout recours et sans caution.