l`île au trésor - Théâtre des Marionnettes de Genève

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l`île au trésor - Théâtre des Marionnettes de Genève
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier presse – saison 2010 - 2011
L’ÎLE AU TRÉSOR
Création du Théâtre de la Poudrière (Neuchâtel)
Du 25 septembre au 10 octobre 2010
Adaptation et mise en scène :
Yves Baudin d’après Robert
Louis Stevenson
Interprétation : Corinne
Grandjean, Daniel Hernandez,
Yannick Merlin,
Claire Perret-Gentil
Scénographie : Pierre Gattoni
Marionnettes : Pierre Gattoni,
Chantal Facon
Costumes : Atelier Gare 7
Musique : L’Ensemble Rayé :
Julien Baillod, Jean-20
Huguenin, Cédric Vuille
Lumière : Gilles Perrenoud
Réservations : 022 418 47 77
ou sur:wwww.marionnettes.ch
~ 60 minutes
Dès 7 ans
Le spectacle
1. L’histoire
Si l’histoire, comme un puzzle, se forme peu à
peu au travers de l’arrivée des personnages,
on comprend progressivement qu’un célèbre
pirate, le Capitaine Flint, a enterré un trésor
sur une île. Après sa mort, un des membres
de l’équipage a volé la carte du trésor et tous
ses anciens comparses sont à sa poursuite,
notamment Long John Silver, l’homme à la
jambe de bois. C’est cette carte que
découvrira Jim (l’enfant), l’entraînant dans
une aventure fantastique avec ses amis (le
docteur Livesey, Monsieur Trelawney et le Capitaine Smolett.
L’Île au trésor
Prononcez le mot « pirate » : immédiatement surgissent une carte au trésor, une taverne, une île, des
mutins, des bagarres animées. Tous ces éléments composent le puzzle époustouflant du plus
extraordinaire des romans de flibusterie, L’Île au trésor. Offert tel un coffre empli de mystères, voici la
trépidante histoire du jeune Jim Hawkins parti pour des aventures extraordinaires, bravant les éléments
déchaînés. Ce récit de pirates en quête de richesses enfouies, dépassant les rêves les plus fous, dans
une île lointaine a fait le tour du monde. Et il a navigué sur toutes les mers du globe. Le jeune Jim se
retrouve en possession d’une carte donnant l’emplacement d’un butin faramineux. Il n’est pas le seul à le
convoiter, et l’aventure peut alors commencer. Retenez votre souffle, prenez une grande goulée d’air
avant de plonger, et à l’abordage !
S’ensuit un voyage initiatique bordé de grandes vagues de rire. Où méchants et cœurs purs s’affrontent
dans cette version parfois comme dans un jeu télévisé. Le pirate, cet adversaire, a les traits du perfide
capitaine Long John Silver, vaurien le plus pittoresque qui soit. Il fascine et inquiète, tant il reflète la part
d’ombre qui peut se tapir au fond de chacun de nous. Mais il incarne aussi l’attrait de l’aventure, du grand
large, la quête du danger et la soif jamais étanchée de liberté. Tout favorise l’émergence d’un univers où
chaque enfant peut apprendre à diriger sa petite barque qui avance au cœur des flots de toute vie. Avec
humour et justesse, tout se joue entre Jim Hawkins et John Silver. Entre l’enfance et l’âge adulte, entre
l’innocence et le crime, entre le Petit Poucet et l’ogre boiteux.
Pour ce magnifique récit d’apprentissage et de découverte du monde, voici un ingénieux dispositif
scénique prompt à faire surgir tavernes, bateaux et fort assiégé. Manipulés à vue et changeant de taille,
le courageux Jim, ses compagnons et les pirates virevoltent, se dérobent et croisent le fer. Sous l’action
virtuose de comédiens marionnettistes, les personnages déploient des scènes colorées, alternant le
drame et l’ironie.
2. Synopsis
e récit est celui de Jim Hawkins, fils
d’un tenancier de l'auberge « L'Amiral
Benbow » dans un port anglais au
XVIIIe siècle. Un jour, un vieux loup de
mer nommé Billy Bones débarque à
l'auberge et s'y installe. Jim est fasciné par
le marin colérique, violent et ivrogne;
d'autant qu'il semble peser sur ce dernier
une obscure menace.
L
L’Île au trésor
Celle-ci se précise lorsque Pew, un mystérieux aveugle, remet à Billy Bones « la tache noire »,
annonciatrice de mort dans le monde des pirates. Alors que les heures de Billy Bones sont comptées, il
meurt, foudroyé par une crise d'apoplexie, tandis qu'au même moment, le père de Jim disparaît suite à
une grave maladie.
En ouvrant le coffre du pirate, Jim et sa mère découvrent une carte indiquant la cachette d’un fabuleux
trésor que la bande du fameux capitaine Flint a enfoui dans une île déserte.
Avec l’aide du docteur Livesey et du chevalier Trelawney, le châtelain du village, un navire baptisé
Hispaniola est affrété pour partir à sa recherche.
Au cours de la traversée, Jim surprend une conversation entre le cuisinier, un personnage pittoresque à
jambe de bois appelé Long John Silver, et des hommes d'équipage : il apprend ainsi que la plupart des
marins à bord de l'Hispaniola font partie de la bande de Flint et qu'une mutinerie se prépare pour
s'emparer du trésor.
Jim avertit ses amis du danger qui décident de ne pas agir avant d'être à terre tout en restant sur leurs
gardes.
Lorsque l’île est atteinte, la lutte s’engage entre les deux groupes. Divers épisodes plus indécis les uns
que les autres se déroulent (dans lesquels apparaît Ben Gunn, un pirate abandonné sur l'île par Flint), et
pour finir le trésor tombe entre les mains des gentilshommes de naissance. L'Hispaniola reprend la mer
avec sa précieuse cargaison et finit par regagner l'Angleterre, non sans que Long John Silver ait réussi à
s'enfuir avec un sac de pièces d'or extraites du trésor lors d'une escale.
2. Un regard d’enfant
Deux questions à Yves Baudin, metteur en scène.
Qu’avez-vous retenu dans le récit de piraterie de Stevenson ?
Yves Baudin : Ce que nous avons aimé est la curiosité qui anime le protagoniste principal, un enfant qui
doit se mettre à découvrir plus qu’un fabuleux butin, son identité même. A travers un périple qui le
révélera à lui-même, l’exercice périlleux pour le jeune Jim Hawkins est de ne point se laisser tromper par
une série de jeu d’apparences. L’histoire est marquée par la multitude des lieux et un foisonnement
d’actions. C’est au cœur de ces actions et espaces changeant que l’enfant se doit de toujours mobiliser
un esprit curieux, doté d’un grand sens de l’observation comme le montrent plusieurs scènes. Dès
l’origine, il est dit de Jim Hawkins qu’il a les yeux grand ouverts. Car c’est un enfant attentif, posant un
regard sur le monde de manière à ne pas se laisser abuser.
Avez-vous voulu garder le fait que
l’aventure est vue, pour une part, à
travers les yeux d’un enfant ?
Y. B. : Il y a un surgissement de situations
empreintes d’un regard souvent ingénu,
comme un monde qui s’inventerait pour la
première fois sous les yeux du juvénile
héros. Préserver cet angle de vue enfantin
pour le déroulement de l’histoire permet un
ample jeu sur les échelles, perspectives et
dimensions au sein de la scénographie. Cela
permet de moduler les tailles de plusieurs
L’Île au trésor
éléments clefs du récit. Ainsi l’enveloppe
postale traitée comme un élément de grandeur surdimensionnée, permet de rendre cette impression
qu’un enfant peut attendre impatiemment un courrier. Lorsqu’elle arrive enfin, la lettre est de grandeur
démesurée relativement aux dimensions d’une lettre commune. Le spectacle travaille aussi sur le rêve de
Jim. Dans cette quête d’un trésor, l’imaginaire peut suggérer une île lointaine et fabuleuse, recouverte
d’une luxuriante végétation. Une forme d’Eden. Alors que le débarquement sur la réalité insulaire des
choses ne correspond pas à cette vue initiale de l’esprit. Stevenson décrit la fameuse île comme un nid à
fièvres, scorpions et maladies. C’est là que tout va se jouer.
3. Un roman d’apprentissage
Le livre propose au travers d’une aventure passionnante un magnifique roman d’apprentissage et de
découverte du monde. Si l’imagination et le rêve font partie de l’univers naturel de l’enfant, bientôt ils
seront confrontés à la réalité du monde. L’Île au Trésor s’inscrit dans cette dualité entre l’imaginaire et le
réel.
Le petit Jim sortira grandi de cette histoire. Il aura vécu et compris bien des choses. Pour se diriger dans
la vie, il faut être courageux, curieux et bien observer ce qui se passe autour de soi. Il faut être attentif au
monde car la réalité est difficile à appréhender. L’habit ne fait pas toujours le moine, les apparences sont
trompeuses et tout peut toujours basculer.
L’Île au Trésor propose deux mondes, deux manières de vivre qui contraignent Jim à se situer et à
choisir. D’un côté, il y a les pirates avec leur univers d’instincts, d’excès, d’alcool, de mensonges et de
cruauté. De l’autre, les piliers de la société représentés par Monsieur Trelawney (noble, fortuné), le
docteur Livesey (profession libérale, la raison, la justice) et le Capitaine Smolett (l’ordre, la discipline,
l’autorité, la hiérarchie qui permet de faire fonctionner un bateau ou une société).
On peut encore remarquer que le faible, le fragile, celui qui, dans le jeu des apparences trompeuses, ne
devrait pas gagner, finit par l’emporter.
4. Part d’ombre
Si les proches de Jim représentent le monde connu, les repères et les bornes de l’ordre, de la générosité,
de la justice et de l’équilibre, les pirates sont les personnages qui fascinent, qui nous interpellent. Ils font
l’histoire et nous ouvrent à l’aventure. Ils sont le chaos d’un monde aux lois inversées mais aussi l’image
d’une certaine liberté. Et s’ils nous intriguent et nous font tellement rêver, c’est d’abord qu’ils nous
inquiètent en tant que pulsion et liberté brutale extérieure à nous-mêmes mais aussi peut-être, parce
qu’ils sont cachés en nous-mêmes. Les pirates sont notre part d’ombre, cette duplicité est en nous et on
peut la reconnaître en Mr. Jekyll et Mr. Hyde, Peter Pan et Capitaine Crochet… Jim Hawkins et Long
John Silver.
► Le Bien, le Mal : une interrogation à Yves Baudin, metteur en scène
Stevenson est aussi l’auteur de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Il insiste sur la dualité de la
nature humaine. Dans L’Île au trésor, les protagonistes principaux : le bandit des mers, John
Silver et l’enfant héros possèdent des sortes de doubles. Ce récit est aussi une manière
d’introduire la conscience du bien et du mal chez l’enfant.
Yves Baudin : Assurément. A mes yeux, le pirate représente une tension, une sorte de miroir de
l’agressivité que chacun peut porter en soi. Il faut sans doute apprendre à conserver en soi une part
de révolte donnant la possibilité de ne pas être toujours dans la norme.
De manière significative, Jim perd son père à l’orée du roman. Aucune autorité ne pouvant partager
les mêmes valeurs morales ou de société fondant la vie en famille ne saura le remplacer. C’est ainsi
que, par affection et compréhension, Jim se dirige vers cette figure paternelle élective qu’est John
Silver. Significativement il laisse son chapeau à Jim, signifiant ainsi une forme de filiation reliant ces
deux êtres. Alors qu’à l’époque décrite par le roman, tout pirate saisi se trouvait immédiatement
pendu haut et court, Stevenson imagine que le Capitaine pirate doit rester libre, prenant la fuite sur
cette petite barque avec une part du trésor. Il y a effectivement cette dualité et cette unité tout à la
fois qui lie les figures de Jim Hawkins et John Silver.
5. La Quête de l’identité
Que dire aujourd’hui aux enfants, que leur dire d’eux-mêmes, de nous et du monde ? Comment leur
parler, leur donner ce monde à voir en évitant toute morale simpliste et tout didactisme stérile ? Et que
dire du théâtre, de l’esthétique ? Si certains noms et certains mots, comme le dit Stevenson, ont un
pouvoir évocateur tel qu’ils déclenchent instantanément l’imaginaire chez l’enfant, nous avons, autour de
« Bill Bones », « l’auberge de l’Amiral Benbow », « Pew l’aveugle », « le coffre mystérieux », « la carte du
trésor », construit des images non pas réductrices de par l’illustration qu’elles proposent mais au contraire
toujours ouvertes pour amplifier cet imaginaire. Un travail des ombres, de la lumière, de la dimension des
objets et des personnages, ici tout est irréel et réel, fascinant et dangereux. Entrer dans cette histoire
comme dans un rêve, comme si tout était vu au travers du regard de l’enfant Jim Hawkins. L’aventure est
belle parce qu’elle est forte, parce que les personnages sont puissants et qu’ils portent en eux cette
dimension mythique qui déforme la réalité de par la lumière et l’ombre qu’ils projettent sur elle.
La scénographie, les marionnettes, les objets et la musique originale du spectacle participent de deux
mondes, soit de la réalité et de l’irréalité. Ou pour mieux dire, réussir à jouer toujours du réalisme et de
l’abstraction. N’utiliser alors que l’essentiel, au pouvoir le plus évocateur. Une féerie visuelle, sourde et
brillante. Changer de plans, de dimensions, de perspective, un théâtre qui parfois se joue du cinéma.
Yves Baudin, metteur en scène
6. Le Langage de la marionnette
Affirmer que L’Île au Trésor et de manière plus générale l’oeuvre de Stevenson relève d’une écriture
marionnettique est peut-être forcer le trait. Il est cependant surprenant d’approcher les conceptions
littéraires de cet auteur au travers de ses Essais sur l’art de la fiction. On ne pourra alors que constater
des similitudes étonnantes entre ce travail d’écriture et la pratique marionnettique.
Rappelons ici les trois axes principaux autour desquels ce langage s’articule :
► L’action : Comme le disait Antoine Vitez, la marionnette est un verbe, elle se définit par l’action
qui la suppose, elle agit et exprime bien au-delà de son nom, c’est-à-dire de sa psychologie, pour se
révéler dans l’événement qu’elle porte et dans lequel elle s’inscrit.
► L’image : La marionnette est un art de l’image, non pas au sens planaire de la bande dessinée,
mais en volume avec toutes les tensions dramatiques des pôles antagonistes contenus dans
l’image. L’image comme une métaphore scénique est source première de rêverie, de fiction… de
spectacle.
► La transposition : La marionnette propose une épure du monde. Dans sa dimension symbolique,
rythmique et musicale, elle tend à permettre une transposition « abstraite » dans laquelle ne se
révèlent que les axes principaux de caractère, d’intrigue, de vie.
L’image, l’événement : chez Stevenson, tout part d’eux. L’image, comme quelque chose qui affleure et
prend forme, peu à peu, pour s’imposer bientôt comme le visage même de l’inconnu. Elle manifeste
également, comme l’événement, le pouvoir plastique de l’imaginaire, cette capacité qu’il possède d’unir et
de contenir, dans une forme, le sensible et l’intelligible.
Le travail avec les marionnettes et l’écriture de Stevenson ont en commun cette volonté d’épurer la
matière, pour mieux revenir à l’Essence même d’une « collection de scènes et de personnages avec
lesquels, dans le théâtre silencieux du cerveau, [on peut] jouer tous les romans et toutes les aventures. »
(R. L. Stevenson).
7. Scénographie et survie
Deux questions à Yves Baudin, metteur en scène.
C’est pour répondre à l’attente de son beau-fils, alors âgé de 12 ans, que Stevenson commence à
dessiner et colorier la carte d’une île. Bientôt, il peuple la carte de personnages. Cette impression
de surgissement des personnages, des décors et situations, on le retrouve dans votre mise en
scène ?
Yves Baudin : Dans Essais sur l’art de la fiction, Stevenson évoque des magasins de jouets avec leurs
petites silhouettes de théâtre d’ombres et de papiers exposées en vitrine. L’auteur témoigne que le regard
de l’enfant se laisse prendre par toutes ses figurines, se met à rêver et peut atteindre un certain nombre
de jaillissements imaginaires. Nous sommes partis des ses Essais sur la fiction imaginant l’ensemble des
ombres autour des personnages de L’Île au trésor. La scénographie est née de la multiplicité des lieux
traversés par le récit et des ellipses susceptibles d’être constituées pour faire suivre le fil de l’intrigue.
La fable n’évacue pas une relative âpreté présente dans un épisode de votre mise en scène.
Y. B. : En Suisse, les enfants restent dans leur immense majorité, épargnés par la guerre et n’ont pas
nécessairement besoin de lutter au quotidien pour préserver leur vie. Mais il y a bien des pays où les
enfants doivent encore se battre et se protéger contre leurs proches, leurs parents et amis. Sans parler
des enfants soldats. LÎle au trésor décrit précisément ce moment où un enfant entre réellement en
contact avec les Autres, le monde et ses périls, puisque Jim Hawkins part sur les flots, et découvre
d’autres contrées. De plus il y a la présence d’une fortune à découvrir. Toutes les tensions sont ainsi
permises.
La poursuite du jeune Jim par l’homme de main du chef des pirates est impressionnante. Nous avons
longuement songé à cette scène en la préparant. Il peut sembler inadmissible d’imaginer un enfant
manipuler une arme. Et tuer l’adversaire cherchant à lui nuire. Nous avons ainsi signifié qu’il s’agit de
légitime défense en ce cas extrême. Si Jim n’avait pas abattu ce pirate, il aurait disparu. C’est le point
ultime de cette quête où l’on peut apprendre un certain nombre de choses, connaître le prix du sang, le
prix de l’existence. Rappelons aussi que Jim se battra à la fin pour que John Silver puisse avoir la vie
sauve.
8. Dessiner une carte
J
e dessinai la carte d’une île. Elle était très soigneusement et (du moins le pensais-je) très joliment
coloriée. Sa forme, en particulier, accapara mon imagination au-delà de toute expression. Il y avait là
des criques, des ports, qui m’enchantaient autant que des sonnets, et avec l’inconscience des
prédestinés je baptisai mon œuvre « Treasure Island »… Qui ne se souvient d’avoir, enfant, plongé sa
tête dans l’herbe, en imaginant y voir une forêt miniature, grouillante d’habitants, parcourue d’armées
féeriques ? C’est un peu ainsi, tandis que je m’absorbais dans la contemplation de mon Île au Trésor, que
je vis apparaître peu à peu, sortant de bois imaginaires, les futurs personnages du livre. Leurs visages
brunis, leurs armes étincelantes se laissaient entrevoir par brefs instants, là où je ne les attendais pas,
passaient et repassaient devant mes yeux, s’entrebattant dans leur chasse au trésor − et tout cela sur
quelques centimètres carrés de surface plane !...
Mon père s’enflamma immédiatement avec tout le romanesque et la juvénilité de sa nature profonde.
Tous les soirs de sa vie il s’était inventé des histoires pour s’endormir, pleines de navires, d’auberges au
bord de la route, de voleurs, de vieux matelots et de vaisseaux marchands d’avant le temps de la vapeur.
Jamais il n’avait achevé l’un de ces romans : l’heureux homme n’en avait pas besoins. Mais dans l’Île au
Trésor, il lui sembla retrouver quelque chose de sa propre imagination. C’étatit, oui, son monde d’images.
R. L. Stevenson, « Mon premier livre :
l’Île au Trésor », in Essais sur la fiction.
9. Jeu de pistes
L'Île au trésor (1883) n'est certes pas le premier livre de Robert Louis Stevenson (1850-1894). Il avait
déjà signé de nombreux articles, essais, récits de voyages, ainsi que des poèmes et des nouvelles. L'Île
au trésor est en revanche son premier roman, et constitue à ce titre un tournant dans sa carrière
d'écrivain. Pour la première fois, Stevenson mène une histoire jusqu'à son terme, sans renoncer. De
retour de Californie, il se donne le sentiment d'avoir passé une frontière : écrire le mot « fin » au bas d'un
manuscrit, en octobre 1881, lui donne enfin des raisons d'espérer. Il en était temps : chef de famille depuis
peu − il vient d'épouser Fanny Osbourne, et vit avec Lloyd, son beau-fils −, Robert Louis, à l'âge de trente
et un ans, dépendait financièrement de son père. Le livre marque le début de la reconnaissance, permet
son émancipation et consacre de belle façon son entrée dans la carrière littéraire.
L'Île au trésor a donc porté chance à son auteur. Tout au plus observera-t-on que le succès jamais
démenti du livre a contribué à réduire l'image de Stevenson, en le cantonnant dans la catégorie des
écrivains pour la jeunesse. Or la diversité de ses productions postérieures, leur étonnante complexité
témoignent de la profondeur de son génie littéraire. Une profondeur déjà inscrite dans les pages de L'Île
au trésor.
Un récit haletant
Dans cette œuvre, Stevenson se montre d'une grande habileté : feignant de reproduire les romances
d'antan, il innove, en fait. La rupture avec les valeurs et les formes du roman victorien se marque par une
intrigue resserrée, une grande économie de moyens, une souveraine désinvolture par rapport à la morale,
comme l'atteste la fuite du pirate Long John Silver, qui échappe à son châtiment, grâce à la complicité
tacite de l'écrivain : « De Silver, nous n'entendîmes plus jamais parler. Ce formidable marin avec une
seule jambe est enfin sorti de mon existence... »
Le récit est conduit par Jim Hawkins, de manière rétrospective : il relate comment, tout jeune encore, il
partit à la recherche d'un trésor qu'il finit par découvrir au terme de maintes péripéties ; le retour sur son
aventure dans l'île consacre la prééminence de l'action sur la psychologie. Dans un style dépouillé et
nerveux, le narrateur adulte restitue ces émotions élémentaires, entre terreur et émerveillement, qui sont
l'apanage de l'enfance. Construit à la manière d'un haletant jeu de piste, le récit file droit au but, non sans
réserver quelques surprises : c'est ainsi que le fameux trésor, à l'origine de toute l'entreprise, se trouve
escamoté au nez et à la barbe des pirates.
Un singulier roman d'éducation
La sympathie, souvent proche de la fascination, éprouvée par Jim envers l'opportunisme du pirate Silver,
n'est pas sans ambiguïté. De plus, l'ironie et le paradoxe façonnent ce singulier roman d'éducation : c'est
la folie de Jim, ses écarts de conduite qui s'avèrent les plus sages, en assurant le salut et la victoire des
adultes dans leur combat contre les mutins ; en jouant au grand, l'enfant qui n'a pas froid aux yeux goûte à
l'ivresse du pouvoir, avant de rentrer sagement dans le rang.
Une lecture d'inspiration psychanalytique soulignera la disparition prématurée du père de Jim, remplacé
par des figures de substitution (le capitaine Smollett, en père sévère, Silver, en mentor pervers), l'adieu à
la mère, précédant l'abandon régressif à l'intérieur de la barrique de pommes ou de l'esquif ballotté par les
vagues, la prolifération des emblèmes phalliques (le marin-à-une-jambe). Les réalités sociales ne sont pas
tout à fait absentes : des deux côtés de la palissade du fortin, deux groupes sociaux se font la guerre : les
honnêtes gentilshommes, emmenés par le châtelain Trelawney et le docteur Livesey, contre les
gentilshommes de fortune, mutins dans l'âme, assoiffés d'or et de rhum. Pourtant, Stevenson complique
un peu les choses, en communiquant la fièvre de l'or aux plus respectables de ses personnages, et en
insufflant à ses criminels des désirs de retraite tranquille, une fois fortune faite.
En circulant d'un camp à l'autre, Jim pointe les inconvénients de chacun des systèmes de valeurs en
présence : la jouissance est mortifère mais l'obéissance à la loi est ennuyeuse. Structuré par le thème du
double, le roman annonce les hantises sur lesquelles Stevenson fondera les grandes œuvres noires de la
maturité : d'abord désirable, l'île a tôt fait d'inspirer la répulsion, à l'image des cauchemars évoqués en
conclusion. Un retournement qui ne pouvait échapper à l'auteur du Dr Jekyll et Mr. Hyde (1886) et du
Maître de Ballantrae (1889).
Marc Porée
10. Les Personnages principaux
► Jim Hawkins
L’innocence de Jim est une force invincible. Son regard lumineux est celui de la justice. Sa
simplicité lui permet de résoudre les difficultés et met en fuite, dans les fables populaires, les
ombres de l’erreur. Bien qu’il représente une attitude morale, Jim est si bien conçu qu’il a pour le
lecteur, et ici le spectateur, une existence réelle. Il démasque le complot des pirates, retrouve
Ben Gunn et par suite le trésor lui-même. Il se rend seul maître du navire tombé aux mains des
flibustiers, tue enfin, mais semble toujours conduit et protégé par une bonté supérieure. Quand il
tombe entre les mains de John Silver et des féroces bandits, il n’éprouve aucune crainte. Sa
sérénité paraît alors la chose la plus naturelle au monde. C’est avec sa jambe de bois, son
perroquet, son éloquence imagée, que John Silver envahit l’imagination ardente du garçon qui
trouve dans son désir de rêve, dans l’héroïque ténacité que met l’enfance à s’éblouir elle-même,
sa plus accomplie innocence.
► John Silver
La figure de John Silver avec sa trogne fabuleuse, sa jambe de bois, dont il se sert avec une
habileté surprenante, son bagout intarissable, coloré et expressif de forban, occupe une place
importante dans l’histoire. Sa mentalité est plus complexe que celle des autres personnages. Il
est cuisinier à bord du navire « Hispaniola » affrété par le chevalier Trelawney et ses amis pour
se rendre à l’île au trésor. Son intention et celle des ses complices est de s’emparer et du trésor
dès qu’il sera sur la voie du retour. Le complot éventé prématurément, il mettra à nu sa nature
brutale de hors-la-loi, la cupidité qui le pousse aux actes les plus extrêmes. S’étant rendu compte
à un certain moment que la partie est perdue, il n’hésite pas à trahir ses complices et à composer
avec l’ennemi. S’il épargne Jim Hawkins tombé entre ses mains, c’est pour avoir un défenseur
devant ses vainqueurs. Il sauve ainsi sa peau, s’avoue vaincu et redevient le cuisinier rusé des
débuts. Il ne connaît que la loi redoutable, impitoyable, du plus fort. Sitôt le navire touchant le
premier port, il s’enfuit après s’être approprié une partie du trésor.
11. La Piraterie
La piraterie est aussi ancienne que la navigation. Elle ne peut être définie, en effet, qu'en fonction des lois
qu'elle enfreint. Une mer policée ne peut tolérer le pirate, pas plus que les États policés ne peuvent tolérer
le bandit de grand chemin.
La mer étant difficile à surveiller, les pirates ont toujours existé. La Méditerranée en a connu de tout
temps, les derniers étant les barbaresques qui, jusqu'au début du XIXe siècle, capturaient les bâtiments et
rançonnaient les sujets des puissances qui refusaient de leur payer tribut. De même, pendant des siècles,
les navires de Salé au Maroc effectuaient des raids dévastateurs contre le commerce maritime en
Atlantique, jusqu'en mer du Nord, tout aussi démunis de commissions de guerre que ceux des
barbaresques de la Méditerranée. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les pirates abondaient sur les côtes de
l'Afrique et des Amériques, continents en cours d'exploration puis d'exploitation. Les esclaves noirs, qu'ils
vendaient clandestinement au détriment des monopoles d'État, et les métaux précieux étaient les
cargaisons les plus recherchées par les pirates.
Les châtiments réservés à ces derniers étaient exemplaires. Capturés, ils devaient être gardés à bord
comme prisonniers et remis, afin d'être jugés, aux autorités judiciaires du pays dont relevait l'auteur de la
capture. Chaque pays mettait un empressement particulier à s'assurer des personnes de ses propres
nationaux devenus pirates. L'issue de tels procès était connue d'avance et les pirates n'avaient aucun
intérêt à dévoiler, au cours des interrogatoires, leurs secrets ou leurs complices. Plutôt que d'être pris, ils
préféraient donc se battre jusqu'à la mort. Justice expéditive était parfois faite au moment de la capture
car, si le commandant capteur estimait ne pas pouvoir conduire ses prisonniers jusqu'à un port sans
risques pour la sûreté de son bâtiment, il était en droit de les faire exécuter à bord en présence de
l'équipage. Les procès de pirates ont donc été rares.
Les pirates ont toujours existé
●
Déjà dans l’Antiquité, les Romains ont dû se battre contre les pirates pour assurer la sécurité
du trafic maritime en Méditerranée (Pompée 67 av. J.-C.). Les pirates ont même assiégé
Rome et établi un blocus sur le Tibre.
●
Aujourd’hui, au large de la Somalie, en Afrique, les pirates s’emparent des bateaux et
demandent des rançons. La protection des navires fait l’objet d’intenses discussions au niveau
international. La piraterie maritime est l’un des fléaux majeurs du XXIe siècle. Dans les mers à
haut risque du Sud-est asiatique, au détour du détroit de Malaga, dans la Golfe d’Aden, qui
sépare le continent africain du continent asiatique au large de la Somalie, en Mer Rouge, dans
l’Océan indien, en Afrique, en Amérique latine, aux Caraïbes, des côtes du Kenya à celles du
Maroc, les navires marchands ont subi plus de 4000 attaques au cours des deux dernières
décennies. Les actes vont des simples chapardages nocturnes à des actions violentes avec
prises d’otages et arraisonnements. La pauvreté, la faim, un sentiment d’injustice, les
déséquilibres politiques, la corruption et l’anarchie expliquent qu’une frange des populations
de ces zones maritimes recourt au banditisme. Avec la mondialisation, c’est 97 % des
marchandises, 60 % des produits pétroliers qui circulent sur la mer.
●
Le mythe du pirate, son image et sa représentation emblématique se sont constitués entre le
XVIIe et le début du XVIIIe siècle. D’une réalité historique et sociale, ce phénomène s’est peu à
peu développé dans l’imaginaire, véhiculé d’abord par des romans : L’Île au trésor
(Stevenson), Arthur Gordon Pym (Poe), Les Robinsons Suisses (Wyss), La Coupe d’or
(Steinbeck). Puis par des films, dont Capitaine Blood, L’Aigle des Mers, Pirates des Caraïbes.
12. Robert Louis Stevenson : parcours
Celui que les Polynésiens surnommèrent « Tusitala » (« le conteur d'histoires ») méritait et mérite
toujours cet hommage populaire, même si l'écrivain écossais, essayiste, poète et romancier est peu
connu de nos jours et laisse à L'Île au trésor et à Dr Jekyll et M. Hyde le soin de perpétuer sa gloire et
son nom. On oublie ses autres écrits, pourtant importants et divers. On oublie l'homme aussi qui fut à son
heure un révolté contre l'Angleterre victorienne et l'Écosse trop puritaine, un bohème et un grand
voyageur et beaucoup plus qu'un dilettante amoureux de l'aventure.
Robert Louis Stevenson est né à Edimbourg en 1850 dans une famille d’ingénieurs écossais,
constructeurs de phares. Dès l’enfance, il souffre de fragilité pulmonaire, qui le poussera durant toute sa
vie à effectuer plusieurs voyages en région méditerranéenne, en Suisse et plus tard dans le Pacifique. En
1873, il décide d’être écrivain. Il rédige alors des critiques, des essais, des fictions pour différents
journaux, publie quelques livres qui ne connaissent qu’un succès d’estime. Durant cette période, il
rencontre en France, Fanny Osbourne, une américaine séparée qui vit avec ses deux enfants (Isabelle et
Lloyd). Stevenson écrit pour le petit Lloyd L’Île au trésor (1883). Commencé en septembre 1881 en
Ecosse, le roman sera achevé durant l’hiver à Davos.
1886, L’étrange cas du Dr. Jekyll et Mr. Hyde connaît un succès triomphal et confère à Stevenson une
notoriété mondiale. 1889, la famille Stevenson s’installe sur l’île d’Apia dans l’archipel des Samoa
occidentales, dans le Pacifique. L’écrivain y est adopté par les indigènes. Publication de La Flèche noire,
Le Maître de Ballantrae. Stevenson est malade, bronchite chronique, hémorragies.
1893, lors de la guerre civile qui oppose les natifs de l’île à l’Angleterre, il prend la défense des indigènes
et de leur chef Mataaf. Le 3 décembre 1893, Robert Louis Stevenson meurt d’une hémorragie cérébrale.
Il est enterré sur l’île sous le nom de Tusitala.
Robert Louis Stevenson laisse une oeuvre abondante, riche de perspectives relatives à la littérature et à
la connaissance de l’homme. Une oeuvre qui au-delà des jeux de logique, de paradoxe, s’ancre dans les
souvenirs de l’enfance, dans l’expérience vécue et dans les rêves.
13. Equipe de création
Le Théâtre de la Poudrière est établi à Neuchâtel. Fondé en 1970, cette troupe n’a cessé de travailler
avec des marionnettes et produit des spectacles destinés soit aux enfants soit aux adultes. Troupe
itinérante, le Théâtre de la Poudrière a déjà créé plus de 30 spectacles qui ont été présentés en Suisse
et à l’étranger. De plus, le Théâtre de la Poudrière organise, en collaboration avec d’autres théâtres
neuchâtelois, les Semaines Internationales de la Marionnette (13e édition : du 30 octobre au 8
novembre 2009).
Le Théâtre de la Poudrière crée des spectacles destinés aux adultes avec le souci de faire reconnaître la
marionnette comme un art à part entière. En parallèle, la compagnie réalise avec régularité des spectacles
de marionnettes pour jeune public. Poursuivant une expression artistique originale et singulière, la
compagnie ne cesse d’explorer l’univers de la marionnette contemporaine pour créer des spectacles hors
du commun. Une trentaine de réalisation fortes, visuelles et sonores. Parmi lesquelles : Une Saison dans
la Vallée des Moumines d'après l'oeuvre de Tove Jansson, Malinche Circus, Un Rêve mexicain d'Ahmed
Belbachir et Yves Baudin, A Dos d’Eléphant d'Ahmed Belbachir, Mise en scène d'Yves Baudin, Le
Cuisinier, L'Ange et la Muette d'Yves Baudin, La Vouivre ("carte blanche" pour le spectacle d'ouverture de
l'Exposition Nationale Suisse Expo02), L’ensemble dans des mises en scène signées Yves Baudin.
Yves Baudin, directeur et metteur en scène du Théâtre de la Poudrière, a été honoré, en 2003, du prix de
l’ASTEJ (Association Suisse du Théâtre pour l’Enfance et la Jeunesse) pour l’ensemble de son travail et
ses réalisations destinées au jeune public.
Horaires des représentations
Représentations publiques
L'ÎLE AU TRÉSOR
Septembre Sam
Dim
Mar
Octobre
Sam
Dim
Mar
Sam
Dim
25
26
28
2
3
5
9
10
--11h00
----11h00
----11h00
17h00
17h00
19h00
17h00
17h00
19h00
17h00
17h00
Représentations scolaires
L'ÎLE AU TRÉSOR
Lun 27
Septembre
Mar 28
Jeu 30
Ven 1
Octobre
Lun
4
Mar
5
Jeu
7
Ven 8
09h30
--09h30
09h30
------09h30
14h15
14h15
14h15
14h15
14h15
14h15
14h15
14h15
Réservations : 022 418 47 77 ou sur : wwww.marionnettes.ch
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1211 Genève 4
tél. +41 22 418 47 84
mobile +41 0 79 517 09 47
e-mail [email protected]
Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch
T
TT
Théâtre des Marionnettes de Genève - Rue Rodo 3, 1205 Genève / Tél. 022/418.47.70 - fax 022/418.47.71

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