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CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE
AUPRES DU CONSEIL SUPERIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
AUDIENCE PUBLIQUE DU 20 JUIN 2013
LECTURE PUBLIQUE DU 20 JUIN 2013
APPEL N° 684
La société d’expertise comptable (SEC) / l’expert-comptable
Le 20 juin 2013, la Chambre nationale de discipline auprès du Conseil supérieur de l’Ordre
des experts-comptables s’est réunie ainsi composée lors des débats, de l’audience publique
et du délibéré, tenus au siège du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables :
-
M. Jean BARTHOLIN, Président de Chambre à la Cour d’appel de Paris, Président de la
Chambre nationale de discipline,
-
Mme Marie-Pierre SARRAILH, Fonctionnaire du ministère de l’Economie et des
Finances, et M. Jean-Pierre COSSIN, Conseiller maître à la Cour des Comptes,
membres désignés par le ministre de l’Economie et des Finances,
-
MM. Jean-Marc JAUMOUILLE et Lionel TESSON, experts-comptables, membres
désignés par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables,
Tous désignés en application de l’article 50 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre
1945.
En présence, lors des débats publics, de M. Christophe BAULINET, commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, de Mme
Isabelle SIAUX, expert-comptable, chargé de la lecture du rapport, et de Mme M,
permanente du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, chargée du secrétariat
de la chambre.
Rappel de la procédure :
Par courrier en date du 7 octobre 2010, la société d’expertise comptable a saisi le Président
de la chambre régionale de discipline de Rhône-Alpes pour des agissements à l’article 21 du
code de déontologie du 27 mars 2007 à l’encontre de l’expert-comptable et son cabinet, la
société C.
Par décision publique rendue le 24 avril 2012, la chambre régionale de discipline de RhôneAlpes a prononcé la sanction de blâme avec inscription au dossier à l’encontre de l’expertcomptable et de la société C.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 21 mai 2012, l’expertcomptable, par l’intermédiaire de son avocat Me Didier SAINT AVIT, a interjeté appel devant
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la chambre nationale de discipline de la décision rendue le 24 avril 2012 par la chambre
régionale de discipline de Rhône-Alpes.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 30 juillet 2012, le Président de la
Chambre a désigné M. Pascal COMTE en qualité de rapporteur, lequel a déposé son rapport
le 10 mars 2013.
Par courriers recommandés avec avis de réception en date du 22 avril 2013, le Président de
la Chambre a cité la société d’expertise comptable, représentée par M. Alain CHAMAK, et
son avocat Me Georges de MONJOUR, l’expert-comptable et son avocat Me Didier SAINT
AVIT, à comparaître devant la Chambre nationale de discipline à l’audience du 20 juin 2013,
et les a informé que le dossier de l’appel, contenant notamment le rapport du rapporteur,
pouvait être consulté au secrétariat de la Chambre à compter du 16 mai 2013,
conformément à l’article 184 du décret du 30 mars 2012.
Me Georges de MONJOUR a consulté le dossier le 3 juin 2013 ; l’expert-comptable a exercé
son droit de consultation du dossier le 5 juin 2013.
Le commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des expertscomptables a rédigé des observations écrites qui ont été communiquées aux parties par
courrier recommandé avec avis de réception en date du 4 juin 2013.
Déroulement des débats :
Après lecture du rapport de M. Pascal COMTE, rapporteur, par Mme Isabelle SIAUX ; après
avoir entendu l’expert-comptable et son avocat Me Didier SAINT AVIT, M. Valentin Ryngaert,
représentant la société d’expertise comptable et son avocat Me Georges de MONJOUR,
l’expert-comptable ayant eu la parole en dernier.
Les parties ayant été averties que la décision serait lue le jour même à l'issue du délibéré, et
mise à leur disposition au secrétariat de la Chambre à compter du 21 juin 2013.
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Décision :
Le 7 octobre 2010, le cabinet d’expertise comptable déposait plainte entre les mains du
Président de la chambre régionale de discipline de Rhône-Alpes à l’encontre d’un ancien
associé, l’expert-comptable pour des motifs exposés dans les termes suivants :
« .../....
Je suis contraint de porter plainte à rencontre de l’expert-comptable inscrit au tableau
de l’Ordre des Experts-Comptables de la région Rhône-AIpes, ainsi qu’à l’encontre de son
cabinet, la société C, dont les bureaux sont situés 31 cours Vitton - 69006 LYON.
1. Les faits sont en substance les suivants :
Le 1er octobre 1979, l’expert-comptable a été embauché par la société d’expertise
comptable par un contrat de travail à durée indéterminée.
Les conditions de collaboration de l’expert-comptable telles que figurant à son contrat
de travail comprenaient un engagement de respecter la clientèle de la société d’expertise
comptable {Cf. conditions particulières, article 7 « Obligation, loyauté et respect de clientèle
» de son contrat de travail) engagement résultant également des dispositions
conventionnelles en la matière {Cf. avenant 27, article 6.3 de la convention collective des
cabinets d'expertise comptable et de commissariat aux comptes).
Cet engagement résulte également des dispositions essentielles du Code de
déontologie qui rappelle les règles d’honneur, de probité et de délicatesse qui doivent
présider entre Confrères et qui impliquent un respect de la clientèle.
Le 14 décembre 2009, l’expert-comptable a été licencié par la société d’expertise
comptable
Cette mesure de licenciement a donné lieu à une transaction conclue le 27 février
2010, c’est-à-dire le jour où l’expert-comptable a quitté les effectifs de la société d’expertise
comptable.
La principale concession consentie par la société d’expertise comptable est le
paiement d’une indemnité transactionnelle significative de 120 711 € en sus de l’indemnité
de licenciement.
En contrepartie, la principale concession consentie par l’expert-comptable est la
réitération de l’engagement de respecter la clientèle de la société d’expertise comptable.
Dès la fin du mois de mars 2010, la société d’expertise comptable a été alertée par
des clients, des collaborateurs et des associés sur le fait que l’expert-comptable se
manifestait clairement auprès de clients qu’il suivait chez la société d’expertise comptable en
sa qualité de Directeur de pôle (bureaux d’Oyonnax, Lyon et Bourg-en-Bresse).
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Dès le mois d’avril 2010, la société d’expertise comptable a commencé à recevoir des
lettres de résiliation de nombreux clients suivis par l’expert-comptable.
Le 28 mai 2010 l’expert-comptable a adressé à la société d’expertise comptable deux
lettres en application de l’article 23 du Code de déontologie pour annoncer qu’il reprenait 3
clients sur les clients qui avaient résilié alors leur lettre de mission avec la société d’expertise
comptable.
Par 4 autres courriers reçus les 8 juin 2010, 18 juin 2010, 30 juin 2010, et 20 juillet
2010, l’expert-comptable qui avait entre-temps créé la société d’expertise comptable « C. »
nous a informés qu’il aurait été chargé de mission par 13 autres de nos clients.
La plupart de ces clients ne formulait aucun grief à rencontre de la société d’expertise
comptable dans ces lettres de résiliation souvent rédigées en des termes identiques au mot
près.
Les 10 et 11 juin 2010, nous répondions à l’expert-comptable que nous nous
opposions catégoriquement à ces demandes de reprise car ces clients sont ceux que lui
confiait la société d’expertise comptable dans le cadre de son activité salariée de directeur de
pôle au sein de la société SA et nous lui rappelions qu’il s’était engagé à respecter la clientèle
de notre cabinet, cet engagement qui découle de son contrat de travail, de la convention
collective, et de nos règles déontologiques, ayant été réitéré dans le protocole d’accord
transactionnel.
Les agissements de l’expert-comptable nous paraissant parfaitement contraires aux
dispositions du Code de déontologie, nous avons saisi le 18 juin 2010, Monsieur le Président
du Conseil Régional de l’Ordre des experts comptables de Rhône-AIpes (en application des
dispositions de l’article 21 du Code de déontologie) afin d’examiner sous son égide les
possibilités d’une conciliation entre les parties.
Nous avons été convoqués pour un entretien de conciliation le 22 septembre 2010.
Lors de cet entretien de conciliation, la société d’expertise comptable a demandé à
être à tout le moins indemnisée pour le détournement de clientèle dont elle a été l’objet mais
l’expert-comptable a rejeté catégoriquement cette demande et refusé toute intervention du
Conseil Régional de l’Ordre.
Le 22 septembre 2010, le Président du CROEC a rendu un procès-verbal de non
conciliation précisant :
« - l’expert-comptable a été licencié par le cabinet d’expertise en décembre 2009 dans
le cadre d'un protocole transactionnel confidentiel,
- Des clients dont l’expert-comptable avait la charge au sein du cabinet d’expertise
ont depuis lors résilié leur contrat avec la société d’expertise comptable, pour confier leur
dossier à l’expert-comptable, ce qui est reconnu par les deux parties,
- Le cabinet demande à être indemnisé pour la perte de cette clientèle,
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- l’expert-comptable rejette cette demande et refuse toute intervention du Conseil
Régional de l’Ordre,
En conséquence de quoi et au regard de ces éléments, le Conseil Régional de l’Ordre
ne peut pas intervenir plus avant dans cette affaire. »
Cette procédure de conciliation initiée par notre société fut donc un échec, notre
confrère s’étant déclaré opposé à tout principe d’indemnisation.
2. Sur la violation des règles déontologiques
C’est dans ces conditions que la société d’expertise comptable est contrainte de
déposer la présente plainte devant la Chambre Régionale de Discipline.
En premier lieu, à ce jour, 14 clients de la société d’expertise comptable qui étaient
suivis par l’expert-comptable, ont résilié leur lettre de mission quasiment simultanément (et
pour la plupart sans formuler aucun grief à l’encontre de notre cabinet), et quasiment
concomitamment au départ de l’expert-comptable. Il convient, par ailleurs, d’ajouter à cette
liste cinq autres clients pour lesquels la société d’expertise comptable intervenait au titre de
mandats de commissariat aux comptes, et qui rejoignent le cabinet C., soit à la faveur d’une
fin de mandat, soit par le biais d’une nomination en qualité de co-CAC.
Ces clients représentaient un montant annuel d’honoraires HT de plus de 170 000 €
(hors CAC).
Cette situation cause à la société d’expertise comptable un préjudice important, étant
rappelé que l’expert-comptable a créé, entre temps, le cabinet d’expertise comptable « C. »
manifestement en grande partie grâce à la clientèle de la société d’expertise comptable qu’il
avait entrepris de détourner.
Les agissements de l’expert-comptable nous paraissent constitutifs d’une opération
importante de captation de clientèle de la société d’expertise comptable.
Il est d’ailleurs établi que l’expert-comptable avait, avant même son départ, organisé
cette entreprise de captation d’une partie de clientèle qu’il suivait au sein de notre cabinet.
C’est donc en ayant pleinement conscience qu’il ne respecterait pas son engagement et sa
signature que l’expert-comptable a signé le protocole d’accord avec la société d’expertise
comptable. Cette attitude ne peut être que réprouvée à l’aune des règles déontologiques qui
régissent notre profession.
Le comportement de l’expert-comptable viole les obligations de délicatesse, de
courtoisie et de confraternité qui doivent présider aux relations entre les membres de l’Ordre
énoncées notamment par l’article 21 du Code de déontologie qui rappelle que les membres
de l’Ordre se doivent assistance et courtoisie réciproque et doivent s’abstenir de toute
attitude malveillante ou démarche susceptible de nuire à la situation de leurs confrères.
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La violation des règles déontologiques susvisées nous parait d’autant plus
caractérisée en l’espèce que l’expert-comptable a violé l’engagement réitéré de respecter la
clientèle de la société d’expertise comptable qu’il a pris dans le cadre de l’accord
transactionnel conclu avec la société et que l’expert-comptable n’exécute pas de bonne foi.
Cette violation est d’autant plus préoccupante que la transaction est intervenue entre
deux Experts-Comptables, ce qui en application de la déontologie de la profession, renforce
encore les obligations de bonne exécution des accords ainsi souscrits. C’est dans ces
conditions que la société d’expertise comptable est bien fondée à déposer plainte entre vos
mains en application de l’article 54 du Décret n°70-147 du 19 février 1970, pour voir
sanctionner les manquements aux règles susvisées du Code de déontologie par l’expertcomptable qui causent au demeurant un préjudice important à la société d’expertise
comptable ».
Le 12 décembre 2012, le rapporteur désigné par le président suppléant de la
chambre régionale déposait ses conclusions. Il écrivait notamment :
« .../...
Les faits et l'application du code de déontologie
Article 21 du code de déontologie :
« Les personnes mentionnées à l'article 1er se doivent assistance et courtoisie réciproques.
Elles doivent s'abstenir de toute parole blessante, de toute attitude malveillante, de tout écrit
public ou privé, de toute démarche ou manœuvre susceptible de nuire à la situation de leurs
confrères. Le président du conseil régional de l'Ordre règle par conciliation ou arbitrage,
selon les modalités définies à l'article 20, les différents professionnels entre les personnes
mentionnées à l’article 1er. Si les professionnels concernés ne sont pas inscrits au même
tableau ou à sa suite, la conciliation est exercée par le président du conseil régional de l’ordre
dont relèvent le ou les professionnels plaignants. En matière pénale ou disciplinaire,
l’obligation de confraternité ne fait pas obstacle à la révélation par les personnes
mentionnées à l'article 1er de tout fait susceptible de contribuer à l'instruction»
L'attitude de l’expert-comptable est ambigüe sur la forme et sur le fond quant au respect de
cet article du code de déontologie.
Sur le fond.
l’expert-comptable conteste ce qui lui est reproché car il estime :
- Que la société d’expertise comptable n'a pas fait son travail lors de son départ et n'a
pas pris la mesure de l'importance du suivi des clients qu'il effectuait sur son portefeuille.
- Qu'à aucun moment il n'a eu une attitude malveillante, parole blessante ou écrit
public ou privé. Effectivement aucune démarche ou manœuvre active nuisible n'est prouvée
par la société d’expertise comptable.
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- Avoir des relations très soutenues avec les membres influents de la place
d'OYONNAX (annexes 7). Il ressort des éléments du dossier que l’expert-comptable avait une
présence personnelle très importante auprès de ses clients et que la société d’expertise
comptable n'a pas su réaliser les missions attendues par les clients dans les mêmes
conditions qu'auparavant.
- Que les clients n'aimant pas l'incertitude, et trouvant l'attitude de la société
d’expertise comptable cavalière, ils se sont rués sur la seule personne capable de les rassurer
comme l'indique plusieurs courriers fournis (annexe 8).
Il ressort du dossier :
- Que la concomitance entre le licenciement, la transaction et le départ des clients est
relativement proche :
au Licenciement le 14/12/2009
au Départ des clients à partir du mois d'avril 2010
- Que la plupart des clients se sont plaints de l'absence de la société d’expertise
comptable à leur côté (annexe 9)
Sur la forme
l’expert-comptable a refusé le 22 septembre 2010, en présence du Président et de la Viceprésidente, toute intervention du conseil régional de l'ordre.
Pour expliquer ce refus, l’expert-comptable évoque le traumatisme subi en étant licencié de
la société d’expertise comptable
l’expert-comptable n'a fait aucun effort pour négocier avec la société d’expertise comptable
malgré la transaction signée et l'afflux de clients provenant de son ancien employeur. Il
évoque l'incompétence de ses successeurs chez la société lors la reprise des dossiers pour ne
pas indemniser le départ des clients.
5. Conclusion
l’expert-comptable aurait dû accepter une conciliation comme l'y oblige le code de
déontologie. De plus son absence de proposition et de négociation constitue une manœuvre
nuisible aux intérêts du confrère.
l’expert-comptable n'a donc pas respecté l'article 21 du code de déontologie en refusant
toute intervention du conseil régional de l'ordre des experts comptables et en s'abstenant de
rechercher une solution pour indemniser le départ massif des clients à son profit ».
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Le 24 avril 2012, la chambre régionale de discipline prononçait à l’encontre de
l’expert-comptable et la société Cabinet C. la sanction du blâme avec inscription au dossier.
Pour justifier cette sanction, le juge disciplinaire écrivait notamment :
« .../..
Attendu qu'aux termes de l'article 21 du Code de déontologie, les membres de l'Ordre
des experts comptables se doivent assistance et courtoisie réciproques et doivent s'abstenir
de toute attitude malveillante ou démarche ou manœuvre susceptible de nuire à la situation
de leurs confrères.
Attendu le contrat de collaboration salariée du 14 décembre 2006 de l’expertcomptable stipulait en son article 7: “obligations de loyauté et de respect de la clientèle”, que
"les fonctions de l’expert-comptable lui font un devoir de ne pas détourner ou tenter de
détourner la clientèle de la société d’expertise comptable pendant et au de-là de la rupture
des relations contractuelles" et que "à quelque époque et pour quelque cause que ce soit,
l’expert-comptable s’interdit tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société
d’expertise comptable” ; que l’expert-comptable, licencié le 14 décembre 2009 par la société
d’expertise comptable , a conclu avec celle-ci le 27 février 2010 une transaction aux termes
de laquelle la société lui versait une indemnité transactionnelle de 110 024 euros nets en sus
de ses indemnités consécutives au licenciement; qu’aux termes de l'article 9 de la
transaction, l’expert-comptable renouvelait son engagement de respecter la clientèle de la
société, tant au titre du contrat de travail que des dispositions de la convention collective des
cabinets d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, la clause précisant que tout
détournement de la clientèle de la société., telle que définie dans le contrat de travail,
pourrait déclencher l’action judiciaire de la société à son encontre.
Attendu qu’il résulte des documents produits par la société d’expertise comptable que
21 clients de cette société, s’agissant des seules missions d'expertise comptable, ont rejoint le
cabinet C. créé par l’expert-comptable et immatriculé au Registre du commerce et des
sociétés de Lyon le 10 juin 2010, à la suite de l’envoi à la société d’expertise comptable de
lettres de résiliation intervenues entre le 13 avril et le 6 juillet 2010, certaines lettres article
23 adressées par l’expert-comptable à la société d’expertise comptable étant antérieures à
l’immatriculation du cabinet C. ; qu’il convient de noter que l’expert-comptable a installé sa
société C. à Lyon et que cette implantation géographique lui offrait des possibilités de
clientèle suffisamment importantes pour le dispenser de recruter des clients de son ancien
employeur, alors qu'il s'était engagé, tant par son contrat de travail que par la transaction du
27 février 2010, à respecter la clientèle de la société d’expertise comptable; que même si les
clients sont libres de choisir l’expert-comptable leur choix, l'acceptation, a fortiori sans
proposition d’indemnisation, et au mépris de clauses régulièrement acceptées par l’intéressé,
d'une partie non négligeable des clients d'un confrère, constitue un manquement à l'article
21 du code de déontologie; que les manquements commis par l’expert-comptable l’ayant été
pour compte et au nom de la société Cabinet C. dont il est le président, ils seront relevés
également à l’encontre de la société.
Attendu sur la sanction que quels que soient les motifs invoqués par l’expertcomptable pour justifier ses agissements, les faits se sont traduits par un mépris par l'expertPage 8 sur 32
comptable de la parole donnée à un confrère et la captation d’une partie de la clientèle de la
société d’expertise comptable représentant un chiffre d’affaires important; que la sanction
du blâme avec inscription au dossier apparaît adaptée pour réprimer ces agissements ».
Le 22 mai 2012, l’expert-comptable relevait appel de cette décision.
Le 10 mars 2013, le rapporteur désigné par le président de la chambre nationale de
discipline déposait son rapport. Il soumettait à l’appréciation de la chambre, les observations
suivantes :
« .../...
Il est établi que plus de vingt clients ont quitté la société suite au licenciement de
l’expert-comptable et que bon nombre de ces clients ont choisi l’expert-comptable comme
nouvel expert-comptable.
Les clients qui ont quitté la société d’expertise comptable ont averti cette dernière par
lettre et l’expert-comptable a adressé à la société les lettres déontologiques de reprise de
dossier à un confrère.
La transaction signée le 27 février 2010 entre la société d’expertise comptable et
l’expert-comptable prévoit en son article 9 : «l’expert-comptable renouvelle son engagement
de respecter la clientèle de la société tant au titre de son contrat de travail (Cf. conditions
générales, article « obligation de loyauté et Respect de la clientèle » de son contrat de
travail), qu’au titre des dispositions conventionnelles en la matière (Cf. avenant 27 ou article
6.3 de la Convention collective des cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux
comptes). Tout détournement de la clientèle de la société, telle que définie dans son contrat
de travail, pourra déclencher l‘action judiciaire de la société d’expertise comptable à son
encontre ».
L’article 6.3 de la convention collective est ainsi rédigé :
« 6.3 - Loyauté et respect de la clientèle (Résultant de l'avenant n° 27 du 23 octobre
2003, étendu par arrêté du 8 décembre 2004, JO 26 décembre 2004)
“Les signataires entendent rappeler leur souci de promouvoir la stabilité de l'emploi et
de l'activité au sein du cabinet en cas de départ du salarié. En cas de rupture des relations
contractuelles, l'employeur et le salarié doivent examiner les conséquences de cette rupture
sur le suivi de la clientèle. Les syndicats signataires rappellent à cet effet l'obligation
réciproque de loyauté et de respect de la clientèle du Cabinet pendant l'exécution du contrat
de travail mais aussi après sa rupture. Les syndicats signataires conviennent de demander
l'extension du présent avenant et mandatent à cet effet le secrétariat de la Commission
Paritaire Nationale”.
Il est patent que les clients ont le libre choix de leur expert-comptable et qu’ils
peuvent quitter le cabinet avec qui ils sont liés, sous condition de respecter les règles
contractuelles.
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l’expert-comptable a accepté de s’occuper des anciens clients de son ex-employeur la
société d’expertise comptable.
Il est rappelé que dans la convention collective en vigueur dans les cabinets
d’expertise comptable il est prévu qu’en cas de rupture des relations contractuelles,
l'employeur et le salarié doivent examiner les conséquences de cette rupture sur le suivi de la
clientèle et que les syndicats signataires ont rappelé à cet effet l'obligation réciproque de
loyauté et de respect de la clientèle du Cabinet pendant l'exécution du contrat de travail mais
aussi après sa rupture.
De même, l’expert-comptable s’était engagé dans son contrat de travail et dans la
transaction du 27 février 2010 à respecter la clientèle de la société d’expertise comptable,
tout détournement de la clientèle telle que définie dans son contrat de travail pouvant
déclencher l’action judiciaire de la société à son encontre.
La Chambre nationale de discipline devra dire si le comportement de l’expertcomptable a été en contradiction avec les termes de l’article 21 du code de déontologie ».
Dans son avis, le commissaire du Gouvernement écrit :
« .../...
Il apparaît que concomitamment à ce licenciement, 16 clients de la société d’expertise
comptable au moins ont rejoint le cabinet de l’expert-comptable. Que celui-ci a refusé toute
conciliation conduisant à indemniser la société d’expertise comptable en ce qui concerne les
clients captés après son départ.
Il apparaît que seule une démarche systématique auprès des clients de la société que
l’expert-comptable traitait durant son contrat de travail avec la société d’expertise
comptable, à défaut de critiques des clients sur les prestations, permet d’expliquer le départ
dans un délai de un mois de son licenciement pour le cabinet de l’expert-comptable d’un
nombre important de clients de son ancien pôle (au moins 16 dossiers), même si elle n’est pas
matérialisée par une véritable circulaire adressée aux anciens clients de la société d’expertise
comptable.
L’expert-comptable n’apparaît pas légitime à invoquer l’absence de traitement
approprié des clients de la société d’expertise comptable après son départ alors qu’il a signé
une transaction reconnaissant des faits critiquant son attitude à l’égard des clients et de son
employeur.
Conclusion :
Une sanction disciplinaire pour détournement de clientèle, contraire au principe de
respect de clientèle et en l’absence de toute indemnisation du cabinet qu’il a quitté, paraît
justifiée. Le Commissaire du Gouvernement ne s’oppose pas à une sanction de blâme avec
inscription au dossier ».
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Le 17 juin 2013, à l’appui de son recours, l’expert-comptable a déposé des
conclusions dans lequel il écrit notamment :
« .../...
A/
Les griefs articulés par la société d’expertise comptable à l'encontre de l’expert-comptable,
relèvent de l'article 21 du Code de Déontologie des Experts Comptables qui dans son alinéa 2
édicte :
" (Les personnes…) doivent s'abstenir de toute parole blessante, de toute attitude
malveillante, et de tout écrit public ou privé, de toute démarche ou manœuvre susceptible de
nuire à la situation de leurs Confrères…".
L’expert-comptable n'a pas eu un tel comportement après son départ de la société
d’expertise comptable.
En aucun cas, il n'est reproché à l’expert-comptable une parole blessante, une attitude
malveillante, ou un écrit public ou privé susceptible de nuire à la situation de la société
d’expertise comptable:
Le seul écrit qu'il ait adressé à ceux de ses clients qui avaient tenté de le contacter après son
départ clients est un message dont la diffusion s'est étalée entre le 19.12.2009 et le mois de
janvier 2010 se contentant de les aviser qu'il ne faisait plus partie du personnel du Cabinet
d’expertise comptable, sans autre commentaire.
Cette démarche lui a été imposée par le silence de la société d’expertise comptable qui, bien
qu'ayant procédé à son licenciement (décidé auparavant) le 14 décembre 2009, n'a prévenu
de sa décision aucun des clients suivis par l’expert-comptable avant le 7 janvier 2010.
../..
Il va de soi que dans l'intervalle lesdits clients, ignorant cette situation nouvelle, avaient
contacté l’expert-comptable qui s'est trouvé obligé de les informer de sa situation, sans autre
commentaire.
la société d’expertise comptable était d'ailleurs tellement consciente de sa défaillance dans
ce domaine qu'elle a écrit dans sa lettre du 7 janvier 2010 :
"Dans le contexte de notre relation confiante et durable, je vous informe que notre associé
lyonnais et oyonnaxien l’expert-comptable a quitté notre Cabinet le 31 décembre 2009…".
Ce mensonge sur la date réelle du départ de l’expert-comptable permet de se convaincre que
la société d’expertise comptable était parfaitement consciente de sa défaillance en matière
d'information à l'égard de ses propres clients.
B/
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1/ Dans sa lettre de saisine du Président du Conseil Régional de l'Ordre des Experts
Comptables, la société d’expertise comptable fait état du fait que l’expert-comptable s'est
manifesté clairement auprès de clients qu'il suivait chez la société d’expertise comptable en
sa qualité de Directeur de Pôle…".
L’expert-comptable ne s'est manifesté auprès de personne.
Après son licenciement, l’expert-comptable s'est inscrit à Pôle Emploi ainsi que l'atteste la
lettre que lui a adressée cet organisme le 09 mars 2010.
Il a été embauché quelques mois plus tard par un Expert-Comptable dans le cadre d'un CDD.
Ce n'est que le 25 mai 2010 qu'il a déposé des statuts du Cabinet qu'il a alors créé sous la
dénomination "Cabinet C." enregistré à l'INSEE le 1°juin 2010.
Il a fixé son siège social à LYON, à son domicile, et a commencé à exercer dans un local de 3
pièces Cours Vitton à LYON 6ème.
S'il avait voulu récupérer la clientèle oyonnaxienne, il aurait fait le choix de s'installer sur
place.
Il n'a jamais démarché personne.
Les clients qui l'ont suivi, l'ont fait soit en raison des liens d'amitié qui les liaient à lui depuis
de très nombreuses années, soit parce que le lien de confiance nécessaire à la collaboration
d'un professionnel libéral avec son client était nouée avec l’expert-comptable
personnellement et non avec la société d’expertise comptable, soit parce qu'ils étaient
mécontents des services de la société d’expertise comptable.
2/ Plusieurs d'entre eux ont été désarçonnés par la confusion créée par la lettre circulaire du
7 janvier 2010 puisqu'aucun des clients n'a pu savoir quel était son interlocuteur direct,
Monsieur FONTAINE présenté comme un interlocuteur privilégié étant basé à LYON pour
couvrir une zone étendue, et aucun client ne se voyant affecter un collaborateur en
particulier.
Cette confusion a été aggravée par l'absence de réactivité de la société d’expertise
comptable qui n'a pas respecté l'engagement contenu dans cette lettre, selon lequel
Monsieur FONTAINE prendrait contact avec le client destinataire de cette lettre, dans le
courant du mois de janvier 2010:
Parmi les très rares visites entreprises pendant cette période, l'une l'a été par Mrs CHAMAK
et FONTAINE auprès de Monsieur Patrick MANDUCHER, dirigeant d'une des principales
entreprises de la plasturgie oyonnaxienne, non pour mettre au point les conditions de la
poursuite de leur collaboration, mais pour dénigrer l’expert-comptable !
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Pour faire bonne mesure, après avoir eu connaissance de la lettre adressée, plusieurs mois
plus tard, par M. MANDUCHER à l’expert-comptable pour lui relater cette entrevue, Monsieur
CHAMAK a adressé à Monsieur MANDUCHER une correspondance qui a provoqué une
réaction qui ne permet pas d'avoir de doute sur la très mauvaise qualité des relations que
celui-ci entretient désormais avec la société d’expertise comptable.
Monsieur MANDUCHER est Président ou membre de toutes les organisations professionnelles
d'OYONNAX et de sa région. Son frère est co-Président du Club de Rugby local dont le stade
est le point de rencontre bimensuel de l'ensemble des notables de la ville.
Il ne fait aucun doute que Monsieur MANDUCHER a eu l'occasion de donner à ses amis chefs
d'entreprises locales son sentiment sur le mode de fonctionnement de la société d’expertise
comptable !
Dans un autre registre, le témoignage de Monsieur DETOUILLON, artisan plombier, montre
combien l'attitude arrogante du nouveau directeur du bureau du marché local d'OYONNAX a
pu le blesser.
Cet artisan, bien connu du milieu industriel d'OYONNAX, et figure emblématique du Club de
Rugby pour en être un fidèle supporter après avoir été joueur dans sa jeunesse, a
certainement dû se faire l'écho de ce déni de service.
Les témoignages de Monsieur JAQUEMET, Président du Groupe CICAM et de Monsieur
Frédéric FOURNOL, ancien collaborateur de la société d’expertise comptable engagé début
janvier 2009, démontrent que la société d’expertise comptable n'a pas su prendre la mesure
du choc qu'a représenté pour les clients, mais également pour les collaborateurs, le départ
brutal de l’expert-comptable : il est impossible de reprendre un service très technique et
fortement personnalisé, développé par un cadre supérieur ayant 30 ans d'ancienneté, en lui
substituant un autre cadre à temps partiel manifestant immédiatement son peu de
disponibilité pour des clients importants, voire prestigieux.
Monsieur GERGONNE, dont la société d’expertise comptable était l'expert-comptable du
Groupe qu'il dirige depuis 50 ans, était directement suivi par l'adjointe de l’expert-comptable,
Madame Joëlle CANOVAS, expert-comptable.
la société d’expertise comptable aurait dû le contacter dès le jour du départ de l’expertcomptable et lui manifester toutes les attentions.
Il n'en a rien été et ce chef d'entreprise exprime clairement le désarroi dans lequel l'attitude
de KPMG l'a plongé.
Bien plus, ainsi qu'en atteste Mme BAZILE, des salariés de la société d’expertise comptable
ont rencontré début janvier les dirigeants du Groupe GERGONNE, sans l’expert-comptable,
bien évidemment, et ils n’ont pas eu le courage d'annoncer le départ de celui-ci, qui était
pourtant effectif depuis près d'un mois.
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3/ la société d’expertise comptable est incapable de démontrer la moindre manœuvre
déloyale de la part de l’expert-comptable.
Toutes les attestations et tous les témoignages de clients ayant quitté la société d’expertise
comptable pour travailler avec l’expert-comptable concordent pour dire que celui-ci n'a
sollicité personne.
Il semble qu'un collaborateur se soit alarmé parce que l’expert-comptable se trouvait dans les
locaux du GIE RONAX le 1er avril 2010.
Le GIE RONAX (à la création duquel l’expert-comptable est à l'origine) ne fait pas partie de
ses clients.
Son Directeur Général a attesté que cette réunion avait été décidée à l'initiative de M.
MANDUCHER et qu'elle n'avait aucun caractère "commercial".
4/ C'est bien à tort que M. CHAMAK, dans sa déposition devant M. le Conseiller Rapporteur,
met en avant, pour les lui reprocher implicitement, les déplacements de l’expert-comptable
entre Lyon et Oyonnax lorsqu'il travaillait chez la société d’expertise comptable
L’expert-comptable n'a fait que respecter l'obligation déontologique des Experts comptables
de présence auprès des clients dont ils ont la charge.
C'est aussi à ce prix que pendant plus de 30 ans il a pu conserver et faire croître la confiance
des clients envers la société d’expertise comptable.
Si son ancien employeur avait poursuivi la même politique il n'aurait pas connu, après le
départ de l’expert-comptable, la désaffection dont il se plaint
C/
Pour sa part, M. le Commissaire du Gouvernement considère que la concomitance entre le
licenciement de l’expert-comptable et le départ de "16 clients" ne peut s'expliquer que par
une démarche systématique de démarchage.
Cette analyse est erronée.
Il est évident qu'il existe une concomitance, qui n'est pas le fruit du hasard, entre le
licenciement de l’expert-comptable et le départ des clients qu'il suivait chez la société
d’expertise comptable.
Elle n'est pas pour autant le fruit d'un démarchage qui doit être prouvé et non seulement
déduit d'une situation de fait.
Les nombreuses lettres de mécontentement prouvent que la société d’expertise comptable
n'a pas su anticiper le départ de l’expert-comptable et mettre en place une équipe qui puisse
le substituer dès son départ.
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La désorganisation totale, après son départ, du service autrefois dirigé par l’expertcomptable est attestée par M. FOURNOL dans des termes qui ne permettent pas le doute
quant au manque total de gestion des conséquences du départ d'un ancien cadre associé.
C'est la société d’expertise comptable qui a prononcé le licenciement de l’expert-comptable ;
c'est elle qui a décidé de le dispenser de l'exécution de son préavis et c'est également elle qui
a laissé les clients sans nouvelle pendant plusieurs mois.
A ce sujet, il n'échappera pas à la Chambre Nationale que les actions de concurrence déloyale
sont le fruit de salariés démissionnaires et non de collaborateurs licenciés qui, surtout dans le
cas de l’expert-comptable, n'ont aucun moyen d'anticiper leur départ en captant
préalablement la clientèle.
L’expert-comptable n'a entrepris aucune manœuvre visant à récupérer les clients de la
société d’expertise comptable.
En avril 2010 l’expert-comptable n'était pas encore installé et ne pouvait donc récupérer les
clients qui quittaient la société d’expertise comptable.
Bien plus, le Groupe GERGONE (voir lettre de Monsieur GERGONE) s'est plaint en septembre
2010 du comportement de la société d’expertise comptable qui, à cette date, n'avait
entrepris aucun travail pour l'ensemble des Sociétés du Groupe.
la société d’expertise comptable a engagé des procédures contre cinq Sociétés du Groupe
GERGONE pour obtenir non pas le paiement d'honoraires qui ne lui sont pas dus puisqu'elle
n'a rien fait, mais celui d'une pénalité de résiliation anticipée, ce qui confirme la défaillance
de la société d’expertise comptable qui ne peut être imputée à l’expert-comptable.
Quatre jugements du tribunal de Commerce de Bourg en Bresse et un jugement du juge de
proximité de Nantua l'ont débouté de ses prétentions et l'on condamné sur le fondement de
l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Curieusement dans le cadre de la procédure pendante devant le TGI de Lyon, la société
d’expertise comptable ne réclame rien au titre du préjudice qui serait découlé pour elle de la
perte des sociétés de ce groupe au profit de l’expert-comptable.
Le mécontentement des clients était bien réel et leur recherche d'un nouvel expert-comptable
justifiée.
Le fait qu'ils ne l'aient pas exprimé dans leur lettre de résiliation ne prouve pas leur
satisfaction mais tout au plus leur conviction de ne pas avoir à se justifier.
Eussent-ils fait connaître alors leur mécontentement que la société d’expertise comptable ne
se priverait pas de faire valoir que leurs lettres de résiliation auraient été écrites sioux la
dictée de l’expert-comptable!
EXAGÉRATION PAR la société d’expertise comptable DU NOMBRE DE CLIENTS AYANT
REJOINT l’expert-comptable
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la société d’expertise comptable gonfle volontairement, le nombre de clients qui l'auraient
quitté pour rejoindre l’expert-comptable et entretient une confusion qui a induit en erreur M.
le Commissaire du Gouvernement lui-même.
Il y a eu, en tout et pour tout, 8 clients en expertise comptable qui ont quitté la société
d’expertise comptable pour rejoindre l’expert-comptable au cours de l'année 2010, certains
constituant un groupe représentant plusieurs sociétés (exemple : Messieurs GOINEAU et
DUCRAY, Groupe JACQUEMET, Groupe LE REVARD).
Le chiffre de 16 clients ne correspond à rien et la société d’expertise comptable est bien en
peine d'en donner la liste.
LA TRANSACTION
La lecture faite par M. le Commissaire du Gouvernement du protocole transactionnel
régularisé entre les parties après le licenciement de l’expert-comptable mérite une
rectification.
L’expert-comptable n'a jamais reconnu le moindre manquement professionnel, bien au
contraire il a formellement contesté, dans cet écrit, les allégations de la société d’expertise
comptable à ce sujet.
Par ailleurs cette transaction rappelle les obligations de l’expert-comptable envers son ancien
employeur : respecter la clientèle, c'est-à-dire ne pas la démarcher.
Cette obligation n'est que la reprise du contenu de son contrat de travail et de la convention
collective.
En aucun cas, l’expert-comptable qui n'est tenu par aucune clause de non –concurrence, ne
peut être sanctionné pour avoir accepté comme clients des entreprises ayant un libre choix
de leur expert-comptable, en l'absence de démonstration de l'existence d'un quelconque acte
de démarchage ou, de façon plus générale, de concurrence déloyale.
Aucun élément du dossier, en dehors des allégations péremptoires mais non prouvées de la
société d’expertise comptable, ne permet d'établir que l’expert-comptable est contrevenu aux
dispositions de l'article 21 précité, et pour cause…
OBSERVATIONS FINALES
Quatre observations s'imposent :
- La gestion de la société d’expertise comptable de ses relations avec clients a
été incertaine jusqu'au bout : le 10 juin 2010 la société d’expertise comptable ne faisait
aucun obstacle à ce que l’expert-comptable lui succède comme Expert-Comptable de ADN
SERVICES sous réserve du règlement d'une facture émise 10 jours auparavant, et le
lendemain elle faisait savoir qu'elle s'opposait à sa demande au motif qu'il s'agissait d'un de
ses anciens clients, ce qui en aucun cas ne peut faire obstacle à la transmission du dossier.
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- l’expert-comptable a toujours maintenu des liens de confraternité avec la
société d’expertise comptable ainsi qu'en atteste la lettre de Maître MOULINIER en date du
14 avril 2011 qui fait apparaître que l’expert-comptable, sur une opération spécifique
concernant une Société de notoriété lyonnaise, n'a pas hésité à conseiller à son interlocuteur
de faire appel à Monsieur Norbert HERITIER, Avocat associé de la société d’expertise
comptable.
- Il n'a fait aucune difficulté pour maintenir des intervenants de la société
d’expertise comptable chez des clients dont il gère la majorité de la mission (exemple
TECHNIS).
- Le temps écoulé depuis le départ de l’expert-comptable démontre ce qu'il a
toujours allégué : la société d’expertise comptable a décidé de réduire comme peau de
chagrin le bureau d'Oyonnax.
Son licenciement s'inscrit dans cette stratégie qui se poursuit depuis.
la société d’expertise comptable continue à perdre des clients rattachés à ce bureau
(mais aussi à celui de Bourg en Bresse), sans rien faire pour les conserver s'ils n'acceptent
d'avoir pour interlocuteur un collaborateur basé à Lyon et non plus à proximité d'eux ».
Le 19 juin 2013, la société d’expertise comptable déposait également des conclusions
écrites sollicitant la confirmation de la déclaration de culpabilité de l’expert-comptable. Pour
ce faire elle écrivait notamment :
« .../....
B. EN L’ESPÈCE, LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 21 DU CODE DE
DÉONTOLOGIE EST MULTIPLE ET CARACTÉRISÉE
a) La chronologie et la concomitance des faits confirme l’existence d’une attitude
malveillante contraire aux dispositions de l’article 21 du Code de déontologie
la société d’expertise comptable a été victime d’une opération massive de captation de
clientèles soigneusement organisée et menée en deux étapes par l’expert-comptable et le
cabinet C., crée à cet effet.
> La captation dans un premier temps de 28 clients de la société d’expertise comptable
concomitamment au départ de l’expert-comptable et à la création de la société C.
La concomitance d’un certain nombre d’évènements et leur simultanéité sont le reflet
manifeste d’une attitude malveillante, contraire aux règles de courtoisie, et de démarches
préméditées de captation de clientèle.
C’est en effet en emmenant avec lui de nombreux clients de la société d’expertise comptable
que l’expert-comptable a quitté cette dernière au prix de manœuvres qu’un simple rappel
chronologique des faits, permet de démontrer :
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- Le 14 décembre 2009, l’expert-comptable qui exerçait les fonctions de directeur de pôle
(Oyonnax, Lyon, Bourg en Bresse) chez la société d’expertise comptable a été licencié (Cf.
pièce n°2),
- le 27 février 2010, l’expert-comptable a quitté les effectifs de la société d’expertise
comptable,
- à la fin du mois de mars 2010, c'est-à-dire à peine un mois après le départ de l’expertcomptable, la société d’expertise comptable a été alertée par des collaborateurs et des
associés sur le fait
que l’expert-comptable se manifestait clairement auprès des clients qu’il suivait chez la
société d’expertise comptable en sa qualité de Directeur de pôle (Cf. pièces n°41 et 42),
- dès le début du mois d’avril 2010, la société d’expertise comptable a commencé à recevoir
de nombreuses lettres de résiliation de clients qui étaient suivis chez la société d’expertise
comptable sous la supervision de l’expert-comptable (Cf. pièces n°4 a 29),
- entre le mois d’avril 2010 et le mois de septembre 2010, la société a reçu plus de 20 lettres
de résiliation de clients souvent rédigées dans des termes quasiment identiques ...
- seules deux lettres de résiliation formulaient des griefs à l’encontre de la société,
- 90% des clients ne formulaient aucun grief contre la société d’expertise comptable et
remerciaient même cette dernière de la qualité des services rendus (Cf. pièce n°80 : tableau
des lettres de résiliation),
- les clients qui ont résilié leur lettre de mission avec la société d’expertise comptable ont tous
été repris simultanément par la société C. qui venait d’être créée par l’expert-comptable,
- ces clients représentent un montant annuel d’honoraires hors taxes de plus de 260.000 € HT
(honoraires récurrents, hors travaux exceptionnels) (Cf. pièce n°80).
La concomitance de ces évènements et leur simultanéité reflètent une attitude malveillante
ainsi que des démarches et des manœuvres qui ont nui à la société d’expertise comptable.
> La deuxième vague de détournement de clients opérée grâce au débauchage de Monsieur
ODOBEL
La Chambre Régionale de Discipline a refusé de se saisir de la deuxième vague de
détournement de clients opérée par l’expert-comptable et la société C. en cours de procédure
disciplinaire en première instance.
la société d’expertise comptable a donc déposé une deuxième plainte qui fait aujourd’hui
l’objet d’une instruction pendante devant la Chambre Régionale de Discipline (Cf. pièce n°88 :
plainte déposée par la société d’expertise comptable devant la Chambre Régionale de
Discipline le 31 janvier 2013).
b) L’absence de griefs formulés par les clients ayant résilié leur lettre de mission, traduit le
rôle actif de l’expert-comptable et de la société C. dans le départ des clients
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l’expert-comptable et la société C. font état du principe de la liberté de la clientèle de choisir
son expert-comptable et en conséquence de les quitter pour en choisir un autre.
Ce faisant, ils commettent une confusion.
Le principe de la liberté de choix du prestataire de services n’est pas en cause, et ne relève
pas de la déontologie car ce choix concerne le rapport client/expert-comptable et non pas
expert-comptable/expert-comptable.
C’est le rôle de l’expert-comptable dans la production de l’événement qui doit être analysé et
relève de la déontologie.
En l’espèce, la vague massive et soudaine de résiliations de lettres de missions, par des clients
qui entre eux n’ont pas de liens, ne résulte pas d’un hasard ni d’un concours de circonstances,
mais bien d’une incitation.
D’ailleurs, un client ne résilie pas sa lettre de mission sans motif.
Or en l’espèce, plus de 90% des lettres de résiliation reçues par la société d’expertise
comptable (Cf. pièce n°80 : tableau des lettres de résiliation) ne formulaient aucun grief à
l’encontre de la société .
Bien au contraire, de nombreux clients ont même remercié la société d’expertise comptable
pour la qualité des travaux accomplis.
C’est donc à juste titre que la Chambre Régionale de Discipline a jugé :
« que même si les clients sont libres de choisir l’expert-comptable de leur choix, l’acceptation,
a fortiori sans proposition d’indemnisation, et au mépris de clause régulièrement acceptées
par l’intéressé, d’une partie non négligeable des clients d’un confrère, constitue un
manquement à l’article 21 du Code de déontologie... »
L’expert-comptable a utilisé la relation de confiance qu’il entretenait avec la clientèle, pour
organiser le transfert de cette dernière à son profit, ainsi qu’à celui de la société C. qu’il
venait de créer à cet effet pour accueillir cette clientèle.
c) Ce n’est pas tant l’absence de proposition d’une juste indemnisation, que la
concomitance des faits susvisés qui traduit une attitude malveillante contraire aux
dispositions de l’article 21 du Code de déontologie
Pour reprendre les termes d’une décision rendue le 9 mai 2006 par la Chambre Régionale de
Discipline près la Cour d'Appel de BORDEAUX, on relèvera que :
- l’expert-comptable a fait preuve d’une déloyauté manifeste traduisant une attitude
malveillante à l’égard de la société d’expertise comptable, par l’adoption d’une attitude
insidieuse « véritable cheval de Troie » dépourvue de franchise, non conforme aux valeurs
morales définies par l’article 21 du Code des devoirs professionnels,
- Un tel comportement blâmable s’évince de la simultanéité, qui n’est point le fait du hasard,
entre le départ de l’expert-comptable et la réception, par la société, concomitamment, de
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très nombreuses lettres de résiliation de clients, sans exposer de récriminations sur la qualité
des services que leur avait offert, jusqu’à présent, la société d’expertise comptable,
- Qu’une telle démarche ne peut s’expliquer que par une information, plus exactement une
confidence qui n’était pas sans arrière-pensée, que leur a livrée l’expert-comptable qui, au
sein de la structure qui l’employait, était leur interlocuteur immédiat sinon privilégié,
- Qu’une telle manœuvre, quoique l’expert-comptable s’en défende mais sans arriver à
convaincre, s’apparente incontestablement à un détournement ou captation de clients
proscrit par les règles déontologiques de la profession,
Cela est d’ailleurs confirmé par la lettre circulaire que l’expert-comptable a adressée à
l’ensemble des clients, et dont ils tentent aujourd’hui de minimiser les termes...(Cf. Mémoire
pris par les appelants en première instance dans lequel ils indiquent avoir envoyé une lettre
circulaire à tous les clients dès le mois de janvier 2010, soit un mois avant la finalisation de la
transaction.)
Ainsi, et indépendamment même de l’absence de proposition d’une juste indemnisation, il est
incontestable en l’espèce que l’attitude de l’expert-comptable, et de la société C. qu’il a créée
:
- Est contraire aux règles « d’assistance et de courtoisie réciproque »,
- Traduit une attitude malveillante et des manœuvres ayant nuit gravement à la société
d’expertise comptable
- Traduit un manquement à la parole donnée.
Autant de griefs qui traduisent des manquements caractérisés aux dispositions de l’article 21
du Code de déontologie, indépendamment même de la valeur de la clientèle captée par
l’expert-comptable au préjudice de la société d’expertise comptable.
C’est ce comportement que la Chambre Nationale de Discipline doit sanctionner en
confirmant la décision rendue en première instance.
Une action distincte en réparation du préjudice subi est actuellement pendante devant le
Tribunal de Grande Instance de Lyon devant lequel la société d’expertise comptable a assigné
l’expert-comptable et le cabinet C. en concurrence déloyale au visa de l’article 1382 du Code
civil.
d) Le mépris de la parole donnée à un confrère traduit également une violation des
dispositions de l’article 21 du Code de Déontologie
- Le 27 février 2010, à savoir le jour où l’expert-comptable a quitté les effectifs de la société
d’expertise comptable, une transaction a été conclue,
- la société d’expertise comptable acceptait de verser une indemnité importante à l’expertcomptable (en sus de l’indemnité de licenciement), en contrepartie de la réitération par
l’expert-comptable de son engagement essentiel (par ailleurs visé à l’article 7 de son contrat
de travail) de respecter la clientèle de la société d’expertise comptable,
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- Dès le début du mois d’avril 2010 (soit un mois à peine après la signature de cette
transaction), la société d’expertise comptable a reçu de très nombreuses lettres de résiliation
de clients (Cf. pièces n°4 à 17 : lettres de résiliation ; pièce n°20 : courrier adressé par la
société d’expertise comptable à l’expert-comptable le 11 juin 2010),
- l’expert-comptable s’est donc délibérément empressé de violer les termes de son
engagement (qu’il n’a sans doute jamais eu l’intention d’exécuter),
- l’expert-comptable a même trompé le consentement de la société d’expertise comptable,
car il est manifeste (comme on le verra ci-après) qu’il avait déjà fait le nécessaire, au moment
où cette transaction a été signée, afin de s’assurer un transfert massif de clientèle, ce que la
société d’expertise comptable ignorait.
La violation, manifestement préméditée (V. infra), de cette transaction à peine conclue,
constitue là encore une violation caractérisée des dispositions de l’article 21 du Code de
déontologie qui énonce que les experts comptables doivent s’abstenir de toute attitude
malveillante, de toute attitude contraire aux règles de courtoisie, et doivent s’abstenir de
toute manœuvre susceptible de nuire à leur confrère.
e) La constitution du fonds de commerce de la société C. avec la clientèle captée à la
société d’expertise comptable constitue également une violation des dispositions de
l’article 21 du code de déontologie.
Le cabinet C. a été immatriculé au Registre du Commerce et des sociétés de LYON le 10 juin
2010.
Cette immatriculation est concomitante au détournement de la clientèle de la société
d’expertise comptable, que la société C. a en réalité servi à véhiculer ou du moins à accueillir.
Il est incontestable que cette société d’expertise comptable s’est ainsi constituée son
fonds de commerce à moindre frais, grâce à la captation de la clientèle de la société
d’expertise comptable.
Comme l’a relevé à juste titre la Chambre Régionale de Discipline, l’implantation
géographique de la société C. à LYON lui offrait des possibilités de clientèle suffisamment
importantes pour se dispenser de recruter des clients de l’ancien employeur de l’expertcomptable, lequel s’était par ailleurs engagé tant par son contrat de travail que par la
transaction conclue le 27 février 2010, à respecter la clientèle de la société d’expertise
comptable, quand bien même ces clients sont libres de choisir l’expert-comptable de leur
choix.
Dans la mesure où la société C. est inscrite au Tableau de l’Ordre de la région Rhône Alpes,
elle est soumise aux mêmes règles déontologiques que l’expert-comptable, et elle doit
notamment s’abstenir de toute attitude malveillante, de toute démarche et/ou manœuvre
susceptible de nuire à ses confrères, de même qu’elle reste tenue aux règles de courtoisie et
de confraternité.
Pour les raisons susvisées, tel n’a manifestement pas été le cas en l’espèce.
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On ajoutera encore que la société C. a même dû ouvrir un bureau secondaire à NANTUA (Cf.
pièce n°87 : extrait des Pages Jaunes), pour accueillir Monsieur ODOBEL et les clients
détournés, étant rappelé que la plupart des clients détournés sont tous dans la région
d’OYONNAX...
Comme on le verra ci-après, la jurisprudence a souligné à plusieurs reprises :
- que la création par l’expert-comptable salarié qui a quitté son précédent employeur, d’une
société d’exercice qui constitue son fonds de commerce grâce à la clientèle transférée,
caractérise une violation des dispositions du Code de déontologie.
- que ce n’est pas un hasard si tous ces clients, qui ne se connaissaient pas, ont été récupérés
par une seule et même structure créée précipitamment pour les accueillir au détriment d’un
confrère, contrevenant ainsi à l’obligation d’assistance et de courtoisie réciproque instituée
notamment par l’article 21 du Code des devoirs professionnels.
Il est donc incontestable que les éléments articulés par la société d’expertise comptable à
l’encontre de l’expert-comptable et de la société C. qui doivent être analysés ensemble, les
uns par rapport aux autres, et non comme s’il s’agissait de faits distincts sans rapport les uns
avec les autres, constituent une violation caractérisée des dispositions de l’article 21 du code
de déontologie.
.../...
E. SUBSIDIAIREMENT, L’ABSENCE DE PROPOSITION D’UNE JUSTE INDEMNISATION
CARACTÉRISÉE EGALEMENT UNE VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 21 DU CODE
DE DÉONTOLOGIE
1. Il a été jugé à plusieurs reprises par la Chambre Nationale de Discipline que :
« même s’il n’était la conséquence ni d’un démarchage prévu de clientèle, ni d’un
débauchage de salariés susceptibles d’être suivis par des clients qui lui étaient affectés,
l’accueil sans indemnisation appropriée d’une partie non négligeable des clients d’un
confrère contrevient à l’obligation d’assistance et courtoisie réciproque instituée par l’article
13 du Code des devoirs professionnels et contrevient à l’impératif de confraternité qui est un
fondement essentiel de l’appartenance à l’Ordre » (Cf. pièce n°81 : décision rendue par la
CND le 27 janvier 1999, V. également en ce sens pièce n°82 : décision rendue par la CND le
1er octobre 2003).
2. Dans sa décision du 24 avril 2012, la Chambre Régionale de Discipline a évoqué dans ses
motifs l’absence de proposition d’indemnisation sans toutefois fonder sa décision de sanction
sur ce motif.
En l’espèce, comme on l’a vu, ce n’est pas la seule absence de proposition d’une juste
indemnisation qui caractérise une violation des dispositions déontologiques, mais un
ensemble d’éléments qui, pris séparément et en toute hypothèse ensemble, traduisent une
violation caractérisée des dispositions de l’article 21 du Code de déontologie.
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En ce qui concerne l’absence de proposition d’une juste indemnisation, si elle n’est pas à elle
seule un manquement déontologique, elle traduit, en fonction du contexte dans lequel elle
s’inscrit, une attitude malveillante et/ou des manœuvres contraires aux règles
déontologiques et en toute hypothèse aux règles de courtoisie et de confraternité posées par
l’article 21 du Code de déontologie.
3. Qu’on le veuille ou non, la clientèle d’un cabinet d’expertise comptable et de commissariat
aux comptes, constitue un élément de son fonds de commerce et a une valeur.
En l’espèce, l’expert-comptable ne travaillait pas tout seul chez la société d’expertise
comptable sur les clients qu’il a détournés.
Ces clients étaient suivis sous sa supervision, par des équipes de la société d’expertise
comptable composées d’associés, de managers, etc. (Cf. pièce n°43 : organigramme du
bureau de la société d’expertise comptable de LYON).
Dans son rapport, le rapporteur souligne que :
« l’expert-comptable aurait dû accepter une conciliation comme l’y oblige la déontologie. De
plus, son absence de proposition et de négociation constitue une manœuvre nuisible aux
intérêts du confrère. »
Il est bien évident que la captation massive (pour ne pas la citer autrement) de la clientèle
d’un confrère, sans proposition d’une quelconque indemnisation, constitue une violation
caractérisée aux dispositions de l’article 21 du Code de déontologie.
Un client ne quitte pas son expert-comptable sans raison, d’autant que les missions conclues
par l’expert-comptable avec ses clients sont des missions récurrentes qui se renouvellent
d’année en année.
Il est normal, le client ayant le libre choix de son prestataire de services, que les cabinets
d’expertise comptable enregistrent des résiliations, comme du reste ils concluent de
nouvelles missions.
En revanche, ce qui est anormal, c’est de faire l’objet d’une résiliation massive de clientèle
concomitamment au départ d’un salarié qui récupère cette clientèle et constitue
gratuitement son fonds de commerce avec cette clientèle.
Considérer que cela ne traduit pas une attitude malveillante et un manquement aux règles de
confraternité et de courtoisie, viendrait à considérer qu’un cabinet d’expertise comptable
peut aller faire son « marché » chez ses confrères, en débauchant des collaborateurs qui
emmèneraient avec eux des clients et tout en se constituant ainsi leur fonds de commerce.
C’est pourquoi l’absence d’une juste indemnisation traduit, lorsqu’elle est la contrepartie
d’une captation massive de clientèle, une attitude malveillante, une manœuvre et une
démarche contraires aux dispositions de l’article 21 du Code de déontologie.
F. RÉPONSE AU MÉMOIRE ADRESSE PAR MONSIEUR BAUD et de la société C. AU
RAPPORTEUR
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Les appelants tracent un bref historique des faits, foncièrement partial, et tente de montrer
qu’il n’aurait commis aucune faute disciplinaire.
> Sur le mal fondé du bref historique formulé par l’expert-comptable dans sa note
L’expert-comptable s’attache à dresser un bref « historique des faits » consistant à montrer :
sa progression au sein de la société d’expertise comptable, qu’il gérait plus de 4,3 millions
d’euros d’honoraires à lui tout seul, qu’il était le directeur du plus important pôle régional,
que suite à une réorganisation interne, il aurait été dépossédé de ses prérogatives, etc.
Cet historique est évidemment totalement partial et non conforme à la réalité.
Bien évidemment, l’expert-comptable ne gérait pas à lui tout seul, mais précisément avec les
équipes de la société d’expertise comptable et d’autres associés, ainsi que des managers,
plus de 4.000.000 € d’honoraires (Cf. pièce n°43 : organigramme du bureau de la société
d’expertise comptable de LYON).
De surcroit, la lettre de licenciement qui a été signifiée à l’expert-comptable relate très
clairement les motifs qui ont conduit à son licenciement (Cf. pièce n°2 : lettre licenciement).
Enfin, l’expert-comptable n’aurait pas accepté de signer une transaction s’il estimait son
licenciement si contestable. (Cf. pièce n°3 : transaction).
En toute hypothèse, cet historique est totalement hors débat, car en aucun cas cela
n’autorisait l’expert-comptable à capter parallèlement une partie très importante de la
clientèle de la société d’expertise comptable concomitamment à son départ et encore moins
concomitamment au débauchage de Monsieur ODOBEL un an plus tard à cet effet.
Ou soulignera à nouveau que l’expert-comptable avait endormi la confiance de la société
d’expertise comptable en signant avec cette dernière une transaction dans laquelle il réitérait
son engagement de respect de clientèle, et parallèlement, organisait la captation de cette
clientèle qui, quelques semaines après la signature de ladite transaction, résiliait
massivement et soudainement les lettres de mission de la société d’expertise comptable.
> Sur la prétendue absence d’attitude malveillante
L’expert-comptable s’efforce de montrer qu’il n’aurait eu aucune attitude malveillante
contraire aux dispositions de l’article 21, car il aurait adressé un écrit à l’ensemble des clients
de la société d’expertise comptable « se contentant de les aviser qu’il ne faisait plus partie du
personnel de la société d’expertise comptable, sans autre commentaire », car la société
d’expertise comptable n’aurait prévenu aucun des clients de son licenciement (Cf. mémoire
de l’expert-comptable).
Ceci est parfaitement inexact, la société d’expertise comptable ayant adressé une lettre
circulaire à l’ensemble de ses clients dès le 7 janvier 2010 (alors que la lettre de licenciement
datait du 14 décembre 2009 et que des négociations étaient en cours, qui ont abouti à une
transaction avec l’expert-comptable le 27 février 2010), pour leur indiquer que l’expertcomptable avait quitté ses effectifs et que Monsieur FONTAINE, associé de la société
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d’expertise comptable, prendrait très prochainement contact avec eux pour assurer le suivi
des dossiers et venir se présenter chez le client.
Ainsi, la société d’expertise comptable a réagi très rapidement et surtout, elle n’avait pas à
informer les clients des motifs du licenciement de l’expert-comptable, car cela à l’évidence ne
les regarde pas.
Il ressort du tableau des lettres de résiliation versé aux débats, que la société d’expertise
comptable a continué, sans discontinuer, à s’occuper de ses clients (lorsque ces derniers
voulaient bien recevoir les personnes traitant leur dossier) lors du départ de l’expertcomptable (Cf. pièce n°80 : tableau des lettres de résiliation ; pièce n°84 : attestation de
Bertrand FONTAINE ; pièce n°85 : attestation de Joël CANOVAS).
C’est sans doute pourquoi plus de 90% des lettres de résiliation ne formulaient aucun grief à
l’encontre de la société d’expertise comptable.
Il est bien évident que si tel n’avait pas été le cas, les clients n’auraient pas manqué de
manifester leur mécontentement pour résilier de manière anticipée leur lettre de mission
conclue depuis de nombreuses années avec la société d’expertise comptable.
L’envoi d’une lettre circulaire par l’expert-comptable à l’ensemble des clients de la société
d’expertise comptable, témoigne au contraire de l’attitude particulièrement déloyale et
malveillante de ce dernier qui n’était pas dénuée d’arrières pensées, comme les faits l’ont
révélé (Cf. Mémoire pris par les appelants en première instance).
La Chambre Nationale de Discipline confirmera que l’expert-comptable a fait preuve d’une
déloyauté parfaitement contraire aux dispositions de l’article 21 du Code de déontologie en
endormant la confiance de la société d’expertise comptable.
Cela est flagrant lorsque l’on constate :
- qu’il a accepté de conclure une transaction avec la société d’expertise comptable le 27
février 2010 pour percevoir plus de 160.000 € en contrepartie de la réitération de son
engagement de respecter la clientèle de KPMG,
- qu’il s’ est empressé de violer cet engagement dès après la signature de cette transaction,
puisque dès le mois de mars 2010, la société d’expertise comptable a été informée qu’il
sollicitait certains clients (Cf. pièce n°39 : courriel adressé par Monsieur DHALLUIN à
Monsieur CHAMAK le 01/04/10 ; pièce n°40 : courriel adressé par Monsieur FONTAINE à
Monsieur CHAMAK le 01/04/10 ; pièce n°41 : courriel adressé par Madame CANOVAS à
Monsieur FONTAINE le 17/05/10) ; pièce n°42 : courriel adressé par Monsieur CHAMAK à
Maître SAINT AVIT le 19/05/10).
En réalité, l’expert-comptable endormait la confiance de la société d’expertise comptable en
signant avec cette dernière une transaction dans laquelle il réitérait son engagement de
respect de clientèle, et parallèlement, préparait la captation de cette clientèle qui, quelques
semaines après la signature de ladite transaction, résiliait massivement et soudainement les
lettres de mission de la société d’expertise comptable.
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La Chambre Régionale de Discipline constatera ainsi la mauvaise foi de l’expert-comptable,
qui est parfaitement contraire aux règles de courtoisie réciproque et d’absence d’attitude
malveillante auxquelles sont astreints les experts comptables au regard des dispositions de
l’article 21 du Code de déontologie.
> l’expert-comptable prétend que s’il avait voulu capter la clientèle d’OYONNAX, qui est son
point d’ancrage initial, il ne se serait pas privé d’ouvrir son cabinet dans cette ville
Il n’échappera pas à la Chambre Nationale de Discipline que la quasi-totalité des clients
détournés se trouve à OYONNAX ou dans la région d’OYONNAX.
Il est donc bien évident que le cabinet C., quand bien même s’est-il immatriculé dans la
région lyonnaise, a son activité principalement sur OYONNAX puisqu’à ce jour, il réalise un
chiffre d’affaires minimum de 550.000 € avec des clients de la société d’expertise comptable
se trouvant dans la région d’OYONNAX qui ont été détournés concomitamment au départ de
l’expert-comptable et au débauchage de Monsieur ODOBEL.
D’ailleurs, l’expert-comptable se garde bien de préciser que le cabinet C. a ouvert un bureau
secondaire à NANTUA, c'est-à-dire à côté d’OYONNAX, pour y loger Monsieur ODOBEL et
assurer le traitement de la clientèle détournée (Cf. pièce n°87 : extrait de l'annuaire des
Pages Jaunes).
> Sur le prétendu mécontentement des clients à l’encontre de la société d’expertise
comptable qui traduirait l’absence de démarche ou de manœuvres susceptibles de nuire à la
situation de la société d’expertise comptable
1. l’expert-comptable prétend que s’il avait voulu capter la clientèle d’OYONNAX, qui est son
point d’ancrage initial, il ne se serait pas privé d’ouvrir son cabinet dans cette ville.
Il omet de préciser que la quasi-totalité des clients détournés se trouve à OYONNAX ou dans
la région d’OYONNAX. C’est sans doute pour cela qu’il a débauché Monsieur ODOBEL et
ouvert un bureau secondaire à Nantua.
Il est donc bien évident que le cabinet C. quand bien même s’est-il immatriculé dans la région
lyonnaise, a une activité principalement sur OYONNAX puisqu’à ce jour, il réalise un chiffre
d’affaires minimum de 400.000 € HT avec des clients de la société d’expertise comptable se
trouvant principalement dans la région d’OYONNAX qui ont été détournés concomitamment
au départ de l’expert-comptable et au débauchage de Monsieur ODOBEL.
2. En second lieu, l’expert-comptable et la SARL C. croient pouvoir se dédouaner en versant
aux débats des attestations qu’ils ont fait établir par certains clients détournés ainsi que des
courriers qui leur auraient été adressés « spontanément », et qui montreraient :
- que l’expert-comptable n’aurait jamais démarché les clients de la société d’expertise
comptable qui l’auraient suivi naturellement compte tenu des liens qu’ils entretenaient avec
lui,
- que ces clients auraient quitté la société d’expertise comptable car ils auraient été
mécontents des services qui leur étaient prodigués,
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- que ce mécontentement serait également dû au désintérêt de la société d’expertise
comptable postérieurement au départ de l’expert-comptable.
En cause d’appel, ils versent aux débats des attestations nouvelles établies en 2013, soit plus
de trois ans après les lettres de résiliation sans motif adressées par ces mêmes clients à la
société d’expertise comptable.
3. Ces attestations que l’expert-comptable et le cabinet C. ont fait établir a posteriori pour les
besoins de la cause, par les clients qu’ils avaient captés, ne sauraient être sérieusement
évoquées, dès lors que ces clients n’ont pas, lorsqu’ils ont résilié leur lettre de mission avec la
société d’expertise comptable, avancé le moindre motif ou encore émis le moindre grief à
l’encontre de la société d’expertise comptable.
A titre d’exemple, Monsieur GOINEAU et Monsieur DUCRAY (groupe GOINEAU/DUCRAY) ont
adressé 7 lettres de résiliation à la société d’expertise comptable aux mois de juin 2010 dans
lesquelles ils ne formulaient pas le moindre grief ni n’avançaient le moindre motif (Cf. pièces
n°11 à 17).
Ils ne sauraient donc prétendre sérieusement dans des attestations établies a posteriori à la
demande de l’expert-comptable plus d’un an après les faits, qu’ils auraient quitté la société
d’expertise comptable car ils étaient mécontents du traitement de leur dossier.
Il est bien évident que si tel avait été le cas, Monsieur GOINEAU et Monsieur DUCRAY
n’auraient pas manqué de le souligner dans les lettres de résiliation qu’ils ont fait parvenir un
an plus tôt à la société d’expertise comptable.
La Chambre Régionale de Discipline ne s’y est d’ailleurs pas laissé prendre dans sa décision de
sanction rendue le 24 avril 2012.
4. Si comme le prétendent les appelants, la société d’expertise comptable aurait perdu ses
clients en raison de « son incapacité à les conserver en ayant à leur égard l’attitude que
devrait avoir tout prestataire de services à l’égard de son donneur d’ordres », ces clients
n’auraient pas manqué de faire valoir dans leur lettre de résiliation des griefs pour expliquer
et motiver la rupture anticipée des relations contractuelles.
5. Il convient à nouveau de souligner que sur les 21 lettres de résiliation que la société
d’expertise comptable a reçues concomitamment au départ de l’expert-comptable, 19
d’entre elles ne formulaient aucun grief contre la société d’expertise comptable, et certaines
d’entre elles remerciaient même la société d’expertise comptable pour la qualité des services
prodigués (Cf. pièce n°80 : tableau recensant les lettres de résiliation versées aux débats
concomitantes au départ de l’expert-comptable).
Ainsi, plus de 90% des clients ayant résilié leur mission lors du départ de l’expert-comptable,
n’ont formulé aucun grief à l’encontre de la société d’expertise comptable.
6. On soulignera également pour mémoire que lors du débauchage de Monsieur ODOBEL par
le cabinet C. un an plus tard, la société KPMG a reçu concomitamment 31 lettres de
résiliation de clients supplémentaires...
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7. l’expert-comptable ne saurait prétendre également que ces clients auraient attendu des
mois qu’un successeur leur soit présenté.
Il reconnait en effet, ce qui est le cas, que dès le 7 janvier 2010, c'est-à-dire a peine plus de
quinze jours après son licenciement (période durant laquelle étaient comprises les fêtes de fin
d’année), son successeur chez la société d’expertise comptable, Monsieur FONTAINE, a
adressé une lettre à l’ensemble des clients pour les informer du départ de l’expert-comptable
et leur indiquer de quelle manière le suivi de leur dossier continuerait à être assuré.
Une fois encore, la Chambre Régionale de Discipline relèvera que l’expert-comptable
endormait la confiance de la société d’expertise comptable en négociant parallèlement une
transaction qui aboutira le 27 février 2010, dans laquelle il réitérait son engagement de
respecter la clientèle de la société d’expertise comptable alors que parallèlement, il avait
écrit en réalité aux clients de la société d’expertise comptable...
La Chambre Nationale de Discipline constatera qu’en réalité, les appelants s’appuient
principalement sur 3 attestations qu’ils ont fait établir a posteriori par 3 clients pour tenter
de venir prétendre que ceux-ci étaient mécontents du sort qui leur était réservé par la société
d’expertise comptable qui se serait « désintéressée de ses clients ».
La première émane d’un certain MANDUCHER, PDG d’une société TECHMAPLAST.
Cette société n’est pas visée par la société d’expertise comptable dans le cadre des clients
détournés.
La deuxième émane d’un certain Monsieur GERGONNE qui représenterait 5 sociétés, mais là
encore, à aucun moment les sociétés du groupe GERGONNE ne sont visées par la société
d’expertise comptable dans le cadre de la présente instance, et ceci depuis son origine.
La troisième émane de Monsieur JACQUEMET (sociétés JACQUEMET RESSORT TECHNIQUE
RAYNAUD, CICAM GROUPE, CICAM SAINT MARTIN).
Il est bien évident que si Monsieur JACQUEMET avait eu des griefs à formuler à l’encontre de
la société d’expertise comptable, il n’aurait pas manqué de les faire valoir dans la lettre de
résiliation adressée pour les 5 sociétés de son groupe en 2010, car un client ne quitte pas son
expert-comptable sans raison (Cf. pièce n°21).
Or, Monsieur JACQUEMET n’a formulé aucun grief dans sa lettre de résiliation.
Il est bien dévident que la société d’expertise comptable n’a pas du tout « abandonné » ses
clients lors du départ de l’expert-comptable.
Il convient à cet égard de se rapporter à l’attestation de Monsieur Bertrand FONTAINE,
associé qui a repris la suite de l’expert-comptable chez la société d’expertise comptable (Cf.
pièce n°84 : attestation de Bertrand FONTAINE).
De surcroit, dans le prolongement du courrier adressé dès le 7 janvier 2010 à l’ensemble des
clients, plusieurs intervenants de la société d’expertise comptable et notamment Monsieur
BERNARD ont rendu visite aux clients, étant précisé que pour certains d’entre eux, les équipes
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de la société d’expertise comptable continuaient à travailler sans discontinuer au traitement
de la comptabilité de ces clients (Cf. pièce n°80 : tableau des lettres de résiliation).
8. Ce n’est évidemment pas un hasard si plus de 22 clients ont résilié leur lettre de mission
concomitamment au départ de l’expert-comptable, et ont été simultanément récupérés par
le cabinet C. créé par l’expert-comptable pour accueillir la clientèle détournée.
9. l’expert-comptable et le cabinet C. ne sauraient enfin sérieusement prétendre que tous ces
clients se connaissaient aux motifs que leur dirigeant était pour partie membre du MEDEF à
OYONNAX, pour partie membre d’un club de rugby, etc.
Le fait pour certains clients détournés d’appartenir à des instances patronales et/ou de
loisirs, ne suffit évidemment pas à établir un lien justifiant que lorsqu’un client résilie une
lettre de mission avec son expert-comptable, l’ensemble des autres clients du même
groupement en fassent de même sauf évidemment à considérer qu’il est plus facile par ce
biais là pour l’expert-comptable d’orchestrer la captation de ces clients qui transparait à
travers le nombre de clients détournés concomitamment à son départ et au débauchage de
Monsieur ODOBEL.
10. La jurisprudence précitée, qu’elle soit rendue par les juridictions civiles, commerciales,
disciplinaires, retient bien ce faisceau d’indices que constituent la simultanéité du départ des
salariés, d’un nombre important de clients tous récupérés par le cabinet créé par le salarié
démissionnaire, ainsi que l’envoi simultané de lettres de résiliation sans motif des clients,
lettres de résiliation parfois rédigées dans des termes très proches.
> En ce gui concerne le nombre de clients ayant résilié leur lettre de mission
Les appelants persistent à prétendre que la société d’expertise comptable n’aurait reçu que
12 lettres de résiliation dont 7 émanant du même groupe d’entreprises contrôlées ou dirigées
par Messieurs GOINEAU et DUCRAY qui exposent dans deux attestations largement citées
dans sa note les raisons pour lesquelles ils auraient quitté la société d’expertise comptable
pour poursuivre leur collaboration avec l’expert-comptable.
Il ressort du tableau des résiliations versé aux débats par la société d’expertise comptable,
que 22 clients ont résilié leur lettre de mission (plus 6 clients en commissariat aux comptes
qui n’ont pas renouvelé le mandat de la société d’expertise comptable en faisant désigner
l’expert-comptable aux lieu et place de la société d’expertise comptable) (Cf. pièce n°80 :
tableau récapitulatif des résiliations concomitantes au départ de l’expert-comptable).
Sur ces 22 clients, deux, à savoir l’association internationale des étudiants Lyon III et la
société TRAJECTIS n’ont même pas pris la peine d’adresser une lettre de résiliation à la
société d’expertise comptable.
Contrairement à ce que laissent entendre l’expert-comptable et la société C., un groupe de
sociétés ne constitue pas un seul client.
Il y a autant de clients que de sociétés avec lesquelles des lettres de mission ont été conclues.
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Un an plus tard, le débauchage de Monsieur ODOBEL a servi à véhiculer le détournement de
28 clients supplémentaires entre le mois d’avril et le mois d’août 2011 (Cf. pièce n°73 :
tableau récapitulatif des résiliations concomitantes au débauchage de Monsieur ODOBEL).
Au total, ce sont donc 22 clients en expertise comptable (plus 8 en commissariat aux
comptes) qui ont été captés par l’expert-comptable et la société C. concomitamment au
départ de l’expert-comptable et à la création de la société C. (si on compte la deuxième
vague de détournement, cela fait 52 clients).
La Chambre Nationale de Discipline mesurera ainsi la mauvaise foi avec laquelle l’expertcomptable et le cabinet C. prétendent que seuls 8 clients de la société d’expertise comptable
auraient mis fin à leur mission avec la société.
Pour conclure, on relèvera en l’espèce que la violation des dispositions de l’article 21 du Code
de déontologie, est parfaitement caractérisée.
Il est donc incontestable que les éléments articulés par la société d’expertise comptable à
l’encontre de l’expert-comptable et de la société C. qui doivent être analysés ensemble, les
uns par rapport aux autres, et non comme s’il s’agissait de faits distincts sans rapport les uns
avec les autres, constituent une violation caractérisée des dispositions de l’article 21 du code
de déontologie.
Il convient en conséquence de confirmer la décision de sanction rendue par la Chambre
Régionale de Discipline ».
SUR CE LA CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n°45-2370 du 15 octobre 1945, le décret n°70-147 du 19 février 1970, le décret
n°2007-1387 du 27 septembre 2007 abrogés et remplacés par le décret n°2012-432 du 30
mars 2012, relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable ;
Vu l’arrêté du 6 juin 2008 abrogé et remplacé par l’arrêté du 3 mai 2012, portant agrément
du Règlement intérieur de l’Ordre des experts-comptables ;
Vu les pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré en la présence de ses seuls membres, et à l'exclusion du rapporteur ;
Considérant qu’ainsi que l’a relevé justement la chambre régionale de discipline dans la
décision dont appel, pour rechercher l’existence d’une éventuelle faute disciplinaire à la
charge de l’expert-comptable concernant les conditions dans lesquelles celui-ci avait repris
en charge les clients de la société d’expertise comptable qu’il suivait jusqu’à son départ de
cette société, la présence instance doit appréhender uniquement les conditions des départs
intervenus avant le 7 octobre 2010, date de la saisine de la chambre régionale de discipline ;
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Considérant que l’expert-comptable et la société d’expertise comptable s’opposent
concernant le nombre de ces départs sur la période considérée ; que le premier cité produit
dans ses écritures un tableau sur lequel sont mentionnées vingt et une (21) lettres de
résiliations de clients intervenues avant le 7 octobre 2010 ; que l’expert-comptable conteste
cette affirmation en indiquant que la société d’expertise comptable cite le nombre de
dossiers en portefeuille, certains clients comme les groupes GOINEAU DUCRAY et
JACQUEMET comprenant respectivement huit et quatre filiales, et que le nombre de clients
qui sont venus le rejoindre au cours des neufs premiers mois de 2010 a été seulement de
huit (8).
Considérant que force est de constater, que dans le tableau listant les départs de ses clients,
sous la rubrique “nom client”, la société d’expertise comptable recense neuf clients ; qu’il y a
donc lieu de considérer que le nombre de départs de clients a été de huit ou de neuf sur la
période considérée et qu’ils se sont échelonnés au cours des mois d’avril, mai, juin et
septembre 2010 ;
Considérant que la société d’expertise comptable ne prétend pas dans ses écritures que ces
départs sont la conséquence de manœuvres de la part de l’expert-comptable ; qu’à une
exception près les décisions de ses clients lui ont été notifiées et ont donné lieu à l’envoi par
l’expert-comptable d’un courrier d’information conformément aux articles 23 du décret du
27 septembre 2007 et 163 du décret du 30 mars 2012 ; que l’expert-comptable a accepté de
participer à une tentative de conciliation du président du conseil régional des expertscomptables prévue par les articles 21 et 161 de ces mêmes décrets même si celle-ci n’a pas
abouti ;
Considérant dans ces conditions que la seule circonstance que le départ de l’expertcomptable de la société d’expertise comptable à la suite de son licenciement se soit
accompagnée dans les neuf mois qui ont suivi du départ de huit ou neuf clients ne permet
pas, par elle-même, d'établir une manœuvre constitutive d'une faute ;
Considérant que ce constat n’a pas pour effet, cependant, d’exonérer l’expert-comptable de
tout manquement déontologique dans la mesure où, dans le cas d’espèce, celui-ci avait
signé précédemment un accord transactionnel avec ses anciens associés ;
Considérant en effet que le 27 février 2010, l’expert-comptable avait signé un protocole lui
allouant la somme de 120.711 € bruts pour “indemniser son préjudice moral et pécuniaire
toutes causes confondues” ; que selon l’article 3 de cette convention, cette somme lui était
versée “à titre forfaitaire et indemnitaire, et à titre de dommages intérêts” ; que l’article 4
mentionnait expressément que la somme avait vocation à indemniser “son préjudice
professionnel”; qu’à l’article 9 de la convention, l’expert-comptable “renouvelait son
engagement de respecter la clientèle de la société d’expertise comptable tant au titre de son
contrat de travail...qu’au titre des dispositions conventionnelles en la matière” et que “tout
détournement de la clientèle de la société d’expertise comptable, telle que définie dans son
contrat de travail pourr[ait] déclencher l’action judiciaire de la société d’expertise comptable
à son encontre”;
Considérant qu’en acceptant la venue de huit ou neuf clients de la société d’expertise
comptable représentant des honoraires annuels d’environ 145.444€ sans proposer à celle-ci
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une indemnisation alors pourtant qu’il avait accepté une indemnisation de son préjudice
professionnel, l’expert-comptable a manqué à ses devoirs de confraternité au sens des
articles 21 du décret du 27 septembre 2007 et 161 du décret du 30 mars 2012 ; que la
sanction d’un blâme avec inscription au dossier prononcée à l’encontre de l’expertcomptable et de sa société d’expertise comptable “Cabinet C.” est adaptée à la gravité de
cette faute ; qu’il y a lieu de la confirmer;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME la décision déférée.
DIT que la présente décision sera régulièrement notifiée à M. le Présidente du Conseil
régional de l’Ordre des experts-comptables de Rhône-Alpes, à M. le commissaire du
Gouvernement près le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, à M. le
commissaire du Gouvernement près le Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables
de Rhône-Alpes, à M. Valentin RYNGAERT, représentant la société d’expertise comptable et
son avocat Me Georges de MONJOUR, à l’expert-comptable et son avocat Me Didier SAINT
AVIT.
Fait et délibéré à Paris, le 20 juin 2013
Lecture en audience publique, le 20 juin 2013
A. M
J. BARTHOLIN
Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
Président de la Chambre nationale
de discipline des expertscomptables
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