Groupe Pierre Fabre : La beauté fait du bien à la

Transcription

Groupe Pierre Fabre : La beauté fait du bien à la
Un labo au crible Pierre Fabre
Groupe Pierre Fabre
La beauté fait
du bien à la santé
Le 2ème laboratoire français indépendant prépare sa mutation managériale.
En attendant la relance de ses activités pharmaceutiques, le groupe Pierre
Fabre reste solidement soutenu par sa branche dermo-cosmétique.
I
SUR LE SITE DU
CANCÉROPOLE
DE TOULOUSE,
SE SITUERA LE
TOUT NOUVEAU
CENTRE DE R&D
DE PIERRE FABRE
l est, selon la formule lyonnaise,
davantage dans le faire que dans le
dire. Car rares sont ceux qui peuvent se targuer d’avoir rencontré
celui qui, installé au Carla – bâtiment
qui abrite son bureau sur les hauteurs
de Castres –, dirige depuis 47 ans ce
qui est devenu le 2ème groupe pharmaceutique « indépendant » de
l’Hexagone, le premier
employeur privé de
son département, le
Tarn, et le second
de la région Midi-Pyrénées.
Un « faire »
qui a conduit
Pierre Fabre,
président
fondateur du
groupe éponyme à construire
en moins d’un
demi siècle un modèle d’entreprise pour
le moins original, qui
associe en bonnes synergies
trois activités complémentaires– le
médicament, la santé familiale et la
dermo-cosmétique – et qui a, tout au
long de son histoire, pu échapper aux
turbulences des Bourses et consolidé
chaque étape de son développement
par des investissements aussi volontaristes que judicieux. Avec un chiffre
d’affaires de 1,68 milliard d’euros en
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PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2008
2007, dont 47 % sont réalisés à l’international où il est présent dans 130
pays, le groupe Pierre Fabre emploie à
ce jour près de 10 000 salariés (dont
48,6 % dans la pharma et 37 % dans
la dermo-cosmétique) et déploie des
efforts importants dans la R&D, à
laquelle il consacre 229,2 millions
d’euros (voir pages suivantes), soit
13,6 % de son CA total et 33 % du
CA médicament. Toujours en 2007,
ses investissements, de l’ordre de 107
millions d’euros, ont majoritairement
été affectés aux filières industrielles
du groupe, qui possède des usines en
région Centre et dans le Sud-Ouest,
et à la R&D. « Etre partout dans le
monde, tout en étant là », c’est-à-dire
dans un ancrage régional fort à partir
duquel le groupe imprime une dynamique de développement à l’international, reste le mot d’ordre préféré
de celui qui préside aux destinées de
l’ensemble de ses sociétés.
Un laboratoire pionnier
Un ensemble au sein duquel les produits
cosmétiques et dermo-cosmétiques
pèsent d’un bon poids. Ainsi grâce à
l’adition de neuf marques bien connues
du grand public1, le groupe s’est imposé comme le leader en France et le
2ème laboratoire en Europe dans l’univers des produits cosmétiques vendus
exclusivement en pharmacie. Car son
fondateur est d’abord un pharmacien
de formation. Et l’aventure qu’il a démarrée dans la dermo-cosmétique en
1965, en rachetant la marque Klorane,
l’entraînera à positionner d’emblée ses
premiers produits, comme ceux qui suivront le développement de cette activité,
dans l’univers des pharmacies d’officine,
considéré comme « le lieu d’expertise et
de conseil garant de la bonne délivrance
des produits ». Pionnière sur un marché
à la création duquel Pierre Fabre estime
avoir fortement contribué, la branche
dermo-cosmétique emploie à ce jour
quelque 3 500 personnes et réalise en
2007, au plan mondial, un chiffre d’affaires de 775 millions d’euros, en hausse
de 7,3 %, auquel la France contribue à hauteur de 328 millions d’euros
(+ 5,1 %). Une tendance amplifiée en
2008 avec une croissance de 10% sur les
9 premiers mois de l’exercice pour cette
activité. Une performance qui demeure
largement supérieure à celle de la branche médicament du groupe, qui boucle la même année sur un total de 547
millions d’euros, répartis à égalité sur
l’Hexagone (278 millions) et à l’international (269 millions). Un CA qui ne
progresse que très légèrement en 2008,
après avoir connu une croissance nulle
en 2007. En complément les activités de
la branche santé familiale réalisent 343
millions en hausse de 5,8%. Malgré les
difficultés conjoncturelles, il ne saurait
être une minute question pour le fondateur d’abandonner les activités pharma-
C’EST DEPUIS LE DOMAINE DU CARLAT QUE PIERRE FABRE
DIRIGE SON GROUPE DEPUIS 50 ANS.
ceutiques (voir interview page suivante).
Le récent recrutement de Jean-Pierre
Garnier, ancien CEO de GSK, qui tiendra prochainement les rênes du groupe,
conforte cette intention.
L’axe cancérologie
Car les huit classes thérapeutiques
sur lesquelles les Laboratoires Pierre
Fabre (ou PFM) se sont positionnés
ces dernières années sont encore dans
l’attente d’une indispensable « pépite »
qui permette à l’ensemble de rebondir.
La belle époque du Cyclo 3®, né de
l’extrait de petit houx, le Ruscus aculeatus, qui ne réalise plus, depuis son
déremboursement en 2007, qu’une
poignée de millions d’euros de CA
(7,5 en 2008), est désormais un lointain souvenir. D’autres produits ont
heureusement succédé à ce veinotonique, dont Navelbine® – prescrit dans le
traitement du cancer du poumon non
à petites cellules et du cancer du sein
métastatique –. Un produit qui a permis à PFM de se développer dans l’oncologie et d’en faire un axe puissant de
son développement à venir. Si la forme
injectable initiale de la spécialité est
désormais génériquée, sa forme orale a
compensé les pertes de la première et
permis un nouveau développement du
CA, avec des progressions intéressantes
à l’international. Avec cette dernière,
le laboratoire s’est résolument campé
dans la cancérologie – qui représente
fin 2007 23, 6 % du CA de la pharma
éthique de PFM – dont il veut faire un
axe stratégique de développement pour
l’avenir. D’autres produits en cardiologie (dont le Lercan®, autre locomotive
de PFM), en rhumatologie, urologie
(dont le Permixon®, 2ème médicament
du groupe en terme de CA, indiqué
pour les troubles liés à l’hypertrophie
de la prostate), en pneumologie, gynécologie ou encore pour le système
nerveux central (dont Ixel®, un antidépresseur) accompagnent ce développement, qui est attente de nouveaux
produits pour repartir de l’avant.
Nouveaux développements
Aussi, pour l’avenir, le laboratoire miset-il sur Javlor®, un nouvel anti-cancéreux indiqué dans le cancer de la vessie
(et du sein dans un 2ème temps) en cours
d’enregistrement à l’agence européenne
du médicament. L’EMEA devrait statuer d’ici la fin de l’année pour un lancement du produit en Europe en 2009.
Les Etats-Unis pourraient suivre, pour
peu que PFM ait trouvé un nouveau
partenaire pour développer le produit
outre-Atlantique. Une autre spécialité,
Minalcipran®, indiquée dans la lutte
contre la fibromylagie2, un fléau mondial, est aussi en phase d’enregistrement
en Europe comme aux USA, où le développement s’appuie sur un partenariat
avec la société Forest. L’enregistrement
à la FDA est attendu pour ce dernier
trimestre en vue d’un lancement au
premier trimestre 2009. L’Europe devrait emboîter le pas également l’an
prochain. Le CA attendu pour ces deux
nouveaux produits devrait dépasser les
500 millions d’euros, dont une partie
reviendra aux partenaires du groupe.
Pour le reste, le laboratoire poursuit
son développement à l’international où
il accentue notamment ses efforts dans
les BRIC3. En Chine, Navelbine est
présente depuis 1995, Navelbine® oral
est en cours d’étude et le groupe redouble ses efforts dans les anticancéreux. Au
Brésil, l’objectif est d’enregistrer un certain nombre de spécialités en s’appuyant
sur le laboratoire Darrow qu’il a racheté
à Rio en 2006. En Inde, le groupe est
en négociation avec un partenaire local pour ses produits OTC. Enfin, en
Russie, fort d’une petite équipe locale,
il entend accroître son développement.
Le tout s’accompagnant d’une consolidation en Allemagne, où il a repris en
2007 les activités de la filiale allemande
de Zambon, ou encore d’un bel essor
dans la zone Afrique – Moyen-Orient
où il se positionne comme l’un des 10
premiers laboratoires pharmaceutiques.
Au total, doté d’un modèle original,
l’indéfectible « indépendant » entend
bien le rester dans un monde globalisé
où il veut jouer sa carte, en s’appuyant
résolument sur sa puissante assise locale
et ses innovations. ■
Jean Jacques Cristofari
(1) Telles Klorane, René Furterer, Ducray,
Galénic, Elancyl, ou encore Eau thermale
Avène.
(2) Syndrome qui associe des douleurs
rhumatismales non articulaires chroniques
et une raideur généralisée des muscles.
(3) Brésil, Russie, Inde et Chine – BRIC.
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