Deleplace Le Récit comme acces a la connaissance
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Deleplace Le Récit comme acces a la connaissance
LE RÉCIT COMME ACCÈS À LA CONNAISSANCE HISTORIQUE RÉFLEXIONS DIDACTIQUES SUR LE RÉCIT HISTORIQUE Marc Deleplace Maître de conférence en histoire contemporaine EA 2616-CERHIC Université de Reims Champagne-Ardenne IUFM Champagne-Ardenne Journée d’études Récit, savoir et société, Yves Reuter (EA 1764 THEODILE) université de Lille III. Publié in Pratiques, 2007 À partir pour l’essentiel de l’exemple d’un récit d’événement, celui de la Révolution française, nous nous proposons de suggérer quelques pistes de réflexion sur la place du récit dans la didactique de l’histoire. Le récit a pu faire en lui-même l’objet d’une réflexion didactique (Audigier, 2000). Mais on mesure également, et peut-être surtout, l’importance qu’il revêt pour l’enseignement de l’histoire par la fréquence de son évocation dans des travaux dont il ne constitue pas le cœur. Il peut ainsi intervenir dans le cadre d’une réflexion sur les apprentissages des élèves (Lautier 1997a). Il peut trouver sa place dans une réflexion sur les pratiques de l’enseignement de l’histoire, soit dans une perspective proprement didactique (Lautier, 1997b), soit dans une perspective autant historique que didactique (Héry, 1999), voire épistémologique (Lautier, 1997a ; Bugajewski, 2000). Il peut enfin relever de considérations sur l’enseignement de l’histoire et les débats qui le traversent (Laville, 2000 ; Garcia et Leduc, 2003). Quoi qu’il en soit de l’angle d’approche initial, chacun de ces travaux souligne l’ambiguïté de la position du récit dans cet enseignement, à la fois fondateur et décrié, alternativement suspecté d’enfermer l’enseignement de l’histoire dans une simple nomenclature de faits, de noms, de dates, au détriment d’une véritable activité de connaissance, ou réaffirmé comme un moyen d’accès privilégié à la connaissance historique. Cette situation contradictoire du récit dans l’enseignement de l’histoire ne saurait se séparer, même si elle obéit à sa logique propre, de la place qu’il occupe dans la constitution de l’histoire comme discipline universitaire. C’est pourquoi nous opérerons un détour par le récit historique pour en cerner succinctement les caractéristiques principales avant de revenir au récit déployé par les élèves à propos de la notion de révolution, en fait le plus souvent la Révolution française, après un passage par le récit didactique. I- Quelques caractères du récit historique Il ne s’agit ici pour nous que de souligner quelques caractères du texte historique ayant des implications dans l’analyse didactique du récit dans l’enseignement de l’histoire et dans les productions d’élèves. 1.1. Si comme l’écrit Paul Veyne (1971) l’histoire est avant tout un « récit d’événements vrais », le récit historique doit pouvoir être soumis à une critique de vérification. Ce qui signifie que le texte historique est un « texte autorisé » (Prost, 1996). Autorisation qui lui est extérieure et qui se manifeste par les appels de notes renvoyant soit à des indications de sources soit à des références historiographiques. Ce qui induit un deuxième caractère du texte historique. Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 2 1.2. Le texte historique est un texte « feuilleté » (de Certeau, 1975 ; Prost, 1996). La narration historique déploie ainsi dans le même plan deux récits parallèles qui s’entrecroisent pour se renforcer l’un l’autre : le récit du témoin ; celui de l’historien. Le récit du témoin fonde en droit celui de l’historien, mais il ne prend véritablement sens, n’acquiert la dignité d’un témoignage historique que par le récit de l’historien qui enfin « dit ce qui était déjà là et pourtant n’avait jamais été dit » (Foucault, 1969). Ainsi, si le texte de l’historien ne peut accéder au statut scientifique qu’autorisé par la parole du témoin, c’est rétroactivement le récit de l’historien qui valide en dernière instance celui du témoin (Prost, 1996). Cette double autorisation nécessaire se traduit par une structure narrative particulière qui entrecroise deux discours. Mais cette procédure, pour maintenir la cohérence du propos, exclut la parole divergente. Le témoin est cité en quelque sorte à décharge et non à charge. L’irruption de sa parole ne peut rompre entièrement l’unité de la narration, troisième trait du récit historique. 1.3. Le récit historique restitue une continuité narrative qui ignore les abîmes d’ignorance au-delà desquels l’historien jette des ponts. Seules les notes infra-paginales peuvent rendre compte incidemment du caractère fragmentaire de la connaissance historique. Le texte historique est ainsi un « texte plein » (Prost, 1996). Cette continuité apparaît comme la condition qui rend possible le récit historique, aussi bien celui de l’historien que celui du professeur d’histoire (Lautier, 1997a). Parce que la continuité narrative est le support de la continuité logique d’un récit qui est tout autant un discours, ce qui forme le dernier trait du récit historique. 1.4. Récit d’événement, le texte historique est aussi, voire d’abord, le récit de son sens. Jacques Rancière (1992) a analysé les modalités de ce glissement du récit au discours (les catégories ainsi mobilisées de « récit » et de « discours » renvoient à une distinction opérée par Émile Benvéniste, 1966), inauguré par Michelet, et qui fonde durablement la pratique narrative de l’historien. Le texte historique remplit une double fonction : raconter et expliquer (Prost, 1996). De cette dualité, le récit historique, envisagé comme genre de discours, tire une organisation spécifique dans laquelle les marqueurs chronologiques sont également des marqueurs logiques. Il déploie ainsi un régime de causalité qui tend à devenir un régime de vérité. La question pour nous est alors de saisir dans quelle mesure ces spécificités du récit-discours historique influent sur la pratique de l’enseignement de l’histoire, c’est-à-dire de saisir les différents niveaux d’implication du récit en didactique de l’histoire. II- Place du récit dans les programmes et les manuels 2.1. Les programmes : place du récit et forme de récit 2.1.1. Les programmes de l’enseignement secondaire français enregistrent la réhabilitation du récit en lui assignant une place spécifique parmi les moyens pédagogiques mobilisables par le professeur. Le récit est présent sous trois formes dans les programmes et leurs accompagnements. Tout d’abord, et ce n’est certes pas là une nouveauté (Lavisse préconisait déjà en 1890 le recours au document), le récit du témoin est convoqué non seulement pour illustrer le cours mais également pour servir de support informatif en même temps qu’il donne lieu, comme tout autre forme de document, à un travail méthodologique. La critique du document n’est-elle pas la pratique fondatrice par excellence de l’historiographie ? En second lieu, les accompagnements les plus récents visent à redonner au récit du professeur une place qui lui avait été fortement contestée en même temps que la forme pédagogique à laquelle il se 2 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 3 trouvait associé, celle du cours magistral (Héry, 1999 ; Garcia et Leduc, 2003). Cette dignité retrouvée se fonde sur une réévaluation de son efficacité en termes d’apprentissages. Nicole Lautier en situe l’origine dans le courant cognitiviste qui avait lui-même contribué à discréditer le récit dans le champ de la didactique : « J. Bruner, pourtant lui-même psychologue cognitiviste, a en particulier montré que la compréhension que les hommes se font des choses qui arrivent - les actions des hommes, ceux du présent comme ceux du passé -, se fait par une sorte de prédisposition. L’auteur parle de “disponibilité” naturelle, tout en soulignant que la banalité de ce naturel s’affirme par une immersion dans une “culture”, un environnement social où toutes les actions humaines sont comprises par imitation » (Lautier, 1997b, 39). Une évolution qui rencontre la réflexion en épistémologie de l’histoire : « Si l’on passe maintenant du côté des historiens, on peut reconnaître que l’écriture de l’histoire - quelles que soient son orientation, son style, sa forme - appartient toujours au genre du récit. Qu’il reconstruise les intentions et les justifications des acteurs ou qu’il s’intéresse aux rencontres imprévues, aux forces ou aux causes matérielles, l’historien se livre, dans son travail d’écriture à une mise en ordre, une “mise en intrigue”, qui intercale des événements dans une situation particulière1 ». De sorte que le récit y trouve une justification nouvelle comme moyen pédagogique : « Le récit ne vaut pas seulement par l’intrigue qu’il raconte, il vaut également par sa structure interne. En cela, il s’avère être un puissant mode de compréhension communément partagée » (Lautier, 1997b, 41). Enfin, et c’est une nouveauté des programmes de 1995, le récit devient objet de connaissance en luimême, par le biais des « documents » dits patrimoniaux dont la liste est en partie fixée par les programmes. Or, parmi ces « documents » patrimoniaux, figurent plusieurs récits (le mythe d’Osiris, les poèmes homériques etc…) qui doivent donner lieu à une étude à la fois en histoire et en français. 2.1.2. Le récit s’insinue en plusieurs endroits des programmes et de leurs accompagnements. Cette imprégnation, parfois discrète, parfois plus insistante, du récit renvoie le plus souvent au désir, presque toujours maintenu en fait, si l’on songe au caractère « exceptionnel » des programmes de 1977 qui provoquèrent les réactions que l’on sait2 (Garcia et Leduc, 2003), de donner aux élèves des « repères ». Le récit intervient tout d’abord dans un certain nombre de thèmes dont le traitement chronologique interne peut laisser libre cours au récit d’événements, même s’il ne s’y résout jamais entièrement. Ainsi en est-il des thèmes qui, de la Révolution française aux guerres mondiales, incluent une partie plus ou moins longue sur les « différentes phases » de l’événement (CNDP, 1998). Le récit s’inscrit aussi dans la volonté d’incarner l’histoire dans des figures représentatives. Certes, ce ne sont plus ces figures « lavissiennes » constitutives du « mythe national » dont la mise en forme par les programmes et l’enseignement primaires notamment aura marqué bien des générations, et contre lequel des voix se sont par la suite élevées (Citron, 1987). Mais d’autres figures peuvent prendre le relais, dont la présentation aux élèves induit le recours au récit, aussi concis soit-il. Ainsi pour la Révolution française, pour nous en tenir à notre sujet principal, les programme de 4e, en 1985 comme en 1995, font-ils une part aux acteurs collectifs ou individuels dont la mise en scène suppose le récit d’événement. L’entrée en scène du peuple de Paris lors de la prise de la Bastille, puis l’évocation des groupes qui s’affrontent dans et hors de l’enceinte de la Convention nationale (Girondins, Montagnards, Jacobins, sans-culottes), y est particulièrement propice. Mais le recours à 1 La notion de mise en intrigue renvoie de manière privilégiée aux travaux de Paul Ricoeur (1983-1985), essentiels dans la réflexion sur le récit historique. 2 L’abandon d’une présentation strictement chronologique au profit d’une approche thématique, notamment en classe de 6e, suscita alors un vif débat dont l’article publié par Alain Decaux sous le titre « On n’enseigne plus l’histoire à vos enfants » en octobre 1979 marqua le point culminant. L’approche chronologique fut bientôt après rétablie. 3 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 4 de courtes biographies, recommandé en 1985 comme en 1995, s’y prête également. Et ce d’autant plus qu’il enregistre une évolution qui, de l’un à l’autre de ces programmes, rapproche la notice biographique de la narration chronologique dans laquelle elle s’insère. Si l’individu est d’abord rapporté à son appartenance sociale et générationnelle, ce qui limite le temps du récit à l’évocation de ses années de formation (CNDP, 1989), son identification à un moment de l’événement, sa valeur renouvelée de figure éponyme d’un temps fort de la période révolutionnaire, La Fayette et la monarchie constitutionnelle, Robespierre et la Terreur, Napoléon et l’Empire, étend de fait la légitimité du récit (CNDP, 1998). 2.1.3. Enfin, les programmes eux-mêmes dans leur structure générale peuvent se lire comme un vaste récit de l’évolution de l’humanité. Telle était leur ambition d’origine, inscrite dans une organisation chronologique qui ne répond pas seulement à une exposition évidente et « naturelle » mais répond à une lecture « évolutionniste » de l’histoire. « Le récit scolaire a pour fonction d’inscrire les jeunes générations dans le grand récit collectif de la nation » (Audigier, 2000, 128). Récit collectif à double niveau en fait, et cela dès l’origine. D’une part, un niveau national qui instaure le devenir de la nation française comme horizon de l’analyse historique, récit largement développé dans les collections dirigées par Ernest Lavisse pour les différents niveaux d’enseignement. De l’autre, un récit collectif plus large étendant cette perspective à l’humanité tout entière. Lavisse trace fermement cette perspective universaliste dans les instructions de 1890 : « Donner à l'écolier l'idée exacte des civilisations successives et du progrès accompli au cours des siècles, et la connaissance précise de la formation et du développement de la France ; lui montrer l'action du monde sur notre pays et de notre pays sur le monde se servir de la comparaison avec l'étranger pour éclairer son jugement sur nous-mêmes lui enseigner à rendre à tous les peuples la justice qui leur est due, élargir l'horizon de son esprit, et à la fin, lui laisser avec la connaissance de l'état de son pays et de l'état du monde la notion claire de ses devoirs de Français et de ses devoirs d'homme, telle est la part de l'enseignement historique dans l'éducation. » (Lavisse, 1890). Certes, cette structure manifestée par l’exposé très chronologique de thèmes d’études essentiellement factuels voire événementiels (le récit d’événements spécifiques redoublant le grand récit collectif) tend à reculer au profit d’une approche plus problématisée. Ainsi du programme de troisième de 1995 qui substitue à l’étude des deux guerres mondiales et de l’entre-deux-guerres un thème intitulé « guerres, démocraties, totalitarismes », et qui relègue au second plan le simple exposé chronologique. Ainsi encore du programme de seconde articulé à partir de cinq thèmes sans continuité chronologique (ce qui suscite des critiques qui pour être moins vives que celles provoquées par les programmes de 1977, seuls à avoir rompus avec « l’illusion chronologique », n’en sont pas moins de même nature), mais réunis sous une thématique générale de nature à restituer somme toute une forme de continuité « narrative » : les fondements du monde contemporain (BOEN, 2000). Chaque thème peut ainsi être réinterprété comme une étape de cette fondation, fondation désormais européenne plutôt que nationale, mais qui maintient en définitive l’inscription de l’élève dans le grand récit collectif voulu déjà par Lavisse. Sans doute pourrait-on voir quelque abus de notre part à penser en ces termes la résistance du « grand récit collectif », avec le risque de voir se diluer la notion même de « récit » dans une extension indéfinie de son application. Mais peut-être voudra-t-on bien admettre que l’idée sous-jacente d’une destinée commune, qui rend seule possible l’articulation des différents thèmes de ce programme, de même qu’elle constituait « l’horizon » de l’historiographie scolaire de la IIIe République naissante, oriente le regard vers une forme d’accomplissement de ces fondements dans le monde actuel. Il y a là matière à concevoir une continuité narrative implicite qui relève bien du genre du récit, plus strictement entendu. Le changement le plus notable porte en revanche sur le grand récit collectif national qui, s’il subsiste en partie, ne le fait que sous forme éclatée. Il ne constitue plus la trame essentielle des programmes, 4 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 5 mais intervient plutôt comme l’un des exemples mobilisés pour soutenir un propos plus général, souvent en concurrence avec d’autres (la France et les Etats-Unis comme exemples des difficultés des démocraties dans l’entre-deux-guerres). On ne va plus, comme ce fut longtemps le cas, par un jeu d’échelle à la fois géographique et historique, de la France vers le Monde, du local au mondial en quelque sorte, mais au contraire du général au particulier, réinscrivant ainsi l’histoire de France dans l’horizon plus large de l’histoire de l’humanité. Si « l’ordre d’exposition des savoirs », comme eût dit Charles Seignobos3, a changé, le projet global ne nous paraît pas si différent, et surtout l’espèce d’unité de sens ainsi maintenue dans l’exposition des savoirs nous paraît relever à nouveau de l’ordre du récit. Malgré tout, les programmes conservent assez largement un caractère de « méta-récit », lors même que le sens de ce récit s’est infléchi. 2.2. Les manuels : le récit comme forme de la connaissance historique 2.2.1. Le récit comme forme (contestée) d’exposition des savoirs. Les manuels scolaires ont fixé de longue date une forme spécifique de récit historique, très fortement ancrée dans la pratique de l’historiographie française de la fin du XIXe siècle. Cette forme privilégie l’exposé désincarné du savoir historique, renforcé par le caractère de discours d’autorité du récit didactique. Mais elle présente, comme le discours historiographique, les mêmes caractères de récitdiscours, juxtaposant et entrelaçant narration descriptive, explication causale et généralisation partielle. La collection dite « Malet-Isaac », née d’une initiative d’Ernest Lavisse après la réforme des programmes de 1902, lorsqu’il passa commande auprès d’Albert Malet d’un nouveau manuel d’histoire pour les éditions Hachette, poursuivi après la mort de celui-ci sous la direction de son collaborateur Jules Isaac sous le titre générique « Nouveau cours d’histoire Malet-Isaac », et régulièrement réédité et mis à jour jusqu’en 1960, en présente l’archétype. Il propose un récit continu qui, sous la forme d’une narration très « classique » (tant dans la forme que par le style de l’écriture), instaure la continuité chronologique comme continuité logique. Ce qui contribue à produire une histoire très linéaire, rythmée par des étapes incontournables mettant en scène une galerie de grandes figures nationales et mondiales. Le récit-type pourrait bien être ici celui de la Révolution française. N’est-il pas le récit d’une triple fondation, celle de la République, celle de son enseignement et celle de son historiographie ? N’est-il pas encore le lieu d’élaboration du récit historique par excellence ? Tel est en tout cas l’analyse développée, après d’autres, par Jacques Rancière (1992) à propos du récit de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790 par Michelet, fondateur de ce récit-discours qui constitue proprement le récit historique et par suite le récit didactique4. Le modèle de ce récit est donné pour longtemps par Albert Malet, dans le volume correspondant de son cours d’histoire publié en 1908. Il reprend du reste, bien que nourri des apports les plus récents de l’historiographie de son temps (Aulard et Mathiez notamment), avec une fidélité parfois surprenante, le récit des événements entamé après le 14 juillet 1789 par le Moniteur universel (ce récit s’étend, périodicité de la publication oblige, jusqu’à la fin du mois d’août dans les colonnes de ce journal dont il occupe ainsi durablement la « une » si l’on peut risquer cet anachronisme). Jules Isaac n’y apportera pas de modification sensible lors de la nouvelle édition du manuel à laquelle il préside 3 Seignobos,1898 : il s’agit de l’annexe I de l’ouvrage, dans laquelle l’auteur aborde les questions relatives à l’enseignement secondaire, dans une perspective finalement fort « didactique ». 4 Nous qualifions ainsi le récit des manuels pour le distinguer du produit de la recherche universitaire. Bien qu’ils reposent tous deux sur la même structure, ils ne visent pas, ou pas toujours (le récit historique est largement didactique dans son principe nous rappelle Antoine Prost, 1996), au même but, ne s’adressent pas au même public, ne sont pas destinés au même usage. 5 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 6 en 1928, consécutive à la recomposition des programmes de 1923. Les éditions suivantes maintiennent toutes cette trame ainsi que la forme d’écriture historique dans laquelle elle se réalise, tout en enregistrant de subtiles variations dans le ton de la narration, liées à différentes considérations. Deux exemples du récit du 14 juillet, tirés l’un de l’édition de 1940 (Alba, 1940) et l’autre de celle de 1960 (Isaac, 1960), de ce même manuel, permettront de s’en faire une idée5. Le récit s’ouvre dans les deux cas quelques jours avant l’événement central de la prise de la Bastille. Il met en place d’entrée les principaux acteurs du drame : le roi, Necker, l’Assemblée et le peuple de Paris. « Pourtant Louis XVI ne s'avouait pas vaincu. Il pensait à dissoudre l'Assemblée. Or celle-ci venait, le 9 juillet, de prendre le nom d'Assemblée Constituante et discutait déjà un plan de constitution. Il fallait se hâter si on voulait la détruire. Le roi concentra autour de Versailles près de 20 000 soldats et se crut assez fort pour renvoyer Necker, le seul de ses ministres qui fût populaire (11 juillet). Très courageusement les députés protestèrent, affirmèrent que Necker “emportait les regrets et l'estime de la nation”. Mais que pouvait l'Assemblée? À la force, il fallait opposer la force. C'est alors que, pour sauver l'Assemblée - et, avec elle, la Révolution - le peuple de Paris se leva, fit sa première “journée”. » (Alba, 1940) « Pourtant Louis XVI ne s'avouait pas vaincu. À l’instigation de ses frères, les comtes de Provence et d'Artois, et de la reine Marie-Antoinette, il concentra autour de Versailles près de soldats - surtout des régiments étrangers. Puis il renvoya Necker, le seul de ses ministres qui fût populaire (11 juillet), et forma un ministère de combat. Sans doute voulait-il dissoudre les États Généraux. Les députés protestèrent. Mais que pouvaient-ils faire? À la force, il fallait opposer la force. C'est alors que, pour sauver l'Assemblée - et, avec elle, la Révolution - Paris se souleva » (Isaac, 1960) L’alternance du passé simple et de l’imparfait coïncide assez exactement avec l’alternance d’éléments constitutifs de l’événement (« Le roi concentra autour de Versailles près de 20 000 soldats et se crut assez fort pour renvoyer Necker » ; « le peuple de Paris se leva, fit sa première “journée” ») ; et de jugements à caractère généralisant qui débordent le cadre narratif strict. Ils sont de deux ordres : appréciation des motivations des acteurs (« Pourtant Louis XVI ne s'avouait pas vaincu ») ; évaluation des situations (« À la force, il fallait opposer la force »). Quant aux variations dans les termes entre les deux éditions, elles révèlent incidemment la manière dont le récit-discours ainsi produit peut infléchir la lecture de l’événement, laisser affleurer des considérations soit historiographiques soit totalement extérieures à la logique du récit de l’événement lui-même. Du premier ordre est la disjonction opérée en 1960 entre la concentration des troupes autour de Versailles, dont la responsabilité, sans que le roi en soit tout à fait exonéré, est reportée sur de nouveaux acteurs (les frères du roi et la reine), et le renvoi de Necker (« Puis il renvoya […] »). Du second est l’entrée en scène de la foule parisienne. En 1940, « le peuple de Paris se leva, fit sa première “journée” », tandis qu’en 1960, « Paris se souleva ». Le passage du peuple à la ville, l’accent d’unanimité qu’il donne ainsi à l’événement, sonne comme un écho d’un événement plus récent (soulèvement d’août 1944) et nous semble enregistrer le souvenir rhétorique du discours fameux qui le célébra (« Paris outragé, Paris humilié, Paris martyrisé, mais Paris libéré, libéré par lui-même », De Gaulle, 25 août 1944). Le récit se poursuit par l’exposé des circonstances qui précèdent immédiatement la prise de la Bastille avant d’en venir à la journée du 14 juillet elle-même. 5 On notera en passant, dans ce paragraphe comme dans le précédent, la force du récit pour l’historien, qui donne ainsi sa forme à l’exposé même de nos réflexions sur le récit en didactique de l’histoire… 6 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 7 « Le 14 juillet, l'insurrection se développa, encouragée par l'attitude du régiment des gardes-françaises, prêt à se joindre à l'émeute. La foule, où l'on comptait beaucoup de bourgeois, cherchait des armes : pour en trouver elle envahit l'Hôtel des Invalides, y prit des canons et plusieurs milliers de fusils. Puis elle se dirigea vers la Bastille, la vieille forteresse qui dominait Paris du côté de l'Est et dont les canons étaient braqués sur la ville. Forteresse royale, prison d'État, la Bastille n'avait qu'une petite garnison de Suisses et d'Invalides, mais elle était le symbole de l'absolutisme et de l'arbitraire. Une députation alla parlementer avec le gouverneur, de Launay; soudain, un coup de feu ayant été tiré du haut des tours, la foule donna l'assaut à la forteresse; après quatre heures de lutte, la Bastille fut prise. On ne put empêcher que cette grande victoire du peuple ne fût souillée par des actes de sauvagerie : de Launay, puis le prévôt des marchands Flesselles, accusés de trahison, furent massacrés par une populace en furie. » (Alba, 1940) « Le 14 juillet l'insurrection se développa, encouragée par l'attitude du régiment des gardes-françaises, qui s'était mutiné. La foule, où l'on comptait beaucoup de bourgeois, envahit l'Hôtel des Invalides pour y chercher des armes; puis elle marcha sur la forteresse de la Bastille pour y prendre également des fusils et des canons. Après quatre heures de lutte, la Bastille fut prise. Son gouverneur, puis le prévôt des marchands et, peu après, l'intendant de Paris, accusés de trahison, furent massacrés. Le député Bailly devint chef de la municipalité et La Fayette fut nommé général en chef de la Garde Nationale. » (Isaac, 1960) On observera que dans cette partie, qui relève plus nettement du récit d’événement, celui-ci n’absorbe pas tout le propos et que la double fonction de narration et d’explication est à nouveau à l’œuvre. Explication qui fonctionne à un double niveau : celui déjà relevé de l’alternance des temps du passé (l’imparfait intervenant pour mentionner la composition de la foule, c’est-à-dire sa dominante « bourgeoise ») ; mais aussi celui de la réécriture de la fin du paragraphe entre les deux éditions. Ce deuxième aspect fait retour sur notre propos relatif aux présupposés que nous évoquions pour le passage du « peuple de Paris » à « Paris » seulement. L’édition de 1940 conclut sur le déchaînement des passions populaires pour le déplorer. Où se lit la gêne des républicains modérés de l’époque relativement à l’irruption de la violence populaire (Deleplace, 2002). En revanche, l’édition de 1960 omet délibérément les mentions les plus injurieuses et réprobatrices à l’égard du « peuple » (« souillée », « actes de sauvagerie », « populace en furie »), effaçant toute trace de jugement négatif et conclut sur la formation de la nouvelle municipalité et de la Garde nationale pour corriger l’impression laissée par l’évocation de cette violence. Cette structure générale subit une modification sensible dans les manuels les plus récents par l’effacement des différences d’énonciation liées à l’emploi discriminant des temps du passé : le passésimple pour la narration factuelle, l’imparfait pour la généralisation partielle et l’explication causale (le futur et conditionnel que l’on rencontre notamment chez Michelet sont ici totalement exclus)6. Le passage du discours des manuels au présent rend plus aléatoire la distinction entre ces différents éléments. Ce passage accompagne une modification des équilibres entre les différentes strates du récit-discours, le récit reculant au profit du discours, l’explication l’emportant sur la narration. Phénomène accentué par la réduction considérable du volume éditorial laissé au récit historique (les savoirs propositionnels) au profit des documents7. « Depuis le printemps 1789, Paris vit dans l'agitation. La hausse du prix du pain et le chômage exaspèrent le petit peuple de Paris. La menace de banqueroute* de la monarchie inquiète la bourgeoisie. La réunion des états généraux, puis la révolution des députés du tiers état suscitent des espoirs. Mais Le renvoi du ministre Necker* - très apprécié des Parisiens - et les rumeurs d'un encerclement de Paris par l'armée font naître une certaine inquiétude. Convaincue d'une menace pesant sur elle, la population s'organise en milice et cherche des armes pour se défendre. Le 14 juillet, elle assiège la Bastille, forteresse et prison royale et donc symbole de l'arbitraire. La bourgeoisie parisienne forme une 6 Nous nous sommes expliqués sur la signification que nous attribuons aux usages des temps du passé dans le récit historique dans « Le récit en histoire », Lille, 2004, à paraître. 7 Réduction déjà sensible entre les deux éditions du cours Malet-Isaac analysées précédemment, et qui explique une partie du travail de réécriture entre 1940 et 1960. 7 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 8 nouvelle municipalité et une Garde nationale* commandée par La Fayette. Le 17 juillet, le roi cède à nouveau. Il se rend à Paris et accepte d'arborer La cocarde tricolore. » (Bourrel, Chevallier, 2001) Nous pourrions dire en quelque sorte que le récit des manuels change ainsi de « régime d’historicité8 ». Ajoutons enfin que le récit des manuels, depuis leur origine, ne suit pas tout à fait les mêmes procédures d’autorisation que celles du récit historique. Ils sont eux-mêmes source d’autorité et demandent davantage que l’historien à être crus « sur parole ». Ils ne présentent que des formes dérivées de l’autorisation historienne. Ni appels de notes infrapaginales (ou alors pour renvoyer à un lexique des mots spécifiques), ni citations entrelacées au texte d’exposition des savoirs. Dans leur forme ancienne, plutôt des citations, partielles et parfois modifiées, rejetée en fin d’exposition et nettement distinguées de celle-ci. Dans leur forme moderne, c’est le document, de plus en plus envahissant, qui joue ce rôle, lorsqu’il n’est pas destiné à renforcer « l’effet de réel » du récit historique. 2.2.2. Le récit des documents La part de plus en plus grande prise par les documents ne signifie pas pour autant une réduction proportionnelle de la part du récit dans les manuels, et ceci pour deux raisons que nous nous contenterons ici d’exposer sans les développer plus avant. D’une part, un certain nombre de ces documents sont eux-mêmes des récits. Récits de témoins parfois, mais tout autant récits d’historiens. L’épopée d’Alexandre donne ainsi lieu à de nombreux montages de textes des historiens de l’Antiquité. Mais il peut parfois s’agir, notamment pour les périodes plus récentes (Révolution française, histoire du XXe siècle) de textes d’historiens contemporains, convoqués il est vrai le plus souvent pour leur caractère explicatif (encore qu’il en va différemment selon que le manuel s’adresse à des collégiens, à des élèves de lycée ou à des élèves de lycée professionnel). D’autre part, les documents, dans leur agencement rendu lisible par les numéros qui leur sont attribués, peuvent dessiner dans certains cas un parcours qui s’apparente à un récit d’événements. Et la présence désormais massive de l’image ne contredit pas ce constat, tant elle peut se concevoir comme un des éléments du récit ainsi maintenu, quoique de manière implicite. Les pages sur l’année 1789 dans les manuels de 4e en sont un exemple type qui font se succéder un extrait du serment du jeu de paume, une image de la prise de la Bastille, un récit de la nuit du 4 août par un témoin et une carte de la diffusion de la Grande peur. Ils invitent ainsi implicitement à rétablir un récit sous-jacent, y compris en suggérant une chaîne causale très chronologique. 2.2.3. La disjonction des fonctions Le dernier aspect par lequel les documents peuvent ramener au récit réside dans leur mise en œuvre pédagogique. Ils sont présentés accompagnés de questions qui peuvent déboucher sur une mise en récit des informations traitées. Mais ce traitement fait alors éclater l’unité du récit-discours historique en disjoignant les deux fonctions qu’il réunit en lui : raconter et expliquer, ces deux opérations étant attendus successivement et non plus conjointement, le récit précédant du reste l’explication, au même titre que la description. Nous sommes là à la jonction du récit didactique et du récit de l’élève. III- 8 Le récit des élèves Formule librement reprise des travaux de François Hartog (2003). 8 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 9 Le récit historique est l’une des formes, et non des moindres, de la restitution des connaissances demandée aux élèves. Les quelques éléments de réflexion présentés ici s’appuient sur des textes qui n’ont pas été produits dans ce but, mais au contraire récoltés pour répondre à une recherche sur les apprentissages conceptuels d’élèves de collège et lycée (Deleplace, Niclot, 2005). C’est dire que l’explicatif l’emporte a priori sur le narratif. Cependant, l’objet traité dans l’une des questions, la notion de révolution, conduisant assez largement les élèves à s’appuyer sur l’exemple de la Révolution française, ouvre la porte au réinvestissement du récit. Même dans les textes à caractère nettement explicatif, le récit n’est du reste jamais loin tant il s’impose peut-être, malgré les réticences qu’il suscite chez les enseignants (Lautier, 1997a), comme forme « naturelle » de l’exposition du savoir historique. 3.1. Le récit d’événements 3.1.1. Le récit des élèves fait bien évidemment fi de la question de l’autorisation. En revanche, il comporte bien des éléments qui le rapprochent du récit historique, malgré le caractère souvent aléatoire de leur expression. C’est que la mise en récit par l’élève implique la double question de la maître langagière et discursive du sujet, question formant notre principal sujet d’intérêt. Nous entendons par maîtrise langagière les compétences linguistiques générales et par maîtrise discursive les compétences spécifiques à la discipline histoire. Si l’on aborde les récits d’élèves non sous un angle normatif et évaluatif mais sous celui d’une analyse du discours posant a priori non l’incohérence mais la cohérence du propos qui lui est soumis, les incertitudes de l’expression deviennent ellesmêmes porteuses de sens et n’interdisent pas de faire émerger, au-delà d’une syntaxe et d’une orthographe défectueuses, les similitudes de construction entre récit des élèves, récit didactique et récit historique. D’où le point de départ de notre réflexion dans la discipline histoire elle-même. Deux éléments semblent structurer de manière récurrente les quelques récits complets sur lesquels nous pouvons nous fonder. D’une part, les élèves interrogés construisent, parfois de manière incidente, un récit restituant l’enchaînement élémentaire cause/événement/conséquence (Lautier, 1997a ; Moniot, 1993). De l’autre, ils distinguent par l’emploi des temps ce qui relève de l’énoncé généralisant ou explicatif (c’est alors le présent qui l’emporte) de ce qui forme la trame des événements rapportés dans la narration (ce sont les temps du passé qui sont alors mobilisés). Le récit des élèves restitue ainsi deux éléments du récit historique, en particulier ils intègrent clairement les deux dimensions de récit et de discours. Dans les exemples qui suivent, nous avons toujours maintenu l’orthographe et la syntaxe dans leur forme originelle, afin de rendre compte de ce que les incertitudes de leur usage n’entament pas, ou pas nécessairement, la cohérence du propos de l’élève, afin également de ne pas masquer sous une expression recomposée le jeu exact des rapports temporels dans le récit des élèves. 3.1.2. Une construction du type récit-discours chez les élèves : expliquer et raconter Deux exemples nous permettront d’appuyer l’idée selon laquelle le récit des élèves peut intégrer, de manière parfois étonnement précise, les composantes du récit-discours historique, et cela parfois très tôt dans le cursus scolaire. Ainsi de cette copie de 5e, prise donc dans une classe où la Révolution française n’a pas encore fait l’objet d’un travail en cours d’histoire, du moins pas depuis l’école élémentaire. « La révolution française est la révolte du peuple de Paris contre le roi Louis XVI (1). Le peuple c’est révolté car un nouvel impôt c’etait levé (2). Le peuple a envahis la bastille ( lieu ou se trouver les prisonniers ) pour prendre des armes mais ils n’en n’ont pas trouvé beaucoup (3). Louis XVI se fit décapité ainsi que sa famille 9 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 10 sauf son fils, puis Robespière aussi (4). La monarchie avait pris fin (5). Les couleurs du drapeau français ont étaient choisies ( blanc = peuple, rouge = roi ) (6). » (classe de 5e) L’imprécision de l’orthographe et de la construction grammaticale (agencement des temps dans la deuxième phrase) souligne davantage le fonctionnement effectif du récit-discours. L’énoncé initial situe, certes dans une formulation restrictive qui identifie de fait la Révolution française à la prise de la Bastille, les acteurs du drame. L’usage du présent correspond ici à un énoncé définitoire qui était demandé à l’élève (la question posée aux élèves lors de cette enquête était en effet la suivante : à partir d’exemples de votre choix, qu’est-ce qu’une révolution ?). Ce choix donne bien valeur généralisante au propos qui amorce cependant le récit. Les phrases (2) et (5) correspondent l’une à une explication causale (2), l’autre à l’exposé des conséquences de l’événement (5). Elles ont une portée explicative et recourent donc légitimement à l’imparfait (imparfaitement utilisé, certes !). Les phrases (3) et (4) qui sont le moment de la narration usent tout aussi légitimement du passé-simple, la phrase (4) présentant un « raccourci » saisissant des événements révolutionnaires, de la mort du roi à celle de Robespierre. Une telle construction, finalement très rigoureuse au regard des formes du récit historique et didactique y compris dans ces principes les plus anciens, se retrouve dans d’autres copies, sans présenter toujours la même maîtrise. C’est le cas de cette copie de 3e, très proche dans son organisation générale de la copie de 5e, mais beaucoup plus confuse en définitive, en dépit des apprentissages factuels réalisés en 4e. « Une révolution est une révolte du peuple contre celui ou ceux qui détienne le pouvoir (1). Le peuple français c’est révolté en 1789 contre Louis XVI parce que la France était dans une situation de faimmine (2). Ils se révolté devant les grilles pour demandé de l’argen, ils n’avaient pas de quoi s’acheter du pain et la renne leur avait répondu : « Si vous ne pouvez pas vous acheter du pain, achetez-vous de la brioche » (3). Ce sont en partie à cause de ces paroles que le peuple français s’est révolté (4). Le 14 juillet 1789, il y a eu la prise de la bastille, le peuple à dérober toutes les armes et on défilé dans Paris (5). Pour protéger le roi, il a était transporté autre part que dans son château (6). C’est depuis ce jour que le 14 juillet est un jour férié (7). Le peuple c’est séparé en deux partie (ceux qui voulaient se battre pour survivre et ceux qui pensaient que la violence n’était pas la solution) (8). Pendant cette période beaucoup de personnes furent guillotiné pour avoir trahi le roi (9). Les révolutionnaires était habillé de bleu avec sur leur chapeau un symbole bleu, blanc, rouge en ruban. Le bleu et le rouge étant les couleurs de Paris et le blanc pour la libertée (10). A la fin de la révolte française fut signé la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (11). La devise du peuple est : Liberté, Egalité, Fraternité, le pathénon comme monument, une marianne, un drapeau bleu, blanc, rouge et la Marseillaise l’hymne victorieuse (12) ». (classe de 3e) Le récit s’enclenche, là encore, immédiatement après l’énoncé définitoire introductif, lequel est ici véritablement généralisant et détaché de l’exemple qui est ensuite développé et qui occupe tout le reste de la copie, donnant bien à celle-ci la forme d’un récit complet. Un récit dans lequel on retrouve les mêmes éléments que ceux de la copie de 5e : présentation des acteurs (2 et 10) ; exposé des causes (2 et 4) ; déroulement de l’action (3, 5 et 6, 9) ; conséquences et dénouement (7 et 11). Ce récit est enrichi d’une connaissance nouvelle de l’événement liée aux apprentissages de 4e. Mais il entretient une double confusion. D’une part, dans l’exposé des événements qui forment la trame du récit : l’évocation des journées des 5 et 6 octobre 1789 (3) précède le récit du 14 juillet (5) qui introduit subrepticement un souvenir du 10 août 1792 (6) ; l’élève opère un contresens sur les affrontements de la période (9). D’autre part, la distribution entre narration et explication semble plus aléatoire bien que la distinction des temps soit opérée, l’imparfait de l’explication étant de surcroît redoublé par le présent. Ces confusions mêmes nous invitent à penser non pas l’inanité du récit proposé, mais au 10 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 11 contraire la puissance d’une forme d’écriture dont les principaux cadres « résistent » aux effets d’une médiocre maîtrise de la connaissance historique. 3.2. Les formes diffuses d’imprégnation du récit Mais ces récits complets (complets parce qu’ils présentent les différentes caractéristiques du récit historique d’une part, parce qu’ils développent un schéma narratif explicite de l’autre), qu’ils structurent l’ensemble de la copie ou interviennent comme exemple,sont rares dans notre corpus, et c’est un effet de la manière dont il a été constitué. En revanche, il est possible de relever de nombreux affleurements du récit dans des textes qui ne font pas en priorité appel à cette forme d’exposé du savoir ou ne l’instaurent pas comme structure générale d’exposition. Ces affleurements témoignent à nouveau de la force structurante du récit historique comme mode d’accès à la connaissance historique. Trois situations peuvent être distinguées, inégalement représentées dans notre corpus : les quasi-récits ; les récits occultés ; enfin les schéma-types exemplifiés. 3.2.1. Le quasi-récit ou récit de généralisation La première situation, minoritaire, consiste en ce que, faute de mieux, nous qualifierons de quasi-récit ou récit de généralisation. C’est-à-dire lorsque malgré la volonté de produire d’emblée un énoncé généralisant, ce que la question posée, qui visait à faire émerger des processus de conceptualisation rappelons-le, incitait l’élève à faire, celui-ci ne parvient à amorcer la généralisation que dans une forme qui évoque les éléments du récit. Celui-ci n’est pas pour autant réalisé. Il forme le support, et le recours, pour la réflexion de l’élève. Plusieurs modalités peuvent être distinguées. Tout d’abord, l’élève peut amorcer l’énoncé généralisant puis, faute de pouvoir se maintenir dans ce registre, l’articuler sans solution de continuité avec un exemple qui le conduit à esquisser un récit. Cette situation se retrouve en 5e et constitue le pendant de la première copie de cette classe que nous avons citée dans les récits complets : le point commun est que l’exemple et la généralisation sont en fait entièrement confondus. « Une révolution c’est des hommes qui veulent avoir quelque chose et par exemple un roi ou un gouverneur ne veulent pas donc les gens se révolte contre eux et sa fait comme sa pour la bastille il l’on détruite parce que le roi ne voulait pas libérer les prisonniers par exemple si nous ? ? quelque chose (…) fin de texte illisible ». (classe de 5e) L’absence de ponctuation dans ce texte n’est pas seulement la marque d’une faible maîtrise langagière et discursive du sujet, mais le signe de l’adéquation principielle de l’exemple avec la généralisation. C’est-à-dire de l’absence de toute forme de généralisation. Le propos « dérive » ainsi très rapidement vers le récit d’événements qui apparaît comme le seul moyen d’expression historique disponible. On y retrouve du reste une fois encore les traces d’une partie de la structure fondamentale du récit historique et didactique, ainsi qu’une réponse organisée selon le principe observé dans les récits complets : succession du présent pour l’énoncé généralisant ; du passé simple pour la narration (en fait ici seulement le passé composé qui rend compte du résultat de l’action non de son déroulement) ; de l’imparfait pour l’explication causale (qui suit « parce que »). Cet enchaînement peut prendre d’autres formes, comme dans cette copie de 3e, qui montre comment les éléments épars d’un récit permettent à l’élève de concevoir une réponse qui n’appelait pourtant pas nécessairement le récit d’événements. « Il existe plusieurs révolutions comme celle de 1789 ou la révolution industrielle (1). La révolution consiste à s’opposer contre quelque chose (2). Ceux qui s’opposaient pouvaient être guillotinés ou enfermés (3). La 11 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 12 révolution a conduit au guillotinement de Louis XVI (4). Un boureau arrivait, lui cachait la tête et la coupa avec la lame de la guillotine qui descendait (5). Ensuite la tête etait montrée aux personnes qui etaient rassemblées autour de celle-çi (6). » (classe de 3e) D’emblée l’exemple se superpose à la généralisation, malgré l’évocation de deux exemples possibles (1). Le véritable énoncé généralisant ne vient qu’en second (2), et il conduit à une restriction relativement aux deux exemples annoncés, parce que le premier permet seul le récit d’événements qui donne enfin sens au propos généralisant (4 à 6). Ce qui institue l’énoncé (3) à la jonction des deux niveaux et lui donne curieusement valeur généralisante. On s’éloigne ici fortement des structures du récit historique par la confusion des temps : l’imparfait devient le temps de la narration (5 et 6), ce qui renforce l’idée qu’il y a pour l’élève une forme de généralisation dans le récit lui-même et conforte la position pivot de l’énoncé (3). Précisons que certains récits peuvent enfin ne plus se couler dans la structure du récit historique. La narration, bien présente cependant, ne peut alors se confondre avec le récit d’événements au sens d’événements historiques, c’est-à-dire identifiés par un repère chronologique et des acteurs spécifiés. « La révolution est une guerre entre la politique et les gens de la ville. Il y a des armées faitent pour la guerre. On entend des bombardements et on voit des personnes mourirent. La révolution se fait avec des hommes. Au début de la révolution il y a plusieurs personnes qui se révolte dans les rues (hommes, femmes) avec des panneaux inscrivants « La république ou la mort ». Une révolution dure plusieurs jours. Les gens de la ville bloque la rue, pour pouvoir tirer sur les autres, en retirant des pavets pour former un muret et pouvoir se cacher et se protéger. » (classe de 5e) Si le récit charrie incontestablement des éléments de nature historique référés soit à la Révolution française (« la liberté ou la mort ») soit, de manière plus incertaine, à des événements du type Mai 68, soit enfin à la guerre, aucune mention ne permet de leur attribuer véritablement cette valeur. Le récit, entièrement au présent9, s’il permet toujours à l’élève de proposer une réponse argumentée, ne reproduit plus en rien les caractères du récit historique. 3.2.3. Le récit occulté Le récit historique peut en revanche se lire « en creux » dans des textes qui, sous des formes diversifiées, l’éludent plus ou moins complètement. Le renoncement au récit ne signifie pas pour autant son obsolescence comme moyen d’accès à la connaissance historique, mais lui confirme au contraire cette vertu. C’est en effet dans la possibilité du récit que se réalise son occultation dans des textes dont la validité repose cependant explicitement sur cette possibilité. Il n’est plus, en quelque sorte, nécessaire de produire le récit dès lors qu’il est évident que c’est lui qui autorise la généralisation à laquelle l’élève se livre. Il peut certes s’agir d’une simple évocation de l’événement qui peut fort bien se passer de toute référence au récit historique proprement dit. « Une révolution peut être par exemple industrielle, ce peut-être des nouvelles machines qui vont changer le nombre d’heures de travail des ouvriers. Comme au XIXe s. Une révolution ce peut être une révolte que des gens font en espérant que cela va changer quelque chose. Comme en 1789 lors de la prise de la Bastille. 9 Est-ce un effet de la « présentification » du récit des manuels ? Ce n’est pas certain, tant dominent de manière écrasante dans notre corpus, les formes du récit classique. Peut-être faut-il y voir plutôt la marque d’un faible degré de maîtrise discursive du sujet. 12 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 13 Une révolution en fait, c’est quelque chose qui va changer le monde dans n’importe quels domaines. C’est quelque chose qui sera nouveau ». (classe de 2de) Des deux exemples classiques repris dans cette copie, qui débouchent en troisième lieu sur une généralisation, le deuxième seul suggère le recours éventuel au récit historique par la mention de la prise de la Bastille. Mais rien ne relève dans ce rappel évasif, des éléments de la structure narrative et explicative du récit historique. Mais il peut en être autrement. « Une révolution, c’est quelque chose qui va tout changer (1) ! Ce qu’on attend d’elle, c’est un boulversement, une amélioration quand on est mécontent de ce qu’on a ou de ceux qui nous gouvernent. (2) Elle est sensée améliorer la qualité de vie des révolutionnaires et aussi du peuple (3). Par exemple en 1789, une des révolutions les plus célèbres, le peuple poussé par les idées nouvelles des philosophes, en avait assez de la monarchie absolue qui les privait de tous leurs droits, assassinait impunément le peuple, et l’affamait (4). Le fameux 14 juillet, fut mémorable pour les français, lors de la prise de la Bastille (5) ! Grâce à plein d’autres évènements, le peuple a obtenu ce qu’il voulait, la république, même si celle-ci n’a pas duré (6). Pour eux la vie a changé (7). » (classe de 2de) L’énoncé définitoire initial (1) introduit la révolution sur le mode de « l’horizon d’attente » (Koselleck, 1990) par l’usage du futur, effet renforcé par les deux phrases suivantes (2 et 3) qui explicitent le contenu de cette attente. Cette copie dissocie donc nettement le moment des généralisations de celui de l’exemplification. De fait, la copie se structure en deux parties bien distinctes ayant chacune sa fonction propre. La généralisation semble de prime abord pouvoir se suffire à elle-même et l’exemple qui vient appuyer le propos se ne déploie pas le récit historique que l’on pourrait attendre. Mais s’il n’en restitue pas les péripéties, il n’en comprend pas moins toutes les composantes, et c’est cette possibilité, dont l’exploitation étendue devient inutile, qui lui donne sa validité. Il présente bien les acteurs (la monarchie absolue se substituant au roi) et les causes (4) en usant de l’imparfait explicatif, puis évoque rapidement le déroulement possible de la narration au passé-simple (5) pour en venir au résultat exprimé au passé composé, autre temps avec l’imparfait, de la généralisation partielle (6). Et la dernière phrase, qui fait retour à la généralisation initiale (7), en liant ainsi entre eux les deux paragraphes de la copie, lui donne toute sa cohérence. Là comme pour les récits complets, nous constatons que ce type d’organisation peut se retrouver dans des copies de moins bonnes factures. Cette forme de mobilisation par ellipse du récit historique n’est donc pas une situation exceptionnelle. « Une révolution est un pacte entre des personnes qui ont décidé de faire tout et même la guerre pour changé de système de vie dans la société. Les personnes veulent changer de mode vie car il souffre (famine, maladie)et le gouvernement n’arrive pas ou ne pense pas les aider. Comme ces personnes sont majoritaires, elles finissent généralement par réussir et parviennent donc a changé de gouvernement. Par exemple : La révolution Française a réussit à changer le gouvernement. Avant c’était les nobles qui avait le pouvoir, après la révolution c’était les bourgeois qui avait le pouvoir et c’est par des millions de mort et de souffrance que l’on arrive souvent à obtenir ce que l’on veut ». (classe de 2de) Le propos est incontestablement plus laborieux que dans la copie précédente. La généralisation qui occupe la première partie de la copie est difficilement construite et peu cohérente. En revanche, l’exemple renoue avec la structure du récit historique et propose, sauf le retour hasardeux à la généralisation (« et c’est par des millions…veut »), les éléments d’argumentation les plus aboutis de la copie. Le balancement avant/après, avec spécification des acteurs (« nobles » et « bourgeois ») et usage de l’imparfait, relève de l’aspect explicatif du récit historique et la première phrase de ce 13 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 14 deuxième paragraphe suggère, par l’expression de son résultat général au passé composé, l’événement qui prend place entre cet avant et cet après. 3.2.3. Le schéma-type Le dernier exemple d’imprégnation du récit historique se trouve dans des copies qui, en réponse logique à la question posée, proposent une généralisation qui appelle la narration. Ce qui ne veut à nouveau pas dire que cette narration soit toujours conforme aux principes du récit historique. Le schéma-type peut s’exprimer dans deux propositions qui peuvent ne pas être toutes les deux présentes, et dont l’ordre d’exposition est aléatoire dans les copies, mais dont la suite logique est : « une révolution est une révolte de x contre y » (I) ; « une révolution va changer quelque chose » (II). Il y a dans ce schéma les éléments nécessaires pour la mise en œuvre d’un récit historique : spécification des acteurs puis annonce du résultat d’une action qui instaure une succession causale, une dimension explicative, et qui suggère, entre les deux propositions, l’espace possible de la narration. C’est là que l’on atteint aux limites de la présence du récit historique dans les copies étudiées d’une part, que l’on mesure par contrecoup l’importance de ce récit comme mode d’accès à la connaissance historique, dans la mesure où ce sont les copies qui le mobilisent le plus, qui parviennent en définitive à proposer des généralisations convaincantes. « Une révolution est une révolte du peuple contre les dirigeants d’un pays. Une révolution peut mener à un changement de pouvoir, un changement de démocratie, de constitution. Une révolution peut mener à l’exécution du dirigeant du pays ou à des massacres (période de la terreur pendant la révolution française). Une révolution peut mener à l’indépendance d’un pays (comme les colonies britanniques qui ont déclaré leur indépendance à la Grande-Bretagne, en Amérique pour devenir les Etats-Unis) » (classe de 3e) Les deux propositions initiales sont celles que nous avons identifiées comme constitutives de ce que nous avons appelé schéma-type. Or elles prennent sens dans la mesure où elles suggèrent immédiatement à l’élève une argumentation relevant du récit historique. Les acteurs sont, sous des termes à plus large portée apparente, en fait ceux de la Révolution française, le « peuple » contre les « dirigeants d’un pays ». Cet énoncé initial (proposition-type I) est opérationnalisé dans la deuxième proposition par l’expression « une révolution peut mener à ». Le sens de ce changement est construit dans le même registre, politique, que celui de la première proposition : « changement de pouvoir », « de démocratie », « de constitution ». De fait, sans qu’il y ait récit, les deux exemples qui suivent en suggèrent la possibilité (par la reprise du verbe « peut mener à ») et en précisent les éléments (c’est-àdire aussi bien les acteurs que le type d’action qui leur est attribué, les deux étant historiquement situés). Que ces spécifications viennent à manquer, et la validité du schéma s’en trouve compromise. « Une révolution c’est lorsqu’il y a deux clans de plusieurs personnes qui ne sont pas d’accord sur certains points ; mais pas n’importe quelles personnes par exemple lorsqu’il y avait une hiérarchie le peuple se révoltait contre la famille royale. On parle de révolution souvent en terme politique. La révolution entraîne souvent la violence, pour moi une révolution c’est comme une petite guerre, des personnes meurent. Il peut aussi y avoir des désaccord sans qu’il est de révolution, ce que l’on appelle une révolte ou une protestation. Autrefois les révolutions étaient fréquentes, plus maintenant. Lors d’une révolution il est rare que les 2 clans trouvent un terrain d’entente, la plus part du temps on combat jusqu’à ce que l’un des clans abandonne ou soit réduit à néant. » (classe de 2de) Le premier énoncé (« deux clans de plusieurs personnes qui ne sont pas d’accord »), variante de la proposition-type (I), ne prend sens que lorsque l’élève en vient à préciser « pas n’importe quelles 14 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 15 personnes » et instaure finalement le face à face en « le peuple » et « la famille royale ». Mais la suite de son argumentation qui aboutit au constat de l’exclusion nécessaire de l’un des deux clans comme achèvement inéluctable de la révolution ne produit pas de sens historique. Et cela parce qu’abandonnant le référencement un instant entrevu à l’exemple de la Révolution française, le schéma-type ne s’opérationnalise pas dans un récit historique. Loin d’empêcher la généralisation pour l’élève, ce dernier semble au contraire le plus sûr moyen pour lui d’y parvenir. Encore faut-il remarquer que ce n’est pas la narration en elle-même qui est le vecteur de la connaissance historique mais bien cette construction spécifique que nous avons identifiée sous le terme de récit historique. Et quand bien même l’élève ne parvient pas à atteindre au degré de généralisation recherché, c’est dans la mobilisation des éléments du récit historique qu’il s’efforce d’y parvenir. L’inachèvement du processus n’est pas la preuve de son incongruité. Une fois encore, le fait qu’il ne soit pas « réservé » aux « meilleurs » élèves, à ceux dont la maîtrise discursive est plus assurée, est davantage le signe de sa validité que de son inadéquation. Une révolution est une révolte d’un peuple qui voudrait mettre en place certaines modifications politiques, économiques… Souvent les gens sont mécontents et défilent dans la rue. La plus grande révolution connu des français, est la Révolution Française de 1789. Celle-ci a été très sanglante et on a assisté à la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. On pourrait la comparer à une guerre civile opposant le peuple contre le roi et ses artisans. Cette révolution etait due à un problème politique. D’autres ont lieu à cause de problèmes économique. Durant tout le XIXe s., des progrès techniques se sont accrues. La création de la machine à vapeur et de autres grandes techniques sont arrivées. M. Watt, l’inventeur de la machine à vapeur, reste l’un des ingénieurs le plus ressorti de cette période. Dans ce dernier exemple, on se rend compte qu’une révolution n’est pas seulement une révolte d’un peuple mais aussi un système qui fait tout basculer, changer. D’après ces deux exemples, on se rend compte que les révolutions peuvent être dues à multiples causes. (classe de 2de) La phrase par laquelle se conclut la copie ne relève pas de la généralisation et ne constitue pas la synthèse attendue des deux exemples développés. Elle n’établit pas le pendant avec la première phrase qui semblait pourtant mettre en place le schéma-type. Mais on remarquera que cette première phrase ne relève pas de la proposition-type (I) : le « peuple » n’a pas d’antagoniste. D’où la difficulté pour l'élève à déployer son argumentation. Dans ces conditions, le cadre général du récit historique n’est en fait pas esquissé et la narration qui suit, malgré la présence d’éléments relativement précis (« prise de la Bastille le 14 juillet 1789 »), et la spécification enfin des acteurs (« peuple », « roi et ses artisans ») ainsi que de leur opposition, ne s’inscrit pas dans la logique du récit historique et n’en propose pas les éléments constitutifs. En fait, la « narration », réalisée au passé composé, se confond avec l’exposé des résultats. Le passé composé semble tenir lieu ici de présent de narration (temps utilisé comme tel dans la deuxième phrase de la copie, mais pour une narration anhistorique). Quant à l’énoncé généralisant, il se trouve en fait décalé à la fin du paragraphe consacré au deuxième exemple, ce qui en invalide d’autant plus la portée qu’il repose sur une construction dissymétrique. Partis du récit historique tel qu’il se construit dans la deuxième moitié du XIXe siècle, nous sommes passés au récit didactique, celui des manuels, pour achever notre trajet par le récit des élèves. Ce choix se fonde d’une part sur la manière dont le récit didactique émerge puis se stabilise dans les manuels scolaires de la IIIe République comme forme dérivée du récit historique construit pour une large part dans le même moment, sans que soit alors véritablement posée la question de son efficacité pédagogique, de l’autre sur l’imprégnation manifeste de cette forme dans les récits d’élèves du début des années 2000. Il nous amène en dernière instance à nous interroger à nouveau sur la validité en 15 Marc Deleplace Réflexions didactiques sur le récit en histoire 16 termes d’apprentissages historiques, d’une forme discursive à la fois résistante dans la pratique de l’historien et contestée dans le champ scolaire, sans doute parce qu’elle peut aisément se dégrader en simple nomenclature servant de support à un apprentissage « par cœur », facilement mécanique, et dont la raison d’être échappe alors. Cependant, et sans prétendre, loin de là, que le récit historique soit l’unique moyen d’accès à la connaissance historique, nous serions cependant tentés, d’après les différents exemples que nous avons pu exposer, de considérer ce récit comme un moyen privilégié pour atteindre à cette connaissance, sans doute parce qu’il touche au « noyau dur » de sa mise en forme. Bibliographie : ALBA André (1940), Histoire classe de 3e. Paris : Librairie Hachette, « Histoire contemporaine ». 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