Répartition du droit de vote entre l`usufruitier et le nu
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Répartition du droit de vote entre l`usufruitier et le nu
00000000 (pb) Répartition du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire d’actions et sa solution en cas de conflit. De plus en plus d’actionnaires notamment de petites sociétés familiales ont recours au mécanisme de donation d’actions à leurs successeurs désignés, tout en se réservant l’usufruit sur ces actions. Ce mécanisme permet à l’usufruitier de conserver une relative gestion de sa société, tout en assurant sa succession aux personnes qu’il aura choisies. Cette clause de réserve d’usufruit est courante dans les actes de donation et sa validité n’est pas contestée (Article 949 Code civil). La question se pose notamment de savoir qui bénéficiera du droit de vote aux assemblées générales, c’est-à-dire la maîtrise de la gestion principale de la société et du revenu des actions (dividende, diminution de capital, liquidation). En effet, ni l’un ni l’autre ne bénéficie de la totalité de la propriété. Or, le droit de vote appartient en principe à celui qui réunit dans son chef tous les attributs de la propriété ou se présente comme tel, sans opposition vis-à-vis de la société (Trib. Comm. Bruxelles, 13 juin 1921, J.B.C., 1921, p. 420). De plus, le code des sociétés ne prévoit qu’une seule votation par actionnaire et n’admet pas qu’une même action donne lieu à un double vote de la part de deux personnes différentes. Il est dès lors impossible, en l’absence de textes prévoyant cette hypothèse, d’accorder le droit de vote à l’un à l’exclusion de l’autre. La question est plus complexe qu’elle n’y paraît. En effet, les prérogatives ou prétentions de l’usufruitier sont souvent opposées à celles du nu-propriétaire. De fait, l’usufruitier aura naturellement tendance à privilégier les décisions confortant ses droits de jouissance de la situation acquise, à l’encontre de décisions plus « capitalistiques » touchant aux restructurations de l’entreprise ou la mise en réserve de moyens financiers et qui renforcent les droits de disposition du nu-propriétaire (P. DELNOY, « la donation de titres de sociétés en vue d’en conserver les revenus et, si possible, la gestion », Rec. Gen. Enr. Not., 2003, p.367). Par exemple la question des bénéfices qui donnent lieu soit à la distribution de dividendes (qui reviennent à l’usufruitier) soit à la conservation en tant que réserves (qui reviennent au nupropriétaire). Un autre exemple est la nomination d’administrateurs : ceux-ci ont de par les statuts des pouvoirs de disposition et de jouissance dont ils peuvent user d’une manière plus ou moins étendue dans les limites de leur mandat (Trib. Comm. Bruxelles, 13 juin 1921, J.B.C., 1921, p. 420). Le donateur, qui souhaite utiliser ce mécanisme de donation d’actions avec réserve d’usufruit pour conserver la gestion de sa société, doit tenir compte de plusieurs limitations qui lui sont imposées : - - il n’est plus « le souverain maître » des biens, identiques à celle d’un propriétaire. L’usufruitier ne peut pas altérer la substance des biens sur lesquels porte son droit. (Article 578 du Code civil). L’usufruitier ne peut dès lors jouir des biens qu’à condition de respecter le profil initial du portefeuille (P. DELNOY, « la donation de titres de sociétés en vue d’en conserver les revenus et, si possible, la gestion, Rec. Gen. Enr. Not., 2003, p.369). L’article 618 du Code civil impose à l’usufruitier de jouir des biens en bon père de famille. 1/3 00000000 (pb) - Ces deux conditions sont sanctionnées par la déchéance du droit de l’usufruitier à la demande du nu-propriétaire (P. DELNOY, « la donation de titres de sociétés en vue d’en conserver les revenus et, si possible, la gestion, Rec. Gen. Enr. Not., 2003, p.367). Au regard de la théorie de donation, il faudra, sous peine de nullité de cette dernière, que la convention n’aboutisse pas à conférer au donateur le pouvoir de revenir unilatéralement sur la donation, car « donner et retenir le vaut ». (P. DELNOY, « la donation de titres de sociétés en vue d’en conserver les revenus et, si possible, la gestion, Rec. Gen. Enr. Not., 2003, p.370) D’un point de vue purement théorique, la doctrine tend généralement à dire que l’usufruitier aura le droit de vote aux assemblées générales pour toutes les délibérations concernant la jouissance et qu’il sera réservé au nu-propriétaire pour toutes celles relatives aux actes de disposition. D’aucuns interprètent ce point de vue comme le droit de vote aux assemblées générales ordinaires accordé à l’usufruitier et le droit de vote des assemblées générales extraordinaires est réservé au nu-propriétaire. D’autres estiment que pour chaque point à l’ordre du jour des assemblées générales une distinction doit être faite entre les actes de jouissance (dont le droit de vote est réservé à l’usufruitier) et les actes de disposition (dont le droit de vote est réservé au nu-propriétaire) (L. WEYTS, “Vennootschapsrecht en erfrecht”, in Liber Amicorum Edmund BOUTTIAU et J. DEMLON, 1987, Bruylandt p. 380). Chacune de ces possibilités se heurte aux faits et au droit, car en réalité les décisions d’une assemblée générale sont complexes et affectent à la fois le capital et l’usufruit. Dans le plus grand nombre de cas, leurs droits s’enchevêtrant d’une manière telle qu’il devient souvent impossible de les séparer et de prévoir une participation aux votes l’usufruitier ou le nupropriétaire isolément, suivant que les questions à l’ordre du jour sont relatives à la jouissance ou à la propriété. La jurisprudence ne fige pas les droits de vote de l’un et de l’autre dans une définition précise. En l’absence de textes qui visent précisément cette hypothèse, la jurisprudence applique par analogie les dispositions du Code des sociétés qui règlent la question lorsque les titres sont en indivision entre plusieurs personnes. Selon les articles 236 (pour la sprl) et 461 (pour la sa) du Code des sociétés, lorsqu’il y a plusieurs propriétaires d’un titre, la société a le droit de suspendre l’exercice des droits y afférents, jusqu’à ce qu’une seule personne soit désignée comme étant à son égard propriétaire de l’action. (P. DELNOY, « la donation de titres de sociétés en vue d’en conserver les revenus et, si possible, la gestion, Rec. Gen. Enr. Not., 2003, p.366-367). Elle estime que dans le cas d’actions données en usufruit, il appartient à l’usufruitier et au nupropriétaire de se mettre d’accord quant à l’exercice du droit de vote soit par l’un d’eux soit par un tiers, mandataire commun (Trib. Comm. Bruxelles, 13 juin 1921, J.B.C., 1921, p. 420). La question n’étant ni d’ordre public, ni impérative, la majorité de la doctrine s’accorde pour dire qu’une clarification statutaire ou sous une autre forme est plus que conseillée. (L. WEYTS, “Vennootschapsrecht en erfrecht”, in Liber Amicorum Edmund BOUTTIAU et J. DEMLON, 1987, Bruylandt p. 380). 2/3 00000000 (pb) Plusieurs possibilités sont énumérées ci-dessous, sans que l’énumération ci-dessous soit exhaustive : - - Soit, le droit de vote est, généralement par un souci de simplification, « attribué en bloc » à une personne, l’usufruitier ou le nu-propriétaire. Cette démarche peut cependant aboutir à négliger soit les droits de l’usufruitier (lorsque le droit de vote est attribué au nu-propriétaire) soit les droits du nupropriétaire (lorsque le droit de vote est attribué à l’usufruitier) Soit le droit de vote est réparti entre les parties selon qu’il s’agit du droit de vote à l’assemblée générale ordinaire (pour l’usufruitier) ou le droit de vote à l’assemblée générale extraordinaire (pour le nu-propriétaire) Soit une énumération claire des différents points possibles mis à l’ordre du jour qui sont répartis entre l’usufruitier et le nu-propriétaire Quelque soit le choix entre les différentes possibilités, la clause sera donc très délicate à rédiger. Une grande prudence dans la rédaction de la clause et un mécanisme de contrôle pour les deux parties sur le pouvoir de décision de l’autre sont fortement conseillés, car celui qui exerce ainsi le droit de vote l’exerce à la fois à raison d’un droit qui lui est propre et à raison des droits qui appartiennent à celui qui est titulaire du surplus de la propriété (Trib. Comm. Bruxelles, 13 juin 1921, J.B.C., 1921, p. 420). Enfin, il faut également signaler la possibilité de régler un conflit entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en application de l’article 641 du code des sociétés pour les sociétés anonymes (339 pour les sociétés privées à responsabilité limitée) qui stipule qu’un ou plusieurs actionnaires possédant ensemble des titres représentant soit 30 % des voix attachées à l'ensemble des titres existants ou 20 % si la société a émis des titres non représentatifs du capital, soit des actions dont la valeur nominale ou le pair comptable représente 30 % du capital de la société, peuvent demander en justice que, pour de justes motifs, celui qui exerce le droit de vote à un autre titre que celui de propriétaire transfère son droit de vote au titulaire ou aux autres titulaires de l'action. C’est ainsi que la Cour d’appel de Bruxelles à reconnu au nu-propriétaire le droit d’agir en justice. Cette décision ouvre d’ailleurs la possibilité d’agir pour le nu-propriétaire aussi bien dans le cadre de l’action en retrait que dans l’action en cession forcée. Un équilibre est ainsi créé entre les droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier, ce dernier ne pouvant abuser de ses droits. L. De Smet et J. Vanden Eynde Avocats www/vdelegal.be 3/3