vivre ou survivre avec le rmi?

Transcription

vivre ou survivre avec le rmi?
Etude de milieu, juin 2009
IRTS de Franche-Comté
VIVRE OU
SURVIVRE
AVEC LE RMI?
Sous la direction de Monsieur Thierry Brugvin
Abisse Marie
Baule Alexandra
Giordano Marilou
Huot-Marchand Sophie
Kubiak Sophie
Moncamp Eloise
Peillex Amandine
Prudhon Sophie
Rigolot Chloé
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
5
METHODOLOGIE
7
I .DES THÉORIES DE LA PAUVRETE AU REVENU MINIMUM
16
A)Pauvreté et précarité
1.Définition
a) La définition de l'INSEE
b) D’un point de vue économique
c) Des définitions qui varient selon les auteurs
d) La définition que nous avons retenue.
2. Les formes de pauvreté
3. Définir la précarité
3.
L’intégration, La domination, L’interaction
4.
Approche de la disqualification sociale
5.
« la nouvelle pauvreté » et ses caractéristiques
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19
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21
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23
B) Des systèmes de protection sociale au RMI
1. Les formes de revenu minimum
a)
Système "bismarckien" et " beveridgien"
b) les différentes conceptions du minimum d'existence
2. Les débats autour du revenu minimum
a) Le revenu minimum, craintes et effets pervers
b) Avantages d'instaurer un revenu de base
3. En France : un dispositif original
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C) Le Revenu Minimum d’Insertion
1. Les conditions pour bénéficier du RMI :
a) La résidence en France
b) La condition d’âge : Avoir plus de 25ans
c) Les conditions de ressources
d) Le caractère subsidiaire RMI :
2. Ouverture de droit et calcul du RMI
3. Droits et obligations
4. Les conséquences de la décentralisation
34
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II. VIVRE AVEC LE RMI : DES DIFFICULTÉS ECONOMIQUES AU QUOTIDIEN
42
A) Les conditions de logement des allocataires du RMI
43
1. Les politiques publiques en faveur du logement
43
a) Le fonds de solidarité pour le logement (FSL)
44
b) Les aides de la Caisse l'Allocation Familiale (CAF)
44
c) Le droit au logement et à l'hébergement opposable
45
2. Quelles conditions de logement pour les bénéficiaires du RMI?
46
a) Les logements autonomes : une stabilité difficile
46
b) L'hébergement en collectivité : des situations fragiles
48
c) L'hébergement chez des proches : le recours au réseau de solidarité
48
d) Les sans domicile-fixes : une difficile estimation
50
e) L'enquête
50
3. Notre enquête exploratoire : les conditions de logement des bénéficiaires du RMI, à Besançon, en juin
2009
50
B) L'alimentation : un poste de dépense important dans le budget
1. Manger : à quoi cela sert-il ?
2. Les obstacles à une bonne alimentation
a) Le faible montant du RMI : un frein à une saine alimentation.
52
52
53
53
2
b) Le cas particulier des régimes alimentaires spécifiques
c) le risque de la « malbouffe »
d) Les conséquences d'une malnutrition
55
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58
C) Un rapport à la santé parfois compliqué
1. Le constat
2. Les déterminants de la santé
3. Les représentations sociales de la santé
4. Santé et précarité
5. Les facteurs sociaux, économiques et psychiques
6. L’emploi et la santé
7. L’accès aux soins
8. Analyse des donnés recueillies sur le terrain
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61
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D) Des besoins secondaires : loisirs, transport, éducation, habillement
1. Les loisirs
2. Les transports
a) L'automobile
b) Le bus : Ginko
c) Le train
3. L'Education
4. L’habillement
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74
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77
E) Budget d’un bénéficiaire du RMI
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III. VIVRE AVEC LE RMI : DES DIFFICULTES PSYCHOSOCIALES
81
A) Intégration, lien social et solidarité
1.Emile Durkheim et le lien social.
a)La solidarité mécanique
b)La solidarité organique
2. La question de l’intégration sociale
3. La solidarité associative à Besançon
82
82
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85
B) Le poids du RMI sur la psychologie des individus
1. La perte d'identité
2. Le regard des autres : la stigmatisation des bénéficiaires du RMI
a) la stigmatisation : E.Goffman...
b)...Et ses conséquences sur les bénéficiaires du RMI
2. La confiance en soi
4. Le RMI : un succession de difficultés
5. La place de l'entourage
4. Le RMI entre choix et contrainte
a) le RMI peut -il être vécu comme un choix?
b. Le RMI : une contrainte
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C) le travailleur social : soutien ou poids ?
1. Les bénéficiaires du RMI : une population hétérogène
2. Travailleur sociaux et bénéficiaires du RMI : des relations diversifiées
3. Les travailleurs sociaux : un soutien que l'on ne peut nier
4. Les limites de l'accompagnement social
5. Ce qu'en pensent les usagers
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108
109
112
Conclusion
115
BIBLIOGRAPHIE
118
3
4
INTRODUCTION
Au premier trimestre 2009, le taux de chômage en France atteignait 9,1% et après
trois années consécutives de légère baisse, le nombre de bénéficiaires du Revenu Minimum
d'Insertion est reparti à la hausse (plus 11000 personnes) s'établissant à 1,13 million de
personnes. Dans ce contexte, une part de plus en plus importante de la population se retrouve
dans une situation précaire. Cette tendance risque de s'accentuer avec la crise économique
actuelle. La création du Revenu de Solidarité Active, qui remplace le RMI depuis le 1er juin
2009, ne changera certainement pas beaucoup la situation. Comment peut-on vivre
financièrement et psychologiquement avec 454€ par mois?
Imaginant toutes les difficultés que cela peut générer, nous avons voulu approfondir la
question, afin de nous faire une idée plus concrète de ce que vivre au RMI peut représenter.
Peut-on vivre « normalement » avec le RMI ?, Vit-on ou survit-on avec le RMI? Vit-on tous
de la même manière avec le RMI? Autant de questions que nous nous sommes posés au début
de notre travail. Nous avons donc débuté notre exploration du sujet avec comme question
centrale : Peut-on acquérir une certaine qualité de vie avec le RMI seul ou subvient-on
seulement à ses besoins essentiels?
Tout au long de notre travail, nous avons choisi comme cadre théorique l’analyse de
Serge Paugam, sociologue français né en 1960, Directeur de recherche au CNRS et
responsable de l’équipe de recherche sur les inégalités sociales. Auteur de plusieurs ouvrages
sur la pauvreté et la précarité, il analyse ces phénomènes en termes de « disqualification
sociale » et « d’interaction ».
Avant toute chose il convient de définir ce que nous entendrons par « besoins
essentiels ». Maslow classe les besoins en cinq niveaux : besoins physiologiques (nécessaires
à la survie de la personne), besoin de sécurité (besoin d’un abri, sécurité des ressources,
sécurité morale et psychologique, stabilité familiale et affective, santé),
besoin de
reconnaissance et d’appartenance sociale (intégration et considération sociale, identité
sociale), besoin d’estime (respect, valorisation par l’activité, expression des idées) et besoin
d’accomplissement (apprendre, communiquer, s’occuper). Dans notre travail, nous avons
considéré comme essentiels les besoins physiologiques, de sécurité, de reconnaissance et
d'appartenance sociale. Ainsi nous aborderons des aspects économiques, sociaux et
psychologiques.
Pour les bénéficiaires du RMI, satisfaire ces besoins essentiels peut s’avérer plus ou
5
moins complexe selon les individus. D’un point de vue purement économique, les difficultés
sont partagées par la majorité, mais d’autres paramètres entrent en jeu. Selon les normes et
valeurs des individus, leur milieu d’origine, leur expérience, leur réseau social ou encore leur
fragilité psychologique, être bénéficiaire du RMI ne sera pas vécu de la même manière. Après
plusieurs modifications nous avons élaboré notre travail autours de cette question : comment
les bénéficiaires du RMI peuvent-ils subvenir à leurs besoins essentiels malgré des difficultés
qui varient en fonction des dispositions individuelles psychologiques, économiques, sociales
et culturelles ?
Après avoir exposé notre méthodologie de travail, dans une première partie nous
amènerons quelques éléments théoriques sur la pauvreté en s’appuyant notamment sur
l’analyse de Paugam. Nous retracerons rapidement l’histoire et les débats inhérents à la
création d’un revenu minimum pour arriver au RMI français. Par la suite, nous nous
attacherons à décrire les difficultés économiques quotidiennes rencontrées par les
bénéficiaires du RMI face au logement, à l’alimentation, à la santé, au transport, aux loisirs, à
l’habillement et à l’éducation. Partant de là, nous nous pencherons sur les conséquences
psychosociales et culturelles à travers les questions d’intégration, de solidarité, de confiance
en soi, de regard des autres, de stigmatisation…Pour finir par la place du travailleur social
dans la prise en charge de ces personnes.
6
METHODOLOGIE
1) Organisation du temps : carnet de bord
•
Mardi 26/05 : Première rencontre avec Mr. BRUGVIN : Élaboration d'un planning
avec dates de rencontre avec l’animateur, brainstorming sur le thème du RMI,
rédaction des prémices.
•
Du mercredi 27/05 au vendredi 29/05 : Elaboration du questionnaire et de la grille
d'entretien, partage des thèmes théoriques à étudier et début des recherches et lectures.
•
Vendredi 29/05 : correction de notre travail (questionnaire et entretien) par Mr.
BRUGVIN et impression des questionnaires.
•
Du lundi 01/06 au mardi 09/06 : passation des questionnaires et des entretiens sur le
terrain. Nous nous sommes rendus dans différentes lieux en groupes de 2 ou 3
personnes. Entretien avec des travailleurs sociaux. Recueil d'informations théoriques
et rédaction toute au long de la semaine.
•
Vendredi 05/06 : rencontre avec Mr Brugvin : confrontation de nos idées et
élaboration du plan définitif et attribution d’un chapitre à rédiger à chaque membre du
groupe.
•
Mardi 09/06 : entrée des données du questionnaire recueillies sur le terrain avec le
logiciel Modalisa.
•
Mercredi 10/06 : analyse des données des questionnaires et des entretiens avec
l’animateur. Reformulation de l’hypothèse de départ. Méthodologie de l’introduction
et de la conclusion.
•
Jeudi 11 au lundi 15/06 : rédaction individuelle des parties et mise en commun.
7
•
Mardi 16/06 : rédaction de l’introduction, de la conclusion et de la méthodologie.
Rendu d’une première version de notre dossier à Mr Brugvin.
•
Mercredi 17/06 : correction de notre écrit avec l’animateur pour déterminer des
modifications éventuelles.
•
Jeudi 18 et vendredi 19/06 : corrections et mise en page.
2) lieux de passation des questionnaires et des entretiens :
- Lieux d’accueil de personnes en grande précarité, notamment de Sans Domicile Fixe :
la buanderie à Saint Ferjeux
la boutique de Jeanne Antide au centre ville
- Epicerie sociale et banque alimentaire :
« brûlard ensemble » à la Grette
« le p’tit marché » à Planoise
« entr’aide Ozanam » à Saint Claude
« Potage et Papotages » à Palente
« Croq’Soleil » à Clairs soleil
« la Maison des Chômeurs » à Montrapon
« croix rouge française » au centre ville.
- Agir contre le chômage
- Secours catholique
- Secours populaire
- Caisse d’Allocations Familiales
- Point d’accueil RSA à Planoise
- Pôle Emploi à Planoise
- Intermed’ (agence d’intérim d’insertion)
3) Difficultés
a) Pourquoi tous ces lieux d’investigation ?
8
Au départ, nous avions pour consigne de rester sur le quartier de Planoise pour la
distribution des questionnaires ainsi que la passation des entretiens. Or, dès le premier jour
passé sur le terrain, nous nous sommes rendu compte qu'il allait être très difficile de remplir
cent questionnaires et de trouver dix personnes intéressées par un entretien (en seulement une
semaine), puisqu'en trois heures nous ne sommes parvenues à remplir que deux questionnaires
par personne. Nous aurions pu marcher dans le quartier et aborder les gens que nous croisions
mais nous trouvions cette démarche beaucoup trop stigmatisante pour les personnes.
Nous avons donc fait le choix d’enquêter sur les lieux connus pour accueillir des
personnes en difficulté et leur venir en aide dans tout Besançon. C'est ainsi que nous avons été
au siège social de la banque alimentaire afin d'obtenir l'adresse de tous les lieux de
distribution alimentaire, nous avons recherché les associations de distribution de vêtements,
les lieux d'hébergement...
b) Obtenir un nombre significatif de questionnaires et d'entretiens
Malgré cet élargissement de notre territoire de recherche, nous avons seulement pu obtenir
80 questionnaires. Les données quantitatives obtenues sont donc à relativiser et à utiliser avec
précaution puisqu'elles ne peuvent représenter l'intégralité de la population étudiée. Nous
avons donc eu du mal, dans certaines parties, plus que d'autres, à exploiter ces données. En
effet, pour certaines questions, seuls une dizaine d'individus ont répondus, ce qui a rendu la
tâche encore plus difficile. Cela s'explique surtout par un manque de temps, nous ne
connaissions pas les adresses utiles, il nous a donc fallu un certains temps d'organisation.
Nous avons déposé des questionnaires auprès de travailleurs sociaux amenés à rencontrer
des bénéficiaires du RMI et près à nous aider (des employés du CCAS, un membre de
l'association « Agir contre le chômage » et deux CESF travaillant dans des épiceries sociales).
Cependant les délais que nous leur donnions étaient beaucoup trop courts pour qu'ils aient le
temps de faire remplir un nombre significatif de questionnaires.
A cela s'ajoute la désorganisation des services sociaux suite à la mise en place du RSA,
qui a eu lieu mardi 2 juin. Les travailleurs sociaux étaient débordés et n'avaient donc guère de
temps à nous accorder. D’où le refus du CCAS de nous permettre d’interroger les usagers au
sein de leur structure. Parallèlement les allocataires étaient surpris et avaient parfois du mal à
comprendre pourquoi notre enquête portait sur le RMI au moment où, ils devenaient
allocataires du RSA. Nous avons donc dû leur expliquer que l’on s’intéressait à leur parcours
de bénéficiaires du RMI sans tenir compte du récent changement de dispositif.
9
Certains bénéficiaires ne préféraient pas répondre à nos questions pour différentes raisons
comme la peur d’être stigmatisés, la pudeur de parler en présence d’autres personnes
(promiscuité des lieux de rencontre), etc.
En ce qui concerne les entretiens, face aux difficultés pour rencontrer des bénéficiaires du
RMI, nous avons principalement interrogé des personnes issues de nos propres réseaux
sociaux ou orientées vers nous par des travailleurs sociaux. Ceux-ci ont organisé les
rencontres avec les usagers (dates, locaux…).
c) Analyse des questionnaires
Nous avons fait le choix de débuter notre travail par l’élaboration du questionnaire et
de l’entretien étant donné que notre planning, déjà bien rempli, ne nous permettait pas de
réaliser une enquête préliminaire sur le terrain. Ainsi, lors de l'analyse des questionnaires nous
nous sommes rendues compte qu'il y avait plusieurs paramètres que nous n'avions pas pensé à
prendre en compte :
−
Pour la question dans laquelle nous demandons aux personnes de classer par ordre de
priorité dans leur budget différents items comme l'alimentation ou les loisirs, nous nous
sommes aperçues que nous ne parlions pas de chauffage, d'électricité, d'eau ni de
téléphone. Dans ce contexte, nos résultats ne peuvent pas être très concluants et nous
avons eu du mal à les inclure dans notre écrit. Dans la même question, nous demandions
aux personnes d'essayer de quantifier leurs dépenses par mois pour chaque item. Il est vrai
que nous pensions que les personnes vivant avec très peu d'argent devaient savoir ce
qu'elles dépensaient. Or cette idée de départ s’est avérée fausse puisque seules quelques
personnes sont parvenues à nous décrire précisément leur budget. Analyser les résultats
obtenus a été d'autant plus difficile.
−
Nous avons posé des questions très fermées auxquelles les personnes ne pouvaient
répondre que par « oui » ou « non ». Il est difficile de se positionner aussi clairement,
surtout
pour
des
questions
qui
abordent
l'aspect
psychologique
comme
« L'accompagnement lié au RMI vous pèse-t-il ? ». Souvent, les personnes interrogées
hésitaient et finissaient par nuancer leur réponse par « un petit peu » ou « ça dépend ».
Nous ne sommes donc pas certaines que la réponse sélectionnée reflète réellement leur
pensée. Avec le recul, nous savons que nous aurions du proposer des réponses alternatives
à « oui » ou « non ».
−
La question n°9 : « Bénéficier du RMI, est-ce pour vous un choix ou une contrainte ? »
10
nous a également posé problème. En effet au départ il nous paraissait important d'avoir ce
renseignement, mais une fois en face des gens, sur le terrain, nous la trouvions vexante. Il
nous est donc arrivé de ne pas la poser et de cocher la réponse « une contrainte » nous
même parce que cela nous paraissait évident et que nous craignions une mauvaise réaction
de la part de la personne.
Les recherches théoriques demandent beaucoup de temps et de concentration, étant donné
que le sujet que nous abordons nous était pratiquement inconnu jusqu'alors. Par ailleurs,
nous avions très peu de temps pour prendre connaissance de la masse d'informations
existant sur le sujet.
4. Ce que cela nous a apporté
Tout d'abord, cette étude nous a permis de rencontrer et de travailler avec des personnes
nouvelles issues d’autres formations, ce que nous avons trouvé très enrichissant.
Les rencontres avec les bénéficiaires du RMI ont été très intéressantes.
Le travail sur le terrain nous a donné un avant-goût de notre profession, puisque le public
rencontré, en situation précaire constitue une partie importante des usagers des services
sociaux.
Ensuite, cette étude de milieu nous a permis d’enrichir notre connaissance du dispositif RMI,
ainsi que des différents acteurs qui y participent.
5. Analyse des résultats des questionnaires
Le logiciel Modalisa nous a permis de représenter les données chiffrées sous forme de
diagramme, nous présentons ceux qui nous paraissent les plus pertinents.
35. Sexe
Les hommes et les femmes ayant répondu à
0,0%
notre questionnaire sont représentés à part
égale.
50,0%
50,0%
Ces données sont représentatives de la
moyenne nationale puisqu’on compte à peu
près autant d’hommes que de femmes
Non réponse
Femme
Homme
bénéficiaires du RMI.
11
37. Situation familiale
18,8%
0,0%
1,3%
50,0%
18,8%
11,3%
Célibataire
Concubin(e)
divorcé
veuf
pacsé(e)
marié(e)
La moitié des bénéficiaires interrogées sont célibataires. De plus 18,8% sont des personnes
divorcées. On compte donc une majorité de personnes vivant seules (68,8%).
38R2. Nombres d'enfants à charge (Num -> Unique)
2,6%
2,6%
1,3%
1,3%
7,7%
42,3%
20,5%
21,8%
0
1
2
3
4
5
6
7
Ces données ne permettent pas de dégager un modèle familial général. On peut donc en
conclure que les foyers bénéficiaires du RMI sont de composition différente. Le RMI peut
concerner tout type d famille.
36R3. Classes sur Age
12,7%
22,8%
38,0%
26,6%
Moins de 30
de 30 à moins de 40
de 40 à moins de 50
50 et plus
12
1R2. Classes sur Ancienneté du RMI / 36R3. Classes
sur Age
13,9%
Moins de 30
de 30 à moins de
40
10,1%
de 40 à moins de
50
50 et plus
8,9%
6,3%
1,3%
0%
Moins de 1
15 et plus
8,9%
7,6%
19,0%
6,3%
3,8%
6,3%
25%
de 1 à moins de 5
1,3% 5,1%
50%
de 5 à moins de 10
1,3%
75%
100%
de 10 à moins de 15
Le premier graphique montre que la plus grande classe est celles des personnes âgées de 40 à
50 ans, ces personnes sont donc les plus touchées par le manque d’emploi.
Dans le second graphique, nous avons croisé l’âge des bénéficiaires avec la durée de présence
dans le dispositif. On peut ainsi remarqué que plus les personnes sont âgées, plus sortir du
RMI semble difficile.
4. Accompagnement social
27,5%
72,5%
OUI
NON
La question posée était : « Vous sentez vous bien accompagné par les services sociaux ? »
On peut ainsi remarquer que la majorité des personnes interrogées se sentent bien
accompagnées. Une réserve est notamment à émettre : certaines personnes se sont peut-être
senties obligées de répondre oui.
13
5. Accompagnement social2
1,3%
42,5%
56,3%
Non réponse
OUI
NON
La question était : L’accompagnement RMI vous pèse-t-il ?
Cet accompagnement étant régulier et les personnes devant justifier leurs dires, on peut
comprendre que celui-ci puisse être pesant. Cette notion dépend uniquement de la dimension
personnelle du bénéficiaire justifiant les résultats quasi équivalent.
6. quelles ressources ?
36,3%
46,3%
8,8%
10,0%
Allocations CAF
autres
Salaire
aucune
6,3%
Revenus non déclarés
La majorité des allocataires interrogés ne bénéficient d'aucune ressource supplémentaire. En
fonction de la composition familiale; certains foyers disposent d'allocations familiales. En ce
qui concerne les revenus non déclarés, ces données sont à relativiser car nous pensons que
certaines personnes n'ont pas osé avouer qu'ils travaillent "au noir".
14
14. Conditions de logement
3,8%1,3%
17,5%
0,0%
77,5%
Non réponse
Locataire
Propriétaire
Hébergé
Sans domicile
La plupart des personnes interrogées sont locataires.
Les personnes ne situation d'hébergement et sans domicile représentent tout de même 21,3%
(17,5 + 3,8), on peut en conclure que l'accès au logement pour les bénéficiaires du RMI reste
difficile.
15
I .DES THÉORIES
DE LA PAUVRETE
AU REVENU
MINIMUM
16
A)Pauvreté et précarité
1.Définition
a) La définition de l'INSEE
Un individu ou (un ménage) est considéré comme pauvre quand son niveau de vie est
inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil était fixé habituellement à 50 % du niveau de vie
médian en France, tandis qu’Eurostat (organisme européen) privilégie le seuil de 60 %.
Le niveau de vie médian coupe la population en deux entre ceux qui gagne le moins et ceux
qui gagne le plus.
b) D’un point de vue économique
En économie, la pauvreté est abordée de deux manières différentes. Il y a d’abord la pauvreté
absolue ; celle-ci concerne les personnes qui ne bénéficient pas de ressources permettant de
satisfaire leurs besoins dit « essentiels ».
En France, en 2002, l'estimation était d'environ 10 euros par jour. Bien que les Etats-Unis et le
Canada utilisent cette méthode, celle-ci est davantage appropriée aux pays en développement.
Ensuite il y a la pauvreté relative :
La pauvreté relative s'établit par comparaison avec le niveau de vie moyen du pays dans
lequel on se trouve. Après avoir déterminé le revenu médian (revenu séparant la population en
deux parties égales), on la définit alors par rapport à une proportion de ce revenu médian.
Ci-dessous un tableau de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques)
considère qu'un ménage est pauvre si son revenu est inférieur à 50% du revenu médian
français par unité de consommation. Le taux est de 60% pour Eurostat (service statistique de
la Commission européenne).
17
Taux de pauvreté1
En %
1970
1975
1979
1984
1990
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
seuil à 60%
17,9
16,6
14,2
13,5
13,8
13,5
13,4
12,8
12,3
12,7
12,4
12,2
seuil à 50%
12,0
10,2
8,3
7,7
6,6
7,2
6,9
6,7
6,4
6,5
6,1
6,0
2002 rétropolée*
2003
2004
2005
12,0
12,0
11,7
12,1
5,9
6,3
6,2
6,3
2005*
2006
13,1
13,2
7,1
7,1
Les modèles économiques s'appuient sur la croissance économique. Du point de vue
d'un entrepreneur, ce qui est important n'est pas d'augmenter le chiffre d'affaires, mais de faire
le maximum de profit, même si cela demande de diminuer la masse salariale. Ainsi, la
recherche de gain de productivité peut s'accompagner dans certains cas d'une réduction des
emplois ce qui peut amener au chômage et à la pauvreté.
c) Des définitions qui varient selon les auteurs
Selon Townsend, "Les individus, familles ou groupes de la population peuvent être
considérés en état de pauvreté quand ils manquent des ressources nécessaires pour obtenir
l'alimentation type, la participation aux activités et avoir les conditions de vie et les
1
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATSOS04402
Notes: La série comporte deux ruptures : l'ERF 2002 rétropolée correspond, avec les enquêtes suivantes, au début d'une
nouvelle série de statistiques sur les revenus, s'appuyant sur les résultats de l'enquête Emploi en continu, l'ERFS 2005
correspond au début d'une nouvelle série qui intègre les prestations sociales réelles (elles étaient imputées auparavant) et
assure une meilleure couverture des revenus du patrimoine. Champ : personnes vivant en France métropolitaine dans un
ménage dont le revenu déclaré au fisc est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante. Sources : InseeDGI, enquêtes Revenus fiscaux 1970 à 2005, Insee-DG Fip-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2005
et 2006.
18
commodités qui sont habituellement ou sont au moins largement encouragées ou approuvées
dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. Leurs ressources sont si significativement
inférieures à celles qui sont déterminées par la moyenne individuelle ou familiale qu'ils sont,
de fait, exclus des modes de vie courants, des habitudes et des activités".2
D’après Georges Simmel, « le fait que quelqu’un soit pauvre ne signifie pas encore
qu’il appartienne à la catégorie spécifique des pauvres. Il peut être un pauvre commerçant, un
pauvre artiste, ou un pauvre employé, mais il reste situé dans une catégorie définie par une
activité spécifique ou une position ». Et il ajoute : « C’est à partir du moment où ils sont
assistés, peut-être même lorsque leur situation pourrait normalement donner droit à
l’assistance, même si elle n’a pas encore été octroyée, qu’ils deviennent partie d’un groupe
caractérisé par la pauvreté. Ce groupe ne reste pas unifié par l’interaction entre ses membres,
mais par l’attitude collective que la société comme totalité adopte à son égard. Par
conséquent, la pauvreté ne peut, dans ce sens, être définie comme un état quantitatif en ellemême, mais seulement par rapport à la réaction sociale qui résulte d’une situation
spécifique.»3
Selon serge Milano, "la pauvreté absolue évoque un niveau de vie minimum, identique
en tous lieux et en tous temps. La pauvreté relative évoque, au contraire, un niveau de vie
normal ou courant, variable avec l'époque et avec la société". Mais la distinction entre
pauvreté absolue et pauvreté relative n'est pas seulement conventionnelle. Le débat n'a pas
pour seul effet une différence de dénombrement des personnes concernées, mais renvoie à des
perceptions différentes du phénomène et donc des politiques sociales à conduire.4
d) La définition que nous avons retenue.
Etre pauvre c’est manquer de ressources matérielles suffisantes comme le manque d’argent,
de logement de nourriture, etc. Les conditions de vies d’une personne pauvres ne permette nt
pas de vivre de manière digne selon les droits légitime et vitaux de la personne humaine, ceci
la condamne à survivre péniblement au jour le jour.
2
Poverty in the United Kingdom - A survey of Household Resources and Standards of Living. Penguin books,
1979.
3
"Les pauvres", G. Simmel, Paris, PUF, 1998, 1ère publication en 1907
4
La pauvreté dans les pays riches Serge Milano, Nathan, 1992.
19
La pauvreté est généralement non souhaitée et génère des souffrances physique et
psychologique. Elle a une signification tout autre dans un contexte religieux ; faire vœu de
pauvreté par exemple dans les ordres catholiques, renoncer à tout bien matériel est considérée
comme préalable à une écoute idéale de Dieu. La religion catholique, effectue une distinction
importante entre "pauvreté" et "misère", mais cette distinction n'est pas pertinente au niveau
de la lutte politique contre la pauvreté sous toutes ses formes
La pauvreté peut toucher des personnes isolées comme des groupes et populations entières ;
elle est plus présente dans les pays en développement, mais elle existe également dans les
pays développés. Les États mènent des politiques d’aide aux pays pauvres (économie du
développement) et, pour leurs propres citoyens, mettent en place des programmes d’aide
sociale pour réduire ou supprimer la pauvreté.
2. Les formes de pauvreté 5
Serge Paugam distingue trois formes de pauvreté :
• La pauvreté intégrée est la situation de pays ou de régions qui sont économiquement
en retard ; là-bas la pauvreté existe, elle est très répandue. Les pauvres n’y sont pas
stigmatisés et bénéficient de la solidarité familiale ou de la socialisation par une
pratique religieuse qui reste intense. L'économie informelle est particulièrement
développée. C'est une pauvreté sans exclusion.
• La pauvreté marginale correspond à la pauvreté d'une petite partie de la population au
sein d'une société prospère. Ces pauvres, considérés comme des « cas sociaux »
inadaptés au monde moderne sont fortement stigmatisés.
• La pauvreté disqualifiante concerne les sociétés post-industrielles touchées par des
difficultés économiques. Les pauvres sont considérés à travers l'image de la chute ou
de la déchéance. L'angoisse du chômage et de l'exclusion touche une grande partie de
la société.
En France, il apparaît que la pauvreté disqualifiante est dominante.
5
Les formes élémentaires de la pauvreté, PUF, "Lien social (le)", 2005
20
3. Définir la précarité
La notion de précarité comme " pauvreté potentielle " (donc complètement distincte de la
pauvreté) inclut l'idée d'instabilité et de fragilité. Prenons l’exemple du revenu, il peut être le
sujet à des variations que l’on ne peut pas prévoir. Il en est de même pour la précarité.
La précarité est devenue un phénomène important au cours de la transformation
sociétale dite " postfordiste " qui s'est mise en place depuis la fin des années 70. Cette
transformation est caractérisée par une tendance à l'aggravation de la " déchirure sociale "
(Centralisation des revenus, dégonflement des couches moyennes, déréglementation des
contrats collectifs, segmentation du marché du travail, prolifération de contrats précaires :
intérim, à durée déterminée, temps partiel).
La notion de précarité renvoie donc, en utilisant la terminologie de Pierre Bourdieu, à
la " misère de position " (sentiment d'être attiré vers le bas, dans un mouvement qui nous
échappe) plutôt qu'à la " misère de situation " (pauvreté objective).
3. L’intégration, La domination, L’interaction
Lorsque l’on parle d’intégration, on envisage la société comme un ensemble ordonné où
chaque élément qui la constitue joue un rôle particulier dans son fonctionnement. La société
est donc considérée comme un système, c'est-à-dire un ensemble d’éléments interdépendants.
La perspective sociologique consiste alors à étudier les mécanismes qui permettent à cette
société de fonctionner correctement.
Valorisé par cette optique, c’est l’équilibre social. Le conflit est toujours un aspect
secondaire. Par exemple, dans les travaux s’attachant au rôle de l’éducation, on retrouve cela
car l’éducation permet d’intérioriser les normes et les valeurs valorisées socialement et ainsi
trouver leur place dans la société en question.
La domination : lorsque ce thème domine, la société est alors envisagée comme une structure
fortement hiérarchisée. Dès lors, l’accent est mis sur les inégalités présentes dans la société et
cela d’au moins trois natures : Economique, Social, Politique.
Il existe donc une distribution inégale des richesses, du prestige et du pouvoir. D’autre part,
ces inégalités se reproduisent et durent dans le temps. Karl Marx montre cet antagonisme
entre les classes sociales. Chez Weber, il y a différentes modalités de domination. Chez
Bourdieu, il y a une inégale répartition des capitaux.
21
Lorsque l’interaction domine la recherche sociologique, la société est alors conçue comme
reposant sur un ensemble de relations réciproques entre les individus et groupes d’individus.
Ces relations (interactions) répondent à un certain nombre d’exigences, de codes censés être
intériorisés par les membres de la société et elles exercent une contrainte forte sur les
individus et groupe d’individus concerné.
On met donc l’accent sur les effets produits par ces interactions aussi bien au niveau
individuel que collectif. Les sociologues mettent l’accent sur les relations de face à face. Le
nombre d’acteurs mis en présence est très réduit. L’échange verbal ne résume pas l’ensemble
de ces rapports : la réaction, le comportement constitue des signes pour l’interlocuteur. Ainsi,
on remarque que l’on ne se conduit pas de la même façon avec des individus que l’on côtoie
régulièrement qu’avec des individus que l’on voit pour la première fois ou des individus
n’ayant pas la même catégorie sociale. Les attitudes sont adaptées à la situation. Par exemple,
on peut étudier les interactions entre les citadins et le milieu urbain. L’interaction est, ici, très
globale. Autre exemple, on peut étudier la manière dont les individus travaillent à la
construction des normes de façon à contraindre les autres individus à agir différemment. Il y a
interaction entre les individus qui créent les lois et ceux qui la subissent.
4. Approche de la disqualification sociale6
Serge Paugam voit la pauvreté comme la situation d’une personne démunie
matériellement. La pauvreté correspond à une situation sociale particulière que l’on peut
caractériser par un statut d’infériorité et qui dévalorise ceux qui en sont victimes. Elle marque
profondément l’identité de ceux qui la vivent. Dans notre société, une situation de pauvreté
correspond à une situation humiliante auprès de ceux qui en ont été victimes. La
disqualification sociale correspond aux déconsidérations dont sont victimes les personnes qui
ne participent pas pleinement à la vie économique et sociale.
L’étude sociologique de la disqualification sociale nous renvoie à 3 éléments
principaux. Tout d’abord, à l’étude des statuts sociaux des personnes pauvres. Il s’agit alors
d’étudier les rapports sociaux qui lient les personnes pauvres entre elles mais également avec
les personnes « d’un autre monde ».
6
La disqualification sociale, PUF, "Quadrige", 2009
22
Très clairement, Serge Paugam s’est intéressé aux expériences de la pauvreté et au sens que
les individus attribuaient à ces expériences.
Il cherche à lever l’ambigüité qui plane sur la notion de pauvreté : au lieu de rendre compte de
la pauvreté de façon globale, il faut montrer les différentes facettes de la pauvreté.
5. « la nouvelle pauvreté » et ses caractéristiques
Dans « la disqualification sociale : essai sur la nouvelle pauvreté » publié en 1991, S.
Paugam essaie de caractériser cette pauvreté. Elle présente 2 aspects ; Elle résulte de la
dégradation du marché de l’emploi : d’une part, la forte croissance du chômage et en
particulier du chômage de long terme et d’autre part, la multiplication des emplois instables
(emplois atypiques).
L’auteur renvoie aussi à l’affaiblissement des liens sociaux. Cela désigne la hausse du
divorce et le déclin des solidarités de classe et de proximité.
A partir de 1970, ce qui fonctionnait auparavant comme des groupes sociaux constitués et
solidaires ont connu un relatif déclin et il n’existe plus de liens communautaires populaires.
Bref, il n’existe plus de liens de solidarité forte entre les membres d’un même groupe social.
Les solidarités fondées sur le voisinage ont été fortement remises en cause. Pourquoi parle-ton d’une nouvelle pauvreté ? Depuis 1980, les populations caractérisaient par cette nouvelle
pauvreté ne sont pas des populations incapables de travailler issus de famille pauvre ni
caractérisé par des handicaps particuliers. Ce sont simplement des personnes qui sont mis à
distance de l’emploi essentiellement ouvrier (mais aussi professions intermédiaires et cadres).
Ce sont des personnes en retrait de la vie sociale qui connaisse une crise identitaire avec
problème psychologique et avec rupture familiale plus ou moins durable. Les anciens pauvres
ndes personnes souffrant de difficultés économiques à cause du système de répartition.
Des femmes, aussi, n’ont bien souvent pas été actives : elles ne reçoivent que des revenus
minimum ou pension de réversion. Les nouveaux pauvres présentent un affaiblissement des
ressources financières voire l’insuffisance ou l’absence d’un revenu. Ces personnes
connaissent une précarisation de leur condition de vie, elles ont recours au service d’action
sociale pour obtenir des aides financières. Ils sont menacés par une rupture totale vis-à-vis de
la société lorsqu’il n’existe plus de perspectives d’emploi stable et ces individus sont aussi
victimes d’un sentiment d’inutilité dans la société.
23
La recherche qui a servi de fondement à la recherche de Paugam s’est déroulée à St
Brieux dans les années 20. Il s’agissait d’une enquête par entretien auprès des personnes
fréquentant les services d’action sociale. L’auteur a dégagé 3 types de bénéficiaires qu’il a
nommé : les personnes fragiles, assistés et marginales. Mais, chacune de ces populations se
subdivisent à nouveau en sous population ce qui fait qu’il y a 7 types d’expérience. Pour
l’auteur, ces 3 grands types de population correspondent à 3 phases différentes dans le
processus de disqualification et ces 3 phases sont jalonnées par des transformations des
conditions de vie et des identités sociales des personnes concernées.
Après avoir étudié les différentes théories de la pauvreté, il convient à présent de se
pencher sur les concepts en lien avec le revenu minimum.
24
B) Des systèmes de protection sociale au RMI
L'un des éléments constitutifs d'une société humaine est le fait qu'elle puisse prendre
en charge ses éléments les plus défavorisés, afin de leur assurer un minimum d'existence,
dans des limites très variables : en effet, si l'on regarde à travers le temps et l'espace c'est un
phénomène persistant. Les grandes communautés religieuses anciennes ou contemporaines
(bouddhiste, musulmane, chrétienne) comme les institutions laïques ont toutes des éléments
philanthropiques, tant dans les discours que dans l'action.
De l'Antiquité à la Renaissance, les personnes économiquement faibles ; handicapées
et âgées ont bénéficié d'aides de la part de divers intervenants.
Mais présent dans les faits, le revenu minimum ne l'est pas encore dans les esprits au
moins, jusqu'à la Renaissance. Il apparaît indirectement dans les grandes utopies dans la
mesure où elles posent la question de la "justice sociale".
Ainsi, Thomas More, dans son Utopia, imaginait déjà un revenu minimum. Afin de
lutter contre les vols commis pour ne pas mourir de faim, un grand voyageur Raphaël suggère
à l'archevêque une politique pour lutter contre ce fléau : "Assurez plutôt à chacun, lui dit-il,
un revenu minimum garanti, et puis si, comme il est probable, il reste des voleurs, traitez-les
de manière plus douce que les meurtriers"7.
Dès le XVIe siècle, des lois sur les pauvres instaurent un revenu minimum en Ecosse
(1579), et en Angleterre (1601). A la fin du XVIIe siècle, Thomas Paine est le premier à
proposer un revenu universel, limité alors au monde agricole. Dès le XVIIIe siècle, dans les
pays nordiques, une législation d'assistance voit le jour, avec une obligation de travail en
contrepartie de l'aide pour le bénéficiaire.
Si dès la deuxième moitié du XXe siècle, des formes de revenu minimum se
développent un peu partout, néanmoins des divergences idéologiques s'expriment largement
sur les modalités de sa mise en œuvre, ses formes, son niveau et son financement.
7
T. MORE, L' Utopie, collection philosophie, Librio
25
1. Les formes de revenu minimum
a) Système "bismarckien" et " beveridgien"8
Avec la révolution industrielle, et l'évolution des rapports sociaux et économiques, se
créent progressivement des systèmes de protection sociale. Deux grands modèles se
distinguent alors.
- Modèle bismarkien9 : les travailleurs renoncent à une partie de leur rémunération présente
pour constituer un fond qui interviendra dans le paiement des soins de santé dont ils pourront
avoir besoin et qui leur fournira un revenu lorsqu'ils arriveront à la retraite, ou qu'un accident,
la maladie ou le chômage les empêchera de travailler. C'est un système d'assurance sociale
mit en place par Bismarck en Allemagne.
- Modèle beveridgéen10 : tous ceux percevant des revenus du travail ou du capital renoncent
obligatoirement à une partie de leurs revenus pour constituer un fond qui fournira à tout
membre de la société un niveau minimum de ressources y compris la prise en charge des soins
de santé. Ce minimum est garanti à tout citoyen dans le système de sécurité sociale mis en
place en Grande Bretagne après la seconde guerre mondiale suite à un rapport de la
commission présidée par Beveridge. La notion de solidarité est au centre de cette vision du
système social.
Le "revenu minimum garanti" (RMG) peut être selon le système, complétif11, c'est à
dire s'insérer dans une protection sociale existante et la compéter, ou substitutif12, c'est à dire
remplacer les prestations existantes pour fonder une nouvelle sécurité sociale.
Au départ dans un système bismarckien on retrouvera plutôt un revenu minimum complétif. Il
vient compléter la protection sociale existante lorsque celle-ci n'est plus suffisante afin de
permettre à chacun d'atteindre des conditions de vie décentes. On parlera de "dernier filet de
8
Concepts tirés de MILANO, Serge, Le revenu minimum garanti dans la CEE, PUF, Que-sais-je?
N°2479 Paris, 1989,
9
Concept tiré de MILANO, Serge, Le revenu minimum garanti dans la CEE, PUF, Que-sais-je? N°2479
Paris, 1989,
10
ibid
11
ibid
12
ibid
26
protection sociale".13
A l'inverse dans le système beveridgien, il s'agit d'un revenu universel, ou substitutif.
Il est limité à certains risques (santé, famille, vieillesse) mais destiné à l'ensemble de la
population. De ce fait son coût étant plus élevé, il offre des prestations moindres.
Milano explique ainsi" alors que Bismarck part de l'assurance pour aboutir à l'assistance,
Beveridge renverse cette logique et fait des assurances sociales un mécanisme d'assistance
universelle"14.
Mais les transformations qui ont marqué l'économie, le travail et la famille au cours du
XXe siècle ont altéré ces deux systèmes. Ils ont convergé sur de nombreux points et cela
conduit à définir une nouvelle typologie des systèmes de protection sociale, en fonction de
leur conception du revenu minimum et des modalités de sa mise en œuvre.
b) les différentes conceptions du minimum d'existence
On peut noter trois sources de droit qui sont combinées dans les systèmes de
protection sociale.
Le travail tout d'abord : il doit procurer un minimum de moyens d'existence. Sa perte
provisoire (maladie, chômage), ou définitive (handicap, retraite) doit s'accompagner d'un
revenu de remplacement proportionnel au revenu d'activité antérieur dont le financement
repose sur des cotisations elles-mêmes proportionnelles au revenu antérieur. C'est une forme
de "protection limitée à la couverture de risques, c'est à dire d'évènements aléatoires qui
relèvent de l'assurance"15.
La citoyenneté ensuite, c'est la source de droit la plus ancienne. Chaque citoyen a droit
à un minimum d'existence garanti par la société afin de lui assurer une vie digne, dès lors qu'il
rencontre des difficultés. Ce droit se concrétise par des formes d'aides sociales spécifiques,
une aide sociale généralisée garantissant le "minimum social", ou le mélange des deux. Ces
prestations sont liées aux ressources de la personne et de son foyer. Elles sont financées par
l'impôt. C'est une protection sociale redistributive et assistancielle.
Troisième source de droit, la solidarité sociale : l'enfance, la famille, le handicap, la
vieillesse, le chômage de longue durée et la santé nécessitent des politiques spécifiques que
l'assurance et l'assistance par leur dimension monétaire ne peuvent prendre en charge
totalement. Un exemple, les allocations familiales : l'assistance compense le coût de l'enfant,
13
14
ibid
MILANO, Serge, Le revenu minimum garanti dans la CEE, PUF, Que-sais-je? N°2479 Paris, 1989
27
et la fonction solidaire redistribue en faveur des familles les plus pauvres. Ainsi la solidarité
est "le pôle social d'une protection régulatrice"16.
Ces trois pôles de protection sociale sont plus ou moins importants selon les pays.
La solidarité qui est mise en œuvre révèle des philosophies et des visées très différentes de la
protection sociale, et des conceptions divergentes du revenu minimum d'existence. On peut
les classer en quatre types :
Tout d'abord, un type constitué par le mélange d'un financement public et de
prestations sans conditions de ressources. C'est le cas de l'assistance, qui vise dans la
protection sociale la satisfaction d'un minimum de besoins identiques pour tous.
Un second type combine financement public et prestations sous conditions de
ressources. C'est un modèle de solidarité égalitaire : le but de la protection sociale est la
redistribution des revenus en faveur des plus pauvres, avec des plafonds de ressources plus ou
moins élevés.
Le troisième type repose sur le mélange du financement public et des différenciations
de prestations en fonction des ressources : c'est une solidarité distributive. Le but de la
protection sociale est d'assurer un minimum pour tous, en reconnaissant que les besoins ne
sont pas les mêmes pour tous.
Enfin le dernier type combine financement privé et prestations sans conditions de
ressources. C'est une solidarité contributive. Le but de la protection sociale est d'assurer un
minimum à chacun, que l'Etat organise, mais ne finance pas. Les individus doivent euxmêmes assurer leur protection par des cotisations proportionnelles au revenu.
On peut à partir de ces différentes visions de la protection sociale définir trois grandes
logiques de garantie d'un minimum d'existence.
La logique des minima garantit le même revenu à tous les individus dans la même
situation. Celui-ci peut-être indépendant des ressources du bénéficiaire ou au contraire lié à
une condition de ressources. On peut donner l'exemple des allocations chômage.
La logique de la garantie de ressources est caractéristique des prestations versées sous
conditions de ressources et qui complètent le revenu du bénéficiaire pour le porter au revenu
minimum garanti. On pense au RMI par exemple.
Enfin la logique de solvabilité, caractéristique des prestations qui veulent favoriser
l'accès à un marché comme celui du logement par exemple. Ce sont des aides sous conditions
15
16
ibid
ibid
28
de ressources. On pense par exemple aux allocations logement
De cette logique de minimum d'existence on peut dégager alors la notion de revenu minimum.
Dans tous les cas, ce sera ici un revenu minimum complétif. Le revenu minimum
substitutif quant à lui, vise à se substituer à l'ensemble de ces aides pour fonder un nouveau
principe de sécurité sociale. Il peut se trouver sous deux formes principales : l'allocation
universelle qui serait versée sans conditions de ressources et sans limitation de durée à chaque
individu quelque soit sa condition. L'autre forme, l'impôt négatif sur le revenu est une
technique fiscale qui vise à verser une allocation compensatoire à toute personne dont le
revenu est inférieur à un montant défini au delà duquel la personne paye ses impôts
normalement.
2. Les débats autour du revenu minimum
Plusieurs termes sont mis en avant : revenu minimum, allocation universelle, revenu
de citoyenneté, pour désigner ce qui garantirait un revenu de base, versé à tous citoyens, sans
conditions de ressources, de la naissance à la mort, afin de remédier à la pauvreté et à
l’exclusion. Thomas Paine avait imaginé à la fin du 19ème siècle une dotation en capital pour
les jeunes actifs et Jacques Duboin proposa en 1935 une économie distributive pour pallier le
manque de pouvoir d’achat des ménages. L’idée n’est donc pas récente, néanmoins ce
dispositif pose débat17. Ainsi, certains, plus radicaux, soutiennent l’idée qu’une telle mesure
serait indispensable pour se prémunir des dérives d’un capitalisme excessif qui engendre
précarité et pauvreté au sein des masses salariales, et donc prônent un partage plus équitable
des richesses à travers une rémunération de base. D’autres encore invoquent la complexité et
le coût d’un tel dispositif. Ils évoquent, qui plus est, les effets pervers sous-jacents.
Détracteurs et apologistes ne sont pas avares de critiques.
a) Le revenu minimum, craintes et effets pervers
L’argument majeur, avancé par les détracteurs du revenu minimum, est que les
17
DE JOUVENEL Hugues, « Controverse sur le revenu minimum », Futuribles n°184 (Pour ou contre le
revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994, p3 et 4
29
individus seraient poussés à se contenter indéfiniment de ce simple revenu. L’incitation à la
paresse et à l’oisiveté18 est fortement décriée par l’idéologie du travail, véhiculée par l’ère
industrielle. L’industrie et le capitalisme place le travail comme valeur essentielle
d’intégration et d’épanouissement personnel. Être rémunéré sans travailler est véritablement
une idée inacceptable pour les esprits bien pensants. Philippe Riché reprend l’analyse des
effets pervers du revenu de base de Denis Clerc19, qui expose trois effets indésirables. En
premier lieu, cette incitation à la paresse risque d’accentuer la dualisation de la société par
rapport à la valeur travail ; d’un côté une population « travailleuse » et courageuse, et de
l’autre une population inactive et oisive. Puis, la possibilité de voir s’étendre un libéralisme
dit « sauvage » n’est pas à exclure ; c’est à dire voir l’esprit et le devoir de solidarité s’effacer
puisque tout le monde se voit octroyer une même somme pour vivre. Enfin, dans une société
où le travail apparaît comme le moyen essentiel pour s’insérer socialement ; le revenu
minimum risque d’engendrer une perte de reconnaissance sociale, ce qui est à l’opposé du but
recherché par le dispositif.
Dépendance sociale, dénigrement de la valeur travail, destruction de la socialisation
sont autant de raisons qui poussent à craindre l’instauration d’un revenu de base20. Sérieuse
menace pour la société, l’allocation universelle forcerait donc les individus à s’installer dans
une situation de repli de manière tout à fait volontaire et délibérée, et briserait toute
motivation. De plus, le revenu minimum d’existence pourrait éventuellement être responsable
de licenciements massifs dans les entreprises en sureffectif salarial, moins de craintes à
licencier puisque chacun bénéficie d’une somme pour vivre ! Guy Aznar, sociologue,
revendique que l’établissement d’une telle mesure conforterait une société duale : les
travailleurs et les inactifs, l’institutionnalisation de l’exclusion sociale de ceux qui,
bénéficiant du revenu de base, s’écartent du marché du travail et se trouvent privés d’un droit
fondamental visant à leur épanouissement personnel. Plus qu’un partage des richesses, l’idée
d’un partage de l’emploi véritablement équitable se révèlerait être la solution la plus adaptée
18
RICHE Philippe, « Le revenu d'existence, un moyen essentiel pour sortir de l'impasse sociale,
Futuribles n°184 (Pour ou contre le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994, p 40
et 41
19
CLERC Denis, “ Revenu minimum : des propositions contestables”, Futuribles n°184 (Pour ou contre
le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994
20
AZNAR Guy, « Pour le travail minimum garanti. Non au revenu d'existence, oui à l'indemnité de
partage du travail, Futuribles n°184 (Pour ou contre le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu
d'existence), 1994, p 68/69/70
30
pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Rappelons que le travail a une valeur
fondamentale d’insertion sociale, d’accomplissement de soi.
L’idée même d’instaurer un revenu minimum, selon André Gorz, souligne le problème
d’une société qui ne peut assurer à tous ses membres le droit au travail, « condition première
d’une pleine citoyenneté »21. Motivée, au départ, par la volonté de garantir à tous un revenu
d’existence, cette mesure suscite un intérêt caché, socialement régressif, ce qui aggraverait la
situation sociale. Le revenu minimum servirait à créer des emplois au rabais, c’est à dire
employer des personnes peu qualifiées en les rémunérant en dessous du minimum de
subsistance - cette subsistance étant assurée par le revenu d’existence. L’établissement d’un
revenu de base irait de pair avec l’abaissement du coût du travail toujours selon André Gorz.
b) Avantages d'instaurer un revenu de base
Néanmoins, la mutation du travail ; rencontrée dans nos sociétés et caractérisée par un
chômage massif et l’émergence du travail précaire ; n’a fait que renforcer la pauvreté. Le
nombre d’individus défavorisés et exclus du marché de l’emploi croît de manière vertigineuse
et parallèlement les richesses augmentent, les profits sont faramineux. Le plein-emploi est
devenu un combat d’arrière garde. L’intégration des « privés d’emplois » ne peut se réaliser
qu’avec un minimum de ressources économiques.
« Le contrat social fondé sur l’emploi à durée indéterminé doit être remplacé par un
nouveau contrat social fondé sur l’allocation de base […] »
22
. Octroyer une ressource
suffisante sans conditions à tout citoyen, de sa naissance à sa mort, pourrait pallier aux
insuffisances d’un système capitaliste qui ne garantit pas à tous un travail et ainsi faire reculer
la pauvreté et l’exclusion. Psychologiquement, l’individu aurait une liberté de choix plus
grande, ce qui diminuerait sa pression face à l’emploi et favoriserait nettement son
épanouissement personnel. Le revenu minimum atténuerait la peur du manque, redonnerait
confiance. André Gorz
21
23
avance l’idée qu’on pourrait grâce à ce système favoriser les
GORZ André, « Revenu minimum et citoyenneté. Droit au travail vs. droit au revenu », Futuribles
n°184 (Pour ou contre le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994, p50
22
RICHE Philippe, « Le revenu d'existence, un moyen essentiel pour sortir de l'impasse sociale,
Futuribles n°184 (Pour ou contre le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994, p 40
et 41
23
GORZ André, « Revenu minimum et citoyenneté. Droit au travail vs. Droit au revenu », Futuribles
n°184 (Pour ou contre le revenu minimum l'allocation universelle, le revenu d'existence), 1994, p50
31
contrats à temps partiel, et donc créer davantage d’emplois, et laisser l’opportunité aux
personnes de s’expérimenter à différents arts, différents modes de vie, d’élever ses enfants.
Instaurer un revenu minimum sans contrepartie, c’est bien sûr soulever la question de
la dégradation des conditions d’accès à l’emploi dans nos sociétés marchandes, c’est
également et surtout permettre aux personnes privées d’emplois de vivre avec un revenu
stable. Croire encore au plein-emploi est un leurre, il paraît donc nécessaire de venir en aide
aux personnes les plus démunies par le biais d’un revenu de base, de leur fournir un pouvoir
d’achat suffisant pour ne pas les exclure de la société. Ce qui, économiquement parlant,
relancerait leur consommation et par là la compétitivité des entreprises…
Le débat est posé : pour ou contre une rémunération de base ? Partisans et détracteurs
se rejoignent sur un point essentiel : la problématique de l’emploi. Si certains prônent un
partage de l’emploi pour assurer à tous un niveau de vie confortable, les autres ne veulent plus
se faire d’illusion et revendiquent un partage équitable et efficace des richesses.
3. En France : un dispositif original
Le dispositif mis en place en France en 1988, est construit sur deux éléments que sont
le droit généralisé à une prestation en espèces et l'impératif d'insertion. La finalité directe du
revenu minimum d'insertion est la lutte contre la pauvreté : d'après l'article 1er de la loi c'est
un droit à la personne à obtenir des " moyens convenables d'existence" et son but est "
l'insertion professionnelle et sociale des personnes en difficulté". Ainsi le RMI est un droit
pour la personne mais l'insertion est une obligation. Mais les actions d'insertion auxquelles le
bénéficiaire doit s'engager ne sont pas une contrepartie au revenu mais un élément constitutif :
ce n'est pas une relation d'échange. C'est une garantie de ressources accompagnée de
démarches d'insertion : son versement ne peut être interrompu qu'en cas de mauvaise volonté
du bénéficiaire à s'insérer. C'est un système original en Europe. En effet, « sa logique, sa
philosophie et ses sanctions »24 sont très différentes des autres législations européennes.
L'insertion est "un impératif national"25, c'est à dire une obligation pour l'individu mais aussi
pour la collectivité. Cette insertion peut être sociale, professionnelle ou économique : cela
témoigne du souci de varier les réponses possibles face aux attentes de chacun et à la
nécessité de personnaliser les itinéraires pour assurer leur réussite.
24
25
MILANO, Serge, Le revenu minimum garanti dans la CEE, PUF, Que-sais-je? n°2479 Paris, 1989
ibid
32
Le revenu minimum d’insertion, mis en place en France en 1988, a été inspiré par ces
théories du revenu minimum tout en conservant des spécificités que nous allons aborder dans
la partie suivante.
33
C) Le Revenu Minimum d’Insertion
Le Revenu Minimum d’Insertion a été créé par la loi n°88-1088 du 1er décembre 1988
et mis en place au niveau national en 1991. Cette loi a été votée à une large majorité sous le
gouvernement de Michel Rocard. Elle pose comme principe que : « toute personne qui, en
raison de âge, de son état physique ou mental, de la situation de l’économie et de l’emploi, se
trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens
convenables d’existence » (CASF art. L.115, al.1). Il s’agit d’instituer à l’échelle nationale
un droit objectif ayant une vocation quasi universelle.
Le RMI est un revenu minimal au même titre le l’Allocation Adulte Handicapé (AAH)
et l’Allocation Parent Isolé (API). Il a pour objectif de garantir un niveau minimum de
ressources et faciliter l’insertion ou la réinsertion sociale et professionnelle de personnes
disposant de faibles revenus (inférieurs au plafond du RMI, soit le montant du RMI = 454,63
€ actuellement) ou sans aucun revenus.
La loi n°2003-1200 du 18 décembre 2003 qui établie l’acte II de la Décentralisation a
transféré la responsabilité de la gestion et du financement de l’allocation RMI ainsi que le
pilotage de l’insertion aux Conseils Généraux. La départementalisation de l’allocation n’est
cependant pas totale. En effet, c’est toujours l’Etat qui fixe ses conditions d’attribution ainsi
que son montant.
L’allocation est versée par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF) ou la Mutualité
Sociale Agricole (MSA).
1. Les conditions pour bénéficier du RMI :
a) La résidence en France
Une des conditions pour pouvoir bénéficier du Revenu Minimum d'Insertion est de
résider en France. (Les français installés à l’étranger ne peuvent donc pas ouvrir droit au
RMI). Les étrangers doivent être titulaires d’une carte de résident ou d’un titre de séjour
valide justifiant d’un séjour régulier en France.
34
b) La condition d’âge : Avoir plus de 25ans
Il faut être âgé d’au moins 25 ans au moment du dépôt de la demande. Pour un couple,
cette condition n’est exigée que pour l’allocataire. Les personnes assumant la charge d’un ou
plusieurs enfants nés ou à naître peuvent bénéficier du RMI à partir du moment où la
déclaration de grossesse est effectuée.
c) Les conditions de ressources
Le montant total des revenus du demandeur doivent être inférieurs au montant actuel
du RMI, soit 454,63€ pour une personne seule. Le RMI est une allocation différentielle, c'està-dire égale à la différence entre le montant maximum du RMI calculé selon la composition
du foyer et l’ensemble des ressources mensuelles de la famille (allocataire, conjoint, enfants
de moins de 25 ans).
d) Le caractère subsidiaire RMI :
Le RMI n'intervient qu'en dernier lieu, il ne peut être accordé que si les autres droits à
des revenus de substitution (prestations sociales, légales, réglementaires et conventionnelles)
et à des créances (alimentaires et liées à l’âge de la retraite) sont épuisés.
2. Ouverture de droit et calcul du RMI
Le dépôt de la demande peut se faire dans différents types de structures :
-
Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) ou intercommunal (CIAS)
-
Service social départemental (Centres médico-sociaux)
-
Associations et organismes à but non lucratif agréés à cet effet par le département
-
Organismes payeurs (CAF et MSA) depuis la loi de décentralisation.
Le futur allocataire doit remplir une demande de RMI disponible auprès de la CAF ou de la
35
MSA26. Le droit au RMI est ouvert le premier jour du mois de la demande.
Le droit au RMI concerne la totalité du foyer, le conjoint, les enfants de moins de 25
ans et les éventuelles autres personnes à charge ouvrent droit à une majoration de l’allocation.
L’allocation est majorée de 50% lorsque le foyer est composé de deux personnes et de 30%
pour chaque personne supplémentaires présente au foyer, le majoration est portée à 40% à
partir du 3ème enfant.
Toutes les ressources (de chacun des membres du foyer ouvrant droit à une
majoration) perçues au cours des 3 derniers mois sont prises en compte dans le calcul, on
parle de trimestre de référence. L'allocataire doit remplir tous les 3 mois une Déclaration
Trimestriel de Ressources (DTR) qui ouvre droit à 3 mois de versement du RMI.
Les ressources retenues de l’allocation :
-
Les salaires
-
Les retraites
-
Les pensions et les rentes
-
Les indemnités journalières pour maladie ou accident de travail
-
Les allocations chômage
-
Les pensions alimentaires et les pensions compensatoires
-
La plupart des prestations familiales
Pour les personnes ayant des biens mobiliers et immobiliers ainsi que des capitaux non
placés les ressources prises en compte sont :
3) 50% des valeurs locatives
4) 80% des terrains non bâtis
5) 3% des capitaux
Cependant certaines prestations sont exclues du calcul des ressources comme l'Allocation
Enfant Handicapé, l'Allocation de rentrée scolaire, la prime de déménagement, les prestations
de l'Assurance Maladie, la prime à la naissance.
26
Voir exemplaire de demande de RMI en annexe.
36
Un forfait logement sera déduit du montant obtenu si le bénéficiaire perçoit une aide au
logement ou s’il n’a pas de charges de logement (propriétaire sans charges d’emprunt,
personne hébergée à titre gratuit). Ce forfait logement est de 54,56€ pour une personne seule,
109,11€ pour deux personnes et 135,03€ pour trois personnes et plus.
Le cumul du RMI avec un revenu d’activité : les mesures d’intéressement l’abattement sur les
revenus :
Le RMI peut être cumulé avec la totalité des revenus issus d’une activité
professionnelle ou d’une formation rémunérée jusqu’à la première révision trimestrielle qui
suit ce changement de situation. Ensuite, lors de la première révision trimestrielle, un
abattement de 100% est applicable sur les revenus du trimestre précédent. La période de
cumul intégral peut donc s’exercer sur deux trimestres maximum. Après cette période, les
revenus sont affectés d’un abattement de 50% pour les 9 mois suivants.
Cas particuliers :
Les personnes sans résidences stables doivent demander élection de domicile aux
organismes instructeurs ou financeurs du RMI (CCAS, CMS, organisation et association
agréés par le préfet).
3. Droits et obligations
Le RMI ouvre un certain nombre de droits sociaux connexes :
-
Le droit à l’accès aux soins : droit automatique à la Sécurité Sociale par la
Couverture Maladie Universelle (CMU),
-
Versement de l’aide au logement (calculée par la CAF fonction du loyer sans les
charges et des ressources),
-
Versement d’aides ponctuelles comme la prime de noël,
-
Exonération de la taxe d’habitation,
-
Aide à la fourniture d’eau, d’énergie et de téléphone,
-
Droit à un accompagnement vers l’insertion sociale et professionnelle.
En contrepartie de ces droits, l’attribution du RMI est soumise à des obligations. Ces
37
obligations concernent le bénéficiaire et les éventuels ayants droits (personnes vivant au foyer
et ouvrant une majoration du montant de l’allocation).
-
Un contrat d’insertion doit être conclu et respecté.
Il est élaboré avec l’instructeur (ou référent) du dossier (le plus souvent un travailleur social).
Il décrit un projet professionnel adapté aux besoins et aspirations du ou des signataire(s)
(évaluation de la situation sociale, professionnelle, financière et de santé).
Le ou les
signataire(s) s’engagent à participer à des actions d’insertion sociale et professionnelle. Dans
le meilleur cas, il conduit à la sortie du dispositif si le bénéficiaire retrouve une activité
rémunérée.
Les contrats d’insertion passent en commission locale d’insertion (CLI). Elle est composée de
conseillers généraux, de représentants de l’Etat et des communes, d’organismes chargés de
l’emploi et de la formation professionnelle (ex : Pôle emploi), de personnes œuvrant dans le
domaine de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion (travailleurs sociaux).
Cette commission prend la décision de validité ou non les contrats d’insertion.
Les dispositifs d’insertion varient selon les départements et donc selon les moyens,
notamment financiers que ceux-ci allouent à l’insertion, on parle de programme
départemental d’insertion (PDI).
-
Une déclaration trimestrielle de ressources (DTR) doit être compléter tous les 3
mois.
Elle est transmise à la CAF ou à la MSA pour calculer le montant de l’allocation en fonction
des revenus du foyer. Ce montant est le même pour les 3 mois suivants le trimestre de
référence ayant servi au calcul du RMI.
-
Il est également important de signaler à l’organisme débiteur CAF ou MSA) tout
changement de situation (professionnelle, familiale, d’adresse) ayant un impact sur le calcul
du droit à l’allocation.
La suspension du RMI
Le RMI peut être suspendu dans plusieurs cas :
si le bénéficiaire refuse de conclure un contrat d'insertion contenant le projet
38
professionnel du bénéficiaire.
si le bénéficiaire ne respect pas les termes du contrat
39
La fin de droit RMI :
Lorsque les conditions administratives d'accès aux droits ne sont plus remplies.
Le contrôle des bénéficiaires :
Puisse que le montant du RMI repose sur la déclaration trimestrielle du bénéficiaire il est
nécessaire de s'assurer de la véracité des informations fournies. Il existe donc plusieurs types
de contrôle :
•
un contrôle à postériori
•
15% des dossiers d'ouverture de droit sont vérifié chaque mois
•
1% de l'effectif total est contrôlé par mois
•
la déclaration trimestrielle est vérifié par la Caf qui connait donc les autres prestations
qu'elle verse et par l'échange de renseignement avec les partenaires de l'emploi.
•
La CAF contrôle les multi-affiliations (demande à plusieurs caisses d'allocation
familiale)
•
De plus les différentes CAF vérifient entre elles la cohérence des ressources.
Puisse que la déclaration est trimestrielle il est possible que se forme un indu dans ce cas une
solution existe. Il est possible de déposer une demande de remise de dette dans les 2 mois
suivant la réception du courrier.
Montants actuels su RMI (depuis le 1er janvier 2009)27 :
Nombre d'enfant(s) personne seule
couple
0
454,63 €
681,95 €
1
681,95 €
818,34 €
2
818,34 €
954,73 €
27
Source : Caisse d’Allocation Familiale
40
par enfant en plus
181,85 €
181,85 €
4. Les conséquences de la décentralisation
Depuis la loi du 18 décembre 2003, le pilotage du RMI est confié au département sous
la responsabilité du président du Conseil Général. Si le montant de l’allocation ses conditions
d’attribution restent fixés à l’échelon national, le financement est assuré pas les départements.
Le bénéficiaire du RMI se trouve plus proche de l’institution ce qui a eu pour effet de
renforcer les obligations d’insertion du bénéficiaire.
D’autre part des inégalités entre les départements se sont développées. En effet,
chaque département dispose d’un budget propre plus ou moins important. La part de celui-ci
alloué à l’insertion, et donc au RMI, dépend de l’ampleur du budget ainsi que des décisions
politiques des Conseil Généraux.
Le RMI est principalement financé par les impôts et taxes, une activité économique
importante (présence d’entreprises par exemple) permet au département de disposer de
d’avantage de richesses qui seront potentiellement reversé en faveur de l’insertion.
Bénéficier du Revenu Minimum d’Insertion permet aux personnes sans revenus de
disposer de ressources minimales. Les allocataires sont néanmoins confrontés à des difficultés
de gestion de budget quotidiennes. Notre troisième partie va décrire ces aspects économiques
à travers des principaux postes de dépenses.
41
II. VIVRE AVEC LE
RMI : DES
DIFFICULTÉS
ECONOMIQUES AU
QUOTIDIEN
42
A) Les conditions de logement des allocataires du RMI
S'intéresser aux conditions de vie des personnes bénéficiant du RMI, signifie selon
nous approcher sous différents angles tout ce qui peut toucher à la qualité de celle-ci. Le
logement étant une des conditions nécessaires à l'autonomie personnelle et familiale et à
l'intégration dans la vie sociale et familiale, dès lors étudier dans quelles conditions sont logés
les bénéficiaires du RMI est un passage nécessaire afin de mieux cerner leurs conditions
d'existence.
La question du droit au logement est, depuis une quinzaine d'années, au centre de
nombreuses mesures législatives. Ainsi dès la loi du 6 juillet 1989, le droit au logement est
reconnu comme un droit fondamental, mis en œuvre par les lois Besson (31juillet 1990).
L'application de ce droit suppose l'existence d'une offre suffisante et accessible et la
possibilité de recourir à des mesures spécifiques pour les ménages les plus fragiles. La loi
DALO du 5 mars 2007 donne un cadre juridique à ce droit en instituant des recours pour les
personnes dont les démarches pour accéder à un logement décent ont été vaines.
Les personnes bénéficiant du RMI sont parmi les plus touchées par les difficultés d'accès au
logement et de maintien dans celui-ci, compte tenu de leur faible revenu et leur précarité.
A partir de là, nous décrirons succinctement dans un premier temps toutes les aides au
logement mises en place par les politiques publiques. Puis nous essaierons de typographier les
habitats des personnes bénéficiant du RMI, d'un point de vue national, à partir d'une étude
réalisée par Bertrand Lhommeau, chercheur à l'INSEE en sciences sociales ; avant
d'approcher les conditions de logement des allocataires du RMI à Besançon, en 2009, en
partant des enquêtes et questionnaires que nous avons pu mener.
1. Les politiques publiques en faveur du logement
La question du droit au logement a fait naître de nombreuses mesures législatives et
les personnes en situation précaire peuvent aujourd'hui bénéficier de nombreuses aides. Si
malgré cela des personnes sont toujours dans l'impossibilité d'accéder au logement, depuis
2008, un recours est possible avec le droit au logement opposable.
43
a) Le fonds de solidarité pour le logement (FSL)
Le FSL, dont la création et le financement est assuré par les départements, accorde des
aides financières aux personnes ou familles en difficulté afin de leur permettre d'accéder à un
logement ou de s'y maintenir. Ces aides sont applicables tant dans le domaine public que privé
et concernent locataires, sous-locataires comme résidents d'hôtels meublés, de foyers ou de
résidences sociales. Elles sont réservées aux personnes sans logement, menacées d'expulsion
sans relogement, ou logeant dans des habitations insalubres.
Ces aides peuvent prendre différentes formes comme : des cautionnements garantissant aux
bailleurs le paiement des charges et des loyers, des prêts ou subventions en vue de règlement
de dettes locatives ou de factures impayées d'énergie ou d'eau….
L'octroi de ces aides repose sur le niveau de ressources des personnes concernées et la nature
de leurs difficultés.
Textes de référence :
- Loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement
- Décret n°2005-212 du 2mars 2005
- Décret n°99-897 du 22 octobre 1999
b) Les aides de la Caisse l'Allocation Familiale (CAF)
L'APL (allocation pour le logement) est une prestation versée par la CAF aux
locataires et aux propriétaires pour réduire leurs dépenses de loyer ou de remboursement de
prêt. Elle est attribuée à toute personne quelle que soit sa situation familiale, quelle que soit sa
nationalité et exerçant ou non une activité professionnelle. Les ressources prises en compte
dans le calcul de l'APL sont celles perçues par le demandeur et son conjoint ou les personnes
vivant habituellement dans le même foyer. Lorsque les ressources ne dépassent pas un certain
plafond variable selon les situations, la CAF peut opérer une évaluation forfaitaire de celle-ci.
L'ALS (allocation de logement sociale) est une prestation versée également aux
locataires ou accédant à la propriété pour réduire leurs dépenses de loyers ou de
remboursement de prêt. Peuvent prétendre à cette aide les personnes ne bénéficiant ni de
l'APL ni de l'ALF. Sont concernées par cette aide : les jeunes, les étudiants, les ménages sans
44
enfants et les personnes âgées ou handicapées. Cette prestation fonctionne sur le même
principe que l'APL.
L'ALF est une prestation versée aux locataires et propriétaires pour réduire leurs
dépenses de loyers ou de remboursement de prêt. Elle est attribuée sous certaines conditions
notamment aux personnes bénéficiant déjà d'une prestation telles que les allocations
familiales, le complément familial, l'allocation de soutien familial, aux personnes ayant un
enfant à charge, ou ayant dans leur foyer une personne é leur charge de plus de 65 ans, ou
handicapée, les femmes enceintes, seules du 4ème mois de grossesse à la naissance de
l'enfant….
Pour ces deux dernières formes d'aides, les logements doivent répondre à des normes
de décence (confort et sécurité) et de superficie minimale en fonction du nombre d'occupants,
conformément au décret du 30 janvier 2002.
Textes de références :
- Code de la construction et de l'habitation : article L351-1 et suivants
- Code de la construction et de l'habitation : article R351-1 et suivants
- Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent
- Code de la sécurité sociale : articles L542-1 à L542-7 et D542-1 à D542-19
c) Le droit au logement et à l'hébergement opposable
Le droit au logement est garanti par l'Etat pour les personnes ne pouvant accéder par
leurs propres moyens à un logement décent. Avec la loi du 5mars 2007, qui institue le droit au
logement opposable, deux recours ont été crées : un recours amiable devant une commission
de médiation puis, à défaut de solution, un recours contentieux devant le tribunal
administratif. Pour bénéficier de ce droit il faut résider sur le territoire français de manière
régulière ou être français, ne pas réussir par ses moyens propres à accéder à un logement ou
s'y maintenir, satisfaire aux conditions d'accès au logement social
45
2. Quelles conditions de logement pour les bénéficiaires du RMI?
Les conditions de logement reflètent tout à fait la précarisation des allocataires du
RMI et sont à l'image de la diversité des situations. Une enquête spécifique a été menée par
l'INSEE en janvier 1998 auprès d'un échantillon représentatif d'allocataires du RMI. Grâce à
celle-ci, les conditions de logement qui sont un facteur essentiel de précarisation ou
d'insertion ont pu être étudiées précisément. Il en ressort qu'à chaque situation de logement
correspond des situations très différentes. De manière très générale, les logements les plus
précaires, tels que les foyers d'hébergement, les chambres d'hôtels ou squats concernent 15%,
des allocataires, qui sont souvent des personnes seules, âgés et exclus de l'emploi. 58% vivent
dans un logement autonome dont ils sont propriétaires ou locataires. Enfin plus de 25% vivent
dans leur famille ou chez des amis.28
Les allocataires du RMI selon le type de logement
h bergement
chez un particulier 26,8%
locataire HLM
25%
autre locataire
autonome
25,1%
Propri taire
7,7%
logement mis ˆ
disposition
7,7%
h bergement
collectif et situations mal
d finies 7,7%
a) Les logements autonomes : une stabilité difficile
Près de 6 allocataires du RMI sur 10 habitent un logement autonome, soit comme
locataires, en HLM ou dans le secteur privé, soit comme propriétaire. Ainsi, 25% bénéficient
d'une location HLM, 25% d'une location privée et enfin 8% sont propriétaires ou accédant à la
propriété.29
28
Tous les chiffres cités ici sont issus de LHOMMEAU Bertrand, Les conditions de logement des
bénéficiaires du RMI, INSEE première n°685, décembre 1999
29
ibid
46
Parmi les propriétaires, seuls 4 sur 10 n'ont pas finis de le payer. Les autres, s'étant
acquittés de leur achat immobilier avant leur entrée dans le dispositif RMI, sont surtout des
couples dont deux tiers ont plus de 40 ans et la moitié habitent une zone rurale ou petite unité
urbaine. Par ailleurs plus d'un tiers est inactif contre 2 sur 10 pour l'ensemble des allocataires.
Les locataires autonomes, quant à eux, sont plus jeunes et davantage impliqués sur le
marché du travail : 27% occupent un emploi et 66% d’entre eux n'en occupant pas un, en
recherche un activement. Les locataires sont également plus mobiles, puisque 18% d'entre eux
occupent leur logement depuis moins d'un an et ont choisi ce déménagement dans deux tiers
des cas. Plus d'un tiers d'entre eux vivent en couple et 29% forment une famille
monoparentale. Les conditions d'attribution des logements en HLM tenant compte des charges
familiales des demandeurs, les couples avec enfants et les familles monoparentales y sont
ainsi prioritaires. A l'inverse les couples sans enfants et les personnes seules, elles, accèdent
plus au logement dans le parc privé.
Neuf allocataires sur dix perçoivent une aide de la CAF (allocation logement) qui est
destinée à faciliter l'accès ou le maintien dans un logement respectant des normes minimales
de salubrité. Malgré cela, plus de 6 allocataires sur 10 ont des difficultés à assumer la charge
financière de leur logement. Parmi les propriétaires, on note un écart important entre ceux
n'ayant plus de remboursement d'emprunts et ceux devant s'acquitter de paiements qui sont
75% à avoir du mal à payer leurs mensualités. Ces difficultés peuvent se traduire dans les
situations critiques par des coupures d'électricité, des saisies de mobilier, des arrêts saisis sur
le salaire, voire des expulsions. 30% des allocataires habitant un logement autonome ont ainsi
subi une de ces menaces, dont près d'un tiers ont été suivies d'exécution.
Malgré les aides versées par la CAF, les conditions de logements sont loin d'être
toujours confortables. En effet si les normes HLM assurent un minimum en termes d'espace
habitable et d'équipement, ce n'est pas le cas du parc privé : 44% des allocataires vivant dans
un logement du parc privé se plaignent ainsi de la vétusté de leur habitat. Les locataires
d'appartement souffrent souvent du manque d'espace dans leur logement, alors que ceux
vivant dans une maison ou les propriétaires se plaignent moins de cette exigüité.
La
localisation en milieu rural de ces logements explique en partie cette différence mais induit
47
également plus de difficultés quant à l'accès aux équipements et aux transports.30
b) L'hébergement en collectivité : des situations fragiles
8% des allocataires du RMI vivent dans une structure d'hébergement collectif (CHRS,
hôtel meublé...). Ces allocataires, pour les ¾ des hommes, sont sensiblement plus âgés que
l'ensemble des allocataires, plus d'un quart d'entre eux se déclarent en mauvaise santé et ils
également majoritairement sans diplôme. Près des deux tiers vivent seuls.
Leurs liens sociaux sont très limités du fait de leur grande précarité, de leur absence
d'autonomie ou encore de l'exigüité de leur logement : plus d'un tiers déclare n'avoir ni ami, ni
relation amicale et plus de quatre sur dix n'ont plus de famille ou n'ont plus de relation avec
elle.
Dans ces conditions très difficiles et avec le cumul de handicaps, leur possibilité de trouver un
emploi apparait plus complexe que pour l'ensemble des allocataires : ainsi 43% ne
recherchent plus d'emploi. L'absence d'adresse régulière et d'équipements tels que le
téléphone complexifient encore plus leurs démarches d'insertion.31
c) L'hébergement chez des proches : le recours au réseau de solidarité
Près de 27% des allocataires du RMI sont hébergés chez un particulier qui habite
également le logement : dans 9 cas sur 10, il s'agit d'un parent. Ils sont jeunes (44% ont moins
de 30 ans), souvent diplômés (28% sont détenteurs du baccalauréat) et 90% d'entre eux sont
des allocataires « isolés ». Néanmoins cet isolement « administratif » est à relativiser du fait
de leur hébergement par un proche. Faute de ressources suffisantes pour prétendre accéder à
un logement autonome, ce type d'hébergement constitue une alternative pour les plus jeunes
qui ne peuvent quitter le domicile parental (dans 3 cas sur 4, l'allocataire vit chez ses parents),
ou qui y retournent.
30
Tous les chiffres cités dans cette partie sont issus de LHOMMEAU Bertrand, Les conditions de
logement des bénéficiaires du RMI, INSEE première n°685, décembre 1999
31
Tous les chiffres cités dans cette partie sont issus de LHOMMEAU Bertrand, Les conditions de
logement des bénéficiaires du RMI, INSEE première n°685, décembre 1999
48
Cette solidarité familiale ou amicale n'est pas sans poser de problèmes : 13% déclarent
avoir des problèmes de cohabitation mais pour 64% d'entre eux déménager semble malgré
tout impossible. Ce recours à la solidarité apparaît donc le plus souvent comme contraint
(pour 60%).
Cette situation présente néanmoins quelques avantages : la charge budgétaire du
logement est faible, puisque 89% se disent hébergés à titre gratuit bien que certains
participent financièrement plus ou moins régulièrement aux charges (4 hébergés sur 10).
Leur logement est relativement confortable : neuf sur dix disposent d'un téléphone et
les problèmes de vétusté ou de chauffage sont deux fois moins fréquents que dans l'ensemble
des logements habités par les bénéficiaires du RMI. Ces personnes se plaignent moins de
l'exigüité de leur logement (17% contre plus de 25% pour l'ensemble des allocataires. En
revanche lorsque l'allocataire vit en couple ou a des enfants à charge, l'hébergement chez un
proche conduit à un sensible surpeuplement du logement : le nombre moyen de pièces par
personne est alors inférieur de 30% à celui des personnes en situation d’hébergement sans
conjoint ni enfant.
8% des allocataires du RMI habitent un logement mis à leur disposition par un proche
qui ne l'habite pas. Des situations plus ou moins précaires sont ici amalgamées : s'il peut s'agir
de solidarité privée cela relève surtout souvent de sous-location de logements tels qu'une
chambre de bonne. Ce type d'hébergement concerne essentiellement des personnes seules. Ils
sont sensiblement plus âgés et plutôt moins diplômés que les précédents. Si ces logements
peuvent montrer plus d'autonomie, le confort offert y est minimum : quelque soit le critère
retenu, l'avantage va toujours à l'hébergement chez un proche.
Plus fréquent dans les communes rurales ces logements sont de plus plutôt mal desservis :
28% des allocataires dans cette situation se plaignent de l'éloignement des équipements et
transports collectifs.32
32
Tous les chiffres cités dans cette partie sont issus de LHOMMEAU Bertrand, Les conditions de
logement des bénéficiaires du RMI, INSEE première n°685, décembre 1999
49
d) Les sans domicile-fixes : une difficile estimation
Compte-tenu des difficultés à les enquêter et les retrouver, l'enquête menée sousestime certainement les « sans domiciles fixes » : 1% des allocataires du RMI déclarent ne pas
avoir d'endroit où dormir régulièrement. Dans l'enquête ils ont été classés dans le dernier
logement qu'ils avaient occupé. Beaucoup d'entre eux n'ont tout simplement pas répondu à
l'enquête.
e) L'enquête
L'INSEE a réalisé l'enquête en trois vagues
avec l'aide de la délégation
interministérielle au RMI(DIRMI), le direction de la recherche, des études, de l'évaluation et
des statistiques (Drees) et la direction de l'animation de la recherche, des études et des
statistiques (Dares), du ministère de l'emploi et des solidarités, la Caisse nationale des
allocations familiales (CNAF), le Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des
coûts(Cserc). L'échantillon est représentatif de 882 047 allocataires du RMI inscrits à la CAF
de métropole au 31 décembre 1996 et ne concerne pas les anciens agriculteurs inscrits à la
MSA. En septembre 1997, une première enquête s'est déroulée auprès de 10 000 allocataires,
puis parmi les répondants de cette première vague, 3400 environ ont été réinterrogés en
janvier et février 1998. Les résultats que nous avons utilisés proviennent de cette seconde
vague. En septembre et octobre 1998, une troisième vague a été enquêtée.
3. Notre enquête exploratoire : les conditions de logement des bénéficiaires
du RMI, à Besançon, en juin 2009
Afin de comparer les données nationales que nous avons pu recueillir lors de nos
recherches à des chiffres plus récents et plus locaux, nous avons consacré une partie de nos
questionnaires et de nos entretiens au logement.
Ainsi il en ressort que, sur 80 personnes interrogées, 77,5% sont locataires et 17,5%
hébergés par un proche. Il semblerait donc qu'à Besançon, les bénéficiaires du RMI aient plus
accès à la location qu'au niveau national, puisque qu'en France seuls 50% d'entre eux sont
locataires. Mais il est impossible de vérifier cette hypothèse étant donné le peu de personnes
50
interrogées et la non-représentativité de celles-ci.
Si on s'intéresse de plus près aux chiffres récoltés, à Besançon, plus de 60% des
locataires disposent d'un logement social contre la moitié d'entre eux sur le plan national. Le
manque certain de logements sociaux en France serait-il moins flagrant à Besançon?
Parmi les personnes interrogées, aucune ne s'est plainte de son habitat. Est-ce le reflet d'un
bon entretien des logements? Pour répondre à ces questions des enquêtes supplémentaires
seraient à mener mais il est possible que les politiques sociales en matière de construction et
d'entretien des logements sociaux bénéficient de moyens plus importants à Besançon que dans
d'autres villes. Tout ceci n'est bien sûr que suppositions, nous ne pouvons en aucun cas
affirmer ces idées.
Il ressort néanmoins de toute cette exploration sur les conditions de logement quelques
points importants. Tout d'abord, pour plus de la moitié des personnes interrogées, le loyer est
la priorité dans leur budget. Bénéficiant tous d'aides pour celui-ci, il a été difficile pour les
personnes interrogées de le chiffrer : ainsi 70% n'ont pu indiquer le montant dépensé pour leur
loyer. Cela va à l'encontre de l'idée que nous avions qu'en vivant avec si peu d'argent, les
personnes avaient une idée précise de ce qu'elles dépensaient pour telle ou telle chose tous les
mois. Parmi les 30% restants, ceux pouvant dire combien leur logement leur coûte, le loyer ne
représente pas plus de 150 euros pour la moitié. Les aides de l'Etat permettent donc de réduire
considérablement les frais liés au logement. Malgré cela, une personne seule qui paye 150
euros de loyer consacre tout de même 30% de son budget au logement, ce qui n'est pas
négligeable!
Pour conclure, les conditions de logement sont essentielles et déterminent bien d'autres
points tels que l'hygiène, la santé mais aussi des éléments plus psychosociologiques.
Promiscuité, exigüité, hébergement contraint chez des proches, insalubrité sont autant de
difficultés à gérer qui ont souvent des conséquences sociales ou psychologiques… voire
professionnelles. Mais avant de s'intéresser à celles-ci, nous allons continuer maintenant
aborder le quotidien des bénéficiaires des RMI à travers leur alimentation.
51
B) L'alimentation : un poste de dépense important dans le budget
D'après le sondage que nous avons effectué 91,6% des personnes interrogées déclarent
que l'alimentation est une de leurs 3 premières priorités (rang 1 : 25,3%, rang 2 : 39,7% et
rang 3 : 26,6%). Rien d'étonnant puisque l'on sait que la nourriture est un besoin vital pour
l'homme et sa survie, cependant seulement 33,8% estime que le RMI leur permet de manger
équilibré.
Tout d'abord essayons de comprendre en quoi manger est vital, puis nous exposerons les
différents problèmes que rencontrent les bénéficiaires du RMI et enfin nous verrons les
conséquences qu'une mauvaise alimentation peut entrainer.
1. Manger : à quoi cela sert-il ?
L'alimentation est le moteur de notre corps. En effet, nous ingérons par le biais de la
nourriture des nutriments permettant33 :
- d'une part de conserver les fonctions vitales : c'est-à-dire les fonctions des organes.
- d'autre part d'avoir des réserves d'énergie : celles-ci sont utilisées pour faire face à une
activité physique ou toutes les activités nécessitant un effort (cicatrisation,
accouchement...)
Les dépenses d'énergie sont mesurées en calorie et chaque aliment équivaut à un
certain nombre de calories. Ainsi les besoins énergétiques moyens par jours34 sont aujourd'hui
approximés à :
- 2 700 Kcal pour un homme
- 2 100 Kcal pour une femme
- 2 300 Kcal pour une femme enceinte
- 2 405 Kcal pour un adolescent de 14 à 20ans
- 1 828 Kcal pour un enfant de 2 à 13ans et de 1 270 Kcal pour un bébé de 0 à 2ans.
33
Données récoltés dans : PIGALLET Philippe, collection « tout savoir » : bien se nourrir pour mieux
vivre, Edition 2000, Paris 1979.
34
Document interne, Conseil Général du Doubs : espace Montbéliard sud, reste à vivre, Etupes, 2009,
52
Cependant, les vitamines jouent elles aussi un rôle essentiel : l'on ne sait pas encore très
bien pourquoi mais une carence en vitamine peut entrainer une « avitaminose » maladie
grave.
Pour assurer le bon fonctionnement de notre corps il est donc indispensable de manger
des aliments de tous les groupes car ils apportent différents nutriments et vitamines essentiels
à notre vie. Reste que pour équilibrer cette alimentation il est préférable de répartir les
nutriments comme suit35 :
55 à 60% des calories apportées par les glucides
30 à 35% par les lipides
et 12 à 15% par les protides
2. Les obstacles à une bonne alimentation
a) Le faible montant du RMI : un frein à une saine alimentation.
Pour avoir de bonnes conditions de vie il est donc essentiel d'accorder une importance
particulière à notre alimentation. Cependant bien se nourrir coûte chère. Etant donnés les
faibles ressources du bénéficiaire du RMI on est en droit de se demander s'il peut accéder à
une alimentation saine. Pour tenter de répondre à cela, il faut tenir compte de plusieurs
éléments. Tout d'abord la composition familiale : en effet il ne faut pas la même somme pour
nourrir une famille de 5 enfants ou une personne seule. Ensuite il faut différencier 2 types de
comportements d'une part les personnes qui font leurs courses dans les supermarchés
traditionnels et d'autre part ceux qui se rendent plutôt dans les hard-discount.
Les résultats obtenus sur notre questionnaire ne nous permettent pas d'avoir le budget
alimentaire moyen en fonction de la composition familiale (Modalisa ne permet pas de
recouper 3 variables). Nous avons donc décidé de prendre 3 modèles familiales différents
parmi les plus représentés chez les bénéficiaires du RMI. La part de leur budget alimentation
35
Se reporter à l'Annexe 1, tiré de Philippe Pigallet, collection « tout savoir » : bien se nourrir pour mieux
vivre, Edition 2000, Paris, 1979.
53
sera alors comparée à l'étude « reste à vivre »36, nous permettant ainsi de voir si le personnes
bénéficiant du RMI ont les moyens de bien se nourrir.
•
Voici le cas d'une femme seule avec 2 enfants de 6 et 9ans ayant 818,34€/mois de
ressources37 :
D'après l'étude du reste à vivre si les courses sont effectuées en supermarché hard
discount la personne devra en moyenne dépenser: 392,17 €38 par mois pour manger équilibré.
Si les courses sont faites en supermarché traditionnel il lui faudrait dépenser 457,16 €39 par
mois.
Nous avons comparé ce chiffre avec un budget propre à la personne, elle déclare dépenser
150€/mois40. Comme nous pouvons le constaté cette valeur est nettement inférieur au besoin
alimentaire de cette famille : on peut donc envisager que cette famille n'a pas les ressources
suffisantes pour bien manger.
•
Cas d'un père et d'une mère avec un bébé et un enfant de 4ans avec 954,73€/mois41 :
Pour cette famille si elle fait ses courses en supermarché hard discount elle devrait
dépenser 603,11€42 pour bien se nourrir.
Si les courses sont effectuées en supermarché traditionnel les courses devraient au minimum
s'élever à 709,84€43 par mois.
Cependant ce ménage ne déclare dépenser que 250€/mois44 soit un budget inférieur d'environ
350 à 450€ par rapport à l'enquête « reste à vivre ». Cette famille se restreint donc au niveau
alimentaire.
•
Cas d'un homme seul avec 454,63€45 de RMI :
S'il fait ses courses en supermarché hard discount il devra dépenser au moins
36
Conseil général du Doubs : espace Montbéliard sud, reste à vivre, Etupes, 2009
prix prit en compte est celui comprenant l'alimentation et les produit d'entretien et d'hygiène, comprenant
l'alimentation et les produit d'entretien et d'hygiène.
37
Montant 2009 maximum du RMI par rapport à la composition familiale : calcul par nos soins.
38
Annexe 2 : Conseil général du Doubs : espace Montbéliard sud, document interne, reste à vivre, Etupes,
2009
39
Annexe 3 : ibid
40
Montant obtenu sur un questionnaire
41
Montant 2009 maximum du RMI par rapport à la composition familiale : calcul par nos soins.
42
Annexe 2 : Conseil général du Doubs : espace Montbéliard sud, document interne, reste à vivre, Etupes,
2009
43
Annexe 3 : Conseil général du Doubs : espace Montbéliard sud, document interne, reste à vivre, Etupes,
2009
44
Chiffre obtenu sur questionnaire
54
178,85€46 par mois pour bien se nourrir.
S'il va en supermarché traditionnel il devrait dépenser au minimum 211,67€47.
Cette personne nous indique un budget de 50€/mois. De nouveau ce chiffre est inférieur à
l'estimation du « reste à vivre ». On peut donc estimer que l'alimentation est un poids
économique non négligeable lorsque les revenus sont serrés.
On remarque donc que le budget consacré à l'alimentation (ou aux courses en général)
est bien inférieur au montant que l'étude recommande. L'on comprend mieux alors que 44,5%
des personnes interrogées fassent leurs courses en supermarché discount et que 19,5%
reconnaissent avoir recours à la banque alimentaire contre 3,1% qui vont à l'épicerie de
quartier dont les prix sont plus élevés. Les difficultés pour se nourrir son bel et bien une
réalité des foyers bénéficiaires du RMI. Cette difficulté peut d'ailleurs s'amplifier lorsque des
contraintes personnelles surviennent. On peut prendre plusieurs exemples qui nous ont été
dévoilés au cours de notre enquête.
b) Le cas particulier des régimes alimentaires spécifiques
Premièrement les problèmes de santé qui induisent un régime spécifique48, il existe 5
maladies principales qui nécessitent une surveillance alimentaire : les maladies
cardiovasculaires, le diabète ou le cholestérol, les maladies rénales et les personnes
intolérantes au gluten.
Chacune de ces maladies induit un régime alimentaire spécifique. Pour l'intolérance au
gluten, il est nécessaire de ne plus manger d'aliments à base d'orge, de blé, d'avoine ou de
seigle. Or, les produits contenant ces céréales (pâtes, riz...) sont moins couteux49. La personne
ayant ce problème sera donc obligée de choisir des produits qui lui reviennent plus chère.
En ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires, le diabète et le cholestérol il faut faire
attention aux graisses ingurgitées et choisir les bonnes graisses qui se trouvent notamment
dans les fruits et les poissons gras. Mais ces aliments sont parmi les plus chers : d'après
45
46
Montant 2009 maximum du RMI par rapport à la composition familiale
Annexe 2 : Conseil général du Doubs : espace Montbéliard sud, document interne, reste à vivre, Etupes,
2009
47
Annexe 3 : Conseil Général du Doubs : espace Montbéliard sud, document interne, reste à vivre,
Etupes, 2009
48
Données sur les régimes qui s'applique à ces maladies : www.monde-dietetique.com/alimentation-etmaladies.php
49
Données tiré de : www.epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-SF-07-090/FR/KS-SF-07090-FR.PDF
55
l'association famille rurale50 le prix des fruits a augmenté de 15,14% de juillet 2007 à juillet
2008 et de 10,5% en ce qui concerne les légumes. Une personne interrogée nous fait d'ailleurs
part de ses difficultés :
« Et sinon au niveau financier ? Pouvez-vous me parler de vos difficultés ? »
« Ben... C'est surtout difficile pour les courses. Moi, je suis malade je dois suivre un
régime spécial avec des fruits et des légumes. J'essaye mais je vais plutôt au marché pour les
fruits et les légumes, les produits frais quoi. »
On remarque donc que le régime de cette personne diabétique lui est difficile à suivre
car le prix des produits qu'elle doit consommer est un des plus important du marché. On peut
donc se risquer à dire qu'un régime alimentaire spécifique est source de difficultés
quotidiennes pour un bénéficiaire du RMI.
De même, dans le cas de maladies rénales en plus de devoir surveiller sa
consommation de graisses, la personne devra mettre en place un régime hyper-énergétique
comprenant 3 repas plus une collation. En plus, de subir le coût des produits frais tel que les
fruits et les légumes cette personne devra avoir un budget supplémentaire pour les collations.
Or, nous en étions arrivés à la conclusion qu'un bénéficiaire du RMI avait de grandes
difficultés pour bien s'alimenter, prendre une collation en plus aura donc pour effet de gonfler
la note de course.
Deuxièmement le cas des personnes végétariennes :
Les personnes végétariennes ne consomment pas de viande. Ceci signifie donc qu'elles
économisent le prix de la viandes qui est le plus chère en France cependant les fruits, légumes
et céréales doivent être consommés en plus grande quantité pour permettre à l'organisme
d'assurer ses besoins. On peut donc supposer que le budget viandes est alors imparti à ces
produits de remplacement.
Dernièrement le problème des personnes musulmanes ayant droit à la banque alimentaire :
L'ensemble des individus exerce un choix personnel en ce qui concerne la religion.
Nul n'est censé être discriminé en raison de son appartenance religieuse cependant ce choix
peut entrainer des conséquences sur le mode de vie des personnes. C'est notamment le cas de
la religion musulmane qui induit des pratiques alimentaires. Le problème survient lorsque la
50
Données tirés de
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/20080725.OBS4550/les_fruits_et_legumes_ont_augmente_de_18_et_11
_en_un_an.html
56
nourriture est fourni par la banque alimentaire (ou les associations mandatées par la banque
alimentaire, ou encore l'épicerie sociale). Les produits fournis ne sont pas halal et certaines
familles les refusent donc. Cela signifie donc qu'elles doivent acheter elle-même la viande en
plus de leurs difficultés qui leur ont ouvert les portes de l'aide alimentaire. Ceci montre donc
clairement que les familles musulmanes pratiquantes peuvent rencontrer des difficultés
financières supplémentaires.
c) le risque de la « malbouffe »
Un autre des risques alimentaires qu'encoure le bénéficiaire du RMI serait lié à la
psychologie. En effet, les problèmes comme la dépression, la tristesse ou l'anxiété mais aussi
une faible estime de soi, une mauvaise image corporelle ou encore l'humeur (émotions
négatives) peuvent influencer notre façon de s'alimenter51. Or, le RMI contient un ensemble
de contraintes qui peuvent peser psychologiquement. C'est notamment le cas des soucis
d'argent mais aussi de la manière dont est vécu le fait de bénéficier d'un minima social. C'est
ainsi que ces facteurs personnels nous poussent à manger des « aliments réconfortants ». Ces
aliments s'appellent ainsi car le goût nous rappelle certains évènements heureux de notre
passé. La nourriture devient alors un remède ou un rempart contre nos soucis et cela même de
façon inconsciente, ainsi ce que nous appelons grignotage est en réalité un moyen de
déstresser, de combler la solitude. Malheureusement ces en-cas sont souvent trop gras, trop
sucrés ou encore trop salés. C'est par exemple le cas des barres-chocolatées, du soda, des
bonbons, des pâtisseries et viennoiseries ainsi que du pain blanc. La solution n'est bien sur pas
d'arrêter mais de contrôler sa consommation afin de limiter les risques sur notre santé.
De plus, ces aliments sont souvent plus chers que les autres produits. Un autre risque pour les
bénéficiaires du RMI est donc de ne plus avoir assez d'argent pour manger équilibré aux
repas.
D'autres « aliments réconfortants » existent. Ce sont les plats préparés ou les fast52
foods . Ces plats sont aussi un risque pour mal manger. En effet, d'après notre étude 50,0%
des personnes interrogées sont célibataires. Or, psychologiquement la solitude n'aide pas à
manger de façon équilibrée. Serge Paugam déclare ainsi :
« Nombres d'usagers soulignent que le repas ne prend sens que s’il se prend en famille, à
51
52
www.lacasserolecarree.bogspot.com/2008/04/pts-au-poulet-et-lgumes.html
www.danger-sante.org/fast.food-la-malbouffe/
57
plusieurs, témoignant de l’importance de la dimension sociale de l’alimentation. Ainsi, celleci53 se dégrade avec la désocialisation. »
En effet, une personne seule a tendance à s'acheter des plats individuels déjà préparés, ceci
d'autant plus si la personne concernée n'a pas d'attrait particulier pour la cuisine. De même,
une personne seule aura tendance à ne pas vouloir manger chez elle afin que cette solitude ne
lui pèse plus. Ceci pouvant encourager la consommation de sandwichs à l'extérieur. Or, ces
plats sont eux aussi trop gras, trop salés ou trop sucrés.
En conclusion pour manger équilibré il faut surveiller les aliments ingurgités et ne pas
abuser de certains même s'ils peuvent sembler nous soulager.
d) Les conséquences d'une malnutrition
Nous pouvons donc voir que les bénéficiaires du RMI sont exposés à de nombreux
dangers pouvant entrainer une malnutrition. Nous appelons malnutrition « la déficience ou le
déséquilibre de l'alimentation provoquant un état pathologique plus ou moins grave »54. Cet
état pathologique est « caractérisé par un apport insuffisant ou excessif de protéines, d'énergie
ou de micronutriments tels que les vitamines, ainsi que par les infections et les troubles
fréquents qui en résultent ».
En effet, une mauvaise alimentation peut entrainer de nombreux problèmes de santé. En voici
une liste qui me semble le plus exhaustive possible :
Le problème de la suralimentation55 :
Une suralimentation ou l'ingestion d'aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés peut
entrainer plusieurs effets plus ou moins contraignants. Tout d'abord, à court terme, trop
manger peut provoquer une léthargie, une lourdeur d'esprit ou encore de l'avidité mais aussi
une diarrhée qui peut persister et ainsi empêcher l'assimilation des nutriments. Enfin, à long
terme, la suralimentation peut entrainer un surpoids voir un phénomène d'obésité, des
maladies cardiaques, de l'hypertension artérielle, certains cancers, du diabète, des troubles de
la vésicule biliaire ou encore une dépression.
Le problème de la sous-alimentation56 :
53
L’alimentation
HOUSSEL Pauline, cours DES, Epidémiologie : Conséquences de la dénutrition, avril 2009.
55
www.danger-sante.org/fast.food-la-malbouffe/
56
Paragraphe d'après le cours : HOUSSEL Pauline, cours DES, Epidémiologie : Conséquences de la
dénutrition, avril 2009, qui expose l'étude du Minnessota
54
58
Le manque d'aliment est un fléau connu du monde entier et particulièrement des pays
en voie de développement. En effet, ce problème est étroitement lié à la pauvreté. Or, bien
que nous ne vivons pas dans ces régions, les hôpitaux des pays « riches » constatent que 40 à
50% des patients hospitalisés sont à risque de dénutrition. Les effets sur la santé ont été
démontrés par une étude clinique monocentrique de l'université du Minnesota réalisée de
novembre 1944 à décembre 1945. Cette expérience se compose en 4phases :
- une phase de contrôle : les aliments que les sujets-test ingurgitent sont surveillés et
limités à 3200calories par jours
- une phase de restriction alimentaire : les sujets sont soumis à un régime à
1800calories/jour et les nutriments apportés ne varient guère.
- Une phase de renutrition progressive : on réalimente petit à petit les sujets
- une phase d'alimentation libre : les sujets mangent selon leurs envies.
L'interprétation des données obtenues aboutit à la découverte de connaissances précises sur
les conséquences métaboliques d'une sous-alimentation. Ces conséquences métaboliques
entrainent des effets physiques et psychologiques dont les principales sont :
- dépression
- hystérie
- isolement social
- perte de libido
- déclin de la concentration (et donc réduction de l'aptitude au travail), de la
compréhension et des facultés de jugement
- préoccupation alimentaire (rêve, lecture, intérêt)
- céphalée (douleur au niveau de la boite crânienne), sensibilité à la lumière, au bruit,
vertiges
- œdème, alopécie (calvitie et perte des cheveux)
- paresthésie (fourmillement)
- frilosité
De même l'étude révèle qu'une malnutrition peut entrainer des complications au cours de
l'hospitalisation comme des infections ou encore un retard de cicatrisation, une augmentation
de la mortalité, une fonte des réserves protéiques pouvant entrainer une défaillance
respiratoire ou cardiaque, une perte d'autonomie, et une immunodépression (défenses
immunitaires affaiblies).
59
D'autres études ont par la suite été réalisées permettant de mettre en avant57:
-
qu'une carence en fer affecte le développement mental des bébés et peut provoquer
une anémie chez les femmes
-
qu'une carence en vitamine A provoque une avitaminose A entrainant des risques
infectieux et de décès
-
qu'une carence en iode fait reculer la capacité intellectuelle et provoque des
naissances d'enfants handicapés mentaux.
Ainsi on comprend mieux la nécessité de bien se nourrir. Or, si les personnes
bénéficiaires du RMI n'ont pas cette possibilité il est probable que celles-ci encourent un
certain nombre de risque allant d'un problème passager jusqu'au décès. Ces problèmes de
santé sont bien sur pris en charge par la Couverture Maladie Universelle dont ils bénéficient
cependant la santé des personnes au RMI reste préoccupante. C'est pourquoi la prochaine
partie traitera de ce thème.
57
Dont www.lacasserolecarree.bogspot.com/2008/04/pts-au-poulet-et-lgumes.html et
www.woldwaterday.org/wwday/2001/lgfr/disease/malnutrition.htlm
60
C) Un rapport à la santé parfois compliqué
San Martin définit la santé58 comme « un état organique dynamique d’équilibre socioécologique (biologique, psychologique, social) harmonieux, entre l’individu (et la population)
et l’environnement global où il vit ». Cet équilibre a besoin, pour se maintenir, de « la
satisfaction de certains besoins fondamentaux de l’homme et [d’] une adaptation biologique,
mentale et sociale, sans cesse remise en question, de l’homme a un environnement complexe
et en perpétuelle transformation ».
Ainsi, la santé intègre l’ensemble des expériences personnelles, corporelles et
psychosociales. Elle représente le bien-être physique et psychique. Ce n’est pas un acquis
puisqu’elle est soumise de façon permanente à de nombreuses influences.
Aucun chiffre budgétaire n’apparaît dans cette partie, puisque l’intégralité des personnes
expliquent être bénéficiaire de la CMU, et par conséquent n’ont aucune dépenses de soins ou
de médicaments à payer à l’avance.
1. Le constat
Selon une étude de l’INSEE réalisée en 199959, un allocataire du RMI sur trois a des
problèmes de santé qui les empêchent ou qui les gênent pour travailler, soit deux fois plus que
dans la population française.
Concernant les difficultés rencontrées au quotidien, 14% des bénéficiaires disent éprouver du
mal à se déplacer, 21% à se concentrer (pour cause de fatigue, de maux de tête…), 13% ne
peuvent pas conduire une voiture parce qu’ils ont des absences, et 17% souffrent d’une autre
gêne. Au total, 35% des bénéficiaires évoquent au moins une de ces difficultés du quotidien,
contre 7% de la population française. Par ailleurs, les problèmes de santé se cumulent tout au
long de leur vie.
Le niveau d’étude a également un impact sur la santé puisque les personnes les moins
diplômées exercent ou ont exercés des emplois dans des conditions plus difficiles que celles
qui sont plus diplômées.
58
59
EMILIO LA ROSA, Santé, précarité et exclusion, le sociologue, PUF, Paris, 1998.
http://insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ip655.pdf
61
2. Les déterminants de la santé
L’état de santé d’une population est défini par des déterminants, qui agissent de façon
multifactorielle :
-
Déterminants généraux : organisation politique et sociale ;
-
Déterminants démographiques : âge moyen, distribution des classes d’âge;
-
Déterminants biologiques : génétiques ;
-
Déterminants écologiques : l’eau, l’air, les déchets, l’environnement professionnel ;
-
Déterminants économiques : niveau général de prospérité ;
-
Déterminants sociaux : le revenu, la cohésion sociale, les relations familiales et
sociales, le mode de vie et consommation ;
-
Déterminants culturels : les valeurs dominantes, le niveau de formation et
d’information ;
-
Déterminants sanitaires : système de soins, l’accès aux soins.
Aussi, les comportements et modes de vie tels que la consommation d’alcool, de tabac, de
drogues, les habitudes alimentaires ou encore l’environnement professionnel affectent la
santé. La consommation d’alcool et de tabac augmente dans les classes défavorisées, et
l’alimentation est moins équilibrée et abondante. Les habitudes de vie sont donc liées au statut
social.
Cf. : le schéma des déterminants de l’état de santé d’une population d’après San Martin 60.
3. Les représentations sociales de la santé
Selon une étude de Herzlich dans les années 7061, les représentations sociales de la santé
peuvent être classées selon 3 axes :
-
La « santé-vide » se caractérise par l’absence de la maladie. L’individu n’a pas
conscience de son corps tant que rien ne vient le troubler.
62
-
La « santé-réservoir » correspond au vécu, c'est-à-dire à la force physique, et la
capacité de résistance aux attaques, à la fatigue, à la maladie. Ce capital peut
augmenter ou diminuer au cours de l’existence selon le mode de vie de la personne.
-
La « santé-équilibre » est une expérience personnelle ; c’est la santé « réelle ».
En ce qui concerne les bénéficiaires du RMI, l’étude réalisée par Bertolotto en 199562 montre
qu’ils expriment la maladie par divers types de représentations sociales :
-
La « maladie-accident » : la maladie est considérée comme « un accident » chez un
individu en capacité (physique, psychologique, sociale) pour se faire soigner ; les
soins sont alors considérés comme une condition à l’insertion, à laquelle il adhère.
-
La « maladie-métier » : elle est considérée comme une partie de leur identité et permet
aux individus d’avoir un statut social. Ces personnes peuvent voir les soins comme
une menace, malgré que ce soit une démarche sociale.
-
La « maladie destructrice » : la maladie est un processus de destruction de l’individu,
marquée par une succession d’évènements dramatiques et d’échecs (les alcooliques,
les sans domicile fixe…). Ces personnes exclus de la société peuvent s’insérer en
commençant avant toute chose par des soins médicaux.
-
La « maladie libératrice » : ces personnes vivent la maladie comme une libération par
le statut social de malade qu’elle leur apporte. Ils sont intégrés socialement grâce à ce
statut. Ils sont souvent bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapés.
4. Santé et précarité
Il existe des interactions entre précarité et santé, au sein desquelles s’associent d’autres
facteurs. La santé n’est pas un déterminant de la précarité, et inversement, la précarité n’est
pas un déterminant de la santé. Elles agissent l’une sur l’autre. Ainsi, la santé d’un individu
dépend de plus en plus de son état social que de son état biologique, c'est-à-dire de son niveau
60
Voir en annexe.
EMILIO LA ROSA, Santé, précarité et exclusion, le sociologue, PUF, 1998.
62
EMILIO LA ROSA, op. cit.
61
63
d’intégration dans la société, de sa position sociale, des conditions de vie et des réponses de la
société aux situations et besoins rencontrées. Une personne l’explique « J’ai de la chance je
suis jamais malade, je fais attention à ce que je consomme, à mon rythme de sommeil, à mon
hygiène de vie en générale ». On retrouve alors différents éléments de la précarité qui,
lorsqu’ils se conjuguent, présentent un risque pour la santé.
L’alimentation rentre en compte pour préserver son corps, et prévenir de certaines
maladies sur le long terme. De nombreuses études ont confirmé le lien entre une bonne santé
et une alimentation équilibrée et de bonne qualité. Il est prouvé que les deux premières
causes de décès en France, à savoir les maladies cardio-vasculaires et le cancer, sont liées à
nos habitudes alimentaires. De même que l’ostéoporose, le diabète ou encore l’obésité sont
associés à ce que nous mangeons et l’hypercholestérolémie est le résultat d’une alimentation
défectueuse.
De la sorte, les comportements alimentaires influent sur les performances
physiques et intellectuelles, et sur la résistance aux infections. L’alimentation intervient
néanmoins en complément d’une activité physique, de la gestion du stress, de la diminution
de la consommation d’alcool et de tabac, d’une limitation de l’exposition aux risques
environnementaux et d’autres facteurs d’amélioration de la qualité de vie.
Les conditions de vie au sein du logement telles que le surpeuplement, la dégradation de
l’habitat ou encore le manque de chauffage peuvent aussi être reliées avec un mauvais état de
santé.
Un logement est considéré comme surpeuplé63 s’il est constitué de :
-
deux pièces pour une personne seule ou un couple ;
-
d’une pièce supplémentaire pour deux enfants de même sexe qui ont moins de 19 ans,
ou s’ils sont de sexe différent et ont moins de 7 ans, sinon une pièce par enfant, pour
les familles ;
-
une pièce supplémentaire pour les éventuelles personnes hors famille non célibataires
et pour les célibataires de 19 ans où plus.
Par ailleurs, les logements disposent souvent d’équipement de bases, principalement en
matière de chauffage, auxquels se greffent parfois une insalubrité des lieux.
L’alcoolisme est un phénomène qui se retrouve notamment dans les milieux où il y a une
forte précarité. Il a un impact sur la santé puisque la consommation d’alcool a un lien dans
l’apparition de cirrhoses, et sur les possibilités d’insertion. Selon l’étude de Creil, les
63
INSEE, Données sociales, la Société Française, Statistique publique, édition 2006, Paris.
64
bénéficiaires du RMI consomment en moyenne plus d’alcool que les autres personnes (35,4
grammes d’alcool par jour contre 24,5 gr/j en ce qui concerne les hommes, et 9,7 gr/j contre
5,5 gr/j en ce qui concerne les femmes).
5. Les facteurs sociaux, économiques et psychiques
Les facteurs psychosociaux tels que le stress, la capacité à faire face et le soutien social
peuvent avoir une influence sur l’état de santé.
Le stress est une réponse de l’organisme face à une demande (physique, psychologique ou
émotionnelle, bonne ou mauvaise). Il peut entraîner une détérioration de l’état de santé. La
capacité à gérer le stress réduirait les maladies cardio-vasculaires.
Les normes et les valeurs culturelles associées aux rôles sexuels ainsi que les différentes
contraintes et possibilités auxquelles sont confrontés les hommes et les femmes tout au long
de leur vie influencent également l’état de santé.
L’isolement résulte des emplois irréguliers et peu qualifiés, de la honte, et de l’éloignement
social ou des réseaux de communication qui peuvent en découler. Ce repli sur soi abouti à une
dépendance des systèmes d’aide, et à une grande solitude. Le mal-être éprouvé par
l’isolement et la difficulté de trouver un emploi peut avoir pour conséquence des souffrances
psychiques qui rendent complexe leur insertion ou réinsertion dans le monde du travail et
dans la société.
Une autre notion, le « prendre soin » est tout aussi importante que le soin en lui-même, tout
dépend de la personnalité de chacun. Il s’agit du côté relationnel, de ce qui est entrepris par le
médecin pour aider la personne. En ça, il touche davantage le psychologique que le physique.
Enfin, les évènements de vie correspondent aux principaux évènements qui ont marqués la vie
d’une personne :
-
Les évènements vitaux (naissance, accidents, maladies…)
-
Les évènements affectifs (mariage, séparation, divorce…)
-
Les évènements familiaux (naissance, décès…)
-
Les évènements professionnels (examen, embauche, chômage…)
-
Les évènements financiers, juridiques…
65
-
Les mouvements dans l’espace (changement de lieu de vie)
Ces évènements, selon s’ils sont positifs ou négatifs, participent à la santé de la personne.
La perte d’un emploi, ou un décès auraient des effets néfastes sur celle-ci que ce soit physique
ou psychique. Le risque de déclarer des maladies, d’avoir des accidents ou des difficultés
financières est plus important chez les adultes ayant vécu des problèmes affectifs durables
avant l’âge de 18 ans.
Parallèlement, le Haut Comité de la santé publique64 affirme que « les précarités
économique, sociale et familiale endurée dans l’enfance (carences affectives, l’absence ou le
manque d’hygiène et maladies infantiles, l’absence de soins, les conflits familiaux) refont
surface à l’âge adulte (emplois irréguliers, travaux peu qualifiés, pénible, faible protection
sociale, difficulté de recours ou d’accès aux soins et aux droits sociaux) ».
6. L’emploi et la santé
La santé et l’emploi sont inévitablement liés. Les difficiles conditions de travail,
notamment pour les personnes les moins diplômées ont un impact majeur sur la santé.
Inversement, une mauvaise santé est un frein à toute recherche ou acquisition d’un poste
d’emploi. Le maintien ou le retour à un bon état de santé est reconnu comme une des
conditions de l’insertion. A la question posée « Est-ce que le RMI vous a déjà incité à ne pas
chercher de travail ? », une personne interrogée répond « Je ne me sens pas à l'aise mais ma
santé m'aide pas vraiment ».
Cette inactivité est souvent associée à la dépression, notamment quand il persiste en terme de
durée. Cet infirmier affirme « qu’il y a beaucoup de personnes qui sont en dépression, en
maladie dépressive et qui considèrent qu’elle est due à un manque de travail, que si elle
retrouve du travail, tout ira mieux. C’est quelque chose qui se développe de plus de plus. La
dépression entraîne un renfermement sur soi et une difficulté de décision ». Une des
personnes interrogée explique les répercutions de ce phénomène « J'ai des diplômes et je
pourrais travailler mais depuis de nombreuses années j'ai des soucis et fais de la dépression
chronique...je n'arrive pas à travailler. Pourtant je suis trilingue et j'ai passé des concours pour
être documentaliste mais mes problèmes personnels font que je suis incapable
64
Haut Comité de la Santé Publique, la progression de la précarité en France, et ses effets sur la santé,
collection Avis et Rapport, ENSP, Paris, 1998. sur la santé, collection Avis et Rapport, ENSP, Paris, 1998.
66
d'être...comment dirai-je...de pouvoir m'investir dans un boulot sur la continuité...Je peux très
bien y arriver un temps mais ça ne dure jamais...et je ne peux pas être en maladie tout le
temps...alors je me contente du RMI ».
Tableau des pathologies et inaptitudes professionnelles
% de personnes présentant
une réduction de la capacité
de travail (partielle ou totale)
% de personnes présentant
une annulation de la capacité
de travail
Mentale
Ostéo-articulaire
Respiratoire
Cardio-vasculaire
Digestive
53
15
12
13
17
41
22
8
14
13
D’après ce tableau65, la première cause d’une réduction de la capacité de travail (41%) et
de l’annulation de la capacité de travail (53%) est la santé mentale. Ces chiffres montrent la
portée de l’aspect psychologique sur la santé des bénéficiaires du RMI. Il faut toutefois garder
une réserve sur ces informations puisque cette étude a été faite auprès d’un échantillon de 100
personnes uniquement.
7. L’accès aux soins
Les bénéficiaires du RMI ont automatiquement droits à la Couverture Maladie
Universelle Complémentaire (CMU-C), créée en janvier 2000. Elle permet d’avoir une
protection sociale gratuite, et donc d’accéder à des soins en allant chez le médecin, le dentiste,
dans un laboratoire, à la pharmacie ou encore à l’hôpital, sans en payer les frais. Elle couvre
également les prothèses, les appareils dentaires, les verres et montures de lunettes (sur limite
d’un certain montant). Les cotisations d’assurance sont prises en charge, les frais médicaux
laissés à la chargé de l’assuré (ticket modérateur, forfait journalier) sont exonérés, et les frais
engendrés ne sont pas à payer à l’avance. Grâce à l’allocation RMI, la santé est davantage
perçue comme un droit et un devoir, que comme un privilège réservé à ceux qui cotisent.
Cet accès implique alors la responsabilisation de l’usager aux dépenses de soins. La recherche
67
permanente d’efficacité grâce à la réduction de la surconsommation de soins par certaines
personnes, occasionnée par leur prise en charge intégrale, rend complexe la volonté de mettre
en place des paiements directs dans l’intérêt de faire prendre conscience aux personnes des
coûts qu’ils engendrent. Ce fait aurait pour conséquence d’endiguer l’accès aux soins des
classes défavorisées.
Malgré que l’accès aux soins soit facilité par la CMU, les bénéficiaires du RMI n’y profitent
pas toujours. Outre l’aspect financier, l’accès à des soins est enrayé pour une partie des
bénéficiaires pour différentes raisons. Tout d’abord, le manque de connaissance concernant ce
droit, et la non familiarisation avec les systèmes de soins existants « Vous avez déjà rencontré
des difficultés avec la CMU ? La CMU oui. D'ailleurs je sais pas si je dois pas la refaire
là… ». Certaines personnes pensent qu’elles doivent payer l’intégralité des soins, d’autre
qu’une partie des soins, et une plus petite proportion ne savent pas comment serait pris en
charge leurs soins médicaux. Ensuite la différence de perception de la santé ; les valeurs, la
culture et la personnalité de chacun rendent la santé plus ou moins prioritaire. Enfin, les
bénéficiaires n’ont pas toujours les capacités de reconnaître les problèmes de santé « Jai pas
vu un médecin depuis 15 ans moi ! Mais si ch’ui pas malade ! ».
Un infirmier du CODES 2566 confirme qu’avec la CMU, tous les bénéficiaires du RMI ont la
possibilité d’accéder à des soins. Seulement, certains ne comprennent pas les termes employés
par le médecin, et par conséquent ne savent pas ce qu’ils ont. S’y ajoute la gène de demander
des explications sur leurs problèmes de santé, la honte d’être au RMI, et le laisser aller des
personnes. La définition de la santé appartient à chacun ; pour des personnes, « la santé, c’est
ne pas avoir mal »67, tandis que pour d’autre c’est ne pas avoir de maladies, ou d’être bien
psychologiquement.
Les consultations chez des médecins spécialistes dans le cadre du parcours de soins sont
remboursées à 70% par la sécurité sociale. Mais comme l’explique ce dernier68, « les
personnes qui sont au RMI n’ont pas accès aux psychologues car ce n’est pas remboursé par
la sécurité sociale ». Les consultations auprès de certains spécialistes se voient alors
compromis par l’aspect financier que cela représente.
65
FATRAS Jean-Yves, GOUDET Bernard, RMI et santé, la santé en action, CFES, 1993.
Se référer à : « entretien avec un infirmier du CODES 25 » en annexe.
67
Voir en annexe «entretien avec un infirmier du CODES 25 ».
68
Ibidem.
66
68
8. Analyse des donnés recueillies sur le terrain
En comparant les données statistiques obtenues pour les différents éléments qui
rentrent dans le budget (logement, alimentation, habillement, transport, loisir et dépenses
personnelles), la santé est ressortie comme la 3ème priorité de ces personnes (à 41,3%). Un
bénéficiaire assure que « c’est la plus grande des richesses, une fois que t’es malade… ». Le
budget santé est difficile à estimer puisque la CMU leur garantie la gratuité des soins
médicaux et des médicaments. 92,5% des interrogés n’ont pas répondu à cette question, et
7,5% ont déclarés n’avoir aucune dépense liée à la santé. Par
ailleurs nous n’avons pu
savoir si ces personnes avaient des dépenses pour des médicaments non remboursés, des
spécialistes ou des régimes particuliers.
La grande majorité des personnes interrogées (85%) affirment que la santé est une priorité
pour eux (contre 15%). En ce qui concerne celle des enfants de bénéficiaires du RMI, 57,5%
ont répondu que la santé de leur(s) enfant(s) est une priorité, contre 5% qui ont répondu non.
37,5% des personnes interrogées n’ont pas répondu à cette question, ce qui peut s’expliquer
par le fait qu’ils n’ont pas d’enfants. La majorité des personnes interrogées affirment donc
que la santé est une priorité pour eux, et pour leur(s) enfant(s).
Nous pouvons toutefois émettre une réserve quand à la réalité de ces informations dans la
mesure où chacun à sa propre définition de la santé, et donc sa propre perception de sa santé.
Ainsi des personnes peuvent considérer que la santé est une priorité bien qu’ils ne soient pas
aller chez un médecin depuis longtemps. Autrement dit, la réalité observée sur le terrain ne
correspond pas toujours à ce que peuvent penser, et donc répondre les gens. Ainsi, une
personne dégageant une odeur corporelle forte, avec des dents abîmées peut prétendre être en
bonne santé.
Lors des entretiens individuels, la plupart des personnes ont répondu n’avoir aucun problème
avec les médecins parce qu’ils étaient bénéficiaires de la CMU, excepté quelques unes, qui a
rencontré deux refus « deux fois, il a refusé catégoriquement. Une fois avec un généraliste qui
m’a dit vous avez qu’a travailler», et une autre qui affirme « je sais que certains refusent les
patients « CMU »... C’est honteux! Paye ta déontologie, soigner pour le fric et pas pour les
personnes! ». De là se pose un problème de déontologie puisque les médecins dédaignent
soigner des personnes pour le seul motif qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent… Le plus
difficile semble être pour les individus qui doivent suivre des régimes spéciaux, par exemple
pour le diabète « C'est surtout difficile pour les courses. Moi, je suis malade je dois suivre un
69
régime spécial avec des fruits… ». Dans ces cas, concilier alimentation adapté et santé devient
complexe, puisqu’il faut souvent choisir entre l’un ou l’autre pour réussir à gérer son budget.
Par ailleurs, les personnes qui nécessitent d’un confort particulier relatif à un problème de
santé ne trouvent pas de solutions concrètes. Un individu qui a des problèmes de dos, et pour
qui l’achat d’un matelas adapté serait nécessaire n’a pas de recours envisageable « j'ai des
problèmes de dos en plus de mon diabète et mon matelas me fait mal. Mais j'ai toujours pas
demandé à changer ». La sécurité sociale peut quelque fois prendre en charge une petite partie
des frais, mais la somme reste dérisoire. Une personne fait part de son besoin d’aller voir un
psychologue, qui n’est pas concevable faute de moyen « Le seul problème que je rencontre
c'est qu'il faudrait que je vois un psy régulièrement...mais à 40E la séance ouaille! Pis là pas
de CMU! ». On peut voir ici la limite de la CMU.
70
D) Des besoins secondaires : loisirs, transport, éducation,
habillement
1. Les loisirs
On appelle loisir, l’activité que l’on effectue durant le temps dont on dispose en dehors
de ses occupations habituelles (gestion de la maison, éducation des enfants…) et des
contraintes qu’elles imposent. Qualifié d’abord de temps libre, le loisir se caractérise par sa
forme divertissante, activités essentiellement non productives, souvent ludiques ou
culturelles : bricolage, jardinage, cinéma, théâtre, peinture, sports…
Au vue des témoignages recueillis et des données statistiques, les bénéficiaires du
RMI ne considèrent pas l’accès aux loisirs comme une priorité. Près de 40% des personnes
questionnées sur ce sujet déclarent ne jamais pratiquer d’activités de loisirs et/ou culturelles.
Un certain nombre de maisons de quartiers à Besançon proposent des ateliers en
faveur des personnes bénéficiant des minima sociaux – dont le RMI – et de leur famille. Le
Centre Communal d’Action Sociale de Besançon anime des ateliers musique, yoga, peinture,
cuisine, tricot, … destinés à sortir de leur isolement des personnes depuis longtemps privées
d’emplois, par l’intermédiaire de ces activités ludiques, culturelles, décompressantes… Les
loisirs permettent de préserver le lien social, de s’ouvrir au monde qui nous entoure et de
satisfaire des besoins dits « tertiaires » pour s’épanouir et se sentir bien psychologiquement.
Cependant, tous les quartiers ne proposent pas de tels services, et donc un grand nombre de
personnes n’y ont pas accès, faute parfois de transport, de temps et peut être même d’envie.
Qui plus est, l’association des Francas offre aux enfants issus de familles modestes un
panel d’activités durant les périodes de vacances scolaires, les mercredis, avec une
participation financière annuelle moindre afin de garantir à tous les enfants la même chance
de s’amuser et de découvrir le monde.
En terme de coût, des lieux publics tels que les cinémas, certains musées, accordent
des réductions aux personnes en situation de chômage – les bénéficiaires du RMI sont souvent
inscrits comme demandeurs d’emplois. Pourtant les tarifs, après déduction, restent souvent
encore inabordables pour les ménages allocataires du RMI, au vue de leur budget qui ne laisse
peu de possibilités de faire quelques « écarts ». Le tarif d’une place de cinéma coûte
aujourd’hui 8€70, sur présentation d’un justificatif les personnes ayant peu de ressources,
71
payent leur place 7€. Réduction moindre !
Il est intéressant de se renseigner sur les services accordés aux bénéficiaires de RMI en
matière de loisirs, mais aussi sur les prestations financières. La Caisse d’Allocations
Familiales69 attribue aux familles à faible revenu une « aide aux temps libres » dans le but de
favoriser leurs départs en vacances : séjours linguistiques, séjours en hôtels, campings, gîtes
ruraux, … en France et dans les Pays membres de l’Union Européenne. Il est regrettable de
ne pas connaître le pourcentage d’allocataires qui profitent de cette prestation.
Une grande part des personnes interrogées déclarent ne pas pratiquer de loisirs, notre
questionnaire n’explicitait sans doute pas que les loisirs se traduisent également à travers les
activités non payantes, telles que les promenades en famille dans les bois, la course à pieds…
puisqu’en général les gens répondaient « je n’ai pas assez d’argent pour ça !». Manque
d’argent, méconnaissance des services offerts, sont peut être des raisons qui expliqueraient un
tel résultat. Néanmoins, 28% des sondés estiment pouvoir pratiquer des loisirs de manière tout
à fait régulière. Ce qui est une manière de s’épanouir psychologiquement et socialement.
2. Les transports
Lorsque nous avons fait notre questionnaire, il nous a semblé important d'aborder la
question du transport. Nous avons ainsi obtenu un classement où le transport arrive en 4ème
position sur 7 propositions comprenant le logement, la santé, l'habillement, l'alimentation, les
loisirs et les dépenses personnelles. Nous avons obtenus une moyenne de dépense autour de 1
euros par mois, cependant les personnes rencontrées n'ont pas été en mesure de nous fournir
un budget précis sur ce thème, 75% des personnes interrogées n'ont pas répondu à la question
sans doute à cause d'une formulation non appropriée. Les résultats ne prouvent donc qu'une
seule chose ce budget semble dérisoire. Nous allons donc essayer d'en comprendre la raison.
Pour cela, nous allons essayer d'obtenir le coût moyen de chaque moyen de transport,
malheureusement nous ne sommes pas arrivés à faire cela pour les transports maritimes et
aérien car il n'existe aucune réduction pour les bénéficiaires du RMI ou pour les demandeurs
d'emplois. Nous avons donc estimé la voiture, le bus et le train.
69
www.caf.fr
72
a) L'automobile
La voiture est un coût non négligeable. Si un foyer possède une voiture il doit non
seulement tenir compte du prix du carburant mais aussi de l'entretien qu'elle nécessite.
En ce qui concerne le carburant il varie d'un type à l'autre. A l'heure actuelle70 :
le gasoil coute 1,003€ le litre en moyenne
le sans plomb 95 : 1,236€ le litre en moyenne
le sans plomb 98 : 1,259€ le litre en moyenne
D'autre part, le coût d'entretien d'un véhicule est estimé dans une enquête d'autonews.
Si nous considérons que les bénéficiaires du RMI ont souvent une voiture de plus de 10ans et
que l'on exclut les véhicules trop couteux à l'achat, l'entretien d'un véhicule est en moyenne
de 0,0231€ par km parcouru71.
En conclusion si l'on estime qu'un bénéficiaire du RMI limite sa distance de parcourt à
5000 par an72 et qu'il se limite à environ 30€73 de carburant par mois, on estime le coût d'une
voiture à 115,5€ par an soit 9,63€ par mois.
Reste à tenir compte de l'assurance qui dépend non seulement de la voiture mais aussi du
coefficient bonus/malus qui est propre au conducteur. Pour une voiture ancienne il semblerait
qu'une somme aux alentours de 50€ par mois soit plausible. Le coût est donc d'environ 60€
par mois.
Or, sur un budget faible cette somme représente un effort énorme. Cela explique
probablement que la voiture est un moyen de transport peut présent chez les personnes
bénéficiant de minima sociaux. Et ce d'autant plus que le budget auto fluctue d'une année à
l'autre : une voiture peut engendrer aucun frais certaines années et devenir une dépense non
négligeable d'autres années.
70
Calcul effectué sur l'ensemble des stations de carburant de Besançon :
http://prix-du-carburant.autonews.fr/ville/1258-Besancon
71
Nous avons pris en compte : peugeot :406, 205, 306, 206,106, 405 renaud : espace, clio 1, laguna, clio,
mégane, R21, twingo, R19, super 5, kangoo opel : astra, corsa citroën : Ax,xantia, Bx, Zx, saxo, 2cv Ford :
Escort, Sierra, Fiesta volkswagen : golf 3,polo, golf Fiat : punto,ulysse, brava Seat : ibiza Nissan : vanette
Dacia : Logan sources : www.entretien-auto.com/statistiques_membres.php
72
Données obtenues lors d'un questionnaire
73
Données obtenues lors d'un questionnaire
73
b) Le bus : Ginko
Puisque notre enquête se situe sur Besançon, nous avons décidé d'utiliser les données
du réseau de bus Ginko. Celui-ci propose aux demandeurs d'emplois un abonnement Sésame à
3€/mois74 permettant la libre circulation sur le réseau complet. Les personnes au RMI doivent
seulement fournir en plus des documents habituels (carte d'identité, photo, justificatif de
domicile) une attestation de paiement RMI et le dernier avis de situation mensuelle
ASSEDIC. Par la suite, grâce à une aide de la CAF cette abonnement leur revient à
1,50€/mois.
Le bus représente d'après certains témoignages le moyen de transport le plus utilisé par les
bénéficiaires du RMI. Le seule problème est celui des enfants qui ne peuvent être considérés
comme demandeur d'emploi. La solution est apportée par deux types d'abonnement possible :
- au mois : 8,70€par mois pour le premier enfant et 5,20€ pour les suivants
- à l'année : 96 € pour le 1er enfant abonné et 57 € pour les enfants suivants
Ce budget n'est pas négligeable mais au vue de notre questionnaire cela ne semble pas poser
de problème, une solution qui marche !
c) Le train
Le train est le seul moyen de transport longue distance pour lequel nous avons réussi à
obtenir des données. Il nous a donc semblé nécessaire de l'inclure dans la partie transport car
pour rompre l'isolement il est nécessaire de partir en vacances, ou encore de voir sa famille
parfois éloignée.
La SNCF ne fait pas de réduction particulière au niveau national pour les personnes au RMI
cependant il est possible d'avoir des réductions75 :
- pour les 12-25 ans : 60%de réduction sur les TGV et les trains de nuit, 50% sur les trains
corail et TER ainsi que 25% sur le reste du trafic.
- pour les séniors : 50% de réduction sur tous les trains
- pour les enfants : 50% de réduction sur tous les trains
- pour les autres : il est possible d'obtenir une carte de réduction proposant -40% sur tous
les trains
Ces réductions habituelles proposées par la SNCF nécessitent auparavant l'achat d'une carte.
74
www.ginkobus.com/contenu.php?id=142
74
L'on peut donc se demander si les bénéficiaires du RMI ont intérêt à la prendre car il est
probable que ceux-ci réduisent au minimum leurs trajets en train et de longue distance en
général. Néanmoins, en Franche-Comté, les bénéficiaires du RMI ont droit à une réduction de
75% sur le réseau TER76 de la région.
En conclusion, le transport peut être un poste très coûteux dès que l'automobile ou les
voyages longues distances sont nécessaires mais il peut être pris en charge lorsque les familles
se limitent au bus. Reste à féliciter l'initiative de Ginko qui permet aux habitants de Besançon
de circuler librement dans la ville à un bas coût.
3. L'Education
Nous avons décidé d'aborder le thème de l'éducation car il nous semble que dans
certaines situations la scolarité engendre un poids économique non négligeable. En effet,
même si le budget que les familles accordent à l'éducation apparaît restreint (0,7% des
dépenses des français77) il semblerait que les dépenses puissent devenir importantes à partir
d'un certain niveau d'étude.
D'après une étude de la confédération syndicale des familles datant de 2008 on estime
que le coût de scolarisation d'un enfant varie comme suit78 :
−
En maternelle on estime le coût à 46,01€ l'année
−
Du cours préparatoire jusqu'en cours moyen environ 151,99€ l'année
−
Au collège cela représente environ 350,73€ l'année
−
En seconde générale la somme est d'environ 569,09€ l'année
−
Les filières industrielles sont plus chères environ 806,39€ pour seconde et 719,49€
pour une première
De plus, les universités ont des frais de scolarité important79 :
- 169€ l'année pour un cursus licence, DUT, premier cycle et première année de 2ème
cycle de médecine/pharmacie.
75
76
77
78
79
www.voyages-sncf.com/services-train/guide-voyageur
Solidari'TER
INSEE, enquête budget de famille, 2006 : cela comprend l'assurance scolaire, le matériel et les sorties.
www.la-csf.org/IMG/pdf/cout_2008_version_finale_au_25-08-08.pdf
Montant des droits universitaires 2009 :
75
- 226€ pour une première année d'IUFM, un cursus master (mais taux réduit si inscription
parallèle en IUFM), un 2e cycle de médecine/pharmacie à partir de la 2e année
- 342 € pour un doctorat d’université, une HDR
- 538 € pour un titre d’ingénieur
et, qui plus est, les établissements se trouvent souvent loin du domicile familial nécessitant
alors un logement (ou chambre) et des frais de nourriture, de transport....
En ce qui concerne les études accessibles sur concours les frais de scolarité varient selon
l'établissement et le diplôme préparé.
Chaque année et ce jusqu'au18ans de l'enfant la famille bénéficiaire du RMI touche
l'allocation de rentrée scolaire80, en 2009 elle s'élèvera à :
280,76€ pour un enfant de 6 à11ans
296,22€ pour un enfant de 11 à14ans
306,51€ pour un enfant de 15 à 18ans.
Or on remarque que cette allocation couvre largement les frais à la charge de la famille au
primaire cependant dès le collège ce n'est plus le cas, même si le montant n'est supérieur que
d'une soixantaine d'euros. Par la suite si l'enfant choisi une voie générale les parents paieront
moins chers que si cette voie est professionnelle car dans cette dernière il faut acheter un
matériel spécifique au métier choisi. La somme restant à la charge de la famille varie donc de
262,58€ à 499,88€.
Cette allocation est donc un réel soutien jusqu'au collège après il semblerait que
malgré l'aide apportée les études commencent à peser dans le budget surtout si les ressources
sont limitées.
Lors d'étude plus poussée à l'université, le coût devient alors énorme car même si l'enfant
bénéficiera d'une bourse sur critères sociaux, s'il n'habite plus au domicile familial, il ne sera
plus considéré à charge de sa famille et le montant du RMI sera alors réduit d'une part ainsi
que les APL.
L'éducation n'est pas une préoccupation majoritaire des ménages bénéficiaires du
RMI. Cependant l'avancée dans les études contraint les familles. Une personne interrogée81
nous dit donc :
www.univfcomte.fr/download/partage/document/informatique/droit_dinscription.pdf
80
Allocation Familiale, Vos prestations, 2009
81
Entretien avec une femme de 46ans bénéficiaire du RMI ayant une fille à charge.
76
« Et au niveau de l'éducation pour votre fille. Elle est grande, je sais que les livres
sont chers ? »
« J'ai eu de la chance chaque fois ils étaient prêtés par l'école. J'ai jamais acheté de
livre. Mais vous savez pour ma fille j'aurais tout fait ! Elle voulait aller en fac de médecine et
ça aurait été difficile mais s'il avait fallu j'aurais fait la pute pour son appartement et la
nourriture. Ca coûte chère tout ça. (silence) Mais elle y est pas allée. »
Cette déclaration nous montre bien le poids que représente l'éducation lorsque celle-ci
est poussée. On peut donc dire sans apriori que la scolarisation des enfants peut être lourde
sur le plan financier.
L'éducation ne représente donc pas un réel problème jusqu'au choix de métier. Par la
suite certains problèmes économiques peuvent subvenir et ainsi empêcher la vocation des
enfants.
4. L’habillement
Parmi les personnes que nous avons pu interroger lors de notre enquête, l’habillement
n’apparaît pas comme une priorité dans le budget. Parmi les 7 items que nous avons proposés
(logement, santé, alimentation, transport, habillement, loisirs et dépenses personnelles), 40%
placent l’habillement au quatrième rang dans leur budget contre seulement 3%en premier lieu.
80% n’ont pas pu chiffrer les dépenses qu’ils accordaient par mois à ce point. Parmi les 20%
restant, 4% y accordent 100 euros par mois et le même pourcentage y accordent 50 euros Il
est donc très difficile de généraliser ces résultats d’après notre enquête.
Néanmoins, à travers les questionnaires des situations diverses se dessinent. De
manière générale, il apparaît que l’achat de vêtement passe en priorité pour les enfants. Chez
plusieurs personnes interrogées, la présence et l’aide de la famille, des grand parents
notamment, est essentielle.
Pour la plupart, il ressort que s’habiller n’est pas une priorité et que les achats sont
rares, plus souvent par nécessité qu’envie. Le recours aux bons de réduction divers est
courant, comme l’utilisation de la boutique du secours catholique par exemple. Néanmoins,
certains disent se faire plaisir parfois, surtout les femmes. Mais s’habiller reste difficile, les
vêtements coûtent chers, notamment les chaussures et ceux pour les enfants. En effet, ils
grandissent vite, renouveler leur garde robe est un casse tête nécessitant de nombreuses petites
77
« débrouilles ».
On notera tout de même le cas d’une femme pour qui l’habillement s’est révélé être une
priorité. Pour cette dernière, être élégante et ne pas montrer ses difficultés dans son apparence
semblait un élément très important. Elle n’avait pas changé ses habitudes vestimentaires par
rapport à la période où elle travaillait, seulement diminué un petit peu ses achats. Elle a dit
préféré se priver sur d’autres plans.
Les loisirs, l’éducation les transports tout comme l’habillement sont des dépenses qui
apparaissent, dans la plupart des cas, comme n’étant pas des priorités dans le budget des
bénéficiaires du RMI. Malgré tout, et selon les personnes, ces dépenses peuvent, selon leurs
choix être placées en première place de leur budget.
78
E) Budget d’un bénéficiaire du RMI
Afin de conclure la partie sur les aspects financiers, nous avons essayé de proposer des
budgets type, à partir des informations que nous avons pu recueillir. Ce travail s’est révélé
difficile étant donné le manque d’exactitude des données dont nous disposons.
−
Exemple1 :
Situation familiale : femme seule avec ses 2 enfants.
Ce qui signifie un budget de 818 E par mois (aides au logement incluses)
Logement : 160 E
Alimentation : 150 E
soit 12,5 E /personne/semaine
soit 1,80E/personne/jour
Santé : CMU
Habillement : 30 E
Transport : 40 E
Dépenses personnelles : 70 E
EDF et GDF = environ 100 E par mois
Téléphone (portable et fixe) = environ 80 E par mois
Ce qui fait donc 630 E de dépenses fixes par mois. Il reste donc 188
euros pour faire face aux dépenses imprévues. Néanmoins cette
estimation est à relativiser étant donné que la personne que nous avons
interrogée n’était pas sûre des sommes exactes.
• Exemple 2 :
Situation familiale : personne seule
Les ressources sont composées de 407,07€ de RMI et de 258,63€ d'APL. Ses ressources
totales sont de 665,70€ pour le mois.
Ses dépenses se décomposent comme suit :
2. loyer avec le chauffage 356,75€
79
3. Electricité : 18€
4. Téléphone : 50€
5. Internet : 29,90€
6. Mutuelle : 31€
7. MAAF : assurance logement = voiture : 55,15€
8. Prêt voiture : 98,21€
9. Impôts (taxe d'habitation) : 52€
Soit un total de 691,01€.
Comme nous le constatons les dépenses sont supérieures au revenu. Remarquons par ailleurs
que le budget alimentation ne figure pas dans les dépenses. On peut donc constater qu'un
budget RMI permet de faire face à un minimum mais les excès ne sont guère possibles et
parfois même se nourrir se révèle problématique.
Nous avons décidé d’axer notre travail sur deux grands thèmes. Après avoir décrit les
difficultés économiques qu’engendre le statut de bénéficiaire du RMI (vivre avec un minima
social), nous allons maintenant exposer les effets psychosociaux de ce dispositif.
80
III. VIVRE AVEC
LE RMI : DES
DIFFICULTES
PSYCHOSOCIALES
81
A) Intégration, lien social et solidarité
Si être bénéficiaire du RMI entraîne des difficultés économiques, il nous a paru
intéressant de nous intéresser également aux conséquences de cette situation précaire d’un
point de vue sociologique. Avant d’aborder de façon plus concrète les questions d’exclusion,
d’intégration, de solidarité, nous avons étudié la question du lien social en nous appuyant sur
des auteurs marquants.
1.Emile Durkheim et le lien social.
Emile Durkheim est un auteur qui a longuement travaillé sur l’évolution des sociétés.
Plus précisément il a abordé le concept de différenciation sociale dans les sociétés
postindustrielles.
a)La solidarité mécanique
Dans ce type de solidarité le lien social se laisse dominer par la conscience collective.
Les personnes partagent des pratiques identiques et leurs croyances et sentiments individuels
sont très similaires. Les individus pensent avant tout comme membre à part entière d’une
communauté. Les lois et sanctions qui en découlent transcrit la réaction du collectif face à
toute personne qui offusque la communauté. La sanction pénale vient donc assurer le maintien
de la solidarité et du lien social. Soumis à une forte pression de groupe, on peut estimer que
les individus peuvent développer une personnalité singulière.
b)La solidarité organique
Elle prend ses fondements sur la division du travail social. Economiquement les
hommes dépendent les uns des autres. La conscience collective est plus générale dans le sens
où elle laisse la place à un libre examen. La seule caractéristique qui reste commune est la
dignité humaine et le fait d’appartenir à l’espèce humaine.
Cette solidarité mécanique mène à l’existence de normes, de valeurs communes. La
82
société est découpée en de multiples groupes sociaux (professions, familles, associations) qui
exerce des contraintes seulement entre eux. Les règles de ces groupes n’exercent pas des
contraintes aussi fortes que celle de la conscience collective.
L’individu vivant dans une société basée sur la solidarité organique possède donc une marge
de liberté plus grande que dans une société basée sur la solidarité mécanique.
Pour Emile Durkheim ces deux formes de solidarités permettent de mieux saisir l’évolution
des sociétés sous l’influence de la division toujours plus grande du travail social. Il pense que
quand une société s’accroît en conséquence il y a une pression au développement. Ce
phénomène renforce la concurrence entre les hommes et donc intensifie la lutte qui se fait
entre eux. Comme solution à cette modification le travail social se développe. En devenant
complémentaire, les hommes devienne interdépendants et ne se représente plus comme
rivaux. La solidarité organique serait alors une forme de lien social dérivé de la solidarité
mécanique.
2. La question de l’intégration sociale
Afin de pouvoir vivre en société, l’homme a besoin de s’intégrer socialement. Il s’agit
là d’une question d’identité : se sentir accepté par les autres membres de la société est un
besoin. Être reconnu socialement comme appartenant à un groupe, permet à chacun de
s’intégrer. A l’inverse la stigmatisation, la marginalisation voire l’exclusion d’une personne
par rapport au reste du groupe peut être très difficile à vivre.
Maintenir des liens avec les personnes autour de soi nécessite tout d’abord de pouvoir
les rencontrer, entrer en contact avec eux. Cela passe souvent par le travail qui permet, à la
fois une intégration économique, par le biais du salaire, et une intégration sociale, par les liens
tissés avec ses collègues. Le travail permet une forme de reconnaissance sociale au yeux des
autres mais aussi de soi-même : sentiment d’utilité par exemple. Il permet également la
construction d’une identité. Ainsi il n’est pas rare qu’une personne soit ramenée à son métier,
c’est une grande part de ce que l’on est. Or dans le cas des bénéficiaires du RMI, cette identité
professionnelle n’existe plus. Perdent-ils pour autant toute identité? Cela les exclue-t-ils du
groupe?
L’intégration sociale et l’identité ne dépendent heureusement pas uniquement du travail. Elle
passe par de nombreux autres biais.
83
Les amis, tout d’abord permettent de garder des contacts sociaux et évite l’isolement. Après
nos entretiens, il s’avère que peu de personnes ont rompu les liens qu’ils pouvaient avoir
avant d’être bénéficiaire du RMI. Ils parlent plutôt librement de leur situation et semblent
soutenu par leur entourage. Si les liens professionnels se perdent, ceux amicaux perdurent.
La famille joue également un rôle important dans cette intégration. Par le capital
qu’elle apporte (cf. Bourdieu), par les liens qu’elle crée mais aussi la solidarité qu’elle génère.
Quand nous avons rencontré des allocataires du RMI, en discutant avec eux, il a été facile de
remarquer combien la présence de la famille pouvait être importante pour beaucoup. Elle
permet un soutien, qu’il soit moral, ou économique. Bien souvent, lorsque tous les autres liens
sont rompus (travail, amis, voisins…) la famille est le dernier refuge qui évite l’isolement ou
l’exclusion.
A ce propos, Bertrand Lhommeau, chercheur à la division des sciences sociales de
l’INSEE a montré après différentes enquêtes que l’isolement administratif (foyer RMI isolé)
ne signifiait pas dans la plupart des cas, l’isolement familial et donc social.82En effet le foyer
RMI rend très mal compte de la réalité de la situation familiale ou de la cohabitation au sein
d’un logement. Si l’on compare avec la nomenclature usuelle des ménages, utilisée par
l’INSEE par exemple, beaucoup de personnes administrativement isolées sont en réalité loin
d’être seules. Ainsi en janvier 1998, plus de 23% des allocataires du RMI forment des couples
avec, ou sans enfant au sens du foyer RMI, une grande majorité (57%) sont isolés et 20% sont
à la tête d’une famille monoparentale. Si l’on élargit le foyer à toutes les personnes habitant
dans un même logement, l’isolement doit être relativisé. La moitié des isolés au sens du RMI
cohabitent avec d’autres personnes, et 17% appartiennent en réalité à une famille
monoparentale (un enfant ou un parent habitent avec le bénéficiaire sans être à sa charge), et
enfin 15% vivent en couple avec enfant. Enfin 19% des isolés au sens du RMI, vivent dans un
ménage complexe : bien souvent il s’agit du partage du logement avec plusieurs générations
de la même famille. L’isolement retenu par l’administration n’est donc pas représentatif de la
réalité sociale.
Néanmoins ces cohabitations peuvent générer d’autres difficultés sociales. L’exiguïté
des logements, les difficultés propres au « vivre ensemble » (problèmes d’entente par
exemple) empêchent parfois la rencontre avec d’autres individus. Ainsi il n’est pas évident
82
B. Lhommeau, Les allocataires du RMI : moins d’isolés au sens familial et social que dans la
statistique administrative, Economie et statistiques N°346/347, 2001. P6 et 7
84
d’inviter chez soi des amis ou connaissances lorsque l’on vit à plusieurs.
Autre facteur d’intégration, l’adhésion à des associations ou la participation à des
actions collectives. Les diverses actions de solidarité mises en place en faveur des personnes
défavorisées leur apportent un soutien économique, mais aussi social. Ces lieux d’entraides
sont aussi des lieux de rencontre. Nous reviendrons sur ce point par la suite.
Enfin, pour les personnes ayant des enfants, l’école est également un moyen de
s’intégrer. En les amenant à l’école, par exemple, ou par les liens que ces jeunes vont créer
dans leur classe, les adultes se rencontrent, gardent un lien, un contact avec le monde
extérieur. La communauté à laquelle appartiennent certaines personnes, notamment dans le
cas des personnes issues de l’immigration, permet le maintien de liens sociaux
Finalement, il apparaît qu’en dehors des liens professionnels, les bénéficiaires du RMI
réussissent à rester intégrer. Mais cette intégration est à relativiser. Dans le cas des personnes
seules, et encore plus chez des personnes âgées, l’isolement peut être fort, les cas ne sont pas
rares. La stigmatisation des allocataires du fait de leur situation est également forte, et peut les
amener à côtoyer de plus en plus de personnes vivant dans les mêmes conditions. La mixité
sociale est moins amoindrie, et s’il y a maintien de liens sociaux, ceux-ci restent très limités,
notamment en restant dans un même groupe social, ou par le biais de la reproduction sociale
(cf. Bourdieu). La perte d’identité liée au travail, la perte d’autonomie et du même coup le
manque d’une certaine considération de la part des autres personnes peut entraîner un repli sur
soi et de véritables difficultés sociales. C’est là qu’intervient bien souvent la solidarité, qu’elle
soit familiale ou associative, ce à quoi nous allons maintenant nous intéresser
3. La solidarité associative à Besançon
Afin de répondre aux difficultés économiques et sociales des personnes bénéficiant du
RMI, de nombreuses associations coexistent à Besançon, comme dans toutes les grandes
villes en France. Plus encore que d’apporter un soutien matériel, elles sont souvent le lieu de
rencontres, des points d’écoute mais aussi un moyen de rester actif. Car beaucoup de
bénévoles sont eux-mêmes en grande difficulté : s’investir dans l’entraide les aide alors à
garder une identité, à se sentir utile.
Ainsi, une personne interrogée explique à quel point participer à l’épluchage des
85
légumes dans une banque alimentaire l’a aidé : « y’a une bonne ambiance à l’épluchage, on
rigole, on s’amuse, on discute, ça fait du bien de pas se sentir seule, d’être avec d’autres
personnes qui galèrent ».
A ce jour à Besançon de nombreux points gérés par des associations apportent de
l’aide. Ainsi on peut dénombrer 4 épiceries sociales, 9 points de distribution alimentaire, de
nombreux foyers, « la boutique », magasin de vêtements très bon marchés, issus de la
récupération, de nombreux services d’accueil de jour. Proxim’ social est un lieu d’écoute,
d’information et d’accompagnement des bénéficiaires du RMI. Le CCAS a crée un atelier
santé ville, afin de faire du lien entre les difficultés sociales et la santé. De nombreux espaces
solidaires sont mis en place afin de favoriser la promotion sociale, mettre en relation les
personnes et favoriser la mixité sociale. Enfin les maisons de quartier, par les services qu’elles
proposent sont également un garant du lien social : elles permettent des rencontres,
l’investissement dans des projets ou des activités. Cette liste est loin d’être exhaustive mais
donne un aperçu des services mis en place. De plus, nous ne parlons pas de toutes les
associations de quartier qui permettent également la création de liens, même si elles n’ont pas
comme but l’entraide ou la solidarité.
Néanmoins, si ces associations existent, le volontariat en reste la base. Pour bénéficier
de ces services, encore faut il s’y rendre, faire la démarche de rentrer en contact avec elles. Or
ce n’est pas toujours évident. Beaucoup de personnes interrogées préfèrent se débrouiller
seules, garder un peu de leur autonomie et de leur « fierté ». Car nombreux sont pour qui être
dépendant de la société par le RMI est déjà difficile : ils ne souhaitent pas rentrer plus dans
l’assistanat.
Finalement, plus que des conséquences économiques, vivre avec le RMI entraîne des
difficultés sociales et également psychologiques (voir la partie suivante). Si le lien social n’est
pas complètement rompu pour la plupart, l’isolement et l’exclusion ne sont pas non plus des
exceptions. Tout le système de solidarité mis en place ne peut à lui seul répondre à tous ces
problèmes.
86
B) Le poids du RMI sur la psychologie des individus
« L'important est qu'un moyen de vivre ou plutôt de survivre, soit garanti à ceux qui
n'ont rien, qui ne peuvent rien, qui ne sont rien. C'est la condition de la réinsertion sociale »83
François Mitterrand.84
Lors de sa création, le RMI a été instauré comme le « droit des sans droit »85. Un droit
dont bénéficient les personnes qui n'ont rien, qui n'entrent plus dans les dispositifs déjà prévu.
Un minimum provisoire qui se trouve bien en dessous du seuil de pauvreté dont l'objectif
principal est l'insertion, pour les bénéficiaires, dans le monde du travail. Avant sa création, de
nombreuses personnes vivaient, ou au contraire survivaient avec aucun revenu, aucune aide...
Le RMI est souvent assimilé à de la charité, une charité de la part de « l'état providence », à
l'inverse du chômage, qui lui peu paraître « mérité » au en tout cas plus « légitime ». En effet,
les personnes ont travaillé pendant un certain lapse de temps. Or le RMI lui apparaît comme
de l'argent obtenu sans contrepartie, stigmatisant alors les personnes qui en bénéficient
comme des personnes vivant aux « crochets de l'état ».
Vivre avec le RMI c'est avant toute chose, comme nous l'avons vu précédemment,
vivre avec 454 euros par mois. Ce faible revenu entraîne de nombreuses conséquences dans la
vie des bénéficiaires, sur leur santé, leur alimentation... Les difficultés rencontrées par les
personnes se succèdent et deviennent de plus en plus difficiles à vivre « vous savez moi je vis,
enfin je suis là, je suis vivante mais la vie comme vous, je ne la connais pas... », toutes les
pressions subies, les échecs agissent alors sur « le mental » des individus, sur le
psychologique....
Il y a plusieurs manières de vivre le RMI. Certains perçoivent ce statut comme un
échec personnel, cela va avoir des incidences sur la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et
parfois même, au bout d'un moment, sur leur santé. D'autres parviennent à prendre du recul et,
bien qu'ils aient du mal à « joindre les deux bouts », à comprendre qu'ils ne sont pas les seuls
responsables et que c'est bien un choix d'organisation de la société qui fait qu'ils en sont
arrivés là. Ou d'autres encore sont indifférents face à ce statut même s'ils admettent que vivre
avec le seul RMI est contraignant.
83
AUTES Michel, pauvreté et RMI, p189-218, intégration et exclusion dans la société française
contemporaine, Presse universitaire de Lille, Paris, , 1993, p 197
84
François Mitterrand, Lettre à tous les français, 1988
85
MOULIERE.M, RIVARD.T, TALINEAU.A, Vivre le RMI des deux cotés du guichet, Syros, Paris,
1999, p 56
87
On peut expliquer ces différences de comportement face au RMI par le fait que la personne
soit inscrite dans un réseau social solide ou non, qu'elle soit soutenue par sa famille ou non,
qu'elle ait des activités sportives, associatives ou non, mais également par le positionnement
de la personne dans la société, le regard qu'elle porte sur elle-même, son sens critique qui va
permettre (ou non) de prendre de la distance, de re-situer les responsabilités ( la société, soimême...). On peut alors être révolté contre une société « mal faite », être frustré par le fait de
ne pas pouvoir consommer ou encore être indifférent ou plutôt résigné...Autant de différence
de vécu qui ont fait l'objet de notre intention et que nous chercherons à expliquer.
1. La perte d'identité
Nous sommes dans une société de consommation où de plus en plus, ce que nous
achetons, ce que nous consommons : la marque de nos chaussures, de nos cigarettes, de notre
téléphone portable... est support à notre identité. Et le fait d'être au RMI met les gens en
dehors de ce système, ils ne peuvent pas consommer comme les autres, dès lors on peut les
cataloguer comme différents. En effet, comme le montrent les résultats de nos questionnaires,
l'habillement est loin d'être leur priorité, il faut déjà penser au logement et à l'alimentation qui
sont des besoins vitaux contrairement au fait d'avoir les dernières basket dernier cri. Même si
c'est complètement superficiel cela est perçu de manière très frustrante chez la plupart des
personnes. Ainsi ils ne peuvent pas construire leur identité comme ils le souhaitent, ils
deviennent prisonniers des nombreuses restrictions que leur imposent leur budget. Prenons un
exemple simple, si l'identité d'une personne s'est construit à partir d'une passion quelconque,
tel que le fait d'être membre d'un club d'équitation ou encore de faire la collection d'objet..., il
deviendra difficile voire impossible de poursuivre cette passion avec 454 euros par mois pour
vivre, à moins de restreindre d'autres choses dans le budget.
Petit à petit cela conduit ainsi à une marginalisation et à un cloisonnement de la société entre
deux classes (celle des personnes avec un salaire, qui partent en vacances, qui vont au cinéma,
au restaurant, qui mettent de l'argent de côté pour acheter une maison et celle des bénéficiaires
du RMI) qui ne se rencontrent pas, étanche l'une à l'autre. Ainsi ces deux mondes
fonctionnent beaucoup sur les représentations.
Stigmatisation également dans le vocabulaire couramment employé, on désigne
souvent que ce soit dans une conversation banale ou encore dans des articles de presse, à la
88
télé, l'ensemble des bénéficiaires du RMI « les RMIstes ». Ce terme en lui même induit le fait
que tous ces bénéficiaires constituent un groupe à eux seuls, une part de la population à elle
seule, reniant l'identité de chacun, sa personnalité, ses appartenances, son vécu. En effet, les
bénéficiaires du RMI développent un ensemble de comportements et de pratiques mais ils ne
constituent pas un groupe sociologique.
De plus le terme « RMIste » est une énorme erreur en lui même, en effet les
bénéficiaires du RMI constituent une part de la population très hétérogène, il peut s'agir de
femmes ou d'hommes seul(e)s en fin de droit de chômage, d'étudiants ne trouvant pas de
travail après la sortie de leurs études, des personnes entre 25 et 60 ans vivant en milieu urbain
ou rural, de familles...Il est par conséquent impossible d'en déduire qu'ils constituent un
groupe, une communauté. Ainsi, « les personnes vivent entre deux situations, le déni
d'appartenir au groupe construit des RMIstes et la difficulté objective à se sentir intégré à la
société »86.
Le RMI est considéré comme un statut social comme on peut être fonctionnaire,
instituteur... Notre identité est souvent basée sur notre Catégorie Socio Professionnel, dès lors
que les personnes sont au RMI, elles sont exclues de cette mentalité là, du monde du travail
en général, il devient alors très difficile « d'être quelqu'un », de ne pas être seulement un
RMIste...
2. Le regard des autres : la stigmatisation des bénéficiaires du RMI
a) la stigmatisation : E.Goffman...87
Le regard des autres implique et induit le plus souvent une stigmatisation de certaines
personnes, de certains groupes...Selon le Larousse, le stigmate est une « marque durable qui
caractérise une affection », le stigmate désigne plus généralement toute marque rendant
visible l'appartenance à un groupe social, ce terme à été conceptualisé par Evin GOFFMAN
dans son ouvrage, stigmates, les usages sociaux des handicaps 1975. Pour ce dernier, le
stigmate correspond à une caractéristique propre de l'individu qui, si elle est connue, le
discrédite aux yeux des autres ou le fait passer pour une personne moindre, dès lors, il
86
MOULIERE.M, RIVARD.T, TALINEAU.A, Vivre le RMI des deux cotés du guichet, Syros, Paris,
1999, p 54
87
Ervin Goffman (1922-1982), sociologue américain, principal représentant de la deuxième école de
Chicago
89
distingue trois catégories de stigmates :
- les stigmates corporels : les handicaps physiques, les défauts du visage ou du corps...
- les stigmates tenant à la personne et/ou au passé de l'individu.
- les stigmates « tribaux » qui correspondent à la race, à la religion...
Le stigmate peut être visibles, comme par exemple la couleur de peau ou encore invisibles,
personne sortant de prison, bénéficiaire du RMI... Goffman distingue deux catégories de
population « les stigmatisés » et les autres qu'il appellera « les normaux », il s'intéresse plus
particulièrement aux relations, aux interactions qui existent entre ces deux groupes.
Pour lui, l'identité dépend de la perception que les individus ont du rôle social qu'ils jouent
dans la société. A partir du moment où l'individu vit en société, il joue un rôle social. Alors
l'auteur se demande si l'individu déviant joue ce rôle. Notre société est un monde interactif et
les individus ont conscience de leur rôle social, celui-ci répondant aux attentes des autres
personnes. Pour E.Goffman le monde social se construit dans ce rapport aux attentes alors il
dépend de la capacité des individus à se composer des rôles dans un monde qui n'est plus
qu'une juxtaposition des rôles.
L'auteur décompose la notion de rôle en trois dimensions 88:
- le versant normatif est défini par des règles de conduites idéales qu'un individu
devrait respecter pour assurer la fonction qu' un rôle particulier est censé remplir.
- le versant typique se rapporte aux attributs et qualités associés à la personne qui
remplit tel ou tel rôle.
- l'interprétation rapporte à l'interaction au cours de laquelle un individu tient la place
qui lui échoit, en s'évertuant à ne déroger ni aux normes idéales, ni celles relevant des
conceptions typiques.
Il décompose également plusieurs types de déviants :
-Etre objectivement déviant et être perçu comme tel = le "pleinement déviant"
-Etre objectivement déviant et ne pas être perçu comme tel = le "secrètement déviant"
-Ne pas être objectivement déviant et être perçu comme déviant = l' "accusé à tort".
L'important réside dans le fait que ce stigmate est visible ou au contraire indécelable de prime
abord comme le fait de vivre avec le RMI « Ben c'est pas écrit sur mon front que je suis
rmiste!! ».
88
http://www.lesocial.com/ecrits/affi_img.php3?image=a33&annonce=32
90
b)...Et ses conséquences sur les bénéficiaires du RMI
« Il va de soi que, par définition, nous pensons qu'une personne ayant un stigmate n'est
pas tout à fait humaine. Partant de ce postulat, nous pratiquons toutes sortes de
discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement, même si c'est souvent
inconsciemment, les chances de cette personne »89.
La stigmatisation de certains groupes ou de certaines personnes, de manière plus
individuelle, est transmise à travers le regard des autres. Ce dernier est une chose importante
dans notre société, rares sont les personnes qui ne se préoccupent jamais de ce que les gens
pensent d'eux, de leur apparence physique, de leur attitude... Le regard des autres peut avoir
différents impacts sur les personnes, ils peuvent développer de la méfiance ( envers les
travailleurs sociaux par exemple...), perdre confiance en eux, se dévaloriser constamment et
croire finalement ce que les autres pensent d'eux ( que ce soit véridique ou non).
Lorsque l'on parle avec certaines personnes des bénéficiaires du RMI on entend
souvent que se sont « des personnes qui ne veulent rien foutre », « Un jour je me suis amusé à
compter pour voir ce qui était le plus rentable le RMI ou le SMIC. Pour le RMI : pas de taxe
tv, pas d'impôt, pas de taxe d 'habitation, pas de mutuelle, aucune assurance à payer, aide pour
l'achat d'une voiture, prêts CAF, aide à l'énergie, prime de Noël, carte de bibliothèque
gratuite, bon d'alimentation [...] donc comparé avec le SMIC et vous verrez qu'on vit
mieux »90 ou encore « des assistés ». Le terme d’assistanat désigne
un système de
redistribution des richesses ou de solidarité, dont les effets pervers ruinent son utilité. Il
désigne plus spécifiquement les politiques qui ont des effets secondaires jugés délétères sur
leurs bénéficiaires. Le principal de ces effets secondaires serait d'encourager les bénéficiaires
d'aides publiques à conserver pour des raisons financières une position d'« assistés ».
De plus ces aides sont financées par des charges incombant à l'ensemble des contribuables.
Cette solidarité aurait des effets pervers. « Les assistés », terme à la fois descriptif et péjoratif,
bénéficieraient d'une aide insuffisamment associée à des contraintes d'engagement, et qui
encourageraient de fait ces « assistés » à ne pas chercher à améliorer par eux-mêmes leur
situation. L'assistanat tendrait à décourager l'initiative et le travail individuel. La situation
d'assisté peut être vue comme un état de dépendance financière ou morale de l'individu, un
encouragement à la paresse. En effet le RMI est considéré comme de l'assistanat, une somme
89
90
GOFFMAN Ervin, Stigmate les usages sociaux des handicaps, les éditions de minuit, Paris, 1975, p 15
Extrait de témoignage recueilli sur internet, doctissimo.fr
91
versée aux personnes sans réelle contre partie, sans travailler. Les personnes se trouvent alors
stigmatisées comme vivant au crochet de l'Etat, qui ne font aucun effort pour trouver du
travail...De plus, pour de nombreuses personnes le RMI implique de nombreux avantages
pour ses allocataires (ils ne payent presque pas de loyer, ont le carte de bus gratuite...) d'où
cette notion d'assisté : « Au début j'étais gêné. (...) Dès que vous êtes au RMI certaines
personnes ne vous estiment plus du coup je me sens vraiment mal à l'aise. J'ai appris à vivre
avec mais c'est pas facile tous les jours. ».
Lorsque l 'on demande à des bénéficiaires du RMI s'ils en parlent librement la plupart
répondent « vous savez les gens le savent mais je ne le crie pas non plus sur les toits ». Il y a
une certaine ambivalence dans leurs réponses lors des entretiens, ils avouent, pour la plupart
le dire mais on se rend compte que finalement cet aveu dépend des personnes qu'ils ont en
face d'eux « Rien de spécial, j'en parle en général librement mais ça dépend qui est en face en
fait, mais dans l'ensemble ça va, je le dis quand on me demande. ». d'autres n'en parlent pas,
ils évitent plutôt le sujet pour ne pas se sentir ridicule ou moins bien... Les personnes les plus
révoltées en veulent à la société, ce que les gens pensent d'eux, peu importe puisque c'est de la
faute de la société en générale qu'ils en sont arrivés là « y'a pas de travail de toute façon, on
cherche et on trouve pas, alors si les gens nous en veulent tant pis puisque c'est pas de notre
faute. ».
42.5% des personnes interrogées pensent que le regard des autres a changé, dont 20%
un peu et 22.5% trouvent que ce regard a complètement changé. Par conséquent, 57.5%
pensent que les « autres » les voient comme ils sont, pour ce qu'ils sont et non pas comme
seulement « RMIstes ». Ces résultats, comme l'ensemble de notre questionnaire sont à
relativiser, en effet les bénéficiaires du RMI pensent que le regard des autres n'a pas changé,
est-ce pour autant vrai que les personnes ne changent pas leur regard sur un proche au RMI ?
sans le dire ils peuvent très bien ne pas en penser moins. Inversement, un bénéficiaire peut se
sentir stigmatisé, vivre cela comme un affront alors que pour autant les gens compatissent
mais ne pensent pas du « mal » de la personne.
Ce regard peut avoir des conséquences plus ou moins lourdes sur les individus, la perte de
confiance en est une (cf parie la confiance en soi).
Remarque : Les personnes croient que les allocataires du RMI sollicitent, dès qu'ils le
peuvent des aides diverses de la part des services sociaux, associations. Or la plupart des
bénéficiaires du RMI ne sollicite que très rarement les aides ponctuelles dont ils peuvent
disposer « Je mets un point d'honneur à me débrouiller sans rien demander d'autres...c'est déjà
92
assez pénible de vivre aux crochets de l'Etat. Je ne suis pas du genre à aller voir l'assistante
sociale tous les 4 matins je fais avec ce que j'ai! », « Ouai je suis déjà allé demander une aide
ponctuelle, ça m'est déjà arrivé mais pas souvent ». 55% ont déclaré ne jamais solliciter
d'aides ponctuelles, 43.7% ont recours a ces aides mais seulement 6.3% de manière régulière.
En réalité, ils ne sollicitent, dans la majorité des cas, que lorsque cela s'avère comme la seule
solution.
2. La confiance en soi
Voici trois expressions que l'on confond souvent dans le langage courant.
L'estime de soi, c’est le résultat du regard que l'on porte sur soi-même, son apparence
physique, ses compétences, ses réussites personnelles et professionnelles...
La confiance en soi : elle se manifeste lorsque l'on fait face à une situation précise.
C’est une prédiction qui s’appuie sur son expérience et permet de résoudre avec conviction
une problématique ou d’atteindre un objectif précis.
L'affirmation de soi : c’est la capacité de prendre sa place avec indulgence et confiance
au milieu des autres, de savoir dire "oui" et "non" clairement.
Le manque de confiance en soit se traduit souvent par la peur de prendre la parole en public,
par exemple. Il devient alors difficile d'aller vers les autres, d'effectuer des démarche
seul...Vient aussi le sentiment de ne pas être pris au sérieux, de ne pas être écouté, de ne pas
être apprécié. Au fil du temps, un cercle vicieux peut s'installer. Persuadées de ne pas y
arriver, les personnes n'osent plus s'exprimer de peur d'être ridicules ou incomprises. Ainsi
elles peuvent se sentir dévalorisées par les personnes qui les entourent.
Le manque de confiance en soi peut, dans certains cas, conduire à une véritable crise
identitaire, et il devient alors difficile d’affronter le quotidien. Lorsqu’il est très prononcé, il
n’est pas rare que l’on en vienne à ne plus assumer les responsabilités au quotidien.
Notre enquête a montré que 52.6% des personnes interrogées affirment que le fait de
bénéficier du RMI a affecté leur confiance en eux, dont 31.3% un peu, 11.3% beaucoup et
10% énormément.
Le « I » de RMI signifie Insertion, c'est l'une des priorités du dispositif du revenu
minimum.
93
La difficulté de rendre effective l'insertion prévue par le dispositif met en cause son
intérêt. Le volet insertion du dispositif, bien qu’ayant été conçu dès l’origine comme un
élément important, a souvent été négligé. Il est représenté par le contrat d’insertion. En raison
d’un manque d’encadrement et de moyens, de nombreux allocataires du RMI ne faisaient
l’objet d’aucun suivi, ce qui se traduit, dans de nombreux cas, par l’absence de contrats
d’insertion. Depuis 2004, les politiques de décentralisation ont ré encadré ce contrat, il devient
en théorie mieux réalisable et plus effectif. Cependant, de nombreux bénéficiaires du RMI
perdent espoir en ce dispositif. En effet, et encore plus aujourd'hui de par la conjoncture
économique, il est difficile de parvenir ou de ré accéder à l'emploi. Ainsi, certains n'ont plus
confiance en eux, les missions d'intérim se succèdent, mais ils ne trouvent pas de « vrai »
emploi avec tout ce que cela implique, stabilité personnelle, sécurité... « l'insertion, ça n'a rien
fait pour moi ! ». Plus le temps de RMI ne devient long, moins les personnes croient en leurs
capacités, qu'elles soient personnelles ou professionnelles. La totalité des personnes
rencontrées en entretien estime que l'insertion n'est pas une réalité et dise souvent chercher du
travail mais ne pas en trouver. Comme nous l'a expliqué un travailleur social, « un trou de
plusieurs années dans le CV d'une femme l'employeur se dira elle a eu des enfants, ce même
trou dans celui d'un homme et vous vous direz, tiens il a été en taule », il devient difficile
d'argumenter de plusieurs années d'inactivités professionnelles, et les refus consécutifs des
employeurs rendent les démarches de plus en plus dures et les bénéficiaires ne croient plus en
eux-mêmes.
De plus et après un entretien avec un travailleur social, nous nous sommes rendu
compte que ce contrat n'était pas toujours axé sur le travail « il y a des personnes pour qui
doivent d'abord travailler sur elles mêmes avant de penser à un emploi », « Le truc c'est que
je peux pas travailler...(...) Mais si je pouvais je travaillerais ,vivre au RMI c'est pas
folichon! ». Pour des raisons diverses, beaucoup d'ordre psychologique ou de santé, certains
se trouvent dans l'incapacité de travailler, ils sont alors obligés de faire avec ce qu'ils ont sans
réel espoir d'améliorer leur situation.
94
Le sentiment de manque de dignité est également très répandu chez les bénéficiaires
du RMI Pourtant, le RMI est unanimement reconnu comme indispensable « dans les mauvais
jours » (« heureusement qu’il existe… »91) Mais son faible montant implique aussi des
privations constantes et renforce ce manque de dignité, surtout pour les personnes avec des
enfants.
Etre au RMI est souvent synonyme d'inactivité, même si certains travaillent de
manière très parsemée. L'inactivité peut être très difficile à supporter. Ils effectuent alors
toutes sortes de démarches, et vivent pour la plupart au jour le jour, « tout les jours c'est
compliqué on se demande ce qu'on va manger... ». Malgré tout, les journées peuvent paraître
longues notamment pour les personnes vivant avec très peu de lien social et souffrant
d'isolement. Cette solitude et cette souffrance d'être inactif peuvent agir sur leur confiance en
eux, en effet, toutes démarches, toutes sorties peuvent devenir difficiles, les personnes ne se
sentent plus capables d'affronter le monde extérieur.
Cette perte de confiance induit des difficultés supplémentaires d'ordre psychologique qui se
combinent aux diverses contraintes budgétaires.
4. Le RMI : un succession de difficultés
Le RMI fait souvent suite à un point de rupture dans l'histoire de vie de la personne :
-fin de droit de chômage
-séparation
-arrivé en France d'une personne étrangère
...
Autant de situations qui suscitent des difficultés pour les bénéficiaires, ces difficultés
se multiplient en ayant que le RMI pour vivre. En effet, il devient alors difficile pour les
bénéficiaires de faire face aux dépenses quotidiennes, ils perdent alors tout repère, des repères
déjà fragilisés par ce point de rupture qui les a amené à vivre avec le RMI. Les difficultés,
déjà grandes au départ, s'alourdissent et la moindre dépense, le moindre imprévu devient alors
insurmontable et creuse encore un peu plus leur détresse. Il devient alors difficile, avec 454
euros par mois, de manger, de payer le loyer, parfois même ils sont obligés de faire des
91
« La vie au RMI et l’insertion » d’après les bénéficiaires : Extrait de l’Enquête menée en 2005 dans le
cadre du PLIE dans le Territoire de Belfort par la Cellule évaluation des politiques publiques du Conseil Général
95
dossiers de surendettement, l'éducation des enfants devient compliquée ...
On peut parler en quelque sorte d'engrenage, tout est sujet à créer de nouvelles difficultés,
certains perdent leurs proches, d'autres perdent totalement confiance en eux et ensuite trouver
du travail, faire des démarches...deviennent impossible. Surtout lorsque, stigmatisés et mal
dans leur peau, les bénéficiaires du RMI subissent des pressions d'ordre sociale auxquelles ils
ne peuvent faire face.
5. La place de l'entourage
Au fil du temps, la structure de la famille a beaucoup évolué. Auparavant, une
personne infirme, sans emploi ou encore les personnes âgées étaient prises en charge par leurs
familles. Les parents s'occupaient de leurs enfants, et les enfants, une fois autonomes se
chargeaient de subvenir aux besoins de leurs parents quand ceux-ci ne le pouvaient plus. Il
existait une réelle solidarité intergénérationnelle.
Aujourd'hui les mentalités évoluent, nous sommes, de plus en plus, dans une société
individualiste et ou l'isolement des personnes devient de plus en plus forte notamment en
milieu urbain, augmentation du nombre de familles monoparentales, du nombre de personnes
âgées... Les personnes qui vivent autour de nous deviennent des « anonymes » à nos yeux, qui
se préoccupent de savoir si son voisin mange à sa faim, si il paye son loyer correctement ?...
Parallèlement, vivre au RMI peut entraîner un manque de relations amicales, la perte
d'un emploi peut changer les liens que l'on avait créé avec des collègues, des personnes
rencontrées lors de sorties diverses... En effet, le manque constant d'argent empêche, pour de
nombreux bénéficiaires du RMI de pouvoir sortir, aller au cinéma, partir en vacances... dès
lors, ces activités qu'ils pouvaient autrefois partager avec leur entourage ne sont plus
réalisables, ils n'ont plus le même « train de vie ».
57.5% des personnes interrogées déclarent ne pas recevoir d'aide de la part de leur
famille ou de leurs proches.
Pour la plupart, il préfère faire comme ils peuvent plutôt que d'afficher leurs difficultés au
quotidien notamment parce qu’ils ont une mauvaise image d'eux mêmes et pensent que
demander de l'aide c'est encore « être assistés », vivre dépendant vis à vis des autres ( en plus
de l'être par rapport aux services sociaux ». Certains même n'avouent pas leur situation à leurs
du Territoire de Belfort.
96
proches. En effet, ils ne parlent pas du fait qu'ils sont au RMI et parfois même préfèrent
mentir et dire qu'ils travaillent comme tout le monde. Certains proches ne se doutent même
pas de la détresse de leurs amis, familles...
D'autres, au contraire s'enfuient lorsqu'une personne de leur entourage devient
« RMIste », « Au début j'étais gênée. Beaucoup de personnes sont parties. Amis ou famille
c'est pareil. »,les bénéficiaires se retrouvent alors encore plus seuls, ne s'estiment plus.
On note, lors des échanges avec les personnes qui ont accepté de nous répondre une place
importante de leur(s) parent(s) lorsqu'ils ont des enfants « Non, je prends en charge
l'éducation. Pour le reste mes parents leurs offrent beaucoup d'habits et en acheter pour moi
c'est très rare. Je récupère ce qu'on me donne. ».
La façon d'interpréter cet isolement peut être multiplié, malgré les résultats, il ne faut
pas oublier que 42.5% se font aider, soit par des proches soit par de la famille. Il ne faut donc
pas tomber dans le stigmate en déclarant que le RMI engendre forcément la perte de proches.
Certains réussissent à s'en sortir grâce à l'aide qu'ils reçoivent.
4. Le RMI entre choix et contrainte
a) le RMI peut -il être vécu comme un choix?
Une minorité, une infime minorité de personnes disent bénéficier du RMI par
choix...un choix pour se révolter contre la société dans laquelle ils ne veulent plus participer.
Préférant ainsi vivre avec très peu d'argent et se débrouiller pour vivre. En effet, ce sont des
personnes qui vivent « contre le système », la société étant si mal faite pourquoi agir comme
tout le monde et participer au système? C'est une certaine philosophie de vie qui n'est pas à
généraliser, une sorte de révolte intérieure qui poussent certains à vivre le RMI comme un réel
choix, se sentant mieux ainsi.
Ces personnes sont vraiment minoritaires dans la plupart des cas le RMI est subi...
Cependant, certains nous ont clairement dit que c'était un choix aujourd'hui, mais en
creusant un peu, on se rend compte qu'au départ le RMI avait été vécu comme une injustice,
et a fait suite à une sorte de résignation. Un temps conséquent de RMI, un éloignement de
plus en plus fort de l'emploi et les personnes acceptent alors leurs situations et le vivent
comme un choix, « vous savez ça va, je fais comme je peux »... Ils décident alors de vivre
« avec », trouvant différentes techniques de débrouilles, ou d'entraides pour terminer les fins
97
de mois.
6.3% déclarent être au RMI par choix, ce qui représente une infime partie des bénéficiaires.
De plus nous ne pouvons pas savoir ceux qui le font par réel choix ou plutôt par contrainte,
transformé en choix au fil du temps. D'après les différentes conversations que nous avons
eues avec les personnes qui ont rempli notre questionnaire, environ 2 ou 3, nous ont
clairement dit qu'elles le faisaient par choix.
b. Le RMI : une contrainte
92.5% des bénéficiaires du RMI interrogés vivent le RMI comme une contrainte. La
contrainte est une pression morale ou physique exercée sur quelqu'un ou sur quelque chose,
elle n'est pas un obstacle. Une contrainte est une règle obligatoire qui réduit la liberté
d'action.
De façon générale, elle est une restriction de quelque ordre. D'une façon générale, nous avons
trouvé cette question souvent délicate à poser et les personnes pouvaient se sentir vexées
qu'on puisse penser que vivre au RMI pouvait être un choix, « je préfèrerais pas être RMIste
et gagner ma vie. ».
Dans notre questionnaire, nous avons demandé aux personnes interrogées de nous dire
comment elles appréhendaient le fait de vivre avec très peu d'argent, nous avons choisi quatre
termes, dès lors le RMI pouvait être vécu de manière :
- frustrante : qui vient du verbe frustrer qui signifie priver quelqu'un d'un bien, d'un
avantage dont il croyait pouvoir disposer ou qui était dû.
Le revenu minimum d'insertion maintien le lien entre le revenu et le travail par le biais de
l'insertion. Il a été crée dans le but que ses bénéficiaires entrent dans la logique marchande de
la société, deviennent consommateur. Or ces derniers comme ils le disent eux mêmes
« survivent », et ne peuvent pas consommer comme ils le souhaiteraient, le sentiment de
frustration est partagé par 24.4% des personnes questionnées. C'est une frustration au sens
économique du terme, les bénéficiaires du RMI se sentent exclus de la consommation de
masse.
- angoissante : l'angoisse est une inquiétude profonde, une peur intense, née d'un
sentiment de menace imminente, 36.6% des allocataires du RMI sont angoissés par le fait de
98
vivre avec très peu d'argent.
Ils ont peur de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels, peur de ne pas pouvoir
manger suffisamment, de ne pas pouvoir payer leur loyer, d'être expulsés.... Cette angoisse se
multiplie lorsqu'ils ont des personnes à charge notamment des enfants en bas âge, pour leur
éducation....
- révoltante : la révolte signifie le refus d'obéissance, un soulèvement contre l'autorité
établie, le refus d’une situation de soumission. Elle a pour objectif de réduire une inégalité
sociale, économique, religieuse, nationale en obtenant de nouveaux droits.
20.7% des bénéficiaires interrogés trouvent leur situation révoltante, ils déclarent la société
égoïste et non adaptée aux besoins des personnes (en anecdote, une personne nous a dit de
refaire mai 1968 pour que les générations futures soient mieux prises en charge qu'eux!!!).
- indifférente : qui ne présente aucun intérêt particulier, c'est l'état de celui qui
n'éprouve ni douleur, ni plaisir, ni désir, ni crainte.
18.3% des personnes au RMI se disent indifférent du fait de leur situation de précarité. Pour la
plupart, elles se sentent, certes parfois mal vis à vis d'eux mêmes et des autres mais affirment
qu'il y a moins bien qu'eux. On connaît tous l'expression « l'argent ne fait pas le bonheur »,
l'important pour les personnes indifférentes est de faire comme elles peuvent, avec ce qu'elles
ont.
Etre au RMI est donc, la plupart du temps, une contrainte qui peut être vécue de
manière différente selon les personnes, selon le temps depuis lequel elles sont au RMI, mais
également selon le milieu dont elles sont issues à savoir leur capital social et culturel. C'est le
sociologue Pierre BOURDIEU qui est à l'origine de cette distinction entre capital
économique, capital social et capital culturel. L'idée est que l'individu ne possède pas et
n'hérite pas seulement d'un capital matériel, mais aussi d'autres éléments tout aussi importants
dont il peut tirer des avantages matériels ou symboliques.
Le capital économique :
L'expression désigne non seulement ce que les économistes appellent en général le patrimoine
(ensemble des biens matériels possédés par un individu, comme par exemple un logement,
des bijoux, des actions ou des obligations, etc.), mais aussi les revenus (car ils permettent un
99
certain niveau de vie et la constitution, ou pas, d'un patrimoine).
Le capital social :
C'est le réseau de relations personnelles qu'un individu peut mobiliser quand il en a besoin. Ce
réseau est en partie "hérité" (relations familiales, par exemple). Il peut concerner n'importe
quel individu, pas seulement ceux qui sont issus de milieux favorisés et qui ont, comme on
dit, "des relations". Toutes les relations ne se "valent" pas : certaines sont plus efficaces que
d'autres, ce qui crée ici aussi des inégalités.
Le capital culturel
L'expression désigne l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu (capacités
de langage, maîtrise d'outils artistiques, etc.), le plus souvent attestées par des diplômes.
Ces trois formes de capital, l'individu en hérite pour une partie, les constitue au cours de sa
vie pour l'autre, et essaie de les transmettre en héritage à ses enfants. C'est en ce sens que
Bourdieu utilise le mot de "capital" pour les trois formes. Les inégalités concernent les trois
formes de capital.
La distinction que fait Bourdieu entre ces trois formes de capital a des enjeux
importants : la position (de classe) d'un individu ne dépend pas seulement, pour lui, de sa
position économique. L'individu se situera dans l'espace social en fonction de la somme de
ces trois formes de capital dont il dispose. Ainsi une relative faiblesse dans le capital
économique peut-elle être compensée par un fort capital social. Ou encore, un fort capital
culturel (un niveau de diplôme très élevé) peut compenser l'absence de capital économique et
de capital social. Il est d'ailleurs probable que l'individu fortement doté en capital culturel
parviendra à valoriser sur le marché du travail son diplôme, ce qui lui permettra de se
constituer un capital économique. La question est de savoir si aujourd'hui un individu peut se
constituer du capital sans en hériter : dans les années 60 et 70, on estimait en général que le
capital culturel qu'un individu pouvait acquérir grâce à sa réussite scolaire lui permettait
d'améliorer sa position sociale (c'est "l'ascenseur social"). Aujourd'hui diplôme ne rime par
forcément avec réussite sociale et professionnelle, on dit souvent que l'ascenseur social est en
panne.
Le capital économique se repère grâce aux statistiques de revenu disponible et de
patrimoine déclaré.
Le capital culturel se repère essentiellement par le niveau de diplôme de l'individu.
Le capital social est plus difficile à mesurer. On trouve parfois des statistiques sur la
100
fréquence des invitations (à la maison) ou ce type de relations, qui peuvent donner quelques
indications mais, là encore, toutes les relations ne se valent pas et se contenter de dénombrer
les relations est insuffisant.
On peut donc supposer, même se cela n'a pas fait l'objet de recherche envers les
bénéficiaires lors de notre travail exploratoire, qu'une personne ayant vécu et grandi dans un
milieu « précaire », sera moins stigmatisée par son entourage qu'une personne ayant des
origines sociales élevées.
Il semble que la situation économique actuelle tend à changer le regard des gens sur les
différentes aides octroyées aux allocataires. En effet, aujourd'hui on assiste à une montée
croissante du chômage et à une précarisation de plus en plus forte des classes moyennes et
pauvres. Il devient très difficile d'accéder à l'emploi, notamment pour les jeunes, et de
nombreuses personnes victimes des licenciements actuels ne peuvent plus faire face au
quotidien. L'insertion, grand principe du RMI ne reflète plus la réalité économique actuelle.
101
C) le travailleur social : soutien ou poids ?
Nous avons tenté, dans les chapitres précédents, de vous démontrer qu'il est très
difficile de vivre avec le RMI. Payer son loyer, faire les courses, ces choses concrètes de la
vie quotidienne, sont souvent à l'origine d'angoisses et de frustrations. A cela s'ajoute des
difficultés d'un autre ordre. En effet, le RMI ce n'est pas seulement un faible revenu de 400
euros par mois, c'est aussi un statut, souvent connoté négativement par les bénéficiaires
comme les non-bénéficiaires.
Nous nous sommes intéressés dans cette partie à la place que tient le travailleur social
dans la vie des bénéficiaires du RMI. Est-il considéré comme un soutien ou plutôt comme un
poids ? Le fait d'être suivi et accompagné par un travailleur social améliore-t-il les conditions
de vie des bénéficiaires du RMI ou est-ce juste une contrainte à laquelle ils doivent se
soumettre ? En effet, cette question nous paraît essentielle dans le cadre de cette étude puisque
la particularité du RMI est que le versement de l'allocation est lié à un accompagnement
social. Dans le cadre de cet accompagnement, le rôle du travailleur social consiste à aider la
personne dans ses démarches et à mettre en œuvre avec la personne un projet d'insertion. On
pourrait donc supposer que cet accompagnement permet aux bénéficiaires du RMI de mieux
vivre leur situation en imaginant que le travailleur social pourrait pallier à leurs difficultés
matérielles par des demandes d'aides financières et à leurs difficultés socio-psychologiques qu'engendrent leur statut d'allocataire du RMI - par un soutien psychologique et un
développement de leurs relations sociales (inscription dans une association par exemple).
Nous allons commencer par décrire la population des bénéficiaires du RMI en se
basant sur des recherches au niveau national puis au niveau départemental et enfin au niveau
d'un quartier : Planoise en se basant sur les résultats de nos questionnaires. Nous élaborerons
ainsi une typologie qui va ensuite nous permettre de décrire les différents types de relation
que les bénéficiaires entretiennent avec les travailleurs sociaux. Nous finirons par le parcours
d'insertion, ses résultats et ses incidences sur les personnes.
102
1. Les bénéficiaires du RMI : une population hétérogène92
En France, le nombre de bénéficiaires de moins de 30 ans diminue mais représente ¼
de la population des bénéficiaires du RMI. Le nombre de bénéficiaires âgés de 55 à 59 ans
continue de progresser, en lien avec l'évolution démographique et l'arrivée dans cette tranche
d'âge de la génération du baby-boom. Le nombre de bénéficiaires de plus de 65 ans continue
de diminuer. Le montant moyen du RMI en 2001 est de 343 euros. 38% des bénéficiaires du
RMI ne perçoivent pas d'autres prestations. Parmi ceux-ci, la quasi totalité (31,5%) ne
disposent pas de ressources extérieures.
En 2001, en Franche-Comté, 58,1% des bénéficiaires du RMI sont des hommes ou des
femmes seuls sans enfant, ni personne à charge, comme au niveau national. Les familles
monoparentales et les couples représentent chacun un quart environ des bénéficiaires (un
cinquième au niveau national). La moitié des bénéficiaires a entre 25 et 40 ans. En 2002, le
montant moyen du RMI par CAF est de 325 euros pour la caisse de Besançon et de 333 euros
pour celle de Montbéliard.
Nos questionnaires, distribués dans les endroits stratégiques de Planoise nous ont
permis d'obtenir des chiffres plus précis sur notre secteur. Cependant ces résultats sont à
relativiser puisqu'ils ont été obtenus à partir d'un échantillon de 80 personnes. Il apparaît donc
difficile de les généraliser à l'ensemble des bénéficiaires du RMI de ce quartier. La répartition
par sexe est de 50 % d'hommes et 50 % de femmes. Concernant leur âge, les résultats obtenus
suivent assez bien la tendance nationale. Les moins de 28 ans correspondent à 15 % de la
population étudiée, les personnes âgées de 28 à 43 ans représentent 52,4 % et les plus de 43
ans, 32,4 %. Ensuite, la majorité des personnes interrogées sont célibataires, cette situation
représente en effet 50% des cas. Viennent ensuite les personnes mariées et divorcées qui
représentent chacune 18,8 %, puis les personnes en situation de concubinage qui constituent
11,3 %. Enfin, les veufs sont largement minoritaires puisqu'ils ne constituent que 1,3 % ce qui
peut probablement s'expliquer par le fait que cette population est relativement jeune. Pour
finir, 41,3 % des personnes interrogées n'avaient pas d'enfant à charge, 41,3 % en avaient
entre 1 et 2 et 15,1 % en ont 3 ou plus. A partir de ces chiffres nous pouvons repérer une
92 Les données chiffrées de cette partie sont issue du Tableau de l'exclusion en Franche-Comté, élaboré par la
Mire en février 2003
103
tendance générale. Ce sont surtout des personnes célibataires, sans enfant à charge et âgées de
28 à 43 ans.
Ces chiffres nous permettent de nous rendre compte qu'il existe de grandes disparités
au sein de la population des bénéficiaires du RMI. En faire une typologie risque de conduire à
un classement rigide alors que cela concerne des situations sociales par nature mouvantes.
Néanmoins cela permet de souligner l'hétérogénéité de cette population. C'est également un
outil important pour clarifier les problèmes posés.
Il existe de nombreuses façons de construire des typologies. Le CERC (Centre d'Etude
des Revenus et des Coûts), dégage 3 types d'allocataires du RMI à partir de 4 critères : l'état
de ses liens sociaux ; la situation de la personne à l'égard du marché de l'emploi ; ses
conditions de vie ; l'intensité des interventions sociales qui l'ont touché jusqu'alors.
Le premier type d'allocataire qui en découle concerne 40% des bénéficiaires. Ce sont des
personnes qui disposent de quelques atouts professionnels mais qui présentent une grande
fragilité au niveau de leurs liens sociaux. Le deuxième type concerne lui aussi 40% de la
population étudiée. Ce sont des personnes qui ont des liens sociaux très développés mais qui
demeurent plutôt éloignées du marché de l'emploi. Le troisième type qui regroupe les 20%
restant concerne les personnes qui cumulent les handicaps économiques et sociaux.
La population des bénéficiaires du RMI est donc très hétérogène, que ce soit au niveau
de leur âge, de leur sexe, de leur situation familiale, an niveau de leurs relations sociales, de
leur situation par rapport au marché de l'emploi ou de leurs conditions de vie. Il en découle
inexorablement des différences au niveau des relations qu'ils entretiennent avec les
travailleurs sociaux.
2. Travailleur sociaux et bénéficiaires du RMI : des relations diversifiées
Le CREDOC (Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de
Vie) a élaboré une typologie à partir de leur mode d'utilisation du dispositif d'insertion.
Il y a tout d'abord les utilisateurs marginaux des dispositifs (28,5%) qui considèrent le RMI
comme un dépannage, ce sont plutôt des hommes ou des femmes seuls et sans enfant.
Viennent ensuite les utilisateurs du dispositif social (38,8%), tournés vers le médical, le
104
logement ou faisant régulièrement appel aux secours exceptionnels. Les femmes habituées des
services sociaux tiennent une part importante dans ce groupe. Il y a enfin les utilisateurs des
diverses actions d'insertion professionnelle (32,5%). Ce sont majoritairement des hommes
jeunes. Ils apparaissent comme les mieux insérés socialement.
Serge PAUGAM, dans « La disqualification sociale », élabore une autre typologie.
C'est celle qui nous intéresse puisqu'elle décrit 3 types de population en fonction du type de
relation qu'elles entretiennent avec les services sociaux. Nous allons les décrire et les illustrer
par des extraits de témoignages recueillis auprès de bénéficiaires du RMI de Planoise. Ces
trois types de population peuvent d'ailleurs être assimilés aux 3 phases du processus de
disqualification sociale (processus de refoulement des personnes vers l'inactivité
professionnelle et l'assistance). Il faut toutefois noter que ces catégories comme ces phases ne
sont pas figées ni systématiques.
« Les fragiles » : Les personnes dans cette phase font l'épreuve de difficultés telles que
chômage, perte d'un logement... Ces épreuves leur donnent le sentiment qu'il y a eu une
dégradation de leur statut social. Cependant, elles multiplient les démarches pour acquérir un
meilleur statut, elles ne veulent pas être considérées comme des assistés. Demander du
secours à un travailleur social (faire une demande d'aide financière ponctuelle pour les aider à
payer leur facture EDF par exemple) les renverrait à leur infériorité et serait perçu par eux
comme une situation humiliante. Elles veulent sortir le plus rapidement possible du dispositif
du RMI qu'elles perçoivent comme dégradant. Elles ont intériorisé le jugement moral porté à
l'encontre des profiteurs des aides sociales.
« Je mets un point d'honneur à me débrouiller sans rien demander d'autre, c'est déjà assez
pénible de vivre aux crochets de l'Etat. Je suis pas du genre à aller voir l'assistante sociale tous
les 4 matins je fais avec ce que j'ai! » répond Mme C. lorsque nous lui avons demandé s'il lui
arrivait d'avoir recours à des aides financières ponctuelles.
- « Les dépendants vis-à-vis des travailleurs sociaux » : Ces personnes sont dans des
situations de précarité, notamment professionnelle, qui durent, ce qui entraîne une diminution
de leurs revenus et une dégradation de leurs conditions de vie. Ceci pouvant être – en partie –
compensé par les aides sociales, les personnes commencent à se tourner plus volontiers vers
les services d'action sociale.
« Ca n'a pas été facile pour moi d'aller vers l'assistante sociale, faire cette démarche a mis du
105
temps. Il a fallu que je me fasse à l'idée...mais quand on a plus de quoi se nourrir on oublie
vite ses principes ou ses peurs! Ça aide de crever de faim! »
« Après c'est sûr que je préférerais ne pas avoir à quémander et arriver à me débrouiller toute
seule mais bon on s'y fait... »
C'est donc une phase de prise en charge régulière par les travailleurs sociaux, au départ vécue
comme humiliante, puis peu à peu les personnes commencent à l'accepter afin d'avoir un
minimum de ressources qu'ils ne peuvent pas avoir autrement.
« Le plus difficile c'est l'alimentation. Les fruits et les légumes sont chers. Mais aussi les
couches. Heureusement elle n'en met plus que la nuit. Et puis, j'hésite pas, si il faut je vais
voir l'assistante sociale et je demande la banque alimentaire. »
Ils entretiennent en général une bonne relation avec le travailleur social, qui peut devenir
parfois un confident.
« Elle était clair, gentille et puis elle ma bien aidé ».
Cependant l'insatisfaction inhérente au statut d'assisté demeure car les revenus restent
insuffisants. En effet, lorsque les pouvoirs publics ont définis le montant du RMI, ils n'ont pas
pris en compte les besoins effectifs des ménages pauvres mais uniquement le niveau du SMIC
qui devait rester supérieur à celui du RMI afin de ne pas dés inciter les bénéficiaires à
chercher du travail.
- « Les personnes en rupture de lien social » : Lorsque les aides cessent, les personnes peuvent
alors être confrontées à un cumul de handicaps. Elles risquent de sortir du système d'aide et
rentrer dans des situations de plus en plus marginales (misère, désocialisation).
Avant le RMI, le système d'aide social ne prenait en charge que les difficultés liées à la
famille, à la vieillesse ou au handicap. Les personnes les plus démunies sortaient donc plus
facilement de ce système et ne pouvaient bénéficier seulement d'aides financières temporaires
ou de bons alimentaires.
Depuis le RMI, le risque de connaître une telle rupture des liens sociaux est moindre (mais
pas nulle). Beaucoup de SDF ne touchent pas le RMI même si ils savent qu'ils y ont droit. Il y
a plusieurs raisons à cela ;
-la perte ou le vol de leurs papiers d'identité qu'ils ne peuvent pas toujours faire refaire car
certaines préfectures leur refuse du fait qu'ils n'ont pas d'adresse (même pour des foyers). De
plus ils éprouvent un certain malaise, une certaine méfiance envers l'administration.
-la revendication de leur mode de vie, de leur « liberté ». Ils craignent en effet d'être pris en
charge par une institution médico-sociale et devoir renoncer aux dernières libertés qu'ils leur
106
restent, notamment leur consommation souvent excessive d'alcool ou d'autres drogues par une
cure de désintoxication.
Dans le cadre de notre enquête, nous avons interrogé des travailleurs sociaux amenés à
rencontrer des bénéficiaires du RMI. Nous leur avons demandé quelles relations ils
entretenaient avec les usagers. S'ils ne nous ont pas parlé des trois types de Serge Paugam en
tant que tels, ils nous ont cependant confirmé qu'il s'agissait d'une population très hétérogène,
de « situations tellement variables ». Certains usagers vont nécessiter un accompagnement
plutôt intense qui peut aller jusqu'à trois rencontres par semaine lors desquelles le travailleur
social va surtout avoir un rôle d'écoute et de soutien psychologique. Tandis que d'autres ne
vont avoir besoin que d'une rencontre par trimestre pour le contrat d'insertion, voire une
rencontre par an. Les personnes les plus autonomes demeurent les étudiants. Ils vivent cette
situation plutôt bien et considèrent le RMI comme un passage de transition. Pourtant,
symboliquement, le fait de finir un cursus d'étude et de rentrer dans la vie active par le biais
du RMI pourrait être vécu comme dégradant et décourageant. Cette vision positive des choses
peut s'expliquer par le fait que ce sont des personnes qui sortent d'une situation où ils avaient
– pour la plupart – peu de ressources, souvent moins que l'allocation du RMI, qui sont plutôt
bien insérées socialement et qui ont la capacité de raisonner et de prendre du recul par rapport
à leur situation afin de ne pas être dans la culpabilisation. Les personnes de plus de 60 ans
constituent également un public spécifique car leur retour à l'emploi paraît impossible, surtout
dans le contexte actuel où même les personnes jeunes et diplômées n'y parviennent pas.
Ainsi le travailleur social ne va pas les rencontrer fréquemment, il va plutôt les « laisser
tranquilles ».
Face à cette population très diversifiée, les travailleurs sociaux ne sont pas perçus de la
même façon et l'accompagnement qu'ils mettent en place est, lui aussi, vécu différemment
selon les individus. Ainsi, ils seront considérés comme une aide, un soutien important pour
certains (ceux que Serge Paugam appelle les « dépendants des services sociaux ») quand
d'autres (notamment les étudiants et ceux que Serge Paugam appelle les « fragiles ») les
trouveront inutiles et pesants.
107
3. Les travailleurs sociaux : un soutien que l'on ne peut nier
Selon les travailleurs sociaux du CCAS de Planoise que nous avons interrogé, la
première difficulté à laquelle ils doivent faire face est l'incompatibilité fréquente entre les
différentes logiques temporelles qui entrent en jeu. Il y a tout d'abord celle de l'usager, qui est
plutôt dans l'immédiateté, l'urgence, puis celle de l'administration, qui est plus dans la durée
nécessaire à la mise en place de procédures ainsi qu'aux prises de décisions et enfin celle du
travailleur social lui-même, qui doit tenir compte du rythme de l'usager tout en devant rendre
des comptes à l'administration dont il dépend. Il faut toutefois noter que cette différence de
rapport au temps n'est pas spécifique au suivi des bénéficiaires du RMI, mais plutôt au travail
social en général.
La plupart des personnes qu'ils rencontrent pour une demande de RMI sont en
situation de rupture dans leurs ressources, fin de droit d'API (Allocation Personne Isolée) par
exemple. Les personnes ne réagissent pas de la même manière face à une telle situation. En
effet, certaines prévoient cette rupture et font la demande de RMI assez tôt, tandis que de
nombreuses autres n'anticipent pas, soit parce qu'elles n'osent pas le faire soit parce qu'elles
sont persuadées que leur situation ne vas pas tarder à s'améliorer. Ainsi, un certain temps va
s'écouler entre le moment où elles perçoivent leurs dernières allocations ou leur dernière paye
et le moment du versement de l'allocation RMI, le temps que le dossier soit traité. Bien que le
premier versement du RMI remboursera les mois où elles n'auront rien perçu, il n'en reste pas
moins qu'elles demeureront sans ressources pendant deux ou trois mois voire plus. Ceci
s'accompagne généralement d'un retard de loyer de plusieurs mois, mettant les personnes dans
des situations dont elles vont se remettre très difficilement. Le premier problème, très concret,
auquel doit alors répondre le travailleur social est de pallier à ce manque par des aides
financières ponctuelles, des aides à la subsistance.
De plus, l'allocation étant différentielle, le bénéficiaire doit, tous les trois mois, remplir
une déclaration de ressources et la retourner à la Caisse d'Allocations Familiales. Si cette
formalité n'est pas accomplie, le versement du RMI peut être interrompu. Or cette démarche
peut s'avérer difficile pour certaines personnes, notamment celles très éloignées du marché de
l'emploi comme les SDF. Lors des entretiens, plusieurs usagers s'en sont plains : « C'est des
tracasseries de paperasse avec la CAF » ; « La CAF c'est compliqué il faut reconnaître quand
même ». La fonction d'accompagnement des travailleurs sociaux a donc là-aussi toute son
importance. Ils permettent aux usagers, grâce à un suivi régulier axé sur l'autonomisation des
108
personnes, de prendre conscience de l'importance de ces démarches.
Les travailleurs sociaux apportent également un soutien psychologique aux
bénéficiaires du RMI qui peut prendre plusieurs formes en fonction de l'état d'esprit dans
lequel sont les personnes. En effet, comme nous l'avons vu dans les parties précédentes tous le
monde ne vit pas cette situation de la même façon. Certains vont le vivre plutôt bien comme
le montrent ces extraits d'entretiens : « Je suis pas à plaindre, y'en a pour qui ça a du être bien
plus dur! » ; « Bon c'est sûr c'est pas grand chez nous et on a vu mieux mais ça me suffit... » ;
« Je touche à peu près 400 euros par mois, c’est déjà pas mal ». Tandis que d'autres vivent
cela comme un échec personnel et culpabilisent. « J'aurais jamais imaginé que je pouvais
tombé si bas, j'ai un bac +3, j'aurais jamais cru qu'un jour je devrais emmené ma femme à la
banque alimentaire pour faire nos courses ! » nous a avoué un bénéficiaire du RMI rencontré
devant l'épicerie sociale de Planoise. Ainsi le travailleur social peut, à travers une relation
d'aide basée sur l'écoute et la confiance, être amené à « faire prendre conscience aux gens,
leur expliquer dans quoi ils sont pour qu'ils puissent faire la part des choses entre ce qui est de
leur responsabilité et ce qui n'est pas de la leur, pour qu'ils puissent vivre les choses de
manière pas trop stigmatisante ». En effet, le fait que la personne soit dans une telle situation
n'est pas seulement – voire pas du tout – un problème lié à la personne mais c'est bel et bien
lié à un problème de la société et de son fonctionnement.
4. Les limites de l'accompagnement social
L'accompagnement social lié au dispositif RMI a pour caractéristique son objectif,
l'insertion. Cet accompagnement différencie le RMI des autres types d'aide puisqu'il repose
sur une aide financière liée à une « démarche construite avec le bénéficiaire pour qu'il
(re)trouve sa place dans la société ».93 La notion d'insertion est difficile à définir et à mettre en
place. De plus, elle stigmatise un peu les bénéficiaires du RMI, comme si ils étaient tous en
perte de liens sociaux. Or cela ne concerne qu'une partie minoritaire des bénéficiaires. En
effet le critère principal d'attribution est l'absence de ressources, cela n'est pas forcément
synonyme d'exclusion sociale. Au contraire, pour la plupart de ces personnes, leurs relations
sociales est ce qui leur permet de « tenir le coup ». La population des bénéficiaires du RMI est
93
« Le RMI 10 ans de revenu minimum d'insertion », André LANGLOIS, ASH, hors-série de mai 1999.
109
très hétérogène, le type de relations qu'ils entretiennent avec le reste de la société, avec leur
famille, leur rapport au marché de l'emploi sont donc très variés suivant les individus. Ceci
implique que la démarche d'insertion du dispositif RMI doit être adaptée à chaque cas pour
être efficace, car chacun a des besoins différents.
A la question « Que pensez-vous du I de RMI ? » tous les travailleurs sociaux présents
à l'entretien ont été d'accord pour répondre que c'était une très bonne idée au départ mais qu'il
n'y a jamais eu les moyens, ni les volontés politiques pour que cela marche réellement.
A l'origine du RMI il y a deux systèmes de pensées. Il y avait tout d'abord l'idée, qui
était plutôt celle des députés de gauche, majoritaires à l'époque, selon laquelle la société
produit de l'exclusion. Il faut donc qu'elle se donne les moyens de compenser cela, ce que
permet un revenu minimum. L'idée opposante reposait sur la nécessité d'une contrepartie, d'un
engagement de la part des personnes percevant cette allocation. Le contrat d'insertion est donc
né de ces débats.
Le principe d'accompagnement social des bénéficiaires du RMI était à l'époque considérée
comme une grande avancée par les travailleurs sociaux. Cependant, ils se sont rapidement
rendu compte que cet accompagnement ne serait pas suffisant face au contexte économique
pour permettre à un nombre satisfaisant de personnes de sortir du dispositif RMI.
Les travailleurs sociaux évoquent également le fait que la notion d'insertion ne veut
plus dire la même chose aujourd'hui qu'il y a vingt ans. En effet, auparavant, on considérait
que l'insertion pouvait se faire de multiples façons autres que par le seul accès à l'emploi. On
s'intéressait à la personne dans sa globalité, à sa santé, à son logement, mais aussi à ses
relations sociales, ses désirs personnels... Ainsi l'insertion pouvait avoir pour but d'aider la
personne à être à nouveau dans le désir d'entreprendre, d'ouvrir la porte de chez elle, de
s'ouvrir aux autres, son inscription dans une association... Selon un assistant social du CCAS,
lors des premières années suivant la création du RMI, les fonds consacrés à ces derniers
étaient beaucoup plus importants qu'aujourd'hui. Il était alors possible, par exemple de se faire
financer la totalité de son permis de conduire dans le cadre du RMI ou de monter un contrat
d'insertion autour du projet musical d'un usager. Ainsi, le travail d'accompagnement social des
bénéficiaires du RMI était à cette époque beaucoup plus intéressant puisqu'il pouvait faire
levier sur des choses très variées. En fin de compte, cet accompagnement pouvait être basé
sur tout ce qui mobilisait la personne.
Or, aujourd'hui, les seuls projets d'insertion audibles par les institutions sont ceux
concernant l'emploi. Le travailleur social a de moins en moins de marge de manœuvre et son
110
rôle risque de glisser peu à peu vers celui d'un simple technicien appliquant un ordre sans
prendre en compte la spécificité de chaque individu.
De plus tous les bénéficiaires du RMI ne sont pas capables de travailler, ni de chercher
un emploi, ou du moins pas immédiatement. Il y a des freins qui peuvent être multiples et il
est important de travailler ces freins en amont de la recherche d'un emploi. Ce travail est de
moins en moins faisable bien que ça soit une mission importante du travail social.
Enfin, cette demande institutionnelle est difficile à réaliser dans le contexte actuel où
le chômage ne cesse d'augmenter. En effet, sortir du dispositif du RMI par l'accès à l'emploi
ne dépends pas que de la bonne volonté du bénéficiaire. Cela dépend surtout de l'existence, ou
non, de solutions de sorties, de l'état du marché de l'emploi.
Tout cela est lié au fait que le travail social est rentré dans des logiques de gestion
comptable qui font que les travailleurs sociaux doivent faire du chiffre, rendre des comptes,
faire des statistiques et de plus en plus de volume, tout cela encadré par un vocabulaire
d'entreprise : les flux, les stocks... C'est ainsi que les travailleurs sociaux du CCAS de
Planoise, au service insertion, se retrouvent avec 110 suivis de bénéficiaires du RMI par
professionnel. Pour voir chaque personne au moins une fois par mois, il faut qu'ils rencontrent
5 usagers par jour, en sachant que chaque entretien donne lieu à des communications
téléphoniques, des prises de contact avec divers partenaires, des dossiers à monter, des
courriers à envoyer, etc... Cela devrait également donner lieu à un accompagnement lors des
démarches des personnes, « faire les choses avec elles ». En effet, faire sa déclaration
trimestrielle à la CAF, prendre des rendez-vous et aller à ces rendez-vous, se renseigner sur
une association et s'y inscrire, peut être très difficile pour certaines personnes. Cet
accompagnement est de plus en plus négligé par les travailleurs sociaux puisqu'ils sont
submergés par le nombre de mesures en cours et que « ce n'est pas le plus urgent ». Ils sont
contraints de faire des choix et cela conduit parfois à « oublier » les personnes qui ne viennent
pas aux rendez-vous par exemple. Ceux-là sont souvent dans des situations d'extrêmes
difficultés et les travailleurs sociaux s'y intéressent parfois trop tard. « On est plus dans de
l'aide à la personne, on est dans de la gestion d'une masse de gens qui bénéficient d'une aide et
qu'il faut gérer avec des orientations de plus en plus vers l'économique. Il n'y a plus de prise
en compte des gens dans leur globalité. »
C'est ainsi que l'accompagnement social du dispositif RMI peut devenir un poids. En
effet, les limites du parcours d'insertion précitées peuvent donner à l'usager le sentiment qu'il
111
est inutile, que toutes les démarches effectuées dans le cadre du contrat d'insertion ne servent
à rien. Cela peut ainsi aboutir à une perte de sens. De plus, certaines personnes ont du mal
avec le fait de devoir rendre des comptes régulièrement, ils se sentent espionnés et ont le
sentiment qu'on ne leur fait pas confiance. Alors qu'il est vrai que la relation travailleur social
– bénéficiaire du RMI devrait, pour être utile et performante, être basée sur une confiance
réciproque.
5. Ce qu'en pensent les usagers
Après avoir ainsi résumé les paroles des travailleurs sociaux à propos du dispositif du
RMI, intéressons nous à ce qu'en pensent les bénéficiaires.
Dans nos questionnaires, nous adressions aux bénéficiaires deux questions par rapport
à leurs relations avec les services sociaux. La première question était : « Dans le cadre du
RMI, vous sentez-vous bien accompagné par les services sociaux ? » 72,5% des personnes
interrogées ont répondu OUI et seulement 27,5% ont répondu NON. A la deuxième question
« Cet accompagnement vous pèse-t-il ? » 42,5% ont répondu OUI et 56,3% ont répondu
NON.
Ces résultats semblent à première vue paradoxaux. En effet, on pourrait penser que les 72,5%
qui se sentent bien accompagnés par les services sociaux ne trouvent pas cet accompagnement
pesant, or ce n'est pas le cas. Il y a plusieurs explications à cela. Tout d'abord, ces résultats
sont à relativiser pour deux raisons. Il s'agissait de questions fermées, les personnes ne
pouvaient donc répondre que par « oui » ou « non ». Or il est arrivé de nombreuses fois
qu'elles hésitent entre l'un ou l'autre et finissent par répondre « oui, un peu » ou « non, enfin
ça dépend ». Nous pensons donc que la question n'était peut être pas assez précise ou qu'il
aurait fallu ajouter d'autres réponses comme « non, pas du tout » ; « oui, un peu » ; « oui,
beaucoup » ; etc. Il est également possible que les personnes n'osaient pas répondre
exactement ce qu'elles pensaient. En effet nous n'étions pas dans des endroits neutres pour
distribuer les questionnaires. Cela s'est surtout fait à la CAF ou à l'épicerie sociale. Ce n'était
probablement pas les lieux les plus appropriés à une critique des services sociaux puisque
c'est là que les usagers viennent chercher de l'aide. Enfin, il est tout à fait possible que les
usagers se trouvent bien encadrés, aient une bonne relation avec le travailleur social tout en
trouvant cet accompagnement pesant, notamment par rapport au fait de devoir se justifier et
112
lui rendre des comptes régulièrement. De plus les travailleurs sociaux que nous avons
rencontrés, nous ont avoué être de plus en plus contraints par les institutions d'adopter un rôle
de « flicage » et comprendre tout à fait que les usagers trouvent cet accompagnement pesant.
Lors des entretiens effectués avec des bénéficiaires du RMI nous avons abordé la
question de l'insertion et essayé de savoir si le dispositif les aidait à trouver du travail ou s’il
les avait plutôt incités à ne pas en chercher.
A la question « Le RMI a pour but de favoriser l'insertion. Est-ce une réalité pour
vous? »,la plupart ont répondu que l'entrée dans le dispositif RMI n'avait rien changé pour
eux au niveau de l'accès à l'emploi : « Le RMI n'a rien changé. Je cherche mon travail toute
seule. » ; « Non, ça n'a rien fait pour moi ! ça cherche pas pour nous. » ; « Pas vraiment, non,
avant je travaillais dons le bâtiment, j'ai retrouvé des petites missions d'intérim mais pas
d'emploi réel. » ; « Non, je cherche mais quand on dit qu’on est au RMI… ». Beaucoup ont
également abordé le fait qu'ils leur manque des diplômes ou le permis de conduire « Je suis en
plein dedans là mais ça n’aboutit à rien car jai pas le niveau, j’étais en échec scolaire. J’ai
tenté trois BEP différents que j’ai pas mené à terme. Jai pas de voiture et la première chose
qu’on me demande quand je me présente pour chercher du travail pour faire de l’aide à
domicile c’est la voiture, pour les entreprises de nettoyage il faut aussi la voiture. Pour
d’autres choses qui m’intéressent jai pas le niveau. ». Une personne nous a même affirmé
qu'elle se sentait très éloignée du marché de l'emploi car « il y a toujours une coupure, jai pas
de voiture. » Le fait de ne pas avoir de permis de conduire est un véritable handicap pour cette
population. D'autres évoquent un autre problème, le manque de temps : « oh ben non ! Ça
aide pas les gens à retrouver du travail, c’est de la survie, c’est pas pareil. Tu ne vis pas avec
le RMI, tu survis… tu fais de la survis, du système D. Quand t’es occupé à survivre, t’as pas
le temps de chercher du boulot... ». En effet, pour « vivre mieux », la plupart des bénéficiaires
du RMI sont contraints d'avoir recours à des pratiques comme le travail au noir, le trafic ou le
recel... Les personnes qui commencent à être dans des circuits comme ceux-là n'ont plus le
temps, et ne voient plus l'intérêt de chercher un emploi.
Ensuite, lorsque nous avons demandé aux personnes si le fait d'être au RMI les avait
déjà inciter à ne pas chercher de travail, elles ont toutes répondu non et l'expliquent de
différentes façons : « Je suis pas sûre que le RMI réinsère vraiment les gens...Mais si je
pouvais je travaillerais, vivre au RMI c'est pas folichon! » ; « Non, je préférerais travailler que
d'être au RMI. Je ne me sens pas à l'aise » ; « Non, jamais c'est tellement peu qu'on essaye de
compenser, je préférerais ne pas être RMIste et gagner ma vie. ». Certains ont tout de même
113
admis que la perte des avantages liés au RMI n'était pas négligeable : « Non, j'aimerais juste
travailler suffisamment pour ne pas m'ennuyer mais pas trop pour garder les avantages. ».
Ainsi, les personnes interrogées nous ont confirmé que le RMI permet, certes de subvenir à
leurs besoins vitaux, mais il n'est pas suffisant pour mener une vie agréable. Elles expliquent
ceci par l'ennui lié à l'absence d'activité, le fait que le montant de l'allocation du RMI soit
faible et surtout « l'étiquette », le statut attaché au fait d'être bénéficiaire du RMI. Enfin, si
l'accompagnement social présent au sein du dispositif RMI ne permet pas de (re)trouver un
emploi, certains ont tout de même admis qu'il était important pour eux, dans le sens où cet
accompagnement leur offre un espace de parole, d'expression et d'écoute : « même si on
trouve pas de travail, on peut parler... ».
Nous avons donc vu que la population constituée par les bénéficiaires du RMI est très
hétérogène, tant au niveau national, qu'au niveau du quartier de Planoise. Cette hétérogénéité
suppose une adaptation des travailleurs sociaux à chaque situation, un accompagnement
psychologique ainsi qu'un parcours d'insertion spécifiques à chaque usager. Cet
accompagnement est considéré par la plupart des usagers comme « lourd, pesant », certains
vont même jusqu'à dire qu'il est « inutile ». Il est vrai que les chiffres à propos des sorties du
dispositif ne sont pas très probants. Cela est surtout du à l'état actuel du marché de l'emploi et
au chômage de masse. De plus les travailleurs sociaux sont soumis à des contraintes
institutionnelles qui demandent de plus en plus de « faire du chiffre » tout en mettant un peu
de côté la prise en compte des personnes dans leur globalité. Cependant, le fait d'avoir une
personne à qui parler et qui apporte soutien et conseils est très important pour certains
bénéficiaires du RMI en rupture de liens sociaux.
114
Conclusion
Afin de mieux cerner les difficultés rencontrées par les bénéficiaires du RMI, nous
avons commencé par expliquer le concept de pauvreté qui se manifeste par une carence
économique, culturelle, sociale et sanitaire. La pauvreté engendre des souffrances tant
physiques que psychologiques. Devant cette détresse de nombreuses solutions ont été crées
dans le monde sous différentes formes (revenu minimum universel, etc.), et ce depuis le 16ème
siècle. La France, par exemple a créé le revenu minimum d’insertion en 1988.C’est une aide
financière accordée sous certaines conditions comme l’âge (avoir plus de 25 ans), elle se
calcule selon les ressources et la composition familiale. Son but est de réinsérer les personnes
dans un parcours professionnel. Pour cela, un suivi est imposé permettant de contrôler
l’évolution des démarches et le respect du contrat d’insertion.
Vu le montant faible du RMI, un ensemble de droits annexes a été créé comme le tarif
préférentiel chez EDF ou l’allocation au logement à taux plein.
Depuis 2004, le RMI est géré au niveau départemental ce qui a crée de nombreuses disparités,
tant au niveau du budget réservé au RMI qu’au niveau de la politique d’insertion.
Pour comprendre le mode de vie des attributaires il nous a paru évident de nous intéresser
aux difficultés économiques qu’ils rencontrent au quotidien.
Le logement est apparu comme la préoccupation principale de la majorité des
personnes que nous avons interrogées puisqu’il permet d’obtenir une certaine autonomie et
qu’il garantit leur intégration sociale et familiale. Après avoir travaillé sur les différents types
d’habitats, le constat suivant est apparu ; malgré les aides accordées, la part destinée au loyer
reste non négligeable, ce qui influence les conditions de vie (promiscuité, exigüité, absence de
domicile, etc.).
A la suite du logement interviennent les dépenses liées à l’alimentation. Bien manger
est un besoin vital puisqu’il assure une bonne santé. Il apparaît que le RMI ne permet pas dans
la plupart des cas de manger équilibré.
La troisième priorité s’avère être la santé. Celle-ci ne se réduit pas à la simple absence
de maladies ou d’infirmités, c’est également un état de bien-être général (physique, social et
mental), même si sa définition est propre à chacun. La CMU a permis l’accès gratuit aux soins
et donc le respect d’un droit fondamental. Malheureusement cette aide est quelque peu
négligée par certains allocataires du RMI. Ceci est dû entre autres au manque d’informations,
115
aux origines sociales et culturelles (non familiarisation avec les systèmes de soins, etc.), ou
tout simplement au laisser aller.
Le questionnaire a mis en lumière que le transport, les loisirs, l’habillement et
l’éducation étaient considérées comme des dépenses secondaires. Après s’être occupé des
dépenses prioritaires (logement et alimentation), il ne reste que peu d’argent pour ces
dernières.
Au-delà de l’aspect économique, être bénéficiaire du RMI a des conséquences
psychologiques très importantes. Il entraîne des difficultés sociales comme l’exclusion ou
l’isolement. Fort heureusement des liens de solidarité (associations) sont mis en place pour
leur apporter un soutien psychologique.
Il existe plusieurs manières de vivre le RMI, tout dépend de la personnalité et de l’histoire de
chacun. Le regard des autres peut être lourd à porter d’autant plus qu’il peut être stigmatisant.
Il est apparu que pour la majorité de personnes, être au RMI est plus une contrainte qu’un
choix.
Nous nous sommes penchées sur la place du travailleur social auprès des allocataires.
Il agit en leur apportant un soutien psychologique et matériel notamment par des aides
ponctuelles (bons alimentaires, etc.). Nous avons traité des limites du travail de l’insertion, en
effet l’obligation de l’insertion peut être perçue comme stigmatisant par les usagers.
L’ensemble de notre travail a été guidé par une question centrale : comment les
bénéficiaires du RMI peuvent-ils subvenir à leurs besoins essentiels, malgré des difficultés qui
varient en fonction des dispositions individuelles psychologiques, économiques, sociales et
culturelles ? Au cours de notre étude, nous sommes donc parvenues à l’hypothèse générale
exploratoire : subvenir à ses besoins essentiels confronte les bénéficiaires du RMI à de
sérieuses difficultés qui varient en fonction des dispositions individuelles économiques,
sociales, psychologiques et culturelles.
Actuellement a lieu la réforme du revenu de solidarité active (RSA), celui-ci vient
remplacer le Revenu minimum d’insertion (RMI) et l’aide pour parent isolé (API).
Il est là pour compléter des ressources limitées, encourage l’insertion professionnelle.
Le Revenu de Solidarité Active a été créé par la loi du 1er décembre 2008, soit tout
juste vingt ans après la loi qui instaurait la RMI. Il est entré en vigueur je 1er juin 2009 et
remplace le RMI et l’API (Allocation de Parent isolé).
Le RSA existe sous deux formes : le RSA « socle » et le RSA « chapeau » :
116
- Le RSA socle concerne les personnes n’exerçant aucune activité professionnelle
rémunéré. On peut donc dire qu’il correspond au RMI qui existait jusqu’alors. Les
bénéficiaires du RMI rencontrées au cours de cette étude de milieu sont donc devenus
bénéficiaires du RSA socle à compter du 1er juin.
- Le RSA chapeau concerne les personnes qui ont une activité professionnelle
régulière mais dont le revenu reste faible, en dessous du seuil de pauvreté qui d’élève
aujourd’hui à 880 € aujourd’hui en France. Le public visé par le RSA chapeau est donc
principalement les travailleurs à temps partiel, souvent qualifiés de travailleurs pauvres.
Le RSA leur permet d’acquérir un complément de ressources calculé en fonction de la totalité
des revenus du foyer de l’allocataire et de sa composition familiale.
Le récent passage d’un système à l’autre ne permet pas le recul nécessaire pour
comparer les deux dispositifs RMI et RSA. D’autant que les travailleurs sociaux et les
structures gestionnaires du RSA (CAF, MSA et Pôle Emploi) ne connaissent pas encore tous
les tenants et les aboutissants de ce nouveau dispositif. On se trouve actuellement dans une
période charnière où chacun s’adapte et adapte progressivement le RSA à la réalité du terrain.
Néanmoins, d’après les données déjà existantes et grâce aux entretiens auprès des
travailleurs sociaux, on peut dire que l’insertion sera moins présente avec le RSA, notamment
du fait de l’abandon du contrat d’insertion.
Certaines critiques de ce tout nouveau dispositif se font déjà entendre. Notamment Marc
Desplats, président du mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP) qui estime
que le RSA est « un système beaucoup plus répressif que l’ancien » qui va renforcer la
précarité des plus démunis des allocataires. En effet tous les bénéficiaires du RSA devront
s’inscrire à Pôle Emploi et seront désormais suivis par cette structure. Ils doivent remplir les
mêmes conditions que l’ensemble des demandeurs d’emploi et peuvent être radié pour refuser
des offres d’emploi.
Ce suivi par Pôle Emploi semble bien moins adapté et personnalisé que
l’accompagnement part les services sociaux qui ne durera qu’un an au maximum.
117
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