Version française - Médecins sans frontières
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> N° 139 / Février 2006 / Journal interne des Médecins Sans Frontières DOSSIER www.msf.fr > Pakistan © Bruno Stevens / Cosmos - Octobre 2005 Pakistan : Les leçons d'une catastrophe - Au temps P4 des tâtonnements - Témoignage du terrain P6 - Aider les familles à affronter l'hiver P7 - S'intéresser aux plus vulnérables P8 - L'entraide locale déterminante face P10 à l'urgence - Géologique P12 et politique ENJEUX DÉBATS - La recherche opérationnelle menée P14 sur le sida - La Mancha à mi-parcours P16 Les leçons d’une catastrophe Numéro 139 MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Olivier Falhun MISSIONS - Tchétchénie Une normalisation en trompe-l'œil P18 - Pologne Aux bords de l'Europe, les camps de réfugiés P19 tchétchènes - Angola Une fermeture P21 et ses fissures RESSOURCES - Le projet de rémunération internationale P22 - Stages & FormationsP27 - Turn over P27 INFOS - Face à Face, l’autre terrain - In memoriam PAKISTAN P25 P27 Quelles ont été les difficultés rencontrées par MSF au cours de l'intervention en faveur des victimes du séisme qui a frappé le Pakistan le 8 octobre dernier ? Quels enseignements peut-on en tirer ? Un an après le tsunami qui a ravagé l'Asie du Sud-Est, quelles sont nos interrogations concernant les catastrophes naturelles ? Les réponses de Pierre Salignon, directeur général de MSF, de retour du Pakistan. > Quel regard portes-tu sur notre intervention au Pakistan ? pour MSF l'une des plus grosses urgences de l'année1, mais aussi un Le séisme a été d'une force et d'une ampleur incroyables. Il a provoqué la destruction de villes et de villages, sur une zone géographique étendue, le plus souvent difficile d'accès. Dans cette région montagneuse du défi opérationnel à relever. Il s'agit d'intervenir dans des zones reculées — essentiellement accessibles par hélicoptère —, de soigner un grand nombre de personnes gravement blessées, et d'assurer une prise en Cachemire et du nord-ouest du Pakistan, les bilans officiels font état de 80 000 morts, et de plus de 70 000 charge matérielle des sinistrés. Comme en Asie du Sud-Est, ce sont les secours locaux qui ont été là blessés. On parle aussi de trois millions de sinistrés. Les habitants, plus d'un mois après le séisme, restent encore choqués, blessés et sans abris. C'est ce qui en fait encore les plus réactifs. Dans les premiers jours, et malgré le chaos, médecins et secouristes pakistanais, puis des équipes spécialisées venues du monde entier, se sont déployés Le mythe d’un humanitaire triomphant a pris du plomb dans l’aile. Car si le tsunami a montré un exceptionnel élan de solidarité, il a aussi souligné les difficultés des secouristes à justifier l’ampleur de leur intervention, alors que les morts étaient déjà morts et que les blessés étaient pris en charge. Dans le même registre mais sans le même élan, le séisme du Pakistan a provoqué moins de morts mais plus de 70 000 blessés, dans une région difficile d’accès et au climat rigoureux. A l’exception du tsunami répond donc celle du Cachemire, une catastrophe dont les conséquences démontrent toute la complexité d’intervenir en urgence, et de répondre avec discernement aux besoins des sinistrés, ce que nous n’avons pas toujours réussi à faire au début de notre intervention. Côté pile l’humanitaire peut donc induire en erreur, côté face il peut faire des erreurs. Peut-être est-ce là une leçon à retenir de ces deux exceptions. ■ ••• > Niger © Didier Lefèvre / imagesandco.com – juin 2005 ••• comme ils l'ont pu. 8 000 blessés ont convergé très rapidement vers Mansehra, dans la province frontière DOSSIER Pakistan : Les leçons d'une catastrophe du nord-ouest. Les opérations se faisant à la chaîne à l'hôpital, dans des conditions d'hygiène déplorables. Face à l'afflux des blessés, le triage > L’utilisation des dons collectés suite au tsunami : Devant l'ampleur de l'élan de générosité qui a suivi la catastrophe du tsunami, nous avons proposé à nos donateurs de réaffecter à notre fonds d'urgence l'argent que nous n'allions pas dépenser dans les régions touchées par le tsunami. Ils nous ont suivi à plus de 98 % ! C'est cette compréhension de nos donateurs qui nous a permis, cette année, de mener plus d'opérations d'urgence financées par nos propres moyens. Nous avons pu ainsi prendre en charge plus de 40 000 enfants sévèrement malnutris au Niger, avec des distributions ciblées pour près de 50 000 familles, une opération qui va nous coûter près de 14 millions d'euros. Ce fonds d'urgence permet aussi de financer les opérations que nous menons actuellement au Pakistan. était inexistant, et le suivi postopératoire très limité. C'est ce qui explique en partie nos difficultés à trouver un positionnement médical adapté dans les premières semaines. Sans minimiser la difficulté de lancer une opération de secours dans un tel contexte, nous nous sommes néanmoins dispersés, en multipliant les sites d’évaluation, et sans arriver à centraliser notre action en faveur des blessés. En revanche, l'intervention dans des zones plus reculées a PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE En début de semaine, deux jeunes psychologues pakistanaises ont rejoint notre équipe. Fozia vient de Mansehra et Farzana de Abottabad. Quatre-vingts patients ont été examinés ou pris en charge depuis le début du programme (24 octobre 2005). Il faut tenir compte du fait que les thérapies sont individuelles et non collectives, du fait de la conception culturelle de l'aide psychologique. Les gens préfèrent l'intimité et la confidentialité : un secret reste un secret, même dans une situation de catastrophe généralisée. La majorité des gens nous ont dit ressentir des symptômes tels que la dépression, l'angoisse, le chagrin, la méfiance, la peur et la tristesse, mais aussi des symptômes physiques et psychosomatiques comme la douleur, l'insomnie, la migraine, le manque de repos, les palpitations, les tremblements, une forte sudation. SEMAINE 5 truction. Cela prendra plusieurs mois au Pakistan. avons mis en place une structure hospitalière temporaire (sous tentes) à Mansehra. Elle permettra de été plus rapide. Des distributions de tentes et de matériel de premier secours ont notamment commencé > Du point de vue opérationnel, quels enseignements tires-tu de cette catastrophe ? délivrer des soins spécialisés (chirurgie reconstructive). Cet hôpital composé de 200 lits et de 4 blocs dix jours après le séisme ; elles se sont poursuivies sur les sites où les Le séisme du Pakistan a réaffirmé notre volonté d'être réactifs face aux opératoires est désormais fonctionnel. Dans les mois à venir, nous sinistrés se sont installés. Il faut enfin dire que la phase critique catastrophes naturelles, qui restent un enjeu opérationnel. Il nous a serons ainsi capables d'assurer la poursuite des soins aux blessés et de est loin d'être terminée ; elle pourrait même « rebondir », en raison de montré qu'il fallait agir vite, et que le temps pressait face au nombre répondre aux urgences. De nouveaux outils à présent disponibles à MSF l'hiver rigoureux, et du nombre de sans abris. C'est pourquoi les secours de blessés. De plus, malgré nos difficultés de positionnement des (les tentes gonflables par exemple) nous offrent également la possibilité internationaux doivent soutenir les efforts locaux dans la durée, le temps que les choses se réorganisent et que premiers jours, il ne faut pas se démobiliser. Au regard du nombre de cas à opérer, parfois à plusieurs d'envisager de nouvelles stratégies opérationnelles à l'avenir. Une réflexion s'impose enfin concernant l'argent des bailleurs permette d'enclencher le processus de recons- reprises, et de la destruction de la plupart des hôpitaux locaux, nous les abris et le matériel adaptés aux conditions hivernales. Les standards Thierry Allafort-Duverger Responsable des Urgences > Pakistan © Bruno Stevens / Cosmos - Octobre 2005 P2 messages MSF N°139 Février 2006 humanitaires dans ce domaine sont bas. A nous de les faire évoluer en fonction des réalités de terrain. > Un an après le tsunami, les Nations unies, comme certains médias, ont regretté la faible mobilisation qu'a engendrée ce tremblement de terre. Qu'en penses-tu ? La mobilisation en faveur des victimes du tsunami a été « extraordinaire »2. Mais on ne peut considérer cette tragédie comme un point de référence. D'autant que l'argent collecté à la suite de cette catastrophe a dépassé la capacité des organisations à le dépenser. Les Nations unies comme d'autres acteurs feraient bien de le reconnaître. A MSF, l'argent collecté puis désaffecté du tsunami nous a permis de mener trois urgences > Pakistan © Stephan Grosse Rueschkamp / MSF - Octobre 2005 majeures en 2005 : d'abord en faveur des victimes du tsunami, puis des enfants souffrant de malnutrition sévère au Niger, qui étaient, eux, en danger de intervention. Notre action peut se limiter à l'évaluation des besoins auxquels nous sommes aptes à répondre. Mais lorsque nous consta- mort immédiat, et enfin, des sinistrés du tons in situ que ceux-ci sont couverts ou qu'ils le seront au moment où nous dissocier la réflexion des constats de terrain. Si nous décidions le lancement des opérations en fonction d'a priori ou de critères dogmatiques (ce qui est pourrons être opérationnels, pourquoi intervenir ? Notre décision n'est que la du MSF et ce qui ne l'est pas) ou de la couverture médiatique et de la suite logique d'un constat fait sur place, à l'image de notre décision récente mobilisation du public, nous interviendrions dans un intérêt dissocié de celui d'intervention dans le sillage de la tempête Stan, au Guatemala. Ceci dit, des victimes. Il me paraît donc important de préserver un espace des donateurs. Nous avons privilégié la réponse aux urgences, parce que la plusieurs points me paraissent importants. Le premier réside dans la diffi- possibles pouvant sortir des terrains balisés de l'association, quand cela « reconstruction » n'est pas notre métier. Elle relève de la responsabilité culté de résister à la pression médiatique. On l'a vu pour le tsunami. Dans un premier temps, notre décision répond dans certains contextes aux besoins des populations. Mais il nous faut aussi résister à l'envie d'en faire d'interrompre la collecte a parfois été trop, quand il appartient aux Etats ou mal comprise : elle allait à contresens de l'émotion suscitée dans le public par les images de la tragédie. Il est pourtant aux institutions internationales de faire face à leurs responsabilités. ■ étrange de voir une opération de collecte spontanée se dérouler avant même l'évaluation des besoins. Nos équipes sur le terrain nous l'ont rapidement rappelé. Reste que face à la 1- 500 volontaires interviennent répartis séisme au Pakistan, avec trois fois plus de blessés à assister que pour le tsunami. Autrement dit, nous avons pu porter secours à des populations en danger dans des crises oubliées ou moins médiatiques, sans faire une nouvelle fois appel à la générosité des des Etats, des institutions financières internationales (Banque mondiale en particulier) ; moins de celle des ONG (et donc des donateurs privés). Il faut aussi noter que la mobilisation en faveur des victimes pakistanaises du séisme n'est pas inexistante. On parle de près de six milliards de promesses de la part de la communauté internationale. C'est assez exceptionnel pour être souligné. Reste que les promesses ne font pas les secours, l'expérience de l'ouragan Mitch en témoigne3. On doit évidemment le Pakistan sont plus importants. Toutefois nous devons éviter de sur trois sections (Hollande, Belgique et France). En termes financiers, le budget international engagé pour cette urgence est sensiblement équivalent à celui du pression de nos donateurs, et prenant acte de leur mobilisation exceptionnelle, nous avons parfois accepté d'en tsunami, et représente environ déplorer, mais pour ce qui nous concerne, nous devons nous assurer de fournir les secours en fonction des besoins, de nos compétences et de nos capacités, quelles que soient les victimes. faire « un peu plus », en menant des projets dont la pertinence a été questionnée dans les débats internes. C'est le cas pour les projets que nous avons lancé au Sri-Lanka et en Indonésie, visant à la construction de 2- Autour de 10 milliards d'euros de > MSF n'est pourtant pas intervenue suite à l'ouragan Katrina, qui a petits bateaux (150 environ) à destination des pêcheurs ayant perdu leur unique moyen de subsistance4. En récemment frappé la NouvelleOrléans. Pourquoi cette différence de réaction ? Encore une fois, la réactivité ne doit pas systématiquement se traduire par une avons-nous trop fait dans les régions ravagées par le tsunami ? Il faut se poser la question, car, avec un peu de distance, on doit reconnaître que les besoins identifiés après le séisme au 24 millions d'euros (5 pour la section française). promesses des Etats en faveur de la reconstruction, et des dons privés quasiment identiques (à hauteur de 6 milliards), ce qui était inédit. 3- En 1998, la communauté internationale avait promis 9 milliards de dollars pour la reconstruction en Amérique centrale. Pour l'essentiel, cette promesse ne s'est jamais matérialisée. 4- A l'inverse, nous avons décidé, au même moment, de ne pas distribuer directement de l'argent aux populations sinistrées. P3 “ Un risque naturel se caractérise par la combinaison de l'aléa (c'est-à-dire le phénomène géologique générateur) avec la vulnérabilité (l'effet sur les installations humaines). Beaucoup de séismes importants passent inaperçus lorsqu'ils frappent des régions inhabitées. Ce qui caractérise un risque aujourd'hui, au plan de son impact, ce qui en fait une catastrophe, c'est bien l'exposition des hommes. Au point que l'une des conclusions de la décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN), qui s'est achevée en 2000, a été de considérer qu'il ne fallait plus parler de « catastrophe naturelle ». Si l'aléa naturel existe, qu'on ne peut empêcher, c'est bien la vulnérabilité sociale qui transforme le phénomène en catastrophe. “ Texte de présentation d'un débat organisé par l'association 4D - « Dossiers et débats pour le développement durable » Paris, 27 janvier 2005 - repris par Jean-Pierre Dupuy dans son livre Petite métaphysique des tsunamis Jean-Pierre Dupuy septembre 2005 - Editions du Seuil messages MSF N°139 Février 2006 DOSSIER Pakistan : XXXXXXXX Les leçons d'une catastrophe > A propos du Pakistan : “ - Vos interventions semblent souligner que les réactions premières n'ont pas été à la hauteur… Vous semblez fâchés, mais contre qui exactement ? - Contre nous, car je pense que nous pouvons mieux faire. “ Question de Marc Lavergne, réponse de Pierre Salignon : Extrait du procès-verbal du Conseil d'administration MSF France - 25 novembre 2005 “ Avec un volume aussi considérable, 70 000 blessés, il faut être réaliste et savoir que cela ne peut impliquer que de grosses difficultés pour assurer une bonne prise en charge initiale. De mon point de vue, il m'apparaît que nous avons un peu tardé à nous fixer la prise en charge opérationnelle des blessés comme une priorité : cet axe aurait dû primer sur la visite de villages reculés. “ Jean-Hervé Bradol : Extrait du procès-verbal du Conseil d'administration MSF France - 25 novembre 2005 > Pakistan © Rémi Vallet / MSF - Novembre 2005 URGENCE PAKISTAN Au temps des tâtonnements MSF / Décembre 2005 / Rémi Vallet Suite au séisme du 8 octobre dernier au Pakistan, les équipes de MSF ont installé une structure hospitalière à Mansehra. Mais il aura fallu près d’un mois et demi d'efforts et de balbutiements pour que cet hôpital sous tentes soit enfin opérationnel. Retour sur les difficultés rencontrées au démarrage de ce projet. Début novembre, la situation à l'hôpital de district de Mansehra est encore loin d'être satisfaisante. Près d'un mois après le séisme, les conditions d'hospi- d'hygiène y sont déplorables et la stérilisation douteuse. Franck, le chirurgien MSF, s'effraie des contaminations et des risques > EN PREMIÈRE INTENTION talisation des patients sont toujours désastreuses. d'infections post-opératoires pour les patients. En résumé, les standards de Si nous avons installé six grandes tentes d'hospitalisation, des latrines et un système d'approvisionnement en eau, près de 300 familles s'entassent toujours aux abords de l'hôpital, sous des tentes ouvertes aux courants d'air, qualité médicale ne sont pas au rendez-vous. Ce constat, partagé par toute l'équipe, génère beaucoup de frustrations. retard. D'abord, un problème de disponibilité du matériel. Parce qu'elles ne sont pas en stock à et sans tapis de sol. Les quelques lits d'hospitalisation des bâtiments hospitaliers encore debout sont occupés par des blessés. Dès lors, les services réguliers de l'hôpital (maternité, pédiatrie, etc.) ne sont plus en mesure de prendre en charge les patients qui se présentent. Quant au bloc opératoire, installé provisoirement dans l'ancienne salle d'accouchement, les conditions P4 messages MSF N°139 Février 2006 Plusieurs éléments expliquent ce Bordeaux mais toujours en cours de production chez le fabricant italien, les tentes gonflables n'arriveront à PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE Au dispensaire (tente MSF de consultations psychologiques montée dans l'enceinte de l'hôpital) nous ne pouvons pas nous charger des gens atteints de maladies psychiatriques chroniques qui viennent consulter. Il faut leur expliquer, à eux ou à leurs proches, qu'ils doivent aller consulter un psychiatre à Abottabad. Mais nous ne sommes pas étonnés de ces demandes : la région dévastée par le séisme ne comporte aucune structure spécifique de consultation pour les soins psychiques. SEMAINE 6 de notre opération, mais les autorités locales préfèrent alors compter sur les promesses d'aide de l'Arabie Saoudite. Faute de pouvoir prendre pied, nous nous réorientons donc vers l'hôpital de Battagram, pour y renforcer les équipes chirurgicales, assurer des soins postopératoires… et tenter d'y monter notre structure hospitalière gonflable. Mais alors que les négociations pour ce projet tournent court à Battagram, le ministère de la Santé pakistanais reprend contact et insiste pour que nous travaillions dans l'hôpital de Mansehra, où les Saoudiens ne sont jamais venus ». Islamabad qu'à la fin du mois d'octobre. « Disponibles au premier jour de l'urgence, nous aurions pu les installer au début de notre intervention », estime Sinan, référent chirurgie au département médical et coordinateur médical au Pakistan. Toujours est-il que ce retard de livraison accroît la difficulté de nous ménager un espace de travail, ce qui nous fait perdre quelques semaines supplémentaires. « Dès le début, nous avons cherché à travailler à l'hôpital de Mansehra, rappelle Nick, chef de mission au début Neuf tentes gonflables — 1 000 mètres carrés au total —, quatre blocs opératoires, une salle d'urgence, une unité de soins intensifs, 120 lits d'hospitalisation. La structure hospitalière montée à Mansehra est impressionnante. Installée à côté de l'hôpital de district, elle fonctionne en étroite collaboration avec ce dernier, afin de soigner dans de bonnes conditions les blessés et les patients qui ont subi des complications. Dans cette phase d'urgence médicale prolongée, elle prend aussi en charge les autres urgences. Déchargé de cette partie du travail, l'hôpital de district bénéficie ainsi d'une période de transition pour entreprendre les travaux de réhabilitation ou de reconstruction nécessaires, et qui lui permettront de retrouver un fonctionnement normal. Lorsque les équipes médicales et logistiques s'implantent dans l'hôpital de Mansehra, le mois d'octobre touche déjà à sa fin. serait plusieurs volontaires à plein temps et retarderait donc le montage de l'hôpital. Or il faut aboutir vite sur ce projet, à la fois pour rétablir des soins alors du matériel (tentes, couvertures, kits d'hygiène et de cuisine) et paye le transport. Mais certaines familles partent sans démonter les tentes > OUVRIR L'UN POUR FERMER L'AUTRE corrects pour les patients, mais aussi pour prouver à nos interlocuteurs locaux que nos promesses ne sont pas installées dans le camp. Pour édifier l'hôpital à cet endroit, il va falloir être plus strict. Ce qui ne va pas sans Recentrée sur Mansehra, l'équipe entreprend d'améliorer les conditions des paroles en l'air, et ainsi renforcer notre marge de manœuvre dans les négociations. La mise de côté de susciter quelques tiraillements dans l'équipe. d'hospitalisation (installation de tentes et d'équipements sanitaires), tandis que la stérilisation du bloc, au nom de l'objectif principal de monter l'hôpital, > OPÉRATIONNELS LE 21 NOVEMBRE Sinan gère les discussions avec l'hôpital pour installer notre structure hospita- illustre bien nos limites et la difficulté des choix opérationnels. lière. En revanche, rien n'est fait pour mettre en place une stérilisation correcte dans le bloc opératoire. Aurions-nous dû et aurions-nous pu le faire ? « Le bloc est dans un état déplorable, et il faudrait bien sûr l'améliorer, mais nous ne pouvons pas tout faire, tranche Sinan. La priorité, c'est d'ouvrir au plus vite notre propre structure chirurgicale pour pouvoir fermer ce bloc. » Pour lui, arriver à un résultat correct dans le bloc prendrait autant de temps que de monter l'hôpital, mobili- PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE La majorité des patients qui viennent au dispensaire ont été affectés par le séisme, mais la plupart du temps, après trois ou quatre séances, la structure déstabilisée ou perturbée de la vie familiale ressurgit. Aussi, une séance individuelle devient-elle parfois une séance familiale ou dyadique. Nous observons que le séisme a permis à d'anciens symptômes psychologiques de ressurgir. A présent, tout le monde parle de trauma, parce que c'est une réalité admise et évidente depuis la catastrophe. Il y a moins de réticence à évoquer alors d'anciens traumas ou des relations perturbées, et une détresse psychologique familiale. Peu à peu, la structure de la société se révèle. Les membres des familles nombreuses et les castes sont le fondement de la structure sociale. Ainsi, le travail auprès des familles me donne l'occasion de découvrir certaines règles strictes concernant les traditions. Parfois, ces règles, en particulier pour les patients de la jeune génération, vont à l'encontre de la personnalité même de l'individu en tant que tel, aussi le trauma apparaît-il dans le cadre d'un trouble sous-jacent. Le séisme a été le moyen de mettre librement au jour leurs voeux propres, oubliés dans la vie quotidienne. SEMAINE 10 A MANSEHRA, UN HÔPITAL « GONFLABLE » POUR ASSURER LA TRANSITION > LES DIFFICULTÉS S'AMONCELLENT Certains craignent de se transformer en « huissiers ». D'autres doutent que notre aide matérielle garantisse de meilleures conditions de vie aux Or, les ressources humaines sont limitées. D'autant que jusqu'au 6 novembre, cinq volontaires sont mobilisés à plein temps par l'unité de soins pour le tétanos : un pari opérationnel qui aurait pu s'avérer pertinent. Mais il y a finalement eu peu de cas de tétanos après le séisme et le centre a ouvert trop tardivement, à cause de problèmes de livraison du matériel, si bien qu'il n'a accueilli en tout et pour tout que deux patients [voir page suivante - ndlr]. Le 6 novembre, le dernier patient est transféré vers un hôpital d'Islamabad et notre centre ferme ses portes. Toute l'équipe semble alors remobilisée par le projet d'hôpital, mais son ouverture semble encore bien lointaine. Sur le terrain identifié pour l'installer, 140 tentes abritent 250 familles et plus de 900 personnes. Avec, au minimum, un blessé par tente. Avant de pouvoir monter l'hôpital, il faut faire de la place. Et donc trouver des solutions alternatives d'hébergement, avec une garantie d'accès à des soins adaptés pour les patients qui ont encore besoin d'un suivi régulier. Aux familles qui voulaient rentrer dans familles, qui ne savent pas toujours ce qu'elles vont retrouver dans leur village d'origine. « On est là pour aider les gens, pas pour libérer de l'espace », insiste un infirmier. Certes, mais pour monter l'hôpital rapidement et rétablir des soins de qualité, libérer de l'espace s'avère indispensable. L'ouverture du premier « village médical » (centre de convalescence pour les blessés et leurs familles), le 9 novembre, marque une accélération du processus. D'une part, 25 familles déménagent d'un seul coup, et le démontage de leurs tentes près de l'hôpital permet enfin de faire de la place. D'autre part, la satisfaction de ces premiers relogés contribue à diminuer l'inquiétude des équipes et à atténuer la méfiance d'organisations locales, qui accusaient MSF de chasser les gens. Dans les jours qui suivent, d'autres villages médicaux ouvrent, et le travail logistique d'installation de l'hôpital leur village d'origine, l'équipe distribue commence. Le 21 novembre, notre structure hospitalière peut enfin ouvrir ses portes à Mansehra, permettant dans la foulée de fermer l'ancien bloc opératoire. Depuis, plus de 500 patients y ont été soignés. ■ P5 messages MSF N°139 Février 2006 “Wait and see” MSF / Janvier 2006 / Raouf Abdellaoui, infirmier Le rapport de fin de mission de Raouf Abdellaoui, infirmier MSF arrivé au Pakistan deux semaines après le séisme, illustre à la fois la frustration des débuts et le soulagement ressenti après certaines hésitations. DOSSIER Pakistan : Les leçons d'une catastrophe > Réponse de JeanHervé Bradol à Arte, à propos de l’argent collecté par les acteurs de l’aide après le tsunami : “ L'argent est corrupteur. C'est aussi vrai pour une organisation de secours humanitaire que pour un individu ou d'autres institutions. Lorsque vous avez de manière artificielle un excès de moyens financiers qui arrivent dans votre organisation, en général ça vous rend inefficace et ça produit du gaspillage. Vous avez à ce moment-là des équipes de terrain qui fonctionnent à l'envers, pas en fonction des besoins qu'elles voient sur le terrain, en appelant leur siège pour réclamer des moyens pour répondre à ces besoins, mais en recevant des messages de leur siège pour leur dire « Il faut absolument que vous utilisiez de l'argent parce que l'argent est là ». Et cette inversion de la perspective pour l'organisation des secours, dans la tête des travailleurs qui fabriquent ces secours, et bien cela s'appelle travailler à l'envers. Et quand on travaille à l'envers, on obtient de mauvais résultats... “ Jean-Hervé Bradol Un an après le tsunami Entretien télévisé. Arte Décembre 2005 P6 Je suis arrivé au Pakistan le 25 octobre. Avec l'aide d'une autre infirmière, ma mission consistait à En fait, nous avons réellement commencé à travailler quand nous avons décidé de ne plus suivre les malades. La majorité d'entre eux n'établissaient pas de bons diagnostics, et les traitements mettre en place une unité de soins intensifs à destination des patients atteints du tétanos, en dehors de l'hôpital de district de Mansehra. J'ai directives, et nous avons ainsi pu ouvrir une salle de pansements, malgré l'absence d'un quelconque soutien à notre initiative. Cette proposés n'étaient pas toujours adaptés. Je me retrouvais face à un dilemme : Devais-je appliquer le traitement prescrit ? Devais-je leur également été chargé d'acheter un moniteur cardiaque, du matériel d'oxygénation et des ventilateurs à Islamabad, mais je n'ai pas trouvé de décision nous a pourtant permis de constater les conditions d'hygiène des patients comme la gravité de leur blessure, et d'établir une nouvelle fournir ces médicaments si nous avions la certitude qu'ils ne seraient pas bien utilisés ? Rapidement confrontés à ces bons ventilateurs. En urgence, nous sommes arrivés directement de Bordeaux (France), et quelle ne fut pas ma surprise de ne stratégie (bloc opératoire, greffe de peau, nouveaux antibiotiques), nous permettant finalement de pouvoir mettre un pied dans l'hôpital, et de questions, nous avons organisé plusieurs réunions avec les médecins du ministère de la Santé, et des arrangements furent trouvés. Au voir arriver aucun patient dans notre commencer à travailler. moment où je quitte le Pakistan pour centre d'admission “tétanos”, une fois celui-ci opérationnel. C'est la raison pour laquelle je pense que cette Grâce à la nouvelle équipe prompte à s'investir dans l'enceinte de l'hôpital, les choses ont commencé à s'accélé- rentrer chez moi, mon sentiment est que les choses vont de mieux en mieux. Maintenant, pour les cas diffi- décision a été prise sans mûrir la rer, et je me suis senti plus à l'aise. ciles ou pour les réanimations, ils réflexion préalable. Je n'ai pas compris que nous puissions dépenser autant d'argent et L'évaluation des patients dans leur globalité, la présence dans le bloc opératoire de notre chirurgien, la n'hésitent pas à nous appeler. Quant à ma collaboration avec les personnels de santé du dispensaire, d'énergie pour monter cette unité de soins intensifs (qui n'a reçu en tout et physiothérapie, la salle de pansements et les visites médicales aux les choses s'améliorent très lentement. J'ai essayé de leur pour tout que deux patients) alors que de nombreux blessés restaient sans patients alités nous ont permis d'asseoir nos arguments pour apprendre les règles d'hygiène de base, certains y prêtent attention, soins, sans médicaments, et sans pansements, à un kilomètre de là. Nous avons dû attendre le renouvellement de la majorité des membres proposer l'établissement d'un hôpital sous tentes gonflables. J'ai alors ressenti une réelle fierté à participer à ce projet, parce que nous d'autres moins. Comme je ne suis pas leur supérieur, je ne peux pas trop insister, et je ne suis d'ailleurs pas sûr que cela fasse partie de mes de l'équipe pour nous entendre dire ce que nous attendions depuis dix jours, à savoir se ménager un endroit pour pouvoir assurer correctement la prise en charge des patients. Cette longue période sans activité ni programme fut réellement stres- faisions face à de nombreux défis : la relocalisation de nombreux patients dans un village médicalisé, l'organisation de l'hôpital, la stérilisation, le bloc opératoire, et, personnellement, le défi de mettre en place une structure d'urgence — avec une seule objectifs. J'ai tellement appris au cours de cette mission que je me sens triste à l'idée de quitter l'équipe. Ce programme fut pour moi le plus intéressant des trois auxquels j'ai participé depuis que je travaille avec MSF. Cela m'a vraiment sante, et j'ai ressenti un véritable sentiment de honte à voir autant de expérience au service des urgences dans un hôpital en France — plu — même si je me plains tout le temps — et je me sens vraiment très à patients nécessiteux : alors que nous avions les matériels et les fournitures médicales disponibles en pharmacie, nous ne faisions rien pour eux, s'entendant toujours répondre “wait and see”. Par exemple, la population m'enthousiasmait. Toutefois, nous avons rapidement rencontré des difficultés, parce que nous n'avions pas pris le temps de comprendre, avant l'ouverture de ces Urgences, la manière dont les personnels de santé l'aise dans mes relations, qu'il s'agisse du personnel national ou international. J'ai aussi rencontré des médecins du ministère de la Santé qui étaient vraiment très compétents, c'était un plaisir de bosser avec eux. n'était pas vaccinée contre le tétanos, mais nous n'avons songé à organiser la vaccination qu'après le 10 novembre, soit un mois après le travaillaient avant le séisme. Pour moi, la première difficulté a été de trouver ma place d'infirmier, dans un système qui n'offrait pas de soins de Les difficultés n'ont d'ailleurs fait qu'accroître mon intérêt pour ce projet. J'ai d'ailleurs rencontré des gens très intéressants dans l'équipe, tremblement de terre, pareil pour la salle de pansements, pour la physiothérapie ou le suivi des patients… qualité aux patients, les médecins du ministère de la Santé ne prenant pas toujours le temps de visiter les et j'espère les revoir au cours d'une prochaine mission, après les vacances… ■ messages MSF N°139 Février 2006 URGENCE PAKISTAN Aider les familles à affronter l'hiver MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Rémi Vallet Nick Lawson était le chef de mission de MSF au Pakistan jusqu'au 10 décembre. Arrivé deux jours après le séisme du 8 octobre, il a supervisé la mise en place de nos programmes de secours médicaux et matériels dans la province de la Frontière du NordOuest, voisine du Cachemire et elle aussi dévastée par la catastrophe. Il fait le point sur la situation de la population dans notre zone d'intervention à l'arrivée de l'hiver, sur les besoins des personnes qui se retrouvent sans abri, sur les projets que nous mettons en œuvre pour leur venir en aide et sur les blessés qui ont toujours besoin de soins. > Deux mois et demi après le tremblement de terre au Pakistan, quelles inquiétudes suscite l'arrivée dans les prochains jours. Pour l'instant, nous n'avons pas constaté d'augmentation significative du n'aient pas reçu suffisamment de matériel. Malheureusement, nous n'avons pas la capacité de nous rendre de l'hiver pour la population des régions dévastées ? Au lendemain du séisme, la grande nombre de maladies ou de décès dus au froid. La forte mobilisation nationale et internationale a permis dans tous ces villages pour y distribuer des chauffages. D'autant qu'il faudrait y retourner pour assurer un approvision- crainte était que des dizaines de milliers de personnes se retrouvent une distribution étendue de tentes, de couvertures et de divers articles de nement régulier en kérosène. Quoi qu'il en soit, si les stratégies habituelles sans abri à l'arrivée de l'hiver dans cette région montagneuse. Cette secours. Mais les conditions de vie précaires dans les camps de pour affronter l'hiver sont trop perturbées, si les conditions de vie deviennent inquiétude était renforcée par les difficultés logistiques dues à déplacés (regroupement de population, infrastructures sanitaires trop difficiles pour les familles qui ont perdu leur maison, elles ont toujours la destruction des routes. Leur réouverture a permis d'acheminer des secours matériels (tentes, couvertures, etc.) en limitées, conditions climatiques difficiles, etc.) imposent à toutes les organisations présentes sur place la possibilité de descendre dans les vallées. Le gouvernement pakistanais a annoncé qu'il maintiendrait grandes quantités. D'autre part, d'être vigilantes. les routes ouvertes pendant tout beaucoup de familles sont descendues des villages de montagnes. Dans les districts de Batagram et de Mansehra, Si l'hiver déclenchait une forte mortalité parmi la population sinistrée, ce serait un échec pour tous l'hiver pour permettre à ceux qui le souhaitent de se déplacer. ■ environ 100 000 personnes se sont les acteurs déployant leur aide dans installées dans des centaines de camps disséminés dans toute la zone. D'un camp à l'autre, les besoins en termes d'infrastructures sanitaires, d'accès à l'eau potable, de qualité des abris, etc., la région. sont extrêmement variables. Mais la problématique commune à toutes les feront-elles pour survivre ? Traditionnellement, plus de 80 % de familles, c'est de se préparer à affronter le froid. Nous avons identifié des familles qui ont reçu des tentes de mauvaise qualité que nous échangeons contre des tentes adaptées aux conditions climatiques. Nous distribuons aussi des couvertures supplé- la population des villages de montagne descend vers des zones aux températures plus clémentes pendant l'hiver. Cette année, il est probable que les gens descendent plus bas que d'habitude. Lorsque des familles décident de mentaires et d'autres biens de première nécessité, en fonction des besoins. rester, c'est parce qu'elles savent comment faire pour passer cette Pour le chauffage, compte tenu des risques d'incendie — fin novembre, plusieurs personnes sont mortes à Mansehra lorsqu'une bougie a mis le feu à deux tentes —, la meilleure solution que nous avons trouvée période difficile. Au début de notre intervention, deux équipes MSF étaient présentes dans les vallées d'Allaï et de Kaghan. Elles y ont distribué des tentes et des couvertures, et mis en place des consultations aujourd'hui est un système de chauffage au kérosène, que nos médicales. Bien qu'elles aient couvert des zones assez étendues, il est équipes commenceront à distribuer possible que certains villages isolés “ Ajuster les secours en fonction des besoins des victimes et non de la sympathie que l'on éprouve pour elles reste le rôle essentiel des organisations humanitaires. Rony Brauman. in Télérama n° 2915 22 novembre 2005 “ > Reste-t-il beaucoup de monde dans les montagnes ? Comment ces personnes-là > Pakistan © Remi Vallet / MSF - Novembre 2005 P7 messages MSF N°139 Février 2006 S'intéresser aux plus vulnérables DOSSIER MSF / Novembre 2005 / Propos recueillis par Laurence Hugues Pakistan : Les leçons d'une catastrophe Responsable des Urgences, Thierry Allafort-Duverger fait le point sur nos opérations de secours aux victimes de catastrophes naturelles. S'il n'y a jamais deux catastrophes semblables, les principes d'intervention restent les mêmes : identifier des besoins non couverts par les acteurs locaux ou internationaux et ajuster la réponse aux populations les plus vulnérables. Des moyens de secours adaptés sont nécessaires, tout comme la nécessité de continuer à innover, au niveau médical et logistique. > Combien ça coûte ? Le coût des opérations de secours aux victimes de catastrophes naturelles est toujours très élevé. Un avion cargo (un « full charter » dans le jargon MSF) coûte entre 50 000 et 200 000 euros, en fonction de la distance. Les tentes « hivernisées » que nous envoyons au Pakistan coûtent, après négociations, près de 200 euros pièce. Nous devons louer des hélicoptères pour arriver à accéder aux endroits les plus reculés : l'heure de vol est hors de prix… Thierry Allafort-Duverger Responsable des Urgences Commençons par rappeler deux éléments importants : tout d'abord, ce sont les secours locaux qui inter- les équipes sur place réagissent immédiatement. Nous avons ainsi pu intervenir rapidement après le séisme de la dynamique de la crise — que vont faire les populations, quelles vont être les décisions gouvernementales, viennent en première ligne. De plus, il n'y a jamais deux catastrophes naturelles semblables, tant en termes de conséquences médicales que de Bam, en décembre 2003, ou encore cette année au Guatemala après le passage de Stan. De même, les équipes de MSF-H et de MSF-B etc. En d'autres termes, il nous faut mener une analyse de terrain la plus fine possible. Car, une fois réalisées les premières distributions d'assistance aux sans-abri. présentes au Pakistan et en Inde ont « standardisées » de matériel de Cela étant posé, nous avons été amenés, ces dernières années, à pu assurer les premières évaluations et nous faire part de leur perception première urgence, il est essentiel de demander aux populations affectées intervenir relativement souvent auprès de victimes de catastrophes de la gravité de la situation juste après le séisme d'octobre dernier. de quoi elles ont besoin. Bien évaluer le type de réponse que naturelles : après le passage de l'ouragan Mitch, fin 1998 au Honduras, après le tremblement de A J+1, les estimations officielles faisaient état de plusieurs dizaines de milliers de blessés. Nous avons alors nous allons pouvoir apporter n'est pas facile, parce qu'il faut être à la fois très réactif et définir très finement les terre de Bam, le 26 décembre 2004 décidé d'intervenir. besoins, plutôt qu'apporter une en Iran, après le tsunami en Asie du Sud-Est, un an après, après les inondations en Chine — à plusieurs reprises —, Au fil des évaluations, notre réponse opérationnelle a dû s'adapter jour après jour, presque heure par heure, à réponse globale et massive. En ce sens, le mode de réponse gouvernemental est lui aussi décisif. ou encore, tout récemment, après le l'ampleur de ce qui s'annonce aujour- Un pays à l'administration structurée séisme au Cachemire. En nous appuyant sur notre expérience opérationnelle, nous d'hui comme une des catastrophes les plus dramatiques de ces dernières années, au regard du nombre va forcément répondre de manière plus adéquate qu'un pays où la guerre a tout dévasté. Notre réponse à Bam avons développé des logiques et des réflexes d'intervention que nous de blessés — plus de 60 000 au Cachemire pakistanais — et de s'est ainsi faite aux côtés d'un Croissant rouge et d'un gouverne- devons adapter à chaque nouvelle situation. Mais nous devons également l'ampleur des populations déplacées. Contrairement à Bam, par exemple, ment iranien efficaces. De même, si le tsunami avait touché la Somalie continuer d'améliorer nos capacités de réponse, qu'il s'agisse de notre réactivité ou de notre adaptation aux besoins des populations les plus fragilisées. Car les conséquences sociales et économiques de ces catastrophes naturelles ne sont pas où le séisme avait fait un nombre très important de morts, des victimes étouffées sous l'écroulement des maisons en terre, mais relativement moins de blessés. Il nous faut aussi adapter notre action en fonction des interventions des sur une plus grande échelle, la réponse des secours locaux aurait certainement été différente de ce qu'elle fut en Indonésie. Suite aux inondations en Chine, en revanche, nous n'avons pas trouvé la « plusvalue » que nous aurions pu apporter : les mêmes pour tous : les populations les plus démunies avant ne le seront autres acteurs sur le terrain — qui fait quoi, comment, et où — et en fonction l'armée chinoise a répondu massivement aux besoins des milliers de pas moins après, au contraire. Notre attention doit donc tout particulièrement porter sur les plus vulnérables. > Face à une catastrophe naturelle, quels sont les éléments qui l'emportent dans notre décision et dans le choix de notre mode d'intervention ? L'ampleur de la catastrophe est bien sûr un élément déterminant. Notre logique opérationnelle implique que P8 messages MSF N°139 Février 2006 PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE Mes activités parmi les patients hospitalisés ont beaucoup diminué, je m'attache davantage aux patients du dispensaire. Au contraire, Fozia et Farzana se préoccupent davantage de la logistique et de la réalité des chambrées de l'hôpital. Cette semaine, Fozia a examiné 19 patients et 12 doivent être suivis ; Farzana en a examiné 14, dont 4 qui doivent être suivis. Ces deux dernières semaines, nous avons suivi 31 patients au total, à l'hôpital, dans les villages médicaux et au dispensaire. SEMAINE 11 > Honduras © illustrious - Novembre 1998 personnes qui avaient dû quitter leur maison. Indonésie, ce qu'il lui fallait en priorité, il a répondu « On n'a pas un autre exemple : l'hôpital psychiatrique d'Aceh, en Indonésie. Quand avant d'envisager l'avenir. Malgré l'énorme mobilisation suite au Dans le cas du Pakistan, il faut pouvoir apporter un soutien aux besoin de spécialistes, on a besoin d'infirmières ». Dans l'hôpital de une équipe de la section hollandaise de MSF propose d'y intervenir en tsunami, les rescapés à Aceh ont dû attendre 25 jours avant d'obtenir les besoins d'hospitalisation pour un afflux massif de blessés, et des abris Meulaboh, il y avait douze chirurgiens aux Urgences, pour douze opérations urgence, les autorités refusent car le gouvernement australien s'est déjà premières tentes. MSF était en retard, c'est clair, mais nous avons quand et des couvertures qui permettent aux populations d'affronter le froid. Mais mineures, mais personne dans les services pour assurer les soins. Tout mis sur les rangs pour un projet beaucoup plus lourd, à long terme. même été les premiers à le faire… Il faut aussi se méfier des promesses encore faut-il trouver rapidement le matériel approprié. Un autre besoin le monde voulait rester au bloc, pour être sur la photo ! La concurrence Du coup, il n'y a pas de réponse immédiate. Concrètement, cela non tenues, lancées dans les premiers jours, et laissées sans suite concerne les soins psychologiques adaptés. En Indonésie, et surtout au Pakistan, nous avons mis en place un volet de soins psychologiques pour les blessés en ciblant plus particulièrement les médiatique peut conduire à des aberrations opérationnelles. De plus, malgré les apparences, ces catastrophes ne touchent pas tout le monde de la même façon : les populations déjà fragiles vont être signifie, entre autres, que les patients ne reçoivent plus de nourriture… Il faut donc être très vigilant sur ces questions de concurrence des réponses, et penser à parer aux besoins immédiats des populations quand la crise disparaît des écrans de télévision. Enfin, il faut être pragmatique. C'est un principe de base des interventions MSF, y compris pour ce qui est de la coordination des opérations enfants. > La coordination comme les beaucoup plus affectées. Après l'ouragan Mitch, en 1998, nous avons décidé d'intervenir au Honduras, le réponses apportées par les acteurs de secours sont-elles toujours pertinentes ? Ces catastrophes sont généralement très médiatisées. Parce qu'elles touchent l'inconscient collectif, et des pays le plus touché, en refaisant un réseau sanitaire complet. Mais nous nous sommes aussi rendus compte à Choluteca, au sud du pays, que la rivière s'était élargie sur 300 à 500 mètres, balayant les habitations victimes « plus innocentes » que d'autres ? Toujours est-il que cette le long du cours d'eau, là où vivaient déjà les populations les plus médiatisation entraîne des réponses plus lourdes, avec parfois des embouteillages de l'aide. Ainsi, réponse importante ne veut pas dire réponse efficace. Quand nous avons demandé au directeur de l'hôpital d'Aceh, en démunies de la région. Les sinistrés avaient perdu tous leurs biens, leur abri, leur travail, l'accessibilité à l'eau, sans parler de leur famille. C'étaient eux qui avaient le plus besoin de nous ! On peut prendre ••• PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE Cette semaine, aux Urgences de l'hôpital, l'infirmière et le médecin de MSF nous ont adressé plusieurs cas. Auparavant, ils nous avaient signalé des cas de tentatives de suicide mais malheureusement, les médecins pakistanais n'ont pas voulu garder ces patients sous observation. Dès que le patient suicidaire avait subi son lavage d'estomac, on le laissait sortir et nous n'avions aucun moyen de savoir ce qui avait motivé son geste. Nous n'avons eu qu'une occasion de rencontrer un jeune garçon, qui a eu le courage de suivre au moins deux séances de psy après sa sortie de l'hôpital. Ce mode de travail peu coopératif nous amène à comprendre notre différence dans le mode de prise en charge des patients. Certains médecins pakistanais ne souhaitent pas approfondir, au risque de toucher à des traditions propres à la communauté. Les patients sont nombreux, nous en sommes frustrés. Nous avons peu de chance de changer les choses. SEMAINE 12 P9 messages MSF N°139 Février 2006 ••• de secours, pertinente au niveau local, plus discutable au niveau général, quand il s'agit d'orchestrer des actions gravement endommagées par le séisme, et les répliques qui se succèdent interdisent aux équipes matériel habituel de dialyse, lourd et inadapté. Avoir en temps et en heure des abris temporaires adaptés est un différentes, parfois concurrentes. autre des défis logistiques qu'il nous faut relever. En leur temps, la mise en place des kits d'urgence a permis d'améliorer notre réactivité. Nous conti- DOSSIER > Quels sont d'après toi les domaines dans lesquels MSF doit se soignantes et aux patients de pouvoir demeurer dans des édifices prêts à s'écrouler. En ce sens, un bloc mobile et modulaire s'est avéré très utile. Pakistan : Les leçons d'une catastrophe perfectionner ? Nous avons encore beaucoup d'efforts à fournir en amont, pour développer notre réactivité. Nous travaillons par Nous réfléchissons également à la possibilité d'obtenir un avion plus rapidement, dans lequel pourrait embarquer, en quelques heures, une nuons à travailler dans cette direction, à Paris comme à la centrale logistique de Bordeaux. Enfin, et pour poursuivre cette logique exemple à l'utilisation d'un hôpital gonflable, avec un bloc immédiatement opérationnel, qui nous permet de monter très rapidement des hôpitaux équipe médico-chirugicale rodée à ce genre d'interventions, et dotée du matériel médical nécessaire. Sur le plan médical, il y a aussi des compéten- de réponse adaptée aux besoins des populations affectées, nous devrions aussi continuer à réfléchir à la pertinence, ou non, de procéder à des de campagne. Ainsi au Pakistan, les structures hospitalières ont été très ces à développer, comme les dialyses péritoniales, qui ne demandent pas le distributions d'argent. La question s'est posée après le tsunami. Il y a des raisons de sécurité qui viennent évidemment à l'esprit, et un manque total d'expérience dans ce domaine. “ Les grandes catastrophes entraînent une certaine confusion des esprits, et attirent à peu près tous les individus de chaque catégorie de la société. (...) Vous avez une multitude d'acteurs qui ne sont pas présents d'habitude sur ces terrains-là, qui sont débutants, qui ne savent pas comment faire, mais qui veulent « être sur la photo », attirés par l'ambiance de désarroi collectif, de grande émotion, et parfois par des intérêts institutionnels, car ces grandes crises sont un marché pour les organismes, un marché de financement des opérations de secours. Tout ça produit rarement de l'efficacité. Et c'est très difficile à coordonner, quand vous avez dans une petite région, les représentants de [nombreux] organismes d'aides différents, on peut encore une fois appeler la coordination comme un vœux pieu, mais elle n'est pas réalisable, ne serait-ce que parce que le nombre d'acteurs à coordonner est trop important. “ Jean-Hervé Bradol Un an après le tsunami Entretien télévisé. Arte Décembre 2005 PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE L'activité du dispensaire bat son plein. Il y a deux SEMAINE 13 semaines, nous avons reçu quatre à cinq nouveaux patients par jour qui venaient suivre une thérapie. La rudesse du climat et la fête de l'Aïd qui s'approche engendrent des consultations en dents de scie. Les patients de notre tente de consultation se sentent bien et détendus, choyés et protégés. Parfois, les patients demandent à rester et à se reposer un moment sur nos petits matelas : ils ferment les yeux et se reposent. Certains ont besoin de s'éloigner, d'être loin de leurs problèmes de famille ou loin de la foule des camps de réfugiés. Nous sommes heureux de les accueillir, et c'est là la preuve que notre petite enclave est devenue ce que nous souhaitions en faire : une salle de thérapie respectant l'intimité et le confinement dont les gens ont besoin pour guérir. Mais pourquoi ne pas y réfléchir ? Ainsi, parce que notre expérience s'affine, que nos outils s'améliorent et que de nouveaux moyens sont progressivement disponibles, on peut désormais répondre de manière plus large. Même si, face à l'ampleur d'un désastre et aux défis logistiques qu'elle représente, une réponse en urgence est toujours difficile. Et si les conséquences des catastrophes ne sont jamais les mêmes, à nous d'être inventifs pour rester au plus près des populations sinistrées. ■ PREMIERS SECOURS L'entraide locale déterminante face à l'urgence MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Rémi Vallet Vladimir Najman, économiste, a étudié les mécanismes mis en œuvre par la population dans le district de Batticaloa, au Sri Lanka, pour gérer l'urgence après le tsunami du 26 décembre 2004. Il souligne le rôle déterminant des secours locaux dès les premières heures, l'aide internationale n'intervenant que dans un deuxième temps, avec une efficacité inégale. > Comment la population sri rité immédiate a notamment été pris appui sur des stratégies de survie lankaise a-t-elle fait face au tsunami du 26 décembre 2004 ? Avec plus de 3 000 personnes décédées, le district de Batticaloa rendue possible par la géographie de la catastrophe, qui n'a touché qu'une bande côtière large de 200 mètres au maximum et a épargné tout le rodées par près de vingt ans de conflit et par les catastrophes naturelles antérieures, notamment les cyclones et les inondations. situé sur la côte est de l'île a été lourdement frappé par le tsunami. Toutefois, la plupart des survivants ont bénéficié dès le premier soir d'un reste du pays. Les jours suivants, le gouvernement, les organisations nongouvernementales présentes sur place avant la catastrophe et la Les différentes informations recueillies par les ONG et agences de l'ONU qui sont intervenues d'autres régions à l'est et au nord du Sri Lanka repas chaud et d'un abri de fortune, grâce à l'entraide locale. Cette solida- population ont su faire face aux principales urgences. Cette réaction a suite au tsunami confirment les observations que j'ai faites dans le P10 messages MSF N°139 Février 2006 “ > Sri Lanka © Aurélie Grémaud / MSF - Janvier 2005 district de Batticaloa. Partout, la vague s'est rapidement retirée et les échafaudaient des plans et des programmes, organisaient la coordi- sur des réseaux sociaux, économiques et politiques préexistants. populations ont pu se replier vers les agglomérations épargnées. nation de leurs projets sans se résoudre à en amorcer la Au Niger, en période de soudure agricole — entre l'épuisement des En résumé, au Sri Lanka, la première semaine après le tsunami constitue réalisation. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la plupart des embar- réserves alimentaires et les récoltes suivantes —, les familles les plus un modèle de gestion de l'urgence. Mais la deuxième semaine a vu le cations de pêche ont été détruites par le tsunami. L'organisme chargé de démunies recourent à divers mécanismes pour se procurer de la débarquement d'une foultitude d'organisations de tailles diverses fournir de nouveaux bateaux aux pêcheurs voulait les donner tous nourriture : endettement, exode saisonnier vers les grandes villes ou dont les actions n'ont, en général, pas été d'une grande utilité. Les le Nigeria pour travailler, vente de bétail ou de terres, etc. Les jours suivants, le gouvernement, les organisations nongouvernementales présentes sur place avant la catastrophe et la population ont su faire face aux principales urgences. Cependant, le contraste avec la situation au Sri Lanka est sidérant. Là-bas, les stratégies locales de simultanément, ce qui retardait le lancement des distributions. Cette solution coûteuse et laborieuse a crise cette année, un point de rupture a été atteint. Dans ce pays où la malnutrition aiguë est un problème de reconstruction ? Installées dans des tentes, dans des abris, les personnes sinistrées ont très vite bénéficié de distributions alimentaires et non-alimentaires. La situation d'urgence a donc été finalement été abandonnée, mais après de longs atermoiements. > De retour du Niger, vois-tu des points communs entre les stratégies de la population nigérienne pour récurrent, l'équilibre précaire a été durablement déstabilisé. L'aide alimentaire gratuite a été un élément déterminant pour la survie de nombreux enfants. Mais parce que les distributions de courte durée. En revanche, la reconstruction s'est fait attendre. La affronter la crise et celles que tu as observées au Sri Lanka ? gratuites n'ont été débloquées que tardivement, certaines familles se lenteur de sa mise en œuvre, parfois explicable par les contraintes inhérentes à cette tâche, a contribué à maintenir une partie des sinistrés dans une situation assez précaire. Les principaux acteurs de la reconstruction Le Niger a connu cette année une grave crise alimentaire, qui n'est d'ailleurs pas résolue. Comme au Sri Lanka, comme partout dans le monde d'ailleurs lorsque survient une crise, la population fait face en s'appuyant sont lourdement endettées et l'inquiétude est forte pour l'année prochaine. Les stratégies de survie ont renforcé cette économie de la mort qui se développe dans un pays en paix. ■ conséquences de cette déferlante d'aide ont été une anarchie dans les distributions, les soins, des problèmes de coordination entre ONG impossibles à gérer, un sentiment général de gâchis et de disproportion entre les moyens déployés et les besoins des populations. > Cette surabondance d'aide a-t-elle profité au processus réponse à la crise ont permis de passer le cap de la première semaine et de sortir rapidement d'une situation d'urgence vitale. Au Niger, à cause de l'ampleur de la Et j'en viens du coup à l'intrusion à grands renforts médiatiques dans la sphère humanitaire des personnalités politiques nationales et internationales, avec leur cohorte inéluctable de promesses et d'effets d'annonce sans lendemain (...). Ce fut le cas de l'idée du « SAMU mondial », ou d'un corps de « Casques rouges » qui ont donné lieu à beaucoup d'articles mais dont on n'entend plus désormais parler. De même, l'intrusion de l'armée et de la diplomatie dans le champ humanitaire modifie l'iconographie de ce dernier. On est passé de l'image du brancardier de la Croix rouge à celui du French doctor, son stéthoscope autour du cou en train de soigner un enfant noir. Et puis aujourd'hui, on en est à celle du soldat de dernière génération avec une victime dans les bras. Or cette iconographie n'est pas liée au hasard : quand on impose des images au public, tout cela est fait de manière réfléchie pour véhiculer ou donner un sens à une action. “ Bruno David (fondateur et président de Communication sans frontières, président de l’ONG Noir&Blanc) in L’humanitaire en catastrophe(s), Revue Humanitaire, n° 13, Hiver 2005. P11 messages MSF N°139 Février 2006 Géologique et politique MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Olivier Falhun DOSSIER Si les catastrophes naturelles évoquent spontanément détresse humaine et destructions matérielles, il arrive aussi qu'elles se transforment en terrain d'enjeux politiques, marquant parfois le cours de l'histoire. Alors que le Pakistan fait face à une nouvelle catastrophe, Rony Brauman rappelle cette dimension méconnue que révèlent parfois les convulsions de la terre. Entretien : Pakistan : Les leçons d'une catastrophe “ Le concept même d'ONG laïque dépasse l'entendement de certains acteurs humanitaires islamiques. Ils confondent presque automatiquement laïque et athée. Ils ne comprennent pas ou n'acceptent pas que le geste humanitaire, quelle que soit son origine, puisse s'accomplir en dehors du champ des valeurs religieuses, et se refusent à croire qu'ils peuvent avoir affaire, d'une part, à des cadres athées, et, d'autre part, à des associations ayant une dynamique transnationale dépourvue de toute inspiration religieuse. “ Abdel-Rahman Ghandour in Jihad humanitaire enquête sur les ONG islamiques. Septembre 2002 Flammarion > Quels sont les événements qui t'ont amené à faire le lien entre les catastrophes naturelles et leur dans l'organisation des secours. Mais nous ne l'avons su que plus tard. L'ampleur de la catastrophe elle- nord-est du continent indien. Le gouvernement d'Islamabad a réagi très faiblement et la fourniture des dimension politique ? Je voudrais d'abord rappeler qu'un événement naturel devient une catastrophe seulement lors qu'il même — 25 000 morts — mobilisait toute notre attention. Toujours en Arménie, à Leninakan, j'ai souvenir d'un véritable champ de secours a été assurée essentiellement par les indépendantistes, qui étaient déjà influents. Cette carence, à laquelle s'ajoutaient affecte une société. Toute naturelle qu'elle soit, cette catastrophe revêt alors une dimension humaine et ruine, dans lequel ne se dressait plus qu'un seul immeuble, celui du KGB ! Plus qu'un symbole, la différence des élections invalidées par le pouvoir central, a déclenché un soulèvement populaire réprimé dans le sang par sociale, donc politique. La première fois que j'en ai concrètement pris dans la qualité de la construction témoignait des priorités des autorités les autorités, plus disposées à envoyer l'armée qu'à mobiliser les conscience, c'est au moment du séisme de décembre 1988 en Arménie. de l'époque, et en disait long sur l'organisation de la société. De ce point de vue-là, on peut constater une secours en leur temps... Le massacre a provoqué un exode massif : 10 millions de personnes se L'ouverture de l'URSS aux secours grande continuité à Moscou… sont réfugiées en Inde. Au passage, il internationaux recelait en elle-même une dimension politique, puisqu’il s'agissait d'une première. Il y avait là > En préparant cet entretien, tu évoquais aussi le cas n'est pas étonnant que l'Inde puisse assumer, sans aide extérieure, les conséquences du tsunami de un message explicite d'ouverture et de du Bangladesh, né sur les ruines décembre 2004, quand le pays est détente. Voilà pour la partie « lumineuse », malheureusement scellée à un côté plus sombre : celui du Pakistan oriental... En novembre 1970, le Pakistan oriental a été frappé par un typhon capable d'accueillir, sans dommage majeur, un tel afflux de réfugiés ! Quoi qu'il en soit, c'est à partir de ces du sort réservé aux comités indépendantistes arméniens, dont les suivi d'un raz-de-marée, qui a provoqué 300 000 morts. camps qu'Indira Gandhi a lancé le recrutement et l'entraînement de membres furent jetés en prison alors qu'ils figuraient parmi les plus actifs Il fallait enjamber l'Inde pour relier le Pakistan à cette province, enclavée au troupes pakistanaises dissidentes qui, un an plus tard, allaient entrer > Indonésie © Greenpeace/Christian Aslund - Janvier 2005 dans Dhâkâ (aujourd'hui capitale du Bangladesh). Encadrées par l'armée indienne, elles ont chassé les autorités pakistanaises pour installer au pouvoir les indépendantistes de la ligue Awami. Pour l'anecdote, cet événement fait partie de l'histoire de MSF puisque le journal Tonus, dont les dirigeants sont les cofondateurs de l'association, a lancé à cette occasion un appel aux médecins et créé le Secours Médical Français, précurseur de MSF. C'est aussi à la suite de cette catastrophe que le discours moderne de l'ingérence humanitaire est apparu : Indira Gandhi, premier ministre indien de l'époque, a comparé ces massacres à ceux des juifs sous Hitler, et l'invasion du Pakistan oriental a été explicitement justifiée par le souci humanitaire et la défense des Droits de l'homme. P12 messages MSF N°139 Février 2006 > Arrestations, assassinats, exode... As-tu l'exemple d'un événement positif survenu dans le sillage d'une catastrophe ? Le résultat n'était pas en soi négatif, loin de là ! L'Arménie et le Bangladesh sont devenus des Etats indépendants, la catastrophe a servi d'accélérateur à des processus de séparation. A l'inverse, il peut y avoir des processus de rapprochement dans les suites d'un désastre, comme c'est actuellement le cas en Indonésie, après le tsunami. La province d'Aceh était totalement “ inaccessible depuis plusieurs années, (MSF s'en était fait expulser en 2002) et tout se passe comme si la présence de milliers d'étrangers dans la région avait contribué à éteindre la guerre de sécession qui s'y déroule depuis 1976. D'une certaine manière, le tsunami a imposé à l'Indonésie une ouverture politique, et un an après, les habitants de la province d'Aceh se réjouissent de cette respiration retrouvée. Les (ex)indépendantistes et le gouvernement discutent aujourd'hui sur un compromis acceptable. Géologiquement comme politiquement, les catastrophes naturelles > Arménie © MSF-H - Décembre 1988 peuvent donc provoquer ou agrandir des failles, mais elles peuvent aussi les combler ! avec la ronde des secours étrangers sans interférer avec eux. aussi pour cela que les secours ont une dimension stratégique pour les > Dans un contexte de forte En Algérie lors du dernier séisme, dont les effets ont été bien moindres, ONG religieuses qui se posent en challengers des Etats. suspicion à l'encontre de l'occident, il n'est parfois pas évident pour MSF les islamistes étaient en tête des organisations de secours. Il arrive > Cette dimension stratégique de se défaire des amalgames. Par exemple, notre présence n'a pas donc nécessairement que leurs opérations se frottent à celles n'existe-t-elle que chez les ONG islamiques, et n'est-elle pas plus toujours été bien perçue au début de notre intervention au Pakistan, en octobre dernier. A ce propos, les motivations des ONG de secours sont-elles affranchies de toutes considérations politiques ? d'autres acteurs de secours, ce qui peut nous mettre en situation de concurrence. Il n'y a jamais eu de véritable problème à ma connaissance et de toute façon, il n'y a pas de raison que nous fassions des choses prégnante encore dans la prétention « humanitaire » affichée par les Etats ? Il faut distinguer ce qui ressort de l'obligation d'un Etat donné et ce qui relève du choix. Par exemple, les Etats- Le cas du Pakistan nous rappelle cette évidence que les secours peuvent avoir d'autres motivations qu'humanitaires. Les ONG islamistes, qu'ils font déjà ou qu'ils veulent faire. Bref nous n'avons aucune raison d'entrer en compétition, contrairement aux Etats locaux qui, eux, Unis ont obligation de venir en aide aux habitants de la Nouvelle-Orléans, comme le gouvernement pakistanais se doit de porter secours aux popula- par exemple, se construisent une légitimité politique à partir de leurs activités caritatives et il leur faut donc affirmer leur présence. Elles le font à doivent se défendre de l'accusation d'indifférence et d'incompétence, donc se montrer et se rendre utiles. On sait bien que les Etats ne sont tions sinistrées du Cachemire. Ils ne le font pas par souci humanitaire mais parce que leurs populations considèrent qu'ils doivent le faire. partir de leurs réseaux d'entraide et de leur activité sociale habituelle, ce qui leur donne de forts points d'appui pour être efficaces. Mais en jamais, ne peuvent jamais être, à la hauteur des attentes de la population, dans de telles circonstances. Eux sont jugés sur leurs carences, sur ce qu'ils En revanche, les Pakistanais ne manifesteront pas devant une ambassade américaine pour exiger des secours, ni des Américains devant l'occurrence au Pakistan, elles n'étaient pas en mesure d'organiser l'aide à l'échelle de cette catastrophe. Les prêches anti-occidentaux ne font pas, tandis que les ONG sont vantées pour ce qu'elles font et non pour ce qu'elles laissent de côté. La course à la séduction est très celle du Pakistan ou de la France. Cette aide-là, hors frontières nationales, relève d'un certain arbitraire. C'est un paradoxe de l'humanitaire. C'en est enflammés, qui sont monnaie courante dans la région, coexistaient, inégale… En fait, elle est perdue, d'avance pour les Etats, et c'est même constitutif, car il s'agirait sinon d'un service public. ■ [Jean-Pierre Dupuy in Petite métaphysique des tsunamis] Lorsque certains seuils de monstruosité sont dépassés, les catégories morales qui nous servent à juger le monde tombent en désuétude. Il semble alors qu'on ne puisse rendre compte du mal qu'en des termes qui évoquent une atteinte irréparable à l'ordre naturel du monde. » Ainsi pourrait-on expliquer que le terme hébreu finalement retenu pour dire la catastrophe morale qu'a été l'extermination des juifs d'Europe, Shoah, désigne une catastrophe naturelle ; et que les survivants de Hiroshima et de Nagasaki se réfèrent à ces massacres nucléaires en utilisant le mot de... tsunami. “ Vincent Rémy, auteur d'un article intitulé « Après nous, le déluge ! » publié dans Télérama n°2918 - 15 décembre 2005 P13 messages MSF N°139 Février 2006 > Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004 EPICENTRE La recherche opérationnelle menée sur le sida MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par O.F. ENJEUX DÉBATS Avec plus de 56 000 patients aujourd'hui sous traitement dans ses programmes, le mouvement MSF offre un terrain d'études d'exception, régulièrement investi par Epicentre à la demande de l'ONG. Sur les questions que se pose MSF, sur l'importance des réponses fournies par Epicentre, et sur l'exploitation qui en résulte, les explications du Dr Laurent Ferradini, en charge du sida à Epicentre. > Quelles sont les activités principales d'Epicentre concernant le sida ? Epicentre oriente ses travaux sur développé un logiciel appelé Fuchia1, qui permet de collecter des données au quotidien. Epicentre a aidé les équipes d'autres acteurs. Par exemple, les analyses multicentriques [réalisées auprès de plusieurs sections MSF - deux axes : les projets de recherche opérationnelle et le monitoring, c'est-àdire le suivi régulier des malades et le à mettre ce système en place et à l'améliorer, afin de pouvoir analyser, exploiter et diffuser un ensemble d'informations disponibles sur les ndlr] que nous produisons font l'objet d'une attention soutenue de la part de la communauté scientifique internationale. Elles profitent donc aussi projets. L'importance de programmes MSF ainsi documentés permet d'acquérir une certaine légitimité, comme de l'entretenir et de à d'autres. Ces informations sont essentielles pour améliorer le mode de prise en charge des patients. De plus, nos incertitudes sont d'autant « promouvoir » des résultats utiles à plus fortes que le nombre d'études recueil d'informations sur les programmes. Dans ce dernier cas, en collaboration avec la section française et le Aids Working Group [groupe de travail en charge du sida dans le mouvement MSF international - ndlr], nous avons P14 messages MSF N°139 Février 2006 disponibles sur la prise en charge du sida en milieu précaire est faible. Ici, MSF se retrouve en première ligne ! Et c'est d'ailleurs à partir de ce constat que nous menons des projets de recherche opérationnelle. > En quoi consistent ces projets de recherche ? Le but, c'est de répondre aux questions que se pose MSF, et qui correspondent à une réalité de terrain. Grâce à une étude ciblée, on cherchera par exemple à valider la stratégie du scaling up [augmentation du nombre de patients sous ARV dans un programme - ndlr] mise en place à Chiradzulu (au Malawi) décidons par exemple de cibler en priorité les cas les plus graves, alors que nombreux sont ceux qui attendent de recevoir un traitement. Mais le MSF (avec une section donnée ou avec le Aids working group en international) afin de répondre aux dernières questions posées par MSF ! Par temps de l'urgence et celui d'une étude sont complémentaires. Des décisions sont prises pour éviter la mort d'un maximum de patients. Elles produisent exemple : Jusqu'à quand les médicaments de première ligne sont-ils efficaces ? Les patients respectent-ils leur traitement dans la durée ? Quelle leurs effets, avec toute la rigueur nécessaire au suivi des patients, et des études sont menées pour valider ces décisions, alors même que les opéra- est l'ampleur des effets secondaires aujourd'hui constatés ? Peut-on définir un certain nombre de critères qui déterminent l'échec d'un traitement ? Ainsi, tions continuent. Dans le cas du district de Chiradzulu au Malawi, nous avons ainsi pu prouver que 84 % de nos 400 patients suivis à plus de six mois de traitement présentaient une charge pour tenter de répondre à cette dernière question, nous avons mené entre la fin décembre 2004 et avril 2005 au Cambodge une enquête3 auprès de 416 patients sous traitements ARV par MSF-F. Concrètement ça veut dire quoi ? Cela signifie qu'en passant de quelques dizaines à 250 inclusions par mois en l'espace de deux ans — entre font dire à Michel Kazatchkine, ancien directeur de l'ANRS et maintenant ambassadeur du sida en France, qu'il « faut cultiver nos cohortes ». Parce que ces données sont essentielles, non seulement au devenir des programmes MSF — donc à la survie des patients —, mais aussi à tous ceux qui tentent d'améliorer la prise en charge des malades. Nous allons entreprendre une série d'études du même genre à Arua en Ouganda, au Kenya à Homa Bay avec la section française de MSF, ou encore au Cameroun, à la demande de la section suisse. > A propos d'avenir, quelles sont justement les questions que le sida pose à MSF aujourd'hui ? Une part de ces questions découle de 2001 et 2003 — MSF fait un certain nombre de choix : inclusions sur des critères cliniques, trithérapie sous la celles que nous venons d'évoquer. Nous cherchons à présent à identifier les critères d'échecs ou de succès liés forme d'un médicament unique à dose fixe, délocalisation, suivi biologique à l'adhérence après deux ans de traitement, sans recourir à la simplifié, etc. L'idée est ainsi de soigner rapidement davantage de patients, en s'adaptant aux situations rencontrées, détection de la charge virale. Parce que l'émergence de résistances est inéluctable, il s'agit d'identifier le et par des solutions à la fois financières groupe de patients qui présente le et opérationnelles. Pour montrer que ces choix sont pertinents et reproductibles non seulement à MSF, mais plus de risques d'échec à court terme, afin de lui proposer une alternative au moment opportun. C'est-à-dire aussi en dehors de ses programmes, ni trop tôt, ni trop tard. il est donc important de valider ces procédures. Et c'est là que nous intervenons. En l'espèce, et avec « When to switch » : c'est ainsi qu'on s'interroge à Epicentre et à MSF pour savoir quand nous devrons passer aux l'appui du terrain, notre étude a duré trois mois, requérant tout traitements de deuxième ligne. L'enjeu est de taille, et pour ma part, je crois qu'on ne pourra pas à terme faire l'économie d'une détection de la charge virale. Mais c'est une question qui fait l'arsenal nécessaire : séjours sur place, échantillonnage, évaluation de l'adhérence, questionnaires, prises de sang pour analyse virologique, etc. Soulignons au passage que ces études coûtent cher ; qu'elles sont limitées en volume et dans le temps, et qu'elles font parfois appel à des financements extérieurs2. pertinence de ces programmes, ils encore débat, notamment parce qu'aujourd'hui la méthode est chère, > Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004 > L'urgence de maintenir en vie virale indétectable. Ce résultat est extrêmement encourageant et les conclusions de ces travaux devraient le plus grand nombre de patients est-elle compatible avec le principe et la durée d'une étude ? Nous sommes à la croisée de nombreux dilemmes, qui relèvent à la fois de la nécessité de faire, de le faire bientôt faire l'objet d'une publication dans une revue scientifique de référence. On peut espérer que ce type d'exemple (parmi ceux d'autres acteurs travaillant dans le même domaine d'ailleurs) puisse rapidement servir à vite, de le faire bien, et de valider ce que nous faisons ! Parce que malheureusement le sida n'attend pas. Pour d'autres, et qu'il les encourage à accélérer la mise de patients sous ARV. autant, la qualité nous obsède-t-elle davantage que la quantité de patients à prendre en charge ? L'une ne va pas sans l'autre. Bien sûr que nous ne sommes pas satisfaits, lorsque nous > Quelles sont les dernières études marquantes que vous avez menées sur le sida ? Les études que nous effectuons sont décidées en concertation avec depuis plus de deux ans. Et les résultats obtenus sont là encore très positifs. Une fois que les patients ont survécu aux premiers mois de mise sous antirétroviraux — 66 % des décès surviennent dans les six premiers mois —, ils fastidieuse, qu'elle ne peut être pratiquée sur tout le monde. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle MSF a décidé de soutenir financièrement la mise au point d'un test rapide de charge virale, qu'Epicentre se chargera de valider, probablement à respectent et acceptent très bien leur traitement : à 24 mois, le taux de survie l'horizon 2008. En attendant, il nous faut tout de même proposer une alter- est supérieur à 85% ! De plus, près de neuf patients sur dix présentent une charge virale indétectable. Ces conclusions sont tellement bonnes qu'elle se situent dans la fourchette haute des résultats observés dans les native à ceux qui en ont besoin, en déterminant au mieux les groupes de patients concernés par ces changements, et sur des critères « immunocliniques » (prédictifs d'échecs virologiques) pertinents, d'autant que le pays du Nord au cours d'essais cliniques ! Outre qu'ils confortent MSF et qu'il démontrent à d'autres la prix des médicaments de seconde ligne reste prohibitif [plus de 1100 dollars par an et par patient - ndlr]. ••• P15 messages MSF N°139 Février 2006 ••• > D'autres pistes d'études sont-elles envisagées ? Les questions se posent à MSF à mesure que les programmes avancent, que le nombre de patients augmente, que par expérience s'affine et que de nouvelles difficultés apparaissent... ENJEUX DÉBATS Une étude multicentrique présentée en ce moment à Abuja par le Aids Working Group concerne ainsi les enfants. Ils sont encore peu nombreux dans nos programmes — moins de 2000 REVUE DE PRESSE MSF / Janvier 2005 / R.V. > Tsunami : grenouillages « Cette catastrophe a marqué un progrès dans l'engagement international, (…) pour installer la solidarité dans le temps. » écrit Le Monde dans son éditorial du 23 décembre. Et le débat de s'installer sur le clivage « urgentistes contre reconstructeurs »… A cet effet, le livre de J-F. Mattéi sur « l'humanitaire durable » reçoit un accueil « globalement positif » : « une fois qu'on a sauvé les gens de la noyade, on ne peut pas l'abandonner sur la rive » assène-t-il. « Si la CroixRouge était compétente dans le BTP, ça se saurait », rétorque Jean-Hervé Bradol dans Témoignage Chrétien. Dans L'Humanité du 4 janvier, le trésorier-adjoint de Médecins du Monde tranche le débat à sa façon. Pour Pierre Micheletti, « Aucune ONG ne peut revendiquer l'exclusivité de la définition de ce qu'est ou doit être l'aide humanitaire » rappelant que « le budget de la première ONG médicale française » équivaut à celui de l'hôpital de Roanne, il conclut que « la grenouille ne doit pas se prendre pour le bœuf ». actuellement —, mais le manque de formulations adaptées comme le coût des traitements proposés aux enfants nous imposent de réfléchir à une > Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004 meilleure prise en charge. Comment réduire la mortalité précoce, mieux diagnostiquer et traiter les infections opportunistes, mieux prendre en des premières lignes alternatives de médicaments moins toxiques et — on l'espère — plus durables [comme taires mais aussi essentielles aux opérations menées par MSF, et qui, souhaitons-le, puissent profiter à charge les patients co-infectés par la tuberculose et le VIH, quel peut être le bénéfice d'un apport nutritionnel précoce des patients les plus le Ténofovir - ndlr]. Nous commençons aussi une étude sur les effets secondaires du d4T, dans le programme d'Homa Bay au Kenya. La liste n'est pas exhaus- d'autres. ■ dénutris...? Voilà encore une série tive, et ces études prendront du temps. 2- Une grande partie de cette étude a été d'interrogations pour lesquelles nous sommes sollicités. Dans le but d'améliorer l'adhérence à long terme, nous Elles démontrent toutefois qu'Epicentre s'intéresse aux « neglected researchs » comme d'autres aux « neglected 3- Étude menée en collaboration avec allons également tenter d'évaluer diseases » : des activités complémen- 1- Follow up and care for HIV infection and Aids financée par le Sidaction plusieurs partenaires, dont l'Institut Pasteur du Cambodge La Mancha à mi-parcours MSF / Janvier 2006 / Propos recueillis par Anne Yzebe Les 19 présidents des associations nationales s'étaient engagés en juin 2005 « à soutenir le processus “La Mancha” qui vise à redéfinir les rôles et responsabilités de MSF et à renforcer le mouvement international et sa gouvernance ». Six mois plus tard, La Mancha se traduit notamment par 760 interviews croisées1, plus d'une centaine de contributions volontaires et une quarantaine d'analyses commandées. Dans trois mois, la conférence internationale aura pour objectif d'émettre des recommandations pour la redéfinition et la mise à jour des « principes d'action » et des « règles de fonctionnement du Conseil international ». Ces recommandations seront ensuite discutées par les sections nationales qui devront indiquer au Conseil international si elles les adoptent ou non. Le débat a commencé, il est loin d'être clos. Bilan d'étape avec Jean-Hervé Bradol. > Un constat : les limites du Conseil international Malgré quelques échecs, le bilan dépenses opérationnelles des autres sections. La responsabilité est déjà partagée alors que les informations du mouvement international et pour résoudre les désaccords entre les membres. Dix ans après le du mouvement international est globalement positif, même s'il reste beaucoup de travail. Le Conseil international (CI) s'est déjà engagé sur la nature et l'efficacité des opérations présentées dans les comptes sont encore très incomplètes. Le Conseil international, qui représente document de Chantilly, le CI se heurte régulièrement à deux difficultés. La première est une compréhension trop différente du rôle de MSF plus loin que ne le lui permettent réellement les moyens dont il dispose. Un exemple : chaque membre du CI co-signe les comptes l'association MSF international, composée des 19 associations nationales, a été prévu, au départ, pour développer le partage sur des points essentiels tels que l'accès aux soins, la protection des réfugiés, l'appel ou non à des interventions armées, la santé publique... consolidés des ressources et des idées au sein La seconde est un fonctionnement annuels, donc les P16 messages MSF N°139 Février 2006 principalement orienté autour du partage de ressources (le nom, les personnes, les idées, l'argent, lités dans le domaine du développement de la justice internationale peut avoir des conséquences très concrètes malnutrition sévère, du paludisme en Afrique, de la maladie du sommeil, de la leishmaniose, de la méningite, les techniques) et la résolution de différends entre sections. En réalité, comme le montrent la consolidation et la certification des comptes sur notre capacité à demeurer présent sur des terrains où les auteurs de crimes vont devenir particulièrement sensibles à la relation entre secouris- nous avons fait preuve d'audace avec de bons résultats. Mais si nous ne faisons pas nousmêmes des efforts plus importants à l'échelle internationale, nous sommes passés de fait dans un régime de co-responsabilité sans que les outils de pilotage et de suivi tes et auxiliaires de justice. De même, si nous parlons d'abus, c'est parce qu'il y a plusieurs cas graves chaque année. Le débat a déjà avancé sur pour la recherche/développement, nous ne parviendrons pas à garder nos malades en vie dans des proportions acceptables, au regard de n'aient été développés. C'est le sens de la question de la refonte des règles de fonctionnement du Conseil certaines de ces questions. Le Conseil international a voté le 26 novembre une résolution précisant que les comportements l'état des connaissances et des moyens potentiellement disponibles. Or les investissements en matière d'innovation sont trop lourds pour une d'abus relèvent de la responsabilité individuelle, renforçant la publicité permanente des procédures pour se plaindre et prévoyant un rendu de compte annuel des cas traités et des seule section, le DNDI représente cinq millions d'euros par an ! Un autre enjeu, pour améliorer la qualité de nos opérations dans les prochaines années, est de développer décisions prises, en respectant la vie privée des personnes concernées, notamment des victimes. Mais il y les efforts de gestion des différentes catégories de personnel. Le système actuel est discriminatoire, international et finalement de l'ensemble des comités internatio- a aussi des lignes de fracture importantes, notamment dans un infirmier ou un médecin recruté dans son propre pays a un accès plus naux. Le processus de la Mancha vise à donner aux instances internationa- le cadre de la mission sociale de MSF : est-ce qu'on se sent respon- réduit aux postes à responsabilités alors que nous manquons de cadres les les moyens d'exercer ces tâches : piloter les grands axes opérationnels, sable de l'ensemble des inégalités relatives à l'accès aux soins ? Est-ce de bon niveau. Traiter de ces dossiers au niveau international peut d'une part évaluer l'efficacité des opérations et en rendre compte, analyser enfin la qu'avancer des solutions globales relève du rôle de MSF ? C'est permettre de porter des politiques communes, et d'autre part faire pertinence des prises de positions publiques. Pour cela, il fallait ouvrir de nouveau le débat, redéfinir ce sur extrêmement rassurant qu'il y ait des baisser les coûts de mise en œuvre de ces politiques. Le Conseil international peut être (…) il ne faut pas oublier que nous discutons de fait de questions très pratiques, de problèmes qui se posent sur le terrain. quoi nous sommes d'accord, les points sur lesquels nous pouvons unanime sur un certain nombre de dossiers mais il faut organiser le avancer ensemble et doter les institutions internationales des moyens travail, avoir les moyens de faire avancer et de suivre les dossiers afin de réaliser les ambitions communes. que les déclarations d'intentions ne demeurent pas trop longtemps > Un débat : des questions très pratiques Le champ du débat est large, trois grandes thématiques ont été identifiées : les principes, l'action et la gouvernance. Mais il ne faut pas sans traductions concrètes dans nos pratiques de travail. oublier que nous discutons de fait de questions très pratiques, de problèmes qui se posent sur le terrain. Si nous parlons de justice internatio- sion, il y aura quelques malentendus levés et des points de divergences maintenus. Nous réussirons, si nous parvenons à ce que nos divergences nale, c'est pour étudier des cas comme celui de l'Ouganda. Quand la Cour pénale internationale en janvier 2004 démarre son travail d'enquête ne nous empêchent pas d'assumer ensemble les responsabilités (succès et échecs de nos actions et de nos prises de position publiques, > La Mancha : une utopie ? Les ambitions sont grandes, les difficultés aussi. A la fin de la discus- idées différentes au sein du mouvement, la pluralité est un atout. sur les actions de l'Armée de résistance du Seigneur (ARS ou LRA), qu'est-ce que cela signifie pour MSF ? Faut-il transmettre des Les discussions sont déjà de plus en plus intéressantes. documents d'information ? Pouvonsnous garder le même accès aux patients si nous sommes considérés comme des auxiliaires potentiels de la opérationnelle et les ressources humaines MSF est déjà une des institutions médicales les plus innovantes au Cour pénale ? On voit que la manière dont nous définissons nos responsabi- monde. Sur la prise en charge des malades du Sida, le traitement de la > Des ambitions : l'innovation qualité de la gestion des ressources humaines et matérielles) qui de fait au fil de la réussite de notre développement ne peuvent plus relever du seul cadre national. ■ REVUE DE PRESSE (SUITE) MSF / Janvier 2006 / O.F. > Pakistan : l'humanitaire durable… version MSF Difficile de trouver en janvier des papiers sur la situation au Cachemire… Alors que le tsunami du 26 décembre 2004 prend encore toute la place, la situation des sinistrés pakistanais reste pourtant préoccupante en ce début d'année 2006. Ce que nous rappelle le quotidien Libération dans un article du 9 janvier : « Les conditions d'hygiène varient d'un site à l'autre, mais beaucoup de camps sont improvisés, surpeuplés, et ne disposent ni de latrines, ni d'accès à l'eau ». De son côté, l'envoyé spécial du quotidien Ouest France rapporte dans son édition du 16 janvier les difficultés rencontrées au départ par les équipes de MSF, par la voix de son chef de mission. « On s'est vite rendu compte qu'il fallait plus de moyens », explique-t-il. « L'hôpital gonflable est là pour au moins un an » conclut l'article, précisant que « le rythme des consultations s'est stabilisé à 700 patients par semaine ». 1- un tiers des interviews sont rédigées par des expatriés, un tiers par des membres du siège et un quart par des membres du personnel national. P17 messages MSF N°139 Février 2006 > Tchétchénie © Eddy Van Wessel – Octobre 2003 TCHÉTCHÉNIE Une normalisation en trompe-l'œil MISSION MSF / Novembre 2005 / Dr Denis Lemasson, adjoint au responsable de programme (ARP) > Dans les camps de réfugiés tchéchènes en Pologne : la santé, dernière expression de l'espace politique et social ? Aucun autre acteur international n'est présent dans ces camps. La santé serait-elle devenue le dernier champ investi pour parler du social ? Si MSF tend à faire reconnaître la personne en tant que corps souffrant, un autre espace est à conquérir pour ces gens, celui de la citoyenneté. Cet espace dépasse nos actions de secours. Tout juste constate-t-on parfois que la reconnaissance de cette souffrance aide certains à s'inscrire dans le monde civique duquel ils étaient rejetés jusque-là. Dr Denis Lemasson Si la première guerre en Tchétchénie n'a pas provoqué le départ de la population entre 1994 et 1996, la reprise du conflit en 1999 et la violence extrême des bombardements ont en revanche déclenché les mouvements de fuite. A cette époque, Grozny se vidait en un mois. 300 000 déplacés se rendaient en Ingouchie, beaucoup d'autres dans le Sud Caucase, en Azerbaïdjan ou en Géorgie. Depuis, malgré les apparences, et loin de la « normalisation » annoncée par Vladimir Poutine, la guerre continue en Tchétchénie. A la fin de l'année 2000, les bombardements ont cessé et un régime pro- Les opérations de « nettoyage » ont toujours cours. Le nombre d'enlève- disparu. Les conditions socio-économiques sont catastrophiques. Selon russe a été mis en place. C'était le début de la politique de « normalisation » qui s'est développée jusqu'à aujourd'hui : un régime de terreur. De 2002 à 2004, sous les pressions multiples des autorités ingouches et ments et de disparitions serait même en augmentation ces derniers mois. L'impunité est toujours la règle. L'aide humanitaire, très parcellaire, n'est pas adaptée aux besoins. Très contrôlée, dépendant de l'octroi de laissez-passer, une étude du ministère fédéral du Développement et du Commerce russe, 91 % de la population vit sous le seuil de pauvreté avec moins de 72 euros par mois. De plus, la stratégie russe de « tchétchénisation » du conflit visant des forces fédérales, les réfugiés tchétchènes ont été forcés de rentrer la sécurité est la contrainte majeure qui limite le nombre d'acteurs et leurs à « sous-traiter » les actes les plus violents (tortures, opérations de chez eux. Ces retours devaient être symboliques de la rhétorique du Kremlin, la preuve de la fin de la guerre. Les Tchétchènes ont retrouvé un pays en ruine, où rien n'avait été prévu pour leur retour, vivant dans des conditions actions sur le territoire. La criminalité de droit commun augmente également. L'assassinat de Maskhadov, élu démocratiquement président de la Tchétchénie sous observation de l'OSCE, a limité très fortement la possi- nettoyage…) aux milices tchétchènes pro-russes est lourde de conséquences. La peur de l'autre, du voisin, de l'ami ou du cousin pèse sur toute la société tchétchène, une technique très efficace de destruction du lien social. de logement et sanitaires similaires à celles qu'ils avaient connues dans les camps en Ingouchie. De plus, les bilité d'une issue politique au conflit. Toutes les familles ont été et sont touchées « physiquement » par la Au contexte dégradé de la Tchétchénie s'ajoute aujourd'hui l'extension de la violence à tout le Nord Caucase. conditions de sécurité sont toujours celles d'un pays en guerre. Aujourd'hui encore, les affrontements sont quotidiens. 80 000 soldats russes sont présents. Certains parlent de 20 à 25 soldats russes tués chaque semaine. violence dont le bilan est très difficile à établir : les estimations varient entre 75 000 à 160 000 morts depuis 1995, rapportés à une population totale d'environ 800 000 personnes aujourd'hui. Près de 10 % de la population a Demander asile en Europe signifie pour les réfugiés qu'il n'y a plus d'avenir possible en Tchétchénie ou en Russie. Il faut la destruction des repères sociaux et identitaires tchétchènes pour qu'il n'y ait d'issue que dans la fuite. ■ P18 messages MSF N°139 Février 2006 POLOGNE Aux bords de l'Europe, les camps de réfugiés tchétchènes MSF / Novembre 2005 / Dr Denis Lemasson, ARP Des milliers de Tchétchènes fuient et viennent chercher asile en Europe. Alors qu'ils franchissent les frontières, ils sont regroupés dans des camps, en Pologne notamment. Seuls 8 % d'entre eux1 bénéficieront du statut de réfugié. Condamnés à l'illégalité, ils ne peuvent rester dans ces camps aux conditions précaires et « errent » en Europe. S'ils sont interpellés par les autorités policières, ils sont renvoyés à nouveau dans les camps en Pologne par l'application du règlement de Dublin 2. Début novembre 2005, 3524 Tchétchènes sont présents dans les camps qui regroupent les demandeurs d'asile2, en Pologne. Depuis le début de l'année, 5200 y ont transité. Dans la plupart des directement en Belgique, en France ou en Allemagne, entraînant l'augmentation des tarifs. Les autres, plus pauvres, utilisent des réseaux de passeurs et franchissent les frontières par voie cas, la migration a été déclenchée par un événement violent, la mise en danger physique de la personne ou d'un terrestre, plus longue, plus dangereuse. Les passages d'un pays à l'autre sont complexes, illégaux, avec les risques membre de la famille proche. Les Tchétchènes des camps et l'histoire de d'être arrêté, détenu et renvoyé en leur fuite sont à l'image de la Tchétchénie aujourd'hui. Suspectées d'activités terroristes, des femmes veuves de combattants sont venues seules avec leurs enfants, suite aux pressions subies ces derniers mois. Des hommes jeunes arrivent aussi, envoyés par leur Russie. Les Tchétchènes partent d'Ingouchie ou de Tchétchénie, passent par des pays qu'ils imaginent de transit (Biélorussie, Ukraine, Pologne, Slovaquie, République Tchèque) pour se rendre dans un deuxième temps en Autriche, en Allemagne, en Belgique ou en France, moyennant 1000 à 3000 USD par personne. La plupart des Tchétchènes traversent la Biélorussie pour aller jusqu'en fonction est de limiter les flux migratoi- que Pologne. Ceux qui sont contrôlés à la frontière polonaise sont enregistrés et res et d'organiser le rapatriement des étrangers non admis. La politique de le contrôle policier à ses frontières, créant ainsi une frontière interne envoyés dans un camp de transit où ils feront leur demande d'asile, avant contrôle des frontières de l'espace européen, clef du dispositif de lutte sur son flanc est. Les demandeurs d'asile sont ainsi pris dans un contre l'immigration clandestine, est de renforcer la surveillance de ses frontières extérieures, d'où la création de « poches de retenue ». Comme la Pologne consolide ses frontières avec la Biélorussie et espace « clos », entre les frontières germano-polonaises et biélorussopolonaises. La corruption permet aux plus riches d'être transférés vers un autre camp. Ils devront y rester jusqu'à la réponse de leur demande de statut de réfugié. Il y a seize camps de demandeurs d'asile en Pologne. Huit dans la région de Varsovie, quatre dans celle de Bialystok, d'acheter des visas pour se rendre quatre dans celle de Lublin. Leur l'Ukraine, l'espace Shengen, plus réduit comme un pays de transit dans lequel ils ne veulent pas vivre. Ils disent ne pas être venus jusque-là pour y rester. Pour famille pour les préserver d'un enrôlement forcé dans les milices pro-russes ou séparatistes. Des familles entières fuient également les persécutions ciblées dont elles font l'objet. D'autres enfin, témoins d'un acte de violence de plus, échouent dans ces camps après avoir perdu tout espoir d'un futur pacifié en Tchétchénie. > UN ESPACE « CLOS » > Pologne © Kartazina Petrovskaya/YumeVision - Octobre 2005 LE RÈGLEMENT DE DUBLIN 2 ET L'ERRANCE EN EUROPE Depuis le début de l'année 2005, 1491 Tchétchènes ont été renvoyés vers la Pologne depuis un pays de la Communauté européenne. Le règlement de Dublin (règlement CE n° 343/2003 du conseil du 18 février 2003), dans son article 10, prévoit la réadmission du demandeur d'asile dans l'Etat européen par lequel il est rentré en premier dans la Communauté européenne. Cet Etat est le seul compétent pour instruire la demande d'asile. Ceci signifie que, s'ils sont interpellés dans un autre Etat de la communauté, les Tchétchènes enregistrés lors de leur premier passage en Pologne y seront inévitablement renvoyés. Les demandeurs d'asile sont soumis au contrôle dissuasif des fichiers informatiques Sis et Eurodac, systèmes communautaires de stockage et de comparaison des empreintes digitales en vue de l'application efficace de la Convention. Ces systèmes, qui s'appliquent notamment aux demandeurs d'asile, sont entrés en vigueur le 15 janvier 2003. Ce règlement et son application condamnent bien souvent à la clandestinité et conduisent les Tchétchènes à une « errance européenne » : ils vont de pays en pays européens jusqu'à se faire rattraper par les forces de police qui les renvoient en Pologne ; sans avenir en Pologne où on leur a déjà refusé le statut de réfugiés, ils repartent vers un autre pays de la Communauté. l'UE, renforce également Trop proche de la Russie pour les Tchétchènes, la Pologne est vécue eux, « l'Eldorado » est ailleurs, plus à l'ouest, là où ils espèrent « trouver de l'aide et des moyens de vivre dignement ». > LES CAMPS DES DEMANDEURS D'ASILE Les bâtiments utilisés sont d'anciennes casernes, de vieux hôtels ou pensions, d'anciens foyers de travailleurs. Les conditions d'hébergement sont « acceptables », avec des standards minima, certains camps présentant des ••• P19 messages MSF N°139 Février 2006 ••• UN TIERS DES PATIENTS PRÉSENTENT UNE SOUFFRANCE POST-TRAUMATIQUE Depuis l'ouverture par MSF au mois d'août 2005 du projet de soins psychologiques dans les camps en Pologne, les psychologues mettent l'accent sur les traumatismes accumulés par les patients depuis 10 ans. La migration est le plus souvent déclenchée par un événement violent. D'après les psychologues, un tiers des patients vus en consultation présentent un syndrome post-traumatique. La fuite et les conditions de l'exil maintiennent les patients tchétchènes dans une condition de détresse (souvenir répétitif des événements subis, cauchemars, angoisses, troubles du sommeil, somatisations diverses…). Les conditions de vie dans les camps ne sont pas propices au développement d'un nouveau rapport à soi et aux autres. La promiscuité, la peur persistante de l'autre, l'impossibilité de se projeter dans un futur proche, le recours nécessaire à la clandestinité sont autant de facteurs défavorables. MISSION REVUE DE PRESSE (SUITE) MSF / Janvier 2006 / O.F. > « Dommage » pour Haïti La mort suspecte du général Bacellar, commandant militaire de la Mission de stabilisation de l'Onu en Haïti (Minustah), donne lieu a plusieurs articles dans la presse. Le Figaro souligne ainsi les critiques virulentes dont les forces de l'Onu font l'objet. Citant un rapport de la Commission interaméricaine des Droits de l'homme, pour qui « Dans de nombreux cas, [les] victimes ne sont pas des dommages collatéraux des opérations, elles sont tuées intentionnellement par la police et par la Minustah », le journaliste rajoute que cette dernière est « incapable, depuis sa création voilà dix-huit mois, de faire revenir le calme dans le pays ». Dans son édition du lendemain, Le monde précise que le général Bacellar craignait déjà ces « dommages collatéraux au sein de la population civile, [en s'opposant] aux opérations musclées dans les bidonvilles de la capitale ». problèmes d'hygiène. L'accès aux soins s'est amélioré depuis la première évaluation faite par nos équipes en novembre 2004. Il est aujourd'hui comparable à celui d'un citoyen polonais : soins primaires avec médicaments essentiels, hospitalisation si le pronostic vital ou fonctionnel est en jeu. La promiscuité est une réalité dans ces camps, où, globalement, les autorités polonaises ne disposent pas des moyens permettant d'accueillir correctement un nombre important de demandeurs d'asile. Le ministère de l'Intérieur polonais déclare d'ailleurs recours systématique à l'illégalité, via les réseaux de passeurs, en grande majorité tchétchènes. Des voitures se rendent régulièrement dans les camps, en soirée, à horaire fixe, pour organiser les « transferts ». Les filières sont bien organisées. Ceci explique le turn-over important des demandeurs d'asile dans les camps. Les autorités polonaises reconnaissent qu'elles ne pourraient pas faire face si un afflux de réfugiés plus important se présentait. > UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE qu'il n'existe aucune ligne budgétaire de l'Union européenne consacrée à la santé de ces réfugiés. > UNE ABSURDITÉ ADMINISTRATIVE Le taux d'octroi du statut de réfugié aux demandeurs d'asile tchétchènes est de 8 % pour l'année en cours. Le ministère de l'Intérieur polonais n'accorde donc qu'à très peu la protection dont ils auraient besoin. Pourtant, il ne renvoie pas cette population, reconnaissant la dangerosité pour elle d'un retour en Russie. Le statut « temporaire » accordé plus largement ne donne, quant à lui, droit à rien sur le plan pratique en Pologne. Il est d'ailleurs systématiquement rejeté par les Tchétchènes. Cette absurdité administrative condamne les réfugiés à une situation de non-droit, les précipitant en marge d'une Europe qu'ils idéalisaient. Pris au piège de ces camps, le nombre de demandeurs d'asile tchétchènes grossit. Sans statut, ils ne peuvent traverser les frontières, plus avant vers l'ouest, que dans la clandestinité. Le personnel polonais des camps est contraint de tolérer (d'inciter ?) le P20 messages MSF N°139 Février 2006 Depuis 1995, à l'effacement progressif des frontières internes de l'Europe correspond un renforcement des frontières externes. Ainsi, l'existence des camps de demandeurs d'asile en Pologne s'intègre dans une stratégie plus large : celle de la maîtrise des flux migratoires dans l'espace européen. Le processus d'harmonisation des politiques d'asile, pourtant sous le contrôle du HCR, se fait « par le bas », chaque état essayant de favoriser ses propres pratiques pour en faire la règle commune. Par souci du compromis, les normes se sont ajustées au plus petit dénominateur commun, et le 11 septembre 2001 a sans doute indirectement favorisé cette nouvelle définition, faisant de la question de la lutte contre le terrorisme une préoccupation majeure. Les mesures de contrôle se sont renforcées, frappant également les demandeurs d'asile. S'en est suivi un amalgame entre immigration clandestine, terrorisme et délinquance, légitimant les camps et les lieux d'enfermement. Dans la proposition initiale, la Commission européenne prévoyait la garantie du « bien-être » du demandeur d'asile. Après révision, elle ne s'engage plus qu'à assurer sa « subsistance ». L'article 15 stipule que les demandeurs d'asile doivent recevoir les soins médicaux qui comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. Rien n'est prévu spécifiquement pour les femmes enceintes et les enfants. Rien non plus pour la prise en charge des conséquences physiques et psychologiques de violence (viol, torture…). Le réfugié, contrairement au migrant, ne choisit pas de quitter son pays. Il est contraint de le faire pour sauver sa vie ou sa liberté. > LE DÉNI L'ensemble du dispositif de contrôle des flux migratoires montre combien est opérante l'assimilation du demandeur d'asile au migrant, tous deux considérés comme suspects. En trente ans, les demandeurs d'asile sont passés d'une représentation de victimes à aider à celle de coupables qu'il faut regrouper dans des camps. Il y a trente ans, le contexte géopolitique de la guerre froide était favorable. Les conventions de Genève pouvaient d'autant plus facilement être appliquées qu'elles n'engageaient pas l'argent public des Etats et qu'elles participaient à une guerre idéologique. Les exilés ne demandaient que très peu l'asile. Et ils n'en avaient pas besoin pour s'installer dans des pays qui leur étaient ouverts. Aujourd'hui, les victimes du conflit tchétchène, fuyant la violence de leur territoire, et sans avenir possible, sont stoppés dans leur parcours dans ces camps polonais, espace-temps non structurant, étrange prolongation du conflit qui les a poussés à s'enfuir. Ce sont les « refoulés » d'une Europe qui ne veut pas voir ce conflit à ses portes. Comment l'Europe pourrait-elle accorder le statut de réfugiés aux victimes d'un conflit qu'elle ne reconnaît pas ? Le « conflit tchétchène » est, à travers ces camps, le miroir interne d'une réalité externe que l'Union européenne continue de nier. ■ 1- Source : ministère de l'Intérieur polonais - 2004 2- Les réfugiés tchétchènes représentent plus de 95 % de la population totale des camps en Pologne ANGOLA Une fermeture et ses fissures MSF / Décembre 2005 / Laurence Flevaud (dernière chef de mission) et Isabelle Merny Depuis 2002, la reconstruction et le développement des services sanitaires sont à l'ordre du jour angolais. MSF ne souhaitant pas s'engager dans ce processus, 2003 a été l'occasion d'un changement de cap, avec la mise en place de projets « grandes endémies ». Deux ans plus tard, si le programme paludisme de Kaala a atteint l'essentiel de ses objectifs et a pu fermer dans de bonnes conditions, il n'en va pas de même du programme trypanosomiase de Camabatela, au bilan et au retrait plus mitigés. présence pour encore des mois, voire des années. Nos dernières informations, en septembre 2005, ne prévoyaient pas l'arrivée du Coartem sur l'Angola avant mi-2006 et donc au second trimestre 2006 pour les provinces. Une stratégie de désengagement est donc élaborée, mais, avant de se retirer, MSF termine la formation du personnel local, effectue des donations (ACT et matériel médical pour six mois) et équipe tous les postes de santé d'installations pour le traitement des déchets médicaux. Le 30 juin 2005, après le pic saisonnier annuel, la fermeture du programme paludisme de Kaala est effective. > UN PROJET TRYPANOSOMIASE PROMETTEUR… Une mission exploratoire sur la trypanosomiase a été menée en mai 2003, sur différentes municipalités du Kwanza Norte, et un foyer a été détecté > Angola © Roger Job - Octobre 1997 Après 22 ans d'activités en Angola, la section française de MSF s'est retirée du pays. A partir de 2003, toutes nos activités nutritionnelles1 avaient été progressivement fermées, ainsi que celles visant à soutenir les structures de santé (la situation s'étant nettement améliorée et les objectifs ayant été atteints). MSF décidait alors de se concentrer sur deux projets, l'un à Kaala, l'autre à Camabatela... > LE PALUDISME, À KAALA ET AILLEURS Une étude menée par Epicentre en 2002 sur Kaala (province de Huambo), montre une forte résistance à la chloroquine. Parallèlement à cette étude, le recueil de données mis en place à l'hôpital de Kaala et dans trois des centres de santé de la ville témoigne d'une augmentation inquiétante du nombre de cas graves et de la mortalité due à cette maladie. Nous décidons donc, pour 2003-2004, d'y ouvrir un programme de prise en charge avec introduction des ACT 2 dans toutes les structures de santé fonctionnelles de la zone, afin de réduire la mortalité durant le pic épidémique, mais aussi et surtout de fournir des arguments pour un changement de protocole national. La section française de MSF s'investit alors dans treize centres de santé : approvisionnement en ACT et formation du personnel de santé angolais à l'utilisation de ces combinaisons thérapeutiques, ainsi qu'aux tests rapides. Dans le même temps, une campagne de lobbying pour le changement du protocole national et une étude sur l'efficacité du traitement par ACT sont menées pour appuyer cette campagne. En octobre 2004, le MOH accepte de changer le protocole de traitement national, mais choisit le Coartem comme 1ère ligne de traitement, avec tous les problèmes d'approvisionnement qui en découlent. Si l'utilisation des ACT est acceptée comme alternative (avec un financement venant en grande partie des 25 millions de dollars alloués par le Global Fund), le gouvernement n'en assure pas non plus l'approvisionnement. La question se pose alors : restons-nous jusqu'à l'arrivée des ACT dans les provinces — particulièrement à Kaala — ou considérons-nous que le changement de protocole est un argument suffisant pour décider que nos objectifs ont été atteints ? C'est la seconde hypothèse qui est finalement retenue. Attendre que les ACT parviennent jusqu'à Kaala aurait prolongé notre dans deux communes (prévalence supérieure à 0,5 %). Notre projet : mettre en place un centre de diagnostics et de traitement sur la municipalité de Camabatela ; un projet accepté par l'Instituto de Combate e Controlo da Trypanosomiase (ICCT) et par le gouverneur de la province en novembre 2003. Les objectifs de ce programme (ouvert en janvier 2004) étaient les suivants : - accroître l'identification des malades par le dépistage passif, mais aussi en développant le dépistage actif à l'intérieur de notre secteur d'intervention ; - sensibiliser et recruter des populations (grâce à une meilleure connaissance du terrain et de la démographie), les éducateurs de santé devaient convaincre les malades potentiels de se faire dépister ; ••• P21 messages MSF N°139 Février 2006 ••• - proposer un terrain de recherche opérationnelle sur l'amélioration du diagnostic et sur la qualité du traitement en termes d'efficacité et de faisabilité ; - entretenir les outils des suivis épidémiologiques et thérapeutiques, MISSION afin de mieux apprécier la répartition de la prévalence entre les différentes municipalités ; - continuer à développer la prise en charge des malades, en facilitant l'usage de médicaments plus efficaces et moins toxiques. que les prévalences étaient généralement proches de 0,5 % voire souvent inférieures) ; - le changement de politique opéra- passation officielle a été effectuée le 17 août, la reprise des activités est effective depuis septembre 2005. tionnelle de l'ICCT qui décide d'effectuer un dépistage durant l'été 2004 là où nous avions prévu d'envoyer des > FERMER DANS DE MAUVAISES CONDITIONS, MAIS FERMER équipes deux à trois mois après ; - la présence de mines (si les routes principales sont utilisables, les routes secondaires sont encore risquées) entrave l'accès aux éventuels foyers ; - le nombre insuffisant de promoteurs de santé et l'abondance des pluies, limitent la mise en place du dépistage actif ; - l'épidémie de fièvre Marburg sur Uige, en mars 2005, devient la priorité et met — de fait — nos activités trypanosomiase en « stand by ». Nous ne sommes plus assurés de pouvoir reprendre le dépistage actif, comme initialement prévu ; - enfin, un certain nombre de « cafouillages » internes : problèmes de ressources humaines au niveau de la coordination (pas de chef de mission/coordinateur médical pendant huit mois, donc pas d'interlocuteur direct à Luanda pour l'ICCT), > Angola © Aurélie Grémaud / MSF - Février 2002 > Bilan des activités à Camabatela (avril 2004 à juin 2005) 12 386 personnes dépistées 6 666 (53,8 %) en dépistage passif 5 720 (46,2 %) en dépistage actif une équipe de terrain pas assez soutenue et pas de capitalisation des autres expériences trypanosomiase MSF pour adapter la stratégie au > … MAIS PEU DE PATIENTS AU RENDEZ-VOUS contexte de Camabatela. La situation ne justifiait plus la Six mois après l'ouverture, le bilan est mitigé : le centre est presque vide. Lors poursuite de notre intervention. De plus l'ICCT possède les moyens opérationnels pour continuer les activités de la mission exploratoire, on prévoyait une moyenne mensuelle de trente sur la région. La décision de fermer ce programme a donc été prise fin juin patients, au final on arrive à quinze par mois. A cela plusieurs explications : - les taux de prévalence ne s'avèrent finalement pas aussi importants que prévu (en étudiant la répartition 2005. L'ICCT a été autorisé par l'administrateur de Camabatela à poursuivre les activités dans notre centre (reprise d'une partie du personnel, donation du mobilier, ainsi que du matériel médical et des médicaments nécessaires au géographique des patients et le taux de prévalence respectif pour ces mêmes zones, nous avons constaté fonctionnement du programme pour 12 mois) et nous avons contacté individuellement tous nos patients. La 215 patients traités Aucun décès reporté. ANGOLA : ÉTAT DES LIEUX SANITAIRE 3 Angolais sur 1 000 ont été victimes des mines (mutilations ou décès). En 2005, le budget alloué à la Santé représentait 5,66 % du budget total du pays. Dans de nombreuses provinces, les services de santé sont principalement assurés par les ONG. Les maladies les plus courantes sont le paludisme, les diarrhées et les infections respiratoires. Il y a régulièrement des épidémies (rougeole, méningite et, plus récemment, fièvre Marburg). L'Angola est un des derniers pays africains où sévit encore la maladie du sommeil. Les données officielles de prévalence du sida (0,5 %) semblent sous-évaluées. P22 messages MSF N°139 Février 2006 Après le 20 juillet, le nombre d'expatriés sur le terrain — très nettement insuffisant — a entraîné un retard à la fermeture. La question logistique s'est révélée un vrai casse-tête pour la coordination. De plus, la pharmacie avait beaucoup trop de stock, dont certains contexte achetés données items totalement hors (sutures, médicaments localement, etc.). Les complètes avaient été effacées — perdues ou pas renseignées — des ordinateurs terrain et capitale. Il a également été très difficile de réintégrer le personnel national doté de diplômes congolais non reconnus en Angola. Enfin, malgré l'avenir incertain du programme, tous les contrats à durée déterminée avaient été reconduits pour six mois dans les semaines précédant la décision de fermeture, ce qui a entraîné un surcoût important au moment de la fermeture (total des soldes de tout compte supérieur à 100 000 USD) Dans un contexte que le gouvernement angolais définit lui-même comme « une phase de réhabilitation et de développement » (même si les investissements sont essentiellement concentrés sur Luanda), nous n'avions pas à pallier les besoins sanitaires sur tout le reste du pays. La malnutrition reste présente mais pas préoccupante, notamment à Huambo et à Kaala. D'autres acteurs sont mobilisés sur la question des réfugiés (UNHCR, OMI) et le nombre de rapatriés est en nette diminution. Il n'y a donc plus de besoins spécifiques nécessitant notre intervention. Le 25 septembre 2005, après 22 années d'action dans le pays, la section française de MSF a fermé ses programmes en Angola. Quatre autres sections restent présentes et continuent, notamment, le travail de lobbying sur les ACT. ■ 1- MSF était intervenue en 2002 pour monter un programme d'urgence nutritionnelle lié à la famine 2- Artemisinin-based combination therapy (combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine) Le projet de rémunération internationale > RDC © Gary Knight / VII - Juin 2005 RESSOURCES HUMAINES MSF / Janvier 2005 / Anne-Louise Jacquemin, responsable projet Après quatre ans de longues négociations entre sections, le projet de rémunération internationale a enfin abouti à des solutions politiques et techniques communes, en vue d'une amélioration des conditions de rémunération et de prise en charge du personnel international de MSF. L'« International Remuneration Project » (IRP) va ainsi permettre aux volontaires internationaux de bénéficer de conditions plus équitables et plus adaptées à leur situation. Fortement soutenue par les sections partenaires à son lancement fin 2000, l'idée de l'IRP avait pour objectif de fidéliser davantage le personnel international en le prenant mieux en charge. Rapidement, la motivation politique autour du projet s'est renforcée par une exigence : MSF doit mieux remplir ses responsabilités en tant qu'employeur, en fournissant une prise en charge sociale et médicale plus adaptée à la diversité d'origine de son personnel international. Le projet de rémunération internationale est donc un projet à l'intention du personnel international de MSF et concerne à la fois leur rémunération, la protection sociale ainsi qu'une assurance privée internationale (en complément de ce qui est proposé au travers des systèmes nationaux.) > LA RÉMUNÉRATION Actuellement, deux infirmières de même expérience gagnent des salaires qui peuvent varier parfois considérablement si elles partent avec des centres opérationnels différents. L'IRP s'est donc attelé à définir un système de rémunération cohérent pour l'ensemble du mouvement, qui reflète le besoin d'équité dans le l'ancienneté et l'expérience hors MSF que sur la prise de responsabilité. traitement des volontaires. A l'automne 2005, un accord a enfin > LA PROTECTION SOCIALE été atteint autour d'une grille de salaire internationale pour quatre des En règle générale, la façon la plus efficace d'accéder au système social de cinq centres opérationnels, et par l'ensemble des sections partenaires. Seule la section belge n'a pour l'instant pas accepté cette grille, qu'elle ne juge pas adaptée à sa politique de recrutement et de fidéli- son pays de résidence est un contrat de travail « local », qui permet d'ouvrir ou maintenir plus aisément des droits / avantages sociaux. Il a donc été décidé que, quand c'est possible, c'est-à-dire dans les pays où MSF a une section, les sation, qui mise davantage sur expatriés bénéficieront d'un contrat > Et le personnel national ? Cet objectif d'amélioration de la prise en charge s'adresse au personnel national comme au personnel international. Concernant le personnel national, ce chantier est aussi en cours depuis 2003, et les grilles de fonctions, de salaires, ainsi que la prise en charge sociale et médicale ont déjà été revues dans la moitié des pays. Ce travail, de tout aussi longue haleine que l'IRP, n'est pas terminé, et reste une priorité pour 2006. ••• JE SUIS EN MISSION AVEC MSF FRANCE, QU'EST-CE QUI VA CHANGER ? • Un nouveau salaire à compter du 1er janvier et un nouveau montant sur mon compte bancaire à compter du 30 janvier 2006. • De nouvelles assurances, et notamment une nouvelle adresse où envoyer mes demandes de remboursement de frais médicaux. • Si je viens d'un pays CEE, des contributions sociales (Sécurité Sociale, retraite) seront versées systématiquement par MSF auprès de la CFE (Caisse des Français à l'Etranger), quel que soit mon statut, mon expérience et ma durée de mission (aujourd'hui seulement après un an de mission ou si je suis salarié). • Pour ma prochaine mission, comme la prise en compte de mon expérience a été faite, de façon temporaire, sur la base de l'information disponible dans mon dossier (CV, etc.), je devrai impérativement fournir un CV à jour, ainsi que les justificatifs correspondants (certificats de travail de préférence) pour que cette expérience soit reprise et confirmée. • Si je suis résident d'une section partenaire, courant 2006 (ou pour ma prochaine mission), j'aurai désormais un contrat dans mon pays/ma section (MSF USA février 2006 ; MSF Allemagne - mars 2006 ; MSF UK mai 2006 ; MSF OZ - mai 2006 ; MSF Japon, MSF Canada - juillet 2006 etc.) P23 messages MSF N°139 Février 2006 ••• dans leur pays de résidence. Chaque section MSF, y compris les sections opérationnelles, (re)prendra donc les RESSOURCES contrats de tous leurs résidents. Tout résident français travaillant pour MSF sur le terrain aura désormais un contrat signé avec la section française, tout résident américain avec la section MSF USA, etc. Ceux qui résident dans un pays où MSF n'a pas de section et resteront sous contrat avec le centre COMBIEN ÇA COÛTE ? Le coût de l'IRP représente, d'après les estimations actuelles, une augmentation d'un tiers de la masse salariale du personnel international pour notre section, soit environ 2,5 millions d'euros. Le coût global des mesures à l'intention du personnel national n'est pas encore finalisé, même s'il est clair qu'il représente aussi, pour MSF France, un effort financier important, et assumé. opérationnel pour lequel ils travaillent. REVUE DE PRESSE > UNE COUVERTURE SOCIALE ET UNE ASSURANCE INTERNATIONALE (SUITE) de Sécurité Sociale et, pour partie (ou en totalité si besoin) par des assurances privées communes à toutes les personnel international, tout en garantissant à ceux qui résident dans un pays où MSF a une section, un accès à leur système social national. > QUAND ? MSF / Janvier 2006 / R.V. > Communication (séro)positive « La lecture du rapport mondial de l'Onusida est encore plus déprimante que celle des années précédentes », écrit Le Figaro le 22 novembre. En 2005, le sida a encore fait 3,1 millions de morts (dont 570 000 enfants) Du côté des traitements, le bilan est tout aussi catastrophique : « les estimations actuelles font état de 1,2 millions de traitements individuels, alors qu'il faudrait soigner entre 10 et 11 millions de malades », rappelle Le Figaro. On est loin des 3 millions promis par l'OMS d'ici fin 2005. Le directeur du programme sida de l'OMS, qui a dirigé la campagne « 3 by 5 », termine donc son mandat sur un constat d'échec, et demande un « corridor humanitaire » pour la production d'ARV génériques. Mais tout en reconnaissant l'échec, il poursuit le renversement de discours engagé en mars dernier par l'OMS avec son rapport « Trois scénarios pour l'Afrique ». Désormais, plutôt que de parler de malades mis sous traitement et de risquer d'annoncer des résultats en-deçà des objectifs, on va parler de morts et de nouvelles contaminations évitées. On appelle ça la communication positive… L'IRP a également redéfini tous les éléments de couverture que MSF entend offrir à ses expatriés en plus Le projet commence avec les « sections pilotes » suivantes : MSF Allemagne, USA, UK, Canada et de la rémunération : couverture médicale, assurance incapacité, capital invalidité et décès, congés, retraite, accès au chômage (ces derniers variant selon les pratiques et > Haiti © Gael Turine - Octobre 2005 les systèmes nationaux). Les droits sociaux variant selon les sections MSF (couverture médicale, décès/invalidité, etc.). pays, cette couverture sera fournie pour partie à travers les systèmes In fine, MSF donnera donc une couverture similaire à tout le Autriche, jusqu'à l'été 2006. Les autres sections partenaires suivront progressivement à partir de l'été 2006. Quant aux sections opérationnelles, elles entament cette administration croisée systématique dès le début de cette année. ■ A MSF FRANCE, CONCRÈTEMENT, QU'EST-CE QUE CELA VEUT DIRE ? 1.UNE NOUVELLE GRILLE SALARIALE À COMPTER DU 1ER JANVIER 2006 • Construite sur la base de la grille internationale commune : 1) Une première année sous statut de volontaire indemnisé, quel que soit le poste (comme auparavant) 2) Un accès au salariat dès la deuxième année, quel que soit le poste (nouveauté) 3) Intégration plus importante de l'expérience acquise ailleurs (humanitaire ainsi que professionnelle) 4) Une prise en compte accrue de l'ancienneté MSF (jusqu'à 10 ans), comptée dorénavant toute fonction confondue. • Cette nouvelle grille donne en général, au plan individuel, des rémunérations revues à la hausse 1) L'indemnité de première année passe de 610 à 700 euros 2) Les salaires pour les postes de terrain et de coordination intermédiaires (RT, etc.) en particulier ont aussi été re-évalués. 2.DES AMÉLIORATIONS DANS LA COUVERTURE SOCIALE • Pour les Français, une meilleure couverture dès la première mission : 1) Couverture médicale améliorée et accès à la Sécurité Sociale (CFE) ; 2) Contribution retraite dès le premier jour de mission • Pour tous, des nouvelles assurances à compter du 1er janvier 2006, fournissant : 1) Une couverture médicale à 100 % pour tous (aujourd'hui limitée aux salariés) 2 ) Une meilleure couverture décès-invalidité, avec des capitaux et rentes réévalués. • Congés : accumulation de deux jours par mois de congés payés ou indemnisés, selon le statut (soit cinq semaines par an). Jusqu'à présent, les personnes sous statut volontaire n'accumulaient pas de droits à congés, même si elles avaient droit à la semaine de repos trimestrielle sur le terrain. • Pour les volontaires venant de sections partenaires : progressivement courant 2006, la possibilité d'accéder à des contrats dans leur pays de résidence, avec dans certains cas, une grille plus adaptée au niveau de vie. P24 messages MSF N°139 Février 2006 COMMUNICATION /COLLECTE > MSF © D.R. Face à Face, l’autre terrain MSF / Janvier 2006 / Olivier Michel Aller au contact du public, lui présenter les actions de Médecins Sans Frontières, défendre et expliquer les prises de position de notre association, demander et convaincre les gens de s'engager à nos côtés en participant à l'opération « 1 euro par semaine »... Voilà l'objet de la campagne de recrutement de donateurs réguliers, plus connue sous le nom de « Face à Face » qui vient d'achever sa deuxième année. La campagne « face à face » signe un bilan globalement positif, tant du point rons cette expérience en 2006. Pourtant cette campagne ne s'est obtention auprès des municipalités des meilleurs emplacements pour notre de vue de la communication que de la collecte de fonds : les prises de position pas déroulée sans accrocs. Certaines difficultés rencontrées s'avèrent étran- exposition —, de la communication — faire savoir le plus vite possible que de MSF suite au tsunami ont pu être développées de vive voix, la situation au Niger dévoilée bien avant que les médias n'en parlent, la problématique du manque d'accès aux médicaments et de la nécessaire prise en charge des gement similaires à celles du terrain. Alors qu'il s'agit en mission d'atteindre le plus efficacement possible le plus grand nombre de personnes vulnérables, il fallait ici présenter efficacement notre action au plus grand nombre de nos équipes sont présentes dans la ville pendant une semaine — ou encore de la logistique — trains, hôtels mais également gestion des conditions climatiques pas toujours évidentes lorsque l'on travaille en extérieur — malades du sida dans les pays pauvres expliquée… L'opération a mobilisé trois équipes (45 personnes ont participé donateurs potentiels, sans pour autant tomber dans une démarche mercantile. Le maître mot reste ici l'engagement. ne font pas du face à face une mission de tout repos. Mais y a-t-il une mission à MSF qui à cette « mission » en 2005, dont 5 anciens volontaires MSF) : deux dans la rue et une pour faire tourner l'exposition « Acteurs d'Urgence ». Les équipes ont sillonné 46 villes cette Pour ce faire, plus de 40 « médiateurs » actifs dans des domaines associatifs variés ont été formés. Certains volontaires expérimentés du terrain ont même rejoint nos équipes et les ont grande- année à raison d'une ville par semaine, près de 9 000 nouveaux donateurs ont été convaincus et donnent aujourd'hui ment enrichies. Le soutien des bénévoles des antennes de provinces en particulier et du réseau soit facile ? L'indépendance financière de Médecins Sans Frontières se mérite, et le « Face à Face » y contribue grandement. La tournée 2006 reprendra donc de mars à octobre, pour laquelle MSF recherche des médiateurs (volon- 1 euro (ou plus) chaque semaine, 30 000 personnes ont enfin visité l'exposition itinérante. En fin d'année, nous avons également investi un TGV, en aménageant une rame en espace MSF ; nous renouvelle- des volontaires en général s'est aussi avéré primordial. La gestion des ressources humaines — travailler harmonieusement n'est pas toujours une chose facile ! —, mais également administrative — choix et taires du terrain et autres). Nous comptons sur vous pour répondre nombreux à l'appel de cet autre terrain. > Appel à contribution Avez-vous des images ? La maison de production MAHA, à Paris, entreprend trois films documentaires adaptés de l'ouvrage publié par Fayard, « Médecins Sans Frontières, la biographie ». L'auteur, Anne Vallaeys, et le réalisateur, Patrick Benquet, réaliseront ces films qui relateront l'histoire de MSF de 1971 à aujourd'hui. Ils sont en quête de tous documents amateurs, films, super 8 et vidéo etc., réalisés par les volontaires MSF au long de ces années. Opérations de terrain, images des AG, des sièges successifs de MSF à Paris, en province, dans les villes capitales, les missions d'urgence... sont vivement recherchés. Si vous êtes en possession de ces divers types de films, n'hésitez pas à contacter Anne Vallaeys. E-mail : Anne.DUGRAND.VALLAEYS @wanadoo.fr Tel. : 01 64 41 60 48 > Merci de contacter Olivier MICHEL au 01 40 21 29 18, ou par mail : [email protected] P25 messages MSF N°139 Février 2006 AUDIOVISUEL État d’urgence production MSF / Janvier 2006 / François Dumaine INFOS À voir, à lire > ACTUALITÉ Le film « Le médicament : une chaîne essentielle pour le patient. » est maintenant disponible en DVD, français consommations. Les bénéficiaires de cette chaîne sont les patients dont on s'assurera, par de bonnes pratiques de dispensation, de la compréhension et espagnol, japonais, et arabe. Nous allons aussi fournir sur les terrains une vidéothèque opérationnelle constituée d’une quarantaine de films. et anglais. Le médicament (avec le matériel médical) est l'un des axes stratégiques des missions MSF. L'objectif est de rendre accessible aux de l'observance des traitements. Il est accompagné de sept petits films « support technique » sur la chaîne de froid, l’élaboration d’une commande, Plusieurs autres films vont sortir cette année : sur la prise en charge de la douleur, la chirurgie, la chaîne de froid et sur une nouvelle approche de prise en patients des traitements de qualité dans les meilleurs délais. MSF assure donc le contrôle de la chaîne d'approvisionnement depuis la sélection des l’observance, l’organisation d’une pharmacie, la qualification des médicaments, la réception d’une commande et les outils indispensables. charge de la malnutrition. En collaboration avec la section suisse, nous allons réaliser un “trois fois 20 mn“ sur la sensibilisation et la prise en fabricants jusqu'à la dispensation auprès des patients. Au sein des projets, la logistique d'approvisionnement est directement liée aux bonnes pratiques de gestion de > DISPONIBLES À LA PHOTOTHÈQUE (et sur la database int.) - MSF / Janvier 2006 / Alix Minvielle Reportages photos envoyés à la DBI : Chine : Nanning, Sida, novembre 2005 / Ashley Gilbertson Aurora Pakistan : montage de l'hôpital sous tentes gonflables + campagnes vacci, novembre 2005 / Rémi Vallet - MSF stocks ainsi qu'à l'élaboration des commandes qui doivent être adaptées aux activités médicales et au suivi des En ce tout début d’année vont sortir deux films : Le premier aborde l’organisation d’une campagne de charge des personnes victimes des violences sexuelles. Le site web de MSF verra une augmentation substantielle de sujets audiovisuels. Enfin un gros chantier devrait vaccination, version française et anglaise, et le second est une présentation de MSF en français, anglais, s’ouvrir pour la sauvegarde de nos archives, certaines datant maintenant de plus de 20 ans. ■ > PROJET 2006 A LIRE AU CENTRE DE DOCUMENTATION Acquisitions décembre 2005 / janvier 2006 Iran : situation des réfugiés afghans dans les villes de Mashhad et de Zahedan, oct-nov 2005 / Sibylle Gerstl - Epicentre MSF / Janvier 2006 / Christine Pinto (01 40 21 27 13) > MEDICAL DICTIONNAIRE CRITIQUE DES TERMES > GEOPOLITIQUE BÉNÉFICIAIRES OU PARTENAIRES. Cote d'Ivoire : hôpital de Bouaké, septembre 2005 / Carl De Keyzer - Magnum DE PSYCHIATRIE ET DE SANTÉ MENTALE / SOUS LA DIRECTION DE QUELS RÔLES POUR LES POPULA- Soudan : Akuem, programmes + construction du nouvel hôpital, août-septembre 2005 / MariePierre Barre - MSF + autres MSF Uniquement à la photothèque : Indonésie : logistique dans la province d'Aceh, oct-nov 2005 / Etienne Quetin Guinée : chirurgie, septembre 2005 / Khaled Menapal et Valleri - MSF SIMON-DANIEL KIPMAN. AMÉLIE AMSLEM-KIPMAN, MONIQUE THURIN ET JOSPEH TORRENTE. - Paris : Doin Groupe Liaisons SA, 2005. - 479 p. HOFNUNG. - Paris : La Découverte, 2005. - collection Sur le vif. - 140p. TIONS DANS L'ACTION HUMANITAIRE? / SOUS LA DIRECTION DE FRANÇOIS GRÜNEWALD. - Paris : LE DISPOSITIF HUMANITAIRE : GÉOPOLITIQUE DE LA GÉNÉROSITÉ / EMIL COCK. - Paris : l'Harmattan, Karthala, 2005. - 429p. - collection Pratiques humanitaires. 2005. - 176p. L'URGENCE HUMANITAIRE, ET APRÈS? POUR UNE ACTION HUMANITAIRE DURABLE / JEAN-FRANÇOIS MATTÉI AVEC LE CONCOURS DE PROTOCOLES ET ÉCHELLES D'ÉVALUATION EN PSYCHIATRIE ET EN PSYCHOLOGIE / MARTINE BOUVARD, CÔTE D'IVOIRE, LA FORMATION D'UN PEUPLE / PIERRE KIPRE. - Fontenaysous-Bois : Sides Ima, 2005. - 291p. - JEAN COTTRAUX. - Paris : Masson, 2005. - 4e édition. - 327 p. - collection Pratiques en psychothérapie. collection : L'Afrique dans tous ses états. JEAN-PHILIPPE MOINET ET DE PIERRE KREMER. - Paris : Hachette GÉOPOLITIQUE DU NOUVEL AFGHANISTAN / PATRICK DOMBROWSKY ET SIMONE PIERNAS. - Paris : Ellipses, 2005. - 110 p. Collection Références Géopolitiques. Littératures, 2005. - 235 p. HANDBOOK FOR SELF-RELIANCE / Genève: UNHCR, 2005. N°180, OCTOBRE-DÉCEMBRE 2004, T. XLV. - Paris : puf. - pages 724 à 953. JÉRUSALEM OU LA COLÈRE DE DIEU / UGO RANKL. - Paris : Editions des Syrtes, 2005. - 345 p. POVERTY, INCOME DISTRIBUTION AND LABOUR MARKETS IN ETHIOPIA / ARNE BIGSTEN, ABEBE SHIMELES AND BEREKET KEBEDE. - Uppsala: The Nordic Africa Institute, 2005. - 200p. THE SANFORD GUIDE TO HIV/AIDS THERAPY / MERLE A. SANDE, GEORGE M. ELIOPOULOS, ROBERT C MOELLERING, DAVID N GILBERT. USA: Sanford Guide, 2005. - 14 th Edition. - 143p. TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DE LA SANTÉ / SOUS LA DIRECTION DE GUSTAVE-NICOLAS FISHER. Paris : Dunod, 2002. - 675 p. LA CRISE EN CÔTE D' IVOIRE : DIX CLÉS POUR COMPRENDRE / THOMAS P26 messages MSF N°139 Février 2006 ONG : LES PIÈGES DE LA PROFESSIONNALISATION / SOUS LA DIRECTION D'ANNE LE NAËLOU ET JEAN FREYSS. - REVUE TIERS MONDE STAGES ET FORMATIONS > REPONSE AUX EPIDEMIES du 6 au 10 mars 2006 dans les locaux de MSF Paris - Durée : 5 jours - Session en anglais > PUBLIC CONCERNÉ - Médicaux ou paramédicaux ayant des connaissances de base en épidémiologie et au moins une expérience dans le cadre d'une épidémie - Priorité aux coordinateurs de capitale et coordinateurs d'urgence ainsi qu'aux assistants nationaux des coordinateurs médicaux. - Ouvert en deuxième intention aux coordinateurs de terrain (RT) ayant une expérience d'au moins deux missions à ce poste - Engagement d'au moins 12 mois (modulable une ou plusieurs missions - pour les expatriés) A l'issue de cette formation, les stagiaires seront capables de : - Réaliser une investigation d'épidémie - Détecter un épisode épidémique - Définir les stratégies de prise en charge et de contrôle des épidémies Les pathologies abordées sont les suivantes : méningite, maladies diarrhéiques, fièvres hémorragiques, grippe, paludisme et rougeole. Renseignements et inscriptions auprès de votre desk ou à Epicentre Isabelle Beauquesne (01 40 21 29 27) ou Danielle Michel (01 40 21 29 48) TURN OVER RH TERRAIN > Laurence RAVAT a pris ses fonctions de Chargée des Ressources Humaines début décembre > Cécile AUJALEU a repris son poste de Coordinatrice RH Terrain Nationales début janvier OPÉRATIONS > Marie Madeleine LEPLOMB a quitté ses fonction de Responsable Programmes fin novembre MÉDICAL > Geza HARCZI > Sylvaine BLANTY a pris ses fonctions de Responsable Nutrition début novembre est Chargée de Mission sur la politique de santé en matière de prise en charge des personnels « national » infectés par le VIH depuis la mi-novembre > Sophie LAUZIER est Chargée de Mission sur les protocoles de soins infirmiers applicables sur les missions depuis octobre COMMUNICATION ET COLLECTE > Olivier MICHEL a pris ses fonctions de Coordinateur Opérationnel de l'opération « Face à Face » fin janvier > Renaud CUNY a pris le poste de Webmaster Adjoint depuis début janvier LOGISTIQUE > Pennie VERSEAU est Chargée de Mission sur le développement de support d'auto-formation logistique depuis décembre > Anabelle GAZET a pris ses fonctions de Superviseur Logistique Urgences mi-janvier ACCUEIL ET SERVICES GÉNÉRAUX > Salma LEBCIR est Hôtesse-Standardiste depuis début décembre FINANCES > Rémi OBERT a pris ses fonctions de Directeur Adjoint en janvier JURIDIQUE > Françoise SAULNIER a pris ses fonctions de Directrice Juridique > Clémentine OLIVIER est Assistante Juridique depuis la mi-janvier FONDATION > Judith SOUSSAN est Chargée de Mission sur les responsabilités de MSF en matière de protection depuis la fin janvier > Xavier CROMBE a pris ses fonctions de Directeur de Recherche en décembre IN MEMORIAM MSF / Décembre 2005 Le décès de deux de ses volontaires dans un accident d'avion survenu au Nigéria samedi 10 décembre 2005 a plongé Médecins Sans Frontières dans une profonde tristesse. Hawah Kamara, 49 ans, et Thomas Lamy, 30 ans, figurent parmi les victimes de ce drame. Partis d'Abuja, la capitale, ils se rendaient tous les deux à Port-Harcourt où MSF mène un programme chirurgical. Ils nous manquent à tous terriblement. Thomas Lamy, logisticien MSF France > Thomas Lamy © D.R. Né en 1975, Thomas, était originaire d'Annecy, en France. Il a rejoint pour la les projets mais surtout pour les populations que nous aidons. première fois MSF en 2003. Après deux mois aux services généraux, au siège à Paris, il s'est très vite avéré passionné pour MSF. Thomas a effectué sa première mission en août 2003 en Côte d'Ivoire, comme Thomas est retourné en Côte d'Ivoire en 2004, cette fois à Toulepleu et Guiglo, où il nous a de nouveau fait preuve de sa capacité à prendre de nouvelles responsabilités et de s'adapter à un contexte très différent et complexe. Au- logisticien d'approvisionnement dans notre base arrière à Abidjan pour le delà de son rôle de logisticien, il était l'interlocuteur avec les armées programme d'urgence au Liberia durant la guerre. C'était sa première mission, mais il impressionnait déjà par sa capacité et sa volonté à relever immédiatement les défis et par son engagement dans le ivoirienne et française et les milices de la région. En décembre 2004, Thomas a travaillé au Darfour. D'abord à Nyala, puis à El Genina, où il est resté jusqu'en juin de cette année. travail. Il est très vite devenu un personnage-clé pour nos programmes au Liberia, où il était responsable En août 2005, Thomas est parti pour le Nigeria, travailler sur l'urgence nutritionnelle à Katsina. Moins d'un mois de l'approvisionnement, de la location des avions et où il négociait avec les autorités locales. Depuis, il a toujours été prêt à s'impliquer dans des crises majeures et à assumer des responsabilités importantes pour les équipes, pour après son arrivée, il est devenu le coordinateur logistique des projets MSF dans ce pays. Il a été une grande révélation pour MSF, un volontaire engagé, toujours motivé, sur lequel on pouvait compter. Il va beaucoup nous manquer. ■ P27 messages MSF N°139 Février 2006 IN MEMORIAM Hawah Kamara, chargée des ressources humaines MSF USA > Hawah Kamara © D.R. Hawah Kamara avait rejoint MSF au début des années 1990. Née au Liberia, Hawah fuit la guerre civile dans son conférence de presse d'inauguration de l'exposition « Camp de réfugiés » à Central Park en 2000, où elle avait pays en 1989, accompagnée de sa fille pour trouver refuge en Sierra Leone. Elle retourne au Liberia deux ans plus tard pour rejoindre le bureau MSF à fortement ému son auditoire, y compris les nombreux journalistes présents. Monrovia. D'abord secrétaire, elle devient ensuite administratrice, avant de migrer aux Etats-Unis. En 1999, elle travaille d'abord au département des dans un manuel scolaire destiné aux collèges américains. En 1999, Hawah a également représenté la section américaine de MSF, à Oslo, lors de la ressources humaines du bureau de New York, où elle recrute de nombreux volontaires, puis comme chargée des ressources humaines du desk pour nos programmes en Haïti, au cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix. Hawah était aimée de tous ceux qui l'ont connue — personnel des sièges et terrains, volontaires, membres du personnel national — et Guatemala, en Ouganda et au Nigeria. Hawah a souvent pris la parole au nom de MSF, notamment lors de la tant appréciée pour sa ferveur, son humour, sa chaleur et sa générosité d'esprit. ■ Son histoire « Our World » à été publiée IN MEMORIAM Patrice Pagé, Directeur général, MSF Canada Contacts Presse : [email protected] [email protected] Vos réactions et contributions : [email protected] Si vous souhaitez obtenir des informations complémentaires : - sur les activités de la section française de msf : www.msf.fr - sur les activités des autres sections de msf : www.msf.org Médecins Sans Frontières 8, rue Saint Sabin 75544 Paris Cedex 11 Tél. : +33 (0) 1 40 21 29 29 Fax : +33 (0) 1 48 06 68 68 www.msf.fr Directrice de la rédaction : Bénédicte Jeannerod Édition : Olivier Falhun Traduction : Caroline Serraf / TSF Photothèque : Alix Minvielle Mise en page : Odile Malassis / tcgraphite Conception : Exces communication Impression : Artecom. Nous avons appris le décès de Patrice Pagé, le 12 décembre 2005 à Toronto. Nous sommes terriblement choqués et bouleversés. Nous avons perdu un homme brillant, passionné, qui a tant donné au monde humanitaire. Nous partageons cette peine avec la famille de Patrice et avec son amie. Patrice Pagé avait rejoint Médecins Sans Frontières (MSF) en 1999 en tant programmes d'urgence d'Unicef à la frontière du Tchad et du Soudan. En travail avec la Confédération des Syndicats Nationaux à Montréal que responsable terrain (RT) pour une mission au Sud Soudan. Il avait auparavant travaillé deux ans au Rwanda pour le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Il a poursuivi son parcours avec MSF comme RT en septembre 2005, il a été nommé directeur général de MSF Canada. Avocat diplômé de la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke et de l'École du Barreau du Québec, Patrice détient également un diplôme de l'Institut pendant deux ans. Défenseur infatigable des populations en danger, Patrice a apporté sa vivacité d'esprit, son savoir, sa sensibilité aux causes des patients de MSF. Il a démontré sa passion pour la justice dans tout ce qu'il entreprenait. Sierra Leone et au Kosovo, puis comme chef de mission en Érythrée, en International des Droits de l'Homme de Strasbourg. Il a pratiqué le droit du Il avait 33 ans. Il nous manque à tous terriblement. ■ République démocratique du Congo, en Guinée et au Libéria. Patrice est arrivé au bureau de MSF à New York en 2001 en tant que responsable des programmes. Très impliqué dans le dossier Arjan Erkel, il a exigé et obtenu des entretiens au plus haut niveau auprès du gouvernement américain ainsi qu'auprès des Nations unies. Il a aussi participé activement aux efforts de pression en faveur de la résolution 1502 du Conseil de Sécurité de l'ONU relative à la sécurité du personnel humanitaire votée en août 2003. Il a quitté MSF en 2004 pour prendre la direction des P28 messages MSF N°139 Février 2006 > Patrice Pagé © D.R.