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XIXe SIÈCLE
Un roman
VERNE
Le Tour du monde
en 80 jours
(2204)
I. Étudier Le Tour du monde
en 80 jours en Quatrième
Les annexes au programme de Quatrième préconisent, parmi les textes porteurs de références culturelles,
la lecture d’un roman de Jules Verne, au choix du professeur. Le Tour du monde en 80 jours présente à cet égard
de nombreux avantages.
D’une part, il répond aux objectifs de lecture de la
classe de Quatrième, selon lesquels « on approfondit
l’étude de récits complexes pour les textes à dominante
narrative », de même qu’il correspond au choix
d’œuvres à lire (« Un roman bref ou des nouvelles du
XIXe siècle »).
D’autre part, ce roman peut servir de point d’appui
en vue de la réalisation des objectifs d’écriture : « En
classe de Quatrième, les élèves doivent maîtriser la composition d’un récit complet et complexe de deux à trois
pages, combinant différentes formes de discours […]. »
Comme on le verra au cours de la séquence, Le Tour du
monde en 80 jours, roman dont le thème central est une
86
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
course contre le temps, utilise les techniques du récit
complexe, en particulier l’ellipse narrative et le flashback.
Au-delà de ces critères, à travers l’apologie que Jules
Verne fait des moyens de transport et des technologies
modernes, le roman favorise un travail interdisciplinaire, notamment entre le français et l’histoire, dont le
programme porte sur le XIXe siècle et la révolution
industrielle. De plus, dans le cadre d’éventuels itinéraires de découverte, les possibilités d’interdisciplinarité
sont multiples : français, géographie, technologie, sciences
physiques, etc.
En outre, Le Tour du monde en 80 jours permet
d’aborder, à travers le plaisir d’un récit d’aventures au
rythme soutenu et plein de rebondissements, une problématique culturelle très sérieuse : comment les techniques
modernes de communication et de transport ont-elles
changé notre façon d’appréhender le temps et l’espace ?
Enfin, il faut noter qu’une adaptation filmique du
roman par Frank Coraci paraîtra cette année sur nos
écrans.
II. Outil de travail :
tableau synoptique de l’œuvre
Voir page ci-contre et suivantes.
XIV
XIII
XII
XI
X
IX
VIII
VII
VI
V
IV
III
Lieux
Reform-Club, Londres.
7 Saville-row, Londres.
7 Saville-row, Londres.
Événements principaux
Portrait de Phileas Fogg.
Embauche de Passepartout.
Portrait de Passepartout.
Discussion autour du vol de 55 000 livres ; pari de Fogg contre
Stuart, Sullivan, Fallentin, Ralph et Fanagan.
Saville-row ; gare de Cha- Départ de Fogg et Passepartout ; oubli de la lampe à gaz par ce
ring-Cross
dernier.
Londres.
Paris sur la réussite de Fogg ; soupçons de vol contre lui.
Suez.
Portrait du détective Fix ; arrivée du Mongolia.
Suez.
Visa sur le passeport de Fogg.
Suez.
Enquête discrète de Fix auprès de Passepartout ; premier décalage horaire sur la montre de celui-ci.
Du 9/10 au 20/10.
Mer Rouge ; mer d’Oman. Traversée sans encombre Suez-Bombay ; Fix et Passepartout
sympathisent.
20/10 de 16 h 30 à
Bombay.
Fix attend en vain son mandat ; Passepartout profane involon19 h 55.
tairement un temple hindou.
Du 20/10 à 20 h
Train Bombay-Calcutta.
Rencontre de Sir Francis Cromarty ; deuxième décalage hoau 22/10 à 8 h.
raire de Passepartout ; arrêt de la ligne de train à Kholby et
achat de l’éléphant Kiouni.
Du 22/10 au 23/10 à Entre Kholby et Allahabad. Traversée à dos d’éléphant avec le guide Parsi et Sir Francis ;
16 h.
décision de sauver une jeune femme du sutty.
Du 23/10 au 24/10 à Pagode de Pillaji.
Sauvetage de Mrs Aouda grâce à la ruse et l’audace de Passel’aube.
partout.
Du 24/10 à 6 h
Train Allahabad-Calcutta. Cadeau de Kiouni au Parsi ; adieu à Sir Francis ; offre de
au 25/10 à 7 h.
conduire Aouda à Hong-Kong ; traversée sans encombre.
I
II
Date
Mercredi 2/10/1872 à
11 h 30.
Mercredi 2/10/1872 à
11 h 30.
Mercredi 2/10/1872,
de 11 h 30 à 19 h 25.
Mercredi 2/10/1872,
de 19 h 25 à 20 h 45.
Du 2 au 9/10.
9/10 à 11 h.
9/10 à 11 h.
9/10 à 11 h 52.
Chapitres
5 heures d’avance.
Quelques heures d’avance.
12 heures d’avance.
Avance de deux jours.
Avance de deux jours.
Départ à l’heure du Mongolia.
Avance de deux jours.
Arrivée à Suez à l’heure.
Retour prévu le samedi
21/12 à 20 h 45.
Départ à l’heure.
Tableau de marche
Du 6/11 (soir) au 7/11
à 15 h 10.
Du 7/11 au 11/11 à
19 h.
Du 7/11 à 18 h 30 au
13/11 (nuit).
14/11, du matin à
18 h 30.
Du 14/11 au 3/12.
3/12 de 7 h à 17 h 45.
XXI
XXII
XXIII
XXV
XXIV
Calcutta.
Lieux
Événements principaux
Tableau de marche
Léger retard.
Départ à l’heure pour HongKong.
Ni avance ni retard.
24 heures de retard, puis
16 heures d’avance supposées à tort.
24 heures de retard, puis
16 heures d’avance supposées à tort.
Hong-Kong.
Aouda et Fogg manquent le Carnatic, parti la veille ; ils Changement
affrètent une goélette pour Shanghai ; Fix se joint à eux.
d’itinéraire pour San Francisco.
En mer, de Hong-Kong à Traversée de Fogg, Fix et Aouda sur la Tankadère ; typhon ; Incertitude.
Shanghai.
arrivée in extremis pour intercepter le paquebot ShanghaiSan Francisco.
En mer, puis à Yokohama. Flash-back sur Passepartout ; traversée jusqu’au Japon ; arrivée Incertitude.
sans un sou à Yokohama ; découverte de la ville.
Yokohama.
Engagement de Passepartout chez les acrobates Longs-Nez- Rattrapage du retard.
Longs-Nez ; retrouvailles avec Fogg et Aouda.
Flash-back sur Fogg et Aouda ; traversée sans encombre sur le Ni avance ni retard.
General-Grant ; Passepartout constate que sa montre est à
l’heure ; il boxe Fix ; annonce par celui-ci qu’il aidera Fogg
jusqu’en Angleterre.
San Francisco.
Bagarre lors d’un meeting politique ; altercation de Fogg avec Ni avance ni retard.
le colonel Stamp W. Proctor.
Arrestation de Passepartout pour profanation ; paiement de la
caution par Fogg.
Du 25/10 au 30/10.
Bateau de Calcutta à Singa- Interrogations de Fix ; relations amicales du détective et de
pour.
Passepartout ; traversée sans encombre à bord du Rangoon.
Du 30/10 au ?
Singapour ; suite de la tra- Réflexions erronées de Passepartout sur la présence de Fix ;
versée.
escale à Singapour ; marche ralentie du Rangoon.
Avant le 3/11, jusqu’au Fin de la traversée ; Hong- Tempête qui ralentit le Rangoon ; arrivée à Hong-Kong
6/11 à 13 h.
Kong.
en retard ; annonce du retard providentiel du Carnatic ; proposition de Fogg de conduire Aouda en Europe.
6/11.
Hong-Kong.
Fix n’obtient pas de mandat pour arrêter Fogg ; il lève le quiproquo avec Passepartout et le drogue.
Date
25/10 de 7 h à 11 h.
XX
XIX
XVIII
XVII
XVI
XV
Chapitres
Du 8/12 (midi)
au 9/12 à 7 h.
Du 9/12 à 7 h au 11/12
à 23 h 15.
Du 11/12 à 23 h 15 au
12/12 à 8 h 30.
Du 12/12 à 9 h 30 au
21/12 à 11 h 40.
XXX
21/12, de 20 h 25 à
20 h 44 min et 57 sec.
Du 21/12 à 20 h 05 au
22/12 (matin).
XXXVI
XXXVII
XXXV
Le 21/12 de 11 h 40 à
20 h 50.
22/12.
XXXIV
XXXIII
XXXII
XXXI
Du 7/12 (soir) au 8/12
(vers midi).
Du 3/12 à 18 h au 5/12
à 21 h 30.
Du 5/12 (nuit) au 6/12
à 16 h.
Du 6/12 à 16 h
au 7/12.
XXIX
XXVIII
XXVII
XXVI
Description des luxueux trains américains ; arrêt forcé à cause 3 heures de retard.
des bisons.
Traversée de l’Utah ; Salt Discours du missionnaire mormon W. Hitch.
Léger retard sans gravité.
Lake City.
Jusqu’au pont de Medicine- Présence de Proctor dans le train ; diversion de Fix, Passe- Léger retard sans gravité.
Bow.
partout et Aouda ; franchissement du pont rompu de Medicine-Bow.
De Fort Sauders à Kearney. Nouvelle provocation de Proctor ; annonce du duel avec Léger retard sans gravité.
Fogg ; attaque du train par les Sioux ; disparition de Passepartout après qu’il a sauvé le train.
Kearney.
Grave blessure de Proctor contre les Sioux ; Fogg part sauver Retard de 20 heures.
Passepartout et manque le train pour Omaha.
De Kearney à New York via Location du traîneau à voiles par Fix ; traversée rapide ; train Retard estimé à plusieurs
Omaha et Chicago.
Omaha-Chicago-New York ; paquebot manqué de 45 minutes. jours.
New York.
Embarquement pour Bordeaux à bord de l’ Henrietta du Retard estimé à plusieurs
capitaine Speedy.
jours.
Traversée New York-Liver- Détournement et rachat à prix d’or de l’ Henrietta par Fogg ; Avance de 3 heures : Fogg
pool via l’Irlande.
destruction de toutes les parties boisées du navire pour ali- est à 6 heures de Londres.
menter la chaudière ; arrestation de Fogg par Fix dès l’arrivée
à Liverpool.
De Liverpool à la gare de Emprisonnement de Fogg ; découverte du vrai coupable ; Retard de 5 minutes.
Londres.
Fogg met Fix KO ; arrivée à Londres ; échec apparent de Fogg.
Londres : Saville-row.
Inquiétudes autour du risque de suicide de Fogg ; Aouda
demande Fogg en mariage ; Passepartout est envoyé chez le
pasteur à 20 h 05.
Londres : Reform-Club.
Effervescence autour du retour de Fogg ; arrivée in extremis Avance de 3 secondes.
de ce dernier.
Londres : Saville-row.
Flash-back explicatif sur le décalage d’une journée ; mariage de
Fogg et Aouda.
Train San Francisco-Utah.
90
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
III. Plan de la séquence
Séances
Supports
Objectifs
Étude
de la langue
S1
Chapitres I à V Définir une situation Le discours indid’énonciation.
rect libre.
Étudier le portrait.
L’emploi du pronom indéfini.
S2
Chapitres
Chapitres
XV
Phileas Fogg.
Passepartout.
Termes et enjeux
du pari.
VI
à Point de vue du narra- Le discours di- Fix : une menace
teur.
rect.
latente.
X
à Étude d’une séquence Technique de la L’épisode en Inde.
Mrs Aouda.
narrative complète.
description.
Distraire et instruire. Vocabulaire.
IX
S3
Pistes
de lecture
S4
Chapitres XVI à Point de vue d’un per- Le discours expli- Retournements
XIX
sonnage (Fix).
catif.
de situation.
Le quiproquo.
S5
Chapitres XX à Établir un schéma de Étude du temps :
XXIV
relations des person- simultanéité et annages.
tériorité.
Récit complexe : le
flash-back.
S6
Chapitres
à XXXI
Fascination et condescendance pour les
États-Unis : ironie du
discours.
Figures de l’iro- L’épisode amérinie : litote, eu- cain.
phémisme, hyperbole.
S7
Chapitres XXXII Ellipse et flash-back.
à XXXVII
Changement de point
de vue.
Faux et vrai dénouement.
XXV
L’épisode japonais.
Nouveau rôle de
Fix.
IV. Déroulement de la séquence
Séance n° 1
Objectifs → Définir une situation d’énonciation.
→ Étudier le portrait.
Supports → Chapitres I à V.
• Portrait d’un excentrique : Phileas Fogg
Le roman s’ouvre sur le portrait du héros. Ce long
passage est intéressant à divers égards, puisqu’il permet
à la fois d’introduire le personnage central, de donner
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
91
au récit sa tonalité générale et de répondre à l’attente
de dépaysement du lecteur.
Phileas Fogg est caractérisé d’emblée par le mystère
qui l’entoure : c’est un « personnage énigmatique, dont
on ne savait rien » (faut-il voir un hasard dans le fait que
fog signifie « brume » en anglais ?), à la fois inséré dans
les cercles les plus élitistes de l’aristocratie londonienne
et vivant en marge de cette dernière. On relève de nombreuses marques de cette fortune, à commencer par
l’adresse même de Phileas Fogg, qui le place sous le
signe de la notoriété (il y succède à l’« un des plus
grands orateurs qui honorent l’Angleterre ») ; sans
oublier son appartenance au Reform-Club, institution
privée des plus fermée. Cependant, c’est par ses
absences que brille le personnage de Fogg, comme en
témoigne la longue énumération des institutions
commerciales, juridiques, scientifiques ou culturelles
auxquelles il n’appartient pas. Du coup, le portrait progresse par un jeu de questions que le narrateur s’adresse
à lui-même, accentuant l’impression d’étrangeté qui
plane autour de son héros : « Ce Phileas Fogg était-il
riche ? Incontestablement. […] Avait-il voyagé ? C’était
probable […]. »
Étrangeté et mystère ne signifient pas pour autant
inquiétude : la vie de Fogg « était à jour, mais ce qu’il
faisait était si mathématiquement toujours la même
chose, que l’imagination, mécontente, cherchait au-delà ».
Autrement dit, c’est l’excès de transparence et de simplicité qui aveugle. Contrairement à l’idée reçue, les apparences ne sont pas trompeuses et Fogg n’est que ce qu’il
semble être : le lecteur est prévenu. Son portrait pourrait donc se résumer à quelques traits : riche Anglais
flegmatique, membre du Reform-Club, lecteur de journaux, joueur de whist, obsédé par la ponctualité et la
répétition à l’identique des gestes de la vie. En un mot,
la figure caricaturale de l’Anglais excentrique, « à mous-
92
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
taches et à favoris » et vêtu d’un mackintosh, telle que le
XIXe siècle se plaisait à la représenter 1. Ce dosage d’originalité et de lieux communs répond au cahier des
charges que Verne et son éditeur, Hetzel, s’étaient fixé
pour la série des Voyages extraordinaires : dépayser le lecteur en faisant venir à lui mondes et cultures étrangers.
De ce point de vue, Phileas Fogg est sans doute le personnage le plus exotique du roman.
• Définition d’une situation d’énonciation
En cinq courts chapitres, l’action est totalement
nouée et les personnages principaux, à l’exception de
Mrs Aouda, sont tous entrés en scène. Cette entrée en
matière est rendue plus explicite encore par les titres
des chapitres, qui fournissent autant de résumés.
I
Dans lequel Phileas Fogg et Passepartout s’acceptent Portrait de Fogg ; rencontre
réciproquement, l’un comme maître, l’autre comme de Fogg et Passepartout.
domestique.
II
Où Passepartout est convaincu qu’il a enfin trouvé son Portrait de Passepartout.
idéal.
III
Où s’engage une conversation qui pourra coûter cher à Le vol de 55 000 livres à la
Phileas Fogg.
Banque d’Angleterre ; le pari
de Fogg.
IV
Dans lequel Phileas Fogg stupéfie Passepartout, son Départ de Fogg et de Passedomestique.
partout.
V
Dans lequel une nouvelle valeur apparaît sur la place de Débats et paris sur le projet
Londres.
de Fogg ; télégramme de Fix
annonçant sa filature.
Le schéma des forces en présence apparaît clairement :
aidé de Passepartout, Fogg devra faire face au détective
Fix tout en surmontant les aléas d’un parcours connu et
balisé, tant géographiquement que chronologiquement.
1. Le XXe siècle ne rechignera pas non plus à exploiter ce type de
caricature : voir par exemple au cinéma le personnage du voyageur
anglais dans L’Auberge rouge (C. Autant-Lara), ou la série de bandes
dessinées de Blake et Mortimer (E. P. Jacobs).
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
93
Séance n° 2
Objectif → Point de vue du narrateur.
Supports → Chapitres VI à IX.
Ces quatre chapitres permettent d’affiner les relations
entre les trois personnages principaux, dans la mesure où
le voyage lui-même se déroule sans problème et permet à
Fogg de conserver un avantage de deux jours sur son plan
de marche. La course contre la montre du héros se
double d’une autre course : celle de Fix, qui attend un
mandat d’arrêt sans cesse retardé, et dont l’arrivée ruinerait le projet de Fogg. Ce conflit d’intérêts contradictoires
confère au récit sa tension dramatique. Cette dernière est
renforcée par un jeu entre les dialogues, porteurs de la
parole des personnages, et le récit, qui donne le point de
vue d’un narrateur omniscient.
Chapitres
Interlocuteurs
Sujet de discussion
Point de vue du narrateur
VI
Fix et le consul Soupçons de Fix envers « On voit que ledit Fix ne manquait
de Suez.
Fogg.
pas d’une certaine dose d’amourpropre. »
VII
a) Fogg et le con- a) Formalités du visa.
Récit de ce que fait Phileas Fogg
sul.
b) Mise en doute par le quand il est seul dans sa cabine.
b) Fix et le con- consul du signalement.
sul.
VIII
a) Fix et Passepartout.
b) Fix et le consul.
IX
Fix et Passepar- Mensonge de Fix sur son « Que faisait Phileas Fogg pendant
tout.
identité réelle.
ce temps ? […] C’était toujours
l’homme impassible, le membre
imperturbable du Reform-Club
[…]. »
a) Interrogatoire incognito.
b) Conviction de Fix et
décision d’agir.
a) « On s’imagine aisément l’effet
que ces réponses devaient produire
sur l’esprit déjà surexcité de l’inspecteur de police. »
b) « Pourquoi ?… Je n’en sais rien
[…] » (Fix).
À l’aide du tableau ci-dessus, on peut mettre en évidence le décalage qui s’instaure entre l’opinion de Fix
sur Fogg et la réalité des faits. Fix apparaît comme un
policier trop sûr de lui, pour qui repérer un criminel
94
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
aux dehors respectables « n’est plus du métier, mais
de l’art » (chapitre VI), et dont la principale caractéristique est de pouvoir contracter « avec une persistance
remarquable ses muscles sourciliers » (d’où son patronyme ?). L’ironie de cette dernière remarque le condamne
d’emblée à n’être qu’un personnage de comédie, une
sorte de Javert sans envergure ni dimension dramatique.
Ses convictions se fondent sur un prétendu instinct que
lui-même est bien en peine de justifier (chapitre VIII, b,
dans tableau supra) et que viennent démentir les interventions du narrateur, notamment quand le récit se
focalise sur Phileas Fogg.
Ainsi les soupçons infondés qui pèsent sur ce dernier
viennent-ils confirmer la remarque du narrateur que
nous évoquions dans la séance n° 1 : c’est bien « l’imagination mécontente » de Fix qui se refuse à prendre
Fogg pour ce qu’il est. À l’issue de cette séance, il est
donc possible d’établir un premier bilan des forces en
présence dans le récit :
Séance n° 3
Objectifs → Étude d’une séquence narrative complète.
→ Distraire et instruire.
Supports → Chapitres X à XV.
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
95
La traversée de l’Inde par Phileas Fogg constitue une
séquence narrative assez longue et complète, qui peut
être abordée selon trois axes de lecture : l’étude du pittoresque, au travers des descriptions ; l’objectif de distraire tout en instruisant ; la place de cette séquence
dans l’économie du roman.
• Le discours descriptif
Phileas Fogg et Passepartout traversent l’Inde d’ouest
en est, de Bombay à Calcutta, en train puis à dos d’éléphant, accompagnés de Sir Francis Cromarty, officier
anglais de l’armée des Indes. Traverser en moins de cinq
jours le sous-continent indien, en sauvant une jeune
femme en péril, ne laisse guère le temps de s’attarder
sur les sites remarquables du pays. Le discours descriptif
fonctionne donc essentiellement par prétérition :
« Ainsi donc, des merveilles de Bombay, il ne songeait à
rien voir […] » (chapitre X). Suit une longue énumération des monuments que Fogg ne verra pas, mais dont le
lecteur peut profiter. Le personnage de Passepartout,
justifiant pour la première fois son nom, sert également
de guide au lecteur : palliant l’absence de curiosité de
son maître, il déambule en ville et offre un point de vue
naïf de booby au lecteur (voir chapitre X, l’énumération
des peuples qui se côtoient à Bombay).
Dès que les personnages sont montés dans le train, la
description se fait dynamique. Histoire et géographie de
l’Inde défilent au chapitre XI, suivant la chronologie
rapide du « convoi échevelé » : « Pendant la nuit, le
train franchit les Ghâtes, passa à Nassik, et le lendemain,
21 octobre, il s’élançait à travers un pays relativement
plat […]. La locomotive […] lançait sa fumée sur les
plantations de caféiers […]. Puis, d’immenses étendues
de terrain se dessinaient à perte de vue […]. Pendant
cette matinée, au-delà de la station de Malligaum, les
96
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
voyageurs traversèrent ce territoire funeste, qui fut si
souvent ensanglanté par les sectateurs de la déesse Kâli.
[…] À midi et demi, le train s’arrêta à la station de
Burhampour […]. Vers le soir, on s’engagea dans les
défilés des montagnes de Sutpour […]. »
Le discours descriptif se fait donc l’écho d’une narration dominée par la contrainte de temps qu’impose le pari
de Phileas Fogg : si les personnages n’ont pas le temps
d’arrêter leur regard sur les paysages qui défilent devant
eux, il est logique que le narrateur épouse leur point de
vue. Cette nécessité n’empêche pourtant pas Jules Verne
de répondre aux attentes d’exotisme de ses lecteurs.
• Distraire en instruisant
En effet, les mœurs de l’Inde, vues à travers le regard
fort peu objectif d’un Européen du XIXe siècle, apparaissent dans un certain nombre de péripéties majeures ou
insignifiantes :
– la cuisine (chapitre X) : Phileas Fogg soupçonne un
restaurateur de lui servir du chat ;
– la profanation involontaire de la pagode par Passepartout (chapitre X) ;
– l’attitude du juge Obadiah au procès de Passepartout, reflet de la politique coloniale anglaise en Inde
(chapitre XV) ;
– le sutty auquel échappe Mrs Aouda grâce à Passepartout (chapitres XII à XIV).
Ces épisodes s’appuient sur un vocabulaire qui fait la
part belle à l’exotisme. La nature sauvage et dangereuse
recèle des espèces végétales inconnues des lecteurs
européens (tamarins, lataniers, khajours… et même
bananiers, dont les fruits sont décrits en détail) ; les
véhicules sont des palanquins et des palkigharis ; la procession des sectateurs de Kâli enfin offre pêle-mêle un
déluge de fakirs, de bétel, de chanvre, de henné, de
santal, de zébus, de cachemire et de pistolets damas-
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
97
quinés. Le repérage et l’étude de ce champ lexical de
l’exotisme permettent de mettre en valeur l’une des
visées du récit, vieille comme les Fables de La Fontaine :
instruire les jeunes lecteurs tout en les distrayant.
• Une séquence centrale
Enfin, il semble important de dégager les enjeux de
cette séquence dans l’économie du roman :
– arrivée d’un nouveau personnage, Mrs Aouda, dont
l’importance ne cessera de croître jusqu’au dénouement ;
– premières limites du progrès technique (interruption de la ligne de train) ;
– première confrontation des héros à une nature et à
des populations hostiles (traversée de la jungle, sutty) ;
– rôle ambivalent de Passepartout qui sauve Aouda
mais manque de faire perdre le pari à son maître par sa
distraction (profanation de la pagode) ;
– humanisation du personnage de Fogg, « homme de
cœur » (Sir Francis, chapitre XII).
Séance n° 4
Objectifs → Point de vue d’un personnage (Fix).
→ Le quiproquo.
Supports → Chapitres XVI à XIX.
Le travail de cette séance sera centré sur le quiproquo, amorcé au chapitre VIII à l’initiative de Fix aux
dépens de Passepartout, et qui se dénoue au chapitre XIX. Il s’agit essentiellement de mettre en évidence
ce que sait – ou croit savoir – chacun des deux personnages sur l’autre. Le quiproquo fonctionne d’autant
mieux que le récit narratif s’efface au profit du dialogue
entre les deux personnages, le plus souvent sans propositions incises et autres interventions du narrateur.
Les deux tableaux ci-dessous font la synthèse de ce
que chacun des deux protagonistes pense de l’autre.
98
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
Tableau A : opinion de Fix sur Passepartout
Chapitres
Ce que sait Fix
Ce que croit à tort Fix
Ce qu’ignore Fix
XVI
Projet de tour du Culpabilité de Fogg.
monde de Fogg.
Complicité éventuelle de
Passepartout avec Fogg.
XVII
Projet de tour du Passepartout l’a percé à jour. Complicité éventuelle de
monde de Fogg.
Passepartout avec Fogg.
XVIII
Projet de tour du Passepartout l’a percé à jour. Complicité éventuelle de
monde de Fogg.
Passepartout avec Fogg.
XIX
Projet de tour du Passepartout est dupé par Innocence de Fogg.
monde de Fogg ; in- son maître.
nocence de Passepartout.
Tableau B : opinion de Passepartout sur Fix
Chapitres
Ce que sait
Passepartout
Ce que croit à tort
Passepartout
Ce qu’ignore
Passepartout
XVI
Rien.
Les rencontres avec Fix sont Filature policière de Fix.
des coïncidences.
XVII
Rien.
Fix est un agent du Reform- Filature policière de Fix.
Club vérifiant l’authenticité
du pari.
XVIII
Rien.
Fix est un agent du Reform- Filature policière de Fix.
Club vérifiant l’authenticité
du pari.
XIX
Véritable mission de
Fix.
Implication ou non de
Fogg dans le vol de
55 000 livres.
À première vue, Fix sort largement vainqueur de la
confrontation qui l’oppose à Passepartout : en lui révélant
sa véritable mission ainsi que ses soupçons à l’encontre
de Fogg, il a semé le doute dans l’esprit du domestique,
même s’il n’a pas ébranlé sa loyauté envers son maître.
Tout au long de la confrontation, c’est le détective qui a
eu l’initiative. Cette situation culmine avec le coup de
théâtre de la fin du chapitre XIX, quand Fix drogue
Passepartout : en séparant le maître de son domestique,
empêchant du même coup ce dernier de l’avertir du
départ anticipé du Carnatic, Fix marque un avantage.
Mais paradoxalement, le fait de lever le quiproquo
entre Fix et Passepartout va rendre la situation encore
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
99
plus confuse entre les quatre protagonistes du roman,
comme on le verra aux séances nos 5 et 6.
Séance n° 5
Objectifs → Établir un schéma de relations des personnages.
→ Récit complexe : le flash-back.
Supports → Chapitres XX à XXIV.
La séparation momentanée des personnages va permettre d’axer la séance sur l’approche d’un récit complexe. Les chapitres XX et XXI sont consacrés à Fogg,
Aouda et Fix ; les chapitres XXII et XXIII mettent en
scène Passepartout, qui retrouve les autres à la fin du
chapitre XXIII ; enfin, le chapitre XXIV remet aux prises
Passepartout et le responsable de la séparation, Fix. Ce
parti pris de construction alternée du récit permet à
Jules Verne de limiter le recours à de longs flash-backs
tout en créant des effets de suspense, renforcés par de
nombreux retournements de situation.
Chapitres
Personnages
Effets
de suspense
Retournements
de situation
Flash-backs
XX
Fogg, Fix, Aouda. Absence
mysté- Départ anticipé du Car- « Pendant
rieuse de Passepar- natic sans Fogg, Aouda et cette
tout.
Fix ; affrètement de la Tan- scène… »
kadère.
XXI
Fogg, Fix, Aouda. Fogg rattrapera-t-il Typhon.
le paquebot de Yokohama ?
XXII
Passepartout.
XXIII
Passepartout, puis
tous les quatre.
XXIV
Tous les quatre.
Comment Passepar- Présence, inattendue pour « Voici ce qui
tout rejoindra-t-il le lecteur, de Passepartout était arrivé. »
Fogg ?
sur le Carnatic.
Retrouvailles de Passepartout et Fogg au spectacle
des Longs-Nez.
Fix tiendra-t-il sa Pacte entre Fix et Passeparparole de ne plus tout à l’insu de Fogg et
nuire à Fogg jus- d’Aouda.
qu’au retour ?
« Ce qui était
arrivé en vue
de
Shanghai… »
100
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
Les trois flash-backs sont réduits au minimum :
– Le premier, au chapitre XX, ne fait que marquer la
simultanéité des chapitres XIX et XX.
– Le deuxième, au chapitre XXII, raconte la traversée
de Passepartout sur le Carnatic après avoir expliqué son
improbable présence à bord. L’antériorité n’est grammaticalement exprimée que dans la première phrase,
par l’emploi du passé antérieur et du plus-que-parfait :
« Quelques instants après que Fix eut quitté la tabagie,
deux garçons […] l’avaient couché sur le lit réservé aux
fumeurs. » Dès la phrase suivante, un imparfait à valeur
narrative prend le relais : « Mais trois heures plus tard,
[…] Passepartout se réveillait […] », avant que le récit
au passé simple ne s’impose à nouveau et que le flashback ne soit clos : « Voilà donc pourquoi, ce matin-là,
Passepartout se trouvait sur le pont du Carnatic […]. »
– Enfin, le troisième flash-back, au chapitre XIV, présente un emploi des temps similaire à celui du chapitre XXII.
Cet épisode japonais s’achève sur un retour à l’équilibre, marqué par la dernière phrase du chapitre XXIV :
« Mr Fogg n’avait encore gagné ni perdu un seul jour. »
Toutefois, les rapports de force entre les personnages en
sortent modifiés (voir schéma actanciel de la séance
n° 2, au moins jusqu’au retour en Angleterre.
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
101
Séance n° 6
Objectifs → Fascination et condescendance pour les
États-Unis : ironie du discours.
Supports → Chapitres XXV à XXXI.
Tout comme l’Inde, les États-Unis sont traversés
d’ouest en est. D’autres similitudes existent entre les
deux épisodes : le moyen de transport initialement
prévu (train) fait défaut au cours du voyage et doit être
suppléé par des moyens de fortune ; des populations
indigènes hostiles font perdre un temps précieux aux
voyageurs, ce qui donne à Phileas Fogg l’occasion de
prouver qu’il n’est pas dépourvu de sentiments humains
(voir le sauvetage de Passepartout après celui de
Mrs Aouda) ; enfin, le voyage permet au narrateur de
porter un regard critique sur le pays que les personnages parcourent au pas de charge. C’est sur ce dernier
point que sera centrée la séquence.
C’est un mélange d’admiration et d’ironie qui caractérise le regard que Jules Verne porte sur les États-Unis.
Là encore, un tableau permettra aisément de faire la
synthèse de ce double regard.
Symbole du progrès technique et de l’audace conquérante selon Jules Verne, les États-Unis sont également le
lieu de tous les dangers pour les personnages qui manquent d’y être tués à plusieurs reprises. Si l’admiration
de Verne pour les prouesses techniques des Américains
ne se dément pas, son point de vue est, en revanche, nettement plus critique quant aux mœurs et coutumes
locales. Le personnage ambigu de Proctor, yankee courageux contre les Sioux mais grossier et brutal envers
Fogg, en est l’illustration. Cette critique du « tempérament » américain permet enfin à Jules Verne de
jouer sur l’un des ressorts comiques qu’il utilisera fréquemment dans ses romans : les oppositions de carac-
102
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
tère entre personnages de nationalités différentes
(Anglais flegmatiques, Américains téméraires, Français
débrouillards…) 1.
Chapitres
Regard admiratif
Regard ironique
Figures
de l’ironie
Le meeting : « Bottes et souliers décri- Hyperbole ;
vaient dans l’air des trajectoires très jeux de mots ;
tendues » ; « détonations nationales » ; antiphrase.
les « honorables Kamerfield et
Mandiboy » ; l’élection d’un « juge de
paix ».
XXV
San Francisco : « magasins splendides » ; « buffet ouvert gratis à tout
passant ».
XXVI
Les trains américains : « Il n’y manquait que des wagons- Hyperbole.
rapidité et confort ; res- théâtres. Mais il y en aura un jour. »
pect de la nature.
XXVII
L’Utah : « la campagne Les Mormons : désertion progressive Litote ; jeux
de mots ; coqsétait admirablement de l’auditoire du prédicateur.
cultivée ».
L’Utah : « ce besoin de symétrie qui à-l’âne.
distingue les Anglo-Saxons » ; « tout se
fait “carrément”, les villes, les maisons
et les sottises ».
Polygamie : « Dans son bon sens,
c’était le mari qu’il plaignait surtout » ;
fuite éperdue du Mormon monogame.
XXVIII
Les trains américains :
lieux de vie où « on
trouve de tout » ; gigantisme des tunnels ; audace des Américains.
XXIX
Courage et sang-froid Le duel : proposition du conducteur et Antiphrase ;
des passagers pendant des voyageurs « de pouvoir être litote.
l’attaque des Sioux.
agréables » aux deux adversaires en
leur permettant de se battre.
XXX
Courage des cavaliers
américains : « Toute la
compagnie s’avança en
masse. »
Arrivée rapide d’un
train de secours.
XXXI
Gigantisme et beauté
de la nature.
Le caractère des Américains : « quand Hyperbole.
ils se mettent à être prudents, il y aurait
folie à ne pas l’être » ; paris sur les
chances du train de franchir le pont
endommagé.
1. On pourra toutefois estimer que les lieux communs sur les personnages de Noirs – forcément serviteurs ou sauvages – ne sont pas du
meilleur goût, et d’un comique plus que douteux : voir par exemple
Robur le Conquérant, L’Île mystérieuse ou Cinq Semaines en ballon. Et nous
passerons pudiquement sur les Juifs…
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
103
Séance n° 7
Objectifs → Ellipse et flash-back.
→ Changement de point de vue.
Supports → Chapitres XXXII à XXXVII.
Cette ultime séance pourra être consacrée à un travail
de recherche sur la chronologie des derniers chapitres.
Si les chapitres XXXII à XXXIV ne posent de ce point de
vue aucun problème, les faits s’enchaînant chronologiquement depuis l’arrivée en retard à New York jusqu’à
l’échec apparent de Fogg arrivant à Londres à 20 h 50, il
en va tout autrement pour les trois derniers chapitres du
roman.
L’ellipse qui ouvre le chapitre XXXV (« Le lendemain ») prend toute sa valeur pour le lecteur qui aura su
interpréter l’énigme des fuseaux horaires en utilisant
notamment les indices donnés par le décalage entre la
montre de Passepartout et l’heure réelle (chapitres VIII,
XI et XXIV), et sans se laisser abuser par les interventions
du narrateur à la fin du chapitre précédent. Pour les
autres, c’est-à-dire l’immense majorité, cette ellipse,
suivie du récit d’une matinée d’oisiveté à Saville-row,
correspond tout bonnement à la fin de l’aventure. Dans
ces conditions, l’annonce du mariage qui met fin à ce
que l’on devine être un projet de suicide pour Fogg
apparaît comme un dénouement de l’histoire, un happy
end arraché in extremis, et dont la morale pourrait être
qu’ils vécurent pauvres mais heureux.
L’entame du chapitre XXXVI reprend presque exactement celle du chapitre V : bref retour en arrière, puis
focalisation du récit sur l’opinion publique (via la
presse) et sur les membres du Reform-Club. Ce retour
sur les cinq parieurs défiés par Phileas Fogg semble être
un nouveau flash-back, démarrant le 17 décembre (arrestation du vrai voleur) et s’achevant le 21, quelques
104
UN ROMAN DU XIXe SIÈCLE
minutes avant l’échéance du pari. La conversation qui suit
sur les chances de réussite de Fogg semble sans objet,
puisque le lecteur croit savoir que ce dernier a déjà
échoué et admis sa défaite. Dès lors, son arrivée en
compagnie « d’une foule en délire » constitue non seulement un coup de théâtre, mais un mystère incompréhensible pour le lecteur, qui devra attendre le chapitre
suivant pour comprendre qu’en réalité le chapitre XXXVI
suit bien chronologiquement le précédent.
Le dernier chapitre contient la réponse au mystère,
sous forme d’un nouveau flash-back (authentique, celuilà), suivi d’un passage purement explicatif où le narrateur dévoile la raison « fort simple » de l’erreur de Phileas Fogg. L’équilibre financier rétabli, la situation finale
que l’on croyait acquise au chapitre XXXV se modifie :
l’amour n’est plus une compensation à la perte de fortune, mais une récompense à celui qui avait tout risqué
et dépensé sans appât du gain. Plus implicite reste l’idée
ironique que ce chronomètre vivant qu’est Phileas Fogg
a été sauvé non par son exactitude et son rationalisme,
mais par le plus grand des hasards.
LE TOUR DU MONDE EN
80 JOURS
105
V. Orientations bibliographiques
Les quelques titres qui sont indiqués ici ne représentent
qu’une toute petite partie des livres consacrés à Jules
Verne. Parions que, le centenaire de sa mort approchant
(2005), il ne sera guère difficile de trouver des nouveaux
titres et des rééditions dans le courant de l’année.
A. Biographies et études d’ensemble
Daniel COMPÈRE, Jules Verne écrivain, Genève, Droz, 1991.
Jean-Paul DEKISS, Jules Verne, le rêve du progrès, Gallimard,
coll. « Découvertes », 1991.
–, Jules Verne l’enchanteur, Félin, 2002.
Marc SORIANO, Jules Verne (le cas Verne), Julliard, 1978.
Simone VIERNE, Jules Verne, mythe et modernité, PUF, 1989.
B. Revues
L’Arc, les Cahiers de l’Herne et Europe ont consacré des numéros
déjà anciens à Jules Verne. Plus récent, un hors-série de Géo
(2003) comporte notamment le fac-similé d’un chapitre de
roman inédit.
La Revue Jules Verne, publiée par la Maison de Jules Verne
(Amiens), paraît régulièrement, de même que Jules Verne
Junior, magazine spécifiquement dédié aux jeunes lecteurs.
C. Musée
La Maison de Jules Verne (2, rue Charles-Dubois, 80000
Amiens), où Verne vécut de 1882 à sa mort, comporte un
lieu de visite et d’expositions ainsi qu’un centre de documentation.
Le site Internet du musée comporte de nombreuses informations utiles : www.jules-verne.net
Signalons qu’une exposition, « 80 jours pour un tour du
monde », a été organisée à Amiens en 2002 et prolongée
en 2003 : elle présentait quelques-unes des milliers d’éditions du Tour du monde en 80 jours parues dans toutes les
langues, ainsi que les affiches et autres produits dérivés
(jeux, figurines, tabatières, images, etc.) qui accompagnèrent le roman dès sa publication. Le catalogue de l’exposition a été publié par la Bibliothèque d’Amiens Métropole.
Patrice KLEFF.