Le « Nouvel Hollywood »
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Le « Nouvel Hollywood »
Le « Nouvel Hollywood » une brève histoire (1967-1983) Fin des années 50. La Nouvelle Vague française en est encore à ses balbutiements lorsqu'un comédien hollywoodien lance une souscription en vue de réaliser son premier long-métrage en dehors du système des Majors en pleine crise de mutation. Shadows (1959) et les films suivants (Too late blues - 1961, Un enfant attend - 1963, Faces - 1968), font de John Cassavetes le grand frère à imiter pour une génération de cinéphiles apprentis cinéastes, séduits par le nouveau cinéma français, influencés par la contre-culture naissante, soucieux d'indépendance mais également désireux de prendre le pouvoir. La Nouvelle Vague se répand aux quatre coins de la planète (pays de l'Est, Japon, Amérique latine...), et, en quelques années, Dennis Hopper, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Brian De Palma, Mike Nichols, Robert Altman, Hal Ashby - ainsi qu'une poignée de jeunes producteurs un peu fous – vont révolutionner une industrie hollywoodienne vieillissante, parfois en son sein même. Le cinéma hollywoodien, par essence art du divertissement, se voit dès lors doté de préoccupations politiques, sociales, sexuelles, esthétiques, clairement affichées... C'est encore à un acteur que l'on doit ce que l'on considère aujourd'hui comme le début du « Nouvel Hollywood ». Warren Beatty n'est qu'un espoir de la profession lorsqu'il décide de se lancer dans la production d'un film d'Arthur Penn avec qui il vient de tourner Mickey One (1965). Il faut dire qu'il y a le beau rôle en incarnant Clyde Barrow et que sa partenaire n'est autre que la débutante et radieuse Faye Dunaway. Bonnie and Clyde (1967) est un film inventif, violent, ambigu et, ce qui ne gâche rien, va rencontrer un beau succès public et critique. Le mouvement est lancé. Hollywood se fissure progressivement alors que surgit cette soudaine impulsion. Réalisé la même année, le Lauréat de Mike Nichols est un film moins novateur mais représente un nouveau pavé dans la mare bien pensante de la bourgeoisie américaine : Benjamin, jeune étudiant campé par un Dustin Hoffman inexpérimenté, découvre les joies de la sexualité auprès d'une femme mûre, 40 ans avant la mode des cougars. Dustin Hoffman est d'ailleurs un bon exemple du virage esthétique de ces années. Petit, pas franchement beau, il détonne comparé aux jeunes premiers traditionnels. A ses côtés, vont éclore d'autres comédiens a priori peu « glamour » : Al Pacino et son acolyte John Cazale, Robert de Niro, Robert Duvall, Gene Hackman, Jack Nicholson ou encore, dans un autre registre, Woody Allen ou Mel Brooks. Chez les femmes, la tendance n'est pas aussi frappante, même si une Diane Keaton ou une Barbra Streisand sont éloignées des canons de beauté alors de mise à Hollywood. En 1969, un film issu du mouvement hippie casse la baraque : Easy Rider. Ce road movie sous LSD est écrit et réalisé par l'acteur Dennis Hopper avec la complicité de Peter Fonda, fils du mythique interprète des Raisins de la colère. Véritable équipée pacifiste et désespérée d'un groupe d'allumés chevelus à travers une Amérique raciste et conservatrice, le film rencontre un succès invraisemblable, devenant « culte » à peine sorti en salles. Woodstock est passé par là et toute une jeunesse se reconnaît dans cet appel à une liberté sexuelle, à la consommation de drogues pas toujours douces et à une certaine utopie se heurtant à la sauvagerie fondamentale de la société américaine. Le film révèle surtout un comédien qui va marquer l'Histoire du cinéma : Jack Nicholson. Successivement acteur, scénariste puis réalisateur, celui qui incarne l'avocat alcoolique d' Easy Rider a fait ses débuts chez Monte Hellman, et est partie prenante de BBS, société de production indépendante fondée par Bert Schneider et Bob Rafelson. Cinq pièces faciles (1970) et The King of Marvin Gardens (1972), signés Rafelson et interprétés par Nicholson, sont les autres films emblématiques de BBS et peuvent être aujourd'hui considérés comme de véritables objets sociologiques ! En 1970, nouveau film coup de poing : en pleine Guerre du Vietnam, un réalisateur venu de la télévision signe une comédie sur la vie des soldatschirurgiens durant le conflit en Corée. M*A*S*H de Robert Altman est une bombe satirique et subversive dans la lignée des comédies italiennes de ces années-là. Altman s'essaiera par la suite à des récits plus intimistes malgré leur aspect de films choraux, mais aussi au polar avec le Privé (1973). Formé à l'école Roger Corman prolixe producteur et cinéaste indépendant -, l'Italo-américain Francis Ford Coppola accepte à contrecœur la commande de la Paramount pour adapter le roman de Mario Puzo sur la mafia, The Godfather. Et la guerre avec le Studio commence dès la pré-production lorsque Coppola entend imposer un inconnu, Al Pacino, et un revenant « black-listé » pour ses nombreuses frasques, Marlon Brando. Réalisé contre vents et marées, le Parrain (1973) est aujourd'hui un monument du cinéma mondial et Coppola en tournera deux suites. Le cinéaste est alors au sommet de sa forme. En cinq ans, il obtient deux Palmes d'or : Conversation secrète, grand film paranoïaque sur les écoutes téléphoniques de la C.I.A., et Apocalypse Now (1979), une œuvre à la démesure de son auteur, plongée hallucinée au cœur de la Guerre du Vietnam, inspirée par un récit de Joseph Conrad. Cinéphile intarissable, un autre Italo-américain fait également un passage chez Roger Corman. Martin Scorsese vient de terminer un premier film étonnant, sorte de brouillon des œuvres à venir, I call first également connu sous le titre de Who's that Knocking at my Door. Pour Corman, Scorsese se lance dans un film de commande un peu trop lisse, la biographie d'une « pétroleuse » des années 20, Bertha Boxcar (1972). Peu satisfait du résultat et bousculé par John Cassavetes, Scorsese comprend que le salut passera par le traitement de sujets plus personnels. Chose faite avec Mean Streets (1973), polar sale et chrétien, poétique et violent, où Robert De Niro, découvert chez De Palma (Hi Mom !, 1970), éclipse le narrateur-protagoniste, Harvey Keitel. La collaboration De Niro-Scorsese ne fait que commencer. Après un film très « cassavetien » - Alice n'est plus ici (1974) -, Taxi Driver (1976) donne la vedette à De Niro qui incarne un ex-GI traumatisé par la Guerre du Vietnam, devenu chauffeur de taxi obsédé par le « nettoyage » des rues de New York de ses marginaux. Deux ans après Conversation secrète, le film de Scorsese remporte une Palme d'or hautement méritée, consacrant sur le plan international cette génération. A l'instar de la Nouvelle vague, les films du Nouvel Hollywood accordent au cinéaste le statut d'auteur. Mais contrairement à leurs confrères français, les réalisateurs américains s'aventurent sans problème dans le film de genre, ancré dans l'Histoire de leur cinéma. Dans le domaine de la comédie, par exemple, si Mel Brooks reste dans une certaine tradition burlesque, Woody Allen introduit une dimension existentielle au genre, inimaginable à l'époque du Vieil Hollywood. Formé au one-man-show, Woody Allen débute comme réalisateur avec des films qui ne sont que des suites de sketches, qu'il intreprète, mais progressivement, va lui aussi revendiquer un statut d'auteur que ses névroses légendaires ne sauraient totalement expliquer. Annie Hall (1977), Intérieurs (1978) ou Manhattan (1979) déroutent ceux qui ne voyaient en lui qu'un amuseur mais sont salués par la critique et lui assurent une reconnaissance internationale. Depuis, Woody Allen a beaucoup tourné et visité bien d'autres genres (fantastique, polar, comédie musicale, faux biopic, drame psychologique...) Passé par la réalisation télévisuelle, Steven Spielberg frappe un grand coup avec un téléfilm qui connaît une sortie en salles, Duel (1971). Passé maître pour les récits effrayants, il rencontre un succès planétaire avec son deuxième film de cinéma, les Dents de la mer (1975), réussite renouvelée avec Rencontres du troisième type (1977). Le succès ne le quittera plus au cours des années suivantes. Son ami George Lucas fait également un carton en 1973 avec le mélancolique American Graffiti, mais il ne se sent pas cinéaste dans l'âme et après Star Wars (1977) et la dérive marchande des produits... dérivés, il se consacre davantage à la production et à la recherche technologique. De son côté, Brian De Palma, l'aîné surdoué de la bande que l'on a souvent qualifié d'héritier direct du grand Alfred Hitchcock, n'hésite pas à marier un suspense digne du maître britannique et un penchant sans complexe pour le cinéma gore. Phantom of paradise (1974) est ainsi un mélange de fantastique et de comédie musicale. Et pour Carrie au bal du diable (1976), adaptation d'un roman de Stephen King, De Palma plonge cette fois-ci dans le film d'horreur. Son plus grand succès, un film culte pour bien des jeunes aujourd'hui encore, est le remake cocaïné du Scarface d'Howard Hawks (1932), œuvre fondatrice du film de gangster. Le Scarface de De Palma signe en 1983 la fin de cette période utopique pour laisser place au cynisme et à la violence marchandisée. Hollywood venait d'être repris en mains par une génération de financiers étrangers au monde du cinéma, obéissant au diktat de conglomérats transnationaux. Légendes des photos : Faces de John Cassavetes (1968) ; Faye Dunaway, Bonnie and Clyde (1967) ; Dustin Hoffman et Katharine Ross, le Lauréat (1967) ; Jack Nicholson, Easy Rider (1969) ; affiche de M*A*S*H de Robert Altman (1970) ; James Caan, Marlon Brando, Al Pacino et John Cazale, le Parrain (1972) ; Martin Scorsese sur le tournage de Who's That knocking at my Door ; Robert De Niro, Taxi Driver (1976) ; Woody Allen et Diane Keaton, Annie Hall (1977) ; affiche de Duel (1971) ; Al Pacino, Scarface (1983).