audience solennelle -2011 - Tribunal administratif de Clermont

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audience solennelle -2011 - Tribunal administratif de Clermont
AUDIENCE SOLENNELLE DU 17 OCTOBRE 2011
Intervention de M. Daniel RIQUIN, président
Messieurs les députés,
Madame et Monsieur les sénateurs,
Monsieur le Procureur général près la Cour d’appel de Riom
Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand
Monsieur le Président de la Chambre régionale des comptes d’Auvergne
Monsieur le Secrétaire général de la préfecture du département du Puy-deDôme,
Monsieur le Délégué Militaire Départemental,
Monsieur le Commandant du Groupement de Gendarmerie Départementale,
Mme et MM. Les Directeurs des Services Régionaux,
M. le Président de l’Université d’Auvergne Clermont I,
M. le Doyen de la Faculté de Droit,
Madame la présidente du Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand,
MM. les Bâtonniers des ordres des Avocats,
Mme et MM. les Présidents des conseils régionaux des ordres professionnels,
M. le Président de la compagnie régionale des commissaires enquêteurs,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mes chers collègues,
Vous me permettrez d’abord de vous adresser mes plus vifs remerciements pour avoir
bien voulu honorer de votre présence cette audience solennelle, en acceptant ainsi de nous
consacrer un moment dans vos plannings chargés. Nous avons choisi ce moment qui sera
désormais, chaque année, la période de notre audience solennelle, pour ne pas alourdir le
calendrier des audiences de rentrée du début de l’année.
Mon propos s’efforcera de se concentrer sur les informations essentielles qui vous
intéressent, c'est-à-dire la situation du tribunal, notamment au regard des délais de jugement,
et, dans un second temps, l’impact des nombreuses réformes qui modifient et vont, en
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profondeur, continuer de modifier le fonctionnement de la juridiction administrative et ses
rapports avec les justiciables et les autres institutions.
Enfin, avant de nous retrouver pour un moment de convivialité, nous écouterons un
exposé de M. le vice-président du tribunal administratif, M. François Lamontagne, sur une
particularité des institutions locales, ancienne mais très vivante, la section de commune.
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D’abord la situation du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. En données nettes,
c'est-à-dire en dehors des séries, le tribunal a vu le nombre des litiges qui sont portés devant
lui croître régulièrement jusqu’en 2007, puis se stabiliser de 2007 à 2010, avant de connaître
une nouvelle poussée cette année (2180 requêtes en année glissante au 30 septembre 2011,
soit + 8, 80 %).
Face à cette augmentation des entrées, le volume des affaires traitées, après avoir
atteint 2444 affaires réglées en 2007, a diminué depuis, pour redescendre en dessous de la
barre des 2000 en 2010 et d’afficher, en année glissante 2011, 1891 affaires traitées.
Ce fléchissement se traduit évidemment par une augmentation du stock des dossiers en
instance, qui est passé en un an de 1240 à 1529 affaires ; et un allongement du délai prévisible
moyen de jugement, qui est passé de 7 mois 9 jours à 9 mois 21 jours. C’est un délai qui
prend en compte toutes les affaires, y compris les dossiers urgents comme les référés.
Maintenant, si l’on met à part ces affaires qui sont traitées dans le mois pour les référés
urgents, le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires du tribunal administratif de
Clermont-Ferrand est de un an, 2 mois et 21 jours, soit un délai qui demeure court, car le
délai moyen constaté pour l’ensemble des tribunaux administratifs de France est de plus de 2
ans. Ces résultats s’expliquent à la fois par le départ de plusieurs magistrats et le décalage de
leurs remplacements, qui a diminué l’effectif réel, mais aussi par le traitement de dossiers
anciens et complexes qui a alourdi la charge de travail des magistrats.
La situation du tribunal administratif de Clermont-Ferrand appelle, dans ces
conditions, une certaine vigilance pour que le délai de jugement, qui est un critère essentiel de
la qualité du service rendu aux justiciables, reste l’un des meilleurs de France. Pour cela nous
avons reçu cette année le renfort de deux nouveaux magistrats, Mme Caroline Bentéjac au 1er
février et M. Gilles Jurie au 1er septembre, si bien que le tribunal se retrouve désormais,
comme la quasi-totalité des juridictions administratives actuellement, à effectif complet, c'està-dire 10 magistrats, 16 agents de greffe et trois assistants de justice.
Ainsi, avec l’ensemble des personnes qui composent le tribunal, caractérisées par un
haut niveau de compétence, beaucoup d’expérience pour la plupart et un sens aigu du service
public, dans des locaux de grande qualité, nous nous préparons à mettre en œuvre les
nombreuses réformes qui viennent moderniser le fonctionnement des juridictions
administratives.
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Commençons par les réformes déjà entrées en vigueur mais dont la mise en œuvre est
lente, autrement dit n’est pas vraiment entrée dans les mentalités et les habitudes. Il en est
ainsi des nouvelles mesures d’instruction des dossiers que le décret du 22 février 2010 a
prévues, mesures contraignantes destinées à accélérer le débat contradictoire entre les parties
et, le cas échéant, à obliger une partie – un particulier ou une administration - qui « joue la
montre », à respecter les délais de procédure qui lui sont prescrits. Sans entrer dans la
technique, indiquons seulement que le décret de 2010, codifié au code de justice
administrative, permet au magistrat chargé de l’instruction d’un dossier, sous certaines
conditions – informations sur la période de l’audience notamment – de clore immédiatement
l’instruction d’une affaire, si une partie n’a pas adressé le mémoire qui lui était demandé par
une mise en demeure qui l’avertit clairement des conséquences de son abstention. En clair, ce
nouvel outil juridique permet au magistrat et au greffe du tribunal de rester maître de
l’instruction et d’éviter que les parties s’affranchissent des délais qui leur sont impartis. Dans
la mesure où le tribunal administratif de Clermont-Ferrand juge rapidement les litiges, il peut
être amené à utiliser de plus en plus fréquemment ces clôtures d’instruction à effet immédiat.
Je serai un peu plus rapide sur la réforme de la législation de l’éloignement des
étrangers. Non pas parce qu’elle n’est pas importante, mais parce qu’elle n’impacte pas le
tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dès lors que la région est dépourvue de centre de
rétention. Mentionnons seulement que le tribunal demeure saisi du refus de séjour des
étrangers placés en centre de rétention administrative dans d’autres régions, et des recours
dirigés contre les décisions d’assignation à résidence.
Poursuivons par la réforme qui vient d’entrer en vigueur le 1er octobre, rendant
obligatoire l’acquittement d’une somme de 35 € par requête devant de nombreuses
juridictions, dont les tribunaux administratifs. Rappelons que cette contribution est destinée à
financer l’aide juridique. Il est donc logique qu’en soient exonérés les bénéficiaires de l’aide
juridictionnelle et l’Etat. D’autres considérations expliquent l’exonération des litiges relatifs à
l’éloignement des étrangers et les référés-injonction, également appelés référés-liberté,
recours qui présentent un degré d’urgence et sont d’une nature incompatible avec le paiement
d’un droit de timbre. Mais quand cette contribution est due et n’est pas acquittée par le
justiciable, la sanction est sévère puisque sa requête est irrecevable et donc vouée au rejet.
Même si nul n’est censé ignorer la loi, le tribunal ne peut cependant rejeter d’emblée la
requête dépourvue du timbre de 35 € : le requérant distrait ou ignorant est informé par le
greffe du tribunal qu’il doit régulariser sa requête en acquittant le timbre, dans le délai qui lui
est indiqué (15 jours en général, sauf urgence). Cependant, si l’administration a mentionné
dans la décision attaquée l’obligation du droit de timbre, le tribunal n’a pas à demander la
régularisation avant de rejeter la requête. Et, pour les professionnels du droit que sont les
avocats, le tribunal est également dispensé de son obligation de demande de régularisation, ce
qui a motivé une lettre de ma part aux bâtonniers du ressort pour que l’information soit
diffusée le plus largement possible.
Autre réforme qui concerne une activité administrative très importante des tribunaux
administratifs, la réforme des enquêtes publiques. Entamée avec la loi Grenelle II, elle se
poursuit cette année avec un ensemble de mesures mises en œuvre par la voie réglementaire.
Un premier décret (du 4 octobre) vient de réformer la composition et le fonctionnement des
commissions départementales chargées d’établir les listes d’aptitude aux fonctions de
commissaire enquêteur.
La composition de ces commissions sera modifiée à partir de l’an prochain, pour tenir
compte de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat, et permettre à un commissaire
enquêteur désigné par le préfet d’assister, avec voix consultative, aux délibérations de la
commission.
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L’innovation majeure consiste à obliger les commissaires enquêteurs à présenter une
nouvelle demande d’inscription sur la liste d’aptitude tous les 4 ans, demande de réinscription
que la commission départementale examinera en procédant à l’audition de l’intéressé. Cette
réforme faisait partie des recommandations du groupe de travail que le Conseil d’Etat a
constitué l’an dernier, groupe auquel l’un de mes prédécesseurs, Henri Dubreuil et moi-même,
avons participé. L’objectif, clairement poursuivi, est d’équilibrer ces listes d’aptitude,
pléthoriques dans la grande majorité des départements, avec le nombre d’enquêtes publiques.
Pour prendre l’exemple du Puy-de-Dôme, il y avait en 2010 131 commissaires enquêteurs
inscrits sur la liste d’aptitude, pour seulement 136 enquêtes publiques. Sur les 131
commissaires enquêteurs du Puy-de-Dôme, 46 ont été inscrits avant l’année 2000 : ils devront
donc former une nouvelle demande et être auditionnés par la commission. Celle-ci devra, sans
nul doute, procéder à une sélection sévère. En effet, depuis mon arrivée, j’ai constaté qu’un
effort considérable devait être consenti pour améliorer le contenu des avis rendus par les
commissaires enquêteurs, qui, je le rappelle, doivent, de par la loi, être motivés, c'est-à-dire
exposer clairement les avantages et les inconvénients des projets soumis à enquête. Cet effort
exige de la part du tribunal un programme vigoureux de formation des commissaires
enquêteurs, qui commencera en novembre, à l’issue de l’assemblée générale de la compagnie
régionale.
Je poursuis en évoquant deux réformes qui vont modifier sensiblement le déroulement
des audiences.
1ère réforme, déjà partiellement entrée en vigueur, c’est la possibilité pour les parties
de prendre la parole après avoir entendu les conclusions du rapporteur public. Aujourd’hui les
parties prennent la parole avant et après ; l’expérimentation en cours, qui simplifie le
déroulement de l’audience en supprimant les plaidoiries avant les conclusions du rapporteur
public, devrait être généralisée. La faculté donnée ainsi aux justiciables de présenter des
observations orales a, incontestablement, conféré un nouvel intérêt aux audiences, en
complétant utilement les pièces et mémoires de la procédure écrite, en permettant souvent à
une partie d’appeler l’attention de la formation de jugement sur un élément du litige qui, à
l’écoute du rapporteur public, mérite d’être approfondi ou de recevoir un éclairage nouveau.
Seconde réforme qui modifie le déroulement des audiences, et qui va entrer en vigueur
au 1 janvier 2012, c’est la possibilité de dispense des conclusions du rapporteur public. C’est
une réforme qui a suscité des controverses et des inquiétudes, dans la mesure où, comme l’a
souvent dit le vice-président du Conseil d’Etat, l’intervention du rapporteur public est la
signature de la juridiction administrative.
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Il me semble dès lors important de bien cerner cette réforme. Dans un certain nombre
de matières, fixées par un décret qui sera pris à la fin de l’année, le nouvel article L732-1 du
code de justice administrative permettra au rapporteur public, lorsqu’un dossier ne pose aucun
problème de droit nouveau, et ne porte que sur une appréciation récurrente, de proposer au
président de chambre d’être dispensé de conclusions sur cette affaire. Sur un simple plan
quantitatif, cette dispense va concerner un nombre significatif de litiges, puisque les matières
concernées seront, par définition, des contentieux dits « de masse », des contentieux répétitifs,
comme les permis de conduire. En revanche, sur le plan qualitatif, les contentieux dits
classiques (les contrats et marchés, la fiscalité d’Etat, la fonction publique, l’urbanisme) ne
pourront pas donner lieu à une dispense de conclusions du rapporteur public. Pour lever les
inquiétudes persistantes, on relèvera trois éléments :
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En premier lieu, les parties seront bien entendu informées de la dispense de
conclusions, en interrogeant avant l’audience l’application Sagace, comme
actuellement pour connaître le sens des conclusions du rapporteur public.
En deuxième lieu, cette dispense ne sera nullement automatique : elle
n’interviendra qu’après que le rapporteur public, après examen du dossier, aura
constaté l’absence de difficulté d’ordre juridique ou factuelle qui justifierait
son intervention auprès de la formation de jugement.
En troisième lieu, cette réforme permettra, plus qu’aujourd’hui, au rapporteur
public de renforcer son rôle et son poids dans les affaires particulièrement
complexes, ou dont l’enjeu est important, et cette réforme ne saurait être
comprise comme annonçant la disparition progressive de la fonction dans les
juridictions administratives.
Je serai plus bref pour évoquer une autre réforme, dont les contours sont, à l’heure
actuelle, flous. Je veux en dire simplement un mot, dans la mesure où cette réforme illustre la
volonté de la juridiction administrative, impulsée par le vice-président du Conseil d’Etat, de
s’adapter et de se moderniser, pour répondre toujours mieux aux attentes des justiciables.
Un groupe de travail, réunissant des membres du Conseil d’Etat, des cours
administratives d’appel et des tribunaux administratifs, a pour mission de proposer de
nouveaux principes de rédaction des décisions de la juridiction administrative, pour les rendre
plus accessibles, plus lisibles pour les justiciables. C’est un défi majeur auquel ce groupe de
travail est confronté. En effet, il faudra garder un équilibre entre cet objectif de lisibilité pour
les lecteurs de nos jugements, et les exigences de la rigueur juridique, qui nous impose
d’utiliser un vocabulaire très précis, souvent technique. Nous aurons encore l’occasion de
reparler de ce changement dans nos principes de rédaction, lorsque ceux-ci auront été adoptés.
Dernière innovation dont je voulais vous faire part, et qui témoigne bien de la volonté
de la juridiction administrative de s’ouvrir sur l’extérieur, de communiquer et, plus
profondément, d’assurer, pour sa part, l’accès de tous au droit : la mise en ligne de sa
jurisprudence, par l’intermédiaire de sa base Ariane Web. Tout un chacun, particuliers,
administrations, peut interroger désormais librement cette base de données parmi 230 000
décisions du Conseil d’Etat et des cours administratives d’appel, y compris les analyses qui
permettent de s’assurer du sens et de la portée des décisions les plus importantes.
J’en ai terminé avec ce panorama des réformes qui viennent d’entrer en vigueur, ou
qui sont en passe de l’être très prochainement. D’autres sont à venir, comme la
dématérialisation des procédures qui s’accompagnera d’une refonte totale de notre outil
informatique, permettant d’intégrer l’ensemble de nos applications professionnelles.
Vous le voyez, les changements sont nombreux, profonds. Ils exigent de la part des
magistrats et des agents du greffe une remise en question fréquente de nos habitudes. C’est
pourquoi il est si important que la concertation soit approfondie avec les magistrats et les
agents de greffe.
Symbole et moment fort de cette concertation, la Charte du dialogue social qui a été
signée le 31 mai dernier entre le Vice-président du Conseil d’Etat et les représentants des
agents de greffe, dont M. Fournioux, Greffier en Chef du tribunal.
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Je passe la parole maintenant à M. François Lamontagne, Vice-Président du tribunal,
qui va faire un point sur l’actualité des SECTIONS DE COMMUNES.
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Mesdames, Messieurs, nous vous remercions de votre attention et nous vous invitons à
partager avec nous un moment de convivialité préparé par les agents du greffe du tribunal
administratif, dont je salue la disponibilité et le dévouement.
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