un exil espagnol

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un exil espagnol
Un exil espagnol
UN EXIL ESPAGNOL
UN FILM DE ANNA FEILLOU
ET CYRIL TERRACHER
(France, 53 min, 2007, prod : Zangra)
DIFFUSÉ EN AQUITAINE PAR L’ACPA
SYNOPSIS
Francisco Serrano et José Rubiella avaient vingt ans quand la guerre d’Espagne a éclaté.
Membres de la Confédération Nationale du Travail anarchiste, ils rêvaient de liberté, de justice
et de partage entre les hommes. En 1939, la victoire de Franco les a contraints à un exil qu’ils
pensaient provisoire. “Fils des circonstances” José et Francisco ont vécu leur exil en France
comme une constante intranquillité. Après la mort de Franco en 1975, ils se sont sentis
étrangers dans leur propre pays et ont choisi de demeurer en France, où ils cultivent les
souvenirs de leur passé espagnol. Les deux vieux exilés ont conservé intactes les valeurs de
leur jeunesse. Ce film tente de comprendre comment l’identité de ces deux hommes plongés
dans la tourmente de l’Histoire s’est construite, entre idéaux, espoir et nostalgie.
ACPA [ Cinéquadoc ] - 7 rue des Poilus 33600 PESSAC - 05 56 12 08 87 – www.acpaquitaine.com
Un exil espagnol
NOTE D'INTENTION DES REALISATEURS
Quand nous avons commencé à travailler sur « Un exil espagnol », nous nous demandions
comment ces hommes qui, à l’instar des anciens combattants d’Afrique, n’avaient pas leur
place dans la mémoire collective française, vivaient ce statut d’ « oubliés de l’histoire ». Nous
pensions qu’ils devaient souffrir de cette absence de reconnaissance de la France envers eux.
Or, au cours de nos premiers entretiens avec quelques-uns d’entre eux, il nous est apparu que
ces vieux républicains espagnols avaient avant tout souffert de leur condition d’exilés, de cet
arrachement brutal et forcé à leur pays. Nos interrogations se sont alors déplacées vers la
façon dont ces hommes parvenus à l’automne de leur vie avaient vécu cet exil.
Francisco Serrano et José Rubiella, les deux personnages principaux de ce film, sont contraints
de quitter leur pays en février 1939 pour se réfugier en France avec des centaines de milliers
de leurs compatriotes, suite à la défaite du camp républicain en Catalogne. L’exil politique est
d’abord cet arrachement forcé à un territoire géographique. C’est la première blessure de
l’exilé.
Par la suite, le fait de vivre en marge de leur espace originel, signifie aussi que les exilés ne
participent plus à la vie quotidienne de leur pays, qu’ils n’habitent plus le présent de celui-ci.
Pour rendre cette situation supportable, les exilés vivent leur éloignement comme provisoire.
L’exil est vécu par eux comme passager, c’est un espace d’attente et d’espoir. Ainsi, durant la
période 1939-1945, l’espoir du retour semble permis, pour les républicains espagnols exilés,
par la perspective d’une victoire des démocraties alliées ; Francisco Serrano rejoint d’ailleurs la
résistance française dans l’intention de « libérer la France pour libérer l’Espagne ». Mais, à
partir de 1947, la reconnaissance du régime franquiste par les nations occidentales réduit leurs
espoirs à une peau de chagrin. Ils sont contraints de s’établir en France pour une durée
indéterminée : en l’absence de réconciliation nationale en Espagne, ils sont des indésirables
dans leur propre pays. Ils connaissent alors une douloureuse désillusion.
Ce n’est que 25 ans après leur départ que les exilés républicains espagnols peuvent se rendre
à nouveau dans leur terre natale sans craindre pour leur vie. Puis, en 1975, la mort de Franco
et la transition démocratique qui s’ensuit rendent enfin possible le retour définitif en Espagne
des exilés républicains. Cependant, l’Espagne des années 1970 n’est plus l’Espagne qu’ils ont
laissée derrière eux. Francisco Serrano et José Rubiella disent s’être sentis étrangers dans leur
pays d’origine, tout en restant des étrangers dans leur pays d’accueil. Quand le retour redevient
possible, les exilés peuvent certes abolir l’espace qui les sépare de leur territoire géographique,
mais ils ne peuvent en revanche abolir le temps qui a passé depuis leur départ. Le désir secret
de l’exilé est de revenir dans son pays tel qu’il l’a quitté. Ce retour tant rêvé s’avère impossible,
car on ne rattrape pas le temps perdu. Ainsi l’exil est-il confronté à la nostalgie, c’est-à-dire,
comme l’écrit Milan Kundera, « la souffrance causée par le désir inassouvi de retour ». Ainsi, la
« patrie » des exilés républicains espagnols n’existe plus que dans leur passé : c’est cette
Espagne de leur jeunesse, un territoire intime où il leur est impossible de revenir autrement que
par l’évocation de leurs souvenirs.
Comme beaucoup de leurs compatriotes de cet exil, ces hommes avant tout espagnols ont
choisi de finir leurs jours en France. Ainsi, Francisco Serrano vit aujourd’hui seul à Bordeaux,
entouré de ses livres d’histoire espagnole et de ses mémoires. Il s’est abonné au câble pour
regarder quotidiennement la télévision espagnole, mais refuse de rejoindre ses enfants et
petits-enfants qui se sont tous établis en Espagne. José Rubiella, quant à lui, prétend que son
corps « rajeunit de vingt ans » quand il revient en vacances dans son village natal, mais n’a pas
souhaité revenir s’installer dans la maison familiale qui appartient aujourd’hui à son neveu. Les
deux exilés affirment que l’Espagne d’aujourd’hui « n’est plus leur monde ».
Pourtant, au cours de nos entretiens avec Francisco Serrano et José Rubiella, il nous est
apparu que le passé de la II République Espagnole et de la guerre civile était encore bien
présent et vivant en eux. Ces hommes font sans cesse revivre ce passé, de différentes façons.
Ce sont de fervents lecteurs d’ouvrages historiques traitant de cette période. Ils sont toujours
affiliés aux syndicats espagnols de leur jeunesse, exilés en même temps qu’eux, et ils
reproduisent inlassablement les discussions politiques qui les mobilisaient dans les années
1930. Ils sont également membres d’associations qui perpétuent la mémoire des républicains
espagnols. Et Francisco Serrano rédige aujourd’hui les mémoires de ses années espagnoles et
des premières années de son exil pour ses enfants et petits-enfants. Pourquoi leur passé
espagnol est-il si présent dans la vie de ces hommes ?
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Un exil espagnol
Paul Ricœur a écrit que « le deuil (…) est comme un déliement, une à une, de toutes les
attaches qui nous font ressentir la perte d’un objet comme une perte de nous-mêmes ».
L’arrachement, le long éloignement, puis l’impossible retour à l’Espagne de leur jeunesse ont
été autant d’épreuves douloureuses pour les exilés républicains espagnols, et ils ont dû faire le
deuil de vivre en Espagne. En revanche, il nous semble qu’ils n’ont jamais fait le deuil de leur
passé, car leur identité est intimement liée à leurs années espagnoles. Ils ne peuvent oublier ce
« pays perdu » sans y perdre une part d’eux-mêmes.
Peut-être est-ce pour cela qu’ils font vivre la mémoire de « leur » Espagne, celle qu’ils n’ont pas
cessé de représenter dans l’exil.
Peut-être est-ce pour cela qu’ils sont toujours fidèles aux idéaux de leur jeunesse : les idées
sont sans doute la seule chose que l’on emporte avec soi et qui résiste à l’épreuve du temps.
Nous demanderons à Francisco Serrano et José Rubiella d’évoquer leurs souvenirs, et nous
tenterons de suggérer la façon dont ils se sont « arrangés » de leur passé espagnol pour
supporter leur condition d’exilés, et jouir malgré tout de leur vie en France. En effet ces
hommes ne sont pas amers, et reconnaissent que, passée la brutalité des premières années
d’exil, ils ont réussi à s’épanouir dans leur nouveau pays. Simplement, quand ils évoquent le
passé avec un plaisir non dissimulé, l’émotion les trahit parfois et ils semblent ressentir de la
tristesse à replonger dans leurs souvenirs espagnols. Nous chercherons à retranscrire la
complexité de leurs sentiments.
Ce faisant, nous aimerions qu’« un exil espagnol » suscite un questionnement sur notre propre
rapport au passé. Quelle est la place du passé dans nos vies ? Est-il possible de faire
totalement le deuil d’un passé dont on ne supporte pas l’idée qu’il puisse être aboli ? Si la
nostalgie est cette souffrance du désir inassouvi de retour à nos paradis perdus, n’est-elle pas
aussi ce sentiment précieux qui alimente nos espoirs ?
FICHE TECHNIQUE
Titre :
Durée :
Format :
Diffusion :
Langue :
Auteurs-Réalisateurs :
Production :
Co-production :
Distribution Aquitaine :
Un exil espagnol, une constante intranquillité
53 min
DVcam
DVD
français, espagnol sous-titré français
Anna Feillou et Cyril Terracher
Zangra productions Bordeaux
France 3 Aquitaine
ACPA – dispositif Cinéquadoc
LES REALISATEURS
Anna Feillou a réalisé en 2004 le documentaire Campesinos, autour
des luttes pour la terre de paysans argentins (Festival International de
Cinéma d’Amiens, 2005). http://video.google.fr/videosearch?um=1&hl=fr&client=firefoxa&rls=org.mozilla:fr:official&q=ANNA%20FEILLOU&ie=UTF-8&sa=N&tab=iv#
Elle développe actuellement plusieurs projets de films : Effacée et Film
de familles, au sein de l’association Têtes à Clap, et Jacques, JeanBernard, et Jean (Atelier documentaire de La fémis 2008). Elle est
également membre des associations Atis (Auteurs et techniciens de
l’Image et du Son) et France Amérique Latine (Rencontres de cinémalatino-américain).
Cyril Terracher a réalisé le documentaire Carnet de tsiganie (2002) puis
a travaillé au cadre (documentaires La separacion, Les Nubians), au montage (Haek, Assim, comme ça,
film expérimental de Vincent Lefort pour le Centre National de Danse Contemporaine d’Angers) et a écrit
plusieurs documentaires (La Lamproie, l’Esturgeon).
En 2007, il réalise Terrain d‘entente, documentaire autour de l’intégration des Gens du Voyage (Libourne,
33).
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