Fiche de TD n°8 : Le service public - UFR droit

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Fiche de TD n°8 : Le service public - UFR droit
UFR Droit
UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES-SAINT-DENIS
DROIT ADMINISTRATIF (2)
Cours de M. Michel JUHAN
Séances de travaux dirigés assurées par :
MM. Denys DE BONNAVENTURE, Michel JUHAN et Jean LAINGUI
Fiche de TD n°8 :
Le service public
LICENCE DE DROIT
2ème année de LICENCE
2015-2016
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I) La notion de service public
A) Les critères d’identification du service public
Notion fondamentale du droit public, le service public est aujourd’hui une clé
nécessaire mais pas toujours suffisante pour expliquer l’existence du droit administratif et
justifier son application. En l’absence de texte précisant la qualification de service public, il
revient au juge administratif de définir les critères d’identification d’une activité de service
public, lorsqu’elle est prise en charge par une personne privée. Voir le Document n°1 : CE,
Sect., 28 juin 1963, Narcy, Rec. p.401 et req. n°43834, avec les précisions jurisprudentielles
apportées dans le document n°2 : CE 22 février 2007, APREI, Rec. p.92 et req. n°264541.
B) La distinction SPA/SPIC
La distinction entre les services publics administratifs (SPA) et les services publics
industriels et commerciaux (SPIC) a été consacrée par le Tribunal des conflits dans l’arrêt TC
22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain (GAJA). Souvent délicate à établir,
cette distinction repose – faute de qualification législative – sur plusieurs critères dégagés par
le Conseil d’Etat dans un arrêt d’Assemblée du 16 novembre 1956, Union syndicale des
industries aéronautiques, req. n°26549. Il arrive parfois que le juge fasse œuvre de
clarification. Voir le Document n°3 : CE 19 février 2009, Mlle Beaufils, req. n°293020.
C) Vers une pleine reconnaissance européenne des services public ?
Durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le service public français a paru
bien mal armé pour s’adapter aux exigences libérales des règles de l’Union européenne
relatives à la liberté de circulation des biens et services. Mais les directives et les traités
européens laissent désormais apparaître un réel rapprochement avec la conception française
du service public. Les protocoles ayant la même valeur juridique que le traité, on doit
considérer que les “SIG“ constituent à présent une catégorie juridique à part entière, intégrée
dans le droit primaire. Voir le Document n°4 : Protocole n°9 du Traité de Lisbonne (sur le
fonctionnement de l’Union européenne).
II) Les “lois“ du service public
Théorisées par le professeur Rolland dans les années vingt, les « lois » du service
public ont vocation à former un corps de règles communes à tous les services publics (en
raison de la mission d’intérêt général qui leur est confiée) et, d’une certaine façon, à préciser
le régime juridique qui leur est applicable.
A) Le principe de continuité
Le service public doit fonctionner continuellement, sans interruption intempestive, ce
qui suppose une conciliation du principe de continuité avec le droit de grève (CE, Ass., 7
juillet 1950, Dehaene, GAJA). V. le Document n°5 : CE, 11 juin 2010, Syndicat Sud-RATP
B) Le principe d’égalité
Découlant du principe d’égalité devant la loi et consacré avec l’arrêt CE du 9 mars
1951, Société des concerts du conservatoire (GAJA), il n’impose pas à l’administration de
traiter d’une manière identique tous les usagers du service public (Document n°6 : CE, Ord.,
23 octobre 2009, Commune d’Oullins, req. n°329076). Le principe d’une différenciation
tarifaire entre usagers a été posé dans l’arrêt CE, Sect., 10 mai 1974, Denoyez et Chorques).
2
C) Le principe de mutabilité
Le service public doit s’adapter aux variations de l’intérêt général. Conséquence : il
n’existe aucun droit acquis au maintien du service public, ni pour les usagers, ni pour le
personnel, ni pour le cocontractant de l’administration. Celle-ci peut donc unilatéralement
mettre fin à un service public, au nom de l’intérêt général, sauf si la loi rend obligatoire ce
service. Document n°7 : CE, Sect., 27 janvier 1961, Vannier, Rec. p.60.
EXERCICES :
1°) Fiches de jurisprudence des documents n°1, 2 et 6 + lire le document n°4
2°) Commentaire d’arrêt intégral :
CE, 15 octobre 2014, Confédération nationale des associations catholiques, req.
n°369965
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Document n°1 : CE, Sect., 28 juin 1963, Narcy
Requête du sieur Narcy, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision du ministre des
Finances en date du 18/12/1957, notifiée le 28 décembre suivant par le service de la solde du
commissariat de la marine à Paris, rejetant sa réclamation contre l'application faite à la solde de
réserve de la réglementation sur les cumuls et, en tant que de besoin, de la décision de rejet implicite
du secrétaire d'Etat aux Forces armées (Marine) de sa réclamation du 8 août 1957 dirigée contre une
précédente décision dudit secrétaire d'Etat du 26 juin 1957 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des
Finances et des Affaires économiques :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 juillet 1955, alors en vigueur, « la
réglementation sur les cumuls d'emplois, de rémunérations d'activités, de pensions et de
rémunérations s'applique aux personnels civils, aux personnels militaires, aux ouvriers et
agents des collectivités et organismes suivants... 4° organismes même privés assurant la
gestion d'un service public ou constituant le complément d'un service public sous réserve que
leur fonctionnement soit au moins assuré, pour moitié, par des subventions des collectivités
visées au 1° ci-dessus ou par la perception de cotisations obligatoires» ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que, depuis sa création, le fonctionnement du Centre
technique des industries de la fonderie a toujours été assuré pour plus de moitié par des
cotisations obligatoires et que notamment le pourcentage desdites cotisations dans les
ressources du Centre s'est élevé en 1957 et 1958 à 95 et 97.
Cons. qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 22 juillet 1948, les ministres compétents sont
autorisés à créer dans toute branche d'activité où l'intérêt général de commande, des
établissements d'utilité publique dits centres techniques industriel ayant pour objet, aux
termes de l'article 2 de la loi, «de promouvoir le progrès des techniques, de participer à
l'amélioration du rendement et à la garantie de la qualité de l'industrie » ; qu'en vue de les
mettre à même d'exécuter la mission d'intérêt général qui leur est ainsi confiée et d'assurer à
l'administration un droit de regard sur les modalités d'accomplissement de cette mission, le
législateur a conféré aux centres techniques industriels certaines prérogatives de puissance
publique et les a soumis à divers contrôles de l'autorité de tutelle ; qu'en particulier il ressort
des termes mêmes de l'article 1er de la loi précitée qu'il ne peut être créé dans chaque branche
d'activité qu'un seul centre technique industriel ; que chaque centre est investi du droit de
percevoir sur les membres de la profession des cotisations obligatoires ; que les ministres
chargés de la tutelle des centres techniques industriels pourvoient à la nomination des
membres de leur conseil d'administration e contrôlent leur activité par l'intermédiaire d'un
commissaire du gouvernement doté d'un droit de veto suspensif ;
Cons. qu'en édictant l'ensemble, de ces dispositions et nonobstant la circonstance qu'il à
décidé d'associer étroitement les organisations syndicales les plus représentatives des patrons,
des cadres et des ouvriers à la création et au fonctionnement des centres techniques
industriels, le législateur a entendu, sans leur enlever pour autant le caractère d'organismes
privés, charger lesdits centres de la gestion d'un véritable service public ;
Cons. que par application des prescriptions ci-dessus reproduites de l'art. 1er, 4e alin. du décret
du 11/7/1955, alors en vigueur, le personnel des centres techniques industriels est soumis à la
réglementation des cumuls ; que ladite réglementation a été appliquée à bon droit à la solde de
réserve d'officier de l'armée de mer du sieur Narcy, raison de l'emploi occupé par celui-ci au
Centre technique des industries de la Fonderie, lequel est entièrement régi par les dispositions
de la loi du 22 /7/1948 ; dès lors, sa requête ne peut être accueillie ; (Rejet avec dépens).
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Document n°2 : CE, Sect., 22 février 2007, APREI
(…)
Vu la requête sommaire et les observations complémentaires, enregistrées les 13 février et 2
novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées pour
l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT DES ETABLISSEMENTS POUR
INADAPTES (A.P.R.E.I.), dont le siège est 2 A, boulevard 1848 à Narbonne (11100),
représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION DU PERSONNEL RELEVANT
DES ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler
l'arrêt du 19 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant
droit à l'appel formé par l'Association familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux
de l'Aude (A.F.D.A.I.M.), a d'une part annulé le jugement du magistrat délégué par le
président du tribunal administratif de Montpellier en date du 27 janvier 1999 en tant que ce
jugement a annulé le refus de l'A.F.D.A.I.M. de communiquer à l'A.P.R.E.I. les états du
personnel du centre d'aide par le travail La Clape, d'autre part a rejeté la demande présentée
par l'A.F.D.A.I.M. comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; 2°)
statuant au fond, d'annuler le refus de communication qui lui a été opposé par l'A.F.D.A.I.M. ;
3°) de mettre le versement à la SCP BOULLEZ de la somme de 2 000 euros à la charge de
l'A.F.D.A.I.M. au titre de l'article L. 761-1 du code de juridiction administrative ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 75-535 du 30
juin 1975 ; Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Considérant
que
l'ASSOCIATION
DU
PERSONNEL
RELEVANT
DES
ETABLISSEMENTS POUR INADAPTES (A.P.R.E.I.) a demandé communication des états
du personnel d'un centre d'aide par le travail géré par l'Association familiale départementale
d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (A.F.D.A.I.M.) ; que le magistrat délégué par le
président du tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 27 janvier 1999,
annulé le refus de communication opposé par l'A.F.D.A.I.M et enjoint à cette dernière de
communiquer les documents demandés dans un délai de deux mois à compter de la
notification de son jugement ; que l'A.P.R.E.I. demande la cassation de l'arrêt de la cour
administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2003 en tant que la cour a d'une part
annulé le jugement du 27 janvier 1999 en tant que ce jugement est relatif au refus de
communication opposé par l'A.F.D.A.I.M., d'autre part rejeté sa demande comme portée
devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre
administratif, social et fiscal, dans sa rédaction alors en vigueur : « sous réserve des
dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux
personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des
collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit
privé, chargés de la gestion d'un service public » ;
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Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu
reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui
assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette
fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ; que,
même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée,
dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à
l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son
fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour
vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a
entendu lui confier une telle mission ;
Considérant qu'aux termes de l'article 167 du code de la famille et de l'aide sociale alors en
vigueur : « les centres d'aide par le travail, comportant ou non un foyer d'hébergement, offrent
aux adolescents et adultes handicapés, qui ne peuvent, momentanément ou durablement,
travailler ni dans les entreprises ordinaires ni dans un atelier protégé ou pour le compte d'un
centre de distribution de travail à domicile ni exercer une activité professionnelle
indépendante, des possibilités d'activités diverses à caractère professionnel, un soutien
médico-social et éducatif et un milieu de vie favorisant leur épanouissement personnel et leur
intégration sociale./ … » ; que les centres d'aide par le travail sont au nombre des institutions
sociales et médico-sociales dont la création, la transformation ou l'extension sont
subordonnées, par la loi du 30 juin 1975 alors en vigueur, à une autorisation délivrée, selon le
cas, par le président du conseil général ou par le représentant de l'Etat ; que ces autorisations
sont accordées en fonction des « besoins quantitatifs et qualitatifs de la population » tels qu'ils
sont appréciés par la collectivité publique compétente ; que les centres d'aide par le travail
sont tenus d'accueillir les adultes handicapés qui leur sont adressés par la commission
technique d'orientation et de reclassement professionnel créée dans chaque département ;
Considérant que si l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue
une mission d'intérêt général, il résulte toutefois des dispositions de la loi du 30 juin 1975,
éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu exclure que la mission
assurée par les organismes privés gestionnaires de centres d'aide par le travail revête le
caractère d'une mission de service public ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a
pas commis d'erreur de droit en estimant que l'A.P.R.E.I. n'est pas chargée de la gestion d'un
service public ; qu'ainsi l'A.P.R.E.I. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt
attaqué, qui est suffisamment motivé ; que ses conclusions tendant à la prescription d'une
mesure d'exécution et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE:
Article 1er : La requête de l'A.P.R.E.I. est rejetée.
Article 2 La présente décision sera notifiée à l'Association du personnel relevant des
établissements pour inadaptés, à l'A.F.D.A.I.M. et au ministre de la santé et des solidarités.
6
Document n°3 : CE 19 février 2009, Mlle Beaufils
(…)
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 24 août 2006
au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Alyette B, M. Yannick B
et Mme Jacqueline A, épouse B, demeurant ... ; Mlle B et M. et Mme B demandent au
Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a
rejeté leur requête tendant, premièrement, à l'annulation du jugement du 23 mai 2002 par
lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la
condamnation de la commune de Font-Romeu à réparer le préjudice subi par Mlle B du fait
de l'accident de ski dont elle a été victime le 30 décembre 1997, deuxièmement, à ce que la
commune de Font-Romeu soit condamnée à verser à Mlle B la somme de 1 953 596,93 euros,
assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2000, ou, subsidiairement, à ce qu'il
soit ordonné une expertise sur la situation de cette dernière et, dans cette hypothèse, à ce que
la commune soit condamnée à lui verser 1 817 192,20 euros et, d'ores et déjà, une provision
de 76 224,51 euros, troisièmement, à ce que la commune soit condamnée à verser la somme
de 312 786,29 euros à M. et Mme B au titre de leur préjudice matériel ou, subsidiairement, à
ce qu'il soit ordonné une expertise sur les dépenses occasionnées par l'accident litigieux, et à
ce que la commune soit condamnée à leur allouer une provision de 15 244,90 euros,
quatrièmement, à ce que la commune soit condamnée à verser les sommes de 15 245 euros à
M. B et 15 245 euros à Mme B en réparation de leur préjudice moral ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en
date du 23 mai 2002 et de condamner la commune de Font-Romeu à verser à Mlle B et à M.
et Mme B les sommes demandées ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Font-Romeu la somme de 8 000 euros au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que, pour rejeter la requête de Mlle B et de M. et Mme B tendant, d'une part, à
l'annulation du jugement du 23 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a
rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Font-Romeu à réparer le
préjudice subi par Mlle B du fait de l'accident de ski dont elle a été victime le 30 décembre
1997 et, d'autre part, à ce que la commune de Font-Romeu soit condamnée à les indemniser
des préjudices qu'ils ont subis du fait de cet accident, la cour administrative d'appel de
Marseille a, par un arrêt en date du 6 février 2006, retenu qu'aucune faute ne pouvait être
relevée à la charge du maire de la commune de Font-Romeu dans l'exercice de ses pouvoirs
de police et que la responsabilité sans faute de la commune ne pouvait pas être engagée sur le
fondement des dommages de travaux publics ; que Mlle B et M. et Mme B se pourvoient en
cassation contre cet arrêt ;
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Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6
février 2006 en tant qu'il statue sur la responsabilité de la commune pour carence dans
l'exercice de ses pouvoirs de police :
Considérant que l'arrêt attaqué comporte tous les éléments de fait et de droit sur lesquels s'est
fondée la cour administrative d'appel de Marseille pour juger que, le jour de l'accident
survenu à Mlle B, l'état de la piste n'était pas de nature à justifier sa fermeture aux skieurs et
n'imposait ni signalisation spécifique sur le lieu de l'accident ou au début des pistes ni, compte
tenu de sa déclivité et de sa largeur, pose de filets de protection sur ses abords ; que, par suite,
le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait insuffisamment motivé son arrêt
ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment
des procès-verbaux d'enquête et de l'ordonnance de non-lieu rendue le 8 décembre 1999 par le
vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Perpignan que, d'une
part, l'état de la piste le jour de l'accident aurait justifié sa fermeture aux skieurs ou aurait
nécessité une signalisation particulière sur le lieu de l'accident ou au début de la piste et que,
d'autre part, cette piste dite verte , c'est-à-dire accessible aux débutants et située dans un
secteur à déclivité réduite, aurait comporté un danger grave ou imprévisible nécessitant la
pose de filets de sécurité sur le bord de la piste et notamment au niveau du point de chute de
Mlle B ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la
cour administrative d'appel aurait commis une inexactitude matérielle quant à la localisation
de la signalisation relative à l'équipement réservé au surf situé au milieu de la piste, l'arrêt
s'étant borné à constater que la signalisation de cet équipement était placée soixante-dix
mètres en amont du point de chute de la victime ; que la cour administrative d'appel de
Marseille n'a pas dénaturé les faits en déduisant de ces circonstances qu'aucune faute ne
pouvait être relevée à la charge du maire de Font-Romeu dans l'exercice de ses pouvoirs de
police ; qu'elle n'a pas davantage procédé à une qualification juridique erronée des faits en
faisant une telle constatation ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il statue sur la responsabilité sans faute de
la commune pour défaut d'entretien de la piste de ski :
Considérant que l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur
sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski
est exploitée en régie directe par la commune ; qu'en raison de la nature juridique des liens
existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, lesquels sont
des liens de droit privé, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître d'un
litige opposant une victime à une commune en sa qualité d'exploitant de la station, que la
responsabilité de l'exploitant soit engagée pour faute ou sans faute ; que, dès lors, la
responsabilité sans faute de la commune pour défaut d'entretien et de mise en sécurité des
pistes de ski ne pouvait être recherchée que devant le juge judiciaire ; que la cour
administrative d'appel de Marseille a, par suite, méconnu les règles de répartition des
compétences entre les deux ordres de juridiction en estimant que la juridiction administrative
était compétente pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par Mlle B et par M. et
Mme B contre la commune sur le terrain des dommages de travaux publics ; qu'il y a donc
lieu d'annuler dans cette mesure l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans les limites
indiquées ci-dessus, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du
code de justice administrative ;
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Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la responsabilité de la commune en tant
qu'exploitant de la station de ski ne pouvait pas être recherchée devant le juge administratif ;
que, dès lors, le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 23 mai 2002
rejetant comme non fondée la demande d'indemnités de Mlle B sur le fondement de la
responsabilité sans faute de la commune est entaché d'incompétence et doit, pour ce motif,
être annulé dans cette mesure ; que la demande présentée par Mlle B sur ce fondement doit
être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune
de Font-Romeu, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que
demandent Mlle B et M. et Mme B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mlle B la
somme demandée devant le tribunal administratif par la commune de Font-Romeu à ce même
titre ;
DECIDE:
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 6 février 2006 et
le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 23 mai 2002 sont annulés en
tant qu'ils ont statué sur la responsabilité de la commune de Font-Romeu en sa qualité
d'exploitant de la station de ski.
Article 2 : Les conclusions indemnitaires de Mlle B dirigées contre la commune en tant
qu'exploitant de la station de ski sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction
incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de Mlle B et de M. et Mme B tendant à l'application des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Alyette B, à M. Yannick B, à Mme
Jacqueline A, épouse B, à la commune de Font-Romeu, à la Caisse primaire d'assurance
maladie d'Angers et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement
durable et de l'aménagement du territoire.
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Document n°4 : Traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’Union
européenne, Protocole n°9 sur les services d’intérêt général
LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,
SOUHAITANT souligner l’importance des services d’intérêt général,
SONT CONVENUES des dispositions interprétatives ci-après, qui sont annexées au traité sur
l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union:
Article 1 :
Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au
sens de l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union comprennent notamment :
- le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et
locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général
d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;
- la diversité des services d’intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au
niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques,
sociales ou culturelles différentes;
- un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l’égalité de
traitement et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs;
Article 2 :
Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats
membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt
général.
Document n°5 : CE 11 juin 2010, Syndicat Sud RATP
(…)
Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,
présentée par le SYNDICAT SUD RATP, dont le siège est 5 impasse Mousset à Paris
(75012) ; le SYNDICAT SUD RATP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction générale IG 529 d'octobre 2009 fixant les
modalités de participation à la grève ;
2°) de mettre à la charge de la Régie autonome des transports parisiens le versement de la
somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'en indiquant, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel
se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce
dans le cadre des lois qui le réglementent, l'assemblée constituante a entendu inviter le
législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont
la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut
être de nature à porter atteinte ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 2512-2 du code du travail, dont les
dispositions sont issues de l'article 3 de la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités
de la grève dans les services publics et sont applicables, selon l'article L. 2512-1, aux
personnels des entreprises et des établissements publics chargés de la gestion d'un service
public, la cessation concertée du travail en cas de grève doit être précédée d'un préavis déposé
par une organisation syndicale représentative ; qu'aux termes de l'article L. 2512-3 du même
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code dont les dispositions sont issues de l'article 4 de la même loi : En cas de cessation
concertée de travail des personnels mentionnés à l'article L. 2512-1, l'heure de cessation et
celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les
divers membres du personnel intéressé./ Sont interdits les arrêts de travail affectant par
échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories
professionnelles d'un même établissement ou service ou les différents établissements ou
services d'une même entreprise ou d'un même organisme ;
Considérant, d'autre part, que la loi du 21 août 2007, applicable en vertu de son article 1er aux
services publics de transport terrestre régulier de voyageurs à vocation non touristique, a
organisé une procédure obligatoire de prévention des conflits dans les entreprises chargées de
la gestion de ces services publics et complété les règles applicables au dépôt des préavis ; que
ses dispositions imposent aux autorités organisatrices de transport de définir les dessertes
prioritaires en cas de perturbation prévisible du trafic résultant notamment de faits de grève et
de déterminer différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation ;
qu'il appartient, en vertu de l'article 4 de cette loi, à chaque entreprise chargée de la gestion
d'un de ces services publics de transport d'élaborer un plan de transport adapté aux priorités
de desserte et aux niveaux de service définis par l'autorité organisatrice de transport, ainsi
qu'un plan d'information des usagers et de les soumettre à l'approbation de l'autorité
organisatrice de transport ; qu'en cas de carence de cette autorité, c'est au représentant de
l'Etat qu'il appartient, après mise en demeure, d'arrêter les priorités de desserte et d'approuver
ce plan de transport adapté et ce plan d'information ; qu'en vertu du I de l'article 5 de la loi du
21 août 2007, à défaut d'accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de
perturbation prévisible du trafic ou de grève, il incombe à l'employeur de définir un plan de
prévisibilité recensant, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les
catégories d'agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels, indispensables à
l'exécution de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté aux
priorités de desserte et aux niveaux de service définis par l'autorité organisatrice de transport ;
que selon le II de cet article 5, en cas de grève, les salariés relevant des catégories d'agents
indispensables à l'exécution de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport
adapté informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef
d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer ;
Considérant que les dispositions précitées du code du travail, qui imposent le dépôt d'un
préavis avant que les agents des services auxquels il s'appliquent ne puissent recourir à la
grève et interdisent à ces agents certaines modalités d'arrêt du travail, se bornent à opérer sur
deux points particuliers la conciliation entre la défense des intérêts des agents et la sauvegarde
de l'intérêt général ; que, de même, s'agissant des services publics de transport terrestre
régulier de voyageurs à vocation non touristique, la loi du 21 août 2007 ne traite que de points
particuliers, en ce qu'elle charge les entreprises investies de la gestion de ces services publics
ainsi que les autorités organisatrices de transport de déterminer par avance, en fonction des
priorités de desserte et des moyens disponibles, les conditions d'organisation du service dans
le cas où un service complet ne peut être assuré, notamment pour cause de grève, et impose
aux agents, pour permettre cette planification, de faire connaître leur intention de cesser le
travail au moins quarante huit heures avant de participer à la grève ; qu'il en résulte que ni les
dispositions précitées du code du travail, pour la généralité des services publics, ni celles de la
loi du 21 août 2007, pour les services publics de transport terrestre qu'elle régit, ne constituent
l'ensemble de la réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ;
Considérant qu'en l'absence de la complète législation annoncée par la Constitution, la
reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations
qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif
ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; qu'en l'état de la législation, il appartient ainsi
11
aux organes chargés de la direction d'un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs
généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, de déterminer les limitations
qui doivent être apportées à l'exercice du droit de grève dans l'établissement en vue d'en éviter
un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ;
Considérant que l'instruction générale IG 529 relative aux modalités de participation à la
grève à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) rappelle les modalités de
déclaration préalable qui avaient été préalablement fixées par l'instruction générale IG 519 et
impose aux agents de la Régie qui souhaiteraient rejoindre un mouvement de grève de le faire
à l'intérieur du préavis, à n'importe quelle prise de service mais exclusivement au début de la
prise de service ;
Considérant qu'en imposant ainsi aux agents de la Régie qui entendent rejoindre une grève de
le faire au début d'une des prises de service qui leur sont assignées par les décisions
déterminant l'organisation du service, le président-directeur général de la RATP a entendu
prévenir les risques de désorganisation qui résulteraient de l'interruption du travail en cours de
service par des agents décidant de rejoindre la grève après le début de leur service ; que la
limitation apportée à l'exercice du droit de grève qui en résulte est justifiée par les nécessités
du fonctionnement du service public de transport assumé par la RATP et vise à prévenir un
usage abusif du droit de grève ;
Considérant que, si les dispositions de l'article 5 de la loi du 21 août 2007, qui imposent aux
agents des services visés par cette loi de déclarer leur intention de participer à la grève au plus
tard quarante-huit heures avant de cesser le travail, n'obligent pas ces agents des services
publics à commencer de faire grève au début de la période couverte par le préavis, elles n'ont
ni pour objet ni pour effet de leur reconnaître le droit de commencer à participer à une grève à
n'importe quel moment qu'ils choisissent au cours de la période du préavis ; qu'il s'ensuit que
l'instruction attaquée a pu, sans méconnaître l'article 5 de la loi du 21 août 2007, imposer aux
agents de la Régie autonome des transports parisiens d'informer la Régie de leur intention de
rejoindre une grève au moins quarante-huit heures avant le début de la prise de service qu'ils
n'entendent pas assurer pour cause de grève ;
Considérant que la circonstance que la plupart des préavis déposés par les organisations
syndicales représentatives n'excèdent pas vingt-quatre heures et qu'en conséquence les agents
ne pourraient, en pratique, rejoindre une grève passé le début du service qui leur est assigné
pendant la durée du préavis est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'instruction attaquée ;
Considérant, enfin, que les termes de l'instruction générale attaquée ne méconnaissent, en tout
état de cause, aucune des règles fixées par l'article L. 2512-3 du code du travail, qui n'a ni
pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l'autorité chargée de la gestion d'un service
public de transport décide, compte tenu des nécessités de ce service, que la participation à la
grève n'est possible qu'au début d'une des prises de service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT SUD RATP n'est pas
fondé à demander l'annulation de l'instruction attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du
SYNDICAT SUD RATP le versement à la Régie autonome des transports parisiens d'une
somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux
conclusions présentées au même titre par le SYNDICAT SUD RATP ;
DECIDE:
Article 1er : La requête du SYNDICAT SUD RATP est rejetée.
12
Document n°6 : CE, Ord., 23 octobre 2009, Commune d’Oullins
(…)
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 7 juillet
2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES
CONSEILS DE PARENTS D'ELEVES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DU RHONE, et
Mme Clothilde B, demeurant ... ; la FEDERATION DES CONSEILS DE PARENTS
D'ELEVES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DU RHONE et Mme B demandent au Conseil
d'Etat d'annuler l'ordonnance du 5 juin 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal
administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution de la
délibération du 26 mars 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Oullins a
modifié le règlement du service de la restauration scolaire ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges des référés que, par une
délibération du 26 mars 2009, le conseil municipal de la commune d'Oullins a modifié le
règlement de la restauration scolaire pour les écoles de la commune en posant notamment le
principe selon lequel les enfants dont les deux parents travaillent, ainsi que ceux qui
bénéficient de dispositifs particuliers, pourront seuls manger à la cantine tous les jours, tandis
que les autres enfants ne pourront être accueillis qu'une fois par semaine, dans la limite des
places disponibles, sauf urgence ponctuelle dûment justifiée ; que la FEDERATION DES
CONSEILS DE PARENTS D'ELEVES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC DU RHONE et
Mme B se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 5 juin 2009 par laquelle le juge des
référés du tribunal administratif de Lyon, a rejeté leur demande tendant à la suspension de
l'exécution de cette délibération ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une
décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension
de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et
qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à
la légalité de la décision ;
Considérant qu'en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de
la délibération attaquée le moyen tiré de ce que cette délibération interdit illégalement l'accès
au service public de la restauration scolaire à une partie des enfants scolarisés, en retenant au
surplus un critère de discrimination sans rapport avec l'objet du service public en cause, le
juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par
suite, la FCPE et Mme B sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils
attaquent ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice
administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
13
Considérant en premier lieu que les requérantes font état de ce que la nouvelle réglementation
est applicable dès la rentrée scolaire 2009-2010 et qu'elle a des conséquences importantes
pour l'organisation et le budget des familles de la commune ayant des enfants scolarisés ;
qu'ainsi, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code justice administrative est
remplie ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée
interdit illégalement l'accès au service public de la restauration scolaire à une partie des
enfants scolarisés, en retenant au surplus un critère de discrimination sans rapport avec l'objet
du service public en cause est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur
la légalité de cette délibération ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen
de leur demande, que la FCPE et Mme B sont fondées à demander la suspension de
l'exécution de la délibération qu'elles attaquent ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la FCPE et de
Mme B, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la
commune d'OULLINS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge
de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la FCPE et Mme B
et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : L'ordonnance du 5 juin 2009 du juge des référés du tribunal administratif de
Lyon est annulée.
Article 2 : L'exécution de la délibération du 26 mars 2009 par laquelle le conseil municipal de
la commune d'Oullins a modifié le règlement concernant l'accès des enfants au service de la
restauration scolaire est suspendue.
Article 3 : La commune d'OULLINS versera à la FCPE et à Mme B 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Oullins au titre de l'article L. 761-1
du code de justice administrative sont rejetées.
14
Document n°7 : CE, Sect., 27 janvier 1961, Vannier
Requête du sieur Vannier, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté
interministériel en date du 26 avril 1956, allouant une somme de 20.000 francs aux
propriétaires de postes récepteurs de télévision 441 lignes en raison de la cessation des
émissions sur cette définition ;
Sur l'intervention du groupement de défense des téléspectateurs 441 lignes :
Considérant que le groupement susmentionné a intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, dès lors,
son intervention est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté déféré au Conseil d'Etat :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le secrétaire d'Etat à la
Présidence du Conseil chargé de l'Information :
Cons. que l'arrêté attaqué, pris le 26 avril 1956 par le ministre des Affaires économiques et financières,
le secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil chargé de l'Information et le secrétaire d'Etat au Budget,
a alloué aux propriétaires d'un appareil récepteur de télévision 441 lignes déclaré avant le 3 janvier
1956, une somme de 20.000 francs en raison de la cessation des émissions sur la définition
susmentionnée ;
Cons., d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les installations de l'émetteur 441 lignes de la Tour
Eiffel ont été mises hors d'usage par un incendie survenu le 3 janvier 1956 ; qu'eu égard au délai qui
eût été nécessaire pour la réparation desdites installations, la circonstance que les émissions ont été
interrompues en fait depuis le 3 janvier 1956 jusqu'au 26 avril 1956 ne saurait, en tout état de cause,
être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Cons., d'autre part, que les usagers d'un service public administratif n'ont aucun droit au maintien de
ce service ; qu'il appartient à l'administration de prendre la décision de mettre fin au fonctionnement
d'un tel service lorsqu'elle l'estime nécessaire, même si un acte réglementaire antérieur a prévu que ce
fonctionnement serait assuré, pendant une durée déterminée, à la condition, toutefois, que la
disposition réglementaire relative à cette durée soit abrogée par une mesure de même nature émanant
de l'autorité administrative compétente ; que, dans ces conditions, bien que l'article 2 d'un arrêté du
secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil, en date du 21 novembre 1948, ait prescrit le maintien en
exploitation jusqu'au 1er janvier 1958 de l'émetteur à moyenne définition desservant la région
parisienne, le ministre des Affaires économiques et financières, le secrétaire d'Etat chargé de
l'Information et le secrétaire d'Etat au Budget ont légalement décidé le 26 avril 1956, par l'arrêté
attaqué, la cessation des émissions du poste susmentionné, avant l'arrivée du terme fixé par l'arrêté
antérieur précité ; que, par suite, en édictant cette mesure, ils n'ont pas commis une faute de nature à
engager la responsabilité de l'Etat ;
Cons., enfin, qu'il est constant que le préjudice subi par les propriétaires d'appareils récepteurs de
télévision 441 lignes du fait de la décision légalement prise par les ministres intéressés, à supposer
qu'il ait été spécial, n'a pas présenté le caractère de gravité qui, en l'absence de fautes de
l'administration, pourrait seul avoir pour effet d'ouvrir à ces propriétaires droit à une indemnité à la
charge de l'Etat ;
Cons. que de tout ce qui précède, il résulte que ni l'interruption en fait des émissions 441 lignes du 3
janvier au 26 avril 1956, ni la décision prise à cette dernière date de mettre fin auxdites émissions,
n'ont pu engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, le sieur Vannier n'est pas fondé à soutenir
que l'arrêté attaquée aurait illégalement limité à 20.000 francs la réparation des préjudices différents
qu'auraient subis les usagers à la suite de la cessation des émissions dont s'agit ; ...(Intervention du
groupement de défense des téléspectateurs 441 lignes admise ; rejet de la requête du sieur Vannier).
15
Document n°8 : CE, 15 octobre 2014, Confédération nationale des
associations catholiques, req. n°369965
(…)
Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,
présentée par la Confédération nationale des associations familiales catholiques, dont le siège
est 28 place Saint Georges, à Paris (75009) ; la Confédération nationale des associations
familiales catholiques demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 janvier 2013 par laquelle le ministre de
l'éducation nationale a invité l'ensemble des recteurs de France à " relayer avec la plus grande
énergie la campagne de communication relative à la ligne azur, ligne d'écoute pour les jeunes
en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité sexuelle " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le code de l'éducation ;
(…)
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 4 janvier 2013, le ministre
de l'éducation nationale a notamment invité les recteurs " à relayer avec la plus grande
énergie, au début de l'année, la campagne de communication relative à la ''ligne azur'', ligne
d'écoute pour les jeunes en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité
sexuelles " ; qu'il était demandé aux recteurs de diffuser, dans le cadre d'une campagne
nationale d'information relative à la lutte contre les discriminations en milieu scolaire, et en
particulier à la lutte contre l'homophobie dans les établissements d'enseignement secondaire,
des affiches et des tracts portant la mention " Homo, bi, hétéro ' L'orientation sexuelle, ce n'est
pas toujours simple. Pour en parler tu peux contacter Ligne Azur " et renvoyant à une ligne
d'écoute téléphonique ainsi qu'au site internet de " Ligne Azur ", lequel contient des éléments
d'information sur la lutte contre l'homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation
sexuelle, des prises de position sur divers sujets relatifs à l'identité sexuelle, et des références
ou liens vers d'autres sites ou des documents externes ; que la Confédération nationale des
associations familiales catholiques demande l'annulation pour excès de pouvoir de la lettre
précitée en tant qu'elle invite les recteurs à relayer cette campagne de communication ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'éducation nationale :
2. Considérant que le ministre de l'éducation nationale soutient que la décision attaquée ne
ferait pas grief, celle-ci n'ayant qu'un caractère confirmatif, constituant un simple document
préparatoire à la lettre du 25 avril 2013 par laquelle a été lancée la campagne d'information de
" Ligne Azur ", et ne contenant pas de dispositions impératives à caractère général ;
3. Considérant, toutefois, en premier lieu, que la seule circonstance que la campagne
d'information relative à la " Ligne Azur " ait déjà eu lieu dans les établissements scolaires en
2011 et 2012 ne saurait conférer à la décision du ministre, qui n'était pas tenu de la réitérer, un
caractère purement confirmatif ;
4. Considérant, en second lieu, que si la lettre attaquée a été suivie, le 25 avril 2013, d'une
lettre accompagnée des documents servant de support à la campagne d'information sur la "
Ligne Azur ", elle n'appelait, selon ses termes mêmes, aucune mesure ultérieure et n'avait pas
ainsi, en tout état de cause, le caractère d'une simple mesure préparatoire ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la lettre attaquée que
celle-ci contient des dispositions impératives à caractère général, lesquelles sont susceptibles
de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
16
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le
ministre doivent être écartées ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du même code : " Les
écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur (...) assurent une
formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la
compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. (...) Les écoles, les collèges et
les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité
" ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 312-17-1 du même code : " Une information
consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes (...)
est dispensée à tous les stades de la scolarité " ; qu'en application de ces textes et en
complément de leur mission d'enseignement, les autorités chargées du service public de
l'éducation nationale doivent apporter aux élèves de l'enseignement public une information
relative à la lutte contre les discriminations fondées notamment sur l'orientation sexuelle,
information pour laquelle elles peuvent avoir recours à l'intervention d'associations
spécialisées en la matière ; que l'information ainsi apportée doit être adaptée aux élèves
auxquels elle est destinée, notamment à leur âge, et être délivrée dans le respect du principe
de neutralité du service public de l'éducation nationale et de la liberté de conscience des
élèves ;
8. Considérant que, s'il était loisible au ministre de lancer une campagne d'information
relative à la lutte contre l'homophobie en milieu scolaire, eu égard notamment à la
vulnérabilité des jeunes face aux violences homophobes, et d'inviter les recteurs d'académies
à favoriser l'action en milieu scolaire des associations qui luttent contre les préjugés
homophobes, il lui incombait, avant de lancer une campagne d'information telle que celle en
cause, de s'assurer que les éléments diffusés par le dispositif auquel il avait recours
respectaient les principes rappelés au point 7 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date
de la décision attaquée, à laquelle s'apprécie la légalité de cette décision, le site internet de "
Ligne Azur " présentait, l'usage de drogues comme susceptible de " faire tomber les
inhibitions " et comme " ''purement'' associé à des moments festifs " sans mentionner
l'illégalité de cette pratique, et définissait la pédophilie comme une " attirance sexuelle pour
les enfants ", sans faire état du caractère pénalement répréhensible des atteintes ou agressions
sexuelles sur mineurs ; qu'il renvoyait, en outre, à une brochure intitulée " Tomber la culotte
", laquelle incitait à la pratique de l'insémination artificielle par sperme frais, interdite par
l'article L. 1244-3 du code de la santé publique et l'article 511-12 du code pénal ; que même si
le site internet n'avait pas entendu faire preuve de complaisance à l'égard de tels
comportements, en la seule absence de mention du caractère illégal de ces pratiques, la
décision du ministre d'inviter les recteurs à relayer cette campagne portait atteinte au principe
de neutralité du service public de l'éducation nationale ; que si le contenu du site internet de la
" Ligne Azur " a été ultérieurement modifié pour faire cesser certains des manquements
mentionnés ci-dessus, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la
légalité de la décision attaquée, qui s'apprécie, ainsi qu'il a été dit plus haut, à la date de son
édiction ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les
autres moyens de la requête, la Confédération nationale des associations familiales
catholiques est fondée à demander l'annulation de la lettre précitée en tant qu'elle invite les
recteurs à relayer la campagne de communication de la " Ligne Azur ";
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
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10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat
la somme de 3 000 euros à verser à la Confédération nationale des associations familiales
catholiques au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : La lettre du ministre de l'éducation nationale en date du 4 janvier 2013 est
annulée en tant qu'elle invite les recteurs " à relayer avec la plus grande énergie, au début de
l'année, la campagne de communication relative à la ''ligne azur'', ligne d'écoute pour les
jeunes en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité sexuelles ".
Article 2 : L'Etat versera à la Confédération nationale des associations familiales catholiques
la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Confédération nationale des associations
familiales catholiques et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et
de la recherche.
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