Les dossiers de la revue

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Les dossiers de la revue
Le pire des mondes possible
Riad TOUMI
Ouvrages
&
Lectures
Dans
Préparé par Riad Toumi
“The Planet of Slums”
de Mike Davis
Traduit par Jaques Mailhos
le pire des mondes
possibles » de Mike Davis (traduit de
l’Anglais par Jacques Mailhos) et publié en
2006, l’auteur nous propose un ouvrage
d’actualité, d’un monde ou se prolifèrent
une marginalité planétaire même si elle
n’est pas « tissée de la même étoffe ». Le
phénomène en question n’est que
l’expression d’une réalité « locale » admise
de part et d’autre avec des termes
topographiquement et socialement précis.
L’analyse dresse un tableau alarmant,
accusateur et pessimiste à la fois.
Le livre de M.Davis nous fait
explorer le monde des bidonvilles depuis
Manille jusqu’à Lagos en passant par
Pekin, l'accroissement exponentiel des
mégapoles du tiers monde sous l’effet d’un
mouvement migratoire extraordinaire des
années 70, a donné naissance de nos jours à
de « mégabidonvilles » hors du commun,
lieux stigmatisés et totalement abandonnés
par les pouvoirs publics.
En abordant les raisons d’un tel état
à l’échelle de la demi-sphère sud, la
pauvreté et les fatidiques thérapies de choc
PAS « Plan d’Ajustement Structurelles »
semblent être deux raisons valables,
d’après l’auteur, pour maintenir cet état
d’échec dans les pays du tiers monde.
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«
Le pire des mondes possible
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Devant une situation irrémédiable, les bidonvilles deviennent par la
force des choses source de tous les dangers où se prolifèrent la misère
humaine, sous toutes ses formes, ils sont « un musée vivant de l’exploitation
humaine ».
Appuyé par des statistiques et survolant un bon nombre de pays,
M .Davis dévoile dans son livre que sur les trois milliards de personnes qui
peuplent les villes, le tiers « survivent » dans ses bidonvilles. Exposés à tous
les dangers de la nature ou ceux de l’homme (pollution entre autres) ils sont
des zones de la marginalité avancée et de la pauvreté sans remède. Le
monde du XXI siècle ne sera pas forcément le siècle de la fin du monde,
mais plutôt celui des friches urbaines ou pullulent précarité, indigence et
misère humaine devant l’incapacité des Etats à trouver des solutions
radicales alors que les crises économiques ne font qu’anéantir à néant tout
effort dans ce sens.
Dans « planet of slûms » (titre original de l’ouvrage) M..Davis nous
fait découvrir un monde visible et oublié à la fois où plane le doute et le
pessimisme dans un univers sans scrupule ; Celui des riches et des pauvres,
deux mondes séparés.
[La population urbaine est supérieure à ce qu’était la population totale
l’année ou J.F.Kennedy prit ses fonctions…..]
Dans les premiers chapitres, l’auteur évoque la climatérique urbaine
de notre siècle qui est exposée d’une manière remarquable, en mettant
aussitôt le lecteur dans le vif du sujet. En effet, pour la première fois dans
l’histoire de l’humanité la population urbaine de notre planète dépassera la
population rurale, « beaucoup plus que ne l’avait prévu le Club de Rome en
1972, puisque de 86 villes de plus d’un million d’habitants en 1950 », on
dénombre aujourd’hui, selon l’auteur, 400 villes et elles seront au moins
550 en 2025. Le paysage urbain décrit par M.Davis n’est que Mégavilles et
« Désakotas », il n’est que la résultante d’une multiplication de nouvelles
mégapoles de plus de 8 millions d’habitants et l’expansion spectaculaire des
hypervilles de plus de 20 millions de personnes. Ce nouvel ordre urbain
caractérise de plus en plus les pays du tiers monde, tissant par la même
occasion d’extraordinaires nouveaux réseaux, couloirs et hiérarchie urbains.
En exposant des exemples de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie,
l’auteur nous dresse une situation de la croissance exponentielle des villes
jamais égalée, à tel point qu’une collusion entre l’urbain et le rural est
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observable dans bon nombre de ville du monde. La Chine en est la parfaite
illustration de cet état de choc à l’échelle de la planète. Elle est d’ailleurs
illustrée comme un exemple de l’urbanisation industrielle et d’un monde
urbain que ni Mao ni Le Corbusier n’auraient imaginé.
Ce boom urbain qui caractérise les pays du tiers monde s’est
accompagné par une dégradation de la vie urbaine, la chute des salaires
réels, l’inflation et l’explosion du chômage urbain sous l’emprise d’un sous
développement annoncé et tenaillé par la dette. Le monde rural continu de
lancer ses populations vers les villes, laissant les pouvoirs publics dans
l’incapacité de faire face aux besoins croissant des populations urbaines en
matière de logements, équipements et services. Cet état dramatique pour bon
nombre de pays du tiers monde sous l’emprise d’une pauvreté croissante, la
prolifération des bidonvilles aux alentours des grandes villes est aussitôt
repérable à grande échelle, à l’image de Nairobi, Delhi et autre Bombay. Le
XXIème siècle ne sera pas celui des grattes ciels de verre et d’acier mais
plutôt des villes construites en brique brute, paille, parpaing et tôle ondulée
entassant le un milliard de gens dans de sordides lieux stigmatisés.
[Il existe probablement plus de 200 000 bidonvilles sur la planète,
comptant de quelques centaines à plus d’un million d’habitants….]
Le programme des nations unies pour les établissements humains
(ONU-Habitat) a publié en 2003 un rapport fulgurant sur les bidonvilles
dans le monde, intitulé « The Challenge of Slums », c’est l’œuvre d’une
centaine de chercheurs. Ils se basent sur trois sources d’analyses, à savoir ;
- Les études de cas synoptique de la pauvreté, les conditions
d’existence et les politiques de logements dans 34 métropoles dans
le monde.
- L’utilisation d’une banque de données comparatives (237 villes).
- L’intégration de nouvelles données sur le logement concernant
particulièrement la Chine et l’ancien bloc soviétique.
The Challenge of Slums, constitue un avertissement sur la pauvreté urbaine
qui annonce une catastrophe mondiale.
La première définition écrite du terme « slum » paraît en 1812, le
phénomène connaît son pinacle dans les pays du Nord, particulièrement
dans la première moitié du XIXème siècle, puis s’intensifia plus tard,
poussant bon nombre d’étude à se pencher sur la question, notamment la
fameuse « The Slums of Baltimore, Chicago, New York and Philadelphia,
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1894). Depuis, et malgré les disparités sociospatiale du terme, la seule
défition opératoire de nos jours officiellement adoptés par le sommet de
l’ONU à Nairobi en 2002, fait une approche multidisciplinaire en adoptant
les caractéristiques physiques et légales de l’implantation tout en évoquant
les dimensions sociales impliquant par la même occasion de nouveaux
concepts, à l’image de la marginalité.
Sur le plan statistique, on estime à plus d’un milliard (en 2005) de
personnes vivant dans de taudis urbain, dont 78,2% parmi les pays du Sud.
Avec 10 à 12 millions de squatters, Bombay est la
capitale mondiale du bidonville, suivi de Mexico et Dacca (9
à 10 millions) puis Lagos, Le Caire, Karachi, Kinshasa, Sao
Paulo, Shanghai et Delhi (de 6 à 8 millions).
The Challenge of Slums, évoque aussi la pauvreté urbaine et conteste
avec chiffres à l’appui les estimations gouvernementales qui, dans la plupart
des cas, sous-estiment délibérément et parfois massivement, d’après
l’auteur, le nombre réel des pauvres dans les bidonvilles.
L’urbanisation pirate, les locataires invisibles, la marge des parias
autant de concepts évoqués par M.Davis pour élucider un phénomène qui
change continuellement de configuration sociospatiale mais qui désigne les
même lieux de la misère humaine ou survivent des populations démunies
des besoins les plus élémentaires à la vie saine.
Abordant le rôle de l’Etat, l’auteur incrimine avec une fermeté
impitoyable certains Etats postcoloniaux des pays du tiers monde à l’image
de l’Egypte, l’Inde, le Mexique et bien d’autres, pour être responsable de la
pauvreté urbaine, il ira même très loin en évoquant une certaine trahison de
ses états vis a vis des pauvres de la ville de n’avoir pu tenir ses promesses.
L’accès au logement public et social a été plutôt profitable à la classe
moyenne et les élites urbaines, laissant bien loin derrière une population
pauvre et grandissante sous l’emprise de l’exode rural, dans l’incapacité de
réaliser « leur rêve de vie » celui d’avoir un logement. Par conséquent, la
prolifération des bidonvilles dans les périphéries des villes est indéniable.
Cet état dramatique est d’ailleurs confirmé par plusieurs chercheurs de la
question.
Dans les derniers chapitres M.Davis n’hésite pas à exprimer
clairement sa « sympathie » pour les pays du Sud en évoquant « le triage de
l’humanité » imposé et l’avancé diabolique du néolibéralisme toujours à la
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recherche du Profit au dépend des pauvres de la planète, en usant même de
la force et suprématie pour accéder à toutes fins utiles. Aussi étrange que
cela puisse paraître, cette force sans égale, s’emploie le plus souvent dans
des villes et spécialement là où se prolifèrent les bidonvilles (Sadr city en
Irak) pour faire une guerre des villes sans merci contre le terrorisme, la
drogue et la criminalité. A tel point que le génie militaire Américain forgea
la théorie des opérations militaires en milieu urbain. N’est ce pas là, une
criminalisation des urbains pauvres ?
L’auteur, nous propose une tout autre lecture de la pauvreté urbaine,
à travers l’émergence possible d’un sous-prolétariat planétaire et
révolutionnaire devant l’ampleur de l’urbanisme informel. La violence
communautaire autodestructrice peut-elle commencer par-là ?
The planet of Slums est une mise à nu……..
Dans cet ouvrage, une mise à nu du système capitaliste et des
politiques locales et internationales est à découvrir. C’est une mise à nu de
la prédominance du profit et de l’arrogance des riches au dépend des
pauvres, c’est une mise à nu de l’insolence des pays du Nord et de leur
système politico-économique. Les Bidonvilles ne sont en fin de compte que
l’expression indéniable de l’injustice humaine à une échelle planétaire. ”The
planet of Slums” est une autre version très personnelle de ”The Challenge of
Slums”, mais à la différence de ce dernier, il exprime la révolte au sens le
plus large dans un contexte idéologique anticapitaliste très à la mode.
D’après” SCIENCES HUMAINES” :
« M.Davis propose de voir dans la pauvreté urbaine […]
l’émergence d’un sous prolétariat mondial crée par la
richesse des centres urbains et par les politiques
d’ajustement structurel des organisations internationales des
pays du Nord […] Comme toujours chez M.Davis, la
réflexion est radicale, contestable, édifiante et stimulante. »
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