sur ordonnance - Test

Evitez les
somnifères
PRESCRIPTION
TROP RAPIDE
Dans notre
enquête, la plupart
des médecins
ont prescrit un
somnifère.
Dormir
sur ordonnance
Les personnes qui souffrent de troubles du sommeil ressortent bien trop souvent de la
première consultation avec une ordonnance pour un somnifère. Or, en cas d’insomnies,
ces médicaments ne devraient pourtant être prescrits qu’en tout dernier recours!
Birgit Janssen – Ann Lievens
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Pensez aux
alternatives
CONSEILS ET
TECHNIQUES
A la première
consultation, les
médecins devraient
conseiller plutôt
que prescrire.
souvent de meilleurs résultats que les
médicaments. Or, la Belgique reste l’une
des championnes de la consommation
de somnifères, ce que nous jugeons très
préoccupant. Les somnifères n’améliorent
en effet la qualité du sommeil que pendant
deux semaines environ, alors que les effets
secondaires, eux, persisteront toujours.
Poser assez de questions
U
ne mauvaise nuit se paie souvent
cher : difficulté à se concentrer,
irritabilité, somnolence, moins
bonnes performances au travail… Et
c’est encore pire quand cette situation se
prolonge, une réalité quotidienne pour
trois Belges sur dix. Pour cette enquête,
nous avons envoyé chez 100 médecins
généralistes trois "patientes"au profil
similaire qui devaient simuler des troubles
du sommeil. Objectif : en savoir plus sur les
conseils donnés en la matière. Le résultat
est inquiétant : 69 % des médecins ont
prescrit un somnifère !
Des nuits perturbées
Rappelons d’abord ce qu’il faut entendre
par troubles du sommeil. Il n’est question
d’insomnie qu’à partir du moment où la
durée ou la qualité de votre sommeil est
déréglée (difficultés d’endormissement,
incapacité à se rendormir, réveil trop
matinal) et si cela a des répercussions
négatives pendant la journée. Les causes
peuvent être très diverses : psychiques
(sentiments dépressifs, angoisse, stress…),
physiques (douleur, démangeaisons...),
externes (manque de confort dans la
chambre, luminosité gênante, repas du soir
trop copieux...), apnées... Voilà pourquoi
des conseils ciblés – modifier son mode de
vie par ex. – ou des techniques spécifiques
pour favoriser le sommeil donnent
Notre testeuse-type
Age 52-62 ans.
Antécédents Aucune maladie, pas de
dépression ni d’angoisse, ne prend pas
de médicaments, a déjà eu des périodes
où elle dormait moins bien.
Problème Dort mal depuis 3 semaines.
Cause potentielle Le stress d‘un déménagement récent et de la difficulté de
vendre l’ancienne maison.
Après les conseils du médecin Notre
patiente devait demander une prescription de Stilnoct (car son amie dormait
bien avec ce somnifère).
Notre enquête auprès de 100 médecins Est un instantané qui ne permet pas
de généraliser, mais esquisse la situation
dans le secteur.
Le médecin doit poser suffisamment
de questions au patient s’il veut évaluer
la situation correctement et donner les
conseils les plus pertinents ou prescrire
éventuellement un somnifère. Les troubles
sont-ils récents ? Est-il/elle stressé(e) ?
Certains événements contribuent-ils
au problème ? Etc. Le médecin devrait,
grosso modo, examiner cinq aspects : le
rythme de sommeil, les habitudes liées
à l’alimentation, à la consommation de
boissons et au style de vie, les maladies
éventuelles et la médication, une autre
cause potentielle et les tentatives que le
patient a déjà entreprises pour résoudre le
problème. Près de 70 % des médecins ont
passé en revue quatre ou cinq aspects – un
résultat satisfaisant. Quatre par contre se
sont seulement intéressés à deux aspects.
Un médecin, le Dr Molenberghs de Liège,
s’est contenté de poser des questions sur le
rythme de sommeil et a immédiatement
prescrit un somnifère. Les médecins ne
se sont pas attardés suffisamment sur les
habitudes concernant l’alimentation, les
boissons consommées et le style de vie :
la moitié d’entre eux n’ont posé aucune
question à cet égard.
Les conseils et les techniques
largement oubliés
Une fois que le médecin en sait plus sur
la situation du patient, il doit d’abord lui
donner des conseils axés sur l’hygiène
de sommeil et les techniques visant
à améliorer le sommeil. L’hygiène
de sommeil comprend les différents
conseils (voir encadré p. 15) relatifs au
rythme de sommeil, à l’environnement,
à l’alimentation, à la consommation de
boissons et au style de vie, ainsi qu’à
l’activité physique. Des conseils assez
faciles à intégrer dans votre mode de
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vie. Sur les 100 médecins consultés, à
peine neuf ont cependant pris le temps
d’examiner ces éléments et de donner
la plupart des conseils. 63 % n’ont tout
simplement pas abordé l’hygiène de
sommeil.
En plus de ces conseils, de nombreuses
techniques permettent de lutter contre
l’insomnie. Le contrôle des stimuli en
fait partie. Cette technique complète
l’hygiène de sommeil et repose sur un
canevas précis. Première règle : ne vous
glissez sous la couette que lorsque vous
commencez à somnoler. Si vous ne
dormez pas après 20 minutes, relevezvous et allez vous détendre dans une
autre pièce. Recouchez-vous quand vous
sentez de nouveau la somnolence vous
gagner. Si vous n’avez toujours pas trouvé
le sommeil après 20 minutes dans votre
lit, recommencez la procédure. Vous
éviterez ainsi d’associer la chambre au
fait de mal dormir, de rester éveillé et de
"ruminer". Les autres techniques incluent
la restriction de sommeil, la relaxation,
la pleine conscience (mindfulness) ou la
thérapie comportementale cognitive. Dix
médecins ont présenté une technique –
généralement le contrôle des stimuli. Trois
parmi eux ont pris le temps d’en expliquer
plusieurs.
Mieux dormir
Adoptez une routine de sommeil
régulière. Couchez-vous et levez-vous
toujours à la même heure, même le weekend. Allez dormir lorsque vous sentez la
somnolence vous gagner.
Le soir, évitez les repas lourds et
l’alcool. Celui-ci vous fera sombrer plus
vite dans le sommeil, mais vous aurez
aussi tendance à vous réveiller au milieu
de la nuit.
Aérez bien la chambre. Veillez à ce
qu’elle soit sombre, tranquille et fraîche.
Prévoyez une activité relaxante avant
d’aller vous coucher Lire, écouter de la
musique, prendre un bain chaud…
Vous n’arrivez toujours pas à fermer
l’œil ? Levez-vous et essayez de vous
relaxer dans une autre pièce jusqu’à ce
que le sommeil vous gagne.
Détente et travail dans une autre
pièce Evitez de regarder la télé, lire, utiliser votre tablette… dans votre chambre.
Ce qui a été prescrit
La majorité des médecins consultés (76 %) prescrit sans hésiter des somnifères ou des
antidépresseurs.
combinaison antidépresseur et
somnifère ou deux somnifères
aucune prescription
10 % 6 %
antidépresseur
somnifère ou
combinaison somnifère
et remède aux plantes/
mélatonine
7%
11 %
produit à base de plantes
uniquement
7%
mélatonine uniquement
59 %
94 % prescrivent des
médicaments
S’ils ont souvent omis de donner des
conseils et des techniques, les médecins
ont rarement oublié de sortir leur carnet
d’ordonnances. Six seulement, tous
flamands, ont laissé notre patiente sortir
sans prescription (A pour comportement
prescriptif). Quatre d’entre eux ont donné
des conseils judicieux ou très judicieux.
Somnifères trop vite prescrits
Selon les recommandations de la SSMG
(Société scientifique de médecine
générale), les somnifères doivent être
prescrits en dernier recours. Le médecin
doit d’abord tenter d’identifier la cause du
problème et donner des conseils destinés
à améliorer le sommeil. Seulement si
ces deux mesures s’avèrent insuffisantes,
un traitement médicamenteux peut être
envisagé. C’est d’ailleurs sur cette directive
que sont basées les campagnes annuelles
du SPF Santé publique, Sécurité de la
chaîne alimentaire et Environnement au
sujet des somnifères et calmants. 69 %
des médecins consultés ont pourtant
prescrit une benzodiazépine (Temesta,
Stilaze, Lorazepam…) – un somnifère
classique – ou un médicament apparenté,
de la catégorie des Z-drugs (Stilnoct,
Zolpidem EG, Imovane…). Les deux
sont comparables en termes de sécurité
et d’efficacité, mais une utilisation
prolongée peut entraîner de nombreux
effets secondaires. Le comportement
prescriptif de ces médecins a donc reçu
une évaluation négative (D). L’effet
secondaire le plus important est la
dépendance mentale et physique : vous
aurez de plus en plus l’impression de ne
plus pouvoir dormir sans somnifère. Les
somnifères ont également un effet néfaste
sur la mémoire et la concentration, et
provoquent parfois un état de somnolence
pendant la journée. 51 % des médecins
consultés n’ont toutefois guère hésité à
prescrire un somnifère, 10 % ont conseillé
d’essayer un autre médicament, tout en
donnant quand même une ordonnance
pour un somnifère. 8 % (Dr Angheben, Dr
Proot, Dr Engels, Dr De Munck, Dr Mergny,
Dr Bataille, Dr Buyssens et Dr Jacobs) ont >
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>
LE CONSEIL DES MÉDECINS CONSULTÉS
Nom du médecin
Questions
Conseils
Code postal
Nom du médecin
Questions
Conseils
Do Dinh T.
B
E
D
A
6030
Tollet P.
B
E
1040
Dupont D.
B
D
D
A
6030
Votquenne G.
C
Aktas H.
A
Comportement
prescriptif
Durée et effets
secondaires
Code postal
1040
Comportement
prescriptif
Durée et effets
secondaires
ONT PRESCRIT DES SOMNIFÈRES
ONT PRESCRIT DES SOMNIFÈRES
D
A
E
D
C
D
D
E
1040
Licker C.
A
E
D
A
6030
1040
Canivet V.
A
E
D
D
6030
Lombart M.
A
E
D
B
Leveau F.
C
E
D
C
1040
Dogan H.
D
E
D
E
6030
1040
Angheben A.
A
E
D
C
6031
Cara F.
A
E
D
C
Paquet F.
B
E
D
C
A
1070
Magotteaux M.
B
E
D
A
6032
Henrard E.
C
E
D
E
Lorette M.
B
E
E
D
E
D
B
A
E
D
C
1070
Vanhuyse P.
B
E
D
D
ONT PRESCRIT DES ANTIDÉPRESSEURS
OU DES ANTIPSYCHOTIQUES
1070
Gorgemans Th.
B
E
E
E
1310
Mergny S.
A
E
D
A
1315
Migeal J-L.
B
D
D
A
1325
Dupont V.
C
E
D
A
1325
Delie B.
C
E
D
B
1330
Bataille J-J
A
E
E
B
1400
Mispelaere B.
B
E
E
1370
Volon H.
C
D
D
E
1400
Pecriaux N.
A
E
E
4000
Duchateau M.
B
E
E
5020
Duray D.
C
E
E
1400
Lombart P.
A
E
E
E
4000
Di Bella S.
D
E
D
A
4000
Jacquemin C.
A
D
D
B
4000
Rosu A.
C
E
D
B
4000
El-Khouri Mikhael B.
C
D
D
D
4000
Molenberghs J.
E
E
D
E
4000
Dortu J.P.
C
E
D
E
4000
Zegielski J.
B
E
E
E
4000
Mousty J-C.
B
D
E
E
Conseils
B
Vanlishout J-P.
Questions
Passias A
1070
Code postal
1070
6032
Comportement
prescriptif
D
Conseils
E
Questions
B
Nom du médecin
Colet C.
Code postal
1070
6032
4020
Gob D.
C
C
D
D
1320
Brichard B.
B
E
B
1320
Ronsmans C.
B
E
C
4000
Andre J-F
C
C
B
4000
Mabille J.
A
E
B
5000
Quertinier D.
A
E
C
5022
Van Look C.
A
B
C
D
C
5001
Gerard M.
C
E
D
B
5001
Raveschot M.
C
E
E
C
>
seulement prescrit un somnifère après que
notre patiente a explicitement demandé du
Stilnoct (en arguant que son amie dormait
bien grâce à ce médicament). A remarquer:
à Bruxelles, les douze médecins consultés
ont tous prescrit des somnifères. En
Wallonie, 71 % des médecins ont délivré
une ordonnance pour un somnifère. En
Flandre, ce pourcentage était de 58 %.
Prescription sans explication
Le médecin devrait à tout le moins préciser
que le somnifère ne peut être pris que
pendant une à deux semaines maximum
et risque d’entraîner une dépendance
physique et mentale. Or, 26 des
69 médecins qui ont prescrit un somnifère
n’ont pas dit un mot sur l’accoutumance ni
sur la durée pendant laquelle le somnifère
peut être pris. Une attitude irresponsable !
A peine 16 des 69 médecins ont fourni les
explications requises.
Des prescriptions inacceptables
Sur les 69 médecins qui ont prescrit un
somnifère, dix ont pris des décisions
inacceptables : ils ont directement délivré
deux prescriptions de somnifères (ce qui
encourage une utilisation prolongée)
ou ont combiné un somnifère et un
antidépresseur (ou un antipsychotique).
Ils ont dès lors reçu un E pour leur
comportement prescriptif. Sept autres
médecins ont seulement prescrit un
antidépresseur, mais ont également reçu
Très bon
Comportement
prescriptif
Nom du médecin
PRESCRIPTION: AUCUNE/ MÉLATONINE/
MÉDICAMENT À BASE DE PLANTES
5020
Nolmans E.
B
E
D
D
5020
Bronchain C.
C
D
E
E
5030
Guisset E.
A
E
D
D
6000
Alexandre Y.
A
5030
Minet B.
B
D
D
E
6010
Rochet J-F.
B
E
B
5030
Despontin P.
A
E
E
E
6020
Denis B.
B
D
B
Bon
Moyen
Médiocre
Mauvais
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Limitez
la durée
EFFETS
SECONDAIRES
L’effet du somnifère
diminue après deux
semaines, mais...
pas les effets
secondaires!
aux somnifères. Voilà pourquoi les
médecins ayant prescrit uniquement un
médicament à base de plantes ont reçu
un B.
Il reste beaucoup à faire !
69 % des médecins ont prescrit des somnifères
un E car les antidépresseurs doivent être
proscrits dans cette situation : vu leurs
sérieux effets secondaires potentiels, ils
ne peuvent être prescrits qu’en cas de
dépression. Notre patiente n’en souffrant
pas, cette prescription n’était pas justifiée.
Des alternatives existent
S’attaquer à la
cause
Bien gérer
votre stress
Bien gérer
votre stress
Se contrôler et faire face
Se contrôler et faire face
Huit médecins ont quant à eux prescrit
de la mélatonine, et un seul a combiné
mélatonine et somnifère. La mélatonine
est une hormone qui a pour rôle principal
de réguler notre horloge biologique. Elle ne
serait cependant pas plus efficace contre
les troubles du sommeil qu’un placebo et
l’on ne sait pas grand-chose sur ses effets
néfastes potentiels. Les médecins qui ont
seulement prescrit de la mélatonine se
sont donc vu attribuer un C. Quelque 21
médecins ont pour leur part opté pour
un médicament à base de plantes, et dix
d’entre eux l’ont associé à un somnifère.
Il n’y a jusqu’à présent guère de preuves
attestant de l’efficacité des médicaments
à base de plantes, mais ils peuvent
avoir un effet placebo important chez
les personnes qui souffrent de troubles
du sommeil, voire offrir une alternative
Bien gérer votre stress
Vous vous sentez stressé ? déprimé ? anxieux ?
en proie à des crises de panique ?
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différence entre le bon et le mauvais stress et vous
explique comment des événements tels qu’un
divorce, un licenciement ou un deuil peuvent
affecter tout un chacun, depuis les enfants
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déterminer votre propre niveau de stress et,
si nécessaire, y remédier grâce à une vaste
stratégie comprenant aussi bien des moyens
conventionnels comme les médicaments
que des thérapies dites alternatives comme
l’homéopathie, l’acupuncture, l’ostéopathie ou
la phytothérapie.
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aidera à déterminer votre degré de stress
et vous fera découvrir différentes méthodes pour y remédier le cas échéant.
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En résumé, les médecins donnent trop
peu de conseils pour améliorer la qualité
du sommeil, prescrivent trop vite des
somnifères et ne fournissent généralement
pas assez d’informations sur les effets
secondaires et la durée d’utilisation. La
consommation de somnifères est stable
depuis 2004 grâce aux campagnes de
sensibilisation, mais environ 13 % de la
population y ont encore régulièrement
recours. Il reste donc beaucoup à faire !
Nous exigeons la commercialisation de
plus petits conditionnements. Des boîtes
de 30 à 50 comprimés encouragent en effet
une utilisation chronique. Les emballages
doivent mentionner clairement la durée
maximale d’utilisation d’une semaine
(jusqu’à éventuellement deux semaines),
et comporter une mention relative aux
risques de dépendance physique et
mentale. Nous voulons que les médecins
adaptent leur comportement prescriptif:
ils doivent être moins prompts à prescrire
des somnifères, et donner d’abord et
surtout des conseils et des techniques
pour améliorer la qualité du sommeil.
Les autorités devraient contrôler et faire
un suivi du comportement prescriptif
des médecins. Si certains prescrivent
trop de somnifères, ils doivent recevoir
des remarques à ce sujet. Un médecin ne
devrait prescrire qu’un seul somnifère par
consultation, pour prévenir l’utilisation
chronique. Les effets secondaires, surtout
ceux liés à l’accoutumance, doivent
absolument expliqués, ainsi que la durée
limitée de prise des somnifères.
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