1 Le rôle des Investissements directs étrangers dans l

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1 Le rôle des Investissements directs étrangers dans l
1
Le rôle des Investissements directs étrangers dans l’évolution des échanges extérieurs
des pays en Transition : une comparaison Hongrie – Viêt-nam
Claire Mainguy
GEMDEV/Paris et TIPEE/Université Robert Schuman Strasbourg
[email protected]
Fax 00 33 3 88 67 22 36
Eric Rugraff
TIPEE/Université Robert Schuman Strasbourg
[email protected]
Fax 00 33 3 88 67 63 98
Résumé
Bien qu’ayant des niveaux de développement et des modèles économiques différents, le Viêt-nam
et la Hongrie sont deux pays en transition qui ont reçu des montants élevés d’investissements
étrangers (comparés au PIB), source essentielle du financement de la transition. La Hongrie a fait le
choix d’une ouverture inconditionnelle aux firmes étrangères et voit désormais sa spécialisation à
l’exportation déterminée par les décisions des FMN. Le Viêt-nam a été plus lent à développer une
politique attractive envers les IDE. Afin de stimuler une reprise des flux, qui avaient fortement
chuté après la crise asiatique, il a repris depuis 2001 un processus de réformes axé sur une plus
grande ouverture commerciale et financière. L’expérience de la Hongrie met en exergue un certain
nombre de questions auxquelles le Viêt-nam se trouvera certainement confronté au cours des
prochaines années.
Abstract
Although Vietnam and Hungary have different development levels and economic models, both are
Transition countries, which have obtained high amounts of foreign direct investments (compared to
GDP). FDI have been the main source of financement of the Transition. Hungary has chosen to
open totally its economy to foreign firms, so that the specialization of the country is determined by
the multinational firms. Vietnam has opened its economy to the FDI more slowly. In order to
stimulate anew the FDI flows, which have been severely reduced since the Asian crisis, Vietnam
has pursued its process of reform based on a larger commercial and financial opening. The
Hungarian experience asks a number of questions that will concern Vietnam in a near future.
2
La chute du mur de Berlin a été le point de départ d’une révolution économique, tant pour
les pays de l’Est, que pour certains pays du Sud qui entretenaient des relations privilégiées avec
l’URSS au sein du CAEM (Conseil d’aide économique mutuel). Bien que leurs niveaux de
développement soient assez différents (Le Viêt-nam et la Hongrie ont, en 2000, un PIB/habitant en
termes de PPA respectivement de 2 030 dollars et de 12 080 dollars), ils ont tous les deux attiré une
part significative des investissements directs étrangers (IDE) de leurs régions respectives. Il ont
aussi misé sur un développement tiré par les exportations et s’inscrivent dans des dynamiques
régionales particulières.
Les processus de transition qui ont débuté à la fin des années 80 se sont donc notamment
concrétisés par une réorientation des échanges et un accroissement des investissements directs
étrangers. Ce mode de financement a ainsi été un facteur essentiel du financement de la transition.
Il est aujourd’hui très largement admis dans la littérature économique que l’ouverture commerciale,
et parfois financière, augmente le taux de croissance. Mais il est également fréquemment montré
que l’instabilité de la croissance nuit au taux de croissance moyen à long terme1. L’objectif de cet
article est de déterminer, puis d’évaluer si des éléments liés à l’insertion internationale par les IDE
sont sources d’instabilité ou de vulnérabilité à long terme en Hongrie et au Viêt-nam.
La première partie portera sur la nature et le rythme de la transition dans chacun des pays
en mettant l’accent sur la place donnée aux IDE. La seconde partie s’intéressera aux effets du
financement par les IDE sur la qualité de la spécialisation internationale, en termes d’avantages
comparatifs, mais aussi en fonction de l’adaptation à la demande mondiale, afin de faire ressortir
des éléments de vulnérabilité économique qui pourraient en découler à terme.
I- Le rôle des IDE dans le processus de transition
Les IDE ont joué un rôle déterminant dans le financement de la transition des deux pays
(A), mais se sont inscrits dans des contextes économiques et institutionnels tout à fait différents (B).
A- Les IDE principale source de financement de la transition
Les pays en transition se sont trouvés, au début des années 90, face au problème du
financement de leur activité économique, que les ressources domestiques ne pouvaient
complètement résoudre2. Les choix de la Hongrie et du Viêt-nam se sont révélés relativement
similaires bien que pour des raisons et avec des procédures différentes. Sans négliger les autres
sources de financement possibles, à savoir les ressources nationales, les possibilités d’endettement
international et l’aide au développement, il se sont résolument tournés vers les IDE.
1) Le financement par le crédit
A la fin des années 80 et au début des années 90, le Viêt-nam a dû mener une politique
monétaire restrictive dont le but était de sortir d’une période d’instabilité avec une importante
dollarisation de l’économie (Le Van et al. 1998). Dans ce contexte, le gouvernement vietnamien ne
pouvait, sans risques, envisager une politique de crédit expansive. De plus, le système bancaire
vietnamien qui a été ouvert partiellement à la concurrence au cours des années 90, reste toujours
tributaire d’une réforme en cours qui vise notamment à offrir un meilleur accès des entreprises
privées au crédit3.
1
Sur l’impact de l’ouverture, voir par exemple (Combes et al. 2000) et (Boudhiaf et Siroen 2001).
Dans les deux pays, l’épargne nationale est peu importante au début des années 90 comparée à celle des
autres pays de leurs régions respectives (World Bank 1997) sans pour autant être négligeable (19% du PIB
pour la Hongrie et 17% pour le Viêt-nam en 1991).
3
Les crédits accordés aux entreprises d’Etat sont passés de 90 à 48% du PIB sur la décennie 1990-2000
(DREE 2001).
2
3
L’Etat hongrois a opté pour un désengagement rapide du secteur bancaire (Rugraff 1999). Il
a retiré son soutien implicite aux banques, de sorte que celles-ci ont été obligées d’être
performantes et d’éviter la faillite, ne pouvant compter sur une intervention salvatrice de l’Etat. Le
retrait de ce dernier a réduit les risques d’aléa moral et incité les banques à avoir un comportement
non collusif avec les entreprises. C’est pourquoi, les banques hongroises ont imposé des contraintes
budgétaires strictes aux entreprises, distribuant parcimonieusement des crédits4. La Banque
Centrale a contribué à cette politique de crédit restrictive.
Bien qu’ayant fait des choix institutionnels radicalement différents, le Viêt-nam et la
Hongrie montrent des similitudes dans leur décision de ne pas mener de politique monétaire
expansive, mais aussi dans leurs difficultés à trouver des financements pour le secteur privé.
2) Le financement par l’endettement international
L’endettement international ne pouvait représenter une source significative de nouveaux
financements dans la mesure où il atteignait des niveaux déjà importants pour la Hongrie comme
pour le Viêt-nam, comparés aux ratios des pays de leurs régions respectives.
En 1993, le taux de la VAN (valeur actualisée nette) de la dette rapportée au PNB se
montait encore à 161,8% pour le Viêt-nam5 alors que pour les pays de la région il était inférieur à
60%.
Avec une dette nette, en 1989, de 19,4 milliards de dollars, un ratio dette nette/exportations
de 326, la Hongrie entrait dans la catégorie des pays lourdement endettés selon les critères de
l’OCDE. La Pologne était le seul pays d’Europe de l’Est ayant un niveau d’endettement supérieur à
celui de la Hongrie6. Face au niveau d’endettement initial élevé de la Hongrie, à l’incertitude pesant
sur le processus de transition et aux difficultés macroéconomiques initiales (baisse de la production,
forte inflation…), les banques internationales ont évité d’accorder des prêts. L’inefficacité du
système bancaire, commune à toutes les anciennes économies planifiées, a dissuadé les banques
occidentales d’accorder des prêts (Mochrie et al. 1998).
3) L’aide au développement
Selon le Comité d’Aide au Développement (CAD 2002) de l’OCDE, la moyenne de l’aide
publique au développement (APD) pour l’ensemble des pays donateurs était de 0,34% du PIB en
1984-1985, de 0,32% en 1989-1990 et est descendue à 0,22% en 2000. Les processus de transition
ont donc mis en évidence des besoins financiers dans une phase de contraction des moyens. Cette
réduction de l’aide est la conséquence de ce qu’on a appelé la « fatigue de l’aide » et qui correspond
à un désenchantement face à des résultats pour le moins contestés. L’aide dont ont pu bénéficier les
pays en transition correspond donc à un effet d’éviction au détriment des pays du Sud (Gabas
2002).
Le tableau suivant qui compare la Hongrie et le Viêt-nam montre que le Viêt-nam, qui
reçoit de l’aide au double titre de pays en transition et de pays en développement, obtient moins
d’aide par habitant que la Hongrie. D’autre part, les montants de l’aide reçue et des IDE sont
comparables au Viêt-nam alors que les IDE sont nettement plus importants en Hongrie. Ces
observations font bien sûr ressortir les écarts de niveau de vie entre les deux pays, ainsi que le rôle
prépondérant de la « capacité d’absorption » comparée aux besoins, dans la détermination des flux
financiers.
Les montants de l’aide internationale ne pouvaient pas entièrement compenser la chute de
l’aide soviétique liée à la disparition du CAEM, ni atteindre des niveaux correspondant aux besoins.
Entre 1990 et 1997, l’APD reçue par le Viêt-nam est restée stable à environ 4% du PNB et est
4
Le crédit bancaire réel est passé d’une base 100 en 1993 à 81,4 en 1995 et 76 en mai 1997 (IMF 1999b).
En 1997, il se monte à 78%, ce qui est encore supérieur à ce qu’on peut observer pour les autres membres de
l’ASEAN (cf. Rapport sur le développement dans le Monde- annexe statistique sur les ratios d’endettement).
6
Pour une analyse détaillée sur l’endettement des pays d’Europe de l’Est au début des années 90, voir
(Milewski 1990).
5
4
même montée à 4,98% du revenu national en 1999 (CAD), ce qui est significatif si on prend en
compte le contexte défavorable à l’aide.
Tableau 1. Flux d’aide et d’IDE par habitant
Viêt-nam
Flux d’IDE entrant/habitant (en $)
Flux d’aide entrant/habitant (en $)
Hongrie
Flux d’IDE entrant/habitant (en $)
Flux d’aide entrant/habitant (en $)
1996
1999
2000
34
12,6
25
18,4
28
21,6
223
20
201
24,8
170
25,2
Sources : UNCTAD, DITE 2002b (pour les IDE) ; World Development Indicators Database 2002 (pour l’aide).
Les IDE constituent donc une composante importante du financement de l’activité
économique du Viêt-nam et de la Hongrie ; la répartition des sources extérieures de financement
est plus équilibrée pour le Viêt-nam, où l’aide occupe une place souvent comparable à celle des
IDE. D’ailleurs, la Banque mondiale prévoit que les besoins en financement extérieur croissants
devront être satisfaits pour moitié par l’aide et pour moitié par les IDE ou des prêts au cours des
prochaines années (World Bank 2002a). Sans vouloir discuter de manière exhaustive ici des
avantages et inconvénients de ces deux sources de financement, il faut noter que l’aide est moins
coûteuse pour le pays d’accueil que les IDE, mais que ces derniers présentent d’autres avantages,
tels que des retombées en matière de compétences ou de transferts de technologies, effets
dynamiques recherchés par les pays en transition (Fukase and Winters 1999).
4) La place des IDE en Hongrie et au Viêt-nam
Ces deux pays figurent parmi les principaux pays d’accueil des investissements étrangers
dans leurs régions respectives. Le stock des IDE se monte à 55% du PIB au Viêt-nam en 1999,
chiffre qui n’est dépassé que par Singapour et la Malaisie au sein de l’ASEAN. Avec 44%, la
Hongrie se situe également parmi les pays ayant attiré le plus d’investissements étrangers en 2000.
Avec 21,3 milliards de dollars pour la Hongrie et 18 pour le Viêt-nam, chacun de ces deux pays
reçoit environ 1% du stock d’IDE obtenu par les pays en développement.
Au Viêt-nam, les flux entrants d’IDE seraient passés de 800 millions de dollars en 2000 à 1
milliard en 2001 et 1,4 milliard en 2002 (IMF 2002). En Hongrie, ils étaient de 2 milliards de
dollars en 2000 et de 2,7 milliards en 2001.
En Hongrie, on compte 35 000 entreprises à capitaux étrangers. Au Viêt-nam, on en
dénombrait 58 515 dans le secteur industriel en 1999. Environ 53% des IDE ont été réalisés dans
des sociétés d’économie mixte. Cependant, les IDE sous forme de sociétés à capitaux 100%
étrangers tendent à se développer au Viêt-nam dès la première moitié des années 90 (Le Dang
1997). Ces entreprises concernent actuellement environ 30% des IDE (DREE 2002a).
Les firmes à capitaux étrangers représentent 85% des exportations de la Hongrie (en 1998)
mais sont moins présentes dans le secteur d’exportation du Viêt-nam avec 27% des exportations (en
1999). Toutefois les firmes étrangères sont à l’origine de la moitié de la croissance des exportations
entre 1997 et 1999 (World Bank 2000).
En Hongrie, les IDE représentaient 30 % de l’emploi dans le secteur privé en 1998. Au
Viêt-nam, en 1997, 1% de l’emploi se retrouve dans les sociétés étrangères et 0,2% dans les
entreprises conjointes, ce qui correspondrait à 350 000 emplois fin 2001 (DREE 2002a). Ces parts
assez faibles seraient liées au fait que l’essentiel de l’emploi au Viêt-nam se situe dans le secteur
agricole où les IDE sont peu présents et que les IDE se sont concentrés dans des secteurs à faible
intensité en main d’œuvre (cf. 2ème partie).
5
B- Spécificités institutionnelles
1) Le rythme des réformes
Les études menées montrent que les investisseurs étrangers évitent les pays en transition
qui présentent un fort risque-pays (Bevan and Estrin 2000) et qui ont des fondamentaux macroéconomiques fragiles (Lankes and Venables 1996). Ce sont les pays qui ont procédé aux réformes
structurelles les plus importantes et qui ont l’indicateur « d’effort de réforme »7 le plus élevé, qui
ont attiré l’essentiel des flux d’IDE (Claessens, Okes and Polastri 1998, ECE 2001). Toutefois,
lorsqu’on corrèle le stock d’IDE 2000/PIB nominal 2000 à l’indicateur de transition agrégé, on
obtient des résultats décevants.
Graphique 1 : IDE et transition
Hongrie
indicateur de transition
4
3,5
3
2,5
2
1,5
Vietnam
1
0,5
0
0
20
40
60
80
100
Stock IDE/PIB
Sources : pour l’indicateur agrégé de transition, ECE, Economic Survey of Europe 2000 et IMF, World Economic
Outlook 2000 (pour la Mongolie et le Cambodge, la Chine, le Laos et le Viêt-nam) ; pour les IDE, UNCTAD, DITE
2002a ; pour le PIB, World Bank 2002b.
Sur les 31 pays en Transition8, La Hongrie est le pays qui a l’indicateur agrégé de transition
le plus élevé9 et le Viêt-nam, se situe parmi les pays ayant le moins progressé dans les réformes, en
1999 (Graphique 1). C’est donc malgré un processus de réformes plutôt lent que les IDE sont entrés
massivement au Viêt-nam depuis 1988. Le manque de réformes explique aussi la nature des IDE
réalisés ; en effet, deux tiers d’entre eux sont passés par la création de joint-ventures avec des
sociétés d’Etat (IMF 1999a), ce qui permettait de faire face aux complexités administratives avec
des partenaires vietnamiens. Par ailleurs, les IDE ont aussi profité de la protection du marché
intérieur (Fukase and Martin 1999).
7
L’intensité des réformes structurelles et l’amélioration des fondamentaux sont elles-mêmes liées à la
stratégie d’adhésion des PECO à l’U.E. Les pays dits « de la première vague » sont ceux qui ont le plus
rapidement réformé leur économie.
8
Ils sont généralement répartis en cinq groupes : les pays candidats à l’U.E. (hors pays baltes), les pays
baltes, les autres pays du Sud-Est européen, la Communauté des Etats indépendants et les pays d’Asie du
Sud-Est et de l’Est.
9
devant la Pologne avec 3,5 et la République tchèque 3,4.
6
Tableau 2. Indicateurs de l’avancée dans les réformes de la Hongrie et du Viêt-nam en 199910
Privatisation des grandes unités
Privatisation des petites unités
Gouvernance et restructuration des entreprises
Libéralisation des prix
Système d’échange commercial et d’échange extérieur
Politique de concurrence
Réforme bancaire et libéralisation des taux d’intérêt
Réformes
financières
Marché boursier et institutions financières non bancaires
Indicateur agrégé de transition
Privatisation
et restructuration
Libéralisation du
marché et
concurrence
Hongrie
4
4,3
3,3
3,3
4,3
3
4
3,3
3,7
Viêt-nam
1
1,7
2
2,7
1,7
2,3
1,3
1,7
1.8
Source : EBRD, Transition Report 1999 (pour la Hongrie) ; IMF, World Economic Outlook 2000 (pour le Viêt-nam).
Les insuffisances des réformes peuvent alors expliquer pourquoi, après la crise de 1997, les
flux d’IDE ont repris plus rapidement dans les autres pays asiatiques qu’au Viêt-nam.
Encadré 1. IDE et processus des réformes au Viêt-nam
Peu après le lancement de la stratégie de « rénovation » (doi moi), la première loi autorisant les
IDE fut votée en 1987. Elle a permis l’arrivée des IDE et leur expansion au cours de la première moitié des
années 90. Une nouvelle loi est votée en novembre 1996 pour tenter de réduire les freins rencontrés par les
investisseurs étrangers : procédures bureaucratiques, fiscalité insuffisamment incitative, etc. Cette loi est
demeurée sans effets notables sur les flux d’IDE pour des raisons probablement assez diverses. La crise
asiatique qui s’est développée peu après a conduit à une baisse des entrées de capitaux ; par ailleurs, la loi
en elle-même était assez vague et devait être précisée par des décrets d’application ; elle comportait des
objectifs contradictoires (par exemple : attirer les IDE par une fiscalité attrayante tout en souhaitant
augmenter les recettes fiscales) qui pouvaient rendre son application parfois difficile. Dans un premier
temps, en 1996 et 1997, les décrets précisant la loi furent publiés en assez grand nombre puis la mise en
œuvre de la loi s’est ralentie en 1998 et 1999 (Apotheker 2000). Les principaux résultats obtenus sont
recensés dans le tableau 3. A l’heure actuelle, on peut noter que les IDE rencontrent encore des restrictions
administratives qui peuvent empêcher les incitations fiscales de produire des effets. Deux questions de fond
demeurent posées : jusqu’à quel point une amélioration du contexte juridique et fiscal peut-elle être
déterminante dans un contexte international déprimé ? Comment les autorités vietnamiennes peuvent-elles
réussir à gérer sans se contredire des mesures visant à attirer les IDE et des mesures visant à promouvoir un
développement équilibré d’un point de vue géographique et sectoriel ?
2) La politique de privatisation
Alors que le Viêt-nam hésite à privatiser les grands combinats d’Etat, la Hongrie a choisi
dès le début des années 90 de privatiser rapidement au profit des investisseurs étrangers, appelés à
être les agents du changement (gouvernance et restructuration). Les monopoles d’Etat ont été
vendus à des groupes étrangers : dès 1995, sur les 200 plus grandes firmes hongroises, la moitié est
détenue par les capitaux étrangers. Entre 1991 et 1995, 56 % des IDE, soit 5,5 milliards de dollars,
correspondent à des privatisations (UNCTAD 1996).
-
Au Viêt-nam, les privatisations sont assez peu avancées. D’ailleurs, le gouvernement ne
cherche pas à privatiser l’ensemble de l’économie, mais plutôt à trouver un équilibre dans le cadre
d’une économie mixte sur un modèle d’une « économie socialiste de marché ». Les réformes en
cours sont menées à deux niveaux :
le gouvernement cherche à favoriser l’émergence d’un secteur privé de PME, en facilitant par
exemple l’octroi de licences dans un nombre de plus en plus grand de secteurs. Des efforts doivent
être faits en faveur des PME dont le développement est contraint par les complexités
10
Chaque critère est noté de 0,7 (note la plus faible) à 4,3 (note maximum). L’indicateur de transition agrégé
représente la moyenne algébrique des 8 indicateurs.
7
-
administratives, les difficultés d’accès aux financements et une discrimination de la part de
l’administration (MPDF 1999). L’objectif des mesures prises est notamment de faciliter la création
d’emplois. Les résultats de ces mesures ont été rapides puisque entre 2000 et 2002, 26 000
nouvelles entreprises ont été enregistrées11 (70% de nouvelles entreprises et 30%
« d’officialisation » ) avec un capital correspondant à 6% du PIB. Le secteur privé compte déjà
pour 40% du PIB mais la majorité des entreprises privées se trouve actuellement dans le secteur
agricole.
la réforme actuelle du secteur public (2001-2006) vise à améliorer les performances des
entreprises publiques avec un programme de liquidation des firmes les moins performantes et
« d’actionnarisation » (« equitization »)12 des autres (IMF 2002), dans le but de permettre une
ouverture du capital de ces entreprises.
3) L’attitude face aux investisseurs étrangers
La différence de comportement des gouvernements hongrois et vietnamien face aux
réformes se retrouve dans leur politique d’attractivité territoriale.
Tableau 3. L’attitude face aux IDE
Hongrie
Viêt-nam
Conditionnée par l’octroi de licences,
procédures en cours de simplification ;
possibilités très variées des formes d’IDE
Pas d’accès à certains secteurs stratégiques ;
Discrimination à l’égard Aucune
système de prix dual (disparition programmée) ;
des IDE
régime foncier défavorable (évolution en cours)
Réglementé
Rapatriement des revenus Libre
Libre
Réglementé
Rapatriement du capital
Dans certains cas, exemption des taxes à
Création en 1993 de ITD
Promotion des IDE
l’importation de matières premières,
(Hungarian Investment and
Trade Development Agency) d’équipement, etc.
Non convertibilité de la monnaie ; relative
Convertibilité de la devise Forint convertible depuis
1/1/96
stabilité de la monnaie ; inflation stabilisée
nationale
depuis 1992 ; tendance à la réduction des
restrictions de change
OMC, OTAN, OCDE,
ASEAN (AFTA), APEC
Membre d’organisations
UE (à partir de 2004 )
internationales
18 %
10 à 20%13
Taxation des bénéfices
Zones spéciales orientées vers l’exportation
Incitations fiscales et
Nature des avantages
(incitations fiscales, infrastructures
accordés aux investisseurs financières ; création de
parcs industriels et de zones performantes, simplification des procédures…)
industrielles de libre échange
Entrée
Libre
Sources : pour la Hongrie : OECD Reviews of Foreign Direct Investment 2000 ; ITD 2002, www.itd.hu. Pour le Viêtnam : DREE mars 2002 et avril 2002 ; IMF 1999a.
En Hongrie, la présence de firmes étrangères sous la forme de joint-ventures (avec
participation étrangère minoritaire) est tolérée dès 1972. A partir de 1988 le changement de régime
d’IDE est rapide et profond : entre 1990 et 1993, des incitations fiscales et financières suscitent une
discrimination positive en faveur des investisseurs étrangers ; dès 1992, il est possible de détenir
une entreprise à capitaux 100 % étrangers sans autorisation préalable des pouvoirs public. En 1993,
l’Agence hongroise de promotion des IDE (ITD) est créée dans le but de promouvoir les IDE (37
bureaux de promotion à l’étranger aujourd’hui). En 1996, la dernière barrière à l’égard des IDE a
11
6 000 PME dans les deux années antérieures.
Transformation en sociétés par actions, commencée en 1992.
13
Le taux est de 10% pour les entreprises qui exportent plus de 80% de leur production (DREE mars 2002).
12
8
été éliminée : l’obtention de l’accord des pouvoirs publics pour une prise de participation étrangère
de plus de 10 % dans des institutions financières n’est plus nécessaire14. Depuis le 31 décembre
1997, la libéralisation des flux est totale (IMF 2000, p.222). Un vaste programme d’incitation a
pour but d’attirer des IDE dans les secteurs jugés prioritaires (l’électronique, les
télécommunications, l’informatique et l’automobile) et dans les régions en retard de développement
(Est du pays).
Le Viêt-nam a également une stratégie sélective vis-à-vis des IDE en cherchant,
actuellement, à les attirer dans les secteurs d’exportation, les agro-industries, en favorisant
l’utilisation de technologies de pointe, la construction d’infrastructures. Les autorités vietnamiennes
incitent à investir dans certaines zones géographiques défavorisées (DREE 2002a).
Au regard de la Hongrie, qui a opté pour une stratégie tous azimuts visant à attirer les IDE,
les autorités vietnamiennes peuvent paraître timorées. La croissance très forte des IDE, dans la
première partie des années 90, a masqué un manque de réformes en profondeur, qui représente un
frein majeur à une véritable reprise des flux après la chute liée en partie à la crise asiatique. Depuis
2001, les réformes reprennent. Cependant, les freins restent importants et les mesures vis-à-vis des
IDE s’inscrivent dans un contexte plus général et progressif de réformes des entreprises publiques
et des banques. Se pose aussi la question de savoir comment les décisions prises seront appliquées
et si elles seront suffisantes pour contrebalancer celles que prennent les partenaires/concurrents (en
matière d’attraction des IDE) de l’ASEAN (Gates 2001).
Cependant, dans le domaine du commerce extérieur le Viêt-nam prend des mesures qui
pourraient accélérer l’évolution des préférences sectorielles des investisseurs étrangers. Tant que la
protection commerciale était importante, les IDE ont été réalisés essentiellement à destination du
marché intérieur, ce qui peut expliquer la part réduite des exportations dues aux IDE dans le total
des exportations vietnamiennes (cf. § II). Le Viêt-nam est maintenant engagé dans un processus
d’ouverture commerciale qui se concrétise par son implication dans l’AFTA (Briand et Mainguy
2001), la perspective d’une zone de libre-échange de l’ASEAN avec la Chine d’ici une dizaine
d’années15, la signature de l’accord bilatéral avec les Etats-Unis (ratifié fin 2001) et la volonté
d’adhérer à l’OMC. Les mesures déjà prises16 ont pour but de stimuler la concurrence sur le marché
national et de rendre les exportations plus intéressantes.
4) Les raisons de l’investissement étranger
On distingue généralement trois grandes stratégies d’investissement : une stratégie d’accès
aux ressources naturelles (sol et sous-sol), une stratégie de marché, dite « horizontale » et une
stratégie de minimisation des coûts, encore appelée « verticale ».
En Hongrie, si au début des années 90, les firmes étrangères semblent avoir privilégié la
stratégie de marché (CCET 1993, Eltetö 1998), elles ont également très rapidement développé une
stratégie « verticale ».
Le retard pris par les pays de l’Est en terme de consommation et d’équipement des ménages
et des entreprises, combiné à un potentiel de croissance élevé a attiré les investisseurs étrangers.
Les modalités de privatisation retenues par la Hongrie, offrant aux firmes étrangères la possibilité
de reprendre des monopoles nationaux, ont renforcé cet attrait. En outre, ce sont généralement les
firmes inscrites dans une stratégie « horizontale » qui sont les premières à s’implanter sur un
nouveau marché. En effet, la réduction des obstacles aux échanges internationaux ne se faisant que
progressivement, les coûts de transaction dans une stratégie « verticale » demeurent au départ trop
élevés. Mais très rapidement la Hongrie a fait partie de ces pays17, que Michalet (1999, p.47)
14
Près de 70 % des actifs bancaires sont sous le contrôle d’investisseurs étrangers et 16 des 18 principales
banques.
15
Dans le cadre des relations ASEAN plus trois (Chine, Japon, Corée du Sud).
16
En 2006, les tarifs extérieurs vis-à-vis des membres de l’ASEAN devront tous être inférieurs à 5% et un
calendrier d’élimination des restrictions quantitatives est progressivement mis en œuvre (FMI 2002).
17
Les FMN sont attirées dans un nombre limité de pays en développement qui présentent les conditions d’une
attractivité maximale tant en terme de marché que de coûts de production (Michalet 1997, 1999).
9
appelle les « pays de la nouvelle frontière », ayant su attirer à la fois des FMN inscrites dans une
stratégie « verticale » et « horizontale ». Les firmes étrangères ont à la fois conquis le marché
hongrois18 et mis en place une stratégie de rationalisation de la production s’appuyant sur trois
facteurs, à savoir des salaires modestes, une main d’œuvre qualifiée et une bonne productivité.
Alors que la productivité a fortement crû, les salaires nominaux exprimés en dollars n’ont que
faiblement augmenté : entre 1996 et 2000 le salaire mensuel nominal est demeuré stable, passant de
315,7 dollars à 312,3 dollars, tandis que le coût du travail supporté par l’employeur baissait de
532,7 à 505,4 dollars (BIT 2002). Quant au stock de capital humain de la Hongrie, exprimé en
nombre moyen d’années d’éducation, il est légèrement supérieur (8,81 en 2000 contre 8,75) à celui
de l’UE (Barro and Lee 2000).
Au Viêt-nam, ce sont les deux premières stratégies qui ont d’abord prédominé. La troisième
stratégie, de type « vertical », est plus récente. Les IDE ont dans un premier temps assez peu
participé aux flux d’exportation (IMF 1999a). Par contre, les entreprises étrangères présentes sous
forme d’entreprises conjointes ont profité des protections du marché intérieur. Une part non
négligeable des investissements étrangers s’est également inscrite dans la stratégie d’accès aux
ressources naturelles. En 1988, les IDE dans le secteur pétrole-gaz représentaient 42% des IDE,
sachant que l’ensemble était encore assez faible. Par contre, les IDE étaient absents du secteur
agricole (Le Dang 1997).
Dans le cadre de sa stratégie de diversification, le Viêt-nam attire maintenant des firmes
privilégiant la stratégie « verticale ». Comme pour la Hongrie, les investisseurs étrangers ont été
attirés par le coût de la main d’œuvre et son niveau de qualification, comparés aux pays de la région
ou de niveau de développement semblable. Le secteur étranger est à l'origine d'une part croissante
des exportations et il joue un rôle déterminant dans la production industrielle, avec une part de 35%
au 1er semestre 1999 (Pottier 2001). Parmi les avantages qui attirent les investisseurs au Viêt-nam,
les plus fréquemment présentés sont ceux relatifs à la main-d’œuvre et à la stabilité du pays.
L’appartenance à l’ASEAN puis à l’AFTA et l’accord bilatéral de libre-échange conclu avec les
Etats-Unis, participent à la crédibilité des efforts d’ouverture du Viêt-nam vis-à-vis des IDE. Par
contre, les lourdeurs administratives citées plus haut mais aussi les insuffisances des facteurs
structurels (ex. infrastructures) peuvent contribuer à décourager des investisseurs.
II- IDE, ouverture et croissance : quelles sont les sources d’instabilité ?
Les IDE contribuent à la croissance des pays émergents, par la formation du capital, mais
également l’introduction du progrès technique, de savoir et de savoir-faire. Ils influencent
également la croissance par le jeu de l’intégration dans les échanges internationaux. Ce rôle est
particulièrement important pour des anciennes économies socialistes demeurées à l’écart des flux
d’échanges mondiaux. Ainsi, si l’arrivée des investisseurs étrangers explique l’accroissement
massif des échanges extérieurs en Hongrie, et contribue plus fortement aux exportations du Viêtnam à partir du milieu des années 90, encore faut-il s’interroger sur la nature de cette insertion ainsi
que sur la spécialisation promue par les investisseurs étrangers ; en effet, « la nature du commerce
compte autant que son intensité » (Fontagné et Guérin 1997, p.153).
A- Insertion et spécialisation internationales avant l’arrivée des IDE
Les deux pays ont réorienté très rapidement leurs échanges extérieurs au début des années
90 après la disparition du CAEM. Cette réorientation s’est traduite par une rupture dans la
spécialisation de la Hongrie, ce qui n’a pas été le cas pour le Viêt-nam.
18
En 1998 elles assuraient 70 % des ventes du secteur manufacturier hongrois (ECE 2001, p.210).
10
1) L’orientation géographique des échanges
Avec la création du CAEM, les échanges hongrois ont été redéployés vers le monde
socialiste, et l’URSS en particulier. En 1980, la moitié des échanges de la Hongrie se faisait avec
les pays de l’Est, à raison de 30% avec l’URSS et 20% avec les autres pays de l’Est (Milewski
1990). Même si la Hongrie était moins tournée que les autres PECO vers le CAEM, il n’en demeure
pas moins que le pays était « surexposé à l’égard de l’Est » : selon les calculs effectués dans les
modèles dits « gravitationnels »19, le « niveau naturel » des exportations de la Hongrie vers le
CAEM aurait dû se situer à environ 30% (Lemoine et Leroy 1992, p.38). De la même manière, en
1985, 72 % des exportations du Viêt-nam étaient à destination du CAEM et 81% des importations
en provenaient (Than 1993). La réunification de 1975, qui conduisit à la mise en place du modèle
socialiste à l’ensemble du pays (appliqué depuis 1954 au Nord), a stimulé les échanges avec les
pays socialistes. Cependant, dès 1979, une certaine dose de rapports marchands est réintroduite (Le
Van et al. 1998).
Si les deux pays dépendaient fortement des autres pays socialistes, ils ont su néanmoins très
rapidement réorienter leurs échanges dès le début des années 90, lorsque le CAEM a disparu. Ainsi,
à part en 1991, le montant des exportations vietnamiennes a été peu affecté par la fin du CAEM.
Bien au contraire, dans la mesure où elle correspondait à une phase d’ouverture économique, la
disparition du CAEM a été pour le Viêt-nam l’occasion de réorienter et de diversifier très
rapidement ses relations commerciales extérieures vers les pays de la région et les pays de l’Union
européenne. En 1991, ce sont les pays asiatiques20 qui reçoivent l’essentiel (environ 65%) des
exportations vietnamiennes prenant ainsi le relais des pays du CAEM. La part des pays européens
s’accroît plus tardivement. La Hongrie a également su réorienter ses échanges, vers l’Ouest. En
1990, les importations hongroises en provenance de l’URSS ont diminué de près de 40% en volume
(l’URSS préfère vendre son pétrole contre des devises convertibles). Entre 1989 et 1991, les
exportations hongroises vers les PECO sont passées de 10,5% à 5,7% et celles à destination de
l’URSS de 25,1% à 13%. Pour la Hongrie, le poids de l’URSS serait même tombé en-dessous de
son « niveau naturel ». Aujourd’hui plus de 2/3 des échanges extérieurs se font avec l’UE.
2) La spécialisation au début des années 90
Au début des années 90, les spécialisations hongroise et vietnamienne présentent une
différence majeure, mais également une ressemblance majeure.
La différence est liée au niveau de développement des deux pays, et plus particulièrement
au degré d’industrialisation. La Hongrie s’est vue imposer pas l’URSS une spécialisation dans les
industries mécaniques (véhicules de transport, machines agricoles et agroalimentaires, machinesoutils et industrie électronique). Les machines et équipements représentaient près de la moitié des
exportations de la Hongrie vers le CAEM, à la fin des années 80. Les industries
mécaniques souffraient d’un surdimensionnement, d’une dépendance à l’égard des marchés de l’Est
et du poids des commandes du secteur militaire. Les biens produits étaient inadaptés à la demande
hors-CAEM, de faible valeur ajoutée et de mauvaise qualité, des produits à forte intensité
énergétique et à forte intensité en capital (mais faible teneur en R/D). Le Viêt-nam, quant à lui, n’a
jamais été doté de ce type de spécialisation.
La deuxième forme de spécialisation de la Hongrie, dans les produits primaires et les biens
de consommation traditionnelle (vêtements, cuir, chaussures, meubles…) est commune aux deux
pays.
Avec l’effondrement du CAEM, la Hongrie se tourne vers les produits primaires et les
productions traditionnelles, seules susceptibles de procurer des devises sur les marchés de l’Ouest.
Les exportations de produits de l’industrie mécanique, destinées au marché du CAEM,
s’effondrent. Le Viêt-nam ne connaît pas une rupture aussi brutale dans la spécialisation avec
l’effondrement du CAEM, au regard des postes agrégés. Les exportations de produits agricoles, de
19
20
Pour une explication des méthodes de calcul de ces modèles, voir (Fontagné et al. 1999).
Le Japon, Singapour et Hong Kong sont les principaux pays de destination des exportations en 1991.
11
matériel brut et de combustible minéral représentent environ 70 % des exportations avant et après la
disparition du CAEM.
B- Insertion et spécialisation internationales avec l’arrivée des IDE
L’ouverture aux IDE va bouleverser l’insertion et la spécialisation internationales de la
Hongrie, alors que l’influence sur le Viêt-nam demeure plus modeste. Dès 1993, les firmes à
capitaux étrangers assurent plus de la moitié des exportations de la Hongrie, mais c’est dans la
seconde moitié des années 90 que leur influence devient décisive. On estime qu’en 1998, elles
étaient à l’origine de 85,9 % des exportations du pays (ECE 2001, p.202), soit l’équivalent de 19,7
milliards de dollars. Au Viêt-nam leur influence devient réelle à partir de 1997 : en 1999, les firmes
à capitaux étrangers assurent ¼ des exportations du pays (GSO 2000), soit environ 2,5 milliards de
dollars. Se pose alors la question de l’impact : les IDE vont-ils renforcer la spécialisation initiale
des pays ou vont-ils la faire évoluer vers d’autres formes ? Est-elle progressive ou régressive ?
Nous avons retenu quatre questions principales pour étudier l’impact des IDE à partir de la
seconde moitié des années 90 :
- sur quels types de facteurs de production se fondent les exportations des firmes étrangères ?
- les exportations des investisseurs étrangers sont-elles adaptées à la demande mondiale ?
- les investisseurs sont-ils à l’origine du développement de nouveaux avantages comparatifs ?
- quelles sont les conséquences de l’organisation des échanges internationaux par les firmes
étrangères dans les deux pays ?
1) Les IDE et l’intensité factorielle
La nature des facteurs utilisés par les investisseurs étrangers est décisive pour la qualité de
la spécialisation. La théorie de la croissance endogène montre que le taux de croissance atteint est
fonction du niveau du capital humain et des technologies utilisées. Les secteurs à forte intensité en
technologie et en travail qualifié sont généralement des secteurs à rendements croissants. La
spécialisation dans les secteurs à rendements croissants accélère le développement (Bensidoun et al.
2001). L’utilisation de facteurs spécifiques enrichit la spécialisation d’un pays, tant par l’attrait à
l’égard des investisseurs étrangers que de la capacité à se positionner sur le marché mondial par la
production de biens différenciés. A contrario, des biens nécessitant des facteurs génériques, à
l’instar d’une main d’œuvre bon marché ou des ressources naturelles, sont fabriqués par de
nombreux pays, qui se livreront une concurrence effrénée pour une part de marché mondial. Dans
ces secteurs, la production est très sensible aux coûts et les investisseurs sont volatils. De la même
manière les pays exportant des produits de base, et plus généralement des produits peu élaborés,
sont soumis aux fluctuations des cours mondiaux et à la détérioration des termes de l’échange.
Si les IDE sont au cœur du renversement de l’intensité factorielle des exportations
hongroises, ils ont exercé une influence plus limitée au Viêt-nam.
Nous avons regroupé les produits exportés par la Hongrie en cinq grands groupes sur la
base de leur intensité factorielle, à partir du découpage proposé par la CNUCED (Classification
Type du Commerce International à 3 chiffres, CTCI, Rev.2). Les calculs effectués sur la seconde
partie des années 90 montrent clairement l’effet positif des IDE : alors qu’en 199621 les produits
moyennement et fortement intensifs en main d’œuvre qualifiée et en technologie ne représentaient
encore qu’un peu moins de 40% des exportations de la Hongrie, en 2000 ils assuraient plus de 70%
des exportations du pays. Dans le même temps, la part des produits de base et des produits peu
intensifs en travail qualifié et en technologie diminuait fortement, passant de plus de la moitié des
exportations en 1996 à moins d’un quart en 2000. Ce sont les produits très intensifs en technologie
et en travail qualifié qui ont vu leur part augmenter le plus fortement, passant de 12,6% des
exportations du pays en 1996 à 32,8% en 2000 (Graphique 2).
21
Un changement dans la méthode de calcul des échanges extérieurs de la Hongrie étant intervenu en 1996,
nous avons retenu cette date comme repère pour le milieu des années 90.
12
Graphique 2. Classification des exportations de produits de la Hongrie en fonction de leur
intensité factorielle, en 1996 et en 2000
40
%
30
1996
2000
20
10
0
A
B
C
D
E
F
INTENSITE FACTORIELLE
Les 225 familles de produits sont regroupés en fonction de leur intensité factorielle en 6 catégories :
A : produits de base
B : produits intensifs en travail et en ressources naturelles
C : produits faiblement intensifs en travail qualifié et en technologie
D : produits moyennement intensifs en travail qualifié et en technologie
E : produits fortement intensifs en travail qualifié et en technologie
F : produits non classés
Sources : calculs effectués par les auteurs à partir de International Trade Statistics (UNCTAD 2002a) et Trade and
Development Report, Annexe 1 to Chapter III (UNCTAD 2002b).
Cette modification dans les intensités factorielles s’explique par une double évolution
(Tableau 4) : d’une part la baisse en valeur entre 1996 et 2000 des exportations de produits
alimentaires et de boissons et tabac (CTCI 0 et 1) et des produits intensifs en ressources naturelles
(CTCI 2 et 4) et d’autre part un quintuplement des exportations du secteur des équipements de
transport et mécanique (CTCI 7). La part des produits alimentaires s’effondre sur la période,
passant de 15,6 % à 2,5 % des exportations, tandis que celle des machines et équipements de
transport passe de 25 % à près de 50 % des exportations de la Hongrie.
Les firmes à capitaux étrangers tiennent une place hégémonique dans les exportations de
machines et d’équipements de transport. Dans les secteurs du matériel de bureau et d’équipement
informatique (CTCI 75), de l’équipement électrique et domestique (CTCI 71 et 77), de
l’équipement de télécommunication (CTCI 76) et de l’automobile (CTCI 78-79) les firmes à
capitaux étrangers assurent près de 100 % des exportations du pays (ECE 2001, p.210). En 2000,
les dix principaux postes d’exportation de la Hongrie -assurant près de la moitié des échanges
extérieurs du pays- appartiennent tous à des activités dominées par les firmes étrangères. Ces dix
postes font partie du secteur des équipements de transport et mécanique, et sont soit moyennement,
soit très intensifs en technologie et en main d’œuvre qualifiée.
Au Viêt-nam, au cours des années 90, les IDE se sont développés essentiellement dans
l’industrie lourde, la construction et le tourisme et en direction du marché intérieur, en réponse à la
politique de protection du marché menée par le gouvernement, mais aussi parce que les IDE étaient
plus rapidement rentables dans ces secteurs (Le Dang 1997). Pour ces différentes raisons les IDE se
sont d’abord développés dans des secteurs à forte intensité capitalistique et ont peu contribué aux
exportations, à la différence de la Hongrie. En 1998, les produits issus de l’agriculture
correspondant à des secteurs desquels les IDE sont absents, assurent encore 1/3 des exportations du
pays22 (Tableau 4). Ce n’est que depuis le milieu des années 90, que les IDE commencent à
développer des exportations de produits intensifs en travail et en ressources naturelles (famille B) et
22
Tout au long des années 90 les produits agricoles de base ont représenté environ 1/3 des exportations du
pays. Le poids important des exportations énergétiques résulte de la politique d’exploration menée dans les
années 80 (investissements soviétiques).
13
de produits intensifs en main d’œuvre non qualifiée (famille C) : entre 1996 et 1998, la part des
équipements de transport et mécanique (CTCI 7) et d’articles manufacturés divers (CTCI 8) est
passée de 31,2 à 40,7 % des exportations du pays. Or, cette augmentation est en grande partie liée
aux IDE. Plus récemment, les firmes à capitaux étrangers ont développé de nouveaux secteurs
exportateurs, tels que les produits électriques et électroniques intensifs en main d’œuvre, mais
faisant également appel aux compétences de la main d’œuvre vietnamienne. La stratégie
d’ouverture commerciale menée par le Viêt-nam dans le cadre de l’ASEAN avec la création d’une
zone de libre-échange (l’AFTA), et la ratification de l’accord bilatéral avec les Etats-Unis,
devraient offrir des perspectives plus importantes de développement des exportations intensives en
main d’œuvre.
Tableau 4. Les exportations de la Hongrie et du Viêt-nam par grandes familles de produits
HONGRIE
CTCI Groupe de produits
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Alimentation et animaux vivants
Boissons & tabac
Matériel brut
Combustible minéral
Graisses animales et végétales
Produits chimiques
Produits manufacturés
Equipements de transport et mécanique
Articles manufacturés divers
Produits non classés ailleurs
Total
1991
millions
de $
2 352
(+ CTCI 1)
755 (+4)
297
/
4 568 (+6
+8 + 9)
2 255
/
/
10 227
VIET-NAM
CTCI Groupe de produits
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Alimentation et animaux vivants
Boissons & tabac
Matériel brut
Combustible minéral
Graisses animales et végétales
Produits chimiques
Produits manufacturés
Equipements de transport et mécanique
Articles manufacturés divers
Produits non classés ailleurs
Total
1996
En %
23
7,4
2,9
/
44,7
22
/
/
100
1990
millions de
$
826
18
327
500
10
18
107
1
575
22
2 404
millions
de $
2 050
324
573
427
55
1 312
2 266
3 288
2 331
518
13 144
2000
En %
15,6
2,5
4,4
3,2
0,4
10
17,2
25
17,7
3,9
100
1996
En %
34,4
0,7
13,6
20,8
0,4
0,7
4,5
0
24
0,9
100
millions
de $
2 424
7
500
1 572
35
66
382
415
1847
6
7 256
millions
de $
1 802
103
562
453
51
1 709
2 945
16 760
3 244
462
28 092
En %
2,5
0,2
2
4,8
0,1
9
16,9
49,8
10,3
4,4
100
1998
En %
33,4
0,1
6,8
21,7
0,5
0,9
5,3
5,7
25,5
0,1
100
millions
de $
3 158
5
283
1 544
17
94
441
809
3 007
4
9 362
En %
33,7
0,1
3,0
16,5
0,2
1,0
4,7
8,6
32,1
0,1
100
Sources : International Trade Statistics (UNCTAD 2002a), IMF Staff Country Report, 1997, pour la Hongrie ; Asian
Development Bank 2001, pour le Viêt-nam.
2) Les IDE et les avantages comparatifs révélés
Pour évaluer plus précisément l’évolution de la spécialisation internationale de la Hongrie
et du Viêt-nam nous avons calculé les avantages comparatifs révélés (ACR) à partir de l’indicateur
de « contribution au solde commercial » (Encadré 2). Cet indicateur a été calculé avec la CTCI à 2
chiffres pour la Hongrie et à 1 chiffre pour le Viêt-nam23, en 1996 et en 2000 pour le premier pays
et en 1992, 1996 et 1998 pour le second.
23
Nous ne disposons pas pour le Viêt-nam des données permettant d’effectuer un calcul au niveau 2. Par
contre le calcul des ACR au niveau 2 (et au niveau 3 pour certains produits) a été réalisé par la Banque
Mondiale (Fukase and Martin 1999), mais sur la base de l’indicateur de Balassa (qui prend en compte le poids
14
Encadré 2. Définition des ACR selon la méthode de « la contribution au solde commercial »
(Lafay 1987)
Contribution au solde commercial = (Xj – Mj) – (X – M) . [(Xj + Mj)/ (X + M)]
(Xj – Mj) représente le solde observé pour une industrie
(X – M) est égal au solde de la balance commercial
(X – M) . [(Xj + Mj)/ (X + M)] équivaut au solde théorique de l’industrie.
Par définition, la somme de l’ensemble des industries est nulle. Cet indicateur présente l’avantage
de prendre en compte les exportations et les importations et d’éliminer l’impact de variations conjoncturelles
en ramenant le solde commercial d’une industrie, d’un groupe de produits ou d’un produit (en fonction du
niveau de désagrégation retenu) au solde commercial global.
Tableau 5. Les avantages comparatifs révélés de la Hongrie en 1996 et en 2000
1996
Groupe de produits
Habillement
Viande & préparations
Equipement électrique
Fruits et légumes
Divers
Boissons
Chaussures
Meubles
Plastiques bruts
Céréales & préparations
Bétail
Produits manuf. en caoutchouc
Huile végétale
Minerai de métal
Mat. premières anim. et végét.
Produits laitiers & oeufs
Sucre
Produits manuf. en caoutchouc
Produits manuf. non métal.
Bois & liège
Tabac
Produits agroal. divers
Sacs & accessoires de voyage
Huile végétale
Equipement de transmission
Accessoires de construction
Produits manuf, en métal
Graisse animale
Fer et acier
Or
Pièces de monnaie
Total
2000
Code
CTCI
84
01
77
05
93
11
85
82
57
04
00
63
22
28
29
02
06
62
66
24
12
09
83
42
71
81
69
41
67
97
96
Contribution
au solde
commercial %
17
16,29
10,7
10,28
8,11
4,57
3,65
3,36
3,21
2,97
2,97
2,41
2,3
2,08
1,48
1,24
1
0,74
0,73
0,69
0,66
0,64
0,6
0,56
0,5
0,45
0,33
0,26
0,14
0,09
0,01
100
Groupe de produits
Mat. de bureau et informatique
Equipement de transmission
Equipement de télécomm.
Habillement
Viande & préparations
Fruits et légumes
Céréales & préparations
Meubles
Chaussures
Plastiques bruts
Bétail
Produits manuf. en caoutchouc
Huile végétale
Minerai de métal
Boissons
Pétrole & dérivés
Accessoires de construction
Produits laitiers & oeufs
Mat. premières anim. et végét.
Véhicules à moteur
Trains & tramways
Huile végétale
Sucre
Sacs & accessoires de voyage
Bois & liège
Produits chimique inorganiques
Or
Graisse animale
Cuir & peaux
Pièces de monnaie
Code
CTCI
75
71
76
84
01
05
04
82
85
57
00
63
22
28
11
33
81
02
29
78
79
42
06
83
24
52
97
41
21
96
Contribution au
solde
commercial %
24,9
16,86
15,26
10,25
7,06
4,2
3,16
3,07
2,15
1,69
1,44
1,24
1,21
1,04
0,97
0,94
0,94
0,72
0,64
0,6
0,35
0,25
0,23
0,22
0,2
0,11
0,1
0,08
0,07
0,02
Total
100
Source : sélection de calculs effectués par les auteurs d’après International Trade Statistics (UNCTAD 2002b).
d’un groupe de produits dans les exportations d’un pays/poids de ce produit dans le commerce mondial). Les
résultats chiffrés au niveau 1 et 2 ne sont donc pas strictement comparables, mais permettent néanmoins de
mettre en évidence les ACR du Viêt-nam.
15
Pour la Hongrie, sur la base de l’évolution entre 1996 et 2000, nous avons regroupé les
groupes de produits dans 3 grandes catégories (Lafay 1987, Freudenberg et Lemoine 1999), à
savoir ceux pour lesquels la spécialisation s’est accentuée24, ceux pour lesquels la spécialisation
s’est atténuée25 et ceux pour lesquels il y a eu un retournement de spécialisation26.
Les IDE ont modifié en profondeur les ACR sur la seconde partie des années 90. Sur les 66
postes recensés, 36 ont connu une atténuation des ACR, 15 une accentuation et 15 un
retournement : pour plus de 1/5 des postes les ACR se sont inversés. En valeur, il y a eu atténuation
pour 36,5% des ACR, une accentuation pour 29,6% et un retournement pour 37%. Trois familles de
produits, le matériel de bureau et informatique (CTCI 75), les équipements de transmission
d’énergie (CTCI 71) et les équipements de télécommunication (CTCI), contribuent en 2000 à 57%
de l’excédent commercial de la Hongrie, alors qu’en 1996 les productions traditionnelles, comme
l’habillement (CTCI 84), la viande (01), les fruits et légumes (05), les céréales (04), les meubles
(82), les chaussures (85)…, contribuaient massivement à l’excédent commercial. Bien plus, la
Hongrie n’avait pas d’ACR pour ces trois groupes de produits en 1996.
Tableau 6. Les avantages comparatifs révélés du Viêt-nam en 1992, 1996 et 1998 (CTCI 1)
Famille de produits
Alimentation et animaux vivants
Matériel brut
Combustible minéral
Graisses animales et végétales
Articles manufacturés divers
Total
Code CTCI
0
2
3
4
8
Contribution au solde commercial (en %)
1992
1996
1998
53,6
52,4
52,2
20,3
5,7
0
14
18,6
14,2
0,1
0
0
12
23,3
33,6
100
100
100
Source : calculs effectués par les auteurs d’après (ADB 2001)
Les ACR sont demeurés relativement stables entre 1992 et 1998 au Viêt-nam : sur la
période, l’alimentation (CTCI 1) et le combustible minéral (CTCI 3) contribuent à 2/3 de l’excédent
commercial du pays. Les travaux de Fukase et Martin (1999) montrent que le Viêt-nam a des ACR
(sur la base de la méthode de Balassa) très élevés dans les exportations de riz (ACR de 69,7) et de
café (16,9), et importants pour le charbon, coke, briquettes (ACR de 4,1) et le pétrole (ACR de 2,9),
-désagrégation à 3 chiffres-. Au niveau 2 chiffres, le Viêt-nam a des ACR importants dans le
poisson et les préparations (CTCI 03), le café-thé-cacao-épices (CTCI 07) et les céréales et
préparations (CTCI 06).
Par contre, le Viêt-nam a perdu ses ACR pour le poste « matériel brut » (CTCI 2), tandis
que les ACR pour les « produits manufacturés divers » (CTCI 8) ont presque triplé entre 1992 et
1998, et ce poste contribue à hauteur de 1/3 à l’excédent commercial en 1998. Dans ce secteur, le
pays a notamment des ACR dans les chaussures, les accessoires et affaires de voyage, et
l’habillement.
Les IDE ont contribué à modifier les ACR dans le groupe 8, mais les ACR ont également
connu des évolutions importantes dans des secteurs dans lesquels les IDE sont peu présents, comme
le secteur agricole dont les produits figurent dans le groupe 0. C’est notamment le cas du riz et du
café. Par contre, à la différence de la Hongrie, le Viêt-nam n’avait pas à la fin des années 90
d’avantage comparatif révélé dans l’équipement de transport et mécanique27, même si ce poste
représentait en 1998, 8,6 % des exportations du pays (Tableau 4). Les IDE contribuent à la
24
Les avantages ou désavantages comparatifs révélés sont plus marqués, ce qui correspond à un
accroissement de l’excédent ou du déficit du groupe de produit.
25
Les avantages ou désavantages sont moins marqués : contribution moindre au déficit ou à l’excédent de la
balance commerciale.
26
Les avantages comparatifs révélés deviennent des désavantages ou le contraire.
27
Que l’on utilise la méthode de Lafay ou de Balassa.
16
construction d’avantages dans les secteurs très intensifs en travail et non dans des secteurs à ACR
reposant sur des facteurs de production plus avancés.
3) Les IDE et l’adaptation à la demande mondiale
La qualité de la spécialisation induite par les IDE peut également être évaluée en fonction
de l’adaptation des exportations à la demande mondiale. La spécialisation sera progressive
(régressive) si les exportations des firmes à capitaux étrangers correspondent à des produits ou
familles de produits demandés (peu demandés) sur le marché mondial. Une spécialisation
régressive est appauvrissante, car elle accroît la dépendance internationale du pays et le maintient
dans la production de biens à faible valeur ajoutée, fondés sur une main d’œuvre peu qualifiée et
peu onéreuse. La « qualité » de la spécialisation est également liée à l’évolution des
prix internationaux. Cette évolution permet d’évaluer le dynamisme de la demande et de
s’intéresser aux fluctuations des prix, facteur déterminant de l’instabilité des revenus, en particulier
pour les pays exportateurs de matières premières.
La CNUCED a évalué le taux de croissance annuel moyen en valeur entre 1980 et 1998 des
exportations de 225 groupes de produits (CTCI à 3 chiffres). Le taux de croissance annuel moyen
s’échelonne entre 16,3% pour le groupe de produits le plus dynamique (CTCI 776, rang 1) et 5,8% pour le moins dynamique (CTCI 274, rang 225) avec une moyenne de 8,4%. Nous avons
utilisé ces taux de croissance pour évaluer l’adaptation des exportations hongroises à la demande
mondiale en 1996 et en 2000. Les exportations de la Hongrie ont été décomposées, sur la base de
200 postes28, en 10 catégories de 20 postes, de la catégorie la plus dynamique (premier décile) à la
moins dynamique (10ème décile).
POURCENTAGE CUMULE
Graphique 3. Poids des postes d’exportation de la Hongrie en fonction de leur adaptation à la
demande mondiale, en 1996 et 2000
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1996
2000
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10
DECILES
Lecture du document : en 2000, les 20 postes de produits hongrois correspondant aux postes qui ont connu sur la période
1980-1998 le taux de croissance moyen mondial en valeur le plus élevé, représentaient 33% des exportations de la
Hongrie. Les 40 postes (2 premiers déciles) représentaient en 2000, 44 % des exportations…
Sources : calculs effectués par les auteurs à partir de International Trade Statistics (UNCTAD 2002a) et Trade and
Development Report, Annexe 1 to Chapter III (UNCTAD 2002b).
L’impact des IDE sur l’adaptation à la demande mondiale est positif. En effet, entre 1996 et
2000 les exportations hongroises se sont tournées vers des secteurs qui, sur la base de leur évolution
entre 1980 et 1998, sont jugés les plus dynamiques. En appliquant à la Hongrie les taux de
28
Certains produits se trouvant dans la classification mondiale ne sont pas exportés par la Hongrie, ce qui fait
qu’au total on dispose de 200 postes.
17
croissance mondiaux relevés (sur les 200 postes entre 1980 et 1998), on obtient un taux de
croissance moyen des exportations de 8,45% en 1996. Ce taux augmente entre 1996 et 2000, pour
atteindre 9,96%. Cela montre que les IDE ont fait évoluer la spécialisation hongroise vers des
secteurs qui ont des taux de croissance des exportations supérieurs de 1,56 point à la moyenne
annuelle mondiale (en 2000). L’analyse par décile confirme cette évolution positive : la part dans
les exportations hongroises des 20 groupes de produits les plus dynamiques, à savoir ceux qui
répondent le mieux à la demande mondiale, est passée de 17,2% en 1996 à 33% en 2000. Les 100
premiers postes d’exportation, à savoir la moitié des postes les plus dynamiques sur le marché
mondial, assurent les 4/5 des exportations du pays en 2000 contre moins des 2/3 en 1996.
Au Viêt-nam, l’influence des IDE sur l’adaptation à la demande mondiale est réduite, étant
donné leur faible part dans les exportations. Cependant, dans la mesure où la spécialisation du pays
repose en priorité sur des exportations de matières premières, le rôle des IDE, dans les années à
venir, peut être double : d’une part, accroître le poids des produits transformés par rapport aux
produits bruts, d’autre part développer des exportations de produits manufacturés mieux adaptés à
la demande mondiale et moins sensibles à la variation des prix.
Si on ajoute le pétrole au cinq produits figurant sur le Graphique suivant, on atteint
pratiquement 60% des exportations du Viêt-Nam. Les taux de croissance des matières premières
sont plus faibles que ceux des autres produits, alors que trois des principaux produits d’exportation
(crustacés, chaussures et produits divers en cuir) ont des taux de croissance relativement élevés sur
la période 1980-1998. Cependant ces produits appartiennent soit au groupe des matières premières
(A), catégorie de produits soumis à des fluctuations souvent importantes de cours, soit au groupe
des produits manufacturés intensifs en main d’œuvre (B), pour lesquels la concurrence est souvent
vive (cf. II.B.1).
taux de croissance
du produit 1980-98
Graphique 4. dynamique des produits vietnamiens
exportés
prod.divers cuirs
10,00
8,00
6,00
4,00
2,00
0,00
0,00
crustacés
chaussures
riz
café
c
5,00
10,00
15,00
20,00
part dans les exportations totales (en %)
Source : schéma réalisé à partir des statistiques de la base de données Comtrade de la CNUCED ainsi que de Trade and
Development Report, Annexe 1 to Chapter III (UNCTAD 2002b). En rouge figurent les produits de la catégories de
produits A (matières premières) et bleu les produits de la catégorie B (biens manufacturés intensifs en main d’œuvre).
Les IDE dans le secteur énergétique participent activement à la promotion des exportations
puisque le pétrole représente le premier poste à l’exportation (21% des exportations en 2001). Mais
il contribue à l’instabilité des recettes d’exportation dans la mesure où les fluctuations des cours
sont une des causes majeures du ralentissement des exportations entre 2000 et 200129. Les IDE
pourraient contribuer à réduire l’instabilité du solde commercial pétrolier, s’ils permettaient au
Viêt-nam de substituer des produits raffinés aux importations ou d’exporter une part plus
importante de produits transformés dont les prix sont a priori moins fluctuants. Dans le secteur
29
Malgré l’accroissement du volume de pétrole exporté (+ 10,2%) par rapport à l’année 2000, la diminution
des prix au cours de l’année a réduit les recettes en dollars de 9,3%.
Formatiert
18
agricole, secteur dans lequel les firmes étrangères sont peu présentes, le gouvernement vietnamien
souhaite également favoriser les IDE pour développer les exportations de produits transformés
(actuellement seulement 30% des produits agricoles sont transformés). En effet, dans ce secteur,
malgré un accroissement des volumes exportés, la baisse des cours a conduit à une chute des
recettes d’exportation en 2001. Le Viêt-nam devenu un des premiers exportateurs mondiaux de café
et de riz, contribue lui-même à la baisse des prix avec un effet, bien involontaire, de « price
maker ».
Le changement de positionnement est d’autant plus nécessaire que le Viêt-nam s’ouvre
commercialement30, ce qui accroît sa vulnérabilité et sa dépendance aux fluctuations économiques
internationales. Toutefois, les possibilités de transformation de produits agricoles, notamment pour
le café et le riz, sont limitées. De plus, la transformation des produits agricoles pose le problème de
l’insuffisance des infrastructures. Une spécialisation de meilleure qualité passe nécessairement par
une diversification, et notamment le développement des exportations de produits manufacturés
divers (CTCI 8) et de produits liés à l’équipement de transport et mécanique (CTCI 7), produits
pour lesquels la demande mondiale augmente plus vite que pour les produits de base (UNCTAD
2002b). Depuis 1994, les IDE réalisés dans l’industrie légère ont augmenté : entre 1995 et 2000, ils
ont représenté entre 30 et 40% des investissements étrangers effectivement réalisés dans le secteur
industriel au Viêt-nam31 (IMF 2002). Ils participent à l’augmentation du poids des produits
manufacturés dans les exportations ; en 2000, les vêtements, les chaussures et les produits
électroniques et informatiques assuraient respectivement 13,1, 10,1 et 5,4% des recettes
d’exportation du pays (GSO dans World Bank 2002a). Toutefois, ces exportations demeurent
encore insuffisantes, tant en terme de volume que de poids dans la structure d’exportation du pays,
pour contrebalancer la fragilité vietnamienne face à la demande mondiale.
4) Les IDE et l’organisation des échanges extérieurs
Il est généralement admis dans la littérature que les échanges intra-branche de type NordNord sont plus favorables pour la croissance et le développement d’un pays que les échanges interbranche, de type Nord-Sud32. Backus et al. (1992) montrent, sur la base d’une analyse transversale,
que la croissance par habitant de la productivité ou du PIB et l’intensité intra-branche de l’échange
sont corrélées. Les pays les plus avancés font davantage d’échanges intra-branche que les autres.
Toutes les études menées sur le cas hongrois montrent que le poids des échanges intrabranche a augmenté au cours des années 90 (Freudenberg et Lemoine 1999, Kaitila 1999, Kaminski
1999, Kaminski et Ng 2001). Ils représentent près de la moitié des échanges à la fin des années 90
et prennent très majoritairement la forme verticale. La Hongrie et la République tchèque sont les
deux pays de l’Est pour lesquels cette forme d’échange est la plus développée. Or, IDE et échanges
intra-branche verticaux sont corrélés (Aturupane et al. 1999). Kaitila (1999) montre, sur la base
d’un découpage entre pays investisseurs, que plus le stock d’IDE est élevé et plus les échanges
intra-branche entre la Hongrie et l’UE sont intenses. S’il semble incontestable que l’accroissement
des échanges intra-branche entre la Hongrie et l’UE est dû aux IDE, il est difficile de trancher sur le
rôle supposé positif de ce type de commerce. En effet, sous le terme générique de commerce intrabranche se cache une réalité plurielle. Ce qui se met en place à partir de la seconde partie des
années 90, c’est une nouvelle division européenne de la chaîne de valeur par intégration de la
30
Le taux d’ouverture passe de 57% en 1989 à 82% en 1995 (World Bank 1997). Ce taux est comparable à
celui des pays de la région.
31
Exception faite de 1999, année au cours de laquelle ils n’ont représenté qu’un peu plus de 20%.
32
On distingue trois types de flux d’échanges entre pays :
- Les échanges inter-branches (ou inter-sectoriels) correspondant à des échanges de produits appartenant à
des secteurs différents (échanges fondés sur la division internationale traditionnelle) ;
- Les échanges intra-branche de produits différenciés horizontalement (commerce de variété), se
définissant en tant qu’échanges croisés de produits intermédiaires ou de produits finis de même valeur ;
- Les échanges intra-branche de produits différenciés verticalement (commerce de produits de qualité
différente), se référant aux échanges croisés de produits intermédiaires ou de produits finis de qualité, et
donc de valeurs unitaires, différentes.
19
Hongrie dans la spécialisation régionale organisée par les firmes multinationales européennes. La
« production fragmentée » représentait en 1998, 42 % des exportations de la Hongrie vers l’UE et
concernait notamment le secteur automobile, l’équipement de bureau et informatique et les
télécommunications. En 1998, 87,7% des exportations de parties de produits et 76% des
importations sont concentrées sur l’UE (Kaminski and Ng 2001, p.51). Or, pour Fontagné et
Freudenberg (1997, p.23) « les échanges croisés de produits situés à différents stades de la
production, ne doivent pas être considérés comme du commerce intra-branche, mais comme une
décomposition internationale du processus de production ».
La Hongrie est d’ores et déjà fortement engagée dans la division européenne des processus
de production, mise en place notamment par les grands groupes ouest-européens. Par contre, en
raison de la nature de sa spécialisation internationale, et du poids limité des IDE dans les
exportations, le Viêt-nam est moins intégré dans les réseaux multinationaux. Toutefois, l’exemple
de la Hongrie montre qu’une augmentation progressive des IDE dans les secteurs d’exportation
débouche sur une division des processus productifs. Or, les IDE réalisés au Viêt-nam par les pays
asiatiques les plus développés ont représenté près de 2/3 des investissement étrangers entre 1998 et
200033. Lorsqu’ils sont réalisés dans l’industrie légère, ils s’expliquent en grande partie par une
volonté de disposer au Viêt-nam d’une main d’œuvre bon marché et compétente produisant des
biens inscrits dans une logique de régionalisation du processus productif. Les investissements
japonais34 jouent en la matière au Viêt-nam, le même rôle intégrateur au sein de l’Asie qu’avec les
autres pays de la région (Blancher et Mainguy 1998).
Comme nous l’avons vu plus haut, les investissements étrangers se sont d’abord orientés
vers des secteurs à forte intensité capitalistique, qui ne correspondaient pas aux avantages
comparatifs standards du Viêt-nam, et ont cherché à bénéficier de la protection du marché intérieur.
Le pays libéralisant davantage son commerce, la part des IDE dans le secteur manufacturé s’accroît,
tout comme le rôle joué par les IDE dans les exportations. Bien que les conditions institutionnelles
ne soient pas fondamentalement modifiées (économie socialiste de marché), le Viêt-nam tend à se
rapprocher du modèle suivi par la Hongrie. L’expérience hongroise pourrait donc permettre au
Viêt-nam de mieux appréhender les principaux enjeux d’une participation plus intense à une
division internationale et notamment asiatique des processus de production. Par ailleurs, l’accord
commercial bilatéral signé avec les Etats-Unis en 2000 ouvre des perspectives pour les
exportations, par le biais de la sous-traitance, de produits intensifs en main d’œuvre, tels que les
vêtements. Les investissements étrangers sous cette forme risquent de renforcer une spécialisation
dans les produits de la catégorie B.
(i) La spécialisation à l’exportation, de la Hongrie, n’a de sens qu’au regard des stratégies
des FMN. Neuf des dix principaux exportateurs hongrois sont des firmes étrangères, qui exportent
vers d’autres filiales, des composants, des parties de produits ou des produits assemblés : Audi,
premier exportateur du pays exporte des pistons (CTCI 71 322), IBM (n°2) des unités centrales
d’ordinateurs (CTCI 7 527)… L’accès aux marchés étrangers résulte et est dépendant de cette
connexion : 4/5 du stock d’IDE provenant de l’UE35, la production et les échanges commerciaux
sont avant tout organisés sur une base régionale dans le cadre d’une circulation intra-FMN.
Appartenir à un réseau multinational représente une garantie en terme de débouchés. Mais comme
les avantages comparatifs ont été construits par des FMN, ils peuvent donc également être
« déconstruits » en cas de départ de la FMN.
Se reposer sur les stratégies des FMN pour définir la spécialisation réduit l’indépendance :
le gouvernement vietnamien pourra-t-il toujours faire coïncider les impératifs du modèle
d’économie socialiste de marché avec les choix stratégiques des FMN ?
33
Le Japon a réalisé 21,5% des IDE, Singapour 13%, Taiwan 12%, Hong Kong 9% et la Corée du Sud 8%.
Par contre, même si l’influence chinoise est importante au Viêt-nam, notamment d’un point de vue culturel,
le rôle de la diaspora est nettement moindre que dans d’autres pays du Sud-Est asiatique comme Hong Kong,
Taiwan, Singapour, la Malaisie ou la Thaïlande. La diaspora chinoise représente 1% de la population
vietnamienne en 1992 contre 10% en Thaïlande.
35
Les principaux investisseurs étaient, fin 1997, l’Allemagne (20% du stock d’IDE), les Pays-Bas (15%), les
Etats-Unis (14%) et l’Autriche pour 11% (OECD 2000).
34
20
(ii) L’accroissement des exportations va de pair avec une augmentation des importations36.
La constitution de réseaux multinationaux se traduit par un déficit commercial hongrois en terme de
parties et de composants mais un excédent pour les produits finis, ce qui correspond à une stratégie
d’assemblage de la production dans un pays de la « périphérie européenne » (Kaminski and Ng
2001, Appendix Table 13). Mais dans la mesure où les grands groupes poursuivent parallèlement à
leur stratégie de rationalisation de la production une stratégie d’accès au marché hongrois, les
importations de produits finis sont importantes. La proximité entre la Hongrie et l’Europe de
l’Ouest, ainsi que la réduction de ses barrières protectionnistes dans la perspective de l’adhésion,
favorisent les échanges. L’impact à terme des IDE sur la balance commerciale demeure alors
indécis, même si l’on peut s’attendre à son redressement37, une fois que les importations
d’investissements industriels se seront ralenties.
En cherchant à attirer les IDE, le Viêt-nam espère, au moins à terme, une contribution
positive à la balance des transactions courantes ; l’exemple de la Hongrie met en évidence les
incertitudes qui pèsent sur cet objectif.
(iii) La spécialisation internationale de la Hongrie est fragmentaire et ne repose pas sur la
maîtrise d’une filière. Le pays n’attire plus des « firmes complètes », mais des fonctions de firmes,
des unités de production spécialisées. L’accroissement de la mobilité du capital et la réduction du
coût des transports ainsi que des obstacles aux échanges, réduisent la contrainte d’un recours à des
sous-traitants locaux et facilitent les stratégies d’accompagnement. Le recours au tissu local
dépendra à la fois de la stratégie du groupe et du niveau de compétences des acteurs domestiques.
L’implantation de ce type d’unités soulève la question de l’effet d’entraînement sur le tissu local et
du risque de « déterritorialisation ». Les effets en amont et en aval sur le tissu local risquent d’être
limités par la spécialisation de la filiale, son niveau élevé de compétence, son recours à des soustraitants qui ont accompagné la FMN, l’absence d’aide accordée aux firmes locales pour qu’elles
puissent intégrer le réseau de la FMN. Avec la globalisation et la fragmentation on s’éloigne du
modèle de la firme motrice (à la Perroux) aux effets d’entraînement et d’externalités pour l’espace
d’accueil. Par contre, on se rapproche des modèles de croissance en réseau, caractérisés par
l’intensité des relations qui lient les firmes appartenant au réseau, localisées dans des pays
différents, et l’exclusion des autres firmes. Il en résulte un accroissement de la « dualisation » entre
firmes connectées et celles qui ne le sont pas, entre salariés travaillant pour les FMM et les autres.
Le problème de la sous-traitance, des faibles liens avec le tissu local se pose déjà au Viêtnam, notamment dans le secteur textile-habillement. Le développement de relations entre firmes
locales et FMN et l’accroissement de la valeur ajoutée seront liés à la capacité des firmes locales
(en lien avec les compétences de la main d’œuvre) à répondre aux standards internationaux de
qualité38.
C’est pourquoi la présence de FMN peut aussi se traduire par « une dualisation
géographique » si les filiales sont très inégalement distribuées sur le territoire.
Les IDE organisent déjà une nouvelle géographie économique en Hongrie en se concentrant
dans la partie Nord-ouest du pays : trois régions sur les sept que compte le pays ont obtenu 4/5 des
IDE (OECD 2000). Les régions ayant attiré le plus de firmes étrangères ont le PIB par habitant le
plus élevé. Au niveau des villes, la corrélation est très significative entre le stock d’IDE par habitant
36
En 2000, la Hongrie a exporté pour 2,6 milliards de dollars (9,2% des exportations) de pistons (CTCI 713),
mais a importé pour 1,2 milliard de dollars de parties de pistons (CTCI 7 139).
37
Entre 1996 et 2000 le déficit commercial s’est accru.
38
Les grandes entreprises de confection, pour des raisons de qualité, s'approvisionnent surtout à l'extérieur.
Les contrats de sous-traitance (CMT - Cut Make Trim) sont très répandus : les « sociétés-clientes »
fournissent les matières premières, les consommations intermédiaires et se chargent des opérations de vente.
Les entreprises vietnamiennes à forte intensité de main-d'œuvre fabriquent le produit final et réexportent. Les
consommations intermédiaires sont, dans ce cadre, souvent importées sans droits de douane (Fukase et Martin
1999). La faible valeur ajoutée du secteur résulte de l'inadéquation des inputs nationaux aux besoins de
l'industrie de la confection, en termes de qualité et de prix. Le développement de la production de textile et de
vêtements se fait donc sans recherche apparente de cohérence de filière.
21
et le PIB par habitant39. Les IDE ont contribué à l’accroissement de l’écart-type du PIB par
habitant, qui est passé de 25 à 30% entre 1994 et 1998 (OECD 2001, p.30). Les effets bénéfiques de
l’insertion et de la spécialisation internationales demeurent concentrés à l’ouest du pays. Bien plus,
par le jeu des phénomènes d’agglomération40, les inégalités risquent de se creuser davantage,
mettant en péril l’équilibre territorial, et à plus long terme la croissance.
Le gouvernement vietnamien est conscient des risques d’accroissement des inégalités,
notamment entre villes et campagnes, et de déséquilibre géographique que peuvent engendrer les
IDE comme le montrent les incitations à investir dans des zones lointaines ou aux conditions
économiques difficiles (DREE 2002b). Mais quel sera le poids de ces mesures face aux avantages
que procurent aux investisseurs étrangers les « zones spéciales » aux infrastructures plus
développées ?
Conclusion
Au début des années 90, la Hongrie et le Viêt-nam exportaient essentiellement des produits
de base et des produits intensifs en ressources naturelles. A la fin des années 90 la spécialisation
internationale de la Hongrie a été bouleversée en profondeur, alors que celle du Viêt-nam s’est
modifiée plus lentement. Ce bouleversement hongrois s’explique par la place prioritaire accordée
aux IDE dans la stratégie de développement, conjuguée à l’existence à l’époque socialiste d’un
secteur industriel développé avec une main d’œuvre qualifiée. Se fondant sur la culture industrielle
du pays, les firmes étrangères ont développé les exportations et les importations du pays dans le
secteur de l’équipement de transport et de la mécanique, créant ainsi de nouveaux avantages
comparatifs et spécialisant le pays dans des secteurs intensifs en travail qualifié et en technologie,
plus adaptés à la demande mondiale. Les réformes institutionnelles ont été menées beaucoup plus
lentement au Viêt-nam, ce qui a ralenti l’arrivée d’investisseurs poursuivant une logique de
promotion des exportations. La différence de niveau initial de développement par rapport à la
Hongrie, s’exprimant notamment dans le faible degré initial d’industrialisation du Viêt-nam,
explique également l’orientation des investisseurs étrangers vers les secteurs traditionnels comme le
textile-habillement et les chaussures. La spécialisation vietnamienne demeure de fait très fragile :
les exportations de produits agricoles et de matières premières peu élaborés sont très sensibles à la
variation des cours mondiaux, tandis que la spécialisation promue dans les secteurs traditionnels par
les IDE, fondés sur les coûts faibles de la main d’œuvre, s’inscrit dans une segmentation
internationale de la production qui ne procure que de faibles gains au pays.
Avec la mondialisation, les FMN sont devenues des acteurs centraux dans les échanges
internationaux. L’ouverture internationale d’un pays émergent dépend de sa capacité à s’intégrer
dans les processus de division du travail mis en place, généralement sur une base régionale, par les
FMN. La Hongrie est d’ores et déjà au cœur de ce processus, alors que le Viêt-nam demeure peu
intégré. L’enjeu pour le Viêt-nam consiste à entrer dans la division asiatique du travail en mettant
en place les conditions nécessaires à une diversification de sa production et à des remontées
progressives de filières. Une spécialisation de meilleure qualité passe, dans les deux pays,
notamment par la mise en place d’une spécialisation qui n’est pas uniquement dictée par les firmes
à capitaux étrangers. C’est pourquoi, l’émergence d’un tissu de firmes domestiques compétitives
qui auront su tirer profit des retombées positives de l’activité des firmes à capitaux étrangers, est
fondamentale.
En 1997, R2 = 0,97 avec Budapest, et 0,69 sans Budapest (OECD 2001, p. 41).
Certaines villes ayant attiré initialement quelques investisseurs ont réussi à enclencher un processus
cumulatif débouchant sur de nouvelles spécialisations sectorielles. Tel est par exemple la cas de Györ dans
l’automobile, avec des firmes comme VAW Aluminiu technik, Erbslsh AG, Audi, Raba, UKM Rekard.
39
40
22
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