Chien Tumeurs mammaires
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Chien Tumeurs mammaires
Chien CONGRÈS Tumeurs mammaires Facteurs pronostiques et prise en charge raisonnée Les tumeurs mammaires de la chienne restent une préoccupation quotidienne en clientèle canine. Or, leur pronostic dépend en grande partie de la prise en charge précoce et adaptée et de la réalisation d'un bilan d'extension. À l'occasion du congrès AFVAC 2013, le Dr Didier Lanore a présenté les facteurs pronostiques à connaître pour établir la conduite à tenir face à chaque tumeur mammaire. L'échographie abdominale permet d'explorer les ganglions de la voûte lombaire, drainant les mamelles caudales, et le foie. Des radiographies des membres et un scanner peuvent mettre en évidence des métastases osseuses ou cérébrales, mais ne sont indiqués qu’en présence de signes cliniques évocateurs. Les tumeurs mammaires constituent une affection fréquente de la chienne âgée non stérilisée précocement. Le pronostic dépend du bilan d'extension de la tumeur et de son analyse histologique. Établir des facteurs pronostiques cliniques Les métastases ganglionnaires doivent être recherchées par cytoponction avant la chirurgie ou lors de celle-ci par exérèse et analyse histologique du ganglion. En stade 4, la survie médiane après la chirurgie est de 6 mois. Le taux de survie à 2 ans est de 36 % lors de métastase ganglionnaire contre 94 % sans métastase ganglionnaire. En stade 4, une chienne n'a qu'une chance sur trois d'être vivante 2 ans après la chirurgie. © C. Siméon. Conférencier Didier Lanore Docteur vétérinaire Exercice exclusif de la cancérologie Membre ESVONC, GEO Clinique vétérinaire de la Rivière 1, rue Pierre Loti 31830 PLAISANCE DU TOUCH Clinique vétérinaire Alliance 8, Bd Godard 33300 BORDEAUX La taille de la tumeur est directement corrélée à la survie de la chienne. Lors de chirurgie seule, le taux de survie à 2 ans est de 90 % pour les tumeurs de moins de 5 cm contre 55 % pour les tumeurs excédant 5 cm. En d'autres termes, une chienne en stade 3 a une chance sur deux seulement d'être encore en vie deux ans après la chirurgie. Lorsque la tumeur mesure moins d'un cm, toutes les chiennes opérées sont vivantes trois ans plus tard. Le bilan d'extension (BE) vise à établir un stade clinique de la tumeur mammaire (classification TNM : T = tumeur, N = nœuds lymphatiques, M = métastases à distance, cf. tableau 1). Localement, l'examen clinique attentif des deux chaînes mammaires permet une description précise de toutes les lésions tumorales présentes : localisation, taille, forme, ulcération, vitesse de croissance. Les nœuds lymphatiques axillaires et inguinaux sont inspectés et cytoponctionnés. La réalisation de deux clichés thoraciques de profil permet de rechercher des métastases pulmonaires (photo 1) et de visualiser le nœud lymphatique sus sternal drainant plutôt les mamelles crâniales. 1 Métastases pulmonaires chez une chienne atteinte de carcinome mammaire peu différencié infiltrant. Il existe d'autres critères pronostiques cliniques à connaître. La carcinomatose cutanée correspond à une dissémination métastatique de la tumeur au sein du réseau lymphatique cutané. Elle se présente essentiellement sous forme d’ulcérations cutanées et rend le pronostic très mauvais à court terme (photo 2). Le carcinome mammaire inflammatoire (CMI) concerne généralement plusieurs mamelles qui apparaissent œdématiées, indurées, chaudes et douloureuses. Son pronostic généralement très péjoratif incite à proposer un traitement palliatif. STADE 0 STADE 1a STADE 1b STADE 2 STADE 3 STADE 4 STADE 5 T Carcinome in situ < 1 cm 1-3 cm 3-5 cm > 5 cm N N0 N0 N0 N0 N0 N1 M M0 M0 M0 M0 M0 M0 M1 © C. Siméon. 1. Classification clinique OMS actualisée des tumeurs mammaires canines 2 La présence de carcinomatose cutanée assombrit le pronostic. N°319 du 13 au 19 février 2014 18 Chien CONGRÈS Connaître les facteurs pronostiques histologiques L'analyse histologique doit s'attacher à mesurer précisément la tumeur (sous réserve d'avoir envoyé la tumeur entière au laboratoire !), à déterminer le type et le grade histologiques, la présence d'emboles vasculaires, la qualité des marges d’exérèse (si la tumeur a été latéralisée !), la présence de métastases ganglionnaires et éventuellement de marqueurs tumoraux par immunomarquages spécifiques et complémentaires. Depuis 2011, on utilise la nouvelle classification histologique de Goldschmidt et Peña qui définit 5 nouveaux types histologiques : carcinome micropapillaire infiltrant, carcinome comédoneux, carcinome ductulaire, carcinome papillaire intracanalaire, carcinome myoépithélial malin. Les divers types histologiques sont regroupés en 4 catégories en fonction de leur gravité (cf. tableau 2). 2. Valeur pronostique des différents types histologiques selon la classification de Goldschmidt et Peña Très mauvais pronostic • Ostéosarcomes (survie médiane 3 mois) • Sarcomes et CMI (survie médiane 1 mois) • Carcinome anaplasique (survie médiane 2,5 mois) • Carcinosarcome Mauvais pronostic • Carcinome solide • Comédocarcinome • Carcinome et myoépithélioma malins • Carcinome à cellules lipidiques • Carcinome adénosquameux • Carcinome micropapillaire infiltrant Pronostic intermédiaire • Carcinome simple (variable) • Carcinome complexe • Carcinome adénosquameux Bon pronostic • Carcinome in situ • Carcinome simple tubulaire • Carcinome complexe • Carcinome développé dans une tumeur mixte bénigne et carcinome ductulaire Le grade d'une tumeur est défini en fonction de plusieurs critères histologiques cellulaires de la tumeur (formation de tubules, pléomorphisme nucléaire, index mitotique). Peña et Clemente définissent trois grades tumoraux : grade I : tumeur bien différenciée, grade II : tumeur moyennement différenciée, grade III : tumeur peu différenciée. La survie médiane après chirurgie seule est de 38, 33 et 20 mois respectivement pour les tumeurs de grade I, II et III. Lors de tumeur de grade III, le taux de survie à 2 ans est de 30 % seulement. La présence d'emboles vasculaires est également importante à connaître car elle influe sur la durée de survie : aucune chienne dont l'analyse histologique a mis en évidence des emboles vasculaires n'est en vie deux ans après la chirurgie. Les immunomarquages des tumeurs mammaires sont utilisés couramment dans la classification des cancers du sein chez la femme et participent à la décision thérapeutique. Des études sont en cours actuellement chez la chienne. La détermination du marqueur P63 permet de distinguer un carcinome in situ (intégrité de la membrane myoépithéliale donc absence d'envahissement des tissus environnants) d'un carcinome infiltrant, ce qui change radicalement le pronostic. En effet lors de carcinome in situ sans embole (même de grade élevé), le taux de récidive à 2 ans est de 7 % seulement et la survie médiane dépasse les 2 ans. Quelle prise en charge thérapeutique ? Le traitement de choix lors de tumeur mammaire est la mammectomie précoce, large et radicale en respectant autant que possible les règles de la chirurgie oncologique et en retirant les nœuds lymphatiques associés aux tumeurs. L'acte chirurgical est douloureux et responsable de morbidité élevée. La prise en charge de la douleur péri et postopératoire est donc essentielle (opioïdes, AINS, anesthésie locale). La connaissance de ces facteurs pronostiques cliniques et histologiques détermine la conduite à tenir après la chirurgie en fonction de chaque tumeur. En effet, face à une tumeur mammaire de taille importante (> 5 cm), lors de métastases ganglionnaires, ou face à une tumeur de grade III ou de type histologique défavorable, le traitement chirurgical seul ne suffit pas et il convient de proposer un traitement adjuvant (chimiothérapie le plus souvent : carboplatine ou doxorubicine). Lors de tumeur de grade II, d'autres paramètres doivent être pris en compte : type histologique, emboles, métastases ganglionnaires, afin de proposer le meilleur traitement. Lors de métastases systémiques ou de tumeurs très agressives, un traitement palliatif doit être proposé (AINS COX-2 sélectifs notamment, chimiothérapie métronomique à base de chlorambucil 2-4 mg/m2/jour, tocéranib 2,5-3,25 mg/kg/48 h) et le mauvais pronostic clairement expliqué au propriétaire. Les indications de la radiothérapie sont restreintes : lutte contre la récidive en complément de la chirurgie lors de marges infiltrées, lors d'adhérence ou d'infiltration de la paroi musculaire. Si les tumeurs mammaires sont une préoccupation quotidienne en clientèle canine, elles ne doivent pas être sousestimées mais considérées et traitées individuellement, avec tous les outils à notre disposition. Caroline Siméon Docteur vétérinaire L’auteure et la rédaction remercient le Dr Lanore pour la relecture attentive. N°319 du 13 au 19 février 2014 20