Génotypage RHD fœtal par PCR dans le plasma de femmes
Transcription
Génotypage RHD fœtal par PCR dans le plasma de femmes
Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 Article original Génotypage RHD fœtal par PCR dans le plasma de femmes enceintes D négatif夽 Fetal RHD genotyping by PCR using plasma from D negative pregnant women S. Achargui a,∗ , M. Tijane b , N. Benchemsi c,† a Centre régional de transfusion sanguine, Madinat Al Irfane, BP 180, 10000 Rabat, Maroc b Faculté des sciences, université Mohammed-V, BP 1014, 10000 Rabat, Maroc c Centre national de transfusion sanguine, Madinat Al Irfane, BP 180, 10000 Rabat, Maroc Disponible sur Internet le 28 décembre 2010 Résumé But de l’étude. – La présence d’ADN fœtal libre dans le sang maternel offre une approche non invasive de diagnostic prénatal. Le but de ce travail est de réaliser le génotypage RHD fœtal sur sang maternel par une PCR conventionnelle dans une population de femmes enceintes D négatif d’origine marocaine. Patientes et méthode. – Les prélèvements plasmatiques appartenant à 120 femmes enceintes D négatif, entre la dixième et la 40e semaine d’aménorrhée, ont été analysés par PCR conventionnelle au niveau des exons 7 et 10 du gène RHD. Les résultats ont été comparés au phénotype RhD des nouveau-nés. Résultats. – Dans cette étude, la valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative du statut RhD du foetus étaient respectivement de 98,7 et 96,7 %. Conclusion. – Ces résultats démontrent la faisabilité du génotypage RHD fœtal par PCR conventionnelle chez les femmes enceintes D négatif d’origine marocaine. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Génotypage RHD ; PCR ; ADN fœtal libre ; Diagnostic prénatal non invasif Abstract Aim of the study. – Free fetal DNA in maternal blood offers a non invasive method for prenatal diagnosis. The aim of this study is to perform fetal RHD genotyping by conventional PCR in D negative pregnant women of Moroccan origin. Patients and methods. – Plasma sample from 120 D negative pregnant women from 10 to 40 gestational weeks were tested by conventional PCR for the presence of exons 7 and 10 of RHD gene. The results were compared with the RhD phenotype of the newborns. Results. – In this study, the positive and the negative predictive value of the fetal RhD status were 98.7 and 96.7%, respectively. Conclusion. – These results demonstrate de feasibility of fetal RHD genotyping by conventional PCR in D negative pregnant women of Moroccan origin. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: RHD genotyping; PCR; Free fetal DNA; Non-invasive antenatal diagnosis 1. Introduction 夽 ∗ † À la mémoire de madame Noufissa Benchemsi. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Achargui). Auteur décédée. 1246-7820/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.tracli.2010.10.002 Le système Rh est le plus complexe des systèmes de groupes sanguins connus. Avec 49 antigènes décrits, il est le plus large des 29 systèmes de groupes sanguins connus [1]. L’antigène D est l’antigène le plus immunogène du système Rh [2–4]. Il est bien développé chez le fœtus après 30 à 40 jours de gestation [5]. L’allo-immunisation à l’antigène D est la plus 14 S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 fréquente et la plus grave. Elle est la cause majeure de la maladie hémolytique du nouveau-né et du fœtus (MHNF) [6]. Au Maroc, la MHNF est responsable d’une lourde morbidité et mortalité infantiles. Une étude rétrospective de 400 cas d’incompatibilité érythrocytaire fœtomaternelle, colligés de janvier 1999 à décembre 2006 au service de néonatologie (Centre national de référence en néonatologie et en nutrition) de Rabat a révélé que les grossesses n’étaient pas suivies dans 35 % des cas et que parmi celles suivies, 30 % n’avaient pas bénéficié d’un groupage ABO Rh [7]. La morbidité de la MHNF est encore aggravée par l’indisponibilité fréquente de l’anti-D et le non-respect du délai maximum d’injection de 72 heures après l’accouchement. L’inadéquation de la dose d’immunoglobulines (Ig) anti-D administrée en cas d’hémorragie fœtomaternelle (HFM) importante serait responsable de 15 % des cas d’échec de la prévention [7]. Le génotypage RHD fœtal dans le plasma maternel a pour objectif de déterminer, sur un simple prélèvement de sang chez la mère, le statut RhD du fœtus. L’intérêt majeur du génotypage RHD fœtal est d’identifier les grossesses à risque de MHNF chez les femmes enceintes D négatif immunisées. Ces grossesses doivent faire l’objet d’un suivi spécifique et d’une prise en charge précoce si le fœtus est RHD positif [8]. Chez les femmes enceintes D négatif non immunisées, le génotypage RHD fœtal permet de cibler l’immunoprophylaxie anténatale, normalement pratiquée en cas d’interruption de grossesse ou de geste diagnostique invasif susceptible de provoquer une HFM. Une HFM est possible dès la sixième semaine d’aménorrhée (SA) [5]. Le génotypage RHD fœtal évite à la mère, si le fœtus est D négatif, des injections inutiles d’un produit dérivé du sang [5]. En effet, 30 à 40 % des femmes D négatif portent un enfant D négatif qui n’encoure aucun risque de MHNF [9]. Le génotypage RHD fœtal par polymerase chain reaction (PCR) a été au départ développé dans le liquide amniotique avec une sensibilité et une spécificité qui avoisinent 100 % [10]. Mais l’amniocentèse est un geste médical invasif qui comporte plusieurs risques. Elle peut aggraver l’immunisation fœtomaternelle en augmentant l’HFM. Elle augmente le risque d’avortement, d’accouchement prématuré et expose le fœtus à un risque infectieux [11]. La mise en évidence de cellules fœtales nucléées dans la circulation maternelle a permis une approche non invasive pour obtenir l’ADN fœtal [12–14]. Mais la concentration de ces cellules fœtales est très faible et leur détection nécessite des techniques très sensibles [15–17]. En 1997, de l’ADN fœtal libre a été mis en évidence dans le sang maternel en quantités suffisantes pour déterminer d’une manière non invasive le génotype RHD du fœtus. Sa concentration augmente avec l’âge gestationnel. Il représente 3,4 % de l’ADN total plasmatique au deuxième trimestre et 6,2 % en fin de grossesse [18,19]. Contrairement aux cellules nucléées qui peuvent persister dans le sang maternel plusieurs années après l’accouchement, l’ADN fœtal libre disparaît rapidement après la délivrance (demi-vie de 15 minutes) [20]. Le génotypage RHD fœtal dans le plasma maternel n’est donc pas influencé par la présence d’ADN fœtal issu de précédentes grossesses [21]. L’objectif de cette étude est de réaliser le génotypage RHD fœtal sur sang maternel par une PCR conventionnelle dans une population de femmes enceintes D négatif d’origine marocaine. 2. Patientes et méthode 2.1. Patientes Cent vingt femmes enceintes D négatif, consentantes, ont été recrutées au Centre régional de transfusion sanguine de Rabat (CRTS). L’âge gestationnel était compris entre dix et 40 SA. Trente-cinq femmes enceintes (29 %) étaient immunisées contre l’antigène D et 85 femmes enceintes (71 %) n’étaient pas immunisées. La technique de PCR conventionnelle utilisée est celle qui a été développée par Rouillac-Le Sciellour et al. au Centre national de référence en hémobiologie périnatale (CNRHP) à Paris [9]. 2.2. Méthode Cinq à 10 ml de sang maternel ont été collectés par vacutainer sur tube EDTA stérile. Un délai de réception de 24 heures a été respecté lorsque le prélèvement sanguin a été effectué en dehors du CRTS. Les échantillons de sang ont été centrifugés pendant dix minutes à 1730 × g à une température comprise entre 18 et 22 ◦ C. Le plasma a été aliquoté par volume de 800 L et stocké à –20 ◦ C. La couche leucoplaquettaire contenant les cellules nucléées maternelles (50 l) a été retirée, lavée deux fois avec du NaCl à 0,9 % et centrifugée pendant deux minutes à 8000 × g. Le surnageant a été éliminé et le culot cellulaire a été stocké à –20 ◦ C jusqu’à utilisation. 2.2.1. Extraction de l’ADN libre plasmatique L’ADN a été extrait à partir de 800 L de plasma en utilisant QIA amp® DNA Blood Mini Kit 250 (Qiagen). L’élution de l’ADN a été effectuée avec 60 L de tampon d’élution. Pour chaque série d’extraction, deux contrôles témoins ont été utilisés. Un contrôle négatif contenant 800 L de plasma d’un donneur D négatif de sexe masculin et un contrôle positif contenant 800 L de plasma de femme D positif dilué au 1/100 (v/v) dans du plasma D négatif d’un donneur de sexe masculin. 2.2.2. Extraction de l’ADN génomique maternel L’extraction de l’ADN génomique a été réalisée grâce à l’Instagène Matrix® (BIO-RAD). Le culot cellulaire a été remis en suspension avec 200 L d’Instagène et incubé 30 minutes à 56 ◦ C, suivi d’une deuxième incubation de 30 minutes dans l’eau bouillante. Après centrifugation à 6000 g pendant quatre minutes, le surnageant a été retiré et stocké à 4 ◦ C jusqu’à utilisation. Pour chaque série d’extractions, trois contrôles témoins ont été utilisés : un contrôle blanc contenant 50 L d’Instagène, un contrôle négatif contenant le culot cellulaire d’un donneur D négatif et un contrôle S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 15 Tableau 1 Amorces oligonucléotidiques spécifiques utilisées pour le génotypage RHD [9]. Amorcess Séquence nucléotidique Localisation Taille du fragment (bp) Spécificité ADN génomique RHDIN3-F D9-R D6-F D7-R D4-F D5-R P4-F P5-R I2-F E5-R RH6F RHD Ψ EX6R 5’-GCCGACACTCACTGCTCTTAC-3’ 5’-CAAACTGGGTATCGTTGCTG-3’ 5’-GCCGGGGTGTTGTAACCGAGT-3’ 5’-ATTGCCGGCTCCGACGGTATC-3’ 5’-GGATTTTAAGCAAAAGCATCCAAGAA-3’ 5’-ACTGGATGACCACCATCATATATGC-3’ 5’-CGCAGCCTATTTTGGGCTG-3’ 5’-CCAGCATGGCAGACAAACT-3’ 5’-ACGATACCCAGTTTGTCT-3’ 5’-ATCCACAAGAAGAGGGCG-3’ 5’-CAAAAACCCATTCTTCCCG-3’ 5’-AACACCGCACTGTGCTCC-3’ Intron 3 Exon 4 Exon 7 Exon 7 Exon 10 Exon 10 Exon 4 Exon 4 Exon 4 Exon 5 Intron 5 Exon 6 208 171 133 D D D 291 D 111 (CI) D + CE 1050 (CI) 450 355 CE D D ADN plasmatique D6-F D7-R D4-F RDB-R 5’-GCCGGGGTGTTGTAACCGAGT-3’ 5’-ATTGCCGGCTCCGACGGTATC-3’ 5’-GGATTTTAAGCAAAAGCATCCAAGAA-3’ 5’-AGTGCCTGCGCGAACATT-3’ Exon 7 Exon 7 Exon 10 Exon 10 133 D 131 D CI : control interne. positif contenant le culot cellulaire d’un donneur D positif. 2.2.3. PCR conventionnelle Deux séquences spécifiques, l’une de l’exon 7 et l’autre de l’exon 10, ont été testées pour détecter la présence du gène RHD. La PCR intron 3/exon 4, la PCR intron 4 et la PCR exon 6 ont été réalisées pour mettre en évidence le pseudogène inactif RHDΨ . Les amorces oligonucléotidiques spécifiques sont les mêmes que celles utilisées par Rouillac-Le Sciellour et al. (Tableau 1) [9]. Les réactions d’amplification ont été réalisées dans un volume total de 50 L contenant 10 L de l’ADN extrait, 1× le tampon PCR, 0,25 M de chaque amorce oligonucléotidique, 200 M de chaque dNTP, 1,5 mM de MgCl2 (2 mM de MgCl2 pour la PCR exon 4 et intron 4) et 1 U de l’ADN Taq polymérase. Nous avons additionné 0,5 % de DMSO dans le mélange réactionnel pour amplifier l’intron 4. Les cycles de température ont été réalisés dans un thermocycleur (Mastercycler, Eppendorf). Une dénaturation initiale a été effectuée à 95 ◦ C pendant dix minutes, suivie de 40 cycles avec dénaturation à 92 ◦ C pendant une minute 20 secondes, une hybridation à 57 ◦ C pendant une minute 20 secondes et, une extension à 72 ◦ C pendant deux minutes et une extension finale à 72 ◦ C pendant sept minutes. Vingt microlitres de produit d’amplification ont été déposés sur un gel d’agarose à 2 % pour migration durant une heure à 92 V. 2.2.4. Phénotype RhD des nouveau-nés Le phénotype RhD a été déterminé à la naissance sur prélèvement de sang du cordon ou sur prélèvement de sang des nourrissons quelques mois après la naissance, par le réactif antiD (anti-RhD, transclone® ). 3. Résultats Cent vingt échantillons de plasma de femmes enceintes D négatif ont été analysés par PCR conventionnelle entre dix et 40 SA. Onze prélèvements (9,2 %) ont été analysés au cours du premier trimestre de grossesse (≤ 14 SA) (médiane : 11 SA), 40 (33,3 %) au cours du deuxième trimestre (15–28 SA) (médiane : 23 SA) et 69 (57,5 %) au cours du troisième trimestre (29–40 SA) (médiane : 34 SA). L’ADN fœtal a été détecté à dix SA chez deux femmes enceintes. La concordance entre le génotype RHD fœtal sur plasma maternel et le phénotype RhD des bébés a été analysée chez les 120 femmes enceintes D négatif. 3.1. Génotypage RHD sur plasma maternel Le génotype RHD fœtal a été déterminé en analysant deux régions distinctes du gène RHD, l’exon 7 et l’exon 10 (Fig. 1). Le fœtus est prédit être D positif si le signal d’amplification est positif au moins au niveau de l’exon 7. Le fœtus est prédit être D négatif si aucun signal d’amplification n’est obtenu au niveau des deux exons. Dans ce cas, l’examen a été refait deux à quatre semaines plus tard sur un nouveau prélèvement (30 cas). Le génotypage RHD fœtal est considéré indéterminé si le signal est négatif au niveau de l’exon 7 et positif au niveau de l’exon 10. Ce modèle traduit la présence d’allèles hybrides RHDCE(2-7)-D ou RHD-CE(3-9)-D ou de phénotypes D partiel (D IV ou DBT) [9]. 3.2. Génotypage RHD sur ADN maternel Devant chaque PCR positive sur ADN plasmatique (exons 7 et 10), la PCR sur ADN maternel a été réalisée au niveau des exons 7 et 10 du gène RHD. Cette étape est nécessaire pour éviter 16 S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 Fig. 1. Profil des bandes d’ADN de la PCR sur ADN plasmatique. M : marqueur de poids moléculaire ; T– : témoin négatif ; T+ : témoin positif ; E1, E2, E3, E4 : échantillons. Quatre parturientes ont eu des bébés D positif et une parturiente a eu un bébé D négatif. Dans un cas (0,83 %), la PCR sur ADN maternel était négative au niveau de l’exon 7 et positive au niveau de l’exon 10 (PCR sur ADN plasmatique négative au niveau de l’exon 7). La parturiente a eu un bébé D négatif. Le génotypage RHD fœtal est validé pour 114 femmes enceintes : 35 femmes immunisées analysées entre 20 et 39 SA et 79 femmes enceintes non immunisées analysées entre dix et 40 SA. Quatre-vingt-trois fœtus ont été prédits être D positif. À la naissance, un nouveau-né était D négatif (génotypage RHD sur plasma faussement positif). La PCR sur ADN du bébé a révélé la présence d’un pseudogène RHDΨ hérité du père. Trente et un fœtus ont été prédits être D négatif. À la naissance, un nouveau-né était D positif. La PCR sur plasma maternel n’a été réalisée qu’une seule fois à la 34e SA, la parturiente ne s’étant pas présentée au deuxième contrôle (Tableau 2). La valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative du statut RhD du fœtus étaient respectivement de 98,7 et 96,7 %. 4. Discussion un résultat faussement positif en rapport avec un éventuel gène RHD inactif chez la mère D négatif. Dans ce cas, le génotype RHD fœtal est également considéré comme indéterminé (Fig. 2). Sur les 120 prélèvements analysés, Le génotypage RHD fœtal était indéterminé dans six cas (5 %). Dans cinq cas (4,2 %), les femmes enceintes D négatif portent un gène RHD inactif (PCR sur ADN maternel positive au niveau des exons 7 et 10). Les trois PCR conventionnelles intron 3/exon 4, intron 4 et exon 6 ont montré qu’il s’agissait du pseudogène RHDΨ . Un fragment de 208 paires de bases (bp) a été mis en évidence par la PCR exon 4 (insertion de 37 bp à la jonction intron 3/exon 4) et un fragment de 355 bp a été mis en évidence par la PCR exon 6 (mutation ponctuelle T807G). Le génotypage RHD fœtal sur ADN libre du sang maternel a été réalisé chez 120 femmes enceintes D négatif entre dix et 40 SA. Du fait de l’extrême polymorphisme du système Rh, deux régions distinctes et spécifiques du gène RHD (exons 7 et 10) ont été testées pour détecter avec certitude la présence du gène RHD. Cependant, l’interprétation des résultats est incertaine quand le signal d’amplification est positif au niveau de l’exon 10 et négatif au niveau de l’exon 7. Ce modèle traduit la présence d’allèles hybrides RHD-CE(3-7)-D ou RHD-CE(2-9)D fréquents dans les populations noires africaines (15 %) [9]. Le gène RHD hybride, résulte de la conversion génique entre les deux gènes homologues RHD et RHCE. La grande homologie Fig. 2. Algorithme du génotypage RHD fœtal dans le plasma maternel [9]. S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 17 Tableau 2 Taux de concordance du génotype RHD fœtal par polymerase chain reaction (PCR) sur plasma maternel avec le phénotype RhD à la naissance en fonction de l’âge gestationnel en semaines d’aménorrhée (n = 120). Âge gestationnel (SA) ≤ 14 (médiane : 11) 15–28 (médiane : 23) 29–40 (médiane : 34) Total Nombre 11 40a 69b 120 Génotype RHD par PCR Phénotype RhD à la naissance Valeur prédictive % Fœtus RHD+ Fœtus RHD– Bébés D+ Bébés D– Positive Négative 7 26 50 4 11 16 7 27 54 4 13 15 83 31 88 32 98,7 96,7 SA : semaines d’aménorrhée. a Génotype RHD indéterminé dans trois cas. Dans deux cas (16 et 21 SA), il s’agit d’un pseudogène RHDΨ . Dans un cas (21 SA), la PCR est négative au niveau de l’exon 7 et positive au niveau de l’exon 10. b Génotype RHD indéterminé dans trois cas (31, 34 et 40 SA) en rapport avec un pseudogène RHDΨ . de séquence (98 %) entre les deux gènes, situés en tandem sur le chromosome 1, est en grande partie à l’origine de la complexité du système Rh [1,22]. À ce jour, plus de 120 allèles RHD et plus de 60 allèles RHCE ont été identifiés [23]. Il peut également s’agir des phénotypes D partiel (D IV ou DTB) [9]. Le résultat était indéterminé dans six cas (5 %), en rapport avec la présence du pseudogène RHDΨ dans cinq cas (4,2 %) et du gène RHD hybride dans un cas (0,83 %). Le résultat faussement négatif a été probablement dû à la dégradation de l’ADN fœtal libre au cours du stockage ou à une faible concentration de l’ADN fœtal dans le plasma maternel au moment du prélèvement. La concentration de l’ADN fœtal dans le plasma maternel augmente avec l’âge gestationnel [24]. Elle varie d’une grossesse à une autre, d’un trimestre à un autre, voire d’un jour à l’autre [19,25,26]. Un résultat du génotypage RHD initialement négatif doit être confirmé deux à quatre semaines plus tard sur un nouveau prélèvement. Pour éviter les faux négatifs, il est recommandé d’effectuer le génotypage RHD fœtal à partir de la 14e SA. Il est également souhaitable d’avoir un contrôle interne (non utilisé dans cette étude pour raison d’indisponibilité) attestant de la présence de l’ADN fœtal en cas de génotype RHD négatif [9]. Le résultat faussement positif est en rapport avec un pseudogène RHDΨ hérité du père. Le pseudogène RHDΨ est fréquent dans les populations d’origine noire africaine (67 %) [27]. Plusieurs travaux ont démontré la sensibilité du génotypage RHD fœtal dans le plasma maternel. Une méta-analyse de 37 publications Anglo-saxonnes, incluant 3261 cas a montré une valeur prédictive de 94,8 %. L’âge gestationnel était compris entre huit et 42 SA [28]. Cette étude prospective démontre la faisabilité de la PCR conventionnelle dans le plasma maternel pour prédire le statut RhD du fœtus dans une population de femmes enceintes D négatif d’origine marocaine. C’est la première étude réalisée dans cette population. D’après une étude antérieure réalisée au CRTS qui a porté sur 5000 femmes enceintes d’origine marocaine, la fréquence du phénotype RhD négatif était de 16 % [29]. Dans la population caucasienne, cette fréquence est estimée à environ 15 % [22]. Au Maroc, le nombre de grossesses de femmes D négatif est estimé à 128 000 par an (le nombre annuel de grossesses au Maroc est voisin de 800 000). D’après l’étude présentée, 73 % de femmes D négatif portent un enfant D positif. Le nombre de femmes enceintes marocaines D négatif qui portent un fœtus D positif serait de 94 000 par an. Plusieurs travaux ont démontré la sensibilité du génotypage RHD dans le plasma maternel par PCR conventionnelle pour détecter la séquence du gène RHD du fœtus. Dans l’étude de Rouillac-Le Sciellour et al. qui a porté sur 893 femmes enceintes D négatif, la valeur prédictive du génotypage RHD foetal était de 99,5 %. Le génotypage RHD sur ADN libre a été réalisé en parallèle par une PCR conventionnelle et une PCR en temps réel, montrant une concordance parfaite entre le résultat des deux PCR. La fréquence du pseudogène RHDΨ et du gène RHD hybride était respectivement de 4 et 0,9 % [9]. Machado et al. ont réalisé le génotypage RHD fœtal chez 81 femmes enceintes D négatif entre quatre et 41 SA par une PCR conventionnelle. La valeur prédictive était de 97,3 % avec une sensibilité de 98,3 % et une spécificité de 93,8 %. La PCR conventionnelle a été réalisée au niveau de l’exon 10 et de l’intron 4 du gène RHD [4]. Dif-Couvreux et al. ont utilisé une PCR conventionnelle pour déterminer le statut RhD du fœtus chez 99 femmes enceintes D négatif en analysant l’exon 10 du gène RHD. La sensibilité et la spécificité de cette technique étaient respectivement de 100 et 86,7 % [30]. La PCR conventionnelle peut être facilement réalisée dans n’importe quel laboratoire de biologie moléculaire. C’est une technique simple, rapide, précise et surtout non coûteuse [4]. La PCR conventionnelle nécessite cependant des conditions techniques très strictes pour éviter les contaminations. C’est pourquoi La majorité des études publiées utilise des techniques de PCR quantitative en temps réel, car les réactions d’amplification et de détection se font dans un même tube fermé, minimisant les risques de contamination [27]. La PCR quantitative en temps réel offre l’avantage d’être suffisamment sensible pour détecter l’équivalent d’une copie d’ADN dans le plasma maternel [31]. Elle permet également de distinguer le signal engendré par l’ADN maternel (signal fort et précoce) de celui engendré par l’ADN fœtal [27]. 18 S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 Dans l’étude de Finning et al. qui a porté sur 137 femmes enceintes D négatif entre huit et 42 SA, la PCR en temps réel réalisée sur les exons 4, 5 et 6 a donné une valeur prédictive de 100 % [8]. Quant à l’étude de Zhou et al. qui a porté sur 98 femmes enceintes D négatif entre 14 et 42 SA, la PCR en temps réel réalisée au niveau des exons 4, 5 et 10 a donné une valeur prédictive de 94 % [32]. Chinen et al. ont réalisé le génotypage RHD fœtal, par PCR en temps réel au niveau des exons 7 et 10 du gène RHD chez 102 femmes enceintes D négatif. La valeur prédictive était de 98 % [33]. Hyland et al. ont obtenu une valeur prédictive de 100 % en réalisant le génotypage RHD fœtal par une PCR en temps réel chez 140 femmes enceintes D négatif [34]. Wang et al. ont réalisé le génotypage RHD fœtal par PCR en temps réel chez 78 femmes enceintes D négatif d’origine chinoise. Ils ont analysé les exons 5, 7 et 10 et l’intron 4 du gène RHD entre 14 et 40 SA. Le taux de concordance était de 94,9 % [22]. Cependant, même avec l’utilisation de la PCR en temps réel, l’existence de résultats faussement positifs et de résultats faussement négatifs reste toujours possible en raison du polymorphisme du gène RHD [30]. Dans cette étude, la sensibilité et la spécificité du génotypage RHD fœtal étaient respectivement de 98,7 et 96,7 %. La valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative du statut RhD du fœtus étaient respectivement de 98,7 et 96,7 %. La fréquence du pseudogène RHDΨ et du gène RHD hybride étaient respectivement de 4,2 et 0,83 %. 5. Conclusion Le génotypage RHD fœtal par PCR conventionnelle présenté dans cette étude constitue une approche non invasive de diagnostic prénatal pour déterminer le statut RHD du fœtus chez les femmes enceintes D négatif immunisées ou non. Pour les femmes enceintes non immunisées, le génotypage RHD fœtal peut être proposé pour cibler l’immunoprophylaxie Rh anténatale. Les Ig anti-D sont un produit rare (production en Amérique du Nord exclusivement). Au Maroc, les ruptures de stock des Ig anti-D sont fréquentes, il est donc nécessaire de limiter leur usage. Si les résultats faussement positifs sont sans conséquences (injection inutile d’Ig d’anti-D), les résultats faussement négatifs peuvent avoir des conséquences dramatiques sur l’immunisation de la femme enceinte puisque la prophylaxie anténatale ne sera pas instaurée. De plus, faussement rassurée, la parturiente risque de ne pas bénéficier du suivi selon les recommandations concernant l’allo-immunisation anti-D. Ceux-ci constituent la seule limite de la technique. Pour éviter les faux négatifs, il faut effectuer une deuxième PCR de confirmation deux à quatre semaines plus tard. La présence au niveau du génome de la mère d’un gène RHD inactif invalide le génotypage RHD fœtal sur plasma maternel. Cependant, devant toute situation à risque d’immunisation et devant un génotype RHD indéterminé le fœtus doit être considéré D positif et conduire à instaurer une prophylaxie anténatale. Pour les femmes enceintes D négatif immunisées, il est important de connaître le statut RHD du fœtus afin d’établir le diagnostic d’incompatibilité RHD mère-fœtus pour une prise en charge précoce et adéquate des grossesses à risque de MHNF. Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt. Références [1] Flegel WA. The genetics of the Rhesus Blood Group System. Dtsch Arztebl 2007;104:A651–657. [2] Bishoff FZ, Nguyen DD, Marquéz-Do D, Moise KJ, Simpson JL, Elias S. Noninvasive determination of fetal RhD status using fetal DNA in maternal serum and PCR. J Soc Gynecol Invest 1999;6:64–9. [3] Randen I, Hauge R, Kjeldsen-Kragh J, Fagerhol MK. Prenatal genotyping of RHD and SRY using maternal blood. Vox Sang 2003;85: 300–6. [4] Machado IN, Castilho L, Pellegrino J, Barini R. Fetal RHD genotyping from maternal plasma in a population with a highly diverse ethnic background. Rev Assoc Med Bras 2006;52:232–5. [5] Liumbruno GM, D’Alessandro A, Rea F, Piccinini V, Catalano L, Calizzani G, et al. The role of antenatal immunoprophylaxis in the prevention of maternal-foetal anti-Rh(D) alloimmunisation. Blood Transfus 2010;8:8–16. [6] Gutensohn K, Muller SP, Thomann K, Stein W, Suren A, Kortge-Jung S, et al. Diagnostic accuracy of noninvasive polymerase chain reaction testing for the determination of fetal rhesus C, c and E status in early pregnancy. BJOG 2010;117:722–9. [7] Barkat A, Kabiri M, Bouazzaoui NL. L’incompatibilité érythrocytaire fœto-maternelle. À propos de 400 cas. Rev Maroc Maladies Enfant 2008;17:26–31. [8] Finning KM, Martin PG, Soothill PW, Avent ND. Prediction of fetal D status from maternal plasma: introduction of a new non-invasive fetal RHD genotyping service. Transfusion 2002;42:1079–85. [9] Rouillac-Le Sciellour C, Puillandre P, Gillot R, Baulard C, Metral S, Le van Kim C, et al. Large-scale pre-diagnosis study of fetal RHD genotyping by PCR on plasma DNA from RhD-negative pregnant women. Mol Diagn 2004;8:23–31. [10] Bennett PR, Le Van Kim C, Colin Y, Warwick RM, Cherif-Zahar B, Fisk NM, et al. Prenatal Determination of Fetal RhD type by DNA amplification. NEJM 1993;329:607–10. [11] Daniels G, Finning K, Martin P, Soothill P. Fetal blood group genotyping from DNA from maternal plasma: an important advance in the management and prevention of haemolytic disease of the fetus and newborn. Vox Sang 2004;87:225–32. [12] Lo YM, Patel P, Wainscoat JS, Sampietro M, Gillmer MD, Fleming KA. Prenatal sex determination by DNA amplification from maternal peripheral blood. Lancet 1989;2:1363–5. [13] Bianchi DW, Flint AF, Pizzimenti MF, Knoll JHM, Latt SA. Isolation of fetal DNA from nucleated erythrocytes in maternal blood. Proc Natl Acad Sci 1990;87:3279–83. [14] Lo YM, Lo ES, Watson N, Noakes L, Sargent IL, Thilaganathan B, et al. Two-way cell traffic between mother and fetus: biologic and clinical implications. Blood 1996;88:4390–5N. [15] Lo YM, Bowell PJ, Selinger M, Mackenzie IZ, Chamberlain P, Gillmer MD, et al. Prenatal determination of fetal RhD status by analysis of peripheral blood of rhesus negative mothers. Lancet 1993;341:1147–8. [16] Geifman-Holtzman O, Bernstein IM, Berry SM, Holtzman EJ, Vadnais TJ, DeMaria MA, et al. Fetal RhD genotyping in fetal cells flow sorted from maternal blood. Am J Obstet Gynecol 1996;174:818–22. S. Achargui et al. / Transfusion Clinique et Biologique 18 (2011) 13–19 [17] Sekizawa A, Samura O, Zhen DK, Falco V, Bianchi DW. Fetal cell recycling: diagnosis of gender and RhD genotype in the same fetal cell retrieved from maternal blood. Am J Obstet Gynecol 1999;181:1237–42. [18] Lo YM, Corbetta N, Chamberlain PF, Rai V, Sargent IL, Redman CW. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet 1997;350:485–7. [19] Lo YM, Tein MS, Lau TK, Haines CJ, Leung TN, Poon PM, et al. Quantitative analysis of fetal DNA in maternal plasma and serum: implications for noninvasive prenatal diagnosis. Am J Hum Genet 1998;62:768–75. [20] Van der Schoot CE, Ait Soussan A, Koelewijn J, Bonsel G, PagetChristiaens LG, de Haas M. Non-invasive antenatal RHD typing. Transfus Clin Biol 2006;13:53–7. [21] Nelson M, Eagle C, Langshaw M, Popp H, Kronenberg H. Genotyping fetal DANN by non-invasive means: extraction from maternal plasma. Vox Sang 2001;80:112–6. [22] Wang XD, Wang BL, Ye SL, Liao YQ, Wang LF, He ZM. Non-invasive foetal RHD genotyping via real-time PCR of foetal DNA from Chinese RhD-negative maternal plasma. Eur J Clin Invest 2009;39:607–17. [23] Chou ST, Westhoff CM. Molecular biology of the Rh system: clinical considerations for transfusion in sickle cell disease. Hematology 2009;2009:178–84. [24] Honda H, Miharu N, Ohashi Y, Ohama K. Successful diagnosis of fetal gender using conventional PCR analysis of maternal serum. Clin Chem 2001;47:41–6. [25] Van Der Schoot CE, Tax GH, Rijnders RJ, De Haas M, Christiaens GC. Prenatal typing of Rh and Kell blood group system antigens: the edge of a watershed. Transfus Med Rev 2003;17:31–44. [26] Zhong XY, Burk MR, Troeger C, Kang A, Holzgreve W, Hahn S. Fluctuation of maternal and fetal free extracellular circulatory DNA in maternal plasma. Obstet Gynecol 2000;96:991–6. 19 [27] Daniels G, Finning K, Martin P, Massey E. Noninvasive prenatal diagnosis of fetal blood group phenotypes: current practice and future prospects. Prenat Diagn 2009;29:101–7. [28] Geifman-Holtzman O, Grotegut CA, Gaughan JP. Diagnostic accuracy of noninvasive fetal Rh genotyping from maternal blood – a meta-analysis. Am J Obstet Gynecol 2006;195:1163–73. [29] Achargui S, Benchemsi N. Étude quantitative des sous-classes d’IgG antiD par Elisa au cours de la maladie hémolytique néonatale. Transfus Clin Biol 2003;10:284–91. [30] Dif-Couvreux D, Houffin-Debarge V, Delsalle A, Dourieux S, Dubreucq S, Manessier L, et al. Évaluation de la détermination du statut Rhésus-D fœtal sur plasma maternel par la technique d’hemi-nested PCR. J Gynecol Biol Reprod 2006;35:658–64. [31] Lo YM, Zhang J, Leung TN, Lau TK, Chang AM, Hjelm NM. Rapid clearance of fetal DNA from maternal plasma. Am J Hum Genet 1999;64:218–24. [32] Zhou L, Thorson JA, Ngent C, Davenport RD, Butch SH, Judd J. Noninvasive prenatal RHD genotyping by real-time polymerase chain reaction using plasma fom D-negative pregnant women. Am J Obstet Gynecol 2005;193:1966–71. [33] Chinen PA, Nardozza LM, Martinhago CD, Camano L, Daher S, Pares DB, et al. Noninvasive determination of Fetal Rh Blood Group D antigen status by cell-free DNA analysis in maternal plasma: experience in a Brazilian population. Am J Perinatol 2010, doi:10.1055/s-0030-1253560 [Epub aheadof print]. [34] Hyland CA, Gardener GJ, Davies H, Ahvenainen M, Flower RL, Irwin D, et al. Evaluation of non-invasive prenatal RHD genotyping of the fetus. Med J Aust 2009;1:5–6.