Sur la fonctorialité, pour GL(4), donnée par le carré extérieur

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Sur la fonctorialité, pour GL(4), donnée par le carré extérieur
MOSCOW MATHEMATICAL JOURNAL
Volume 9, Number 1, January–March 2009, Pages 33–45
SUR LA FONCTORIALITÉ, POUR GL(4), DONNÉE PAR
LE CARRÉ EXTÉRIEUR
GUY HENNIART
A Pierre Deligne
Abstract. Let k be a number field. Henry H. Kim has established the
exterior square transfer for GL(4), which attaches to any cuspidal automorphic representation ρ of GL(4, Ak ) an automorphic representation Π
of GL(6, Ak ). At a finite place v of k, the local component ρv of ρ gives,
via the Langlands correspondence, a degree 4 representation σv of the
Weil–Deligne group of kv . Then Π is the unique isobaric automorphic
representation of GL(6, Ak ) such that, whenever ρv is unramified, Πv
corresponds, via the Langlands correspondence, to the exterior square
Λ2 σv of σv . Kim proves that Πv corresponds to Λ2 σv even when ρv is
ramified, except possibly if v is above 2 or 3 and ρv is cuspidal. We complete Kim’s work in showing that Πv corresponds to Λ2 σv at all finite
places v of k.
2000 Math. Subj. Class. 22E47, 22E50, 22E55.
Key words and phrases. Automorphic representation, functoriality, Langlands correspondence.
1. Introduction
1.1. Dans cet article, nous complétons le travail de Henry H. Kim [18] sur la
fonctorialité pour GL(4) donnée par le carré extérieur, en réglant le problème des
« mauvaises » places au-dessus de 2 ou 3.
Rappelons d’abord en quoi consiste cette fonctorialité.
On fixe un corps de nombres k et une représentation automorphe cuspidale unitaire ρ de GL(4, Ak ).
A chaque place v de k, ρ possède un composant local ρv . Si la place v est finie, ρv
est une représentation lisse irréductible de GL(4, kv ), bien définie à isomorphisme
près ; par la correspondance de Langlands [13, Chap. VII], ou [15], [16], ρv correspond à une représentation σv , de degré 4, du groupe de Weil—Deligne W D(kv )
de kv , bien définie à isomorphisme près. Si la place v est infinie, alors ρv est un
(g, K)-module irréductible pour GL(4, kv ), qui correspond à une représentation σv ,
de degré 4, du groupe de Weil W (kv ) de kv .
Received March 13, 2008.
c
2009
Independent University of Moscow
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G. HENNIART
Quelle que soit la place v de k, si Vv est l’espace de la représentation σv , on
dispose d’une action de AutC (Vv ) sur le carré extérieur Λ2 Vv , qui est de dimension 6
sur C. Composant σv avec cette action, on obtient une représentation Λ2 σv , de
dimension 6, qui par la correspondance de Langlands donne une représentation lisse
irréductible Πv de GL(6, kv ), si v est finie, ou un (g, K)-module irréductible Πv
pour GL(6, kv ) si v est infinie. De plus, Πv est non ramifiée sauf en un nombre
N fini
de places v de k, de sorte qu’on peut former la représentation admissible Π = v Πv
de GL(6, Ak ).
Théorème. La représentation Π de GL(6, Ak ) est automorphe, induite parabolique
d’une représentation cuspidale unitaire.
Dans une prépublication récente, Asgari et Raghuram [1] déterminent exactement quand Π est cuspidale. Par exemple, si ρ est isomorphe à sa tordue par un
×
caractère non trivial de A×
k /k , alors Π n’est pas cuspidale.
1.2. Dans son article [18], Kim prouve la majeure partie du théorème. Plus précisément, il prouve qu’il existe une représentation automorphe isobare T de GL(6, Ak )
telle que Tv soit isomorphe à Πv , sauf peut-être en les places v de k au-dessus
de 2 ou 3 où ρv est cuspidale [18, Theorem A]. De plus T est l’induite parabolique
d’une représentation automorphe cuspidale unitaire d’un sous-groupe de Levi de
GL(6, Ak ).
En fait, le composant Tv de T est bien déterminé, à isomorphisme près, à toute
place v de k. Notre apport est ici de prouver que Tv et Πv sont isomorphes, même
quand v est au-dessus de 2 ou 3 et que ρv est cuspidale.
Remarque. Pour tout entier m > 2, on peut exprimer de façon analogue la fonctorialité pour GL(m) donnée par le carré extérieur. Pour m = 2 ou 3 cette fonctorialité est facile à établir ; pour m = 2 elle associe à une représentation automorphe
cuspidale ρ de GL(2, Ak ) son caractère central ωρ ; pour m = 3 elle associe à une représentation automorphe cuspidale ρ de GL(3, Ak ) la représentation ρ∨ ⊗ (ωρ ◦ det)
où ρ∨ est la contragrédiente de ρ. Le cas m > 5 est ouvert.
1.3. Pour démontrer le théorème aux « mauvaises » places, il faut d’abord se rendre
compte qu’il s’agit d’un problème local. En effet, Kim montre [18, Theorem 6.3.1]
qu’en une place finie v de k le composant Tv vérifie les propriétés suivantes :
(1) Tv est générique, et même tempérée.
(2) ωTv = ωρ2v .
(3) Pour m = 1, 2, 3 ou 4, et pour chaque représentation lisse irréductible
cuspidale τv de GL(m, kv ), on a
γ(Tv × τv , s, ψv ) = γ(ρv , τv , Λ2 , s, ψv ),
quel que soit le caractère non trivial ψv de kv .
Par le théorème réciproque de Chen [5], voir aussi [9, § 7, Theorem], Tv est
déterminé, à isomorphisme près, par ces propriétés.
Dans l’égalité (3) des facteurs γ, le facteur de gauche est un facteur de Rankin—
Selberg, tandis que le facteur de droite est obtenu par la méthode de Langlands
Shahidi [23, Theorem 3.5]. Grâce à la propriété (2), la validité de l’égalité dans
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(3) ne dépend pas du choix du caractère ψv . En termes de L-groupes, le facteur
de gauche est attaché à la représentation du groupe dual GL(6, C) × GL(m, C)
de GL(6, C) × GL(m, kv ) donnée par le produit tensoriel C6 ⊗ Cm , tandis que le
facteur de droite est attaché à la représentation de GL(4, C) × GL(m, C) donnée
par (Λ2 C4 ) ⊗ Cm .
Ainsi, prouver que Πv et Tv sont isomorphes revient à prouver que pour m = 1,
2, 3 ou 4 et pour chaque représentation lisse irréductible cuspidale τv de GL(m, kv ),
on a
γ(Πv × τv , s, ψv ) = γ(ρv , τv , Λ2 , s, ψv ).
Traduisant via la correspondance de Langlands, cette égalité s’écrit aussi
γ(Λ2 σ(ρv ) ⊗ σ(τv ), s, ψv ) = γ(ρv , τv , Λ2 , s, ψv ),
où σ(τv ) désigne la représentation irréductible de degré m de WD (kv ) correspondant
à τv , de même que σv , que nous avons écrit σ(ρv ), correspondait à ρv ; dans cette
version, les facteurs de gauche sont ceux définis par Deligne et Langlands.
Cette égalité est évidemment attendue : elle est vraie par construction si ρv est
non ramifiée, par exemple. Mais elle ne semble pas découler de manière simple de la
définition des facteurs γ(ρv , τv , Λ2 , s, ψv ), bien que cette définition (loc. cit.) utilise
une méthode locale-globale.
1.4. Notre démonstration permet d’obtenir un résultat plus fort.
Théorème. Soit v une place finie de k et soit m un entier, m > 1. Quelle que soit
la représentation lisse irréductible générique τv de GL(m, kv ), on a
γ(Πv × τv , s, ψv ) = γ(πv , τv , Λ2 , s, ψv ).
Ce résultat est automatique si ρv est non ramifiée, et le résultat analogue pour les
places archimédiennes est vrai également [22] — on peut bien sûr traduire l’égalité
du théorème, comme plus haut, via la correspondance de Langlands.
Il découle du théorème que les facteurs γ(ρv , τv , Λ2 , s, ψv ) satisfont à la propriété de « stabilité » cf. [8, § 4] ou [2, § 4] : si ρ0v est une représentation lisse irréductible générique de GL(4, kv ), de la série principale, ayant même caractère central
que ρv , et que τv0 est une représentation lisse irréductible générique de GL(m, kv ), de
la série principale, ayant même caractère central que τv , alors, pour tout caractère
η de kv× suffisamment ramifié, on a
γ(ρv , τv ⊗ (η ◦ det), Λ2 , s, ψv ) = γ(ρ0v , τv0 ⊗ (η ◦ det), Λ2 , s, ψv ).
Cette propriété de stabilité est nouvelle, sauf pour m = 1 où il s’agit d’un cas
particulier de résultats récents d’Asgari et Shahidi [2, Theorem 4.1]. D’ailleurs,
grâce à cette propriété de stabilité pour m = 1, Asgari et Shahidi donnent une
approche un peu plus simple d’une partie de la fonctorialité pour GL(4) donnée par
le carré extérieur : ils obtiennent plus facilement [2, Proposition 7.7 et Theorem 1.1]
qu’il existe une représentation automorphe de GL(6, Ak ) qui a pour composant Πv
en v si v est archimédienne, ou si v est finie et ρv non ramifiée.
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1.5. Pour prouver que Πv et Tv sont isomorphes — en une place v de k au-dessus
de 2 ou 3 où ρv est cuspidale — nous sommes donc libres de modifier la situation
globale. On peut choisir un autre corps de nombres k, tout en gardant le même
complété kv , et une autre représentation automorphe cuspidale ρ de GL(4, Mk ),
ayant néanmoins le composant local fixé ρv .
Notre méthode consiste à choisir une telle situation globale où l’on soit sûr a
priori que Πv et Tv sont isomorphes !
Au chapitre 3, nous produisons une situation globale où ρ est associée, grâce aux
résultats de Harris et Taylor [13, Chap. VII], à un système (Σ` ) de représentations
`-adiques du groupe de Galois absolu de k. Alors T est associée au système (Λ2 Σ` )
de représentations `-adiques.
Cependant, pour conclure que Tv est isomorphe à Πv , c’est-à-dire que Tv correspond à Λ2 σv via la correspondance de Langlands, il est nécessaire de s’assurer que
T intervient, comme le fait ρ, dans la cohomologie des variétés de Shimura utilisées
par Harris et Taylor. Pour cela il est nécessaire de choisir ρ de sorte que Tv0 , en une
place v 0 de k au moins, soit de carré intégrable, par exemple cuspidale. Que ce soit
possible est établi au chapitre 2, également en utilisant [13, Chap. VII].
Mentionnons néanmoins que cette gymnastique du chapitre 2 ne devrait pas être
nécessaire. Le projet de livres de M. Harris et alii à l’Institut de Mathématiques de
Jussieu devrait donner que T , même si elle n’est cuspidale en aucune place finie,
intervient néanmoins dans la cohomologie de variétés de Shimura moins particulières que celles de Harris et Taylor, et que Tv correspond bien encore à Λ2 σv via
la correspondance de Langlands. On pourra donc à terme se passer du chapitre 2.
1.6. Au chapitre 2, nous commençons par exprimer notre problème de façon purement locale. Puis nous fixons une extension finie K de Q2 . On sait [25, no 26]
qu’il existe alors une extension quartique L de K dont le groupe de Galois soit le
groupe alterné A4 . Par la théorie du corps de classes, nous prouvons alors que pour
un caractère assez général X du groupe de Weil W (L), l’induite S de X à W (K)
est irréductible, et que Λ2 S l’est aussi. De plus, on peut trouver une extension
quartique `/k de corps de nombres de type CM, donnant l’extension L/K en une
place finie v, et un caractère χ du groupe de Weil W (`), de composant X en v,
dont l’induite σ au groupe de Weil W (k) soit associée, par les résultats de Harris et
Taylor, à une représentation automorphe cuspidale ρ de GL(4, Ak ). Alors Λ2 σ est
associée à la représentation automorphe T de GL(6, An ) produite par Kim à partir
de ρ et on sait [16, § 6, Théorème] qu’alors Λ2 σw et Tw se correspondent, par la
correspondance de Langlands, à toute place finie w de k. A la place v, cela donne
que Tv correspond bien à Λ2 S, et, en particulier, que Tv est cuspidale.
Au chapitre 3, nous prouvons le théorème 1.1, par la méthode globale évoquée en
no 1.5, en insérant à une place v 0 adéquate une situation comme celles construites
au chapitre 2. Le chapitre 4 est consacré à la preuve du théorème 1.4.
1.7. C’est à la suite d’un exposé de Henry Kim, décrivant les résultats de [18] avant
la publication, que j’ai réalisé qu’on pouvait compléter ces résultats aux « mauvaises » places. J’ai adressé alors à Kim et Shahidi, en janvier 2003 me semble-t-il,
une lettre esquissant une méthode, basée sur une analyse cas par cas des représentations σv qui peuvent intervenir. Cette méthode nécessitait la fonctorialité pour
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le produit tensoriel de GL(2, C) × GL(2, C) vers GL(4, C) [20], et aussi la fonctorialité à la Asai de GL(2, C) vers GL(4, C) [19], [21]. La rédaction détaillée a
malheureusement été retardée.
C’est lors d’un exposé que j’ai donné sur ce thème en 2006, au Séminaire sur les
groupes réductifs et les formes automorphes de Chevaleret, que L. Clozel a remarqué
qu’on pouvait vraisemblablement donner une preuve plus uniforme. C’est bien une
preuve assez uniforme que je donne ici, et je remercie Clozel de sa suggestion.
1.8. J’ai eu le privilège d’écrire un article avec Pierre Deligne [11], et ainsi le plaisir de donner un exposé à la conférence organisée en 2005, à Princeton, en son
honneur — je remercie vivement les organisateurs pour cette invitation. L’exposé
portait sur certains mystères des sommes de Gauss, plus précisément les sommes
de Gauss qui apparaissent déguisées en facteurs epsilon, des deux côtés de la correspondance de Langlands locale pour GL(n) — le côté galoisien était d’ailleurs
l’objet de [11]. Le présent article porte sur une énigme du même genre posée par
ces facteurs epsilon.
Qu’il me soit permis de dédier ce modeste travail à Pierre Deligne, en témoignage
d’admiration et de reconnaissance.
Conventions. Par commodité, par corps de nombres nous entendons une extension finie de Q dans le corps Q̄ des nombres complexes algébriques sur Q. Si k est
un corps de nombres, W (k) désigne le groupe de Weil de Q̄ sur k. On identifie les
×
caractères de W (k) et ceux de A×
k /k par la théorie du corps de classes, normalisée
de façon que les substitutions de Frobenius géométriques correspondent aux uniformisantes. On note | |k la valeur absolue adélique, vue comme caractère de W (k)
×
ou A×
k /k .
Si p est un nombre premier et K une extension finie de Qp , on suppose fixée une
clôture algébrique K̄ de K, et on notera W (K) le groupe de Weil de K̄ sur K, et
W D(K) le groupe de Weil–Deligne de K̄ sur K. Si K est un corps local isomorphe
à R ou C, on note W (K) le groupe de Weil de K̄ sur K, pour une clôture algébrique
fixée K̄ de K. Dans tous ces cas locaux, on identifie les caractères de W (K) et ceux
de K × , par la théorie du corps de classes normalisée comme dans le cas global. On
note | |K la valeur absolue normalisée de K, vue comme caractère de W (K) ou K × .
2. Où l’on examine une situation particulière
2.1. Commençons par énoncer le résultat local auquel nous avons réduit le théorème
1.1.
On fixe un nombre premier p, et une extension finie K de Qp . On considère
une représentation lisse irréductible cuspidale R de GL(4, K), correspondant, via
la correspondance de Langlands, à une représentation irréductible S de W (K), de
dimension 4.
Par les résultats de Kim et Chen rappelés en no 1.3, il existe une représentation
lisse irréductible générique Kim(R) de GL(6, K), unique à isomorphisme près, qui
vérifie
(i) ωKim(R) = ωR2 ,
(ii) γ(Kim(R) × τ, s, ψ) = γ(R, τ, Λ2 , s, ψ)
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pour toute représentation lisse irréductible cuspidale τ de GL(m, K), m = 1, 2, 3, 4,
et tout caractère non trivial ψ de K (l’égalité pour un caractère ψ l’entraı̂nant
d’ailleurs pour les autres).
Théorème. Les représentations Λ2 S et Kim(R) se correspondent via la correspondance de Langlands.
La preuve sera donnée au chapitre 3, suivant l’esquisse de l’introduction. Pour
p > 5, le résultat est dû à H. Kim, et nous pouvons supposer que p vaut 2 ou 3.
Remarque. Si µ est un caractère non ramifié de K × , R ⊗ (µ ◦ det) correspond à
S ⊗ µ ; on a d’autre part Λ2 (S ⊗ µ) = Λ2 S ⊗ µ2 et Kim(R ⊗ µ) = Kim(R) ⊗ µ2 . On
peut donc supposer que R et S sont unitaires.
Dans ce chapitre 2, notre seul but est de produire un exemple où le théorème
est vrai et où Λ2 S est irréductible, de sorte que Kim(R) est cuspidale. Cela n’est
possible que pour p = 2, et dans la suite de ce chapitre, nous supposons que K est
une extension finie fixée de Q2 .
2.2. Nous construisons d’abord une représentation irréductible S de W (K), de
dimension 4, telle que Λ2 S soit encore irréductible.
Remarque. A. Kable [1, § 6] a étudié l’irréductibilité de Λ2 τ pour une représentation
τ de dimension 4 d’un groupe G quelconque. Comme un seul exemple nous suffit,
nous n’utiliserons pas ses résultats.
On sait [25, no 26] que K possède dans K̄ une extension galoisienne de groupe
de Galois isomorphe à A4 . On fixe une telle extension M , et on note L la sousextension fixée par le sous-groupe A3 de A4 . C’est une extension quartique de K.
On peut même supposer, et nous le faisons, que M/L est non ramifiée.
On considère un caractère χ de W (L), et on note S son induite à W (K), χM sa
restriction à W (M ).
La condition d’irréductibilité de S est qu’on ait χgM 6= χM , où g est l’une quelconque des doubles transpositions dans A4 = Gal(M/K) et χgM (x) = χM (g̃xg̃ −1 )
pour un relèvement quelconque g̃ de g dans W (K).
Notant g1 , g2 , g3 ces 3 doubles transpositions dans A4 , la restriction de S à
W (M ) est somme directe de χM , χgM1 , χgM2 et χgM3 . La restriction de Λ2 S à W (M )
1+g2
1+g3
g1 +g2
g1 +g3
g2 +g3
1
est donc somme directe des 6 caractères χ1+g
, χM
, χM
,
M , χM , χM , χM
qui sont conjugués les uns des autres sous l’action de A4 . S’ils sont distincts, alors
Λ2 S est irréductible : en effet, la restriction à W (M ) d’un composant irréductible
de Λ2 S est forcément stable par l’action de A4 . Tenant compte de l’irréductibilité
g2 +g3
1
de S, on voit que si ces 6 caractères ne sont pas distincts, alors on a χ1+g
= χM
.
M
D’autre part, tout caractère de W (M ) invariant par A3 = Gal(M/L) s’étend en
un caractère de W (L). Pour que S et Λ2 S soient irréductibles, il suffit donc de choisir
un caractère η de W (M ), invariant par A3 , et vérifiant η 6= η g1 , η 1+g1 6= η g2 +g3 , et
de prendre pour χ une extension de η à W (L).
Traduisant en termes de la théorie du corps de classes, on veut choisir un caractère η de M × , invariant par A3 et vérifiant η 6= η g1 , η 1+g1 6= η g2 +g3 , où cette fois
η g (x) = η(gx) pour g ∈ A4 = Gal(M/L), et x ∈ M × .
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2.3. Vérifions maintenant qu’il y a profusion de tels caractères de M × .
Par le théorème de la base normale, il existe un OK -réseau Λ dans OM , stable
par A4 , et isomorphe à OK [A4 ] comme OK [A4 ]-module.
Pour tout entier i > 1 on a un isomorphisme de OK [A4 ]-modules
∼
2i Λ/22i Λ −
→ 1 + 2i Λ/1 + 22i Λ,
donné par x 7→ 1 + x pour x ∈ 2i Λ (les groupes du membre de droite sont vus
comme des sous-groupes de M × ). Le groupe des caractères de 1 + 2i Λ triviaux sur
1 + 22i Λ est donc isomorphe, comme OK [A4 ]-module, à Hom(OK /2i OK , C× )[A4 ].
Il est maintenant clair qu’on peut choisir un caractère ε de 1 + 2i Λ, trivial sur
1 + 22i Λ, qui soit invariant par A3 et vérifie ε 6= εg1 , ε1+g1 6= εg2 +g3 .
Considérons la suite exacte
1
1
, C× ) → Hom(UM
/1 + 2i Λ, C× ) → 1.
1 → Hom(1 + 2i Λ, C× ) → Hom(UM
1
/1 + 2i Λ, C× )) est nul puisque A3 est d’ordre 3 et que
Le groupe H 1 (A3 , Hom(UM
1
i
1
UM /1 + 2 Λ est un 2-groupe. Par suite ε s’étend en un caractère de UM
stable par
×
A3 . On prend alors pour η une extension de ε à M triviale sur les racines de l’unité
d’ordre impair dans M ; comme par hypothèse M/L est non ramifiée, η est alors,
comme ε, invariant par A3 et bien sûr il vérifie a fortiori η 6= η g1 , η 1+g1 6= η g2 +g3 .
On peut évidemment le prendre d’ordre fini, si besoin est.
2.4. Dans la suite de ce chapitre, on fixe un caractère d’ordre fini χ de W (L), dont
on vient de prouver l’existence. Ainsi l’induite S de χ à W (K) est irréductible, et
Λ2 S est aussi irréductible.
On considère une représentation lisse irréductible cuspidale de GL(4, K), correspondant à S via la correspondance de Langlands. Pour prouver dans ce cas que
Λ2 S et Kim(R) se correspondent, on va comme annoncé plonger la situation locale
dans une situation globale adéquate.
On commence par choisir une extension m+ /k + de corps de nombres totalement
réels, de groupe de Galois isomorphe à A4 , une place finie v+ de m+ , et un isomor+
phisme ι+ du complété m+
v+ avec M , qui induit un isomorphisme de kv+ avec K.
L’existence de telles données est assurée, par exemple, par [14, Lemme 3.6] — voir
[17] pour des résultats plus forts.
On choisit ensuite un corps quadratique imaginaire k0 , totalement décomposé
en 2, et on pose k = k + k0 , m = m+ m0 . Alors m/k est une extension de corps de
nombres de type CM, galoisienne de groupe de Galois isomorphe à A4 . On choisit
l’une des deux places de m au-dessus de v+ , on la note v, et on note encore v la
place induite sur les sous-corps de m. Par l’isomorphisme ι+ de m+
v+ avec M , on
obtient un isomorphisme ι de mv avec M et de kv avec K, qui permet d’identifier
Gal(m/k) à Gal(M/K), et tous deux à A4 . On note ` le sous-corps de m fixé par
A3 ; par l’isomorphisme ι, `v donne le sous-corps L de M .
On peut alors suivre [12, section 4] ou [13, chapitre VII, pp. 238 et sq]. Nous
utiliserons en particulier la proposition VII.2.7 de [13].
On note c la conjugaison complexe des corps CM k et m.
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×
2.5. On fixe un caractère λ de A×
` /` vérifiant les quatre propriétés suivantes :
(1) λc = λ−1 .
(2) Pour tout plongement τ de ` dans C, définissant une place infinie x = xτ
de `, on ait λx (z) = (τ z/cτ z)pτ pour z ∈ `x , où pτ est un entier.
(3) Si τ et τ 0 sont deux plongements distincts de ` dans C, induisant le même
plongement de k dans C, alors pτ 6= pτ 0 .
(4) A la place v de `, λv et χ ◦ ι diffèrent au plus par un caractère non ramifié.
×
On a besoin également d’un caractère auxiliaire ϕ de A×
k /k tel que :
(1) ϕc = ϕ−1 .
(2) Pour chaque plongement τ de k dans C, définissant une place x de k, on
ait ϕx (z) = (τ z/|τ z|)ετ pour z ∈ kx , où ετ = ±1 (ici on utilise la valeur
absolue ordinaire | | sur C, pour z ∈ C, on rappelle |z|C = |z|2 = |z z̄|).
(3) ϕv soit non ramifié.
L’existence de ϕ est assurée par la preuve du corollary VII.2.8 de [13], et celle de λ
se prouve de la même façon [13, preuve du lemma VII.2.10, p. 247].
On forme l’induite σ de λ, de W (`) à W (k). C’est une représentation unitaire
irréductible de W (k), de dimension 4 ; via l’isomorphisme ι, σv correspond à S ⊗ µ,
où µ est un caractère non ramifié de W (K). Par suite, Λ2 σv est irréductible, et Λ2 σ
l’est donc aussi.
Dans ces conditions, le § 2 du chapitre VII de [13], et en particulier la proposition
VII.2.7, donnent l’existence d’une représentation automorphe cuspidale unitaire ρ
de GL(4, Ak ) telle que :
(1) ρv soit cuspidale.
(2) ρ ⊗ (ϕ ◦ det) soit algébrique et régulière aux places infinies.
(3) A toute place w de k, ρw et σw se correspondent par la correspondance de
Langlands.
Remarques. 1) C’est pour assurer la condition (2) que nous avons besoin du caractère auxiliaire ϕ. La condition (2) signifie que le composant à l’infini de ρ ⊗
(ϕ ◦ det) a même caractère infinitésimal qu’une représentation algébrique de dimension finie du groupe algébrique Resk/Q GL(4), restriction à la Weil, de k à Q, du
groupe GL(4) (voir plus de détails en no 3.2). Cette condition (2) assure que ρ ⊗
(ϕ ◦ det) intervient dans la cohomologie des variétés de Shimura étudiées dans [13].
2) La condition (3) n’est qu’une reformulation de la dernière condition de [13,
Proposition VII.2.7], compte-tenu du fait que l’application rec` qui y apparaı̂t donne
la correspondance de Langlands [13, Theorem VII.2.20].
2.6. Formons alors Λ2 σ, et considérons la représentation automorphe T de GL(σ, Ak )
donnée par le résultat de Kim, à partir de ρ. Alors Λ2 σw et Tw se correspondent,
pour presque toute place finie w de k. Comme k est un corps CM, le résultat principal de [13, § 6, Théorème] dit qu’il en est de même à toutes les places finies de
k, et en particulier à la place v. Mais, par l’isomorphisme ι, σv donne S ⊗ µ donc
Λ2 σv donne Λ2 S ⊗ µ2 , et quant à lui Tv donne Kim(R) ⊗ (µ2 ◦ det). Il s’ensuit bien
que Λ2 S et Kim(R) se correspondent via la correspondance de Langlands, d’où le
théorème 2.1 dans notre cas très particulier.
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3. Preuve du résultat principal
3.1. Dans ce chapitre 3, nous prouvons le théorème 2.1 pour p valant 2 ou 3.
Comme dans le chapitre précédent, on commence par choisir un corps de nombres
totalement réel k + , muni d’une place v + et d’un isomorphisme ι+ du complété kv++
avec le corps p-adique K.
On choisit un corps quadratique imaginaire k0 totalement décomposé en 2 et 3,
un corps quadratique réel k1 également totalement décomposé en 2 et 3, et on pose
k = k + k0 k1 ; on note c la conjugaison complexe de k.
On choisit une place v de k au-dessus de v+ , et une place v 0 de k au-dessus de 2,
distincte de v et cv si jamais p vaut 2. L’isomorphisme ι+ donne un isomorphisme
ι de kv avec K.
En la place v 0 de k, on choisit une représentation irréductible S 0 de W (kv0 ), de
dimension 4, construite comme au chapitre 2, de sorte que Λ2 S 0 est irréductible
et que, désignant par R0 la représentation lisse irréductible cuspidale de GL(4, kv0 )
correspondant à S 0 , alors Λ2 S 0 corresponde à Kim(R0 ). Un tel choix est bien possible
grâce au chapitre 2.
×
On fixe aussi un caractère auxiliaire ϕ de A×
k /k , vérifiant les mêmes conditions
o
0
qu’au n 2.5, et non ramifié en v et v .
Soit G le groupe algébrique restriction des scalaires, de k à Q, de GL(4). Soit ξ
une représentation algébrique de G, telle que ξ c soit isomorphe à la contragrédiente
ξ ∨ de ξ, où c agit sur ξ via son action sur k. Alors [13, Corollary VI.2.6], il existe
une représentation automorphe cuspidale unitaire ρ de GL(4, Ak ) telle que :
(1) ρc ' ρv .
(2) ρ∞ a le même caractère infinitésimal que ξ ∨ |GL(4, k∞ ).
(3) ρv correspond, via ι, à R ⊗ (µ ◦ det) où µ est un caractère non ramifié de
K ×.
(4) ρv0 diffère de R0 par un caractère non ramifié µ0 de kv×0 .
Nous allons fixer ξ et ρ et exploiter l’existence d’un système de représentations
`-adiques de Gal(Q̄/k) associé à ρ [13, Theorem VII.1.9]. Pour conclure, il faudra
imposer une condition supplémentaire à ξ.
3.2. Pour cela, il convient d’expliciter la condition (2), suivant [6, § 3, 5] et [7,
§§ 3.1 et 3.2].
Fixons un plongement τ de k dans C, donnant une place x de k. La représentation algébrique ξ restreinte à GL(4, kx ) est donnée par le produit tensoriel d’une
représentation V de GL(4, C), irréductible de plus haut poids (a1 , a2 , a3 , a4 ) —
où les ai sont des entiers en ordre décroissant — composée avec τ : kx → C, et
de la représentation V ∨ de plus haut poids (−a4 , −a3 , −a2 , −a1 ), composée avec
cτ : kx → C. Alors ρx est un (g, K)-module irréductible générique pour GL(4, kx )
et, par la correspondance de Langlands à l’infini, ρx correspond à la représentation σx de W (C) = C× qui est somme des caractères χ1 , χ2 , χ3 , χ4 donnés par les
formules suivantes :
χ1 (z) = (τ z)−a4 (cτ z)a4 −3 |τ z|3 ,
χ2 (z) = (τ z)−a3 −1 (cτ z)a3 −2 |τ z|3 ,
42
G. HENNIART
χ3 (z) = (τ z)−a2 −2 (cτ z)a2 −1 |τ z|3 ,
χ4 (z) = (τ z)−a1 −3 (cτ z)a1 |τ z|3 ,
pour z ∈ kx× .
On voit alors que Λ2 σx est somme des σ caractères z 7→ (τ z)αi cτ z)−αi −6 |τ z|6
de kx× , avec
α1 = −a4 − a3 − 1,
α2 = −a4 − a2 − 2,
α3 = −a3 − a2 − 3,
α4 = −a4 − a1 − 3,
α5 = −a3 − a1 − 4,
α6 = −a2 − a1 − 5.
On a a1 + a2 > a1 + a3 > a1 + a4 et a2 + a3 > a2 + a4 > a3 + a4 .
Nous supposerons en outre a1 + a4 > a2 + a3 , ce qui est bien sûr loisible. Alors
on obtient α6 < α5 < α4 < α3 < α2 < α1 . On en déduit que le (g, K)-module
irréductible pour GL(6, kx ) qui correspond à Λ2 σx ⊗ ϕx a le même caractère infinitésimal qu’une représentation algébrique Ξ∨ de Resk/Q GL(6) telle que Ξc soit
isomorphe à Ξ∨ .
3.3. Nous sommes maintenant prêts à exploiter [13, Theorem VII.1.9], complété
par [24, Theorem A] (voir aussi [3] et [10]).
Choisissons un nombre premier q > 5, une clôture algébrique Q̄q de Qq et un
isomorphisme ε de Q̄q avec C.
A la représentation automorphe cuspidale ρ de GL(4, Ak ) est attachée par [13,
Theorem VII.1.9] une représentation q-adique
Σ : Gal(Q̄/k) → GL(4, Q̄q ) ;
dont le composant Σw en toute place w de k ne divisant pas q est fortement relié à
ρw .
Plus précisément, en une telle place w, notons sw la représentation complexe
−3/2
par la correspondance de Langlands.
de W D(kw ) correspondant à ρ∨
w ⊗ |det|kv
Alors ε−1 sw est la représentation sur Q̄` , de W D(kw ) qui est attachée à la Φsemisimplifiée Σ0w de Σw [24, Theorem A] (voir, par exemple, [4, chapitre 7] pour
le lien entre représentations q-adiques de W (kw ) et représentations de W D(kw )
sur Q̄q ). En particulier, puisque ρv0 est cuspidale, Σv0 est irréductible et, grâce à
l’hypothèse (4) du no 3.1, Λ2 Σv0 est également irréductible.
Considérons également la représentation automorphe T de GL(6, Ak ) obtenue à
partir de ρ par le processus de Kim. On sait que Tv0 correspond à Λ2 Σv0 , de sorte
que Tv0 est cuspidale.
Par suite T est cuspidale.
Grâce à l’hypothèse a1 + a4 > a2 + a3 , on peut appliquer [13, Theorem VII.1.9] à
T ⊗(ϕ◦det), et lui associer une représsentation q-adique Ω : Gal(Q̄/k) → GL(6, Q̄q ).
3.4. Soit w une place finie de k ne divisant pas q, et soit tw la représentation
−5/2
complexe de W D(kw ) correspondant à Tw∨ ⊗ ((ϕ−1
w | |kw ) ◦ det). A nouveau par
SUR LA FONCTORIALITÉ, POUR GL(4), DONNÉE PAR LE CARRÉ EXTÉRIEUR
43
[24, Theorem A], la Φ-semisimplifiée Ω0w de Ωw correspond à la représentation qadique ε−1 tw de W D(kw ).
Supposons que ρw soit non ramifiée. Comme Tw est obtenue à partir de ρw par
la fonctorialité donnée par le carré extérieur, on en déduit que tw est isomorphe à
1/2
Λ2 sw ⊗ (ϕ−1
w | |kw ),
1/2
et par suite que Ω0w est isomorphe à Λ2 Σ0w ⊗ (ε−1 ◦ (ϕ−1
w | |kw )).
Par le théorème de Cebotarev, les représentations q-adiques semisimplifiées de
×
Ω et Λ2 Σ ⊗ ν sont isomorphes, où ν est le caractère q-adique de A×
tel que
k /k
−1
−1 1/2
νw = ε ◦ (ϕw | |kw ) pour presque toute place w de k — remarquer que ϕ−1 | |k 1/2
×
2
est un caractère de A×
k /k de type A0 . Mais on a remarqué plus haut que Λ Σ est
2
0
irréductible, parce que Λ Σv l’est. Il s’ensuit que Ω est aussi irréductible, et est
isomorphe à Λ2 Σ ⊗ ν.
Regardant maintenant à la place v de k, on en tire que tv est isomorphe à
1/2
−1 −5/2
∨
) et ρv à
Λ2 sv ⊗ (ϕ−1
v | |kv ). Mais, par définition, Tv correspond à tv ⊗ (ϕv | |kv
−3/2
σv = s∨
v ⊗ | |kv
. On calcule
−5/2
−1
t∨
v ⊗ (ϕv | |kv
3 ∼ 2
)∼
= Λ2 s∨
v ⊗ | |kv = Λ σv ,
de sorte que Tv correspond bien à Λ2 sv , ce qu’il fallait démontrer : en effet ρv
correspond, via l’isomorphisme ι, à R ⊗ (µ ◦ det) où µ est un caractère non ramifié
de K × , et on obtient bien que Kim(R) correspond à Λ2 S.
Remarque. C’est par commodité que nous avons utilisé [24, Theorem A] plutôt que
le résultat plus faible de [13, Theorem VII.1.9], qui ne donne de renseignements
que sur les semisimplifiées de Σv et Ωv , et non leurs Φ-semisimplifiées. Bien sûr,
l’argument esquissé en 2002 n’utilisait pas l’article [24], bien plus récent. En fait,
comme la fonctorialité pour le carré extérieur est compatible au changement de base
cyclique, on voit facilement — en effectuant des changements de base cycliques successifs qui font disparaı̂tre la cuspidalité de ρv , cf. [18, § 5] — que la Φ-semisimplifiée
de Σv est déjà semisimple, et [13, Theorem VII.1.9] suffit alors à conclure comme
plus haut.
4. Préservation des facteurs γ
4.1. Dans ce dernier chapitre, nous prouvons le théorème 1.4, qui implique aussi
la propriété de stabilité des facteurs γ énoncée au no 1.3.
Commençons par donner un énoncé local, reprenant les notations du no 2.1.
On note R une représentation lisse irréductible tempérée de GL(4, K), S la
représentation de W (K), de dimension 4, qui correspond à R et Λ2 R = Kim(R)
la représentation lisse irréductible de GL(6, K) qui correspond à Λ2 S — elle est
tempérée.
Théorème. Soit m en entier, m > 1, et soit U une représentation lisse irréductible
générique de GL(m, K). Alors, pour tout caractère non trivial ψ de K, on a
γ(Λ2 R × U, s, ψ) = γ(R, U, Λ2 , s, ψ).
44
G. HENNIART
Si R est une représentation lisse irréductible tempérée de GL(r, K), r < 4, alors
le résultat analogue est connu, puisque la fonctorialité pour GL(r) donnée par le
produit extérieur est déjà connue (cf. la remarque du no 1.1). Par les propriétés
d’inductivité des facteurs γ [23, 3.13 et 18, Proposition 2.4 et Proposition 2.5], il
suffit de prouver le théorème quand R et U sont toutes deux cuspidales.
On utilise alors la même méthode que dans [18, preuve de la Proposition 5.2.3].
4.2. On choisit un corps de nombres k, une place finie v de k et un isomorphisme ι
de kv avec K. On choisit aussi une représentation automorphe cuspidale unitaire ρ
de GL(4, Ak ), non ramifiée en toute place finie distincte de v, et dont le composant
en v donne R via l’isomorphisme ι, à torsion près par un caractère non ramifié [23,
Prop. 5.1]. De même, on choisit une représentation automorphe cuspidale unitaire τ
de GL(m, Ak ), non ramifiée en toute place finie distincte de v, et dont le composant
en v donne U à torsion près par un caractère non ramifié.
Formons alors la représentation automorphe Π de GL(6, Ak ) donnée par la fonctorialité pour le carré extérieur.
Si Ψ est un caractère non trivial de Ak /k, on a
γ(Πw × τw , s, Ψw ) = γ(ρw , τw , Λ2 , s, Ψw )
en les places infinies par [22], et en les places finies distinctes de v par construction,
puisque τw , ρw et Πw sont non ramifiées.
Utilisant alors l’équation fonctionnelle globale comme en [18, § 5.2], on obtient
en la place v
γ(Πv × τv , s, Ψv ) = γ(ρv , τv , Λ2 , s, Ψv )
d’où
γ(Λ2 R × U, s, ψ) = γ(R, U, Λ2 , s, ψ)
pour le caractère ψ de K qui correspond à Ψv via i.
Mais ωΛ2 R = ωR2 , donc cette égalité est valable pour tout caractère non trivial
ψ de K.
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FRANCE; CNRS, Orsay cedex F-91405 FRANCE
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