de professionnel à gestionnaire : pour un passage

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de professionnel à gestionnaire : pour un passage
De professionnel
à gestionnaire :
pour un passage
réussi
Pour un professionnel, le passage vers un poste de gestion n’est pas juste
une progression naturelle au sein de la profession… c’est une autre profession.
—par André Camiré, CRIA, associé principal, Camiré et Associés inc.
D
e fait, la redéfinition de l’identité
professionnelle est un impératif
et le développement d’une « nouvelle identité » de gestionnaire est requis
pour que tous les savoirs se traduisent par
des comportements de gestion appropriés.
Pour ce faire, l’aptitude à l’apprentissage
est la clé du succès. Ajoutons que cette
transition pose quelques défis à la fonction
ressources humaines.
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L’identité professionnelle
Le passage vers un poste de gestion est
d’abord une « transition identitaire ». La
redéfinition de l’identité professionnelle
(et les deuils qui en découlent) est un
préalable à l’acquisition des compétences
de gestion.
L’identité professionnelle est cette image
que l’on a de soi-même et qui s’appuie
sur un certain nombre de croyances, de
principes, de valeurs et d’expériences.
L’exemple le plus fréquent est le cas d’une
personne dont l’expertise professionnelle
a toujours été à la base de ses réalisations
et de ses succès, bref de son identité professionnelle. À titre de gestionnaire, cette
personne devra faire le deuil de son expertise
et accepter de ne plus être l’experte de son
groupe pour être en mesure de jouer adéquatement son rôle de gestion auprès des
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membres de l’équipe et des autres composantes de l’entreprise.
Le nouveau gestionnaire sait intellectuellement tout ce qu’il est opportun de
faire lors d’une intégration. Les dix facteurs
de réussite d’une intégration dans un poste
de gestion (voir tableau ci-contre) expriment ce savoir avec lequel la majorité des
nouveaux gestionnaires sont en accord. La
réalité est toutefois qu’ils ne mettront pas
en pratique ce qu’ils savent. Soumis à la
pression de son entourage, chacun tente de
répondre aux attentes sans avoir le recul
pour visualiser le comportement approprié.
Une personne peut très bien réussir toute
seule à faire évoluer sa nouvelle identité en
fonction de son nouveau rôle ; mais pour la
majorité des nouveaux gestionnaires, c’est
une habileté qui se développe plus efficacement et plus rapidement par l’entremise
des relations qu’ils établissent avec des
personnes significatives de leur entourage.
Outre le patron dont le rôle est évidemment
primordial, on peut penser à des mentors,
à des collègues ou à des coachs internes ou
externes. L’important, c’est que ces personnes prennent le temps de reconnaître
l’identité du nouveau gestionnaire pour que
le développement proposé s’intègre avec ce
qu’elle a été.
Voici les principaux énoncés qui alimentent des conversations susceptibles de
faciliter une redéfinition de l’identité professionnelle. Pour un professionnel, accéder à
un poste de gestion :
• c’est accepter que son succès soit
évalué en fonction de sa qualité
relationnelle plutôt qu’en fonction de
son expertise professionnelle et reconnaître que sa contribution n’est plus de
produire lui-même des résultats, mais
de faire en sorte que les personnes de
son équipe produisent elles-mêmes des
résultats ; il s’agit de responsabiliser
plutôt que d’être responsable ;
• c’est accepter de considérer que le
groupe à gérer fait partie d’un ensemble
et que sa responsabilité est de gérer ces
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relations avec les autres constituantes
de façon harmonieuse ; il faut développer son sens politique ;
• c’est accepter de reconsidérer sa propre
relation à l’autorité tout en gardant à
l’esprit que la gestion n’est pas a priori
un exercice d’autorité, c’est un exercice
d’influence et de négociation de relations d’interdépendance ;
• c’est accepter de ne pas avoir réponse
à tout ; il ne faut pas hésiter à
demander du soutien ; penser qu’on
peut apprendre seul est un mythe qui
explique le taux élevé d’échecs ;
• c’est accepter que les autres ne fonctionnent pas tous comme lui et que
son style de gestion ne peut arriver
à mobiliser tous ses employés ; la
polyvalence exige qu’il apprenne une
gamme de rôles susceptibles d’être
opportuns en fonction des personnes
et des situations ; ces changements
de rôles nécessitent l’acquisition de
nouvelles conduites relationnelles dont
Les 10 facteurs de réussite d’une
intégration dans un poste de gestion
1
La relation de partenariat établie avec son supérieur. Être proactif et se donner
l’opportunité de comprendre la vision du plan d’affaires, le style de gestion et les
attentes de son patron.
2
L’intérêt réel à développer les compétences des membres de son équipe. Organiser
des rencontres individuelles avec chacun de ses collaborateurs pour mieux les connaître
et comprendre leurs attentes et leurs besoins.
3
La relation de confiance établie avec chacun de ses partenaires. Aller à la rencontre
des gens, être intéressé plutôt que d’essayer d’être intéressant.
4
La description réaliste de son rôle et de ses responsabilités. Rédiger soi-même sa
description de fonction. Les supérieurs tiennent pour acquis que le gestionnaire fait
ce à quoi ils s’attendent même s’ils ne l’ont jamais clairement défini.
5
Le suivi de ses activités auprès de son supérieur. Informer son patron de l’avancement
des projets, de ses réalisations et des problèmes qui se produisent. Ce n’est pas la
responsabilité du patron de s’enquérir de ce que le gestionnaire fait.
6
Le dynamisme et l’enthousiasme dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. Gérer son
niveau d’énergie et demander à ses partenaires et clients un soutien pour concentrer ses
efforts sur les priorités.
7
L’ouverture à l’égard de ses partenaires. Être à l’écoute des autres, poser des questions
et valider sa compréhension.
8
Le respect des éléments clés de la culture organisationnelle. Découvrir les valeurs véhiculées par l’organisation, les patterns de comportements lors d’interactions, le processus
décisionnel, le mode de résolution de conflit et la stratégie de gestion du changement.
9
L’obtention de résultats tangibles qui démontrent son potentiel. Viser des objectifs
à court terme qui font appel à ses compétences et à ses talents.
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La reconnaissance des relations de pouvoir et des intérêts individuels. Aider les gens
à réaliser leurs ambitions professionnelles est le moyen le plus sûr de bâtir une coalition
de personnes qui pourront apporter un soutien au moment opportun.
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certaines viendront confronter les
fondements de l’identité personnelle.
L’aptitude à l’apprentissage
L’aptitude à l’apprentissage est l’habileté
qui est à la source des trois facteurs de
succès d’un nouveau gestionnaire :
• l’humilité d’accepter de ne pas
tout savoir ;
• l’ouverture à l’autre et la découverte
de sa vision du monde ;
• la gestion des relations avec les autres
plutôt que la gestion des autres.
Cette aptitude à l’apprentissage s’exprime par une curiosité et une ouverture à la
perspective de l’autre, sans jugement, pour
en arriver à réfléchir collectivement et ultimement à apprendre. Dans la majorité des
situations où un gestionnaire est nommé
dans de nouvelles fonctions, il ne doit pas
seulement changer, il doit évoluer.
Pour évoluer, une personne doit être
capable de reconnaître les principes de
gestion, les croyances et les valeurs sur
lesquels reposent ses succès passés. Elle
doit également être en mesure de valider
la pertinence de ses a priori en regard de la
nouvelle situation.
Certains gestionnaires pensent à tort que
tout ce qui ne leur vient pas naturellement
n’est pas authentique et est de l’ordre de
l’artifice ; c’est comme si la gestion n’était
qu’une projection de leur vision. Or, la
gestion exige d’eux une perspective plus
complexe et inclusive du mode de fonctionnement de ceux qu’ils aspirent à influencer,
sans quoi ils ne s’associeront qu’avec des
personnes qui partagent la même perspective qu’eux et n’apprendront rien.
Sans apprentissage, le gestionnaire ne
fait que reproduire des jugements et des
solutions du passé plutôt que de démontrer
une adaptabilité au présent. Or, les questions sont plus efficaces que les solutions
pour galvaniser les conversations, l’engagement et l’action.
Il est incontestable qu’un gestionnaire
nouvellement nommé est normalement
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L’aptitude à l’apprentissage est
l’habileté qui est à la source des
trois facteurs de succès d’un
nouveau gestionnaire…
hors de sa zone de confort. Chaque personne dans cet état cherche naturellement
à retrouver sa zone de confort en posant des
actions qui lui ont permis dans le passé de
retrouver son équilibre. En agissant ainsi, la
réaction du gestionnaire est souvent perçue
par son entourage comme une fermeture
face à son nouvel environnement.
Le nouveau gestionnaire devrait plutôt
rester hors de sa zone de confort le temps
nécessaire pour découvrir et comprendre la
culture et l’historique de l’organisation, les
enjeux du poste, ses employés, ses collègues,
son patron, les clients, les parties prenantes,
et reconnaître ainsi que l’entreprise n’a pas
démarré ses activités le jour de son arrivée !
Trois défis pour la fonction
ressources humaines
La transition dans un poste de gestion est
un moment privilégié tant pour l’individu
que pour l’organisation.
Pour l’individu, c’est une décision qui
exprime une volonté d’évoluer, de se réaliser, de se développer et surtout de contribuer de façon encore plus significative au
projet de l’entreprise. Pour l’organisation,
c’est une occasion de bénéficier encore plus
d’un talent potentiel afin d’atteindre les
objectifs visés, d’encourager la promotion
interne, de développer des gestionnaires aux
valeurs et à la culture de l’entreprise et de
concrétiser le processus de développement
de la relève.
Les cent premiers jours ont un impact
considérable sur l’espérance de vie du
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gestionnaire dans son poste. Les erreurs
de parcours qui cassent la lancée et qui
nourrissent une rumeur naissante ou qui
cristallisent une impression sont souvent
fatales pour le gestionnaire.
Les professionnels de la gestion des
ressources humaines qui sont intéressés
aux nouvelles tendances en développement organisationnel font face à trois défis
importants.
Le premier défi est celui de l’identification et de la sélection des gestionnaires
potentiels. Comment s’assurer que les candidats sont réellement désireux d’apprendre
cette nouvelle profession de gestionnaire et
de remettre en question certaines de leurs
croyances qui ont été à la base de leurs
succès passés ?
Le deuxième défi est celui de la formation des nouveaux gestionnaires. Comment
faire en sorte que le processus de formation
reconnaisse la spécificité de chacun, offre
un accompagnement selon le principe du
juste-à-temps tout en s’assurant que le
processus est efficient quant aux coûts ?
Les petits groupes de codéveloppement
peuvent-ils être une avenue à considérer ?
Enfin, le troisième défi est celui du soutien apporté par le supérieur immédiat
dans la phase d’intégration du nouveau
gestionnaire. Comment inciter le supérieur
immédiat à s’engager à l’égard de son
gestionnaire plutôt qu’à considérer cette
phase comme une période de probation,
sachant toute la force de l’engagement dans
la pérennité d’une relation ?
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