1 dossier pedagogique : la passion de jeanne d`arc

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1 dossier pedagogique : la passion de jeanne d`arc
DOSSIER PEDAGOGIQUE : LA PASSION DE JEANNE D’ARC
1. Fiche technique
La Passion de Jeanne d’Arc
Film muet de Carl Theodor Dreyer (France-Danemark, 1928, 85 min.). Scénario : C.T.Dreyer et Joseph
Delteil. Photographie : Rudolph Maté. Décors : Hermann Warm et Jean Hugo. Avec Renée Falconetti,
Eugène Silvain, Antonin Artaud, Michel Simon.
1.1.Synopsis
En 1431, capturée par les Bourguignons, Jeanne est vendue aux Anglais et mise en procès. Accusée
d’hérésie et de sorcellerie, la jeune fille de 19 ans se retrouve seule face à un tribunal
d’ecclésiastiques à la botte de l’occupant. Sous la menace de la torture, elle abjure, puis se rétracte.
Elle sera brûlée pour ses convictions.
1.2 Biographie du réalisateur: Carl Theodor Dreyer (1889-1968)
Scénariste et réalisateur danois, C.T. Dreyer fait aujourd’hui partie du panthéon des tous grands
cinéastes. Cette reconnaissance ne vint cependant que par la suite. Sa période de films parlants, qui
compte presque tous ses chefs d’œuvres, fut difficile. Dreyer était en avance sur son temps tout en
ayant un style très personnel, que le public ne suivit pas toujours. Il connut ainsi des échecs
commerciaux et quelques traversées du désert pendant lesquels il retourna au journalisme ou tourna
des courts-métrages de commande. Ce perfectionniste consommé ne produisit en fin de compte
que 14 longs-métrages en plus de 50 ans de carrière, dont 5 films parlants en 30 ans.
Tout d‘abord journaliste, Dreyer fut ensuite engagé par la société de films Nordisk où il occupa de
nombreux postes, de la rédaction d’intertitres1 au scénario en passant par le montage. Dès son
premier long métrage, il fait montre d’une grande maîtrise et d’idées personnelles, notamment
concernant le choix des acteurs. Il tourne d’abord des comédies, au rythme d’une par année ; cela lui
vaut une invitation à tourner en France le dernier film de sa période muette. Le résultat, La Passion
de Jeanne d’Arc, marque un tournant dans son œuvre. Grand succès public, il demeure encore
aujourd’hui un film phare du cinéma muet. Si le danois s’y montre influencé par le montage de
prédécesseurs comme Griffith ou Eisenstein, et par l’esthétique des expressionnistes allemands, les
éléments de son style cinématographique sont également présents : des décors dépouillés et
réalistes ; des acteurs choisis pour leurs traits en fonction des caractéristiques psychologiques de leur
personnage. Le film est destiné à être sonorisé, et le tournage se fait en fonction, mais la technique
ne suit pas et La Passion de Jeanne d’Arc sera muet. Il résulte de tous ces éléments une œuvre à part,
entre réalisme et expressionisme, à l’esthétique unique.
En 1932 Dreyer tourne Vampyr, un film fantastique commandé et financé par le baron Nicolas de
Gunzburg, qui joue le rôle principal sous le nom de Julian West. A nouveau, cette réalisation aux
images fantomatiques et désincarnées n’a pas d’égale dans l’histoire du cinéma et sert encore de
référence aujourd’hui. Le public cependant ne comprend pas le film et Dreyer va traverser la
décennie suivante sans tourner de long-métrage. En 1943, il réalise Jour de colère, dont les thèmes
rappellent La Passion de Jeanne. Malgré une esthétique somptueuse, le film ne trouve pas son
public. En 1955, Dreyer adapte une pièce de Kaj Munk, Ordet (La Parole), qui connait un succès
critique et obtient le Lion d’Or au festival de Venise. Son dernier opus, Gertrud, le magnifique
portrait d’une femme et de son idéal amoureux, ne sera pas bien accueilli malgré sa grande qualité.
Dreyer mourra avant de pouvoir réaliser son grand projet : une vie de Jésus.
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Plan cinématographique assez bref, contenant uniquement du texte, intercalé au montage à l'intérieur
d'une scène. Dans le cinéma muet, les intertitres indiquaient le dialogue.
1
Qu’il s’agisse de Gertrud, de Jeanne ou de Inger dans Ordet, le cinéma de Dreyer est rempli de
magnifiques portraits féminins, des femmes résilientes et exceptionnelles. Le cinéaste danois
s’intéresse au statut social de la femme et aux difficultés de sa condition dans une société
patriarcale. Bien qu’ayant un intérêt certain pour des thématiques spirituelles, Dreyer n’est pas le
cinéaste du religieux. Il s’intéresse aux sujets historiques et s’attache à capter l’essence de la
souffrance humaine. On parlera par la suite de réalisme métaphysique pour décrire son cinéma ;
c’est-à-dire une capacité à traduire en image le lien existant entre les aspects métaphysiques et
corporels de l’expérience humaine.
2. Contexte historique
2.1 La Guerre de Cent Ans
On peut décomposer la guerre de Cent Ans en deux phases, au cours desquelles, par deux fois, la
monarchie française s’effondre avant de se rétablir– pour finir par gagner la guerre. Ces périodes
vont de 1337 à 1380 et de 1415 à 1453 ; une trêve faite de conflits internes les sépare.
Au début du 14e siècle, la France est une grande puissance démographique. La population augmente
et le royaume s’étend. Le clergé joue un rôle primordial dans cette société. Les nobles, régis par les
principes de chevalerie, doivent justifier leur raison d’être en protégeant le peuple sur le champ de
bataille. La pratique de la rançon en fait une profession lucrative et accessible à tous ; l’armée est
donc une puissance importante en France à cette époque. Mais les campagnes deviennent
surpeuplées et les ressources diminuent petit à petit. Malgré cette expansion du royaume, les
Anglais possèdent encore des territoires au sein de la France : la Guyenne, une province au SudOuest, faisant du roi d’Angleterre un vassal du roi de France.
L’Angleterre est beaucoup moins peuplée et se distingue par sa production de laine de qualité. Au
13e siècle, elle perd la plupart des territoires qu’elle possède au sein des terres françaises et dont elle
a besoin pour son économie, à savoir l’Anjou, la Normandie, le Maine, le Poitou, l’Aquitaine, le
Limousin. Depuis deux siècles Plantagenêts et Capétiens luttent pour la partie Ouest de la France.
Une guerre commencée au 12e siècle, et qui se termine par la reprise de la plupart de ces territoires
par les français, ne laissant aux anglais que le territoire de Guyenne. Si la Guyenne, les Flandres et
l’Ecosse sont le sujet des tensions entre les deux pays, la descendance des Capétiens est aussi un
enjeu du conflit dès la mort de Charles IV. Car Edouard III, roi d’Angleterre mais également petit-fils
de Philippe le Bel, peut revendiquer la couronne de France, mettant les Capétiens en danger.
Au cours d’une période, allant de 1337 à 1364, Edouard III d’Angleterre gagne une série de combats
contre les français. Une guerre civile a lieu en France, affaiblissant encore le pays. Le traité de
Brétigny en 1360 permet de libérer Jean le Bon mais la France doit céder de nombreux territoires aux
Anglais. De 1364 à 1380, Charles V, qui comprend l’importance fondamentale du sentiment national
naissant, commence à reconquérir petit à petit les territoires perdus.
Lorsqu’il meurt en 1380, son fils Charles VI est encore trop jeune pour régner, ce qui affaiblit le
royaume de France. De 1380 à 1435, les ducs de Bourgogne et d’Orléans s’opposent et la guerre
civile déchire le pays, déstabilisé en l’absence d’un vrai chef, étant donné que Charles VI souffre de
crises mentales et ne gouverne que par intermittence.
Henri V d’Angleterre en profite pour attaquer à nouveau et reconquérir des territoires en France. Les
Français perdent la bataille d’Azincourt en 1415. En 1419, les Bourguignons s’allient avec les Anglais
suite à l’assassinat de leur duc, Jean sans Peur. Le traité de Troyes nomme Henri V d’Angleterre et
ses descendants les héritiers de la couronne de France ; le dauphin Charles est déshérité.
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Mais en 1429, Jeanne d’Arc entre en scène, chasse les Anglais d’Orléans et d’autres villes, et oeuvre
au couronnement de Charles VII à Reims. De 1429 à 1453, Charles VII va reconquérir les territoires
perdus et chasser les Anglais de France. Le traité d’Arras signe la fin de la guerre civile entre
Armagnacs et Bourguignons, mettant fin à l’alliance de ces derniers avec les Anglais. La paix est
signée en 1475 lors du traité de Picquigny, sous Louis XI et Edouard IV.
2.2 Personnages principaux du film
- Jeanne d’Arc :
Née vers 1412 à Domrémy en Lorraine, Jeanne d’Arc meurt sur le bûcher en 1431 à Rouen, capitale
du duché de Normandie alors sous le régime anglais. Elle vit et meurt donc au cours de la Guerre de
Cent Ans. L’appellation Pucelle d’Orléans date du 16e siècle.
Jeanne est issue d’une famille paysanne modeste. Elle est décrite comme très pieuse ; à 13 ans elle
entend des voix, celles de saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite. Ces manifestations lui
donnent pour mission de délivrer la France des Anglais et de faire couronner le dauphin Charles. Elles
rejoignent une prophétie existante dans sa région selon laquelle une pucelle de Lorraine sauverait la
France. Elle est tellement convaincue par ces apparitions qu’elle n’aura de cesse de les réaliser.
Jeanne annonce quatre événements : la libération d’Orléans, le sacre du roi à Reims, la libération de
Paris et la libération du duc d’Orléans. Elle se rend à deux reprises chez le seigneur local, Robert de
Baudricourt, duquel elle obtient finalement une lettre d’introduction au dauphin. Elle se rend ensuite
auprès de celui-ci, déguisée avec des habits masculins et une coupe de cheveux au bol, coupe qui
sera appelée plus tard à la Jeanne d’Arc.
Elle convainc également le dauphin, et après quelques vérifications sur sa personne, Charles lui
permet d’aller à Orléans. Précédée de sa réputation, elle obtient la levée du siège. Elle participe
ensuite à plusieurs batailles victorieuses et pousse le dauphin à traverser les territoires occupés par
les Anglais et les Bourguignons pour être sacré roi à Reims, contribuant à inverser le cours de la
guerre de Cent Ans. Elle essaie ensuite de pousser jusqu’à Paris mais sera blessée. L’argent et les
vivres faisant défaut, le roi lui demande de se replier vers la Loire où il dissout l’armée. Jeanne
continuera à lutter de manière indépendante, sans grand succès. A la fin de 1429, elle se rend à
Compiègne, assiégée par les Bourguignons. Ceux-ci la capturent en 1430 et la vendent aux Anglais
pour 10 000 livres. Les Anglais la remettent à Pierre Cauchon, évêque de Beauvais à leur solde.
Accusée d’hérésie, elle sera jugée par le pouvoir ecclésiastique dans un procès s’étendant sur trois
mois environ. Le procès dure car ils ne trouvent pas de raisons valables pour la condamner.
Finalement, des chefs d’accusation seront invoqués, dont en premier lieu l’invocation mensongère
de révélations divines. Sa demande de recours au Pape est ignorée. Sous la menace, elle abjure, puis
se rétracte rapidement. Elle sera brûlée vive le 30 mai 1431.
Par la suite, le pape Calixte III autorisera une révision du procès, suivie par un deuxième procès en
1456 qui réhabilite Jeanne. Les minutes des deux procès ont été conservées, ce qui fait de Jeanne
d’Arc une des personnalités les mieux connues du Moyen Age. Elle est béatifiée en 1909.
- Le Dauphin Charles :
5e roi de la branche des Valois, de la dynastie capétienne, il est le fils de Charles VI, dit Charles le Fol.
Né en 1403, il règnera sous le nom de Charles VII de 1422 à sa mort en 1461. Sa légitimité en tant
que successeur au trône sera mise en doute et Henri V d’Angleterre cherchera à occuper le trône de
France à sa place. Le nom de Charles VII est lié pour toujours à celui de Jeanne d’Arc qui le rétablira,
lui le dauphin, comme héritier et vrai roi de France.
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Charles est devenu dauphin à l’âge de 14 ans suite aux décès de ses deux frères ainés. Son existence
est modelée par les luttes internes au pays d’une part, et par la guerre de Cent Ans d’autre part. Son
père, le roi Charles VI, est sujet à des crises de folie et ne dirige le pays que par intermittence. La
mère du dauphin, Isabeau de Bavière, prend la régence, guidée par Jean sans Peur, duc de
Bourgogne. Pour la contrôler, Charles la fait mettre en résidence surveillée à Tours, ce qu’elle ne lui
pardonnera pas. Une guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs déchire la France à partir de
1407, lorsque Louis d’Orléans est assassiné par Jean sans Peur. Henri V, roi d’Angleterre, débarque
en Normandie, qu’il reconquiert, puis se dirige sur Paris. Après la défaite française à Azincourt en
1415, qui signe la fin de la chevalerie française, Charles et Jean sans Peur tentent de se réconcilier
pour s’unir face aux Anglais. Mais Jean sans Peur sera assassiné lors de leur entrevue, probablement
en représailles de Louis d’Orléans. Le dauphin Charles sera accusé du meurtre et déchu de tous ses
droits. Le fils de Jean sans Peur, Philippe le Bon, s’allie aux Anglais. En 1420, Charles VI signera le
traité de Troyes qui accorde la couronne de France à Henri V et à ses descendants; pour honorer les
termes du contrat, ce dernier épousera la fille de Charles VI, Catherine de Valois. Mais Henri V
décède peu après, suivi par Charles le Fol en 1422. Une grande partie de la noblesse française n’est
pas d’accord avec le traité, qui spolie l’héritier légitime au profit d’un étranger. A cette période,
l’Angleterre occupe tout le sud-ouest de la France ainsi que la plupart des régions du Nord. Le
dauphin reprend le contrôle de certains territoires tenus par les Anglais, puis reperd à nouveau du
terrain. C’est à ce moment-là, en 1429, que Jeanne vient le voir et lui fait part de sa mission de
« l’aider à bouter les Anglais hors de France ». L’intervention de la jeune femme sera décisive : elle
remotive le dauphin et donne foi à ses troupes et au peuple. Forte de ses convictions, elle reprend
Orléans et œuvre pour que le dauphin soit sacré à Reims, où il sera couronné Charles VII. Jeanne
essaie de l’entraîner à libérer Paris, mais il ordonnera le repli de l’armée sur la Loire avant de la
dissoudre par manque de financements. Jeanne partira de son côté libérer Compiègne, où elle sera
capturée avant d’être jugée à Rouen et brûlée vive.
En 1435, Charles VII signe la paix d’Arras avec les Bourguignons, mettant fin à la guerre civile entre
Armagnacs et Bourguignons. En 1438, il s’impose comme chef de l’Eglise par la Pragmatique Sanction
de Bourges. Au cours des années suivantes, il va réformer l’armée en France en interdisant d’abord
les compagnies d’armes libres (ordonnance d’Orléans) pour former une armée royale, soumise à un
règlement, qui deviennent des unités militaires permanentes connues sous le nom de « compagnies
d’ordonnance ». Financée par un impôt imposé aux seigneurs, l’armée va gagner en efficacité et faire
moins de dégâts. Charles VII continue à se battre, tout d’abord pour réprimer la révolte de certains
vassaux, connue sous le nom de Praguerie et dont son fils fait partie. Il va ensuite reprendre la
Normandie et libérer Rouen en 1449, avant de reprendre la Guyenne en 1453 après 2 ans de bataille,
mettant ainsi fin à la guerre de Cent Ans. Il devient ainsi Charles VII le Victorieux. Il mourra en 1461
et son fils Louis XI lui succèdera.
2.3 Chronologie
1337 : Début de la Guerre de Cent Ans, qui oppose l’Angleterre à la France - les Plantagenêt aux
Valois.
1346 : Bataille de Crécy, qui se solde par une cuisante défaite française.
Calais passe aux mains des Anglais. La légitimité du roi Philippe VI de Valois est remise en
question.
1349 : La peste noire ou Grande Peste oblige à stopper la guerre jusqu’en 1355.
1350 : Jean II le Bon prend la succession de son père.
1356 : Défaite des Français à Poitiers, où Jean le Bon est fait prisonnier.
Le dauphin Charles V se fait nommer régent.
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1358 : Début de la grande Jacquerie : les paysans se soulèvent contre la noblesse ; le pays est en
proie à la guerre civile. Charles II de Navarre, dit Charles le Mauvais, réprime la révolte mais
en s’alliant aux Anglais dans une volonté de prendre la couronne.
1360 : Le traité de Bretigny permet la libération de Jean le Bon mais la France perd un tiers de ses
territoires. La trêve durera 9 ans.
1364 : Jean le Bon meurt.
1364-1380 : lente reconquête des territoires français par Charles V.
1380 : Début du règne de Charles VI de France, aussi connu sous le nom de Charles le Fol.
1392 : Début des crises de folie de Charles VI.
1407 : Jean sans Peur, duc de Bourgogne, fait assassiner Louis 1er duc d’Orléans (frère du roi et
gendre du duc d’Armagnac) ; la guerre civile reprend en France entre Armagnacs et
Bourguignons.
1412 : Naissance de Jeanne d’Arc à Domrémy (Lorraine).
1415 : Henri V d’Angleterre profite de la guerre civile et débarque en Normandie.
Les français perdent la bataille d’Azincourt, où ils sont décimés par les archers anglais
pourtant moins nombreux.
1417 : Henri V relance ses attaques et prend la Basse-Normandie.
1419 : Henri V prend Rouen et marche sur Paris. Le dauphin Charles et Jean sans Peur doivent se
réconcilier pour faire face aux Anglais. Mais Jean sans Peur est assassiné au cours de la
rencontre. Son fils, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, s’allie alors aux Anglais.
1420: Le dauphin Charles, héritier du roi de France Charles VI, est nié dans tous ses titres pour avoir
participé au meurtre de Jean sans Peur ; dans les faits il garde le gouvernement du sud de la
France.
Signature du Traité de Troyes qui reconnaît Henri V, roi d’Angleterre, comme héritier et
régent de France. Charles VI, du fait de son instabilité mentale, ne dirige pas directement le
pays. Henri V est soutenu par Philippe le Bon, mais aussi par l’université de Paris dirigée par
Pierre Cauchon.
Henri V épouse Catherine de Valois, fille de Charles VI et prend tout de suite la régence.
1422 : Henri V meurt deux mois avant son beau-père Charles le Fol, ce qui l’empêche d’être
couronné roi de France. Son fils, Henri VI, âgé de 10 mois, est proclamé roi de France et
d’Angleterre.
Pierre Cauchon, maintenant évêque de Beauvois, devient conseiller du roi d’Angleterre, et
par la suite du duc de Bedford.
1425 : Premières manifestations mystiques de Jeanne, qui entend les voix de Saint Michel, sainte
Marguerite et sainte Catherine
1428 : Les intrusions anglo-bourguignonnes menacent la Lorraine. Jeanne parle de ses expériences
mystiques à un oncle, qui l’emmène rencontrer Robert de Baudricourt, capitaine de
Vaucouleurs, la forteresse voisine de Domrémy, mais celui-ci la renvoie.
Le duc de Bedford, régent en France, met le siège devant la ville Orléans qui est encore fidèle
à Charles VII.
1429 : Domrémy est attaqué par les forces anglo-bourguignones.
Jeanne retourne à Vaucouleurs. Baudricourt finit par la prendre au sérieux et lui donne une
escorte de 6 hommes, dont Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, qui resteront avec elle
jusqu’au bout.
Une lettre de Baudricourt lui permet de rencontrer le dauphin Charles. Le dauphin l’autorise
à se rendre à Orléans, avec un convoi de ravitaillement.
Jeanne fait lever le siège d’Orléans.
Victoire de Patay (Loire). Jeanne persuade le dauphin de se rendre à Reims, au cœur du
territoire Bourguignon, où il est sacré roi de France sous le nom de Charles VII.
Jeanne essaie de reprendre Paris, mais est blessée dans l’attaque. Charles VII ordonne la
retraite vers la Loire, l’armée est dissoute.
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1430 :
1431 :
1435 :
1438 :
1439 :
1440 :
1449 :
1453 :
1455 :
1456 :
1458 :
1461 :
1475 :
1485 :
Jeanne prend la tête de sa propre troupe. Elle se rend à Compiègne, qui est assiégée par les
Bourguignons.
Jeanne d’Arc est capturée par Jean de Luxembourg à Compiègne et vendue aux Anglais pour
10 000 livres. Elle tentera de s’échapper deux fois.
Les Anglais remettent Jeanne d’Arc à la justice ecclésiastique et donc à Pierre Cauchon, allié
des Anglais. Son procès se tient du 21 février au 23 mai à Rouen, duché de Normandie sous
domination anglaise. Le 24 mai, suite à un simulacre de bûcher, Jeanne abjure. Le 26 mai elle
se rétracte et est prononcée relapse. Le 30 mai elle est brûlée.
La paix d’Arras est signée par Charles VII et le duc de Bourgogne.
La Pragmatique Sanction de Bourges fait de Charles VII le chef de l’Eglise de France.
Charles VII met en place des réformes, qui font de lui le seul à décider des compagnies
d’armes et qui octroient un impôt pour financer l’armée royale.
Début et répression de la Praguerie, une révolte de certains seigneurs (y compris de son fils,
le dauphin Louis) contre le roi.
Charles VII libère Rouen et la Normandie.
Libération de la Guyenne après deux ans de lutte.
La guerre de Cent Ans prend fin, gagnée par la France.
Avec la fin de la guerre, les droits sur le trône d’Henri VI sont définitivement révoqués.
Début de la guerre des Deux-Roses en Angleterre.
Révision du procès de Jeanne d’Arc ordonnée par le pape Calixte III.
Seconde révision du procès de Jeanne d’Arc, qui la réhabilite entièrement.
Avec la libération de Calais, les Anglais sont définitivement boutés hors de France.
Le roi Charles VII meurt et son fils Louis XI lui succède.
Signature du traité de Picquigny (Picardie) entre le roi de France Louis XI et Edouard IV
d’Angleterre, qui met une fin définitive à la guerre de Cent Ans.
Fin de la guerre des Deux-Roses en Angleterre.
1909 : Béatification de Jeanne d’Arc.
1920 : Canonisation de Jeanne d’Arc.
3. Questions aux élèves : clés de lecture pour le visionnement
 Quels sont les parallèles entre la passion du Christ et celle de Jeanne d’Arc ? comment le
réalisateur souligne-t-il ces parallèles dans le film?
 Décrivez le cadrage des scènes et les gros plans sur les visages ; décrivez le travail sur la
lumière et sur les ombres. Comment est-ce que ces effets visuels influencent vos
impressions, votre ressenti, le récit ?
 Décrivez le montage des plans et des séquences. Quel(s) rythme(s) est-ce que le montage
donne au film ? Que raconte l’assemblage des séquences ?
 L’histoire de Jeanne d’Arc fait-t-elle encore écho aujourd’hui ? Est-il possible de rapporter ce
qu’elle vit durant son procès à des situations de la vie quotidienne ? (résistance passive face
à un pouvoir oppresseur, jugement, incompréhension, intolérance, trahison, manipulation,
complot, violence, injustice…)
 Son sort aurait-il été différent s’il ne s’agissait pas d’une femme ? Est-il légitime qu’elle soit
jugée uniquement par des hommes ? Y a-t-il abus de pouvoir de leur part ?
 Que pensez-vous d’un tribunal d’Inquisition ? La religion a-t-elle sa place dans les affaires de
justice ? Peut-on condamner quelqu’un pour sa croyance ?
 La torture comme moyen d’aveu est-elle justifiable ? Que pensez-vous de la peine capitale ?
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4. Pistes pédagogiques pour l’enseignant
4.1 Contexte et esthétique du film, transcendance et immanence
La Passion de Jeanne d’Arc est un film de référence du cinéma muet. Tourné pour être un film
parlant, la technique s’avère en fin de compte ne pas être encore au point. Cette absence de parole
et de sonorisation renforce l’intensité de l’image, elle-même décuplée par la succession de gros plans
sur les visages. Le résultat est une œuvre hybride, tout à fait à part dans l’histoire du cinéma. Comme
pour rajouter au mythe, une copie du montage original fut miraculeusement retrouvée en 1981 dans
un hôpital psychiatrique en Norvège.
La Passion est un film à part à tous points de vue. Pour la première fois, un film retrace le procès de
la Pucelle et non ses batailles, en se basant sur les minutes2 du procès– Jeanne est en effet l’un des
personnages les plus documentés du Moyen Age. Dreyer, frappé par la force et la simplicité des
réponses de la jeune femme, décide de se baser uniquement sur les interrogations, en les
condensant dans le temps et sur le sujet de la foi. Ce faisant, il rompt avec l’aspect historique de la
vie de Jeanne en se centrant sur la dernière partie de sa vie, et il s’éloigne de l’image légendaire pour
s’intéresser à la jeune femme. Car l’image de Jeanne d’Arc est iconique et multiforme. Elle est tout à
la fois bergère illettrée, guerrière légendaire en armure, innocente manipulée par les grands de ce
monde. En se basant sur les minutes, Dreyer se rapproche de la réalité de l’être humain, une jeune
femme simple et pieuse, intelligente et déterminée. En s’approchant de sa vérité, il s’éloigne de ses
aspects de légende pour révéler ses émotions, ses ressentis, sa spiritualité.
Pour interpréter la Pucelle d’Orléans, Dreyer choisit une actrice de boulevard, Renée Falconetti, au
lieu d’une star du cinéma. Influencé par le travail d’Eisenstein, il s’attache à détailler les visages dans
des gros plans. Fait inhabituel, les scènes sont tournées chronologiquement, on voit donc le visage
de Falconetti évoluer au fur et à mesure du tournage et du récit. La nudité des visages fascine
Dreyer, et l’actrice ne sera pas maquillée. Le surréalisme et le cinéma impressionniste français, dans
lequel le langage visuel est primordial, sont également des sources d’inspiration, de même que
l’expressionnisme allemand. Le chef décorateur du film est d’ailleurs Hermann Warm, qui réalisa le
décor du Cabinet du Dr Caligari (1920), un film phare du cinéma expressionniste.
Le film se caractérise par une abondance de gros plans. Chaque expression est magnifiée, perçue,
enregistrée par cette esthétique de la subjectivité. Les visages deviennent ainsi des portes sur l’âme,
sur les sentiments et les croyances des êtres. Ils sont révélateurs de la psychologie des personnages ;
la caméra adopte les points de vue et traduit des images mentales. Dreyer a dit du travail de son chef
opérateur sur La Passion de Jeanne d’Arc : « Rudolf Maté, qui dirigeait la caméra, comprenait les
exigences de la psychologie dramatique des gros plans, et il m’a donné cela même qui représente ma
volonté, mon sentiment, ma pensée : de la mystique réalisée3. »
Dans ce film, il y a également un important travail sur la lumière et les ombres. Le visage de Jeanne
est lumineux, celui de ses juges reste dans l’ombre, indiquant la transcendance de l’une et
l’immanence des autres. L’angle de la caméra reproduit ce message, la jeune fille regardant vers le
haut, vers le ciel, et celui des prêtres tourné vers le bas. Les ombres, images résiduelles de ce qui est
tangible, montrent ce qui transcende l’incarnation ; le cadrage indique le hors champ, l’au-delà de la
perception humaine, l’espace de la transcendance. Les juges sont filmés sur le bord du cadre et le
centre de l’image est vide, en référence à l’absence de foi. Dreyer fait un parallèle entre la Passion de
Jeanne et la Passion du Christ : souffrances ou chemin de croix, moqueries, abus de pouvoir, et mise
à mort. La vraie croyance n’est pas du côté de l’institution religieuse mais dans la simplicité et
l’authenticité de l’âme tournée vers Dieu.
2
Les minutes sont l’original d'un acte notarié ou d'un jugement qui doit être conservé par le notaire ou le
greffier du tribunal qui en délivrent des copies.
3 Carl Theodor Dreyer, « La mystique réalisée” », in Réflexions sur mon métier
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Ces choix visuels du réalisateur danois rendent les corps quasi palpables à l’écran ; un sentiment
d’oppression se dégage des images, traduisant l’emprisonnement de la sainte et le harcèlement
auquel elle est soumise. Ils expriment aussi la transcendance vécue par Jeanne. Comme Françoise
Haffner le décrit parfaitement dans son texte Du spirituel dans l’œuvre de Carl Theodor Dreyer4 :
« l'émotion du spectateur trouve sa sublimation dans la contemplation. Dreyer établit ainsi le seul
lien possible entre une telle œuvre et le spectateur. Elle naît dans la conscience du spectateur de la
même manière que le monde extérieur dans le regard de Jeanne. La compréhension du spectateur
doit procéder de la vision intérieure ; le spectateur doit réaliser lui aussi (sur le mode esthétique, cela
s'entend) la mystique. »
4.2 Jeanne d’Arc, icône
Très admirée de son vivant, Jeanne devient rapidement une légende, en France et au delà –
notamment en Angleterre où ironiquement, elle est devenue une personnalité féminine célèbre de la
littérature anglaise. Elle a inspiré de nombreuses œuvres de toute sorte, dont des films. La plupart
reprennent l’image d’Epinal de Jeanne, bergère de Lorraine un peu naïve; ou celle de la guerrière
héroïque ; la figure romantique de la fille du peuple utilisée et manipulée par les pouvoirs politiques ;
ou encore la martyre mythique de la foi catholique, devenue sainte. Elle sera oubliée pendant
plusieurs siècles, même dénigrée. Le culte de Jeanne revient en force au 19e siècle, avec la naissance
du patriotisme moderne mais aussi suite à la redécouverte des minutes de son procès. Jules Michelet
en fera une héroïne du peuple dans son ouvrage Jeanne d’Arc, et une figure décisive dans la
construction du sentiment national français. Comme toutes les figures mythiques, elle est le support
de toutes les projections. Est-elle une figure de gauche, une fille du peuple, comme le dit Michelet,
ou une figure de la droite nationaliste ? Est-elle une sainte ou est-elle l’une de nous ? Etait-elle une
bonne catholique ou a-t-elle essayé de se suicider en se jetant de la tour de Beaurevoir, sous
prétexte d’évasion ? Etait-elle une sorcière, comme le pensaient les Anglais de l’époque, ou une
exaltée, voire une folle ?
Le mérite de Dreyer, et de Bresson après lui, est de faire figurer à l’écran la femme, en se basant sur
ses propres mots lors de son procès, mettant en lumière l’être, une personne à qui l’on peut
s’identifier, une jeune femme avec sa foi, ses peurs, son intelligence.
Il semble certain que la prophétie régionale d’une jeune femme de Lorraine secourant la France a
auréolé Jeanne et a contribué au fait qu’elle finira par être écoutée par le seigneur local. La
révélation qu’elle lui fait et qui se révèle juste achèvera de le convaincre. A partir d’Orléans, la vie de
Jeanne est remplie d’anecdotes miraculeuses, reprises dans les minutes du procès, qui ont contribué
à forger la légende. Jeanne fait des prédictions qui se réalisent, par exemple lorsqu’elle retrouve une
épée sous l’autel de Sainte-Catherine, comme elle l’a prophétisé. La légende qui l’a rapidement
entourée et précédée a largement contribué à son influence. La dynamique psychologique était une
partie importante de la guerre, et Jeanne redonne du cœur aux combattants. Jusque-là ce sont les
Anglais qui possèdent l’avantage psychologique, avec leur réputation d’invincibilité, l’alliance avec la
Bourgogne, le traité de Troyes signé par le roi de France qui fait du roi d’Angleterre son successeur.
La population française était abattue et avait besoin de croire en quelqu’un, et Jeanne inverse la
tendance. Plus qu’une stratège militaire, elle représente la foi et l’espoir : elle encourage à se battre,
remonte le moral des soldats et du peuple, et insuffle son énergie à un dauphin découragé. Plus
encore, elle donne une légitimité au roi, montre que les Anglais peuvent être battus, et symbolise la
lutte de la France contre l’occupant. L’effet psychologique du sacre notamment est énorme, d’autant
que Reims se situe au cœur des territoires occupés par les Anglais. Le couronnement, dans ces
conditions, est interprété par beaucoup comme l’effet de la volonté divine. La légende de Jeanne
d’Arc est donc une partie cruciale de son histoire.
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In Echos de Saint-Maurice, 1972, tome 68, p. 181-195
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