Avant, pendant et après l`expatriation
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Avant, pendant et après l`expatriation
Les expatriés Avant, pendant et après l’expatriation Le Luxembourg est terre d’expatriation par excellence. Si les entreprises font beaucoup pour que cette expérience, proposée généralement aux profils à potentiel, se passe le mieux possible, il s’agit néanmoins d’un bouleversement du quotidien, diversement vécu par les membres de la famille. Deux témoignages pour éclairer le sujet… Avec plus de 1.000 collaborateurs de 48 nationalités différentes, EY Luxembourg est un bon exemple d’interculturalité professionnelle. Comme les autres grands cabinets de conseil, EY propose la mobilité géographique, au sein de son réseau, comme moteur de développement pour ses collaborateurs. Nous avons rencontré Marjorie Gorse, HR Business Partner chez EY. Comment sont choisis les candidats à l’expatriation ? Chez EY la mobilité est intégrée dans la culture de l’entreprise. Nous estimons que les expériences internationales sont un réel avantage dans la carrière des collaborateurs et il existe pour cela des structures et des équipes dédiées à la gestion de la mobilité. La mobilité au sein du réseau global d’EY se fait sur la base du volontariat. Les candidats font part de leur souhait de mobilité et déterminent une ou plusieurs destinations qui ont leur préférence. Pour la zone géographique à laquelle le Luxembourg est rattaché, les souhaits de mobilité et les postes ouverts sont centralisés via une plate-forme spécialisée basée à Paris. Le Luxembourg est par exemple très demandé par les profils spécialisés dans la finance. La sélection des candidats sera dictée in fine par la meilleure adéquation entre les opportunités existantes au sein du réseau, le niveau de performance et la motivation du candidat à la mobilité. 156 Est-ce que l’on privilégiera les personnes n’ayant pas de famille à déplacer ? Non, on ne privilégiera pas davantage un profil célibataire au détriment de quelqu’un qui souhaitera se déplacer accompagné de sa famille. La présence des proches peut, au contraire, être un facteur d’équilibre et d’intégration pour les expatriés. En effet, un collaborateur issu d’un pays très éloigné et/ou d’une culture très différente, peut trouver auprès de sa famille les repères dont il a besoin, un lien rassurant avec sa culture d’origine. Quels avantages réservez-vous aux salariés expatriés ? Les coûts relatifs à la mobilité sont déterminés en amont de l’expatriation et les modalités de prise en charge définies dans un contrat de mobilité. En général, les frais de déménagement sont à la charge du Les expatriés bureau d’origine et les frais d’installation assumés par le bureau qui reçoit. Ces derniers peuvent comprendre les services d’une agence de relocation dans le but notamment d’aider l’expatrié à trouver un logement ou à accomplir certaines démarches administratives. Des compensations financières peuvent également viser à maintenir le niveau de vie du salarié expatrié en cas de différence importante entre le coût de la vie du pays d’accueil et celui du pays d’origine. Dans le cas où la famille décide de ne pas accompagner le salarié, celui-ci peut se voir proposer des billets d’avion pour quelques retours dans son pays. En outre, certaines adaptations peuvent être aménagées, au cas par cas, sans pour autant contrevenir à la politique de l’entreprise en matière de mobilité. L’ensemble des conditions afférentes au projet de mobilité sont préalablement exposées puis discutées avec le salarié avant son départ. Combien de temps dure un contrat de mobilité ? Nous distinguons la mobilité court terme, qui désigne les programmes de 12 mois maximum, de la mobilité long terme, d’une durée de 18 mois à 24 mois, parfois plus. Il est possible de modifier la durée initialement prévue par le biais d’un avenant au contrat initial. Nous utilisons cette possibilité, par exemple, lorsque l’expatrié exprime le souhait de prolonger sa mobilité et que cette volonté rencontre les besoins de l’entreprise. Quand la question de « l’après expatriation » se pose-t-elle et que fait l’entreprise pour accompagner cette étape ? Dès l’établissement du contrat de mobilité, la date de fin est fixée et les termes et conditions du retour sont posés entre le bureau d’origine, le bureau d’accueil et le salarié. Pendant toute la durée de l’expatriation, le salarié reste en contact avec son pays d’origine pour faire un point régulier sur sa mobilité et l’expérience vécue. Les contacts sont en principe plus réguliers en fin de contrat, en vue de préparer le retour de l’expatrié. Quelques semaines avant le retour effectif, les services RH des deux pays se concertent pour évoquer les questions liées aux congés, à l’évaluation de la performance, au grade et à la rémunération du salarié expatrié. De retour dans le pays d’origine, la réintégration peut se révéler parfois délicate ; l’expérience de l’expatriation est globalement vécue comme un enrichissement tant professionnel que personnel et revêt souvent un caractère unique. Aussi, le retour à la réalité d’avant l’expatriation peut constituer un réel challenge pour le salarié. Il est important dès lors de soigner l’étape du retour et y préparer le salarié pour éviter toute déception ou frustration qui pourrait annihiler les effets bénéfiques de la mobilité. Ce peut-il que le salarié ne rentre pas dans son pays d’origine et qu’il passe en contrat local ? Oui, cela peut arriver. Le salarié dans ce cas, démissionnera auprès de son employeur initial, dans son bureau d’origine avant d’être recruté par EY au Luxembourg. Il bénéficiera dès lors des mêmes conditions que celles accordées aux autres salariés, les « avantages » liés à la mobilité n’ayant plus de raisons d’être. Autre témoignage : Anne, 35 ans, 3 enfants, épouse d’un expatrié au Luxembourg dans le secteur de l’industrie. De quel pays venez-vous et quelle est votre expérience de l’expatriation jusqu’à présent ? Nous venons de la région parisienne. Le Luxembourg est notre première expérience d’expatriation. Nous y sommes depuis 4 ans. Saviez-vous dès le départ quelle serait la durée de cette expérience ? Oui, dès le départ la durée du statut d’expatrié était fixée à 3 ans. Ce que nous n’avions pas anticipé par contre est que nous allions énormément nous plaire ici et que nos enfants seraient parfaitement intégrés. Au point qu’envisager un retour était très difficile. Qu’est-ce que l’employeur de votre mari a proposé à l’issue du contrat ? Il y a d’abord eu une période assez floue pendant laquelle nous ne savions pas si nous allions rentrer ou rester et où j’ai dû envisager les deux possibilités avec toutes les incertitudes que cela soulève à propos du logement et des inscriptions dans les écoles. Je conçois qu’il n’est pas toujours facile pour l’employeur de retrouver un poste correspondant aux qualifications du salarié, mais pour la famille, cette incertitude est assez difficile à vivre. Finalement, une opportunité s’est présentée ici et mon mari est passé en contrat local. Quelles ont été les conséquences de ce changement de statut ? Même si les avantages liés au statut d’expatrié ont été compensés en partie dans le salaire de mon mari, la conséquence principale a été une baisse assez brutale de notre niveau de vie. Il nous a fallu trouver une maison moins chère, financer un nouveau déménagement et faire des arbitrages budgétaires, notamment concernant les vacances. Je me suis mise à chercher un travail beaucoup plus activement, sachant que notre présence ici allait s’inscrire dans le long terme. Si c’était à refaire, le referiezvous ? Oui, c’est une expérience enrichissante pour toute la famille, mais si une amie me demandait conseil je lui dirais de ne pas sous-estimer les périodes d’incertitude qui peuvent survenir et de se préparer à vivre une période plus délicate à la fin du contrat d’expatriation. Il faut être aussi conscient que l’expatriation redistribue les rôles à l’intérieur de la famille et, lorsque l’on a connu une carrière intéressante, tout abandonner pour assurer surtout la bonne marche logistique de la famille peut avoir un côté très frustrant. Il faut peser tout cela avant de prendre sa décision. Propos recueillis par Catherine Moisy 157