raging bull

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RAGING BULL
MARTIN SCORSESE
JEUDIS 3 ET/OU 10 MARS 2016
Un chef-d’œuvre, tout simplement. Un film qui témoigne de l’inventivité incroyable et
de la maîtrise absolue de son réalisateur, et du génie infini de son interprète. Le sommet
d’un lent cheminement tout autant existentiel qu’artistique, où la destinée d’un homme
- son ascension, sa chute et sa rédemption – finit par se confondre avec les interrogations, les
ambitions et les exigences de deux artistes, comme les deux revers de la même pièce. Un filmcharnière dans l’œuvre de Martin Scorsese et dans la carrière de Robert De Niro. Raging Bull
a pourtant été un semi-échec à sa sortie en novembre 1980, mais il s’est peu à peu imposé
comme un film-phare : dix ans plus tard, les critiques américains l’éliront comme le meilleur
film de la décennie.
Jake LaMotta a été à la fin des années 40 un immense boxeur, le champion du monde des
poids moyens qu’aucun de ses adversaires n’est arrivé à mettre k.o. au cours de la centaine
de combats qu’il livra. Mais ce qui touche De Niro, lorsqu’il lit son autobiographie, c’est moins
la gloire du champion que sa déchéance, que son impuissance à communiquer autrement
que par ses poings, que cet instinct primaire et cette violence qui l’animent et le rongent, et
rendent impossible toute relation sociale, amoureuse ou familiale. De Niro propose à Scorsese
d’en faire un film, mais le réalisateur, n’aimant pas la boxe, est moyennement emballé. Une
première adaptation est cependant confiée à Mardik Martin, ami de Scorsese qui a travaillé
sur le script de Mean Streets. Deux ans plus tard, pas convaincus, Scorsese et De Niro font
appel à Paul Schrader, le scénariste de Taxi Driver, qui réécrit tout, apportant profondeur,
introspection et interrogations existentielles voire métaphysiques. Mais ce n’est que lorsque
Scorsese lui-même est en train de toucher le fond, à la suite d’abus de drogues et de graves
crises dépressives, qu’il se laisse finalement convaincre sur son lit d’hôpital par De Niro de
se consacrer à Raging Bull. Tout d’un coup, tout lui paraît évident, tout lui parle. Le côté italoaméricain, l’héritage catholique, le poids de la culpabilité, l’autodestruction, le combat
contre soi-même, l’espoir d’une rédemption... Le cinéaste et son interprète s’isolent alors et,
ensemble, retravaillent et s’approprient le scénario, avant de décider après quelques essais
de tourner le film en noir et blanc.
On connaît la suite... L’implication absolue de De Niro qui a remarqué Joe Pesci et le fait
engager pour jouer son frère, qui s’entraîne avec LaMotta pendant plusieurs mois, puis qui
prend trente kilos en quatre mois pour jouer la deuxième partie de sa vie. Une composition,
une incarnation plutôt, qui est l’une des plus accomplies qu’on connaisse, et lui vaudra un
Oscar. Le défi artistique que relève Scorsese. L’intelligence de chacune de ses décisions.
La puissance de sa mise en scène. Chaque combat filmé de manière différente, de plus en
plus violente, de plus en plus stylisée, de plus en plus allégorique – on n’est pas seulement
sur le ring, on est dans la tête de LaMotta. Mais aussi ces scènes de la vie quotidienne qui,
soudain, dérapent. Cette désespérance et cette mélancolie qui imprègnent tout le film.
Ce travail formidable sur le son, et sur le montage qui vaudra à Thelma Schoonmaker un
Oscar... Martin Scorsese, lui, ne sera pas récompensé, ni le film en tant que tel. L’Histoire,
heureusement, lui a rendu justice.
Raging Bull de Martin SCORSESE (1980) avec Robert De Niro, Joe Pesci, Cathy Moriarty - Durée : 2H09
Prochain rendez-vous : La Dame de Shanghaï les jeudis 17 et/ou 24 mars 2016
UGC Culte – les films qui ont fait la légende du cinéma, sur grand écran
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