DOSSIER DE PRESSE Francisco Ferrer 100 ans après son

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DOSSIER DE PRESSE Francisco Ferrer 100 ans après son
 DOSSIER DE PRESSE
Francisco Ferrer
100 ans après son exécution
Les avatars d’une image
Expositions, colloques, visites guidées,…
Du 11 septembre au 17 octobre 2009
Sommaire :
Communiqué de presse
pp. 2-3
Bio de Francisco Ferrer
p.4
Articles à propos de F. Ferrer :
« Ferrer revisité »
e
(Magazine Esprit Libre 175 -septembre 2009)
« Francisco Ferrer, héros malgré lui »
(Magazine Espace de Libertés 2009)
pp. 5-8
Invitation vernissage Expo à l’ULB
pp. 9-10
Bruxelles, le 7 septembre 2009 COMMUNIQUÉ DE PRESSE
« Francisco Ferrer
100 ans après son exécution. Les avatars d’une
image »
Exposition, colloques, visites guidées,...
du 11 septembre au 17 octobre 2009
Tous ceux qui sont passés par l’ULB ont probablement encore en tête le
nom de Ferrer : sa statue brandissant un flambeau fait face à l’ULB et lors
de chaque Saint V, les étudiants viennent y déposer une gerbe de fleurs,
un auditoire porte son nom… Sans compter les dizaines de places et rues
de Belgique ainsi qu’une haute école de Bruxelles qui lui ont été dédiées.
Mais alors qu’il y a un siècle, son procès expéditif et sa condamnation à
mort avaient enflammé l’Europe ainsi que les États-Unis, force est de
constater que le souvenir de ce pédagogue anarchiste s’est quelque peu
estompé : qui était donc Ferrer et pourquoi est-il devenu, bien malgré lui, le
symbole des martyrs de la Libre-Pensée ? Comment a-t-on effacé
l’anarchiste pour ne garder que le pédagogue bien plus consensuel ?
Organisées par le Centre interdisciplinaire d’études des religions et de la laïcité et le Centre de sociologie des
gauches (ULB) en collaboration avec la Haute École Francisco Ferrer, une série de manifestations ouvertes à tous
marqueront le centenaire de l’exécution de cet homme, qui entendait - à travers son école mixte et laïque - combattre
le monopole de l’enseignement religieux et la soumission des enfants au déterminisme social. Il fut considéré comme
ayant, par ses idées subversives, déclenché la révolte qui secoua Barcelone en 1909.
Au programme, notamment :
Exposition « Francisco Ferrer 100 ans après son exécution, les avatars d’une image » – du 11 septembre au 17
octobre 2009 - du lundi au samedi de 11h à 16h - ULB – Campus du Solbosch - Salle Allende – Bâtiment F1 avenue Héger 24 – 1000 Bruxelles – Vernissage : jeudi 10 septembre à 18h - Tél. 02 650 37 65 - [email protected]
Semaines du film pédagogique à la Cinématek organisées par la Haute École Francisco Ferrer – du 22 septembre
au 17 octobre 2009
Révision du procès Ferrer par les facultés de Droit de l’ULB et d’Alicante – le 12 octobre 2009 - 18h – ULB –
Campus du Solbosch - Auditoire H1302 (à confirmer) - rassemblera professeurs de droit pénal belges et
espagnols ainsi qu’étudiants et anciens étudiants qui referont publiquement le procès de Ferrer pour relever ses
failles et anomalies
Exposition « Ferrer, l’École moderne, d’hier et d’aujourd’hui » - du 13 au 24 octobre 2009 – Haute École Francisco
Ferrer - Site Lemonnier – Bd M. Lemonnier 110 – 1000 Bruxelles – de 9h à 16h30
Colloque international « Francisco Ferrer 100 ans après son exécution, les avatars d’une image » et présentation de
la traduction française de l’ouvrage de Ferrer « L’École moderne » - le 13 octobre 2009 - ULB – Salle Delvaux –
avenue Héger – 1000 Bruxelles - de 9h à 17h
Pourquoi la figure de Ferrer comme martyr de la libre-pensée a-t-elle pu émerger ? Quelles convergences politiques
ont-elles fait de lui un héros et une victime du cléricalisme ? S’il est pour certains un martyr, il est aussi intéressant de
voir qu’il est un monstre pour d’autres… Comment a-t-on effacé l’anarchiste pour ne garder que le pédagogue bien
plus consensuel ? Les bourgeois qui honoraient sa mémoire étaient-ils conscients qu’il s’agissait d’un ennemi de
l’ordre que son école tentait de subvertir ? Des questions qui nous amènent à réfléchir aussi sur notre besoin de
héros et de martyrs.
À l’agenda aussi ce 13 octobre 2009 :
17h30 : inauguration de la statue de Ferrer provisoirement « revisitée » par les étudiants de l’Institut d’architecture
Horta en présence des autorités de l’ULB (avenue F. Roosevelt 50 – 1050 Bruxelles)
Colloque pédagogique : « La pédagogie peut-elle changer le monde ? » - le 14 octobre 2009 – Organisé par la
Haute École Francisco Ferrer – (Lieu encore à préciser) - de 8h à 17h - s’interrogera sur les possibilités de
transformer socialement la société via des innovations pédagogiques et sur les limites de celles-ci
Conférence « À quoi servent les mathématiques ? L’exemple des fractales » - par M. Jean-François Colonna (École
Polytechnique de France) – le 16 octobre 2009 – à 19h – Hôtel de Ville de Bruxelles – Salle Gothique – Grand-Place
– 1000 Bruxelles
Projection de fractales et objets chaotiques sur la façade de l’Hôtel de Ville de Bruxelles – le 16 octobre 2009 – de
20h à 24h
« Démocratiser le savoir : maths en rue, maths pour tous», animations place de la Monnaie – 1000 Bruxelles – le 17
octobre 2009. Organisés par la Haute École Francisco Ferrer.
Plus d’infos ?
Les activités en lien avec la commémoration du Centenaire de l’exécution de Francisco Ferrer sont détaillées sur les
sites : http://www.ulb.ac.be/philo/cierl/colloquesXI.html et http://www.he-ferrer.eu
ULB : Carmen Louis - 02 650 35 78 - [email protected]
Francisco Ferrer (1859-1909)
Pédagogue libertaire espagnol
(extrait du site du Centre d’Action laïque
http://www.ulb.ac.be/cal/mouvement/touteunehistoire/biographies/franciscoferrer.html)
Francisco Ferrer y Guardia naît le 10 janvier 1859 à Allela, près de Barcelone au sein d'une famille monarchiste et
profondément catholique.
En 1873, il se rend à Barcelone pour travailler comme commis chez une amie de sa mère, Madame Osorio. Là, il est
initié aux idées progressistes et républicaines par le mari de cette dernière. Ferrer s'enthousiasme pour ces idées et
fréquente de plus en plus les cercles républicains dans le plus grand secret. L'Espagne en cette fin de XIXe siècle,
sous le règne des Bourbons, baigne dans un conservatisme extrême ainsi que dans un sous-développement
économique auquel seules quelques villes du nord et la Catalogne échappent.
En 1879, Francisco Ferrer obtient un poste de contrôleur de train ce qui lui permet de voyager en France. Devenu
agent de liaison pour ses amis républicains, il multiplie ses activités politiques et clandestines.
En 1885-1886, l'agitation républicaine redouble d'intensité et il prend part à l'échauffourée de Villacampa au cours de
laquelle les républicains tentent de proclamer la république en Espagne. L'insurrection est un échec, Ferrer est
inquiété et placé sous mandat d'arrêt. Il est alors contraint de s'exiler à Paris où, en 1890, il adhère à la Libre Pensée.
C'est à cette époque qu'il condamne la violence politique, lui préférant l'éducation des masses. Il pense, en effet,
qu'aucun pays ne peut évoluer tant que le peuple est maintenu dans l'ignorance.
A Paris, il rencontre Madame Meunier et sa fille à qui il dispense des cours d'espagnol. Cette dernière, Ernestine
Meunier l'aidera beaucoup et, à sa mort, lui léguera toute sa fortune. Avec cet argent, Ferrer concrétisera ses idées.
Depuis 1885, les démocrates espagnols s'employaient à enlever à l'Eglise son hégémonie en matière
d'enseignement. Ferrer essaye d'unifier les efforts en créant l'École moderne laquelle ouvre ses portes en 1901 à
Barcelone. Elle devait devenir le centre de tous les établissements déjà existants, le foyer intellectuel qui permettrait
d'en créer de nouveaux. L'enseignement y est rationaliste et dénué de toute influence religieuse. Les méthodes
utilisées sont les suivantes : appel à la réflexion et à l'observation de l'enfant, coéducation des sexes et des classes
sociales, refus des punitions et des examens, apprentissage de la solidarité, de l'autodiscipline et respect de
l'autonomie de l'enfant. Au bout de cinq ans, une cinquantaine d'écoles rationalistes se sont ouvertes en Espagne.
Ferrer veut également en faire une sorte de maison du peuple, où se tiendraient des conférences et des cours du soir
accessibles à tous. En outre; il crée une maison d'édition où il fait écrire ou traduire, dans un style simple et
compréhensible des ouvrages pédagogiques, scientifiques et philosophiques destinés aux enseignants afin de doter
les écoles rationalistes des ouvrages qu'il pense indispensables.
En 1906, un attentat perpétré contre le roi Alphonse XIII par un ancien bibliothécaire de l'Ecole moderne, Matéo
Morral, est l'occasion pour la presse conservatrice de s'en prendre à Ferrer et servira de prétexte aux cléricaux pour
faire fermer l'école. Suite à ses évènements, Ferrer passe treize mois en prison avant d'être acquitté.
Dès l'interdiction de l'Ecole moderne, un vaste mouvement de protestation se déclenche et notamment en Belgique
où Ferrer se rend dès sa libération. Il y est accueilli en triomphe par ses partisans et amis dont Élisée Reclus et
Hector Denis. C'est à Bruxelles, qu'il fonde sa revue L'École rénovée en avril 1908 qu'il transférera ensuite à Paris.
En 1909, il rentre en Espagne pour des raisons familiales. Le 11 juillet, le gouvernement espagnol décrète la
mobilisation en vue de sa campagne marocaine contre les tribus du Rif. Les syndicats se rebellent, appelant à la
grève générale qui commence le 26 juillet. Ces émeutes sont connues sous le nom de "semaine sanglante". La
répression qui s'en suit va être terrible.
Bien qu'il n'ait pas participé aux évènements, Ferrer est désigné par l'évêque Casanès comme l'instigateur de
l'insurrection à Barcelone et Madrid. Après un procès des plus irréguliers, il est fusillé à Montjuich le 13 octobre 1909.
Son exécution va susciter une vive émotion dans le monde entier et constituera un élément déterminant dans la chute
du gouvernement espagnol.
Un monument sera érigé en son honneur à Bruxelles par souscription internationale, et inauguré le 5 novembre 1911.
Il se trouve aujourd'hui Avenue Franklin Roosevelt, face à l'Université Libre de Bruxelles.
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Ferrer revisité
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Mais qui était Ferrer ?
Quelles convergences
politiques ont fait de lui
un héros, le martyr de
la Libre-Pensée ?
Comment a-t-on effacé
l’anarchiste pour ne plus
parler que du pédagogue,
bien plus consensuel ?
Programme
du 11/09/2009 au 20/10/2009
Exposition
Francisco Ferrer 100 ans après son exécution,
les avatars d’une image
Salle Allende
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Il y a exactement un siècle, le procès expéditif de Ferrer devant une Cour martiale de
Barcelone, sa condamnation à mort et son exécution scandalisent tous les laïques.
Toute la « gauche » de l’époque, des libéraux aux anarchistes en passant par les socialistes, se mobilise. Protestations massives et manifestations enflamment toutes les
villes de quelque importance. À Bruxelles elles durent presque une semaine, les meetings succédant aux cortèges et aux défilés accompagnés de fanfares jouant des
marches funèbres.
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Tous ceux et celles qui sont passés par l’ULB ont gardé
ne serait-ce qu’un vague souvenir du nom de Francisco
Ferrer. Depuis 1984, la statue qui lui est dédiée se
trouve avenue Roosevelt et les étudiants y déposent
chaque année des fleurs lors de la cérémonie officielle
de la Saint-Verhaegen. Un auditoire porte aussi son
nom et des dizaines de communes de Wallonie ont une
rue qui lui est dédiée.
MARTYR OU HÉROS ? |
Esprit libre 175
du 22/09/2009 au 09/10/2009
Quinzaine du film pédagogique à la Cinematek
FERRER REVISITÉ
Pour marquer le centenaire de sa mort, les activités organisées par le Centre Interdisciplinaire d’Étude des Religions et de la Laïcité (CIERL), le Centre d’histoire et de sociologie des gauches et la Haute École Francisco Ferrer ne seront en rien banales.
Un colloque et une exposition consacrés aux « Avatars d’une image » poseront de nombreuses questions sur la manière dont on crée un héros, parfois – comme dans le cas de
Ferrer – contre son gré, et sur notre besoin de lier nos idéaux à une personne précise.
Un colloque pédagogique s’interrogera sur les possibilités et limites de la transformation
de la société par l’école (La pédagogie peut-elle changer le monde ?). Des juristes
belges et espagnols, avec des étudiants en droit de l’ULB, rejoueront publiquement le
procès de Ferrer pour en relever les failles et les anomalies. Un projet d’étudiants de
l’Institut d’architecture Horta revisitera la statue de Ferrer, tandis que sera publiée la
traduction en français de L’École moderne et que, pour démocratiser le savoir, les
mathématiques sortiront dans la rue…
> Anne Morelli,
directeur-adjoint du CIERL
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du 13/10/2009 au 23/10/2009
le 13/10/2009
▼
Colloque international
Francisco Ferrer 100 ans après son
exécution, les avatars d’une image
le 14/10/2009
▼
La pédagogie peut-elle changer le monde ?
Espace Magh et Haute École Francisco Ferrer
16/10/2009 et 17/10/2009
Démocratiser le savoir : maths en rue,
maths pour tous
Place de la Monnaie, Hôtel de Ville
Plus de détails sur : www.he-ferrer.eu
Contact : 02/650 35 78 ou
[email protected]
infos pratiques
Exposition
Ferrer, l’École moderne, d’hier à aujourd’hui
Haute École Francisco Ferrer
DEUX ARRESTATIONS, DEUX PROCÈS
Ferrer est arrêté une première fois en Espagne en 1906. Il est accusé de complicité avec
un jeune anarchiste qui a tenté d’assassiner le roi d’Espagne Alphonse XIII, et son École
Moderne, mixte et « sans Dieu », qualifiée par ses détracteurs de nid de terroristes et
d’impies, est irrémédiablement fermée. Après treize mois de détention et une remarquable mobilisation internationale, il est acquitté, relâché et entame une tournée triomphale dans toute l’Europe.
Mais deux ans plus tard – en juillet 1909 – Barcelone est secouée par des mouvements
révolutionnaires. La conscription obligatoire pour la guerre coloniale au Maroc met le feu
aux poudres et la foule incendie notamment couvents et églises, perçus comme les alliés
du pouvoir. Dès la fin de ce qui sera appelé « la Semaine sanglante », une répression
sans pitié frappe les contestataires. Ferrer est « tout naturellement » désigné comme
l’homme dont les idées ont armé le bras des émeutiers anticléricaux. Le roi lui refuse
la grâce et cette fois, même la mobilisation internationale ne pourra le sauver.
Fusillé le 13 octobre à l’âge de cinquante ans, il devient le symbole des victimes de
l’intransigeance catholique.
le 12/10/2009
Révision du procès Ferrer par les Facultés de
Droit de l’ULB et d’Alicante
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C’est que ce Catalan – anarchiste ayant abandonné l’action violente pour former les
enfants à la réflexion et à l’insoumission aux diktats de l’ordre social et religieux – a
beaucoup voyagé, donné des conférences, noué des contacts et engrangé des sympathies, réussissant ainsi à créer autour de L’École Moderne, un réseau international.
Or, que ce soit en France, en Belgique, en Espagne ou en Italie, l’Europe d’alors est politiquement divisée entre cléricaux et anticléricaux. Franc-maçon et libre-penseur,
Ferrer s’est clairement engagé dans le camp anticlérical, ce dernier exigeant un État
affranchi de toute influence de l’Église.
▼
UN PÉDAGOGUE ANARCHISTE
Francisco Ferrer, héros malgré lui
(article de Anne Morelli, prof. ULB, à paraître dans le magazine Espace de libertés)
Peut-on devenir un héros et un martyr alors qu’on a expressément demandé peu avant sa mort qu’il n’en soit pas
ainsi ? C’est ce qui est arrivé à Francisco Ferrer, héros de la Libre-Pensée, fusillé à Barcelone il y a juste cent ans.
« Je désire qu’en aucune occasion, ni prochaine, ni lointaine, ni pour quelque motif que ce soit, on ne fasse devant
mes restes de manifestations d’un caractère politique ou religieux, considérant que le temps qu’on emploie à
s’occuper des morts serait mieux employé à améliorer la situation des vivants, ce dont la plupart auraient grand
besoin » (Extrait du testament de Ferrer). C’est en ces termes que Francisco Ferrer donnait, peu avant sa mort
tragique, des directives à ses amis.
Arrêté en 1909, après le soulèvement de Barcelone, il en avait été considéré comme l’instigateur moral et avait été
accusé par l’Église de l’avoir fomenté par ses idées libertaires et la création d’écoles « sans Dieu » destinées à former
des enfants autonomes et insoumis à l’ordre social, religieux et politique.
Libre-penseur et franc-maçon, il avait tissé un solide réseau de sympathies autour de ses innovations scolaires et
pédagogiques. Ce réseau s’était déjà mobilisé en faveur de Ferrer en 1906 alors qu’il était arrêté une première fois. Il
avait été acquitté après treize mois de prison et avait à sa libération fait une tournée de remerciement auprès de ceux
qui avaient milité en sa faveur, une tournée triomphale, ponctuée de conférences, réunions et banquets en son
honneur.
En 1909, la deuxième arrestation du fondateur de « L’école moderne » fait grand bruit et mobilise ses partisans, en
Europe comme en Amérique. Mais cette mobilisation ne réussit pas à empêcher un procès expéditif devant une Cour
militaire, qui se conclut par sa condamnation à mort et son exécution le 13 octobre 1909.
Dès l’annonce de sa mort, Francisco Ferrer, dont l’image de martyr avait commencé à se construire au courant de ses
deux détentions, va être considéré comme le symbole des victimes innocentes du fanatisme religieux et du
e
conservatisme politique, deux forces intimement liées en ce début de XX siècle.
Les adversaires en présence
À l’époque de Ferrer, les pays catholiques d’Europe occidentale (France, Belgique, Italie, Espagne, Portugal…) sont
profondément divisés par la lutte entre les cléricaux et les anticléricaux. Les premiers sont regroupés autour de partis
catholiques et conservateurs, les seconds forment la « gauche » de l’époque. Cette gauche partage un idéal laïque de
séparation de l’Église et de l’État et de sécularisation de la vie publique (enseignement, soins hospitaliers, espace
public…). Mais en dehors de ce point commun – certes essentiel –, la gauche est extrêmement divisée. Elle
comprend dans notre pays, de droite à gauche, des libéraux « doctrinaires », des libéraux « progressistes », des
socialistes et des anarchistes.
Seul l’anticléricalisme rassemble des groupes aussi opposés que des bourgeois libéraux et des anarchistes qui eux
désirent renverser l’ordre social et la monarchie, éventuellement par la violence collective ou individuelle.
Pourtant, face aux puissants partis organisés autour de l’Église catholique, la seule chance en Europe occidentale
pour la « gauche » d’arriver au pouvoir, ou d’y revenir ou de s’y maintenir est de dépasser ses profonds clivages
politiques pour présenter des cartels ou blocs basés sur leur dimension anticléricale commune.
Pour renforcer cette cohésion, interne mais aussi vis-à-vis de l’extérieur, il faut une histoire commune, des
événements fondateurs et des héros.
Un panthéon des victimes de l’Église
À côté de l’histoire vue du point de vue des catholiques, des puissants et des vainqueurs, une histoire « libérale » va
e
au XIX siècle exhumer des vaincus et des victimes de l’Église.
Dans notre pays, ce sont les protestants qui sont le plus souvent commémorés. Les villes libérales baptisent donc les
rues ou places nouvelles des noms de Calvin, de Luther, des Gueux, de la Pacification de Gand, de Guillaume le
Taciturne ou –a contrario pour que personne ne l’oublie– rue de l’Inquisition. À Bruxelles, on élève une statue à
Egmont et de Hornes décapités par l’Espagne catholique.
En France, c’est le jeune Chevalier de la Barre, martyrisé atrocement pour blasphème en 1766 dont les anticléricaux
entretiennent le souvenir et à qui ils élèvent un monument.
En Italie, c’est Giordano Bruno (1548-1600), brûlé comme hérétique, qui va être commémoré par une statue
monumentale sur le Campo dei Fiori de Rome, son nom étant attribué aussi à des rues par des administrations
communales laïques belges.
Alors que se construit cette histoire parallèle à l’histoire officielle et qu’émergent de nouveaux martyrs, la dramatique
odyssée de Ferrer va l’inscrire dès sa mort au sein du panthéon anticlérical.
Jésus de la Libre-Pensée
Dès l’annonce de l’exécution à Barcelone du pédagogue libertaire, les termes de héros et de martyr lui sont
immédiatement associés. Il n’est certes pas la seule victime de la répression féroce qui s’abat sur la capitale catalane,
mais il est le plus connu, il a beaucoup voyagé et avec ses cinquante ans, son aspect bourgeois et les bonnes
relations qu’il entretient avec diverses loges maçonniques, il est certainement le plus célèbre et le plus
« présentable », le plus à même de cristalliser sur sa personne la sympathie même de libéraux très éloignés des
subversions prolétariennes qui ont secoué Barcelone. Très rapidement, il va symboliser les victimes du fanatisme
religieux (puisque c’est la hiérarchie catholique qui l’a dénoncé comme coupable par ses idées d’avoir fomenté les
violences populaires) et la gauche présente, comme sur la gravure d’époque qui a servi de base à notre affiche,
comme un nouveau Christ martyrisé, les bras en croix, et surmonté d’un panneau où les lettres INRI ont simplement
été remplacées par FERRER. L’annonce de son exécution fait la une de tous les journaux de gauche et va donner
lieu à des manifestations dont l’ampleur est aujourd’hui inimaginable.
Toutes les villes d’une certaine importance sont touchées. À Londres, à Paris, les marées humaines se livrent à des
exactions. En Italie, ce sont soixante villes qui sont touchées par des boycotts, des manifestations, des attaques
contre des biens espagnols et une –assez exceptionnelle– « grève contre l’Église » (1).
En Belgique, des manifestations se déroulent dans diverses villes. À Bruxelles, elles vont se succéder pendant près
d’une semaine à l’appel soit des libéraux, soit des socialistes, soit des anarchistes. Des fanfares sillonnent la ville en
jouant des marches funèbres. Un « petit » meeting de la Libre-Pensée réunit 800 ouvriers. Les étudiants de l’ULB
s’acharnent sur la nonciature et sur la légation d’Espagne (2). Déjà l’idée circule d’élever un monument à Ferrer dont
on vend dans les rues des images commémoratives.
Les éléments d’un culte
Ferrer dans son testament précisait que les individus sont sans importance et que seuls leurs actes comptent. Au
contraire cependant, on va oublier ses actes et ses idées radicales de bouleversement de l’ordre social, afin de
braquer l’attention sur sa fin injuste et sur le rôle que l’Église et la monarchie y avaient joué. Des caricatures montrent
des prêtres aidant le peloton d’exécution pour qu’il ne rate pas Ferrer, d’autres représentent un prêtre dissimulant un
poignard sanglant, ou encore le roi Alphonse XIII signant l’arrêt de mort de Ferrer sur le dos d’un prêtre qui le prête
volontiers comme pupitre. Ce sont plus précisément les jésuites qui sont accusés d’être les vrais assassins de Ferrer.
Trois d’entre eux apparaissent sur une caricature comme préparant la tombe de Ferrer avec délectation.
Ces caricatures paraissent évidemment dans la presse anticléricale, mais sont aussi véhiculées par tous les médias
de l’époque : des cartes postales, des images commémoratives au format des images pieuses, des affiches grand
format que nous appellerions aujourd’hui « posters ». Le visage même de Ferrer est popularisé à travers ces mêmes
médias : un homme âgé, moustachu et chauve, habillé bourgeoisement, l’opposé même de l’image du héros
révolutionnaire…
Les portraits de Ferrer sont bientôt reproduits en médailles et sous forme de buste, en bronze ou en plâtre selon les
moyens financiers des personnes ou des associations qui en font l’acquisition : loges, Maisons du Peuple, sociétés de
Libre-Pensée.
Des pièces de théâtre vont diffuser la tragédie de Ferrer (3) comme des chansons, dont nous avons conservé
partition et paroles. Ce « culte » de Ferrer s’est répandu très rapidement en Europe occidentale et dans les pays où
des Européens (notamment des Italiens) avaient émigré. Ainsi aux États-Unis en 1917, une perquisition chez des
ouvriers italiens à Milwaukee permet de découvrir une série de documents sur Ferrer qui circulaient dans les milieux
anarchistes.
Dès son exécution, l’idée de lui ériger une statue est lancée et la souscription ouverte. Un concours est lancé et le
projet retenu symbolise les idées de libre-pensée sous la forme d’un jeune homme nu, tendant vers le ciel un
flambeau. Le monument Ferrer est inauguré à Bruxelles en 1911 en présence d’une foule très nombreuse. Il fait face
aujourd’hui à l’ULB avenue Roosevelt après avoir connu bien des avatars quant à son emplacement et au texte
figurant sur son socle.
Dans la foulée de l’indignation qui succède à l’exécution de Francisco Ferrer, de nombreuses administrations
socialistes et libérales décident d’attribuer son nom à des rues de leur entité. Actuellement il y a en Belgique septante
rues Ferrer (à Gand notamment, mais pour le reste essentiellement en Wallonie) mais avant les fusions de
communes, elles étaient beaucoup plus nombreuses. Souvent cette rue Ferrer est une sorte de vengeance du cartel
de gauche : le nom est attribué à la rue où se trouve un couvent, à celle qui passe devant l’église ou encore à la rue
où habite le député catholique local ! On débaptise parfois aussi la rue Royale ou la rue Léopold pour l’appeler Ferrer.
Des loges vont prendre (comme à Virton) le nom de Ferrer, ainsi que des écoles laïques.
User ou abuser du nom de Ferrer ?
e
Les libéraux qui au début du XX siècle usent de ce nom se contentent généralement de mentionner comme
justificatif que Ferrer fut un « martyr de la Libre-Pensée » ou une « victime de l’Inquisition catholique », mais se
gardent bien de rappeler les idées sociales et politiques du dernier arrivé dans le Panthéon laïque.
De même ceux qui « baptisent » leur école du nom de Ferrer le justifient généralement en disant qu’il s’agit d’un
pédagogue injustement assassiné. Peu d’entre eux avaient sans doute lu son livre l’École nouvelle qui ne circulait pas
en français. Ils auraient probablement été étonnés d’y apprendre par exemple que Ferrer refusait tous subsides
publics car ceux-ci l’auraient irrémédiablement conduit à sacrifier l’autonomie de son école et à faire des concessions
aux possédants qui prônaient (comme aujourd’hui l’OCDE) un enseignement le plus proche possible des attentes des
employeurs et donc le plus loin possible de l’esprit critique et d’insoumission que Ferrer entendait inculquer à ses
élèves.
Les anarchistes avaient dénoncé, dès la mort de Ferrer, l’utilisation du nom par des amis de l’Ordre.
Un tract émis lors de l’exécution de Ferrer en 1909 par la Fédération anarchiste de Belgique rappelle que c’était un
révolutionnaire et met en garde contre ce bel unanimisme de façade. « Des prêtres succèdent à des prêtres –seuls
les oripeaux diffèrent, la forme des houlettes uniquement varie –des maîtres en remplacent d’autres– les uns se
revendiquent des droits de l’homme alors que les autres invoquaient le droit divin ! Noblesse et clergé hier !
Bourgeois libéraux et républicains aujourd’hui ! Papes socialistes, demain ! Les étiquettes changent mais l’état de
chose reste : une immense majorité travailleuse, frustrée, écrasée par une minorité de gredins. Ici le triangle
maçonnique a remplacé comme symbole le goupillon bien-pensant… Là, la mitre ecclésiastique a fait place au gibus
démocratique… Mais le sabre domine toujours. » (4)
Franc-maçon et fortuné, l’anarchiste espagnol a servi à coaliser les forces hétérogènes de la gauche et à maintenir la
tension anticléricale, indispensable à la constitution d’un cartel laïque face aux partis organisés autour de l’Église
catholique. Alors qu’il avait bien demandé à ne pas devenir un martyr, Ferrer l’est devenu bien malgré lui. Face à un
monde catholique regorgeant de modèles de sainteté et présentant à l’envi des exemples de vies héroïques, il
témoigne sans doute du besoin que nous avons tous de voir incarnées nos valeurs dans des personnages
symboliques dont le visage peut devenir familier et l’odyssée être transmise à titre d’exemple aux générations futures.
Anne Morelli
1. Voir à ce sujet l’article à paraître de Nicoletta Casano (Nel centenario della fucilazione del Fratello Francisco Ferrer)
et les travaux de Franco Bertolucci.
2. Cf. les rapports de police conservés aux Archives de la Ville de Bruxelles qui m’ont été aimablement transmis par
Jean Houssiau.
3. Par exemple Une lueur brillait… reconstitution scénique de l’Affaire Ferrer en 9 tableaux, par J.Tallida, publiée à
Paris aux éditions Vérité en 1935.
4. Archives de la Ville de Bruxelles, tract intitulé « Martyr et fantoches ».
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2009
www.ulb.ac.be/culture
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francisco Ferrer
100 ans après son exécution
Les avatars d’une image
Expositions, colloques, visites guidées,…
Monsieur Jean-Louis Vanherweghem,
Président du Conseil d’administration de l’ULB
Monsieur Philippe Vincke,
Recteur de l’ULB
Monsieur Gregory Laurent,
Adjoint du Recteur pour les affaires culturelles
Monsieur Pierre Lambert,
Directeur de la Haute Ecole Francisco Ferrer
ont le plaisir de vous inviter au vernissage
le jeudi 10 septembre 2009 à 18h
Une collaboration de l’ULB (Centre interdisciplinaire d’étude des religions et
de la laïcité et Centre d’histoire et de sociologie des gauches) et de la Haute
Ecole Francisco Ferrer
Exposition • ULB • Campus du Solbosch • Salle Allende • Bâtiment F1
22-24 avenue Paul Héger • Bruxelles
Entrée libre • ULB Culture (Département des services
à la communauté universitaire) • 02 650 37 65 • [email protected]
www.ulb.ac.be/culture
Renseignements :
CIERL • Carmen LOUIS • Tél. 02.650.35.78 • www.ulb.ac.be/philo/cierl
CHSG • www.ulb.ac.be/is/chsg
Haute Ecole Francisco Ferrer • www.he-ferrer.eu
Avec le soutien de Willy Decourty Député-Bourgmestre et du Collège des Bourgmestre
et Echevins de la Commune d’Ixelles.
Ed. resp. : Ahmed Medhoune - ULB Culture – 50 avenue F.D. Roosevelt (CP 166/02) - 1050 Bruxelles – graphisme : Geluck-Suykens, d’Andrimont
du 11 septembre au samedi 17 octobre 2009
du lundi au samedi de 11h à 16h
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