Etalonnage d`une tuyère basse vitesse à l`aide de la vélocimétrie

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Etalonnage d`une tuyère basse vitesse à l`aide de la vélocimétrie
ÉTALONNAGE D’UNE TUYÈRE BASSE VITESSE À L’AIDE DE LA
VÉLOCIMÉTRIE PAR IMAGES DE PARTICULES
F. Kuznik, G. Rusaouën, P. Gervais et G. Chareyre
Centre de Thermique – INSA de Lyon
Bâtiment FREYSSINET, 20 avenue EINSTEIN, 69621 Villeurbanne Cedex
Résumé
L’objet de notre article est l’étalonnage d’une tuyère basse
vitesse (0-4m/s) par vélocimétrie par images de particules.
Cette tuyère devant servir de référence lors d’étalonnages
de sondes de vitesse, l’incertitude de mesure liée à son
utilisation doit être maîtrisée. Pour cela, il est nécessaire
d’identifier et d’évaluer les incertitudes liées à l’étalonnage
de la tuyère, ainsi que les incertitudes dues à l’utilisation de
la courbe d’étalonnage.
Présentation du problème
Description de la tuyère
La tuyère a été fabriquée afin de répondre à deux
contraintes principales : avoir une vitesse de sortie variable
de 0 à 4m/s et avoir un profil de vitesse uniforme sur une
bonne partie de la section. Le schéma de la tuyère ainsi
construite est représenté sur la figure 1. Le ventilateur
centrifuge est alimenté par une tension alternative que l’on
peut faire varier à l’aide d’un rhéostat.
Abstract
The present paper deals with the calibration of a low
velocity nozzle (0-4m/s) using particle image velocimetry.
This nozzle should be a standard for hot-wires
anemometers calibration and consequently it is necessary to
know the nozzle calibration errors. Then we need to
identify and evaluate the measurement uncertainties due to
the nozzle calibration and the use of the calibration curve.
écran
grilles
ventilateur
centrifuge
φ68.6mm
contraction
air
75mm
303mm
200mm
φ188mm
Introduction
Figure 1 : Schéma en coupe de la tuyère
L’étude des transferts de masse et de chaleur dans le
domaine du bâtiment nécessite souvent l’étalonnage de
diverses sondes (thermocouples, fluxmètres,…) et la
question de la mesure de référence ne se pose qu’en terme
de possibilité d’utilisation des instruments achetés dans le
commerce. Cependant, il est parfois nécessaire d’étalonner
des outils d’étalonnage ; c’est un de ces cas que propose de
décrire notre étude.
L’effet des grilles et de la contraction est de réduire les
inhomogénéités de la turbulence tout en améliorant
l’uniformité des vitesses.
Nous devons étalonner in situ une sonde tridimensionnelle
à fils chauds pour la mesure de la vitesse de l’air dans la
gamme de 0-4m/s. Cette opération nécessite d’avoir un
écoulement étalon calibré parfaitement connu, et qui puisse
être simplement transporté : notre choix s’est porté vers une
tuyère basse vitesse à ventilateur centrifuge.
L’objet du présent article est de décrire la méthodologie
nécessaire à la détermination d’une courbe d’étalonnage
prenant en compte, le mieux possible, les diverses sources
d’incertitudes. Pour cela, nous nous proposons, dans un
premier temps, de décrire les montages expérimentaux.
Ensuite, nous présenterons les résultats issus de la
campagne expérimentale. Enfin, nous procèderons au calcul
de la courbe d’étalonnage et des incertitudes qui y sont
liées.
Dispositif expérimental par PIV
L’utilisation de la tuyère comme instrument de référence
nécessite un étalonnage limitant les incertitudes de mesure,
même à basse vitesse. Nous nous sommes donc tournés
vers la vélocimétrie par images de particules (PIV pour
« Particle Image Velocimetry »). Le système PIV se
compose d’un laser pulsé (double impulsion) Nd YAG et
d’une caméra CCD cadencée à 10Hz équipée d’un capteur
1370x1040 pixels. Le traceur utilisé est de l’encens. Le
schéma du montage est donné sur la figure 2.
nappe laser
tuyère
laser
champ de visualisation
y
x
caméra numérique
z
Figure 2 : Schéma du montage d’étalonnage
Les différentes étapes liées à la méthode d’acquisition et de
traitement des images sont décrites dans l’ouvrage de
Raffel et al.[1]. Nous préciserons simplement que notre
montage permet d’obtenir deux images successives de
l’écoulement de l’air ensemencé de traceurs à la sortie de la
tuyère. Un algorithme à base d’intercorrélation nous permet
alors de déterminer le champ de vitesse à la sortie de la
tuyère, soit un ensemble de 5590 vecteurs de vitesse par
image.
Le but de notre travail est de mettre au point une
méthodologie permettant de qualifier l’étalonnage de la
tuyère en prenant en compte les incertitudes liées de
mesure. Pour cela, nous nous proposons dans un premier
temps de présenter les résultats expérimentaux, puis de
définir et évaluer les incertitudes et leurs sources. Enfin, les
méthodes mathématiques nécessaires à la détermination
d’un étalonnage correct de la tuyère sont présentées.
Lors de l’étalonnage de la sonde de vitesse à fils chauds, le
capteur sera positionné à 5mm de la sortie de la tuyère,
nous nous sommes donc intéressés au champ de vitesse à
cette position. Après avoir vérifié que le profil des vitesses
à la sortie de la tuyère était bien axisymétrique, nous avons
également pu vérifier que la vitesse à la sortie de la tuyère
présente un profil homogène. Autour de l’axe du jet, sur
une zone de ±20mm, la vitesse dévie de la vitesse axiale
d’un maximum de 0.3% (voir figure 4). L’homogénéité du
profil de sortie est importante afin de pouvoir négliger
l’erreur concernant le positionnement de la tuyère lors de la
calibration de la sonde de vitesse.
À la fin de la campagne expérimentale, nous avons donc
obtenu un ensemble de mesures de tensions efficaces
associées avec des vitesses. L’étape suivante consiste en
l’évaluation des incertitudes liées aux différentes mesures
afin de pouvoir les prendre en compte au mieux lors de la
détermination de la courbe d’étalonnage.
Résultats expérimentaux
Les résultats issus des essais PIV sont, pour chaque paire
d’images, la mesure du champ de vitesse instantané à la
sortie de la tuyère. Pour une tension d’alimentation du
ventilateur centrifuge fixée, nous acquérons 100 images et
le champ de vitesse final est composé de la moyenne de ces
100 champs instantanés. Simultanément au calcul du champ
des vitesses moyennes, le champ de variance estimée est
déterminé. Un exemple de champ de la vitesse moyenne est
donné sur la figure 3.
ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
o
o
4
3.5
o
3
o
2.5
V [m/s]
L’étalonnage consiste à faire varier la tension aux bornes du
ventilateur centrifuge et à en relever la valeur efficace, ainsi
que la vitesse de l’air à la sortie de la tuyère. Chaque séance
expérimentale est constituée de 19 mesures dans la plage de
variation de la tension efficace. Afin de tester la répétabilité
de la mesure, la campagne expérimentale totale est formée
par trois séances expérimentales réalisées sur trois journées
différentes.
o
2
o
1.5
o
o
1
axe
0.5
o
oooooo
-40
o
-20
0
y [mm]
20
ooooo
40
Figure 4 : Profil de vitesse obtenu pour une tension efficace
mesurée de 170.1Volts
60
Evaluation des incertitudes de mesure
50
40
L’évaluation des incertitudes de mesure fait référence à
l’ouvrage [2].
30
y [mm]
20
Le système d’étalonnage se compose de deux types de
mesure : la grandeur de référence, qui dans notre cas est la
tension efficace aux bornes du ventilateur centrifuge notée
Ueff, et le résultat, qui est pour nous la vitesse de l’air
mesurée à 5mm de la sortie de la tuyère au centre de la
section. Nous allons évaluer les incertitudes sur la grandeur
de référence et le résultat.
10
0
-10
-20
-30
-40
0
50
x [mm]
100
Figure 3 : Champ de la vitesse moyenne issu de la PIV
(tous les vecteurs vitesse ne sont pas représentés)
La grandeur de référence est mesurée à l’aide d’un
wattmètre de type METRIX P110 permettant également la
mesure de tension efficace. Dans le cas de la grandeur de
référence, c’est la répétabilité de la mesure qui crée
l’incertitude sur l’étalonnage. La valeur de l’incertitude
concernant la répétabilité de la mesure est donnée par le
constructeur égale à 0.1% de la mesure.
Les incertitudes concernant la mesure de la vitesse sont de
diverses origines. Le premier type d’incertitude de mesure
provient de l’évaluation de la vitesse moyenne. En effet, le
fluide sortant de la tuyère est turbulent (hypothèse
largement justifiée par l’uniformité du profil de la vitesse
moyenne de sortie). Pour un fluide, la vitesse turbulente suit
une loi normale de probabilité donc l’incertitude concernant
l’évaluation de la vitesse moyenne dépend du nombre de
mesures noté N et de la variance estimée notée s² (cette
dernière est directement dépendante du taux de turbulence).
Pour un ensemble de N mesures de vitesse Vi, de moyenne
arithmétique Vm, la variance estimée est donnée par :
s2 =
∑(V − V )
i
(1)
N −1
Le second type d’incertitudes de mesure provient du
système de vélocimétrie par images de particules et de la
méthodologie de traitement des images. En effet, afin de
déterminer le champ de vitesse à partir de deux images, il
est nécessaire de traiter numériquement les images par
intercorrélation ([1]). Il a été estimé à 1/10 pixels
l’incertitude due au système PIV. Cette valeur permet de
calculer l’incertitude sur la vitesse notée ε . Les valeurs
extrêmes concernant cette dernière incertitude étant
possibles, nous supposerons que la densité de probabilité
qui y est associée est rectangulaire avec donc un écart type
donné par :
σPIV = ε / 3
(2)
Les autres incertitudes sont négligées devant celles décrites
précédemment.
Il résulte de l’estimation des sources et des valeurs des
incertitudes une incertitude globale, donnée à un niveau de
probabilité de 95%, qui a comme formule pour la valeur de
la vitesse V mesurée :
s2 ε2
+
N 3
(3)
4.5
Les fondements mathématiques de cette approche font
référence aux travaux de Neuilly [3].
Polynôme de régression
Le but est de déterminer une courbe qui permette
d’interpoler au mieux les points de mesure définis
précédemment, et en tenant compte de l’incertitude relative
à la mesure de la vitesse. L’allure du nuage de points de la
figure 5 nous conduit naturellement vers la famille des
polynômes en ce qui concerne la courbe d’interpolation.
Dès lors, deux étapes sont nécessaires :
● déterminer le degré du polynôme,
● déterminer la régression polynomiale avec
pondération en fonction des incertitudes.
Degré du polynôme : lorsque l’on possède des
données et que l’on veut déterminer une courbe
d’interpolation, il est très tentant de prendre un polynôme
de degré maximal (ce degré dépendant des possibilités du
logiciel utilisé). Cependant il existe une méthode très
simple de détermination du degré optimum du polynôme
d’interpolation. Ce test consiste, pour un degré donné, à
calculer la somme des carrés des résidus et, avant
d’introduire un terme de degré supplémentaire, regarder si
l’amélioration apportée par ce terme est significative à
l’aide d’un test statistique (test de Snedecor [3]). Cette
méthode mathématique se prête bien à la programmation de
part sa formulation récursive.
Pour ce qui concerne notre étude, un polynôme de degré
optimum 4 a été déterminé. À titre d’illustration, la figure 6
montre la somme des écarts entre les valeurs mesurées et
les valeurs interpolées (notée ei, i indice lié à une mesure),
en fonction du degré du polynôme. Nous pouvons
remarquer que la valeur obtenue par méthode récursive
correspond au début de l’asymptote horizontale de la
courbe.
4
3.5
3
V [m/s]
Courbe d’étalonnage
2
m
V ± 1.98 σ 2 = V ± 1.98
Nous supposerons que les incertitudes suivant Ueff et V sont
indépendantes, ce qui est trivial dans notre cas. La figure 5
montre les différents points de mesure accompagnés par les
incertitudes correspondantes. Nous supposerons que les
incertitudes suivant la valeur de référence sont négligeables
et nous ne garderons donc que les incertitudes suivant V
pour la suite du problème. Ces incertitudes vont être
utilisées afin de pouvoir déterminer, au mieux, la courbe de
régression qui nous servira de courbe d’étalonnage pour
notre tuyère.
2.5
2
Régression polynomiale : Dans cette section, nous
allons déterminer le polynôme de régression P d’ordre 4 en
prenant en compte les incertitudes liées à la mesure de la
vitesse.
1.5
1
0.5
50
100
Ueff [Volts]
150
200
Figure 5 : Points de mesure tracés avec leurs barres
d’incertitude suivant Ueff et V
Lorsque l’on observe la figure 5, les points ayant la plus
grande incertitude correspondent naturellement aux points
les plus éloignés d’une éventuelle courbe de régression.
Cependant, le calcul direct du polynôme de régression est
réalisé par la recherche des paramètres permettant de
minimiser la somme des écarts au carré Σ ei², et les points
éloignés et ayant une grande incertitude seront pris en
compte de la même façon que les autres. Cela conduit donc
à calculer une courbe de régression biaisée par les points
éloignés. Nous proposons donc de pondérer chaque point de
façon à prendre en compte les incertitudes. Pour cela, nous
utilisons la valeur σi² qui représente la variance totale de la
ième mesure de vitesse et qui est définie par :
σi 2 =
si 2 εi 2
+
N
3
Le polynôme de régression optimum correspondant à nos
points de mesure étant obtenu, il reste à déterminer les
incertitudes relatives à l’utilisation de cette courbe.
4.5
4
3.5
(4)
3
V [m/s]
relativement aux notations utilisées dans l’équation 1.
2.5
2
1.5
0
10
1
4.2120.10-9Ueff4-2.3841.10-6Ueff3+3.3972.10-4Ueff2+0.0201Ueff-0.8542
2
2
Σei [m /s ]
0.5
0
50
100
150
10
200
Ueff [Volts]
2
-1
Figure 7 : Points de mesure et polynôme de régression
Incertitude
concernant
polynôme de régression
10-2
0
1
2
3
4
5
6
degré du polynôme
7
8
9
Figure 6 : Evolution de l’incertitude en fonction du degré
du polynôme d’interpolation
La pondération gi est alors définie par :
gi =
1
σi 2
(5)
Rechercher le polynôme d’interpolation des points de
mesure reviendra alors à chercher à minimiser :
∑g e
2
La figure 8 représente le polynôme de régression ainsi que
les limites d’incertitude données à un niveau de probabilité
de 95%. Les limites s’éloignent du polynôme de régression
lorsqu’il n’y plus de points de mesure.
polynôme de régression
4.5
Ce type de pondération donne, dans la recherche du
polynôme d’interpolation, plus de poids aux mesures de
faible incertitude.
4
limite supérieure
xxx
∑g e
i i
N−5
(7)
Lorsque nous déterminons le polynôme de régression sans
pondération, nous avons la valeur χred²=26 alors qu’avec la
méthode aux valeurs pondérées, le χred²=4.
limite inférieure
x
xx
2.5
xx
x
2
xx
x
xx
x
1.5
xx
x
1
x
x
0.5
La figure 7 présente les points de mesure ainsi que le
polynôme de régression obtenu avec la méthode des
pondérations. On peut remarquer que les points de mesure
qui sont éloignés de la courbe, et qui correspondent aux
grandes incertitudes de mesure, n’ont pas trop tendance à
influer sur l’interpolation, comme nous le souhaitions.
xxx
x x
x x x xx
xxx xx x
x
x
xx
x
3
V [m/s]
χ red 2 =
2
xxx
xxx
xxx
3.5
x
Afin de quantifier la capacité de notre polynôme de
régression à être proche de nos points de mesure, nous
introduisons le χred² défini comme suit :
du
Il est possible de déterminer l’incertitude sur l’utilisation de
la courbe en déterminant l’imprécision des estimations des
coefficients de régression. Les incertitudes liées au calcul
des paramètres de la courbe introduisent sur une valeur de
Ui une incertitude totale concernant la vitesse dont la
variance est estimée à si’². Le calcul des incertitudes peut
être réalisé en utilisant les relations préconisées par [3].
(6)
i i
l’utilisation
0
xx
x
x
50
100
150
U [V]
200
Figure 8 : Limites d’incertitude dans l’utilisation du
polynôme d’interpolation
Pour répondre à la problématique, nous avons obtenu un
polynôme d’interpolation ainsi qu’une équation donnant les
valeurs des incertitudes relatives à l’utilisation de la courbe
d’étalonnage. Deux solutions ont alors possibles : soit
utiliser l’équation donnant l’incertitude, soit l’utilisateur
prend une valeur moyenne de l’incertitude, qui est dans
notre cas de ±0.03m/s
Conclusions
Notre problématique étant l’étalonnage d’une tuyère base
vitesse, nous avons mis en place une méthodologie menant
à la détermination de la courbe d’étalonnage de la tuyère
avec le calcul des incertitudes qui y sont associées.
La première phase consiste en l’évaluation des incertitudes
liées aux systèmes de mesure. L’approche utilisée permet
d’évaluer les incertitudes avec un niveau de probabilité de
95%.
La seconde phase est le calcul de la régression polynomiale
servant d courbe d’étalonnage. Pour cela, il est d’abord
nécessaire de déterminer le degré optimum du polynôme.
La courbe finale de régression est calculée en prenant en
compte les incertitudes liées aux mesures.
La dernière phase est nécessaire afin d’évaluer l’incertitude
liée à l’utilisation de la courbe d’étalonnage.
Au final, l’utilisateur de la tuyère a, à sa disposition, une
courbe d’étalonnage et peut évaluer les incertitudes liées à
l’utilisation de cette dernière.
Références
[1] M. Raffel et al., Particle image velocimetry – a practical
guide, Berlin : Springer, 1998, 240 p.
[2] EURACHEM/CITAC, Quantifier l’incertitude dans les
mesures analytiques,Editeurs : SLR Ellison (LGC–UK) –
M Rosslein (EMPA-Suisse) – A Williams (UK), 2nd édition,
2000, 116 p., disponible sur http://www.lne.fr
[2] M. Neuilly, Modélisation et estimation des erreurs de
mesure, Paris – Londres – New-York : Lavoisier Tec &
Doc, 2nd édition, 1998, 692 p.