Chine: la lutte contre les inégalités va entraîner

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Chine: la lutte contre les inégalités va entraîner
Chine: la lutte contre les inégalités va entraîner une forte
hausse du salaire minimum
Pékin a dévoilé son plan visant à réduire les inégalités dans le pays. Parmi les 35 axes annoncés
figure une augmentation des salaires. Sachant que la hausse du coût du travail a depuis plusieurs
saisons redessiné la carte mondiale du sourcing, notamment textile, cette annonce soulève de
nouvelles interrogations chez les professionnels.
Photo AFP
Les autorités chinoises préconisent en effet de rehausser le salaire minimum de 40% d’ici 2015.
D’autres mesures concernent une hausse des dépenses d’éducation et de santé, et une hausse de
la rémunération de l’épargne pour les ménages. Mais c’est bel et bien la question du salaire qui est
au centre des attentions, "l’usine du monde" ayant bâti son succès sur le bas niveau de ce dernier.
La hausse de 22% des salaires minimum menée en 2011 a depuis causé la réorientation du
sourcing mondial vers d’autres pays d’Asie, comme l’Indonésie, les Philippines ou encore le
Vietnam.
"Cela ne va toucher pour l’instant que ce qu’on appelle les usines gouvernementales, situées
autour des grandes villes, Shanghaï, Pékin, ou au Guangdong", explique Samuel Alimi, cofondateur
de la société d’approvisionnement SL Sourcing. "Pour notre part, nous sommes donc en train de
nous éloigner vers des zones plus reculées de la Chine, où les usines ne se prendront pas cette
hausse de plein fouet. Mais, face à cette hausse des coûts attendue de 15% dans un premier
temps, cela va être à nous, sourceurs, de trouver des solutions pour amortir cette augmentation,
alors
que
nos
clients
nous
demandent
un
sourcing
toujours
moins
cher".
De son côté, l’économiste chinois Andy Xie voit dans cette évolution le passage d’un point de nonretour. "La stratégie économique a mené à une décennie de croissance forte. A présent, la Chine a
épuisé sont potentiel de croissance permise par un trop plein de main-d’œuvre, le développement
d’infrastructures, et la hausse des exportations", explique-t-il au site chinois Caixin.com. "Pour la
prochaine étape de cette croissance, la Chine doit se diriger vers une hausse de la productivité du
travail via la montée en gamme des produits et technologies côté offre, et vers une hausse de la
consommation côté demande. Même si cette transformation est un succès, la croissance sera
beaucoup
plus
faible
que
par
le
passé,
peut-être
moitié
plus
faible".
Une montée en gamme de la production chinoise qui serait à l’œuvre de longue date dans le
textile, Lin Yun Feng, vice-président de la Chambre chinoise de commerce et d’industrie textile
(CCPIT Tex), expliquait il y a un an à FashionMag.com que la hausse des salaires avait poussé la
Chine à quitter l’entrée de gamme. "Les entreprises qui restent compétitives, pour maintenir leurs
positions, prennent le pari de la qualité", explique-t-il. "Pour cela, ils font notamment appel à des
designers européens. Mais, bien sûr, je n’exclus pas que les entreprises qui ont échoué dans cette
évolution aillent vers la faillite. Tout simplement parce que c’est la loi du marché".
Pour sa part, Samuel Alimi a d’ores et déjà intégré cette montée en gamme dans son réseau de
sourcing. "Il n’y a pas encore de pays ayant une force de frappe pour prendre le relais", explique-til. "Nous allons donc moins acheter de basiques en Chine, en allant notamment vers le Bangladesh
et le Vietnam. Et on va demander à la Chine d’être plus créative, d’avoir une plus grande force de
proposition,
et
aussi
d’aller
plus
vite
dans
sa
production".
De plus en plus tournée vers son marché intérieur à la demande grandissante, l’industrie chinoise
tourne peu à peu le dos aux exportations, plongeant donc les commanditaires dans une quête de
nouveaux paradis de la production. Que ce soit via un sourcing dans des pays voisins de la Chine,
mais aussi par des opérations de relocalisations aux Etats-Unis et en Europe, ou encore via un
sourcing régional, avec le Maghreb et la Turquie dans le cas de l’Union européenne.
Reste à savoir si les nouvelles décisions de Pékin aboutiront à une accélération de ces phénomènes,
et si elles provoqueront dans les pays voisins un renforcement des revendications salariales. Car,
en dopant son salaire minimum, c’est peut-être à long terme ceux de toutes l’Asie que la Chine
vient de rehausser.

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