Le parrainage civil : une pratique française revisitée

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Le parrainage civil : une pratique française revisitée
RACHEL
GUIDONI
Le parrainage civil : une pratique française revisitée
Parmi les démarches administratives auxquelles satisfont les
mairies françaises, plus particulièrement leur bureau d’état civil,
figure pour certaines la célébration 1 du baptême civil. Très peu
connue, elle offre à ceux qui le désirent la possibilité d’organiser,
dans un cadre institutionnel, une cérémonie non religieuse pour
un enfant, plus rarement un adulte. Cette pratique 2 n’étant pas
répertoriée dans le Code civil, le maire n’est pas dans l’obligation d’effectuer une telle cérémonie et le cas échéant, il est
en droit d’y formuler d’éventuelles conditions. Selon les bases
historiques avancées par les municipalités qui le pratiquent, le
parrainage civil serait apparu à l’époque de la Convention
(1792-1795), sur l’initiative de Robespierre. Mes recherches ont
cependant invalidé cette affirmation et montré que cette tradition n’était pas fondée historiquement. Par conséquent, l’origine
de ce type de baptême célébré en mairie peut être considérée
comme un mythe. Le thème de cet article s’articule autour de
deux axes : d’une part, décrire le discours et les pratiques liés au
parrainage civil, d’autre part, envisager cette tradition comme
relevant d’un mythe contemporain dans la mesure où elle s’enracine dans un récit et un héros fondateurs dont la véracité et la
geste ne sont jamais contestées.
Cette coutume est connue à travers plusieurs expressions
interchangeables, formées à partir de quatre termes, à savoir
« baptême » et « parrainage », associés aux deux adjectifs
« républicain » et « civil ». Le baptême est l’un des sept sacrements de l’Église catholique, mais peut également, par extension, désigner une cérémonie plus générale qui comprend une
bénédiction et le don d’un nom (à une cloche ou un bateau,
par exemple). Le terme de parrainage n’est pas aussi connoté
religieusement puisqu’il consiste en la caution morale d’une
Ateliers, 27 (2004) : 9-38.
1. Ce terme est pris dans son sens
d’« action d’accomplir avec solennité ». Il est interchangeable avec
le terme de cérémonie, compris
comme « l’ensemble des formalités observées dans certaines occasions importantes de la vie
sociale ».
2. On peut parler de « pratique »
par opposition à l’acte officiel.
Cette célébration n’entre pas, en
effet, dans la catégorie des démarches officielles et obligatoires.
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personne, c’est-à-dire au devoir d’assistance auquel cette dernière s’engage envers un tiers. Les acceptions des adjectifs
« républicain » et « civil » sont en revanche plus proches l’une
de l’autre : le premier exprime un rapport à la République tandis que le second peut se comprendre, soit comme un terme
relatif à l’État et aux citoyens, soit comme un état qui n’est ni
militaire ni religieux. Toutefois, dictionnaires et encyclopédies
ne semblent pas connaître cette tradition pratiquée dans les
mairies puisque l’expression n’est jamais nommée, ni même
mentionnée. De prime abord, la démarche consiste à choisir des
parrains pour une personne, le plus souvent un enfant, lors
d’une cérémonie solennelle dépourvue de toute composante
religieuse. La formule la plus apte à rendre cette notion serait
par conséquent celle de « parrainage civil ». Cependant, du
fait de l’absence d’un texte qui systématiserait cette appellation,
j’utiliserai indifféremment les quatre expressions : « baptême
républicain », « baptême civil », « parrainage républicain » ou
« parrainage civil ». Notons toutefois qu’à l’écrit, c’est la dernière d’entre elles qui tend à se généraliser, du moins si l’on en
croit les certificats délivrés en mairie le jour de la cérémonie 3,
ainsi que les coupures de presse. À l’oral, les personnes parlent
plus volontiers de « baptême civil ».
Un phénomène méconnu
3. C’est la raison pour laquelle j’ai
choisi cette formule pour le titre
de mon article.
Au début de cette enquête, j’avais envisagé de concentrer
cette recherche sur les parents qui sollicitent ce type de baptême. Il semblait intéressant de relever leurs discours relatifs à
cette pratique, notamment comment ils en avaient eu connaissance et quelle signification ils lui conféraient, en tenant compte
de certains éléments tels leur profil socioprofessionnel, leurs opinions politiques et/ou religieuses, le choix des parrains. La
question de la motivation me semblait en effet essentielle : pourquoi et comment des citoyens français avaient-ils eu l’idée de
baptiser un enfant à la mairie, surtout lorsqu’ils avaient été
informés que cet acte n’était pas entériné par la loi ? Malheureusement, le manque de temps et la découverte de l’absence de
tout fondement historique à cette pratique m’ont amenée à
renoncer à cette orientation. Il est en effet remarquable que cette
pratique française, organisée autour d’une structure officielle et
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légitime — la mairie et ses élus — puisse exister sans véritable
fondement juridique et que personne n’ait pensé, jusqu’à ce
jour, à vérifier ses origines. Deux raisons peuvent éventuellement expliquer pourquoi ce caractère fictif n’a jamais été
décelé : le parrainage civil se revendique comme héritier de la
Révolution française, précédent suffisamment prestigieux pour
ne pas être discuté ; par ailleurs, il s’agit d’une démarche purement formelle qui n’oblige, ni à une protection de l’État, ni à
l’instruction civique, et ne comporte aucun effet juridique : ses
enjeux sont donc limités à un cadre purement symbolique.
Les sources écrites sont pour le moins concises : aucune référence dans les livres d’histoire ou les textes de droit et quelques
rares allusions — souvent en des termes obscurs — dans les
écrits de la Convention (cf. le journal révolutionnaire Le
Moniteur). Quant à la littérature ethnographique, elle contient de
brèves références dans des ouvrages relatifs à la parenté (plus
particulièrement la parenté spirituelle) ou dans des études traitant du folklore français. Le baptême pratiqué en mairie n’a,
semble-t-il, jamais fait l’objet d’un travail spécifique, lequel permettrait pourtant de mieux le comprendre en dégageant les
nombreux concepts afférents à cette tradition.
Les sources peuvent se diviser en deux catégories : la première traite du baptême civil comme d’une coutume française
parmi d’autres, la seconde se réfère à des enquêtes spécifiques
concluant au caractère légal ou non de la pratique. Associé au
premier groupe, A. Van Gennep explique que le baptême, dont
l’objectif principal consiste à faire passer le « non-chrétien »
dans le monde chrétien, « correspond exactement au schéma
type des rites d’initiation tels qu’on les trouve dans le monde
entier » (1972 : 126). Il cite brièvement le baptême civil en
expliquant qu’il fut élaboré par des anticléricaux dans certaines
villes, entre 1789 et 1793, dans le but de « tenir compte des
mœurs et coutumes » et, de façon anecdotique, relie cette pratique à celle des baptêmes célébrés lors de l’inauguration de
monuments ou de navires 4. Plus proche de nous, F. Zonabend
mentionne le parrainage civil dans un article relatif au baptême
et aux relations qu’il institue et normalise. Elle explique que
« l’attachement de nos sociétés à cette institution » (le baptême)
est tel qu’il fut adapté et transformé à la Révolution en « parrainage républicain » (1990 : 215). En revanche, elle n’y fait pas
référence dans une étude antérieure (1980) menée dans un
4. VAN GENNEP, 1972 : 145.
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5. Dès le début de cette étude, en
1998, j’ai contacté toutes les mairies de Paris ainsi que quelques
communes où la pratique du baptême civil était attestée. Certains
élus ont accepté de me recevoir et
je les remercie de l’accueil qu’ils
m’ont réservé : Dominique Baillaud, directeur adjoint du cabinet
du maire du XIXe arrondissement; Michel Champredon, directeur du cabinet du maire du XXe
arrondissement ; Cyril Egner, chef
de cabinet du maire du Xe arrondissement ; Yves Robert, secrétaire
général de la mairie du XIe arrondissement ; André Tabarly, premier adjoint au maire de la mairie
du IIIe arrondissement de Paris.
6. Élargir cette enquête à toute la
France présenterait un grand intérêt. Citons d’ores et déjà les
régions du Nord et de l’Est, où le
parrainage civil semble relativement populaire.
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village de Bourgogne, les habitants ne connaissant sans doute
pas cette cérémonie particulière. On peut encore mentionner le
livre dirigé par A. Akoun (1985), lequel contient la photo d’un
baptême civil célébré en 1909, ainsi que différents articles trouvés dans la presse qui se font simplement les rapporteurs d’un
événement dont ils ne discutent pas la légitimité.
Pour ce qui est de la seconde catégorie, il faut citer en premier lieu l’article de R. Lamouche (1994), très partisan, paru
dans une revue de Seine-et-Marne. L’auteur présente cette pratique en des termes très généraux, puis dévoile son opinion en
militant en faveur de la généralisation du parrainage civil. Selon
cet adepte du baptême républicain, ceux qui refusent de le célébrer sont responsables d’une « injustice criarde à l’égard des
jeunes enfants qui se trouvent privés du bénéfice moral et souvent matériel » (1994 : 24) de leurs parrains. Malheureusement,
les données qu’il présente pour justifier cette cérémonie laïque
se révèlent, pour certaines, erronées. Dans un article paru en
1995 dans un ouvrage collectif sur la parenté spirituelle, A. Fine
mentionne l’équivalent laïque du baptême dans un court paragraphe (p. 55). En somme, les références à cette tradition, rares
et brèves, rendent néanmoins bien compte de la connaissance
générale liée à ce thème.
Du fait de son caractère non officiel, le parrainage civil n’est
enregistré que dans la mairie qui le pratique, il n’est ni pris en
compte par les statistiques nationales (Insee), ni comptabilisé au
niveau de la préfecture dont dépendent les municipalités
concernées. Par conséquent, il est impossible, à moins de mener
une enquête dans chaque commune, de noter son évolution et
de donner une estimation quant à son caractère marginal ou
non sur l’ensemble de la France. J’ai limité mon enquête à
quelques régions de l’Est, notamment l’Alsace, ainsi qu’à la ville
de Paris 5. Le choix de l’Alsace repose sur la déclaration, réitérée
dans maintes sources, selon laquelle cette pratique serait née à
Strasbourg, d’où l’intérêt d’observer ce qu’il en reste aujourd’hui dans la région. Quant à la capitale, elle constitue un point
de comparaison pertinent dans la mesure où c’est là, toujours
d’après les mêmes sources, qu’elle aurait été institutionnalisée 6.
Un premier volet rendra compte de la tradition du parrainage civil telle que la présentent les mairies qui l’organisent ;
le second analysera ces matériaux à la lumière des phénomènes
relevant du mythe, car il est apparu que c’était là une compo-
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sante à la fois importante et intéressante de cette coutume. En
effet, cette notion permet de mettre en exergue la manière dont
son ancienneté et sa supposée base légale cautionnent la pertinence de sa pratique encore aujourd’hui 7.
Un discours diffusé par les mairies
Malgré la rareté des références écrites, il existe un discours,
« municipal » pourrait-on dire, quasi unanime sur les origines et
le bien-fondé du parrainage civil, véhiculé aussi bien par ceux
qui le proposent que par ceux qui en font la demande. Tous
s’accordent à mentionner une loi votée en 1794, sous le régime
de la Convention nationale et tous relèvent le rôle essentiel de
Robespierre dans l’émergence de cette cérémonie laïque. En
quoi ce contexte pouvait-il s’avérer propice à l’émergence d’une
telle coutume ? Alors que je cherchais les décrets et les lois où il
aurait été fait mention de baptême ou de parrainage, ainsi que
les objectifs premiers qui auraient présidé à la création de cette
célébration, j’ai découvert qu’il n’existait pas de loi, ni même de
décret, encore moins une quelconque référence à un éventuel
baptême républicain. Autrement dit, le parrainage civil n’était
pas né sous la Convention, ni même avant ou après, et Robespierre n’avait sans doute jamais fait référence à un tel projet !
Même s’il est désormais avéré que le parrainage civil n’a pas
de fondement institutionnel, il demeure intéressant de
reprendre les informations diffusées par les mairies auprès des
personnes qui en font la demande. Or, c’est précisément ce discours, qui se transmet de la mairie aux parents, puis des parents
à la famille et aux amis, que je qualifie de mythe. Il possède en
effet plusieurs des caractéristiques qui définissent le mythe : il
constitue un récit sur les origines de l’action rituelle, ou, comme
le dit Turner, « il renvoie à la façon dont les choses en sont
venues à être ce qu’elles sont » (1972 : 577), de plus, il implique
un cérémoniel précis, un habit particulier (limité dans notre cas
à l’écharpe tricolore de l’officiant) et il est « réel » dans la
mesure où il renvoie à une chose vécue et non pas au domaine
de la création mentale 8. A priori, étant donné le contexte spécifique dans lequel le baptême civil est prétendument né, à savoir
la Révolution française et le sentiment anticlérical largement
répandu dans la population de l’époque, il est probable qu’il n’a
7. Cf. BARTHES, 1957 et TURNER,
1972.
8. Cf. TURNER, 1972 : 578.
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pas d’équivalent dans d’autres pays. La majorité des informations, qui émanent de documents recueillis auprès des mairies,
constitue le point de départ à un discours qui est ensuite repris
dans maintes discussions autour du parrainage civil.
9. LAMOUCHE, 1994 : 26.
Le sacrement catholique du baptême est le rite par lequel une
personne entre dans la communauté des enfants de Dieu. Pour
symboliser ce changement de statut, le baptisé reçoit une simple
ablution sur le front ou est, parfois, plus ou moins immergé dans
l’eau. À cette occasion, un nom lui est conféré solennellement et
définitivement. Le parrainage civil, en revanche, est une cérémonie pratiquée à la mairie qui introduit l’enfant dans la communauté laïque en tant que « filleul(e) de la République ». La
différence entre les deux traditions est évidente. Le rite catholique implique un changement de statut : le baptisé, devenu un
membre à part entière de la communauté des catholiques, est
dorénavant tenu à un certain nombre de droits et de devoirs,
alors que la cérémonie en mairie n’induit aucun changement
particulier de statut et ne procure aucun privilège, même à un
niveau purement symbolique.
Selon la formule stéréotypée, « D’après les archives du Ministère de la Justice », figurant dans les documents des mairies, la
célébration des premiers parrainages civils remonterait à la fête
de la Fédération célébrée à Strasbourg le 13 juillet 1790. La
pratique y est restée relativement populaire. Seule une source 9
réfute cette date et propose celle du 16 juin 1790, expliquant
qu’il s’agissait alors d’un baptême civique et non civil, où deux
enfants, l’un catholique et l’autre protestant, furent baptisés
ensemble, en public, « devant l’autel de la Nation ». Cependant,
toutes les archives du ministère de la Justice que j’ai consultées
sont restées muettes sur ce sujet. En réalité, il n’a pas été possible d’en extraire la moindre citation qui appuierait la thèse
défendue par les partisans modernes du baptême républicain.
Selon les mêmes documents des mairies, cette cérémonie, constamment associée à la ville de Strasbourg, ne parvint à Paris
que quatre ans plus tard, en 1794. C’est là qu’elle aurait été
institutionnalisée.
Les premiers changements en matière d’état civil apparaissent en 1792, lorsque, par la loi du 20 septembre, les représentants de la Convention retirent à l’Église la tenue des registres
d’état civil pour les confier à l’État. Dorénavant, les registres
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LE PARRAINAGE CIVIL
sont communaux et doivent être remplis par un officier d’état
civil, le maire ou l’un de ses adjoints. C’est dans ce contexte de
laïcisation et de transfert de l’autorité de l’Église vers l’État que
se développe l’idée d’un pendant civil aux principales célébrations religieuses : mariage, funérailles, baptême. Des discussions
sont ainsi engagées à l’Assemblée nationale, dès le 19 juin 1792,
à propos des « Actes déclaratoires des naissances, mariages et
décès ». Le journal révolutionnaire Le Moniteur relate par
exemple, en date du 21 juin 1792, le discours à l’Assemblée
nationale du député Pastoret sur « la manière de constater civilement les naissances, mariages, et décès » 10. À propos des naissances, il propose que l’enfant « soit porté sur l’autel de la patrie
et présenté aux magistrats du peuple » et que :
Les magistrats lui annoncent que la nation, sa seconde mère, ne veut pas même qu’il
soit esclave de l’erreur, qu’elle s’engage à lui procurer une instruction digne d’un citoyen
libre; qu’à son tour le père, le parent ou le citoyen qui le remplace dans cette
cérémonie touchante, promette, au nom de l’enfant, fidélité à la nation, soumission à la loi et respect aux autorités constituées, et que cette espèce d’inauguration
civique soit terminée par le cri de vivre libre ou mourir; que désormais enfin
l’acte de naissance d’un Français ne se borne pas à énoncer que l’enfant est
le fils de tel ou tel citoyen, mais qu’il continue l’engagement sinallagmatique
[?] qui lie le citoyen à la patrie et la patrie au citoyen.
Ce passage est particulièrement important car il ne mentionne jamais les termes de baptême ou de parrainage, mais
préfère parler d’« inauguration ». De plus, non seulement il met
en exergue un idéal d’homme au service de sa patrie, mais
propose également l’institution d’un nouveau type de filiation :
il y est question d’un « fils » instruit par la nation, « sa seconde
mère ». La relation symbolique idéalisée est ainsi celle d’une
mère garantissant à son fils liberté et instruction, en échange de
quoi ce dernier lui promet fidélité. Il est question d’engagement
moral et non de protection éventuelle. La discussion continue
les jours suivants puisque le même journal, le 27 juin 1792 11,
reprend les propos de M. Goyer qui fait la proposition suivante :
Je demande qu’il soit élevé dans chaque commune un autel à la patrie, sur
lequel seront inscrites la déclaration des droits et cette épigraphe : « Le
citoyen naît et meurt à la patrie » (on applaudit). Je demande que tout nouveau-né soit présenté devant cet autel à l’officier public et que là soit reçu
l’acte déclaratoire de sa naissance.
10. Vol. XII : 706-709.
11. Le Moniteur, vol. XII : 764.
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12. La retranscription des discussions à l’Assemblée ne laisse pourtant pas de place à l’ambiguïté
puisque le texte continue de la
façon suivante : « L’Assemblée décrète, comme principe d’une loi
dont elle charge son comité d’instruction publique de lui présenter
les développements, qu’il y aura
dans chaque commune un autel à
la patrie » (ibid.). Il est bien question d’un projet de décret, mais en
aucun cas de sa déclaration.
13. Ce discours, prononcé le jour
de la Fête de l’Être suprême, est
repris dans le dossier du Journal des
maires.
RACHEL GUIDONI
Cette idée est toutefois abandonnée car les membres de
l’Assemblée la jugent « impossible ». L’expression de la dévotion
du citoyen français à son pays est néanmoins totale et nous
sommes très loin du modèle de baptême en tant que rite conférant un sacrement. Le baptisé n’est plus mis sous la protection
d’une entité supérieure, en l’occurrence Dieu, au contraire, c’est
lui qui doit protéger et devenir le défenseur de cette nouvelle
structure, qui plus est laïque, qu’est la patrie. Notons cependant
que ces propos ont été détournés de leur sens originel dans
l’article de R. Lamouche qui les présente comme les termes
d’un décret. Il s’agit sans doute d’une erreur d’interprétation ou
d’un abus, lequel aurait pu servir, dans ce cas, à alimenter sa
thèse d’une origine officielle du baptême civil 12. Toujours est-il
qu’au lendemain de la Révolution française, dans cette période
de profonds bouleversements de la société, l’idée qui prévaut est
la création d’un cadre institutionnel et laïque qui prendrait en
charge ce qui relevait précédemment du domaine de l’Église
catholique romaine. L’histoire retiendra toutefois que seuls les
mariages et les décès seront consignés dans les registres d’état
civil.
Toujours selon les textes disponibles dans les mairies, l’Assemblée nationale présidée par Robespierre parvint, forte de son
pouvoir, à satisfaire son désir de laïcité en adoptant la loi révolutionnaire du 20 prairial de l’an II (8 juin 1794) qui instituait la
pratique du parrainage civil. Le texte aurait fait référence à un
« baptême civil (ou républicain) » et aucune condition n’aurait
été fixée quant au choix des parrain et marraine. Ce parrainage
constituait un phénomène certes civil, mais aussi anticlérical de
par le contexte qui entoura son émergence. La Ville de Paris est
la seule à ne pas avoir fait référence à cette date pourtant fondamentale, alors qu’elle a fait parvenir, en 1995, une directive au
sujet des parrainages civils à tous ses maires d’arrondissement.
Le texte ne mentionnait pas cette loi, mais citait brièvement la
« période révolutionnaire ». Dès ses prétendus débuts, ce baptême aurait été considéré, d’après ses partisans, comme « une
espèce d’adoption morale […] une sorte de parenté […] une
affection particulière » (discours du représentant Leclerc 13). Ce
jour du 20 prairial se déroula également la cérémonie de l’Être
suprême, organisée au Champ de Mars et rassemblant plus de
vingt-cinq mille membres de la « Fédération nationale des librespenseurs ». Plusieurs documents fournis en mairie affirment
LE PARRAINAGE CIVIL
que c’est à cette occasion que Robespierre aurait célébré le premier parrainage civil. Or, si les documents historiques attestent
bien la célébration de cette fête, il n’y est en revanche jamais
question d’un quelconque parrainage. C’est donc sur cet événement précis que fut ultérieurement greffée la création du
baptême républicain. Une autre incohérence dans le récit
« mythique » de ce premier type de baptême mérite d’être relevée : aucune loi ne fut votée le 20 prairial pour la simple raison
que ce jour était férié ! Ainsi, l’idée d’un baptême civil serait
peut-être née à la suite de cette fête populaire, puis une prétendue reconnaissance juridique, datée du même jour, y aurait été
ajoutée par la suite. Mais ce n’est là qu’une hypothèse. On peut
en effet imaginer qu’à l’Assemblée nationale aurait émergé un
concept plus ou moins proche du parrainage civil — les rapports officiels témoignent des nombreux débats qui alimentèrent
la question des problèmes de laïcisation des moments importants de la vie — et que certains députés (ou députés-maires)
auraient pris l’initiative de concrétiser ces projets dans leur circonscription en adaptant certaines idées, sans en référer forcément à leurs instances supérieures 14. Malheureusement, rien ne
permet de confirmer ou d’infirmer un tel scénario.
La Fête de l’Être suprême se voulait une sorte de grandmesse non religieuse où la dévotion se tournait, non plus vers
Dieu, mais vers cette nouvelle entité gardienne des valeurs
républicaines qu’on avait appelée Être suprême. Dans cette
perspective, cette fête pouvait effectivement constituer le
contexte idéal pour accueillir le premier baptême civil. Toutefois, tel ne fut pas le cas et l’histoire de France semble s’être
écrite sans l’invention — dûment attestée — d’une telle cérémonie : le parrainage civil existe et perdure donc sans qu’il soit
possible, pour le moment, d’en retracer précisément l’origine.
Mais, toujours d’après les informations données en mairie, les
cérémonies furent dès lors pratiquées par un magistrat élu au
suffrage universel.
De ces éléments, il ressort que Robespierre est toujours présenté comme un personnage central : il fait certes figure d’emblème de la Révolution française, mais il est surtout cité comme
l’initiateur, le « père fondateur » de cette pratique. R. Lamouche
consacre un long développement à la vie et aux combats de cet
homme politique, qu’il décrit comme un homme vertueux, faisant preuve d’une « bonne conduite et [d’]un travail acharné »,
17
14. Cette hypothèse expliquerait
aussi le développement de dénominations et de coutumes différentes les unes des autres, puisqu’il
n’y aurait eu ni concertation ni
mouvement uni.
18
15. LAMOUCHE, 1994 : 27.
16. Faute de matériaux, je ne discuterai pas ce point, mais renverrai plutôt aux travaux d’A. FINE
(1994 et 1995) sur les baptêmes.
RACHEL GUIDONI
animé d’un « souci d’humanité et de justice » 15. L’auteur insiste
également sur le désir de Robespierre de « créer une sorte de
religion d’État » et amplifie son rôle jusqu’à reconnaître en lui
le père de « la religion civile ». Ce portrait fait donc de lui le
fondateur idéal du baptême civil.
Cependant, l’historique fourni en mairie précise que si la
« loi » relative au parrainage civil votée sous la Première République ne figure pas dans le Code civil, c’est parce qu’elle ne fut
pas reconduite par la suite. Comment la tradition a-t-elle perduré ? Aucun texte ne le dit, mais la littérature promouvant le
parrainage civil affirme à plusieurs reprises que la célébration a
décliné pendant les premières décennies suivant son apparition,
ne recouvrant une nouvelle jeunesse que bien plus tard, au
moment du Front populaire 16. Au XXe siècle, la séparation de
l’Église et de l’État n’a visiblement pas eu de conséquence
directe sur la pratique du parrainage civil et il faudra attendre
les années trente pour qu’elle retrouve un (relatif) dynamisme.
Les mairies reconnaissent donc l’absence de valeur juridique
de cet acte ; néanmoins, si l’on en juge par les questions récurrentes posées à l’Assemblée nationale, ce n’est pas le cas de
certains députés. Depuis une trentaine d’années en effet, le
thème du baptême civil revient régulièrement à l’ordre du jour
et les interrogations sont toujours les mêmes : Quelles sont les
instructions officielles en la matière ? Le maire doit-il le célébrer
ou peut-il refuser de le faire ? Pourquoi cet acte n’est-il pas
reconnu par la loi ? En avril 1973, par exemple, il avait été
demandé au ministre de l’Intérieur de justifier cette coutume ;
or, celui-ci expliqua qu’en dépit des recherches effectuées dans
les documents administratifs publiés entre 1789 et 1794, il
n’avait pas été en mesure de localiser un éventuel texte relatif à
cette pratique. L’année suivante, en décembre 1974, le même
ministre, sollicité à nouveau, informa les députés qu’il n’obligeait ni n’interdisait aux maires de pratiquer les parrainages
civils. Pourtant, le Journal des maires jugea utile de publier en
1975 un dossier spécial sur le baptême civil, insistant à nouveau
sur certains points : d’un côté, il donnait des détails d’ordre pratique quant à l’exécution de la cérémonie, de l’autre, il en rappelait le caractère « purement officieux […] les certificats n’ont
pas de valeur juridique ». Depuis, le débat n’est toujours pas
clos et le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène,
comme le montre encore cet exemple daté de décembre 1979 :
LE PARRAINAGE CIVIL
19
à un élu qui, cette fois, regrettait que le parrainage civil ne soit
pas reconnu officiellement, il fut répondu très clairement par le
ministère de la Justice que d’autres mesures étaient prévues
dans le cas où les parents ne pouvaient pas s’occuper de leurs
enfants, « la chancellerie n’envisage[ait] pas de donner un effet
juridique à la pratique des parrainages civils ».
Aujourd’hui, ce type de parrainage semble connaître un certain regain d’intérêt ; du moins, les quelques chiffres disponibles
indiquent une indéniable augmentation : cent soixante-treize
célébrations à Strasbourg entre 1989 et 1996 (trente-cinq rien
qu’en 1995), vingt-deux et quatorze entre 1977 et 1993 dans
deux villages de sa périphérie, deux à trois célébrations par an
dans deux communes du Haut-Rhin. À Paris (estimations
approximatives pour la période 1995-1998), une dizaine de baptêmes ont été célébrés dans les mairies du IIIe et du XIe arrondissement, deux à quatre par mois dans les mairies du XIXe et
du XXe, enfin vingt et un dans le Xe. 1995 constitue une date
importante puisqu’au cours des élections municipales organisées
cette année-là six mairies de la capitale ont basculé à gauche 17.
Or, ce sont précisément elles qui ont inauguré la pratique du
parrainage civil. Par conséquent, il est probable que le phénomène représente une première dans l’histoire de la ville de
Paris. Ce regain est cependant relatif puisque le parrainage civil
reste marginal : il concernait 0,65 % des enfants résidant à
Strasbourg en 1991 et à Paris, les chiffres sont passés de zéro à
une dizaine par mois, ce qui révèle tout de même une certaine
vivacité. Il conviendrait d’élargir l’étude à d’autres régions pour
évaluer l’importance de cette pratique et déterminer les facteurs
qui jouent en faveur ou au détriment de sa popularité.
Le cadre de la Révolution française : la suprématie de la laïcité
L’époque exaltée qui aurait vu naître la tradition du baptême
civil est ancienne et se caractérise par l’innovation dans tous les
domaines c’est la Révolution française. Elle marque un passage,
la possibilité de tenter de nouvelles choses, c’est donc une
période favorable pour situer la naissance d’un tel événement.
Si le concept d’idéalisme révolutionnaire peut avoir un sens,
c’est celui-ci qu’il faut lui donner : la volonté de créer un système qui s’inspire de la religion pour mieux s’en démarquer,
17. Les maires des IIIe, Xe,
XVIIIe, XIXe et XXe sont membres du Parti socialiste (PS), celui
du XIe appartient au Mouvement
des citoyens (MDC).
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18. On pourra trouver des précisions sur cet aspect de la Révolution dans l’ouvrage de G. LEFEBVRE, 1957.
19. Sur l’introduction de nouveaux prénoms révolutionnaires,
on pourra lire avec intérêt (et
amusement) le petit fascicule de
J. A. CARNEY, Mémoire sur les noms
à substituer aux noms de baptêmes.
RACHEL GUIDONI
mais qui modifie en même temps le référent, la patrie au lieu
de Dieu 18. Le nouvel État se fonde sur d’anciennes institutions
religieuses, qu’il s’approprie ensuite pour les transformer en
leur opposant une contrepartie laïque. Les institutions catholiques sont alors délaissées au profit de celles du nouvel Étatprovidence, le clergé est démis de la plupart de ses fonctions et
le peuple s’unit autour d’un idéal républicain plutôt que religieux.
Le parrainage civil est, en quelque sorte, une révolution à sa
propre échelle : le référent n’est plus l’Église mais l’État, le sacrement a cédé la place à l’engagement et, plutôt que la protection
de Dieu, l’adulte, devenu désormais autonome et responsable,
se met au service de ceux qui représentent le peuple français.
Dans ce contexte, peut-on alors parler de « foi en l’État » ? Il est
possible de le penser, surtout quand on relit les propos de
certains députés de l’époque, mais il faut se rappeler que leur
enthousiasme était alors à la mesure de la nouveauté, c’est-àdire considérable, car lié au pouvoir tout nouveau que venait
juste d’acquérir le peuple. Il suffit pour s’en convaincre de lire
d’autres écrits de cette période : on se plaît à rêver d’une société
idéale et l’on envisage de nouveaux prénoms, de nouvelles fêtes,
des certificats de civisme. En somme, on s’efforce de créer une
nouvelle culture française, détachée de son passé religieux et
tournée tout entière vers ce nouvel État-providence. Le calendrier révolutionnaire avait par exemple pour objectif de bannir
tous les anciens saints du calendrier en introduisant une nouvelle conception du temps en harmonie avec la nature 19. L’idée
du baptême civil n’était donc pas totalement incongrue dans un
tel contexte. Pourtant, mes recherches pour trouver ne serait-ce
que la mention d’un éventuel parrainage civil n’ont pas
abouti… Il semblerait donc que la fête de l’Être suprême, bien
attestée dans les sources historiques, ait été présentée comme le
point de départ de cette pratique, certains la comparant à une
messe laïque à laquelle il était aisé d’associer ultérieurement la
cérémonie du baptême.
Tous les maires, en plus de cette période révolutionnaire,
mentionnent le rôle essentiel de Robespierre, choisi pour diriger
la nouvelle formation des représentants du peuple élus au suffrage universel, les députés. Connu et reconnu pour ses qualités
morales, il était idéaliste et déiste à sa façon, allant jusqu’à espérer créer une nouvelle religion civique. L’histoire montrera que
21
LE PARRAINAGE CIVIL
ce projet connut une fin rapide et peu glorieuse. Ce qui compte
toutefois, c’est le fait que Robespierre agissait et parlait, de par
ses fonctions, au nom du peuple et qu’il n’était pas réfractaire
aux idées religieuses. Il était donc la personne idéale, en cette
période précise, pour incarner plus tard le fondateur du parrainage civil. Ainsi, cette cérémonie revendique une légitimité
reposant sur deux bases historiques solides : une loi reflétant le
désir de la nation, un homme célèbre représentant cette même
nation. Il paraît par conséquent inconvenant, voire inutile, de
discuter la légitimité de ces deux éléments. Par cette double
validité, les personnes élues qui officient lors de telles cérémonies se posent finalement en gardiennes de l’ordre laïque et
républicain.
Dans la perspective que j’ai adoptée, ces données constituent
les conditions favorables et pertinentes pour assimiler le baptême républicain à un mythe, tant historiquement que juridiquement. En effet, même si l’origine de cette tradition n’est pas
validée par les sources anciennes, elle est toujours rappelée puis
soulignée, à la fois hors du rite et pendant son déroulement.
Enfin, les personnes engagées dans cette démarche admettent ce
précédent révolutionnaire sans même avoir l’idée de le remettre
en cause.
Comme tout phénomène rituel, le baptême civil s’articule
autour de deux éléments : un discours et une pratique ; c’est
pourquoi, après avoir présenté le premier, il convient à présent
d’aborder le second.
Préparation de la cérémonie
Les quelques documents qui nous ont été transmis, quant au
déroulement du parrainage civil, se ressemblent dans leur
aspect général, mais présentent chacun de petites particularités.
Il est intéressant tout d’abord de mettre en avant les composantes officielles de la cérémonie, c’est-à-dire le lieu et les documents écrits, puis d’établir le parallèle avec deux autres rites :
le mariage civil, en ce qu’il est lui aussi une cérémonie laïque,
et le baptême chrétien, en ce qu’il est une autre modalité de
baptême. Selon A. Fine, cette « liturgie » civile du baptême
date du mouvement de la Libre Pensée, né sous la Troisième
République 20.
20. Cf. FINE, 1995 : 55.
22
RACHEL GUIDONI
La demande de célébration du parrainage civil n’est pas
adressée aux services administratifs habituels, mais uniquement
au secrétariat général, voire au bureau du maire, ce en raison
de son caractère non officiel. De même, et cela a toujours été
précisé au cours des entrevues que j’ai eues dans les mairies,
seul le maire ou l’un de ses adjoints est habilité à assurer cette
célébration ; l’officier d’état civil n’a pas le droit d’être présent.
Cette précision est d’importance puisque, à l’inverse, une naissance, un mariage ou un décès ne peut être enregistré officiellement que par ce même officier d’état civil. Quant aux mairies
qui refusent les demandes, elles se justifient par le fait que cet
acte n’a pas d’existence légale.
Bien qu’ils ne demandent quasiment jamais aux parents les
motifs de leur requête, les adjoints rencontrés nous ont tous
confié qu’il s’agissait, à leur avis, « d’une certaine conception de
la laïcité (ou de la République) ». Lors de la demande, l’un ou
les deux parents sont reçus par le maire ou l’un de ses adjoints :
un questionnaire doit être rempli qui porte sur le domicile, l’état
civil et la profession des parents, les noms, prénoms, professions
et domiciles du parrain et de la marraine, enfin, la date et
l’heure de la célébration. Le livret de famille et l’extrait d’acte
de naissance de l’enfant ne sont pas systématiquement exigés,
de même, la nationalité n’est pas demandée, ni pour les parents,
ni pour les parrains. Certains maires exigent que les demandeurs habitent la même commune. À Paris, il est des élus pour
refuser par exemple les demandes de parents vivant en dehors
de l’arrondissement où est déposée la requête ; d’autres, en
revanche, honorent toutes les demandes, « parce que notre rôle
est d’être au service de tous les citoyens », et qu’« il ne faut pas
sanctionner ceux qui n’ont pas la chance d’habiter un arrondissement où le maire accepte ce genre de pratiques ». Quelquesuns insistent sur la présence obligatoire des deux parents,
d’autres se renseignent sur l’âge des parrain et marraine, les
mineurs n’étant pas toujours acceptés. Il n’existe donc pas de
règle stricte, ni généralisée en la matière, au point que certaines
exigences dans une mairie peuvent être ignorées dans une
autre !
C’est lors de cette première démarche en mairie que les
parents sont généralement informés du caractère purement formel, et donc symbolique, du parrainage civil et de son absence
de valeur juridique. Certains ont d’ailleurs annulé leur demande
LE PARRAINAGE CIVIL
23
à la suite de cette information. Une fois la date de la cérémonie
fixée, plus aucune démarche n’est nécessaire.
Pour des raisons pratiques, presque tous les parrainages civils
ont lieu le samedi matin, après les mariages civils, dans la salle
des mariages de la mairie. La cérémonie est présidée par le
maire ou l’un de ses adjoints (identifié par le port de l’écharpe
tricolore) et la famille est présente autour de l’enfant (qui est ou
non habillé de blanc), accompagné de ses parrain et marraine,
parfois aussi d’amis. L’âge du baptisé, variable, se situe généralement entre six mois et dix ans. Dans certains cas exceptionnels, il peut s’agir d’adultes. Il existe quelques variantes à ce
modèle général : la cérémonie peut concerner une fratrie, parfois même (dans un cas) des frères et leurs cousins ; il est arrivé
dans certaines communes que le maire successivement marie les
parents puis baptise leur enfant. Le parrainage civil est donc
une pratique relativement souple, facilement adaptable, probablement à cause de l’absence de textes la codifiant.
Célébration du baptême civil
Le déroulement de la cérémonie 21 peut se résumer de la
façon suivante : la famille est accueillie par le maire (ou son
adjoint) qui préside la cérémonie, ce dernier commence par un
discours, puis demande aux parents, au parrain et à la marraine
leur consentement. Il procède ensuite à la lecture complète de
l’acte, requiert la signature des personnes concernées sur un
registre, puis remet solennellement un extrait de l’acte ainsi
qu’un « certificat » à chacun des signataires.
Le discours du maire ou de l’adjoint qui officie se réfère
presque toujours aux origines de cette cérémonie telles que je
les ai évoquées plus haut et situe l’événement dans la continuité
d’une tradition française ancienne. Voici par exemple l’extrait
du discours d’un adjoint au maire parisien :
Les législateurs de 1794 comprirent que […] il manquait une cérémonie
légale concernant le parrainage. C’est un texte révolutionnaire qui, par la loi
du 20 prairial de l’an II, institue la procédure du baptême civil; dès son origine, de par la loi, il possède une valeur officielle. C’est une cérémonie célébrée au nom du pouvoir civil, par un magistrat élu tenant son autorité du
suffrage universel […].
21. Dans la mesure où la très
grande majorité des baptêmes
concerne un enfant, je mentionnerai la personne à baptiser sous ce
terme. Le cas particulier des
adultes sera examiné plus loin.
24
RACHEL GUIDONI
Les lois fondamentales de la République ne prévoient dans les mairies
que trois registres d’état civil : naissance, mariage, décès. Le parrainage civil
s’est perpétué dans certaines régions, communes, et recommence dans certains arrondissements de Paris.
Nous l’avons vu, la « cérémonie légale » explicitement évoquée n’est pas avérée d’un point de vue historique ; malgré tout,
ce discours possède une certaine efficacité : il légitime l’acte
cérémoniel en lui conférant une origine sociale et légale, cette
dernière entérinant à la fois son existence et sa perpétuation.
Des élus d’une autre mairie de Paris insistent exactement sur les
mêmes points, dans un style légèrement différent :
[…] cette mission-là, celle qui organise la longue chaîne humaine de la solidarité, de l’amitié et de la fraternité, pour assurer la protection morale et
matérielle de l’enfant, ne disparaissait pas du simple fait que le baptême
n’était plus une cérémonie officielle, mais simplement une cérémonie religieuse.
Les députés de la Convention l’avaient bien compris puisqu’en 1794, le
20 prairial de l’an II, c’est-à-dire le 8 juin 1794, une cérémonie au Champ
de Mars, présidée par Robespierre, légalise le parrainage civil, ou baptême
républicain […].
22. À moins que cela n’ait à voir
avec « Citoyen », titre qui remplaça pendant un temps l’appellation Monsieur juste après la Révolution française.
À l’instar du modèle bien connu du rituel, l’évocation des
origines mythiques constitue un prélude indispensable à toute
cérémonie. Celle-ci s’ouvre souvent en ces termes : « Veuillez
vous lever. Nous allons procéder en cette mairie au baptême
républicain (ou parrainage civil, selon les mairies) de l’enfant N,
né à … le …, fils (ou fille) de M. … et Mme …, domiciliés à … »
L’officiant demande alors si le parrain et la marraine sont présents, puis les invite à venir se tenir de part et d’autre de l’enfant. Suit un questionnaire au cours duquel on demande respectivement aux parents, au parrain puis à la marraine s’ils
consentent, les premiers, à présenter leur enfant « au parrainage civil afin de le placer sous la protection des institutions
républicaines et laïques », aux seconds, d’« accepter cette noble
mission d’être le parrain (ou la marraine) civil(e) de l’enfant ».
Tous ayant accepté, l’enfant est déclaré « filleul(e) de la République ». Quelques-uns, plus rares, utilisent l’appellation relativement inhabituelle de « citoyen libre ». Outre le fait de ne
pas être explicitement associée au baptême, cette expression
implique en effet le passage d’un statut originel peu enviable —
celui d’une personne qui n’était pas libre — à celui d’un être
LE PARRAINAGE CIVIL
25
auquel on reconnaît désormais une place dans la société 22. Mais
quel rapport avec le parrainage et avec quel statut antérieur ce
rite est-il censé marquer la césure ? Cette appellation illustre
plus probablement, à sa manière, le caractère un peu théâtral et
idéaliste de ce baptême.
L’acte est ensuite lu dans son intégralité, puis signé ; il est parfois consigné dans un registre. Enfin, un certificat est éventuellement remis aux parents, au parrain et à la marraine… mais pas
à l’enfant ! Ce certificat, dont il existe divers modèles, est fabriqué par un imprimeur particulier et non par l’Imprimerie nationale chargée de fournir tous les documents délivrés en mairie. Il
ressemble à un diplôme sur lequel on peut lire :
Les parents […] ont présenté leur enfant N […] avec la volonté de le placer
sous l’égide et la protection de l’autorité civile et républicaine 23 au cas où ils
viendraient à lui manquer. Les parrain et marraine ont déclaré accepter
cette haute mission et prennent l’engagement solennel de suppléer les
parents dans toute la mesure de leurs facultés morales et de leurs moyens
matériels […] ils poursuivront l’éducation de N hors de tous préjugés
d’ordre social et philosophique et dans le culte de la raison, de l’honneur, de
la solidarité et de la défense des intérêts du peuple français.
La fonction du parrainage apparaît ici de manière relativement claire, à la fois dans le discours et dans le texte figurant
sur le diplôme : il s’agit d’assurer une protection à l’enfant en
lui trouvant des tuteurs au cas où ses parents viendraient à disparaître. D’ailleurs, les parents qui font cette démarche évoquent souvent cet argument. Toutefois, la cérémonie implique
que les parrains ont également pour rôle symbolique d’inculquer à leur filleul(e) certaines valeurs périphériques à des
notions chères à la République française, à savoir la liberté et la
fraternité (étonnamment, l’égalité n’est jamais citée et à peine
évoquée) : « qualités morales, humaines et civiques pour être un
citoyen dévoué au bien public », « fraternité, compréhension
et solidarité », « respect de la liberté et du bien d’autrui », « raison, honneur, amour du travail », « honnêteté, amour de la
liberté et de la paix », « dévotion à sa famille et à ses semblables », « amour de la justice et de la loyauté » 24. Pour les
parents, le baptême civil est donc le moyen de désigner de façon
symbolique des personnes aptes à pallier les besoins de leur
enfant si nécessaire. Pour ceux qui le proposent en revanche, il
implique d’autres valeurs qui passent visiblement au second
23. Il est parfois ajouté « émanant du suffrage universel ».
24. Toutes ces expressions proviennent des textes imprimés sur
les certificats de baptême que j’ai
pu recueillir.
26
RACHEL GUIDONI
plan dans les préoccupations des parents : une certaine instruction civique, ou encore l’entrée dans la communauté laïque regroupée autour d’un pouvoir central puissant qu’il faut honorer.
Dans la pratique, la dimension idéologique paraît effectivement reléguée en arrière-plan et les objectifs qui s’expriment
semblent se situer à un niveau clairement matériel. Le département du Doubs 25, qui a conservé un mode de célébration un
peu particulier, est l’illustration parfaite des enjeux tels qu’ils
sont compris par ceux qui sollicitent le parrainage civil. Durant
la cérémonie, deux symboles sont utilisés, une miche de pain
et une rose. Le pain symbolise l’assistance matérielle que le
parrain a le devoir d’apporter à son filleul, la fleur représente
l’amour et l’affection que la marraine doit offrir à l’enfant,
« en cas de disparition des parents ». Le plus souvent, c’est le
maire qui remet le pain et la fleur aux parrains pendant la cérémonie, mais cette tradition connaît de légères variantes : la
miche est parfois présentée comme le « symbole des baptêmes
républicains » ; dans quelques cas, elle est donnée aux parents.
L’échange de ces deux objets illustre parfaitement deux idées
relevées plus haut : le parrainage est avant tout la possibilité de
nommer des tuteurs, la notion de citoyenneté étant secondaire.
La miche et la rose résument néanmoins clairement le rôle des
parrain et marraine civils d’un enfant : pourvoir aux besoins
matériels et affectifs de l’enfant lorsque ses parents ne sont plus
en mesure de les assurer. Il n’est jamais question d’éducation ni
même d’orientation idéologique. L’officiant et la famille s’accordent ici sur les enjeux de la cérémonie, ce qui n’est pas toujours
le cas dans les mairies parisiennes.
À l’issue de certaines cérémonies, la mairie donne un cadeau
à l’enfant ou des fleurs à la mère (en fonction du budget), certaines peuvent même offrir un verre de l’amitié à toute l’assemblée réunie. Parfois, la famille distribue des dragées à la sortie
de la salle. Cet événement se termine en général par un repas
offert par les parents à tous les invités.
25. Les textes collectés proviennent, outre Paris, de communes
de la Nièvre, la Haute-Saône, le
territoire de Belfort, le Haut-Rhin,
le Bas-Rhin et le Doubs ; seul
ce dernier département présente
cette coutume.
Plusieurs remarques méritent d’être formulées quant à l’organisation générale du baptême. Tout d’abord, il faut noter que
toutes les descriptions de célébrations que j’ai pu me procurer,
sans exception, se réfèrent aux origines de la tradition et citent
expressément la loi fondatrice et celui qui en est à l’initiative.
Nous avons là exactement le schéma classique du rituel : lors de
LE PARRAINAGE CIVIL
la praxis, le précédent est raconté, avec son mythe d’origine et
son « héros » fondateur, ce qui permet de légitimer le rituel en
cours tout en en assurant son efficacité.
Il est pourtant possible de relever certaines incohérences.
Tout d’abord, si la présence des parrain et marraine est obligatoire, celle des parents, elle, ne l’est pas. Certaines mairies ont
ainsi baptisé des enfants sans la présence du père 26, ce qui
donne à penser que les organisateurs considèrent le parrainage
comme un lien plus important que celui de la parenté. Par
ailleurs, le problème de la motivation demeure entier : dans la
religion catholique, les parents qui sollicitent le baptême pour
leur enfant doivent être personnellement baptisés ou mariés à
l’église, ce qui place le baptême dans la continuité de leurs
convictions religieuses 27. À la mairie, rien de tel n’est exigé :
les parents ne sont jamais interrogés sur leurs « convictions
laïques ». Pour l’exemple, citons le cas d’un couple qui désirait
baptiser son fils à la mairie malgré leur désintérêt explicite pour
la vie politique en général : entre autres, ils ne votaient jamais et
avouaient ne pas suivre l’actualité politique, locale ou nationale.
Ils vivaient en concubinage mais n’étaient pas mariés, autrement dit, ils n’avaient pas engagé de démarche attestant un certain intérêt pour la reconnaissance légale d’un statut particulier.
Dans ce cas, on peut se demander quelle conception de la
citoyenneté et, plus encore, quel attachement à des valeurs civiles
et laïques ils auraient été en mesure d’inculquer à leur enfant, si
telle avait été leur motivation. Dans ce genre de circonstances,
on est tenté de croire que c’est l’importance de l’acte rituel qui
prime, voire la désignation de tuteurs, mais probablement pas
une conviction personnelle. J’ai également relevé des témoignages concernant des enfants qui avaient reçu au préalable le
baptême religieux, ce qui vient contredire le message de la cérémonie à l’hôtel de ville qui se veut en effet laïque et « en dehors
de tout préjugé philosophique ».
En fait, les deux idées qui semblent se dégager sont, d’une
part, une grande souplesse dans les règles du parrainage civil,
chaque mairie l’organisant un peu comme elle le souhaite, de
l’autre, un certain prestige qui pourrait toucher ceux qui participent à cette cérémonie (que ce soit du côté de l’équipe municipale ou de la famille), chacun gagnant de l’estime à organiser
un baptême qui est avant tout insolite, peu connu du peuple et
non reconnu par l’administration.
27
26. Je n’ai pas d’exemples de baptême où la mère était absente.
27. Je n’ignore pas l’aspect formel
et traditionnel que peut parfois
revêtir le baptême de nos jours,
mais certains prêtres continuent à
poser leurs conditions pour lutter
contre ce qu’ils considèrent
comme une dérive.
28
RACHEL GUIDONI
Au terme de cette étude, beaucoup de questions restent en
suspens. Il serait intéressant, par exemple, de reconstituer le
processus par lequel les mentions des mariages et des décès
furent finalement consignées dans le Code civil, alors que le
baptême n’a pas connu le même sort. En effet, seul le mariage
civil est reconnu par la loi ; de même, tout décès doit être
déclaré à la mairie, alors que pour le baptême, aucune célébration n’est prise en considération dans le système civil, légal ou
juridique. Pour revenir à l’Église, une brève enquête menée
auprès de certains prêtres laisse penser que le baptême civil est
une pratique qu’ils contestent assez fortement, critiquant son
origine anticléricale (et révolutionnaire), c’est pourquoi beaucoup souhaiteraient le voir disparaître. L’avis de R. Lamouche
sur cette question nous semble là encore caricatural et relever
d’un parti pris ; il croit savoir que les juifs sont réticents et que
les musulmans n’ont pas d’opinion sur cette pratique car ils ne
la connaissent pas. Seule une étude approfondie permettra
d’élucider la question, mais il est probable que de tels présupposés seront invalidés.
Le parrainage civil est une tradition bien vivante et, même si
sa pratique demeure marginale, il évolue lentement et se transforme au contact des changements que connaît la société française. Des contextes particuliers ont en effet eu un impact sur
cette forme de baptême, une idée qu’illustrent deux avatars 28
contemporains inattendus de ce rite : le premier concerne la
ville de Paris, où le parrainage civil est instrumentalisé dans les
querelles politiques entre mairies, le second est une réponse au
problème des « sans-papiers » qui a marqué la France à l’automne 1998, certains élus locaux insistant sur l’idée de solidarité
qui serait contenue dans cette pratique.
« Le baptême civil est une mesure de gauche »
28. Ce terme est pris ici dans son
acception de transformation ou
métamorphose. Sur ce sujet, on
pourra consulter le très intéressant
numéro d’Ethnologie française (1998,
nº 2) consacré à ce thème.
Ce premier cas nous éloigne à peine de ce qui a été écrit précédemment, à la fois sur les idées et les pratiques en matière de
parrainage civil, mais il mérite une mention particulière dans la
mesure où son instrumentalisation est devenue une de ses principales caractéristiques. À Paris, le baptême républicain alimente
en effet les divergences entre les mairies de droite et de gauche.
LE PARRAINAGE CIVIL
Tout a commencé lors des élections municipales de 1995.
Jusqu’alors, les vingt mairies d’arrondissement de Paris étaient
toutes détenues par les divers partis de droite, mais en 1995,
une petite révolution secoue l’administration de Paris, avec le
passage à gauche de six d’entre elles. Très vite, les nouveaux
maires acceptent de pratiquer le baptême en mairie, pour
répondre à une demande et, dans deux cas, après en avoir fait
la proposition au conseil municipal. Sans se concerter, tous
trouvent les informations et les procédures à suivre, souvent
grâce à leur réseau personnel. Toutefois, l’un des maires de
l’opposition adresse une lettre à ce propos au secrétaire général
de la mairie de Paris, J.-M. Hubert. Ce dernier répond en
novembre 1995 par l’envoi d’une directive aux vingt mairies
d’arrondissement, précisant que c’est à la suite de sollicitations
qu’il a pris la décision d’envoyer ce courrier 29 : il demande
expressément de ne pas pratiquer les baptêmes civils. Ses arguments sont les suivants : « ces cérémonies n’ont aucun fondement juridique et ne créent qu’un lien moral entre les parrains
et les enfants » ; il souhaite éviter de « créer dans l’esprit du
public une assimilation entre des actes d’état civil institués par
la loi et des actes qui n’ont pas de valeur juridique, et leur attribuer ainsi abusivement un caractère légal qu’ils n’ont pas ». Il
ajoute que les services administratifs ne sont pas autorisés à
participer d’une quelconque manière à ces cérémonies et il rappelle que si les maires d’arrondissement ont plein pouvoir en
matière d’état civil sur la collectivité qu’ils dirigent, le maire de
Paris et ses adjoints ont aussi ce pouvoir, sur l’ensemble de la
capitale. Ce rappel équivaut clairement à une menace d’intervention si les maires ne respectent pas cette directive. Il joint
en annexe une fiche d’informations sur les lois existantes en
matière d’administration légale pour les enfants. En dépit de
cela, le baptême civil continue d’être pratiqué à Paris.
En réponse au courrier que j’avais adressé à toutes les mairies
parisiennes afin de connaître leur position sur le baptême civil,
quelques mairies de droite déclarèrent qu’elles ne procédaient
pas à de telles célébrations, certaines précisant même que
« aucune mairie d’arrondissement de Paris n’organis[ait] ce
genre de cérémonie ». Pourtant, quelques jours plus tard, le
secrétaire général d’une mairie de gauche m’invitait à venir le
rencontrer parce qu’il officiait lors de baptêmes civils. Finalement, toutes les mairies d’opposition (sauf celle du XVIIIe)
29
29. Il s’agit sans doute d’une
demande formulée en premier par
le maire du IIIe arrondissement
parce que nous avons copie de la
lettre que M. Hubert lui a écrite
personnellement le même jour,
lettre qui accompagnait la directive générale et qui réitérait le
refus de la Ville de Paris « d’organiser […] ces cérémonies non prévues par le Code civil ».
30
30. Ceci sous réserve qu’il s’agisse
bien de la première cérémonie à
Paris, mais difficile à vérifier
puisque aucun registre commun
n’est tenu.
31. Au moment de notre enquête,
ce problème constituait l’actualité
principale en matière de politique
intérieure.
RACHEL GUIDONI
acceptèrent de répondre à mes questions et me remirent volontiers tous les documents qu’elles possédaient sur ce sujet.
Les parrainages civils semblent se dérouler dans un climat de
légère provocation à l’égard des mairies de droite. Le premier
de ces baptêmes aurait eu lieu 30 dans le IIIe arrondissement, le
6 octobre 1996, et pour fêter l’événement, la mairie offrit à la
famille et aux invités un buffet accompagné de champagne. De
son côté, le maire du Xe arrondissement a fait insérer le « baptême républicain » dans le Guide d’information sur son arrondissement, non seulement à la rubrique « Démarches administratives », mais à la première page de cette section, en deuxième
position (p. 15), dans le but évident d’officialiser un acte qui ne
l’est pas tout en le rendant populaire. La mairie du XIXe arrondissement remet à la fin de la cérémonie un diplôme de très
belle facture, orné d’une bande aux couleurs de la France. Un
élu d’une autre mairie milite activement pour inclure cette
pratique dans le Code civil. Le sentiment de provocation est
d’autant plus palpable qu’une majorité de ces maires va plus
loin dans la démarcation politique : ce sont les mêmes qui
accordent, entre autres, des contrats d’union civile aux homosexuels, ou qui soutiennent la régularisation de tous les sanspapiers 31. C’est donc tout un état d’esprit qui se révèle, lequel
consiste à agir à l’encontre de la norme politique en général, de
la voie dictée par le maire de Paris, J. Tiberi, en particulier.
D’ailleurs, l’idée de contrarier ce dernier est exprimée plus ou
moins ouvertement et explique en partie la détermination de
certains à célébrer le parrainage civil ; ce qui n’empêche pas,
chez quelques-uns, l’expression sans doute sincère d’un attachement aux valeurs laïques et républicaines.
À la question de savoir ce qui les avait conduits à officier à
ces baptêmes, les adjoints ou les secrétaires des maires parisiens
de gauche ont répondu que la laïcité et la république exaltées
dans cet acte étaient des valeurs de gauche. De fait, même s’il
n’existe pas de règle en la matière et bien que le cas soit théoriquement possible, je n’ai aucun témoignage concernant un baptême pratiqué par un maire de droite. Que les parents soient
communistes, nationalistes ou pratiquants leur importe peu ; en
revanche, qu’un maire de droite puisse présider ce genre de cérémonies leur paraît inconcevable. Par conséquent, ils suggèrent
que le parrainage civil est leur spécialité et renforcent du même
coup l’opposition entre eux et ceux qui ne le célèbrent pas.
LE PARRAINAGE CIVIL
31
Diplôme remis dans des mairies
d’Alsace et de Bourgogne.
On ne parle alors plus tant du baptême civil pour ce qu’il est
que pour ce qu’il représente : un rite concentré autour de son
officiant — une personne de gauche — et du motif qui a présidé à sa réalisation — la laïcité comme valeur de gauche. Le
baptême devient ainsi un instrument, il n’est important qu’en ce
qu’il alimente le clivage entre les deux camps politiques.
D’ailleurs, le discours sur la laïcité et la République ne nous a
pas toujours paru convaincant, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parmi les personnes interrogées, seul un maire de
gauche le pratiquait avant d’avoir été élu à Paris ; la plupart des
adjoints nous ont expliqué qu’ils l’avaient organisé à la suite
d’une requête émanant des parents, ce qui prouve que les
conseils municipaux sont rares à connaître ce baptême avant
32
RACHEL GUIDONI
qu’une demande ne leur soit adressée. D’autre part, comme je
l’ai déjà souligné, on ne s’informe jamais auprès des parents de
leurs convictions idéologiques. Enfin, je ne pense pas que tous
les maires (et leurs adjoints) qui le pratiquent l’aient fait pour
leurs propres enfants… La « conviction » affichée paraît donc
toute relative.
Pourtant, il est étonnant de constater que ce mouvement de
contestation n’est pas le fruit d’une stratégie, les mairies de
gauche travaillant de façon relativement isolée : on peut aisément concevoir que les municipalités de droite et de gauche
communiquent peu entre elles ; en revanche, il est plus surprenant de constater que c’est aussi le cas de celles qui appartiennent à l’opposition. Pour preuve, elles m’ont souvent interrogée
sur les pratiques des autres mairies, le nombre de cérémonies
qu’elles avaient à leur actif et leur façon de faire, révélant une
véritable ignorance des activités de leurs confrères. De fait, chacune utilise des documents et des certificats différents, obtenus
en contactant des mairies de province (parfois la précédente
circonscription d’un des élus). En somme, le fait que les maires
parisiens de gauche pratiquent tous sans exception le parrainage civil et qu’ils admettent y avoir recours pour se démarquer
des maires de droite est d’autant plus remarquable qu’il s’agit
d’une action spontanée et non préméditée.
L’idée selon laquelle le parrainage civil est une mesure de
gauche ne semble toutefois pas se limiter à Paris, elle est également mise en avant à Strasbourg depuis 1989, date à laquelle
Catherine Trautmann, élue socialiste, a remporté les élections.
D’ailleurs, le journaliste qui commentait le premier baptême
célébré dans la ville alsacienne releva le lien entre parrainage
civil et idéologie de gauche : « autant d’exemples qui […] confirment l’attachement traditionnel à cette coutume des municipalités de gauche » 32.
Le baptême civil vaut aussi pour les « sans-papiers »
32. Cf. l’article « Allons enfants de
Marianne… », Dernières Nouvelles
d’Alsace, 22 janv. 1993.
Dans certaines communes, le parrainage civil a revêtu une
dimension toute nouvelle : il permet de « mettre en relation, en
solidarité, un citoyen français et un résident sans papiers ». Le
cas est attesté en Alsace, dans une ville proche de Mulhouse
(Haut-Rhin). Il relève de l’initiative du maire qui souhaitait, à
LE PARRAINAGE CIVIL
travers cette cérémonie, montrer « une volonté de soutenir des
personnes en grandes difficultés ». Bien que cette expression du
parrainage civil soit marginale et spécifique, il me semble intéressant de m’y référer afin de montrer comment la tradition
peut subir de continuelles transformations en fonction d’objectifs relativement éloignés des « origines ». En outre, ce cas particulier constitue peut-être le prototype d’une nouvelle expression
du baptême dont l’avenir seul dira si elle est promise à s’intensifier.
Dans les faits, des élus d’autres villes ainsi que des représentants de diverses associations se sont fait connaître auprès de la
mairie organisatrice pour devenir les parrains et marraines
d’une dizaine de personnes résidant sur le territoire français de
façon illégale. Ces associations étaient politiques, humanitaires,
parfois confessionnelles. Les parrains et marraines se sont alors
engagés à accompagner et à soutenir leurs protégés dans les
multiples démarches destinées à obtenir leur régularisation.
Le déroulement de ce parrainage diffère en bien des points
du modèle présenté plus haut : absence des parents, âge des
baptisés, choix des parrains. Dans ce type de baptême, le maire
se place en substitut de l’autorité parentale puisqu’il est à la fois
l’initiateur de la cérémonie et le sélectionneur des parrains.
Quant à la cérémonie, présidée là encore par le maire, elle revêt
une dimension essentiellement symbolique puisque, à son terme,
les « baptisés » reçoivent, non pas un certificat, mais une carte
de « citoyen du monde ». Ce parrainage marque donc l’engagement moral et solidaire qui unit désormais les parrains et les
sans-papiers.
Sous une même appellation surgit ainsi un nouvel acte ritualisé qui diffère quant à ses participants, seul son enjeu garde une
certaine cohérence, bien que l’idée de protection soit cette fois
plus prégnante. Il ne s’agit plus d’enfants, ni de désignation
symbolique de tuteurs, ni même de l’expression d’un attachement aux valeurs républicaines. Il s’agit de créer une dynamique, au sein d’une structure reconnue, qui « officialise » le
lien nouveau unissant une personne que ne reconnaissent pas
les lois de la République, et une autre qui justement incarne
cette République. D’une certaine manière, on demande à l’État
— avec ses valeurs laïques — de protéger des personnes qui
sont théoriquement à l’extérieur de son champ d’action. Au
cours de la cérémonie, le maire souligne l’ancienneté de cette
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RACHEL GUIDONI
pratique, mais il n’insiste plus tant sur le mythe des origines que
sur celui de la portée de cette célébration : certes, la solidarité
constitue l’un des objectifs du parrainage civil, mais il va peutêtre au-delà de ses limites lorsqu’il s’agit d’étrangers en situation
irrégulière ! Dans ce cadre, le mythe ne vaut plus que pour une
partie du groupe, c’est-à-dire les personnes parrainées : tous les
parrains et marraines présents savent que la valeur de leur
engagement est purement symbolique. De leur côté, les étrangers sans papiers se sentent probablement plus rassurés du fait
que les personnes désignées solennellement les épaulent désormais. C’est là peut-être que réside la notion de parrainage ou de
tutorat, dans cette relation où l’avenir de l’étranger repose en
partie dans les mains de ses parrains civils.
*
*
*
Outre la dimension mythique qui contraste tant avec son
cadre officiel et républicain, le parrainage civil offre un terrain
d’investigation propice ainsi qu’une palette de thèmes dignes
d’intérêt. L’habit parfois blanc du baptisé, son jeune âge, la
distribution de dragées, le repas de famille qui suit la cérémonie,
tout ceci marque une proximité entre le rituel religieux et son
pendant laïc. Celle-ci est encore renforcée par le parallèle que
l’on peut faire quant à sa fonction, à savoir la désignation symbolique de tuteurs à l’occasion d’un acte public. Cela dit, il
existe une nette différence entre les élus, qui font de cet acte la
preuve d’un attachement aux valeurs laïques et républicaines, et
les parents, qui le sollicitent avant tout pour nommer deux
responsables susceptibles de pallier une incapacité dans l’éducation de leur enfant. Il y a là un idéal qui s’oppose à une visée
pratique. Cette divergence se retrouve dans le cas du baptême
religieux, où deux préoccupations fondamentales s’expriment :
le choix des parrains et l’entrée dans la communauté de Dieu.
Ce dernier aspect est d’ailleurs très intéressant. Les conditions pour baptiser civilement un enfant sont très souples et ne
dépendent en définitive que de la volonté du maire. Dans un cas
assez « classique » mais pourtant révélateur, les parents n’étaient
pas mariés et le choix des parrains s’est fait dans leur groupe
d’amis proches. Il n’existait donc aucun document administratif
autre que l’acte de naissance pour attester de leur vie en
LE PARRAINAGE CIVIL
commun. En outre, les parrain et marraine s’engageaient, en
signant le certificat de parrainage, à tenir une place importante
dans la vie de l’enfant. Ainsi, ce certificat définit d’une certaine
façon une nouvelle famille, symbolique cette fois : ces quatre
personnes constituent un groupe pertinent autour de l’enfant.
Cette famille symbolique présente du reste une nouvelle structure, si l’on considère que sont permis des baptêmes avec un
seul parent, voire parfois, pour les adultes, sans aucun parent,
ou si l’on tient compte du lien qui existe entre ces derniers et
les parrains. Cet aspect entre parfois en ligne de compte dans
les motivations des demandeurs. Parfois aussi, les parents ne
cachent pas un désintérêt vis-à-vis des devoirs du citoyen, ou
de la vie politique en général, phénomène qui pose à nouveau
la question de leur motivation : pourquoi baptiser un enfant à la
mairie ?
Outre certains préparatifs, le parrainage civil implique un
déroulement et un officiant particuliers. Il est fondé sur un
mythe d’origine constitué d’une histoire, la Révolution française,
et d’un personnage, Robespierre. En ce sens, il pourrait relever
de la catégorie des rites, catégorie à laquelle, pour le moment,
je ne l’associerai pas, le problème de sa signification et celui de
son efficacité restant entiers. En effet, par ce baptême, l’enfant
devient « filleul de la République » (ou citoyen libre), ce qui ne
correspond, nous l’avons vu, à aucun statut particulier, tant
symbolique que juridique. Puisqu’il n’implique aucun changement pour l’enfant ou ses parents (si ce n’est pour ces derniers
un relatif soulagement moral), on ne peut pas non plus l’envisager comme un rite de passage. Par conséquent, le parrainage
civil apparaît comme vide de sens, son intérêt résidant uniquement dans sa nature : c’est l’acte ritualisé, plus que le rituel, qui
prime. Dans la mesure où le baptême républicain ne change
rien, la motivation ultime semble résider simplement dans le
besoin de pratiques ritualisées.
Cette coutume particulière nous amène à la question de la
pérennité des deux phénomènes conjoints que sont le mythe et
le rite : d’un côté, il perdure dans nos sociétés contemporaines
des récits qui, sous des dehors historiques et officiels, restent
étroitement liés aux notions anciennes de mythe, d’un autre
côté, on peut encore assister à des pratiques qui se veulent des
substituts de rites religieux (lesquels étaient dotés de sens et
d’efficacité), mais qui ne parviennent pas à s’en différencier
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RACHEL GUIDONI
totalement. Le baptême laïc connaît peut-être un regain d’intérêt du fait que, justement, il propose un acte ritualisé dans un
contexte qui n’est plus religieux, et dessine à sa manière de nouvelles limites à la définition de la famille.
*
*
33. Anne-Sophie PERRIER, « Baptêmes dans l’air », in Zurban,
26 février 2003, p. 116. Elle cite
en fin d’article l’anthropologue
Michèle FELLOUS, auteur d’À la
recherche de nouveaux rites (Paris,
L’Harmattan, 2001), qui fait référence au baptême civil. Elle le
juge comme « un rite [qui] reste
un moyen de sortir de la vie au
jour le jour pour s’inscrire dans
l’espace et le temps ». Merci à
F. Robin pour m’avoir donné
copie de cet article.
34. « La République baptise ses
enfants », À Paris, nº 9 (2004) : 22.
*
Cet article se fonde sur une enquête réalisée en 1998. Depuis, un court
article de presse 33 est paru dans le magazine Zurban sur le même sujet.
La journaliste y présente la situation actuelle en expliquant que cette cérémonie s’est généralisée dans les mairies de Paris et parle de plus d’une centaine de cas dans la capitale en 2002. Ceci, ajouté aux élections municipales de 2001 qui ont vu une nette victoire des candidats de gauche,
confirme mon observation selon laquelle cette pratique est revendiquée par
les partis de gauche. Notons toutefois la participation exceptionnelle, qui n’a
pas échappé à la journaliste, du maire UMP (Union pour un mouvement
populaire) du I er arrondissement. Elle reprend également deux points que
j’ai largement développés : l’absence de reconnaissance légale de cet acte et
la perpétuation d’un précédent mythique autour de la Révolution française !
Enfin, elle conclut, elle aussi, que le besoin de rites est le moteur de cette
pratique.
Plus partisan, le magazine de la mairie de Paris a fait insérer récemment
un article destiné à promouvoir cette cérémonie laïque 34. Le texte, accompagné de la photo du certificat et d’un dessin, donne la liste des quatorze
mairies qui la pratiquent et cite deux élus qui militent en sa faveur. Sur un
ton délibérément promotionnel, le rédacteur insiste sur l’ancienneté de la
pratique — ce rite, écrit-il à deux reprises, « remonte à la Révolution française » — et sur la simplicité des démarches administratives : « Les
demandes de parrainage sont de plus en plus nombreuses », « Il suffit d’en
faire la demande par écrit », « N’hésitez pas à contacter votre mairie ».
Contraint de reconnaître l’absence de tout fondement juridique de cet acte, il
évoque une démarche « symbolique », un engagement « moral » et des
« registres officieux », et rappelle que la désignation légale de tuteurs est prévue différemment par le Code civil. Ces précisions ne l’empêchent pas de
conclure en invitant les parents intéressés à se renseigner auprès de leur mairie d’arrondissement. Initié jadis par une minorité de maires dans un esprit
de provocation, le baptême républicain a donc aujourd’hui pleinement droit
de cité, la conquête des mairies parisiennes par les partis de gauche allant
de pair avec le rétablissement de cérémonies occultées par les précédentes
municipalités de droite.
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LE PARRAINAGE CIVIL
Références
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moderne (Paris, Lidis Brepols).
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1957 Le mythe, aujourd’hui, in R. Barthes (dir.), Mythologies (Paris, Le
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1995 La Parenté spirituelle, lieu et modèle de la bonne distance, in
F. Héritier-Augé et É. Copet-Rougier (dir.), La parenté spirituelle
(Paris, Archives contemporaines) : 51-81.
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1957 La Révolution française (Paris, Presses universitaires de France)
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s. d. 6 vol. (Paris, Imprimerie de Prault).
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1972 Myth and symbol, in D. L. Sills (dir.), International encyclopaedia of the
social sciences, vol. IX (London, Collier-Macmillan) : 576-582.
VAN GENNEP, Arnold
1972 Manuel de folklore français contemporain, t. I (Paris, Picard) [1re éd.
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1980 La mémoire longue. Temps et histoires au village (Paris, Presses universitaires de France).
1990 La parenté baptismale, in T. Jolas, M.-C. Pingaud, Y. Verdier et
F. Zonabend (dir.), Une campagne voisine (Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme) : 215-240.
Coupures de presse
Dossier fourni par le journal L’Alsace, 32 petits articles, s. d.
« Baptême civil pour Juliette », 1972.
« Un baptême civil à Cheny »,1972.
« Le baptême civil de Colette », L’Alsace, 8 juillet 1990.
« Allons enfants de Marianne… », Dernières Nouvelles d’Alsace, 22 janv. 1993.
« Baptêmes républicains comme en 89 », Le Républicain lorrain.
« Le baptême civil sème la zizanie », Le Parisien, 27 nov. 1995.
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RACHEL GUIDONI
« Le filleul de la République », Dernières Nouvelles d’Alsace, 25 janv. 1996.
« Filleul de la République », Dernières Nouvelles d’Alsace, 20 mai 1997.
« Pour ne pas oublier les sans-papiers », Dernières Nouvelles d’Alsace, 6 mars
1999.
Annexe
Discours d’André Tabarly, premier adjoint au maire du III e arrondissement de Paris
(Pierre Aidenbaum) lors du premier baptême civil auquel il officia.
Cette cérémonie étant terminée, je souhaiterais vous dire quelques mots
concernant l’historique du parrainage civil et l’essentiel de sa signification.
Déjà, au siècle de Voltaire, de nombreuses familles souhaitaient, mais ne
pouvaient pas, se tenir hors du sein de l’Église et l’inscription au registre du
baptême était le seul acte officiel. Les législateurs de 1794 comprirent qu’à
côté des institutions religieuses officialisant naissance, mariage, décès, il
manquait une cérémonie légale concernant le parrainage. C’est un texte
révolutionnaire qui, par la loi du 20 prairial de l’an II, institue la procédure
du baptême civil qui, dès son origine, de par la loi, possède une valeur officielle… cérémonie célébrée au nom du pouvoir civil, par un magistrat élu
tenant son autorité du suffrage universel. Il nous faut préciser que cette loi
votée sous la 1re République ne fut jamais reconduite par la suite.
Les lois fondamentales de la République ne prévoient dans les mairies
que trois registres d’état civil : naissance, mariage, décès.
Le parrainage civil s’est perpétué dans certaines régions, communes, et
recommence dans certains arrondissements de Paris.
Vous avez ce jour, C., avec vos parents, votre marraine et votre parrain,
fait ce choix, réfléchi, délibéré, d’élargir votre cercle familial vous permettant, par cette cérémonie, de créer un autre type de relation privilégiée avec
vos marraine et parrain. Vous trouverez avec eux des conseillers qui pourront le cas échéant vous aider et vous guider à l’entrée de votre vie
d’homme. Quand vous le souhaiterez, et cela se produira certainement,
vous trouverez auprès d’eux convivialité, solidarité, confiance, écoute attentive, respect de vos opinions et sentiments, mais aussi et surtout, affection,
protection et conseils lors de choix importants, et de difficultés inhérentes à
la vie d’adulte.
Quant à vous, Mme N, marraine et M. N, parrain de C, vous avez ce jour,
par cette cérémonie, le privilège de partager la responsabilité morale d’accompagner C dans son passage à l’âge d’adulte; de l’écouter, l’aider si c’est
nécessaire; de répondre à ses interrogations; de le guider dans ses choix s’il
vous sollicite; de le maintenir dans les valeurs fondamentales de notre
société issues de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Quant à vous, C, aux côtés de vos parents et de leur amour maternel et
paternel, vous avez maintenant, en plus, deux adultes et compagnons de
route, et je souhaite que celle-ci soit heureuse et réussie.

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