De la relation entre populisme et littérature

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De la relation entre populisme et littérature
De la relation entre populisme et littérature
Le populisme est – aussi - un mouvement littéraire fondé par André Thérive1
et Léon Lemonnier2. Son manifeste a paru dans L'Œuvre en 1929, sous la plume de
ce dernier : il s'agit de privilégier la peinture des petites gens, contre celle de la
bourgeoisie aisée, “coupable d'un réalisme et d'une psychologie littéraire artificiels”.
Ils rejettent toutefois la tentation prolétarienne, illustrée par Henri Poulaille3, ainsi
que le pittoresque du sordide, suscité par le naturalisme et ses adeptes. Rappelons
aussi Pierre Hamp (Nice, 1876-Le Vésinet, 1962) qui a minutieusement décrit la vie
ouvrière dans une longue série, La Peine des Hommes, publiée chez Gallimard.
Michel Ragon a étudié de près cette littérature prolétarienne dans Histoire de la
littérature ouvrière (1953).
Le populisme impose un sens de la convention et de la simplicité, qui n'exclut
pas la rigueur de l'observation. Il a ses prix littéraires du roman et de la poésie. Parmi
les lauréats, il y a loin d'Eugène Dabit4 et J-P. Sartre (pour La Nausée, en 1940) à
Armand Lanoux (La Nef des fous, 1948), d'une véritable découverte des milieux
populaires à la convention commandée par la représentation de ces milieux. Le
mouvement vaut par son aptitude à introduire de nouveaux objets quotidiens dans la
littérature loin d'un regard hiérarchique (l'élitisme de l'écrivain ou la “belle âme” qui,
même rapportée à un personnage populaire, traduit la perspective bourgeoise).
L'ancêtre littéraire direct du populisme est l'unanimisme, mouvement fondé et
“animé” dès 1908 par Jules Romains (1885-1972), avec la définition : “expression de
la vie unanime et collective”. La Vie unanime (1908) est le titre d'un recueil poétique
de cet auteur, membre du Groupe de l'Abbaye, où se retrouvèrent à partir de 1906,
dans un grand rêve communautaire et social, Romains, Georges Duhamel (18841966), Charles Vildrac, René Arcos, Luc Durtain, etc. Cf. Le Désert de Bièvres, 5°
vol. des Pasquier de Duhamel.
J.P. Colin – juin 2007
1
(Limoges, 1891-Paris, 1967), essayiste et romancier : Sans âme (1928), Charbon
ardent (1929), Noir et or (1930), rapproché de Barbusse, E-M. Remarque, Duhamel
et Genevoix. Tendance au moralisme chrétien, passionné de langue française, de
Querelles de langage 1921) à Le français, langue morte (1923), etc.
2
(Rouen, 1890-Paris, 1953). Critique, essayiste et romancier, spécialiste des
romanciers anglo-saxons, auteur de : Le Passé des autres, La Femme sans péché, etc.
3
(Paris, 1896-Cachan, 1980). Romancier et essayiste, il a écrit des romans réalistes
qui refusent tout effort d'écriture littéraire pour coller le plus possible à la vérité
quotidienne. C'est le premier à avoir lancé la grande querelle “classique” sur
Corneille, véritable auteur, selon lui, des grandes pièces de Molière.
4
Eugène Dabit (Paris, 1898- Sébastopol, en Crimée, 1936). Auteurs de beaux romans
prolétariens, Hôtel du Nord (1930), Petit-Louis (1931), etc.