Somnifères chez les Personnes Âgées

Transcription

Somnifères chez les Personnes Âgées
CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE VAUDOIS
DIRECTION MEDICALE
Commission Permanente des Médicaments
Secrétariat BH 04
1011 Lausanne - CHUV
BULLETIN D'INFORMATION CPM N° 1 - 2015
Recommandations pour l’utilisation des
Somnifères chez les Personnes Âgées
Contexte :
Le Service de la Santé Publique du canton de Vaud a lancé en 2013 une campagne de sensibilisation1
auprès des seniors, en collaboration avec le CHUV et les sociétés médicales, dans le but de diminuer la
prescription et l’utilisation chronique de somnifères chez les personnes âgées et de sensibiliser la
collectivité aux effets induits par leur consommation.
Cette campagne rappelle que les somnifères ne sont pas forcément nécessaires ! Ces médicaments ont
des effets indésirables et ne sont donc pas anodins. Ils induisent un sommeil moins réparateur que le
sommeil naturel et leur efficacité diminue avec le temps. Il est possible d’arrêter les somnifères et de
retrouver un sommeil de qualité à l’aide de mesures non médicamenteuses2. Cependant, « il n’y a pas de
réponse toute faite pour la personne âgée qui se plaint de mal dormir. C'est un problème qui doit être
évalué de manière globale et traité de manière individualisée. L'utilisation de somnifères doit être
mûrement réfléchie et prévue sur la durée la plus courte possible »1.
En appui de cette campagne, il est opportun de rappeler les recommandations à l’adresse des prescripteurs
et des professionnels de santé pour maintenir les effets de ce projet cantonal.
1.
Identifier, diagnostiquer et quantifier les troubles du sommeil :
Une altération de la durée et de la structure du sommeil est inévitable chez le sujet âgé et ne justifie en
principe pas de prescription médicamenteuse. Les insomnies graves peuvent cependant favoriser
l’apparition de troubles cognitifs et de déficits d’attention. Des données suggèrent qu’une réduction et une
mauvaise qualité du sommeil sont impliquées dans l’obésité et le diabète3. Une association est aussi
décrite entre insomnie et douleurs, troubles anxieux, utilisation plus fréquente de ressources médicales et
de médicaments.
Certaines insomnies sont des manifestations d’appel d’une pathologie nécessitant une prise en charge
spécifique (insuffisance cardiaque ou respiratoire, apnées du sommeil, syndrome des jambes sans repos,
maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, dépression, trouble du rythme circadien, abus d’alcool).
Des médicaments peuvent également occasionner ou aggraver une insomnie (stimulants, antidépresseurs,
corticoïdes, anti-asthmatiques, certains bêta-bloquants, anticalciques, fluoroquinolones, antiviraux…)
1
Communiqué du 11 juin 2013 (www.bicweb.vd.ch/communique.aspx?pObjectID=427509)
Somnifères ? Pas forcément nécessaires ! (www.vd.ch/themes/sante/prevention/somniferes/)
3
Hernandez A, Philippe J, Jornayvaz FR. Sommeil et diabète. Rev Med Suisse 2012 ; 8 :1198-1203.
2
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
1
Pour ces raisons, il est important d’identifier, de diagnostiquer et de quantifier les problèmes d’insomnie
chronique en vue d’une prise en charge adéquate4. Le bilan minimal d’une insomnie en relèvera la durée,
le contexte, l’impact fonctionnel et les mesures déjà prises par le patient. Un « carnet du sommeil » peut
être utile pour monitorer les effets du traitement.
2.
Mettre l’accent sur les interventions non médicamenteuses
Les somnifères ont une efficacité subjective rapide mais ils la perdent progressivement alors que persiste
leur risque d’effets indésirables. Au contraire, les approches cognitives et comportementales ont un effet
plus progressif, mais plus durable et satisfaisant sur le long terme, comme l’ont démontré une série
d’études contrôlées5. De nombreuses techniques parfois sophistiquées ont été proposées, mais une série
de recommandations simples donne déjà de bons résultats2 :
Quelques conseils pour améliorer votre sommeil
 Soyez active et actif durant la journée mais évitez une activité physique intense dans les heures
qui précèdent le coucher.
 Exposez-vous à la lumière naturelle durant la journée, au soleil si la météo le permet.
 Évitez les boissons contenant des excitants (café, thé, alcool) ainsi que le tabac dès le début de
l’après-midi.
 Limitez la consommation de boisson après 18 heures (sauf en cas de canicule), cela peut
suffire à éviter de se réveiller pour aller uriner la nuit.
 Mangez léger le soir, la digestion d’un repas copieux peut interférer avec le sommeil.
 Améliorez l’environnement de votre chambre à coucher : moins de lumière, bonne aération,
température pas trop élevée.
 Observez des horaires réguliers pour vous coucher et vous lever, mais n’allez au lit que lorsque
vous avez sommeil.
 Essayez de mettre en place un rituel du sommeil : une activité relaxante, lecture au fauteuil ou
musique, à vous de trouver ce qui vous plaît et vous calme.
En cas de réveil durant la nuit
 Respirez lentement, profondément et régulièrement, sortez de votre lit si vous n’avez pas
réussi à vous rendormir après trente minutes.
 Sortez de la chambre, buvez une boisson chaude, pratiquez une activité reposante.
 Retournez au lit lorsque l’envie de dormir est revenue, pas avant.
 Le lendemain, levez-vous à votre heure habituelle, même si la nuit a été mauvaise. Ne faites
pas de sieste durant la journée, vous dormirez d’autant mieux le soir.
3.
Recourir parcimonieusement aux somnifères
Des interventions non médicamenteuses ne sont pas toujours suffisantes et la prescription de somnifères
peut être nécessaire6. Les traitements médicamenteux de l’insomnie utilisent principalement les
hypnosédatifs, à savoir les benzodiazépines et leurs analogues les « Z-drugs » (zolpidem, zopiclone et
zaleplon). D’autres classes de produits sont également employées dans certaines situations (mélatonine,
clométhiazole, chloral, doxylamine et autres antihistaminiques-H1, trazodone et autres antidépresseurs
sédatifs, etc.).
4
Morin CM, Benca R. Chronic insomnia. Lancet 2012 ; 379 :1129-1141.
Morin CM, Bootzin RR, Buysse DJ, Edinger JD, Espie CA, Lichstein KL. Psychological and behavioral treatment of insomnia: update of the recent
evidence (1998-2004). Sleep 2006;29(11):1398-414.
6
Falloon K, Arroll B, Elley CR, Fernando A. The assessment and management of insomnia in primary care. BMJ 2011 ; 42 :d2899.
5
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
2
La prescription chez le sujet âgé devrait se conformer aux recommandations générales suivantes (adaptées
de l’American Academy of Sleep Medicine4).
Recommandations pour la prescription de somnifères chez les patients âgés:
1. Revoir la liste des médicaments déjà pris par le patient pour prévenir le risque d’interaction
avec le somnifère à prescrire ; déconseiller la prise d’alcool ou d’autres psychotropes
2. Ne prescrire qu’un seul médicament somnifère
3. Préférer les benzodiazépines à demi-vie courte pour les troubles de l’endormissement
(« inducteurs du sommeil »), en sachant qu’ils sont plus à risque de chutes et de confusion
4. Préférer une benzodiazépine à demi-vie moyenne pour les insomnies à réveil précoce,
en sachant qu’ils entraînent plus de sédation résiduelle
5. Utiliser les doses les plus faibles disponibles, en raison des changements pharmacocinétiques et
pharmacodynamiques liés à l’âge
6. Prévoir et annoncer d’emblée une durée limitée de la prescription (2 semaines en principe)
sans reconduction systématique de l’ordonnance
7. Déconseiller une utilisation quotidienne
8. Informer le patient des effets secondaires et du risque de dépendance suite à une prise régulière
et prolongée
9. Informer les conducteurs du risque d’altération de l’aptitude à conduire ; de même pour toute
activité requérant une vigilance optimale (documenter cette transmission dans le dossier)
10. Suivre l’efficacité sur le sommeil, les capacités fonctionnelles et les effets indésirables
Alternatives aux hypnosédatifs :
 Envisager les « somnifères doux » quand la nécessité d’une prescription est incertaine
(valériane, mélatonine, gouttes de fleur d’oranger etc.).
 Penser aux antidépresseurs sédatifs chez les patients qui présentent des symptômes dépressifs
 Réserver les neuroleptiques sédatifs aux patients qui présentent des troubles psychiatriques.
 Les antihistaminiques-H1 ne sont pas recommandés en raison de leurs effets secondaires plus
sérieux chez les patients âgés (effets anticholinergiques, confusion).
Les benzodiazépines et analogues ont essentiellement un rôle transitoire dans le traitement des
troubles du sommeil. Ces substances ont toutes des effets similaires en diminuant le délai
d’endormissement, le nombre et la durée des réveils et en augmentant la durée du sommeil, surtout chez
les moins de 60 ans7. Elles diffèrent principalement par leur pharmacocinétique. Les produits à courte
demi-vie volontiers utilisés comme inducteurs du sommeil, par exemple le zolpidem, produisent un pic de
concentration aigu susceptible de déclencher un état confusionnel, une amnésie, des chutes ou des
troubles respiratoires chez le patient âgé. Les benzodiazépines à durée d’action intermédiaire préférées
dans les réveils précoces, par exemple l’oxazépam ou le témazépam, peuvent avoir quant à eux une action
résiduelle qui favorise la sédation et la confusion diurnes. Les benzodiazépines à longue demi-vie, dont
l’emploi a été suggéré en présence d’anxiété, sont d’une utilisation délicate chez la personne âgée et il ne
faudrait pas les introduire sans un avis psychogériatrique spécialisé, compte tenu de leurs risques et du
caractère très polymorphe des troubles anxieux dans cette population.
Il n’y a pas d’évidence d’une efficacité supérieure des « Z-drugs » (zopiclone, zolpidem et zaléplon)
par rapport aux benzodiazépines ni de différence significative de la survenue d’effets secondaires ou
d’effets résiduels8. Le zolpidem est éliminé plus lentement chez les femmes, et la FDA recommande de
réduire les doses de moitié chez les femmes, soit 5 mg au lieu de 10 mg pour les formes galéniques à
libération immédiate et 6.25 mg pour les formes retard au lieu de 12.5 mg. De nouvelles données ont en
effet montré que des taux sanguins de zolpidem de 50 ng/ml diminuent la capacité de conduire de façon
suffisante pour causer un accident alors que les personnes se sentent réveillées. Ce seuil est encore
7
8
Revue Prescrire. Plainte d’insomnie chez les adultes : traitement médicamenteux (hors phytothérapie). Revue Prescrire No 343, 2012.
NICE. Guidance on the use of zaleplon, zolpidem and zopiclone for the short-term management of insomnia. Technology Appraisal 77, April
2004, Review date April 2007.
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
3
dépassé 8 heures après la prise de zolpidem 10 mg chez 15% des femmes et 3% des hommes, et 8 heures
après une dose de 12,5 mg retard chez 33% des femmes et 25% des hommes9.
Les somnifères présentent un rapport risques/bénéfices moins favorable chez les personnes âgées.
Des effets indésirables peuvent perturber la qualité de vie des personnes âgées et fragiliser leur
organisation de vie à domicile : somnolence ou fatigue diurne (4 x le risque de base), troubles de la
concentration et de la mémoire (5 x), chutes (2 x), accidents de la circulation routière (2 x), troubles de la
coordination motrice, cauchemars, confusion, désorientation et agressivité (« effets paradoxaux »),
diminution de la fréquence de déglutition10,11. L’usage fréquent de tranquillisants ou de somnifères est un
facteur de risque d’apnées du sommeil12. Rappelons que toute polymédication, plus fréquente chez les
personnes âgées en raison de multiples troubles, est associée à un risque augmenté d’effets indésirables13.
De plus, ces personnes présentent souvent des altérations de la compoosition corporelle, des fonctions
rénale et hépatique, dont peuvent résulter une prolongation de la demi-vie et une accumulation des
substances actives.
L’utilisation prolongée de somnifères engendre une dépendance. Une tolérance (perte d’efficacité) et
une dépendance surtout physique (symptômes de sevrage à l’arrêt) se développent rapidement avec les
benzodiazépines, en quelques semaines voire quelques jours déjà. Il est difficile d’identifier des
caractéristiques de patients qui pourraient prédire un usage chronique de somnifères suite à une première
prescription14. On pense cependant qu’il existe des facteurs de risque pour le développement d’une
dépendance : troubles de la personnalité, alcoolisme, recours aux médicaments sans supervision
médicale7,8.
Le clométhiazole et le chloral sont des alternatives envisageables aux hypnosédatifs chez le patient âgé
et leur utilisation s’accompagne des mêmes recommandations de parcimonie et de prévention des
dépendances. Ils auraient moins de risque d’engendrer des effets paradoxaux mais sont plus dangereux en
cas de surdosage (arrêt respiratoire, troubles du rythme).
Les antidépresseurs sédatifs tels que la trazodone n’ont pas le traitement de l’insomnie dans leurs
indications officielles, mais leur utilisation est envisageable lorsqu’un trouble du sommeil s’inscrit dans le
cadre d’un trouble dépressif. Les études disponibles ne sont pas suffisantes pour affirmer un effet
prolongé sur le délai d’endormissement et la durée du sommeil par rapport à un placebo. Le risque
d’effets indésirables anticholinergiques, de sédation résiduelle ou de confusion existe également pour ces
médicaments, dont l’utilisation devrait obéir aux mêmes règles que pour les benzodiazépines.
Les neuroleptiques ne sont pas non plus officiellement indiqués comme somnifères. Ils sont utilisés à
faibles doses lors d’insomnie liée à des idées obsédantes anxieuses (préoccupations envahissantes). Ils
peuvent augmenter le syndrome des jambes sans repos, les parasomnies et les troubles extrapyramidaux.
Leur introduction devrait s’appuyer sur l’avis d’un spécialiste.
Les antihistaminiques H1 tels que la diphénhydramine et la doxylamine sont des médicaments en vente
libre utilisés en cas de troubles du sommeil. Ils ont une durée d’action relativement longue (4 à 6 heures).
Ils induisent des effets indésirables de type anticholinergique, un allongement de l’intervalle QT,
rarement des excitations paradoxales ou des convulsions. Bien que largement consommés par les
personnes âgées et considérés à moindre risque d’induire une dépendance, ils ne sont pas recommandés
en raison de leurs effets anticholinergiques et des risques d’accumulation, surtout avec la doxylamine
9
FDA Drug Safety Communication. 01.10.2013.) http://www.fda.gov/drugs/drugsafety/ucm334033.htm
Buysse DJ. Insomnia. JAMA 2013 ; 309(7) : 706-716.
11
Tannenbaum C, Martin P, Tamblyn R, Benedetti A, Ahmed S. Reduction of inappropriate benzodiazepine prescriptions among older adults
through direct patient education: The EMPOWER Cluster Randomized Trial. JAMA Intern Med. 2014;174(6):890-8.
12
http://www.liguepulmonaire.ch/uploads/tx_pubshop/131015_brochure_apnees-sommeil.pdf
13
Mazzocato C, David S, Benaroyo L, Monod S. Polymédication et personne âgée : ni trop ni trop peu ! Rev Med Suisse 2013 ; 9 :1026-1031.
14
Luijendijk HJ, Tiemeier H, Hofman A, Heeringa J, Stricher BH. Determinants of chronic benzodiazepine use in the elderly: a longitudinal study.
Br J Clin Pharmacol 2008 ; 65(4) : 593-599.
10
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
4
(demi-vie ~10 heures) entraînant d’autant plus de risque de chute. Une tolérance se développe également
et l’effet s’amenuise en cas d’utilisation régulière7.
La mélatonine est une hormone produite par la glande pinéale, dont la sécrétion est augmentée à
l’approche de la nuit et participe à l’induction du sommeil physiologique. Elle possède une indication en
monothérapie pour le traitement de l’insomnie primaire chez les patients dès 55 ans. La durée du
traitement est limitée à 3 semaines et dans des cas exceptionnels jusqu’à 13 semaines après réévaluation
médicale15. Le bénéfice de la mélatonine sur le sommeil a été étudié chez des personnes âgées et le
maintien du sommeil a été amélioré de façon significative avec des doses de 0,1 à 3 mg comparativement
à un placebo16. On ne craint guère de dépendance ni de problèmes de sevrage, mais l’efficacité subjective
est moins bonne que celle des hypnosédatifs et le prix plus élevé. Le Service Médical Rendu attribué par
la Haute Autorité de Santé française est faible17 et la mélatonine n’est pas remboursée par les caissesmaladie en Suisse.
Phytothérapie : Il y a peu d’évaluations rigoureuses concernant l’efficacité des plantes à propriétés
sédatives (tilleul, verveine, mélisse, orange amère, aubépine, houblon et passiflore). La valériane est la
plante la plus fréquemment employée et quelques données d’évaluation clinique rapportent une efficacité
modérée sur la qualité du sommeil, cependant remise en question dans des études récentes7. Il est utile de
savoir que quelques préparations sont prises en charge par l’assurance de base : Dormiplant® (valériane et
mélisse), Hova® et Redormin® (valériane et houblon), Relaxane® (pétasite, valériane, passiflore, mélisse)
et Sedonium® (valériane).
4.
Aider les patients à quitter leurs somnifères
L’usage de médicaments psychotropes augmente régulièrement avec l’âge et une étude suisse a montré
que les somnifères sont consommés 15 fois plus par les personnes de plus de 65 ans comparativement aux
personnes de 15 à 34 ans18. Face à un patient consommant quotidiennement un somnifère, il est du devoir
de tout professionnel de santé de redonner l’information selon laquelle les somnifères ne sont pas
forcément nécessaires. On rappellera qu’ils perdent progressivement toute efficacité réelle et que
l’insomnie ressentie par le patient qui omet de prendre son somnifère est essentiellement un symptôme de
sevrage, alors qu’une prise chronique engendre des risques non négligeables pour le fonctionnement
mental, la motricité et l’autonomie de la personne âgée. Comme pour d’autres dépendances, on ne doit
pas sevrer le patient sans son accord, mais bien plutôt l’accompagner jusqu’à ce qu’il entreprenne une
démarche personnelle visant à se libérer du recours quotidien à un somnifère.
Une admission à l’hôpital n’est souvent pas le moment le plus approprié dans l’histoire du patient pour commencer
un sevrage, et le médecin hospitalier sera le plus souvent confronté à prescrire initialement le somnifère que le
patient prend habituellement à domicile. Il faut toutefois éviter qu’une hospitalisation soit l’occasion d’introduire
intempestivement un traitement dont le patient aura toutes les peines à se débarrasser par la suite. Si cela est
toutefois inévitable, il est recommandé de ne pas poursuivre la prescription à la sortie de l’hôpital, ou à tout le moins
d’en informer explicitement le médecin de famille avec le conseil de réévaluer régulièrement ladite prescription.
L’arrêt brutal d’une benzodiazépine est déconseillé, tout particulièrement après un usage prolongé, car
il peut déclencher des problèmes graves tels que confusion, angoisse, agitation, troubles gastrointestinaux, augmentation de la pression systolique et convulsions19. Des symptômes de sevrage peuvent
apparaître tout de suite à l’arrêt d’une benzodiazépine de courte durée d’action et plus tardivement – dans
les 3 semaines – après l’arrêt d’une benzodiazépine de longue durée d’action. Les symptômes de sevrage
15
Pharmavista.ch – monographie de Circadin® comprimés retard 2 mg – consulté le 18 mars 2014.
Wade AG, Ford I, Crawford G, McConnachie A, Nir T, Laudon M, Zisapel. Nightly treatment of primary insomnia with prolonged release
melatonin for 6 months : a randomized placebo controlled trial on age and endogenous melatonin as predictors of efficacy and safety. BMC
Med 2010; 8:51.
17
HAS-Commission de la transparence, Avis 10 décembre 2008, Circadin 2mg.
18
Roth S, Moreau-Gruet F. Consommation et coût des médicaments en Suisse. Obsan Rapport 50 2011 ; pp 29-30.
19
Briesacher BA, Soumerai SB, Field TS, Fouayzi H, Gurwitz JH. Medicare Part D’s exclusion of benzodiazepines and fracture risk in nursing
homes. Arch Intern Med. 2010 ; 170(8) : 693-698.
16
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
5
peuvent durer de 1 à 2 semaines7,8. Il est donc clairement recommandé de réduire progressivement la
dose selon un schéma de sevrage par étapes. Un schéma théorique relativement sûr consiste à diminuer
les doses d’un quart, de moitié puis de trois quarts par paliers de 2 semaines ou plus, en laissant
éventuellement une dose non diminuée pour certains jours de la semaine à chaque palier11. Cependant, ce
schéma doit bien entendu être adapté à la situation spécifique de chaque patient. Un accompagnement par
le médecin traitant est conseillé, même si beaucoup de personnes âgées parviennent à se sevrer seules
après avoir reçu une information adéquate.
Annexe : Caractéristiques des hypnosédatifs benzodiazépiniques et apparentés
Durée
d’action
courte
Durée
d’action
intermédiaire
DCI
Spécialité
midazolam
C
Oui
triazolam
Dormicum®
+ génériques
Halcion®
C
Non
zolpidem
zopiclone
Stilnox®
Imovane®
C
C
Non
Oui
témazépam
lorazépam
Normison®
Temesta®,
Lorasifar®,
in Somnium®
avec
diphenhydram
ine
Seresta®,
Anxiolit®
I
C
Non
Non
2
5
(5)
12
12
I
Non
I
Oui
nitrazépam
flunitrazépam
Noctamid®,
Loramet®
Mogadon®
20
Rohypnol®
C
C
Non
Oui
flurazépam
Dalmadorm®
C
Oui
diazépam –
Valium®,
Paceum®,
Stesolid®
C
Oui
oxazépam
lormétazépam
Durée
d’action
longue
20
21
21
Délai d’action
C=court
I=intermédiaire
L=long
Métabolites
actifs
Demi-vie
[h]
Moléculemère
(métabolite)
2.5
(1)
2.5
Posologie
standard
[mg/jour]
Emploi
7.5-15
0.1250.25
5-10
7.5
Hypnotique
(inducteur du
sommeil)
10-20
1-3
Hypnotique
Anxiolytique
utilisable
comme
somnifère
8
16-60
15
(12)
30
24
(15-30)
0.5-2
Anxiolytique
utilisable
comme
somnifère
Hypnotique
5-10
0.5-1
Hypnotique
Hypnotique
déconseillé
chez le
sujet âgé
2
(80)
40
(50-100)
15-30
Hypnotique
5-20
Anxiolytique
et
myorelaxant
déconseillé
comme
somnifère
Dans le canton de Vaud, pour dispensation ambulatoire, le Rohypnol® doit être prescrit sur ordonnance à souche.
La longue demi-vie du métabolite actif fait classer le flurazépam parmi les benzodiazépines à durée d’action prolongée.
CHUV-CPM: A. Decollogny, T. Buclin, D. Renard / mars 2015
6