la peine de mort au pakistan

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la peine de mort au pakistan
LA PEINE DE MORT AU PAKISTAN
[ Contexte historique ]
En 1947, lors de l'indépendance, seuls l'homicide et la haute trahison étaient passibles de la
peine capitale.
Une évolution importante est apparue entre 1977 et 1988 sous le régime du Général Ziaul
Haq, et le début de l'islamisation du pays. Le pic des exécutions par année a été atteint en
1978, avec 207 exécutions. Au contraire, aucune exécution n'a eu lieu en 1989.
Au cours de la dernière année du règne de Benazir Bhutto (1996), seules 9 exécutions ont été
dénombrées. Son père avait été condamné à mort et exécuté à la suite d'un procès inéquitable
sous le régime du Général Ziaul Haq.
[ Chefs d'accusation passibles de la peine capitale ]
La République islamique du Pakistan présente un système de droit mixé avec des préceptes
islamiques qui prévoient la peine de mort obligatoire pour adultère, blasphème, et pour
meurtre si il est prouvé par le témoignage de témoins oculaires ou par la confession de
l'accusé, à la discrétion de la Cour dans les autres cas ; enfin pour meurtre apparenté à
“répandre le mal sur la terre.”
Par ailleurs, la peine capitale peut être imposée sous d'autres prescriptions du Code pénal pour
une série de crimes contre l'État ainsi que pour le viol en réunion et le vol suivi de meurtre par
cinq personnes ou plus.
Au total, la loi pakistanaise prévoit la peine de mort pour 27 chefs d'accusation, parmi
lesquels des crimes allant au delà de la notion de “crimes les plus graves” tels que cités par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques: divulgation d’un code secret, mot de
passe ou mot d’ordre, crimes liés à la drogue, élaboration d’un faux témoignage dans le but
d’obtenir la condamnation à mort d’un tiers, dépouillement d'une femme de ses vêtements, ou
zina (rapport sexuel illicite).
[ Statut de la peine de mort au regard du droit international ]
Le Pakistan a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la
Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants en avril 2008, mais ne les a pas ratifié.
En décembre 2007, le Pakistan a voté contre la résolution de l'Assemblée générale des
Nations Unies en faveur d'un moratoire sur la peine de mort, et s'est associé à la déclaration de
dissociation initiée par Singapour.
[ Méthodes d'exécution ]
Les exécutions sont effectuées par pendaison, ou par lapidation, uniquement en cas d'adultère.
[ Chiffres ]
446 personnes ont été condamnées à mort en 2006, et 82 ont été exécutées ; parmi elles, une
personne mineure au moment des faits.
Environ 310 personnes auraient été condamnées à mort en 2007, dans la plupart des cas pour
meurtre. Au moins 135 personnes ont été exécutées, dont une personne mineure au moment
des faits.
[ Évolutions récentes ]
L’Ordonnance relative à la justice pour mineurs, abolissant la peine de mort pour les
personnes âgées de moins de 18 ans dans la plus grande partie du pays, est entrée en vigueur
le 1er juillet 2000.
Le 6 décembre 2004, la Haute cour de Lahore (province du Punjab) a décidé de révoquer cette
ordonnance. Le gouvernement fédéral, ainsi qu'une ONG œuvrant en faveur des droits de
l'enfant, ont fait appel devant la Cour suprême contre le jugement de la Haute cour de Lahore
en 2005, mais le verdict est toujours attendu.
Les cinq dernières années ont vu une augmentation des condamnations à mort, s'expliquant en
grande partie par un arrêt rendu par la Cour suprême en 2003, qui a jugé que, dans les cas de
meurtre, “il conviendra de prononcer la condamnation à mort comme sentence normale et de
ne faire preuve d’indulgence en aucun cas, à l’exception de ceux où il sera possible de
recueillir de solides circonstances atténuantes justifiant l’application d’une moindre
sanction.”
Depuis novembre 2006, le Pakistan a amendé sa loi sur le meurtre et l'adultère, qui ne sont
plus punissables de la peine de mort, mais de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de
129 euros.
Le 21 juin 2008, le Premier Ministre a annoncé que son gouvernement allait soumettre une
proposition à l'approbation du Président, visant à commuer toutes les condamnations à mort
actuelles en hommage à Benazir Bhutto, la leader du Parti du peuple du Pakistan, qui a été
assassinée lors d'un rassemblement électoral en décembre 2007.
Le 4 juillet 2008, le Ministre du Droit pakistanais s'est opposé à l'idée d'approuver la
commutation des 7000 condamnations à mort en peines de détention à vie, cette décision
revenant, selon lui, à violer la loi islamique.
Dans l'opinion du Ministre, le président n'a pas le droit de commuer une condamnation à mort
infligée sous les lois de Hadood et de Qisas1. La Cour fédérale de Shari'a a jugé que, selon la
loi islamique, les héritiers légaux de la victime d'un meurtre sont les seules personnes
autorisées à accorder leur pardon au coupable. La Cour fédérale de Shari'a et la Cour suprême
ont ainsi limité les possibilités de grâce présidentielle, en dépit de la prescription
constitutionnelle qui lui accorde ce droit. Cependant, le président conserve toujours le droit de
grâce lorsque les circonstances politiques l'exigent. Par exemple, Mirza Tahir Hussain, un
britannique condamné à la peine de mort, s'est vu gracié en novembre 2006 par le président
Musharraf suite à une très forte pression internationale, et contre la volonté de la famille de la
victime.
1
L'ordonnance de Qisas et Diyat (1990) accorde le droit de payer “le prix du sang” aux proches de la
victime à la place de l'exécution: sous la loi islamique, la punition peut soit prendre la forme de la qisas (punition
égale ou similaire au crime commis), soit celle de la diyya (compensation payable aux héritiers légaux de la
victime).
[ Spécificités du pays ]
Le Pakistan est l'un des pays qui, dans le monde, émet le plus de condamnations à mort. Fin
2006, plus de 7400 personnes étaient dans le couloir de la mort (6985 dans la seule province
du Punjab). Beaucoup de ces condamnations semblent avoir été imposées à la suite de procès
inéquitables:
•
Dans les affaires criminelles, une tradition fortement ancrée consiste à accorder plus
d'importance au témoignage oral qu’aux preuves matérielles, ce qui accroit fortement
le risque de pressions sur les témoins. Il est très difficile de faire comparaître des
témoins indépendants, par peur des représailles à l'encontre de leurs familles, ou par
peur d'avoir à faire avec les autorités et la police. La coercition ou la corruption des
témoins peuvent venir de la police, de puissantes familles locales, des proches du
coupable, ou même de la famille de la victime.
•
La police pakistanaise est toujours caractérisée par une culture de violence,
d'intimidation et de coercition ; la torture est utilisée régulièrement pour arracher des
informations ou des aveux de la part des suspects, et les détentions illégales sont
légion.
• L'ordonnance de Qisas et Diyya1, adoptée en 1990, a pour conséquence une
privatisation de la justice, puisque l'État renonce avec elle à l'une de ses principales
responsabilités: l'exercice de la justice. La vie d'un individu repose non plus sur des
normes de justice, mais sur le pouvoir de persuasion de ses proches: si le meurtrier est
pardonné par les héritiers de la victime, il est acquitté et libéré immédiatement. L'État
conserve toutefois la possibilité de punir le coupable. Cette pratique est
discriminatoire, puisque les riches et les puissants auront les moyens d'obtenir le
pardon de la famille de la victime, et donc d'obtenir leur libération, tandis que les
pauvres et les faibles sont souvent exécutés.
Cet état de fait se répercute sur toutes les cours de justice: Amnesty International a
appris que la peine capitale pour meurtre est fréquemment imposée sur la base de
preuves insuffisantes. Il est attendu que la peine ne soit pas effectuée, puisque les
familles sont susceptibles de parvenir à un compromis, de pardonner le coupable, et
donc de le relâcher. Parfois, les négociations sur les compensations se poursuivent
alors même que le condamné est sur le point d'être pendu.
•
La Loi relative à la lutte anti-terroriste a été adopté en 1997 dans le but de “prévenir
les actes terroristes et de violence sectaire, et d’assurer le procès rapide de crimes
odieux et toute affaire y afférant ou en découlant”. Elle prévaut sur toutes les autres
dispositions légales, et s'applique au pays tout entier. Cette loi, qui fait peser la charge
de la preuve sur l’accusé, résulte en une présomption de culpabilité.
[ Sources :
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•
“Slow march to the gallows: Death penalty in Pakistan” (2007) http://www.fidh.org/spip.php?article4096
“Amnesty International Annual Report” 2008 http://thereport.amnesty.org/eng/Homepage ]