Version française - Médecins sans frontières

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Version française - Médecins sans frontières
> N° 139 / Février 2006 / Journal interne des Médecins Sans Frontières
DOSSIER
www.msf.fr
> Pakistan © Bruno Stevens / Cosmos - Octobre 2005
Pakistan :
Les leçons d'une catastrophe
- Au temps
P4
des tâtonnements
- Témoignage
du terrain
P6
- Aider les familles à
affronter l'hiver
P7
- S'intéresser aux plus
vulnérables
P8
- L'entraide locale
déterminante face
P10
à l'urgence
- Géologique
P12
et politique
ENJEUX DÉBATS
- La recherche
opérationnelle menée
P14
sur le sida
- La Mancha à
mi-parcours
P16
Les leçons
d’une catastrophe
Numéro 139
MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Olivier Falhun
MISSIONS
- Tchétchénie
Une normalisation
en trompe-l'œil
P18
- Pologne
Aux bords de l'Europe,
les camps de réfugiés
P19
tchétchènes
- Angola
Une fermeture
P21
et ses fissures
RESSOURCES
- Le projet de rémunération internationale P22
- Stages & FormationsP27
- Turn over
P27
INFOS
- Face à Face,
l’autre terrain
- In memoriam
PAKISTAN
P25
P27
Quelles ont été les difficultés rencontrées par MSF au
cours de l'intervention en faveur des victimes du séisme
qui a frappé le Pakistan le 8 octobre dernier ?
Quels enseignements peut-on en tirer ? Un an après le
tsunami qui a ravagé l'Asie du Sud-Est, quelles sont
nos interrogations concernant les catastrophes naturelles ?
Les réponses de Pierre Salignon, directeur général de MSF,
de retour du Pakistan.
> Quel regard portes-tu sur notre
intervention au Pakistan ?
pour MSF l'une des plus grosses
urgences de l'année1, mais aussi un
Le séisme a été d'une force et d'une
ampleur incroyables. Il a provoqué la
destruction de villes et de villages,
sur une zone géographique étendue,
le plus souvent difficile d'accès.
Dans cette région montagneuse du
défi opérationnel à relever. Il s'agit
d'intervenir dans des zones reculées
— essentiellement accessibles par
hélicoptère —, de soigner un grand
nombre de personnes gravement
blessées, et d'assurer une prise en
Cachemire et du nord-ouest du
Pakistan, les bilans officiels font état
de 80 000 morts, et de plus de 70 000
charge matérielle des sinistrés.
Comme en Asie du Sud-Est, ce sont
les secours locaux qui ont été là
blessés. On parle aussi de trois
millions de sinistrés. Les habitants,
plus d'un mois après le séisme,
restent encore choqués, blessés et
sans abris. C'est ce qui en fait
encore les plus réactifs. Dans les
premiers jours, et malgré le chaos,
médecins et secouristes pakistanais,
puis des équipes spécialisées venues
du monde entier, se sont déployés
Le mythe d’un humanitaire triomphant a
pris du plomb dans l’aile. Car si le
tsunami a montré un exceptionnel
élan de solidarité, il a aussi souligné les
difficultés des secouristes à justifier
l’ampleur de leur intervention, alors que
les morts étaient déjà morts et que les
blessés étaient pris en charge. Dans le
même registre mais sans le même élan,
le séisme du Pakistan a provoqué moins
de morts mais plus de 70 000 blessés,
dans une région difficile d’accès et
au climat rigoureux. A l’exception
du tsunami répond donc celle du
Cachemire, une catastrophe dont les
conséquences démontrent toute la
complexité d’intervenir en urgence, et de
répondre avec discernement aux
besoins des sinistrés, ce que nous
n’avons pas toujours réussi à faire au
début de notre intervention. Côté pile
l’humanitaire peut donc induire en
erreur, côté face il peut faire des erreurs.
Peut-être est-ce là une leçon à retenir
de ces deux exceptions. ■
•••
> Niger © Didier Lefèvre / imagesandco.com – juin 2005
•••
comme ils l'ont pu. 8 000 blessés ont
convergé très rapidement vers
Mansehra, dans la province frontière
DOSSIER
Pakistan :
Les leçons
d'une catastrophe
du nord-ouest. Les opérations se
faisant à la chaîne à l'hôpital, dans
des conditions d'hygiène déplorables.
Face à l'afflux des blessés, le triage
> L’utilisation des dons
collectés suite au
tsunami :
Devant l'ampleur de l'élan
de générosité qui a suivi la
catastrophe du tsunami,
nous avons proposé à nos
donateurs de réaffecter à
notre fonds d'urgence
l'argent que nous n'allions
pas dépenser dans les
régions touchées par le
tsunami. Ils nous ont suivi
à plus de 98 % ! C'est cette
compréhension de nos
donateurs qui nous a permis,
cette année, de mener plus
d'opérations d'urgence
financées par nos propres
moyens. Nous avons pu ainsi
prendre en charge plus de
40 000 enfants sévèrement
malnutris au Niger, avec des
distributions ciblées pour
près de 50 000 familles, une
opération qui va nous coûter
près de 14 millions d'euros.
Ce fonds d'urgence permet
aussi de financer les opérations que nous menons
actuellement au Pakistan.
était inexistant, et le suivi postopératoire très limité. C'est ce qui
explique en partie nos difficultés à
trouver un positionnement médical
adapté dans les premières semaines.
Sans minimiser la difficulté de lancer
une opération de secours dans un
tel contexte, nous nous sommes
néanmoins dispersés, en multipliant
les sites d’évaluation, et sans arriver
à centraliser notre action en faveur
des blessés. En revanche, l'intervention dans des zones plus reculées a
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
En début de semaine, deux jeunes psychologues
pakistanaises ont rejoint notre équipe. Fozia vient de
Mansehra et Farzana de Abottabad. Quatre-vingts patients ont été examinés
ou pris en charge depuis le début du programme (24 octobre 2005).
Il faut tenir compte du fait que les thérapies sont individuelles et non
collectives, du fait de la conception culturelle de l'aide psychologique. Les
gens préfèrent l'intimité et la confidentialité : un secret reste un secret,
même dans une situation de catastrophe généralisée. La majorité des gens
nous ont dit ressentir des symptômes tels que la dépression, l'angoisse, le
chagrin, la méfiance, la peur et la tristesse, mais aussi des symptômes
physiques et psychosomatiques comme la douleur, l'insomnie, la migraine,
le manque de repos, les palpitations, les tremblements, une forte sudation.
SEMAINE 5
truction. Cela prendra plusieurs mois
au Pakistan.
avons mis en place une structure
hospitalière temporaire (sous tentes)
à Mansehra. Elle permettra de
été plus rapide. Des distributions de
tentes et de matériel de premier
secours ont notamment commencé
> Du point de vue opérationnel,
quels enseignements tires-tu de
cette catastrophe ?
délivrer des soins spécialisés
(chirurgie reconstructive). Cet hôpital
composé de 200 lits et de 4 blocs
dix jours après le séisme ; elles se
sont poursuivies sur les sites où les
Le séisme du Pakistan a réaffirmé
notre volonté d'être réactifs face aux
opératoires est désormais fonctionnel. Dans les mois à venir, nous
sinistrés se sont installés.
Il faut enfin dire que la phase critique
catastrophes naturelles, qui restent
un enjeu opérationnel. Il nous a
serons ainsi capables d'assurer la
poursuite des soins aux blessés et de
est loin d'être terminée ; elle pourrait
même « rebondir », en raison de
montré qu'il fallait agir vite, et que le
temps pressait face au nombre
répondre aux urgences. De nouveaux
outils à présent disponibles à MSF
l'hiver rigoureux, et du nombre de
sans abris. C'est pourquoi les secours
de blessés. De plus, malgré nos
difficultés de positionnement des
(les tentes gonflables par exemple)
nous offrent également la possibilité
internationaux doivent soutenir les
efforts locaux dans la durée, le temps
que les choses se réorganisent et que
premiers jours, il ne faut pas se
démobiliser. Au regard du nombre de
cas à opérer, parfois à plusieurs
d'envisager de nouvelles stratégies
opérationnelles à l'avenir. Une
réflexion s'impose enfin concernant
l'argent des bailleurs permette
d'enclencher le processus de recons-
reprises, et de la destruction de la
plupart des hôpitaux locaux, nous
les abris et le matériel adaptés aux
conditions hivernales. Les standards
Thierry Allafort-Duverger
Responsable des Urgences
> Pakistan © Bruno Stevens / Cosmos - Octobre 2005
P2
messages MSF N°139 Février 2006
humanitaires dans ce domaine sont
bas. A nous de les faire évoluer en
fonction des réalités de terrain.
> Un an après le tsunami, les Nations
unies, comme certains médias, ont
regretté la faible mobilisation qu'a
engendrée ce tremblement de terre.
Qu'en penses-tu ?
La mobilisation en faveur des victimes
du tsunami a été « extraordinaire »2.
Mais on ne peut considérer cette
tragédie comme un point de référence.
D'autant que l'argent collecté à la suite
de cette catastrophe a dépassé la
capacité des organisations à le
dépenser. Les Nations unies comme
d'autres acteurs feraient bien de le
reconnaître. A MSF, l'argent collecté
puis désaffecté du tsunami nous a
permis de mener trois urgences
> Pakistan © Stephan Grosse Rueschkamp / MSF - Octobre 2005
majeures en 2005 : d'abord en faveur
des victimes du tsunami, puis des
enfants souffrant de malnutrition sévère
au Niger, qui étaient, eux, en danger de
intervention. Notre action peut se
limiter à l'évaluation des besoins
auxquels nous sommes aptes à
répondre. Mais lorsque nous consta-
mort immédiat, et enfin, des sinistrés du
tons in situ que ceux-ci sont couverts ou
qu'ils le seront au moment où nous
dissocier la réflexion des constats de
terrain. Si nous décidions le lancement
des opérations en fonction d'a priori ou
de critères dogmatiques (ce qui est
pourrons être opérationnels, pourquoi
intervenir ? Notre décision n'est que la
du MSF et ce qui ne l'est pas) ou de
la couverture médiatique et de la
suite logique d'un constat fait sur place,
à l'image de notre décision récente
mobilisation du public, nous interviendrions dans un intérêt dissocié de celui
d'intervention dans le sillage de la
tempête Stan, au Guatemala. Ceci dit,
des victimes. Il me paraît donc
important de préserver un espace des
donateurs. Nous avons privilégié la
réponse aux urgences, parce que la
plusieurs points me paraissent importants. Le premier réside dans la diffi-
possibles pouvant sortir des terrains
balisés de l'association, quand cela
« reconstruction » n'est pas notre
métier. Elle relève de la responsabilité
culté de résister à la pression
médiatique. On l'a vu pour le tsunami.
Dans un premier temps, notre décision
répond dans certains contextes aux
besoins des populations. Mais il nous
faut aussi résister à l'envie d'en faire
d'interrompre la collecte a parfois été
trop, quand il appartient aux Etats ou
mal comprise : elle allait à contresens
de l'émotion suscitée dans le public par
les images de la tragédie. Il est pourtant
aux institutions internationales de faire
face à leurs responsabilités. ■
étrange de voir une opération de
collecte spontanée se dérouler avant
même l'évaluation des besoins.
Nos équipes sur le terrain nous l'ont
rapidement rappelé. Reste que face à la
1- 500 volontaires interviennent répartis
séisme au Pakistan, avec trois fois plus
de blessés à assister que pour le
tsunami. Autrement dit, nous avons pu
porter secours à des populations en
danger dans des crises oubliées ou
moins médiatiques, sans faire une
nouvelle fois appel à la générosité des
des Etats, des institutions financières
internationales (Banque mondiale en
particulier) ; moins de celle des ONG (et
donc des donateurs privés). Il faut aussi
noter que la mobilisation en faveur des
victimes pakistanaises du séisme n'est
pas inexistante. On parle de près de six
milliards de promesses de la part de la
communauté internationale. C'est assez
exceptionnel pour être souligné.
Reste que les promesses ne font pas les
secours, l'expérience de l'ouragan Mitch
en témoigne3. On doit évidemment le
Pakistan sont plus importants.
Toutefois nous devons éviter de
sur trois sections (Hollande, Belgique et
France). En termes financiers, le budget
international engagé pour cette urgence
est sensiblement équivalent à celui du
pression de nos donateurs, et prenant
acte de leur mobilisation exceptionnelle, nous avons parfois accepté d'en
tsunami, et représente environ
déplorer, mais pour ce qui nous
concerne, nous devons nous assurer de
fournir les secours en fonction des
besoins, de nos compétences et de nos
capacités, quelles que soient les
victimes.
faire « un peu plus », en menant des
projets dont la pertinence a été
questionnée dans les débats internes.
C'est le cas pour les projets que nous
avons lancé au Sri-Lanka et en
Indonésie, visant à la construction de
2- Autour de 10 milliards d'euros de
> MSF n'est pourtant pas intervenue
suite à l'ouragan Katrina, qui a
petits bateaux (150 environ) à destination des pêcheurs ayant perdu leur
unique moyen de subsistance4. En
récemment frappé la NouvelleOrléans. Pourquoi cette différence
de réaction ?
Encore une fois, la réactivité ne doit pas
systématiquement se traduire par une
avons-nous trop fait dans les régions
ravagées par le tsunami ? Il faut se
poser la question, car, avec un peu de
distance, on doit reconnaître que les
besoins identifiés après le séisme au
24 millions d'euros (5 pour la section
française).
promesses des Etats en faveur de la
reconstruction, et des dons privés
quasiment identiques (à hauteur de
6 milliards), ce qui était inédit.
3- En 1998, la communauté internationale
avait promis 9 milliards de dollars pour
la reconstruction en Amérique centrale.
Pour l'essentiel, cette promesse ne
s'est jamais matérialisée.
4- A l'inverse, nous avons décidé,
au même moment, de ne pas distribuer
directement de l'argent aux populations
sinistrées.
P3
“
Un risque naturel se
caractérise par
la combinaison de l'aléa
(c'est-à-dire le phénomène
géologique générateur) avec
la vulnérabilité (l'effet sur
les installations humaines).
Beaucoup de séismes
importants passent
inaperçus lorsqu'ils frappent
des régions inhabitées.
Ce qui caractérise un risque
aujourd'hui, au plan de son
impact, ce qui en fait une
catastrophe, c'est bien
l'exposition des hommes.
Au point que l'une des
conclusions de la décennie
internationale pour la
prévention des catastrophes
naturelles (DIPCN), qui s'est
achevée en 2000, a été de
considérer qu'il ne fallait
plus parler de « catastrophe
naturelle ». Si l'aléa naturel
existe, qu'on ne peut
empêcher, c'est bien la
vulnérabilité sociale qui
transforme le phénomène
en catastrophe.
“
Texte de présentation d'un
débat organisé par l'association 4D - « Dossiers et débats
pour le développement
durable » Paris, 27 janvier
2005 - repris par Jean-Pierre
Dupuy dans son livre Petite
métaphysique des tsunamis Jean-Pierre Dupuy septembre 2005 - Editions
du Seuil
messages MSF N°139 Février 2006
DOSSIER
Pakistan :
XXXXXXXX
Les leçons
d'une catastrophe
> A propos du Pakistan :
“
- Vos interventions semblent
souligner que les réactions
premières n'ont pas été
à la hauteur…
Vous semblez fâchés, mais
contre qui exactement ?
- Contre nous, car
je pense que nous
pouvons mieux faire.
“
Question de Marc Lavergne,
réponse de Pierre Salignon :
Extrait du procès-verbal du
Conseil d'administration MSF
France - 25 novembre 2005
“
Avec un volume aussi considérable, 70 000 blessés,
il faut être réaliste et savoir
que cela ne peut impliquer
que de grosses difficultés
pour assurer une bonne
prise en charge initiale.
De mon point de vue, il
m'apparaît que nous avons
un peu tardé à nous fixer
la prise en charge
opérationnelle des blessés
comme une priorité :
cet axe aurait dû primer sur
la visite de villages reculés.
“
Jean-Hervé Bradol : Extrait
du procès-verbal du Conseil
d'administration MSF France
- 25 novembre 2005
> Pakistan © Rémi Vallet / MSF - Novembre 2005
URGENCE PAKISTAN
Au temps des tâtonnements
MSF / Décembre 2005 / Rémi Vallet
Suite au séisme du 8 octobre dernier au Pakistan, les équipes de MSF ont installé une
structure hospitalière à Mansehra. Mais il aura fallu près d’un mois et demi d'efforts et
de balbutiements pour que cet hôpital sous tentes soit enfin opérationnel. Retour sur les
difficultés rencontrées au démarrage de ce projet.
Début novembre, la situation à l'hôpital
de district de Mansehra est encore loin
d'être satisfaisante. Près d'un mois
après le séisme, les conditions d'hospi-
d'hygiène y sont déplorables et la
stérilisation douteuse.
Franck, le chirurgien MSF, s'effraie
des contaminations et des risques
> EN PREMIÈRE
INTENTION
talisation des patients sont toujours
désastreuses.
d'infections post-opératoires pour les
patients. En résumé, les standards de
Si nous avons installé six grandes
tentes d'hospitalisation, des latrines et
un système d'approvisionnement en
eau, près de 300 familles s'entassent
toujours aux abords de l'hôpital, sous
des tentes ouvertes aux courants d'air,
qualité médicale ne sont pas au
rendez-vous. Ce constat, partagé par
toute l'équipe, génère beaucoup de
frustrations.
retard. D'abord, un problème de disponibilité du matériel.
Parce qu'elles ne sont pas en stock à
et sans tapis de sol. Les quelques lits
d'hospitalisation des bâtiments hospitaliers encore debout sont occupés par
des blessés. Dès lors, les services
réguliers de l'hôpital (maternité,
pédiatrie, etc.) ne sont plus en mesure
de prendre en charge les patients qui se
présentent. Quant au bloc opératoire,
installé provisoirement dans l'ancienne
salle d'accouchement, les conditions
P4
messages MSF N°139 Février 2006
Plusieurs éléments expliquent ce
Bordeaux mais toujours en cours de
production chez le fabricant italien, les
tentes gonflables n'arriveront à
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
Au dispensaire (tente MSF de consultations psychologiques montée dans l'enceinte de l'hôpital) nous ne
pouvons pas nous charger des gens atteints de maladies psychiatriques
chroniques qui viennent consulter. Il faut leur expliquer, à eux ou à leurs
proches, qu'ils doivent aller consulter un psychiatre à Abottabad. Mais nous
ne sommes pas étonnés de ces demandes : la région dévastée par le
séisme ne comporte aucune structure spécifique de consultation pour les
soins psychiques.
SEMAINE 6
de notre opération, mais les autorités
locales préfèrent alors compter sur les
promesses d'aide de l'Arabie Saoudite.
Faute de pouvoir prendre pied, nous
nous réorientons donc vers l'hôpital de
Battagram, pour y renforcer les équipes
chirurgicales, assurer des soins postopératoires… et tenter d'y monter notre
structure hospitalière gonflable. Mais
alors que les négociations pour ce
projet tournent court à Battagram, le
ministère de la Santé pakistanais
reprend contact et insiste pour que
nous travaillions dans l'hôpital de
Mansehra, où les Saoudiens ne sont
jamais venus ».
Islamabad qu'à la fin du mois d'octobre.
« Disponibles au premier jour
de l'urgence, nous aurions pu les
installer au début de notre
intervention », estime Sinan, référent
chirurgie au département médical et
coordinateur médical au Pakistan.
Toujours est-il que ce retard de livraison
accroît la difficulté de nous ménager un
espace de travail, ce qui nous fait perdre
quelques semaines supplémentaires.
« Dès le début, nous avons cherché à
travailler à l'hôpital de Mansehra,
rappelle Nick, chef de mission au début
Neuf tentes gonflables — 1 000 mètres carrés au total —, quatre blocs
opératoires, une salle d'urgence, une unité de soins intensifs, 120 lits
d'hospitalisation. La structure hospitalière montée à Mansehra est
impressionnante. Installée à côté de l'hôpital de district, elle fonctionne
en étroite collaboration avec ce dernier, afin de soigner dans de bonnes
conditions les blessés et les patients qui ont subi des complications.
Dans cette phase d'urgence médicale prolongée, elle prend aussi en
charge les autres urgences. Déchargé de cette partie du travail, l'hôpital
de district bénéficie ainsi d'une période de transition pour entreprendre
les travaux de réhabilitation ou de reconstruction nécessaires, et qui lui
permettront de retrouver un fonctionnement normal.
Lorsque les équipes médicales et logistiques s'implantent dans l'hôpital de
Mansehra, le mois d'octobre touche
déjà à sa fin.
serait plusieurs volontaires à plein
temps et retarderait donc le montage de
l'hôpital. Or il faut aboutir vite sur ce
projet, à la fois pour rétablir des soins
alors du matériel (tentes, couvertures,
kits d'hygiène et de cuisine) et paye le
transport. Mais certaines familles
partent sans démonter les tentes
> OUVRIR L'UN POUR
FERMER L'AUTRE
corrects pour les patients, mais aussi
pour prouver à nos interlocuteurs
locaux que nos promesses ne sont pas
installées dans le camp. Pour édifier
l'hôpital à cet endroit, il va falloir être
plus strict. Ce qui ne va pas sans
Recentrée sur Mansehra, l'équipe
entreprend d'améliorer les conditions
des paroles en l'air, et ainsi renforcer
notre marge de manœuvre dans les
négociations. La mise de côté de
susciter quelques tiraillements dans
l'équipe.
d'hospitalisation (installation de tentes
et d'équipements sanitaires), tandis que
la stérilisation du bloc, au nom de
l'objectif principal de monter l'hôpital,
> OPÉRATIONNELS
LE 21 NOVEMBRE
Sinan gère les discussions avec l'hôpital
pour installer notre structure hospita-
illustre bien nos limites et la difficulté
des choix opérationnels.
lière. En revanche, rien n'est fait pour
mettre en place une stérilisation
correcte dans le bloc opératoire.
Aurions-nous dû et aurions-nous pu le
faire ? « Le bloc est dans un état déplorable, et il faudrait bien sûr l'améliorer,
mais nous ne pouvons pas tout faire,
tranche Sinan. La priorité, c'est d'ouvrir
au plus vite notre propre structure
chirurgicale pour pouvoir fermer ce
bloc. » Pour lui, arriver à un résultat
correct dans le bloc prendrait autant de
temps que de monter l'hôpital, mobili-
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
La majorité des patients qui viennent au dispensaire
ont été affectés par le séisme, mais la plupart du
temps, après trois ou quatre séances, la structure déstabilisée ou
perturbée de la vie familiale ressurgit. Aussi, une séance individuelle
devient-elle parfois une séance familiale ou dyadique. Nous observons que
le séisme a permis à d'anciens symptômes psychologiques de ressurgir. A
présent, tout le monde parle de trauma, parce que c'est une réalité admise
et évidente depuis la catastrophe. Il y a moins de réticence à évoquer alors
d'anciens traumas ou des relations perturbées, et une détresse psychologique familiale. Peu à peu, la structure de la société se révèle. Les
membres des familles nombreuses et les castes sont le fondement de la
structure sociale. Ainsi, le travail auprès des familles me donne l'occasion
de découvrir certaines règles strictes concernant les traditions. Parfois,
ces règles, en particulier pour les patients de la jeune génération, vont à
l'encontre de la personnalité même de l'individu en tant que tel, aussi le
trauma apparaît-il dans le cadre d'un trouble sous-jacent. Le séisme a été
le moyen de mettre librement au jour leurs voeux propres, oubliés dans la
vie quotidienne.
SEMAINE 10
A MANSEHRA, UN HÔPITAL « GONFLABLE »
POUR ASSURER LA TRANSITION
> LES DIFFICULTÉS
S'AMONCELLENT
Certains craignent de se transformer
en « huissiers ». D'autres doutent que
notre aide matérielle garantisse de
meilleures conditions de vie aux
Or, les ressources humaines sont
limitées. D'autant que jusqu'au
6 novembre, cinq volontaires sont
mobilisés à plein temps par l'unité de
soins pour le tétanos : un pari opérationnel qui aurait pu s'avérer pertinent. Mais il
y a finalement eu peu de cas de tétanos
après le séisme et le centre a ouvert trop
tardivement, à cause de problèmes de
livraison du matériel, si bien qu'il n'a
accueilli en tout et pour tout que deux
patients [voir page suivante - ndlr]. Le 6
novembre, le dernier patient est
transféré vers un hôpital d'Islamabad et
notre centre ferme ses portes. Toute
l'équipe semble alors remobilisée par
le projet d'hôpital, mais son ouverture
semble encore bien lointaine. Sur le
terrain identifié pour l'installer, 140
tentes abritent 250 familles et plus de 900
personnes. Avec, au minimum, un blessé
par tente. Avant de pouvoir monter
l'hôpital, il faut faire de la place. Et donc
trouver des solutions alternatives
d'hébergement, avec une garantie
d'accès à des soins adaptés pour les
patients qui ont encore besoin d'un suivi
régulier.
Aux familles qui voulaient rentrer dans
familles, qui ne savent pas toujours
ce qu'elles vont retrouver dans leur
village d'origine. « On est là pour
aider les gens, pas pour libérer de
l'espace », insiste un infirmier. Certes,
mais pour monter l'hôpital rapidement
et rétablir des soins de qualité, libérer
de l'espace s'avère indispensable.
L'ouverture du premier « village
médical » (centre de convalescence
pour les blessés et leurs familles), le
9 novembre, marque une accélération
du processus.
D'une part, 25 familles déménagent
d'un seul coup, et le démontage de
leurs tentes près de l'hôpital permet
enfin de faire de la place. D'autre part,
la satisfaction de ces premiers relogés
contribue à diminuer l'inquiétude des
équipes et à atténuer la méfiance
d'organisations locales, qui accusaient
MSF de chasser les gens. Dans les
jours qui suivent, d'autres villages
médicaux ouvrent, et le travail logistique d'installation de l'hôpital
leur village d'origine, l'équipe distribue
commence. Le 21 novembre, notre
structure hospitalière peut enfin ouvrir
ses portes à Mansehra, permettant
dans la foulée de fermer l'ancien bloc
opératoire. Depuis, plus de 500
patients y ont été soignés. ■
P5
messages MSF N°139 Février 2006
“Wait and see”
MSF / Janvier 2006 / Raouf Abdellaoui, infirmier
Le rapport de fin de mission de Raouf Abdellaoui, infirmier MSF arrivé au Pakistan deux
semaines après le séisme, illustre à la fois la frustration des débuts et le soulagement
ressenti après certaines hésitations.
DOSSIER
Pakistan :
Les leçons
d'une catastrophe
> Réponse de JeanHervé Bradol à Arte,
à propos de l’argent
collecté par les
acteurs de l’aide
après le tsunami :
“
L'argent est corrupteur.
C'est aussi vrai pour une
organisation de secours
humanitaire que pour
un individu ou d'autres
institutions. Lorsque vous
avez de manière artificielle
un excès de moyens
financiers qui arrivent
dans votre organisation,
en général ça vous rend
inefficace et ça produit
du gaspillage. Vous avez
à ce moment-là des équipes
de terrain qui fonctionnent
à l'envers, pas en fonction
des besoins qu'elles voient
sur le terrain, en appelant
leur siège pour réclamer
des moyens pour répondre
à ces besoins, mais en
recevant des messages
de leur siège pour leur dire
« Il faut absolument que
vous utilisiez de l'argent
parce que l'argent est là ».
Et cette inversion
de la perspective pour
l'organisation des secours,
dans la tête des travailleurs
qui fabriquent ces secours,
et bien cela s'appelle
travailler à l'envers.
Et quand on travaille
à l'envers, on obtient de
mauvais résultats...
“
Jean-Hervé Bradol
Un an après le tsunami Entretien télévisé. Arte Décembre 2005
P6
Je suis arrivé au Pakistan le
25 octobre. Avec l'aide d'une autre
infirmière, ma mission consistait à
En fait, nous avons réellement
commencé à travailler quand nous
avons décidé de ne plus suivre les
malades. La majorité d'entre
eux n'établissaient pas de bons
diagnostics, et les traitements
mettre en place une unité de soins
intensifs à destination des patients
atteints du tétanos, en dehors de
l'hôpital de district de Mansehra. J'ai
directives, et nous avons ainsi pu
ouvrir une salle de pansements,
malgré l'absence d'un quelconque
soutien à notre initiative. Cette
proposés n'étaient pas toujours
adaptés. Je me retrouvais face à un
dilemme : Devais-je appliquer le
traitement prescrit ? Devais-je leur
également été chargé d'acheter un
moniteur cardiaque, du matériel
d'oxygénation et des ventilateurs à
Islamabad, mais je n'ai pas trouvé de
décision nous a pourtant permis de
constater les conditions d'hygiène des
patients comme la gravité de leur
blessure, et d'établir une nouvelle
fournir ces médicaments si nous
avions la certitude qu'ils ne seraient
pas bien utilisés ?
Rapidement confrontés à ces
bons ventilateurs.
En urgence, nous sommes arrivés
directement de Bordeaux (France),
et quelle ne fut pas ma surprise de ne
stratégie (bloc opératoire, greffe de
peau, nouveaux antibiotiques), nous
permettant finalement de pouvoir
mettre un pied dans l'hôpital, et de
questions, nous avons organisé
plusieurs réunions avec les médecins
du ministère de la Santé, et des
arrangements furent trouvés. Au
voir arriver aucun patient dans notre
commencer à travailler.
moment où je quitte le Pakistan pour
centre d'admission “tétanos”, une fois
celui-ci opérationnel. C'est la raison
pour laquelle je pense que cette
Grâce à la nouvelle équipe prompte à
s'investir dans l'enceinte de l'hôpital,
les choses ont commencé à s'accélé-
rentrer chez moi, mon sentiment est
que les choses vont de mieux en
mieux. Maintenant, pour les cas diffi-
décision a été prise sans mûrir la
rer, et je me suis senti plus à l'aise.
ciles ou pour les réanimations, ils
réflexion préalable.
Je n'ai pas compris que nous
puissions dépenser autant d'argent et
L'évaluation des patients dans leur
globalité, la présence dans le bloc
opératoire de notre chirurgien, la
n'hésitent pas à nous appeler.
Quant à ma collaboration avec les
personnels de santé du dispensaire,
d'énergie pour monter cette unité de
soins intensifs (qui n'a reçu en tout et
physiothérapie, la salle de pansements et les visites médicales aux
les choses s'améliorent très
lentement. J'ai essayé de leur
pour tout que deux patients) alors que
de nombreux blessés restaient sans
patients alités nous ont permis
d'asseoir nos arguments pour
apprendre les règles d'hygiène de
base, certains y prêtent attention,
soins, sans médicaments, et sans
pansements, à un kilomètre de là.
Nous avons dû attendre le renouvellement de la majorité des membres
proposer l'établissement d'un hôpital
sous tentes gonflables.
J'ai alors ressenti une réelle fierté à
participer à ce projet, parce que nous
d'autres moins. Comme je ne suis pas
leur supérieur, je ne peux pas trop
insister, et je ne suis d'ailleurs pas
sûr que cela fasse partie de mes
de l'équipe pour nous entendre dire
ce que nous attendions depuis dix
jours, à savoir se ménager un endroit
pour pouvoir assurer correctement la
prise en charge des patients. Cette
longue période sans activité ni
programme fut réellement stres-
faisions face à de nombreux défis : la
relocalisation de nombreux patients
dans un village médicalisé, l'organisation de l'hôpital, la stérilisation, le
bloc opératoire, et, personnellement,
le défi de mettre en place une
structure d'urgence — avec une seule
objectifs.
J'ai tellement appris au cours de cette
mission que je me sens triste à l'idée
de quitter l'équipe. Ce programme fut
pour moi le plus intéressant des trois
auxquels j'ai participé depuis que je
travaille avec MSF. Cela m'a vraiment
sante, et j'ai ressenti un véritable
sentiment de honte à voir autant de
expérience au service des urgences
dans un hôpital en France —
plu — même si je me plains tout le
temps — et je me sens vraiment très à
patients nécessiteux : alors que nous
avions les matériels et les fournitures
médicales disponibles en pharmacie,
nous ne faisions rien pour eux,
s'entendant toujours répondre “wait
and see”. Par exemple, la population
m'enthousiasmait. Toutefois, nous
avons rapidement rencontré des
difficultés, parce que nous n'avions
pas pris le temps de comprendre,
avant l'ouverture de ces Urgences, la
manière dont les personnels de santé
l'aise dans mes relations, qu'il
s'agisse du personnel national ou
international. J'ai aussi rencontré des
médecins du ministère de la Santé qui
étaient vraiment très compétents,
c'était un plaisir de bosser avec eux.
n'était pas vaccinée contre le tétanos,
mais nous n'avons songé à organiser
la vaccination qu'après le 10
novembre, soit un mois après le
travaillaient avant le séisme. Pour
moi, la première difficulté a été de
trouver ma place d'infirmier, dans un
système qui n'offrait pas de soins de
Les difficultés n'ont d'ailleurs fait
qu'accroître mon intérêt pour ce
projet. J'ai d'ailleurs rencontré des
gens très intéressants dans l'équipe,
tremblement de terre, pareil pour la
salle de pansements, pour la physiothérapie ou le suivi des patients…
qualité aux patients, les médecins du
ministère de la Santé ne prenant pas
toujours le temps de visiter les
et j'espère les revoir au cours
d'une prochaine mission, après les
vacances… ■
messages MSF N°139 Février 2006
URGENCE PAKISTAN
Aider
les familles à affronter l'hiver
MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Rémi Vallet
Nick Lawson était le chef de mission de MSF au Pakistan jusqu'au 10 décembre.
Arrivé deux jours après le séisme du 8 octobre, il a supervisé la mise en place de nos
programmes de secours médicaux et matériels dans la province de la Frontière du NordOuest, voisine du Cachemire et elle aussi dévastée par la catastrophe. Il fait le point
sur la situation de la population dans notre zone d'intervention à l'arrivée de l'hiver, sur
les besoins des personnes qui se retrouvent sans abri, sur les projets que nous mettons
en œuvre pour leur venir en aide et sur les blessés qui ont toujours besoin de soins.
> Deux mois et demi après le
tremblement de terre au Pakistan,
quelles inquiétudes suscite l'arrivée
dans les prochains jours. Pour
l'instant, nous n'avons pas constaté
d'augmentation significative du
n'aient pas reçu suffisamment de
matériel. Malheureusement, nous
n'avons pas la capacité de nous rendre
de l'hiver pour la population des
régions dévastées ?
Au lendemain du séisme, la grande
nombre de maladies ou de décès dus
au froid. La forte mobilisation
nationale et internationale a permis
dans tous ces villages pour y distribuer
des chauffages. D'autant qu'il faudrait y
retourner pour assurer un approvision-
crainte était que des dizaines de
milliers de personnes se retrouvent
une distribution étendue de tentes, de
couvertures et de divers articles de
nement régulier en kérosène. Quoi qu'il
en soit, si les stratégies habituelles
sans abri à l'arrivée de l'hiver dans
cette région montagneuse. Cette
secours. Mais les conditions de
vie précaires dans les camps de
pour affronter l'hiver sont trop perturbées, si les conditions de vie deviennent
inquiétude était renforcée par
les difficultés logistiques dues à
déplacés (regroupement de population, infrastructures sanitaires
trop difficiles pour les familles qui ont
perdu leur maison, elles ont toujours
la destruction des routes. Leur réouverture a permis d'acheminer des secours
matériels (tentes, couvertures, etc.) en
limitées, conditions climatiques difficiles, etc.) imposent à toutes les
organisations présentes sur place
la possibilité de descendre dans
les vallées. Le gouvernement pakistanais a annoncé qu'il maintiendrait
grandes quantités. D'autre part,
d'être vigilantes.
les routes ouvertes pendant tout
beaucoup de familles sont descendues
des villages de montagnes. Dans les
districts de Batagram et de Mansehra,
Si l'hiver déclenchait une forte
mortalité parmi la population
sinistrée, ce serait un échec pour tous
l'hiver pour permettre à ceux qui le
souhaitent de se déplacer. ■
environ 100 000 personnes se sont
les acteurs déployant leur aide dans
installées dans des centaines de camps
disséminés dans toute la zone. D'un
camp à l'autre, les besoins en termes
d'infrastructures sanitaires, d'accès à
l'eau potable, de qualité des abris, etc.,
la région.
sont extrêmement variables. Mais la
problématique commune à toutes les
feront-elles pour survivre ?
Traditionnellement, plus de 80 % de
familles, c'est de se préparer à affronter
le froid. Nous avons identifié des
familles qui ont reçu des tentes
de mauvaise qualité que nous échangeons contre des tentes adaptées
aux conditions climatiques. Nous distribuons aussi des couvertures supplé-
la population des villages de montagne
descend vers des zones aux températures plus clémentes pendant l'hiver.
Cette année, il est probable que
les gens descendent plus bas que
d'habitude.
Lorsque des familles décident de
mentaires et d'autres biens de première
nécessité, en fonction des besoins.
rester, c'est parce qu'elles savent
comment faire pour passer cette
Pour le chauffage, compte tenu des
risques d'incendie — fin novembre,
plusieurs personnes sont mortes à
Mansehra lorsqu'une bougie a mis le
feu à deux tentes —, la meilleure
solution que nous avons trouvée
période difficile. Au début de notre
intervention, deux équipes MSF
étaient présentes dans les vallées
d'Allaï et de Kaghan. Elles y ont
distribué des tentes et des couvertures, et mis en place des consultations
aujourd'hui est un système de
chauffage au kérosène, que nos
médicales. Bien qu'elles aient couvert
des zones assez étendues, il est
équipes commenceront à distribuer
possible que certains villages isolés
“
Ajuster les secours
en fonction des besoins
des victimes et non
de la sympathie que
l'on éprouve pour elles
reste le rôle essentiel
des organisations
humanitaires.
Rony Brauman.
in Télérama n° 2915
22 novembre 2005
“
> Reste-t-il beaucoup de monde
dans les montagnes ?
Comment ces personnes-là
> Pakistan © Remi Vallet / MSF - Novembre 2005
P7
messages MSF N°139 Février 2006
S'intéresser
aux plus vulnérables
DOSSIER
MSF / Novembre 2005 / Propos recueillis par Laurence Hugues
Pakistan :
Les leçons
d'une catastrophe
Responsable des Urgences, Thierry Allafort-Duverger fait le point sur nos opérations de
secours aux victimes de catastrophes naturelles. S'il n'y a jamais deux catastrophes semblables, les principes d'intervention restent les mêmes : identifier des besoins non couverts par
les acteurs locaux ou internationaux et ajuster la réponse aux populations les plus vulnérables. Des moyens de secours adaptés sont nécessaires, tout comme la nécessité de
continuer à innover, au niveau médical et logistique.
> Combien ça coûte ?
Le coût des opérations de
secours aux victimes de
catastrophes naturelles est
toujours très élevé. Un avion
cargo (un « full charter »
dans le jargon MSF) coûte
entre 50 000 et 200 000
euros, en fonction de la
distance. Les tentes « hivernisées » que nous envoyons
au Pakistan coûtent, après
négociations, près de 200
euros pièce. Nous devons
louer des hélicoptères pour
arriver à accéder aux
endroits les plus reculés :
l'heure de vol est hors de
prix…
Thierry Allafort-Duverger
Responsable des Urgences
Commençons par rappeler deux
éléments importants : tout d'abord,
ce sont les secours locaux qui inter-
les équipes sur place réagissent
immédiatement. Nous avons ainsi pu
intervenir rapidement après le séisme
de la dynamique de la crise — que
vont faire les populations, quelles vont
être les décisions gouvernementales,
viennent en première ligne. De plus, il
n'y a jamais deux catastrophes
naturelles semblables, tant en termes
de conséquences médicales que
de Bam, en décembre 2003, ou encore
cette année au Guatemala après le
passage de Stan. De même, les
équipes de MSF-H et de MSF-B
etc. En d'autres termes, il nous faut
mener une analyse de terrain la
plus fine possible. Car, une fois
réalisées les premières distributions
d'assistance aux sans-abri.
présentes au Pakistan et en Inde ont
« standardisées » de matériel de
Cela étant posé, nous avons été
amenés, ces dernières années, à
pu assurer les premières évaluations
et nous faire part de leur perception
première urgence, il est essentiel de
demander aux populations affectées
intervenir relativement souvent
auprès de victimes de catastrophes
de la gravité de la situation juste
après le séisme d'octobre dernier.
de quoi elles ont besoin.
Bien évaluer le type de réponse que
naturelles : après le passage de
l'ouragan Mitch, fin 1998 au
Honduras, après le tremblement de
A J+1, les estimations officielles
faisaient état de plusieurs dizaines de
milliers de blessés. Nous avons alors
nous allons pouvoir apporter n'est
pas facile, parce qu'il faut être à la fois
très réactif et définir très finement les
terre de Bam, le 26 décembre 2004
décidé d'intervenir.
besoins, plutôt qu'apporter une
en Iran, après le tsunami en Asie du
Sud-Est, un an après, après les inondations en Chine — à plusieurs reprises —,
Au fil des évaluations, notre réponse
opérationnelle a dû s'adapter jour
après jour, presque heure par heure, à
réponse globale et massive.
En ce sens, le mode de réponse
gouvernemental est lui aussi décisif.
ou encore, tout récemment, après le
l'ampleur de ce qui s'annonce aujour-
Un pays à l'administration structurée
séisme au Cachemire.
En nous appuyant sur notre
expérience opérationnelle, nous
d'hui comme une des catastrophes les
plus dramatiques de ces dernières
années, au regard du nombre
va forcément répondre de manière
plus adéquate qu'un pays où la guerre
a tout dévasté. Notre réponse à Bam
avons développé des logiques et des
réflexes d'intervention que nous
de blessés — plus de 60 000 au
Cachemire pakistanais — et de
s'est ainsi faite aux côtés d'un
Croissant rouge et d'un gouverne-
devons adapter à chaque nouvelle
situation. Mais nous devons également
l'ampleur des populations déplacées.
Contrairement à Bam, par exemple,
ment iranien efficaces. De même, si le
tsunami avait touché la Somalie
continuer d'améliorer nos capacités
de réponse, qu'il s'agisse de notre
réactivité ou de notre adaptation aux
besoins des populations les plus
fragilisées. Car les conséquences
sociales et économiques de ces
catastrophes naturelles ne sont pas
où le séisme avait fait un nombre très
important de morts, des victimes
étouffées sous l'écroulement des
maisons en terre, mais relativement
moins de blessés.
Il nous faut aussi adapter notre action
en fonction des interventions des
sur une plus grande échelle, la
réponse des secours locaux aurait
certainement été différente de ce
qu'elle fut en Indonésie. Suite aux
inondations en Chine, en revanche,
nous n'avons pas trouvé la « plusvalue » que nous aurions pu apporter :
les mêmes pour tous : les populations
les plus démunies avant ne le seront
autres acteurs sur le terrain — qui fait
quoi, comment, et où — et en fonction
l'armée chinoise a répondu massivement aux besoins des milliers de
pas moins après, au contraire. Notre
attention doit donc tout particulièrement porter sur les plus vulnérables.
> Face à une catastrophe naturelle,
quels sont les éléments qui
l'emportent dans notre décision
et dans le choix de notre mode
d'intervention ?
L'ampleur de la catastrophe est bien
sûr un élément déterminant. Notre
logique opérationnelle implique que
P8
messages MSF N°139 Février 2006
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
Mes activités parmi les patients hospitalisés ont
beaucoup diminué, je m'attache davantage aux
patients du dispensaire. Au contraire, Fozia et Farzana se préoccupent
davantage de la logistique et de la réalité des chambrées de l'hôpital. Cette
semaine, Fozia a examiné 19 patients et 12 doivent être suivis ; Farzana en
a examiné 14, dont 4 qui doivent être suivis. Ces deux dernières semaines,
nous avons suivi 31 patients au total, à l'hôpital, dans les villages médicaux
et au dispensaire.
SEMAINE 11
> Honduras © illustrious - Novembre 1998
personnes qui avaient dû quitter leur
maison.
Indonésie, ce qu'il lui fallait en
priorité, il a répondu « On n'a pas
un autre exemple : l'hôpital psychiatrique d'Aceh, en Indonésie. Quand
avant d'envisager l'avenir. Malgré
l'énorme mobilisation suite au
Dans le cas du Pakistan, il faut
pouvoir apporter un soutien aux
besoin de spécialistes, on a besoin
d'infirmières ». Dans l'hôpital de
une équipe de la section hollandaise
de MSF propose d'y intervenir en
tsunami, les rescapés à Aceh ont dû
attendre 25 jours avant d'obtenir les
besoins d'hospitalisation pour un
afflux massif de blessés, et des abris
Meulaboh, il y avait douze chirurgiens
aux Urgences, pour douze opérations
urgence, les autorités refusent car le
gouvernement australien s'est déjà
premières tentes. MSF était en retard,
c'est clair, mais nous avons quand
et des couvertures qui permettent aux
populations d'affronter le froid. Mais
mineures, mais personne dans les
services pour assurer les soins. Tout
mis sur les rangs pour un projet
beaucoup plus lourd, à long terme.
même été les premiers à le faire…
Il faut aussi se méfier des promesses
encore faut-il trouver rapidement le
matériel approprié. Un autre besoin
le monde voulait rester au bloc, pour
être sur la photo ! La concurrence
Du coup, il n'y a pas de réponse
immédiate. Concrètement, cela
non tenues, lancées dans les
premiers jours, et laissées sans suite
concerne les soins psychologiques
adaptés.
En Indonésie, et surtout au Pakistan,
nous avons mis en place un volet de
soins psychologiques pour les blessés
en ciblant plus particulièrement les
médiatique peut conduire à des
aberrations opérationnelles.
De plus, malgré les apparences,
ces catastrophes ne touchent pas tout
le monde de la même façon : les
populations déjà fragiles vont être
signifie, entre autres, que les patients
ne reçoivent plus de nourriture…
Il faut donc être très vigilant sur ces
questions de concurrence des
réponses, et penser à parer aux
besoins immédiats des populations
quand la crise disparaît des écrans de
télévision.
Enfin, il faut être pragmatique. C'est
un principe de base des interventions
MSF, y compris pour ce qui est
de la coordination des opérations
enfants.
> La coordination comme les
beaucoup plus affectées. Après
l'ouragan Mitch, en 1998, nous avons
décidé d'intervenir au Honduras, le
réponses apportées par les acteurs
de secours sont-elles toujours
pertinentes ?
Ces catastrophes sont généralement
très médiatisées. Parce qu'elles
touchent l'inconscient collectif, et des
pays le plus touché, en refaisant un
réseau sanitaire complet.
Mais nous nous sommes aussi rendus
compte à Choluteca, au sud du pays,
que la rivière s'était élargie sur 300 à
500 mètres, balayant les habitations
victimes « plus innocentes » que
d'autres ? Toujours est-il que cette
le long du cours d'eau, là où vivaient
déjà les populations les plus
médiatisation entraîne des réponses
plus lourdes, avec parfois des embouteillages de l'aide. Ainsi, réponse
importante ne veut pas dire réponse
efficace. Quand nous avons demandé
au directeur de l'hôpital d'Aceh, en
démunies de la région.
Les sinistrés avaient perdu tous leurs
biens, leur abri, leur travail, l'accessibilité à l'eau, sans parler de leur
famille. C'étaient eux qui avaient le
plus besoin de nous ! On peut prendre
•••
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
Cette semaine, aux Urgences de l'hôpital,
l'infirmière et le médecin de MSF nous ont adressé
plusieurs cas. Auparavant, ils nous avaient signalé des cas de tentatives de
suicide mais malheureusement, les médecins pakistanais n'ont pas voulu
garder ces patients sous observation. Dès que le patient suicidaire avait
subi son lavage d'estomac, on le laissait sortir et nous n'avions aucun
moyen de savoir ce qui avait motivé son geste. Nous n'avons eu qu'une
occasion de rencontrer un jeune garçon, qui a eu le courage de suivre au
moins deux séances de psy après sa sortie de l'hôpital. Ce mode de travail
peu coopératif nous amène à comprendre notre différence dans le mode de
prise en charge des patients. Certains médecins pakistanais ne souhaitent
pas approfondir, au risque de toucher à des traditions propres à la communauté. Les patients sont nombreux, nous en sommes frustrés. Nous avons
peu de chance de changer les choses.
SEMAINE 12
P9
messages MSF N°139 Février 2006
•••
de secours, pertinente au niveau local,
plus discutable au niveau général,
quand il s'agit d'orchestrer des actions
gravement endommagées par le
séisme, et les répliques qui se
succèdent interdisent aux équipes
matériel habituel de dialyse, lourd et
inadapté. Avoir en temps et en heure
des abris temporaires adaptés est un
différentes, parfois concurrentes.
autre des défis logistiques qu'il nous
faut relever. En leur temps, la mise en
place des kits d'urgence a permis
d'améliorer notre réactivité. Nous conti-
DOSSIER
> Quels sont d'après toi les
domaines dans lesquels MSF doit se
soignantes et aux patients de pouvoir
demeurer dans des édifices prêts à
s'écrouler. En ce sens, un bloc mobile et
modulaire s'est avéré très utile.
Pakistan :
Les leçons
d'une catastrophe
perfectionner ?
Nous avons encore beaucoup d'efforts
à fournir en amont, pour développer
notre réactivité. Nous travaillons par
Nous réfléchissons également à la
possibilité d'obtenir un avion plus
rapidement, dans lequel pourrait
embarquer, en quelques heures, une
nuons à travailler dans cette direction, à
Paris comme à la centrale logistique de
Bordeaux.
Enfin, et pour poursuivre cette logique
exemple à l'utilisation d'un hôpital
gonflable, avec un bloc immédiatement
opérationnel, qui nous permet de
monter très rapidement des hôpitaux
équipe médico-chirugicale rodée à ce
genre d'interventions, et dotée du
matériel médical nécessaire. Sur le
plan médical, il y a aussi des compéten-
de réponse adaptée aux besoins des
populations affectées, nous devrions
aussi continuer à réfléchir à la pertinence, ou non, de procéder à des
de campagne. Ainsi au Pakistan, les
structures hospitalières ont été très
ces à développer, comme les dialyses
péritoniales, qui ne demandent pas le
distributions d'argent. La question
s'est posée après le tsunami. Il y a des
raisons de sécurité qui viennent
évidemment à l'esprit, et un manque
total d'expérience dans ce domaine.
“
Les grandes catastrophes
entraînent une certaine
confusion des esprits, et
attirent à peu près tous les
individus de chaque
catégorie de la société. (...)
Vous avez une multitude
d'acteurs qui ne sont pas
présents d'habitude sur ces
terrains-là, qui sont
débutants, qui ne savent
pas comment faire, mais
qui veulent « être sur la
photo », attirés par
l'ambiance de désarroi
collectif, de grande émotion,
et parfois par des intérêts
institutionnels, car
ces grandes crises sont
un marché pour les
organismes, un marché de
financement des opérations
de secours. Tout ça produit
rarement de l'efficacité.
Et c'est très difficile à
coordonner, quand vous
avez dans une petite région,
les représentants de
[nombreux] organismes
d'aides différents, on peut
encore une fois appeler la
coordination comme un
vœux pieu, mais elle n'est
pas réalisable, ne serait-ce
que parce que le nombre
d'acteurs à coordonner est
trop important.
“
Jean-Hervé Bradol
Un an après le tsunami Entretien télévisé. Arte Décembre 2005
PAKISTAN - EXTRAIT DE RAPPORTS HEBDOMADAIRES ÉTABLIS
PAR SYLVIA CAUZZI, PSYCHOLOGUE
L'activité du dispensaire bat son plein. Il y a deux
SEMAINE 13 semaines, nous avons reçu quatre à cinq nouveaux
patients par jour qui venaient suivre une thérapie. La rudesse du climat et
la fête de l'Aïd qui s'approche engendrent des consultations en dents de
scie.
Les patients de notre tente de consultation se sentent bien et détendus,
choyés et protégés. Parfois, les patients demandent à rester et à se reposer
un moment sur nos petits matelas : ils ferment les yeux et se reposent.
Certains ont besoin de s'éloigner, d'être loin de leurs problèmes de famille
ou loin de la foule des camps de réfugiés. Nous sommes heureux de les
accueillir, et c'est là la preuve que notre petite enclave est devenue ce que
nous souhaitions en faire : une salle de thérapie respectant l'intimité et le
confinement dont les gens ont besoin pour guérir.
Mais pourquoi ne pas y réfléchir ?
Ainsi, parce que notre expérience
s'affine, que nos outils s'améliorent et
que de nouveaux moyens sont
progressivement disponibles, on peut
désormais répondre de manière plus
large. Même si, face à l'ampleur d'un
désastre et aux défis logistiques
qu'elle représente, une réponse en
urgence est toujours difficile. Et si les
conséquences des catastrophes ne
sont jamais les mêmes, à nous d'être
inventifs pour rester au plus près des
populations sinistrées. ■
PREMIERS SECOURS
L'entraide locale
déterminante face à l'urgence
MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Rémi Vallet
Vladimir Najman, économiste, a étudié les mécanismes mis en œuvre par la population
dans le district de Batticaloa, au Sri Lanka, pour gérer l'urgence après le tsunami du
26 décembre 2004. Il souligne le rôle déterminant des secours locaux dès les premières
heures, l'aide internationale n'intervenant que dans un deuxième temps, avec une
efficacité inégale.
> Comment la population sri
rité immédiate a notamment été
pris appui sur des stratégies de survie
lankaise a-t-elle fait face au
tsunami du 26 décembre 2004 ?
Avec plus de 3 000 personnes
décédées, le district de Batticaloa
rendue possible par la géographie de
la catastrophe, qui n'a touché qu'une
bande côtière large de 200 mètres
au maximum et a épargné tout le
rodées par près de vingt ans de conflit
et par les catastrophes naturelles
antérieures, notamment les cyclones
et les inondations.
situé sur la côte est de l'île a été
lourdement frappé par le tsunami.
Toutefois, la plupart des survivants
ont bénéficié dès le premier soir d'un
reste du pays. Les jours suivants, le
gouvernement, les organisations nongouvernementales présentes sur
place avant la catastrophe et la
Les
différentes
informations
recueillies par les ONG et agences de
l'ONU qui sont intervenues d'autres
régions à l'est et au nord du Sri Lanka
repas chaud et d'un abri de fortune,
grâce à l'entraide locale. Cette solida-
population ont su faire face aux
principales urgences. Cette réaction a
suite au tsunami confirment les
observations que j'ai faites dans le
P10 messages MSF N°139 Février 2006
“
> Sri Lanka © Aurélie Grémaud / MSF - Janvier 2005
district de Batticaloa. Partout, la
vague s'est rapidement retirée et les
échafaudaient des plans et des
programmes, organisaient la coordi-
sur des réseaux sociaux, économiques et politiques préexistants.
populations ont pu se replier vers les
agglomérations épargnées.
nation de leurs projets sans
se résoudre à en amorcer la
Au Niger, en période de soudure
agricole — entre l'épuisement des
En résumé, au Sri Lanka, la première
semaine après le tsunami constitue
réalisation. Pour ne prendre qu'un
seul exemple, la plupart des embar-
réserves alimentaires et les récoltes
suivantes —, les familles les plus
un modèle de gestion de l'urgence.
Mais la deuxième semaine a vu le
cations de pêche ont été détruites par
le tsunami. L'organisme chargé de
démunies recourent à divers
mécanismes pour se procurer de la
débarquement d'une foultitude
d'organisations de tailles diverses
fournir de nouveaux bateaux aux
pêcheurs voulait les donner tous
nourriture : endettement, exode
saisonnier vers les grandes villes ou
dont les actions n'ont, en général,
pas été d'une grande utilité. Les
le Nigeria pour travailler, vente de
bétail ou de terres, etc.
Les jours suivants, le gouvernement, les organisations nongouvernementales présentes
sur place avant la catastrophe et
la population ont su faire face
aux principales urgences.
Cependant, le contraste avec la
situation au Sri Lanka est sidérant.
Là-bas, les stratégies locales de
simultanément, ce qui retardait le
lancement des distributions. Cette
solution coûteuse et laborieuse a
crise cette année, un point de rupture
a été atteint. Dans ce pays où la
malnutrition aiguë est un problème
de reconstruction ?
Installées dans des tentes, dans des
abris, les personnes sinistrées ont
très vite bénéficié de distributions
alimentaires et non-alimentaires.
La situation d'urgence a donc été
finalement été abandonnée, mais
après de longs atermoiements.
> De retour du Niger, vois-tu des
points communs entre les stratégies
de la population nigérienne pour
récurrent, l'équilibre précaire a été
durablement déstabilisé. L'aide
alimentaire gratuite a été un élément
déterminant pour la survie de
nombreux enfants.
Mais parce que les distributions
de courte durée. En revanche, la
reconstruction s'est fait attendre. La
affronter la crise et celles que tu as
observées au Sri Lanka ?
gratuites n'ont été débloquées que
tardivement, certaines familles se
lenteur de sa mise en œuvre, parfois
explicable par les contraintes
inhérentes à cette tâche, a contribué à
maintenir une partie des sinistrés dans
une situation assez précaire. Les
principaux acteurs de la reconstruction
Le Niger a connu cette année une
grave crise alimentaire, qui n'est
d'ailleurs pas résolue. Comme au Sri
Lanka, comme partout dans le monde
d'ailleurs lorsque survient une crise,
la population fait face en s'appuyant
sont lourdement endettées et
l'inquiétude est forte pour l'année
prochaine. Les stratégies de survie
ont renforcé cette économie de la
mort qui se développe dans un pays
en paix. ■
conséquences de cette déferlante
d'aide ont été une anarchie dans
les distributions, les soins, des
problèmes de coordination entre ONG
impossibles à gérer, un sentiment
général de gâchis et de disproportion
entre les moyens déployés et les
besoins des populations.
> Cette surabondance d'aide
a-t-elle profité au processus
réponse à la crise ont permis de
passer le cap de la première semaine
et de sortir rapidement d'une
situation d'urgence vitale.
Au Niger, à cause de l'ampleur de la
Et j'en viens du coup à
l'intrusion à grands
renforts médiatiques
dans la sphère humanitaire
des personnalités
politiques nationales
et internationales, avec
leur cohorte inéluctable
de promesses et d'effets
d'annonce sans lendemain
(...). Ce fut le cas de l'idée
du « SAMU mondial »,
ou d'un corps de « Casques
rouges » qui ont donné lieu
à beaucoup d'articles mais
dont on n'entend plus
désormais parler. De même,
l'intrusion de l'armée
et de la diplomatie dans le
champ humanitaire modifie
l'iconographie de ce dernier.
On est passé de l'image du
brancardier de la Croix
rouge à celui du French
doctor, son stéthoscope
autour du cou en train
de soigner un enfant noir.
Et puis aujourd'hui, on en
est à celle du soldat de
dernière génération avec
une victime dans les bras.
Or cette iconographie n'est
pas liée au hasard : quand
on impose des images au
public, tout cela est fait de
manière réfléchie pour
véhiculer ou donner un sens
à une action.
“
Bruno David (fondateur et
président de Communication
sans frontières, président
de l’ONG Noir&Blanc)
in L’humanitaire en
catastrophe(s),
Revue Humanitaire, n° 13,
Hiver 2005.
P11 messages MSF N°139 Février 2006
Géologique et politique
MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par Olivier Falhun
DOSSIER
Si les catastrophes naturelles évoquent spontanément détresse humaine et destructions
matérielles, il arrive aussi qu'elles se transforment en terrain d'enjeux politiques,
marquant parfois le cours de l'histoire. Alors que le Pakistan fait face à une nouvelle
catastrophe, Rony Brauman rappelle cette dimension méconnue que révèlent parfois les
convulsions de la terre. Entretien :
Pakistan :
Les leçons
d'une catastrophe
“
Le concept même d'ONG
laïque dépasse l'entendement de certains acteurs
humanitaires islamiques.
Ils confondent presque
automatiquement laïque
et athée. Ils ne comprennent
pas ou n'acceptent pas
que le geste humanitaire,
quelle que soit son origine,
puisse s'accomplir en
dehors du champ des
valeurs religieuses, et se
refusent à croire qu'ils
peuvent avoir affaire,
d'une part, à des cadres
athées, et, d'autre part,
à des associations ayant
une dynamique transnationale dépourvue de toute
inspiration religieuse.
“
Abdel-Rahman Ghandour
in Jihad humanitaire enquête sur les ONG
islamiques. Septembre 2002 Flammarion
> Quels sont les événements qui
t'ont amené à faire le lien entre les
catastrophes naturelles et leur
dans l'organisation des secours.
Mais nous ne l'avons su que plus tard.
L'ampleur de la catastrophe elle-
nord-est du continent indien. Le
gouvernement d'Islamabad a réagi
très faiblement et la fourniture des
dimension politique ?
Je voudrais d'abord rappeler qu'un
événement naturel devient une
catastrophe seulement lors qu'il
même — 25 000 morts — mobilisait
toute notre attention.
Toujours en Arménie, à Leninakan, j'ai
souvenir d'un véritable champ de
secours a été assurée essentiellement par les indépendantistes, qui
étaient déjà influents.
Cette carence, à laquelle s'ajoutaient
affecte une société. Toute naturelle
qu'elle soit, cette catastrophe revêt
alors une dimension humaine et
ruine, dans lequel ne se dressait plus
qu'un seul immeuble, celui du KGB !
Plus qu'un symbole, la différence
des élections invalidées par le pouvoir
central, a déclenché un soulèvement
populaire réprimé dans le sang par
sociale, donc politique. La première
fois que j'en ai concrètement pris
dans la qualité de la construction
témoignait des priorités des autorités
les autorités, plus disposées à
envoyer l'armée qu'à mobiliser les
conscience, c'est au moment du
séisme de décembre 1988 en
Arménie.
de l'époque, et en disait long sur
l'organisation de la société. De ce
point de vue-là, on peut constater une
secours en leur temps...
Le massacre a provoqué un exode
massif : 10 millions de personnes se
L'ouverture de l'URSS aux secours
grande continuité à Moscou…
sont réfugiées en Inde. Au passage, il
internationaux recelait en elle-même
une dimension politique, puisqu’il
s'agissait d'une première. Il y avait là
> En préparant cet entretien,
tu évoquais aussi le cas
n'est pas étonnant que l'Inde puisse
assumer, sans aide extérieure, les
conséquences du tsunami de
un message explicite d'ouverture et de
du Bangladesh, né sur les ruines
décembre 2004, quand le pays est
détente. Voilà pour la partie
« lumineuse », malheureusement
scellée à un côté plus sombre : celui
du Pakistan oriental...
En novembre 1970, le Pakistan
oriental a été frappé par un typhon
capable d'accueillir, sans dommage
majeur, un tel afflux de réfugiés !
Quoi qu'il en soit, c'est à partir de ces
du sort réservé aux comités indépendantistes arméniens, dont les
suivi d'un raz-de-marée, qui a
provoqué 300 000 morts.
camps qu'Indira Gandhi a lancé le
recrutement et l'entraînement de
membres furent jetés en prison alors
qu'ils figuraient parmi les plus actifs
Il fallait enjamber l'Inde pour relier le
Pakistan à cette province, enclavée au
troupes pakistanaises dissidentes qui,
un an plus tard, allaient entrer
> Indonésie © Greenpeace/Christian Aslund - Janvier 2005
dans Dhâkâ (aujourd'hui capitale du
Bangladesh).
Encadrées par l'armée indienne, elles
ont chassé les autorités pakistanaises
pour installer au pouvoir les indépendantistes de la ligue Awami.
Pour l'anecdote, cet événement fait
partie de l'histoire de MSF puisque le
journal Tonus, dont les dirigeants sont
les cofondateurs de l'association, a
lancé à cette occasion un appel aux
médecins et créé le Secours Médical
Français, précurseur de MSF.
C'est aussi à la suite de cette
catastrophe que le discours moderne
de l'ingérence humanitaire est
apparu : Indira Gandhi, premier
ministre indien de l'époque, a
comparé ces massacres à ceux des
juifs sous Hitler, et l'invasion du
Pakistan oriental a été explicitement
justifiée par le souci humanitaire et la
défense des Droits de l'homme.
P12 messages MSF N°139 Février 2006
> Arrestations, assassinats,
exode... As-tu l'exemple d'un
événement positif survenu dans le
sillage d'une catastrophe ?
Le résultat n'était pas en soi
négatif, loin de là ! L'Arménie et le
Bangladesh sont devenus des Etats
indépendants, la catastrophe a servi
d'accélérateur à des processus de
séparation. A l'inverse, il peut y avoir
des processus de rapprochement
dans les suites d'un désastre, comme
c'est actuellement le cas en
Indonésie, après le tsunami.
La province d'Aceh était totalement
“
inaccessible depuis plusieurs années,
(MSF s'en était fait expulser en 2002)
et tout se passe comme si la présence
de milliers d'étrangers dans la région
avait contribué à éteindre la guerre de
sécession qui s'y déroule depuis 1976.
D'une certaine manière, le tsunami a
imposé à l'Indonésie une ouverture
politique, et un an après, les habitants
de la province d'Aceh se réjouissent
de cette respiration retrouvée.
Les (ex)indépendantistes et le gouvernement discutent aujourd'hui sur un
compromis acceptable.
Géologiquement comme politiquement, les catastrophes naturelles
> Arménie © MSF-H - Décembre 1988
peuvent donc provoquer ou agrandir
des failles, mais elles peuvent aussi
les combler !
avec la ronde des secours étrangers
sans interférer avec eux.
aussi pour cela que les secours ont
une dimension stratégique pour les
> Dans un contexte de forte
En Algérie lors du dernier séisme,
dont les effets ont été bien moindres,
ONG religieuses qui se posent en
challengers des Etats.
suspicion à l'encontre de l'occident,
il n'est parfois pas évident pour MSF
les islamistes étaient en tête des
organisations de secours. Il arrive
> Cette dimension stratégique
de se défaire des amalgames. Par
exemple, notre présence n'a pas
donc nécessairement que leurs
opérations se frottent à celles
n'existe-t-elle que chez les ONG
islamiques, et n'est-elle pas plus
toujours été bien perçue au début
de notre intervention au Pakistan,
en octobre dernier. A ce propos, les
motivations des ONG de secours
sont-elles affranchies de toutes
considérations politiques ?
d'autres acteurs de secours, ce qui
peut nous mettre en situation de
concurrence. Il n'y a jamais eu de
véritable problème à ma connaissance et de toute façon, il n'y a pas de
raison que nous fassions des choses
prégnante encore dans la prétention
« humanitaire » affichée par les
Etats ?
Il faut distinguer ce qui ressort de
l'obligation d'un Etat donné et ce qui
relève du choix. Par exemple, les Etats-
Le cas du Pakistan nous rappelle
cette évidence que les secours
peuvent avoir d'autres motivations
qu'humanitaires. Les ONG islamistes,
qu'ils font déjà ou qu'ils veulent faire.
Bref nous n'avons aucune raison
d'entrer en compétition, contrairement aux Etats locaux qui, eux,
Unis ont obligation de venir en aide aux
habitants de la Nouvelle-Orléans,
comme le gouvernement pakistanais
se doit de porter secours aux popula-
par exemple, se construisent une
légitimité politique à partir de leurs
activités caritatives et il leur faut donc
affirmer leur présence. Elles le font à
doivent se défendre de l'accusation
d'indifférence et d'incompétence,
donc se montrer et se rendre utiles.
On sait bien que les Etats ne sont
tions sinistrées du Cachemire. Ils ne le
font pas par souci humanitaire mais
parce que leurs populations considèrent qu'ils doivent le faire.
partir de leurs réseaux d'entraide et
de leur activité sociale habituelle,
ce qui leur donne de forts points
d'appui pour être efficaces. Mais en
jamais, ne peuvent jamais être, à la
hauteur des attentes de la population,
dans de telles circonstances. Eux sont
jugés sur leurs carences, sur ce qu'ils
En revanche, les Pakistanais ne
manifesteront pas devant une
ambassade américaine pour exiger
des secours, ni des Américains devant
l'occurrence au Pakistan, elles
n'étaient pas en mesure d'organiser
l'aide à l'échelle de cette catastrophe.
Les
prêches
anti-occidentaux
ne font pas, tandis que les ONG sont
vantées pour ce qu'elles font et non
pour ce qu'elles laissent de côté. La
course à la séduction est très
celle du Pakistan ou de la France.
Cette aide-là, hors frontières nationales,
relève d'un certain arbitraire. C'est un
paradoxe de l'humanitaire. C'en est
enflammés, qui sont monnaie
courante dans la région, coexistaient,
inégale… En fait, elle est perdue,
d'avance pour les Etats, et c'est
même constitutif, car il s'agirait sinon
d'un service public. ■
[Jean-Pierre Dupuy in
Petite métaphysique des
tsunamis] Lorsque certains
seuils de monstruosité sont
dépassés, les catégories
morales qui nous servent à
juger le monde tombent en
désuétude. Il semble alors
qu'on ne puisse rendre
compte du mal qu'en des
termes qui évoquent une
atteinte irréparable à l'ordre
naturel du monde. » Ainsi
pourrait-on expliquer que
le terme hébreu finalement
retenu pour dire la
catastrophe morale qu'a été
l'extermination des juifs
d'Europe, Shoah, désigne
une catastrophe naturelle ;
et que les survivants de
Hiroshima et de Nagasaki
se réfèrent à ces massacres
nucléaires en utilisant le
mot de... tsunami.
“
Vincent Rémy, auteur d'un
article intitulé « Après nous,
le déluge ! » publié dans
Télérama n°2918
- 15 décembre 2005
P13 messages MSF N°139 Février 2006
> Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004
EPICENTRE
La recherche opérationnelle
menée sur le sida
MSF / Décembre 2005 / Propos recueillis par O.F.
ENJEUX
DÉBATS
Avec plus de 56 000 patients aujourd'hui sous traitement dans ses programmes,
le mouvement MSF offre un terrain d'études d'exception, régulièrement investi par Epicentre
à la demande de l'ONG. Sur les questions que se pose MSF, sur l'importance des réponses
fournies par Epicentre, et sur l'exploitation qui en résulte, les explications du Dr Laurent
Ferradini, en charge du sida à Epicentre.
> Quelles sont les activités principales d'Epicentre concernant le sida ?
Epicentre oriente ses travaux sur
développé un logiciel appelé Fuchia1,
qui permet de collecter des données au
quotidien. Epicentre a aidé les équipes
d'autres acteurs. Par exemple, les
analyses multicentriques [réalisées
auprès de plusieurs sections MSF -
deux axes : les projets de recherche
opérationnelle et le monitoring, c'est-àdire le suivi régulier des malades et le
à mettre ce système en place et à
l'améliorer, afin de pouvoir analyser,
exploiter et diffuser un ensemble
d'informations disponibles sur les
ndlr] que nous produisons font l'objet
d'une attention soutenue de la part
de la communauté scientifique internationale. Elles profitent donc aussi
projets. L'importance de programmes
MSF ainsi documentés permet
d'acquérir une certaine légitimité,
comme de l'entretenir et de
à d'autres. Ces informations sont
essentielles pour améliorer le mode de
prise en charge des patients. De plus,
nos incertitudes sont d'autant
« promouvoir » des résultats utiles à
plus fortes que le nombre d'études
recueil d'informations sur les programmes. Dans ce dernier cas, en collaboration avec la section française et le
Aids Working Group [groupe de travail
en charge du sida dans le mouvement
MSF international - ndlr], nous avons
P14 messages MSF N°139 Février 2006
disponibles sur la prise en charge du
sida en milieu précaire est faible. Ici,
MSF se retrouve en première ligne ! Et
c'est d'ailleurs à partir de ce constat
que nous menons des projets de
recherche opérationnelle.
> En quoi consistent ces projets de
recherche ?
Le but, c'est de répondre aux questions
que se pose MSF, et qui correspondent
à une réalité de terrain. Grâce à une
étude ciblée, on cherchera par exemple
à valider la stratégie du scaling up
[augmentation du nombre de patients
sous ARV dans un programme - ndlr]
mise en place à Chiradzulu (au Malawi)
décidons par exemple de cibler en
priorité les cas les plus graves, alors
que nombreux sont ceux qui attendent
de recevoir un traitement. Mais le
MSF (avec une section donnée ou avec
le Aids working group en international)
afin de répondre aux dernières
questions posées par MSF ! Par
temps de l'urgence et celui d'une étude
sont complémentaires. Des décisions
sont prises pour éviter la mort d'un
maximum de patients. Elles produisent
exemple : Jusqu'à quand les médicaments de première ligne sont-ils
efficaces ? Les patients respectent-ils
leur traitement dans la durée ? Quelle
leurs effets, avec toute la rigueur
nécessaire au suivi des patients, et des
études sont menées pour valider ces
décisions, alors même que les opéra-
est l'ampleur des effets secondaires
aujourd'hui constatés ? Peut-on définir
un certain nombre de critères qui déterminent l'échec d'un traitement ? Ainsi,
tions continuent. Dans le cas du district
de Chiradzulu au Malawi, nous avons
ainsi pu prouver que 84 % de nos
400 patients suivis à plus de six mois de
traitement présentaient une charge
pour tenter de répondre à cette
dernière question, nous avons mené
entre la fin décembre 2004 et avril 2005
au Cambodge une enquête3 auprès de
416 patients sous traitements ARV
par MSF-F. Concrètement ça veut dire
quoi ? Cela signifie qu'en passant de
quelques dizaines à 250 inclusions par
mois en l'espace de deux ans — entre
font dire à Michel Kazatchkine, ancien
directeur de l'ANRS et maintenant
ambassadeur du sida en France, qu'il
« faut cultiver nos cohortes ». Parce
que ces données sont essentielles,
non seulement au devenir des
programmes MSF — donc à la survie
des patients —, mais aussi à tous
ceux qui tentent d'améliorer la prise
en charge des malades. Nous allons
entreprendre une série d'études du
même genre à Arua en Ouganda, au
Kenya à Homa Bay avec la section
française de MSF, ou encore au
Cameroun, à la demande de la section
suisse.
> A propos d'avenir, quelles sont
justement les questions que le sida
pose à MSF aujourd'hui ?
Une part de ces questions découle de
2001 et 2003 — MSF fait un certain
nombre de choix : inclusions sur des
critères cliniques, trithérapie sous la
celles que nous venons d'évoquer.
Nous cherchons à présent à identifier
les critères d'échecs ou de succès liés
forme d'un médicament unique à dose
fixe, délocalisation, suivi biologique
à l'adhérence après deux ans de
traitement, sans recourir à la
simplifié, etc. L'idée est ainsi de soigner
rapidement davantage de patients, en
s'adaptant aux situations rencontrées,
détection de la charge virale. Parce
que l'émergence de résistances est
inéluctable, il s'agit d'identifier le
et par des solutions à la fois financières
groupe de patients qui présente le
et opérationnelles. Pour montrer
que ces choix sont pertinents et reproductibles non seulement à MSF, mais
plus de risques d'échec à court terme,
afin de lui proposer une alternative au
moment opportun. C'est-à-dire
aussi en dehors de ses programmes,
ni trop tôt, ni trop tard.
il est donc important de valider
ces procédures. Et c'est là que nous
intervenons. En l'espèce, et avec
« When to switch » : c'est ainsi qu'on
s'interroge à Epicentre et à MSF pour
savoir quand nous devrons passer aux
l'appui du terrain, notre étude a
duré trois mois, requérant tout
traitements de deuxième ligne.
L'enjeu est de taille, et pour ma part,
je crois qu'on ne pourra pas à terme
faire l'économie d'une détection de la
charge virale.
Mais c'est une question qui fait
l'arsenal nécessaire : séjours sur
place, échantillonnage, évaluation de
l'adhérence, questionnaires, prises de
sang pour analyse virologique, etc.
Soulignons au passage que ces
études coûtent cher ; qu'elles sont
limitées en volume et dans le temps,
et qu'elles font parfois appel à des
financements extérieurs2.
pertinence de ces programmes, ils
encore débat, notamment parce
qu'aujourd'hui la méthode est chère,
> Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004
> L'urgence de maintenir en vie
virale indétectable. Ce résultat est
extrêmement encourageant et les
conclusions de ces travaux devraient
le plus grand nombre de patients
est-elle compatible avec le principe et
la durée d'une étude ?
Nous sommes à la croisée de
nombreux dilemmes, qui relèvent à la
fois de la nécessité de faire, de le faire
bientôt faire l'objet d'une publication
dans une revue scientifique de
référence. On peut espérer que ce type
d'exemple (parmi ceux d'autres acteurs
travaillant dans le même domaine
d'ailleurs) puisse rapidement servir à
vite, de le faire bien, et de valider ce
que nous faisons ! Parce que malheureusement le sida n'attend pas. Pour
d'autres, et qu'il les encourage à
accélérer la mise de patients sous ARV.
autant, la qualité nous obsède-t-elle
davantage que la quantité de patients à
prendre en charge ? L'une ne va pas
sans l'autre. Bien sûr que nous ne
sommes pas satisfaits, lorsque nous
> Quelles sont les dernières études
marquantes que vous avez menées
sur le sida ?
Les études que nous effectuons
sont décidées en concertation avec
depuis plus de deux ans. Et les résultats
obtenus sont là encore très positifs.
Une fois que les patients ont survécu
aux premiers mois de mise sous antirétroviraux — 66 % des décès surviennent dans les six premiers mois —, ils
fastidieuse, qu'elle ne peut être
pratiquée sur tout le monde. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle MSF
a décidé de soutenir financièrement la
mise au point d'un test rapide de
charge virale, qu'Epicentre se
chargera de valider, probablement à
respectent et acceptent très bien leur
traitement : à 24 mois, le taux de survie
l'horizon 2008. En attendant, il nous
faut tout de même proposer une alter-
est supérieur à 85% ! De plus, près de
neuf patients sur dix présentent
une charge virale indétectable. Ces
conclusions sont tellement bonnes
qu'elle se situent dans la fourchette
haute des résultats observés dans les
native à ceux qui en ont besoin,
en déterminant au mieux les groupes
de patients concernés par ces changements, et sur des critères « immunocliniques » (prédictifs d'échecs
virologiques) pertinents, d'autant que le
pays du Nord au cours d'essais
cliniques ! Outre qu'ils confortent
MSF et qu'il démontrent à d'autres la
prix des médicaments de seconde ligne
reste prohibitif [plus de 1100 dollars
par an et par patient - ndlr].
•••
P15 messages MSF N°139 Février 2006
•••
> D'autres pistes d'études sont-elles
envisagées ?
Les questions se posent à MSF à
mesure que les programmes avancent,
que le nombre de patients augmente,
que par expérience s'affine et que de
nouvelles difficultés apparaissent...
ENJEUX
DÉBATS
Une étude multicentrique présentée en
ce moment à Abuja par le Aids Working
Group concerne ainsi les enfants.
Ils sont encore peu nombreux dans
nos programmes — moins de 2000
REVUE DE
PRESSE
MSF / Janvier 2005 / R.V.
> Tsunami :
grenouillages
« Cette catastrophe a
marqué un progrès
dans l'engagement international, (…) pour installer la
solidarité dans le temps. »
écrit Le Monde dans son
éditorial du 23 décembre. Et
le débat de s'installer sur le
clivage « urgentistes contre
reconstructeurs »… A cet
effet, le livre de J-F. Mattéi
sur « l'humanitaire durable »
reçoit un accueil « globalement positif » : « une fois
qu'on a sauvé les gens de la
noyade, on ne peut pas
l'abandonner sur la rive »
assène-t-il. « Si la CroixRouge était compétente
dans le BTP, ça se saurait »,
rétorque Jean-Hervé Bradol
dans Témoignage Chrétien.
Dans L'Humanité du 4
janvier, le trésorier-adjoint
de Médecins du Monde
tranche le débat à sa façon.
Pour Pierre Micheletti,
« Aucune ONG ne peut
revendiquer l'exclusivité de
la définition de ce qu'est ou
doit être l'aide humanitaire »
rappelant que « le budget de
la première ONG médicale
française » équivaut à celui
de l'hôpital de Roanne, il
conclut que « la grenouille
ne doit pas se prendre pour
le bœuf ».
actuellement —, mais le manque de
formulations adaptées comme le coût
des traitements proposés aux enfants
nous imposent de réfléchir à une
> Cambodge © Espen Rasmussen – Janvier 2004
meilleure prise en charge.
Comment réduire la mortalité précoce,
mieux diagnostiquer et traiter les infections opportunistes, mieux prendre en
des premières lignes alternatives
de médicaments moins toxiques et
— on l'espère — plus durables [comme
taires mais aussi essentielles aux
opérations menées par MSF, et qui,
souhaitons-le, puissent profiter à
charge les patients co-infectés par la
tuberculose et le VIH, quel peut être le
bénéfice d'un apport nutritionnel
précoce des patients les plus
le Ténofovir - ndlr]. Nous commençons
aussi une étude sur les effets secondaires du d4T, dans le programme d'Homa
Bay au Kenya. La liste n'est pas exhaus-
d'autres. ■
dénutris...? Voilà encore une série
tive, et ces études prendront du temps.
2- Une grande partie de cette étude a été
d'interrogations pour lesquelles nous
sommes sollicités. Dans le but d'améliorer l'adhérence à long terme, nous
Elles démontrent toutefois qu'Epicentre
s'intéresse aux « neglected researchs »
comme d'autres aux « neglected
3- Étude menée en collaboration avec
allons également tenter d'évaluer
diseases » : des activités complémen-
1- Follow up and care for HIV infection and
Aids
financée par le Sidaction
plusieurs partenaires, dont l'Institut
Pasteur du Cambodge
La Mancha à mi-parcours
MSF / Janvier 2006 / Propos recueillis par Anne Yzebe
Les 19 présidents des associations nationales s'étaient engagés en juin 2005 « à soutenir
le processus “La Mancha” qui vise à redéfinir les rôles et responsabilités de MSF et
à renforcer le mouvement international et sa gouvernance ». Six mois plus tard,
La Mancha se traduit notamment par 760 interviews croisées1, plus d'une centaine de
contributions volontaires et une quarantaine d'analyses commandées. Dans trois mois,
la conférence internationale aura pour objectif d'émettre des recommandations pour la
redéfinition et la mise à jour des « principes d'action » et des « règles de fonctionnement
du Conseil international ». Ces recommandations seront ensuite discutées par les sections
nationales qui devront indiquer au Conseil international si elles les adoptent ou non. Le
débat a commencé, il est loin d'être clos. Bilan d'étape avec Jean-Hervé Bradol.
> Un constat : les limites du
Conseil international
Malgré quelques échecs, le bilan
dépenses opérationnelles des autres
sections. La responsabilité est déjà
partagée alors que les informations
du mouvement international et pour
résoudre les désaccords entre
les membres. Dix ans après le
du mouvement international est
globalement positif, même s'il reste
beaucoup de travail. Le Conseil international (CI) s'est déjà engagé
sur la nature et l'efficacité des opérations présentées dans les comptes
sont encore très incomplètes. Le
Conseil international, qui représente
document de Chantilly, le CI se
heurte régulièrement à deux difficultés. La première est une compréhension trop différente du rôle de MSF
plus loin que ne le lui permettent
réellement les moyens dont il
dispose. Un exemple : chaque
membre du CI co-signe les comptes
l'association MSF international,
composée des 19 associations
nationales, a été prévu, au départ,
pour
développer
le
partage
sur des points essentiels tels que
l'accès aux soins, la protection des
réfugiés, l'appel ou non à des interventions armées, la santé publique...
consolidés
des ressources et des idées au sein
La seconde est un fonctionnement
annuels,
donc
les
P16 messages MSF N°139 Février 2006
principalement orienté autour du
partage de ressources (le nom,
les personnes, les idées, l'argent,
lités dans le domaine du développement de la justice internationale peut
avoir des conséquences très concrètes
malnutrition sévère, du paludisme en
Afrique, de la maladie du sommeil,
de la leishmaniose, de la méningite,
les techniques) et la résolution de
différends entre sections. En réalité,
comme le montrent la consolidation
et la certification des comptes
sur notre capacité à demeurer présent
sur des terrains où les auteurs de
crimes vont devenir particulièrement
sensibles à la relation entre secouris-
nous avons fait preuve d'audace avec
de bons résultats.
Mais si nous ne faisons pas nousmêmes des efforts plus importants
à l'échelle internationale, nous
sommes passés de fait dans un
régime de co-responsabilité sans que
les outils de pilotage et de suivi
tes et auxiliaires de justice. De même,
si nous parlons d'abus, c'est parce
qu'il y a plusieurs cas graves chaque
année. Le débat a déjà avancé sur
pour la recherche/développement,
nous ne parviendrons pas à
garder nos malades en vie dans des
proportions acceptables, au regard de
n'aient été développés. C'est le sens
de la question de la refonte des
règles de fonctionnement du Conseil
certaines de ces questions.
Le Conseil international a voté
le 26 novembre une résolution
précisant que les comportements
l'état des connaissances et des
moyens potentiellement disponibles.
Or les investissements en matière
d'innovation sont trop lourds pour une
d'abus relèvent de la responsabilité
individuelle, renforçant la publicité
permanente des procédures pour se
plaindre et prévoyant un rendu de
compte annuel des cas traités et des
seule section, le DNDI représente cinq
millions d'euros par an !
Un autre enjeu, pour améliorer la
qualité de nos opérations dans les
prochaines années, est de développer
décisions prises, en respectant la vie
privée des personnes concernées,
notamment des victimes. Mais il y
les efforts de gestion des différentes
catégories de personnel.
Le système actuel est discriminatoire,
international et finalement de
l'ensemble des comités internatio-
a aussi des lignes de fracture
importantes, notamment dans
un infirmier ou un médecin recruté
dans son propre pays a un accès plus
naux. Le processus de la Mancha vise
à donner aux instances internationa-
le cadre de la mission sociale
de MSF : est-ce qu'on se sent respon-
réduit aux postes à responsabilités
alors que nous manquons de cadres
les les moyens d'exercer ces tâches :
piloter les grands axes opérationnels,
sable de l'ensemble des inégalités
relatives à l'accès aux soins ? Est-ce
de bon niveau. Traiter de ces dossiers
au niveau international peut d'une part
évaluer l'efficacité des opérations et
en rendre compte, analyser enfin la
qu'avancer des solutions globales
relève du rôle de MSF ? C'est
permettre de porter des politiques
communes, et d'autre part faire
pertinence des prises de positions
publiques. Pour cela, il fallait ouvrir
de nouveau le débat, redéfinir ce sur
extrêmement rassurant qu'il y ait des
baisser les coûts de mise en œuvre de
ces politiques.
Le Conseil international peut être
(…) il ne faut pas oublier que nous
discutons de fait de questions
très pratiques, de problèmes qui
se posent sur le terrain.
quoi nous sommes d'accord, les
points sur lesquels nous pouvons
unanime sur un certain nombre de
dossiers mais il faut organiser le
avancer ensemble et doter les institutions internationales des moyens
travail, avoir les moyens de faire
avancer et de suivre les dossiers afin
de réaliser les ambitions communes.
que les déclarations d'intentions
ne demeurent pas trop longtemps
> Un débat : des questions très
pratiques
Le champ du débat est large,
trois grandes thématiques ont été
identifiées : les principes, l'action et la
gouvernance. Mais il ne faut pas
sans traductions concrètes dans nos
pratiques de travail.
oublier que nous discutons de fait de
questions très pratiques, de
problèmes qui se posent sur le terrain.
Si nous parlons de justice internatio-
sion, il y aura quelques malentendus
levés et des points de divergences
maintenus. Nous réussirons, si nous
parvenons à ce que nos divergences
nale, c'est pour étudier des cas
comme celui de l'Ouganda. Quand la
Cour pénale internationale en janvier
2004 démarre son travail d'enquête
ne nous empêchent pas d'assumer
ensemble les responsabilités (succès
et échecs de nos actions et de
nos prises de position publiques,
> La Mancha : une utopie ?
Les ambitions sont grandes, les
difficultés aussi. A la fin de la discus-
idées différentes au sein du
mouvement, la pluralité est un atout.
sur les actions de l'Armée de résistance du Seigneur (ARS ou LRA),
qu'est-ce
que
cela
signifie
pour MSF ? Faut-il transmettre des
Les discussions sont déjà de plus
en plus intéressantes.
documents d'information ? Pouvonsnous garder le même accès aux
patients si nous sommes considérés
comme des auxiliaires potentiels de la
opérationnelle et les ressources
humaines
MSF est déjà une des institutions
médicales les plus innovantes au
Cour pénale ? On voit que la manière
dont nous définissons nos responsabi-
monde. Sur la prise en charge des
malades du Sida, le traitement de la
> Des ambitions : l'innovation
qualité de la gestion des ressources
humaines et matérielles) qui de fait au
fil de la réussite de notre développement ne peuvent plus relever du seul
cadre national. ■
REVUE DE
PRESSE
(SUITE)
MSF / Janvier 2006 / O.F.
> Pakistan :
l'humanitaire
durable…
version MSF
Difficile de trouver en
janvier des papiers sur
la situation au Cachemire…
Alors que le tsunami du
26 décembre 2004 prend
encore toute la place,
la situation des sinistrés
pakistanais reste pourtant
préoccupante en ce début
d'année 2006. Ce que nous
rappelle le quotidien
Libération dans un article
du 9 janvier : « Les conditions d'hygiène varient
d'un site à l'autre, mais
beaucoup de camps sont
improvisés, surpeuplés, et
ne disposent ni de latrines,
ni d'accès à l'eau ». De son
côté, l'envoyé spécial du
quotidien Ouest France
rapporte dans son édition
du 16 janvier les difficultés
rencontrées au départ par
les équipes de MSF, par la
voix de son chef de
mission. « On s'est vite
rendu compte qu'il fallait
plus de moyens »,
explique-t-il. « L'hôpital
gonflable est là pour au
moins un an » conclut
l'article, précisant que
« le rythme des consultations s'est stabilisé à 700
patients par semaine ».
1- un tiers des interviews sont rédigées
par des expatriés, un tiers par des
membres du siège et un quart par des
membres du personnel national.
P17 messages MSF N°139 Février 2006
> Tchétchénie © Eddy Van Wessel – Octobre 2003
TCHÉTCHÉNIE
Une normalisation
en trompe-l'œil
MISSION
MSF / Novembre 2005 / Dr Denis Lemasson, adjoint au responsable de programme (ARP)
> Dans les camps
de réfugiés tchéchènes en Pologne :
la santé, dernière
expression de
l'espace politique
et social ?
Aucun autre acteur
international n'est présent
dans ces camps.
La santé serait-elle devenue
le dernier champ investi
pour parler du social ?
Si MSF tend à faire
reconnaître la personne
en tant que corps souffrant,
un autre espace est à
conquérir pour ces gens,
celui de la citoyenneté.
Cet espace dépasse nos
actions de secours. Tout
juste constate-t-on parfois
que la reconnaissance de
cette souffrance aide
certains à s'inscrire dans
le monde civique duquel
ils étaient rejetés jusque-là.
Dr Denis Lemasson
Si la première guerre en Tchétchénie n'a pas provoqué le départ de la population entre
1994 et 1996, la reprise du conflit en 1999 et la violence extrême des bombardements
ont en revanche déclenché les mouvements de fuite. A cette époque, Grozny se vidait en
un mois. 300 000 déplacés se rendaient en Ingouchie, beaucoup d'autres dans le Sud
Caucase, en Azerbaïdjan ou en Géorgie. Depuis, malgré les apparences, et loin de la
« normalisation » annoncée par Vladimir Poutine, la guerre continue en Tchétchénie.
A la fin de l'année 2000, les bombardements ont cessé et un régime pro-
Les opérations de « nettoyage » ont
toujours cours. Le nombre d'enlève-
disparu. Les conditions socio-économiques sont catastrophiques. Selon
russe a été mis en place. C'était
le début de la politique de « normalisation » qui s'est développée jusqu'à
aujourd'hui : un régime de terreur. De
2002 à 2004, sous les pressions
multiples des autorités ingouches et
ments et de disparitions serait même
en augmentation ces derniers mois.
L'impunité est toujours la règle. L'aide
humanitaire, très parcellaire, n'est pas
adaptée aux besoins. Très contrôlée,
dépendant de l'octroi de laissez-passer,
une étude du ministère fédéral du
Développement et du Commerce russe,
91 % de la population vit sous le seuil
de pauvreté avec moins de 72 euros
par mois. De plus, la stratégie russe
de « tchétchénisation » du conflit visant
des forces fédérales, les réfugiés
tchétchènes ont été forcés de rentrer
la sécurité est la contrainte majeure
qui limite le nombre d'acteurs et leurs
à « sous-traiter » les actes les
plus violents (tortures, opérations de
chez eux. Ces retours devaient être
symboliques de la rhétorique du
Kremlin, la preuve de la fin de la guerre.
Les Tchétchènes ont retrouvé un pays
en ruine, où rien n'avait été prévu pour
leur retour, vivant dans des conditions
actions sur le territoire. La criminalité
de droit commun augmente également.
L'assassinat de Maskhadov, élu
démocratiquement président de la
Tchétchénie sous observation de
l'OSCE, a limité très fortement la possi-
nettoyage…) aux milices tchétchènes
pro-russes est lourde de conséquences. La peur de l'autre, du voisin, de
l'ami ou du cousin pèse sur toute la
société tchétchène, une technique très
efficace de destruction du lien social.
de logement et sanitaires similaires à
celles qu'ils avaient connues dans les
camps en Ingouchie. De plus, les
bilité d'une issue politique au conflit.
Toutes les familles ont été et sont
touchées « physiquement » par la
Au contexte dégradé de la Tchétchénie
s'ajoute aujourd'hui l'extension de la
violence à tout le Nord Caucase.
conditions de sécurité sont toujours
celles d'un pays en guerre. Aujourd'hui
encore, les affrontements sont
quotidiens. 80 000 soldats russes sont
présents. Certains parlent de 20 à 25
soldats russes tués chaque semaine.
violence dont le bilan est très difficile à
établir : les estimations varient entre
75 000 à 160 000 morts depuis 1995,
rapportés à une population totale
d'environ 800 000 personnes aujourd'hui. Près de 10 % de la population a
Demander asile en Europe signifie pour
les réfugiés qu'il n'y a plus d'avenir
possible en Tchétchénie ou en Russie. Il
faut la destruction des repères sociaux
et identitaires tchétchènes pour qu'il n'y
ait d'issue que dans la fuite. ■
P18 messages MSF N°139 Février 2006
POLOGNE
Aux bords de l'Europe,
les camps de réfugiés tchétchènes
MSF / Novembre 2005 / Dr Denis Lemasson, ARP
Des milliers de Tchétchènes fuient et viennent chercher asile en Europe. Alors qu'ils franchissent les frontières, ils sont
regroupés dans des camps, en Pologne notamment. Seuls 8 % d'entre eux1 bénéficieront du statut de réfugié.
Condamnés à l'illégalité, ils ne peuvent rester dans ces camps aux conditions précaires et « errent » en Europe. S'ils sont
interpellés par les autorités policières, ils sont renvoyés à nouveau dans les camps en Pologne par l'application du
règlement de Dublin 2.
Début novembre 2005, 3524 Tchétchènes sont présents dans les camps qui
regroupent les demandeurs d'asile2, en
Pologne. Depuis le début de l'année,
5200 y ont transité. Dans la plupart des
directement en Belgique, en France ou
en Allemagne, entraînant l'augmentation des tarifs. Les autres, plus pauvres,
utilisent des réseaux de passeurs et
franchissent les frontières par voie
cas, la migration a été déclenchée par
un événement violent, la mise en
danger physique de la personne ou d'un
terrestre, plus longue, plus dangereuse.
Les passages d'un pays à l'autre sont
complexes, illégaux, avec les risques
membre de la famille proche. Les
Tchétchènes des camps et l'histoire de
d'être arrêté, détenu et renvoyé en
leur fuite sont à l'image de la Tchétchénie aujourd'hui. Suspectées d'activités
terroristes, des femmes veuves de
combattants sont venues seules avec
leurs enfants, suite aux pressions
subies ces derniers mois. Des hommes
jeunes arrivent aussi, envoyés par leur
Russie. Les Tchétchènes partent
d'Ingouchie ou de Tchétchénie, passent
par des pays qu'ils imaginent de transit
(Biélorussie,
Ukraine,
Pologne,
Slovaquie, République Tchèque) pour se
rendre dans un deuxième temps en
Autriche, en Allemagne, en Belgique ou
en France, moyennant 1000 à 3000 USD
par personne.
La plupart des Tchétchènes traversent
la Biélorussie pour aller jusqu'en
fonction est de limiter les flux migratoi-
que
Pologne. Ceux qui sont contrôlés à la
frontière polonaise sont enregistrés et
res et d'organiser le rapatriement des
étrangers non admis. La politique de
le contrôle policier à ses frontières,
créant ainsi une frontière interne
envoyés dans un camp de transit où ils
feront leur demande d'asile, avant
contrôle des frontières de l'espace
européen, clef du dispositif de lutte
sur son flanc est. Les demandeurs
d'asile sont ainsi pris dans un
contre l'immigration clandestine, est
de renforcer la surveillance de ses
frontières extérieures, d'où la création
de « poches de retenue ».
Comme la Pologne consolide ses
frontières avec la Biélorussie et
espace « clos », entre les frontières
germano-polonaises et biélorussopolonaises.
La corruption permet aux plus riches
d'être transférés vers un autre camp. Ils
devront y rester jusqu'à la réponse de
leur demande de statut de réfugié. Il y a
seize camps de demandeurs d'asile en
Pologne. Huit dans la région de
Varsovie, quatre dans celle de Bialystok,
d'acheter des visas pour se rendre
quatre dans celle de Lublin. Leur
l'Ukraine, l'espace Shengen, plus réduit
comme un pays de transit dans lequel
ils ne veulent pas vivre. Ils disent ne pas
être venus jusque-là pour y rester. Pour
famille pour les préserver d'un enrôlement forcé dans les milices pro-russes
ou séparatistes. Des familles entières
fuient également les persécutions
ciblées dont elles font l'objet. D'autres
enfin, témoins d'un acte de violence de
plus, échouent dans ces camps après
avoir perdu tout espoir d'un futur pacifié
en Tchétchénie.
> UN ESPACE « CLOS »
> Pologne © Kartazina Petrovskaya/YumeVision - Octobre 2005
LE RÈGLEMENT DE DUBLIN 2 ET L'ERRANCE EN EUROPE
Depuis le début de l'année 2005, 1491 Tchétchènes ont été renvoyés vers la Pologne depuis un pays de la
Communauté européenne. Le règlement de Dublin (règlement CE n° 343/2003 du conseil du 18 février 2003),
dans son article 10, prévoit la réadmission du demandeur d'asile dans l'Etat européen par lequel il est rentré
en premier dans la Communauté européenne. Cet Etat est le seul compétent pour instruire la demande d'asile.
Ceci signifie que, s'ils sont interpellés dans un autre Etat de la communauté, les Tchétchènes enregistrés lors de
leur premier passage en Pologne y seront inévitablement renvoyés. Les demandeurs d'asile sont soumis au
contrôle dissuasif des fichiers informatiques Sis et Eurodac, systèmes communautaires de stockage et de
comparaison des empreintes digitales en vue de l'application efficace de la Convention. Ces systèmes, qui
s'appliquent notamment aux demandeurs d'asile, sont entrés en vigueur le 15 janvier 2003. Ce règlement et son
application condamnent bien souvent à la clandestinité et conduisent les Tchétchènes à une « errance
européenne » : ils vont de pays en pays européens jusqu'à se faire rattraper par les forces de police qui les
renvoient en Pologne ; sans avenir en Pologne où on leur a déjà refusé le statut de réfugiés, ils repartent vers un
autre pays de la Communauté.
l'UE,
renforce
également
Trop proche de la Russie pour les
Tchétchènes, la Pologne est vécue
eux, « l'Eldorado » est ailleurs, plus à
l'ouest, là où ils espèrent « trouver de
l'aide et des moyens de vivre
dignement ».
> LES CAMPS DES
DEMANDEURS D'ASILE
Les bâtiments utilisés sont d'anciennes
casernes, de vieux hôtels ou pensions,
d'anciens foyers de travailleurs.
Les conditions d'hébergement sont
« acceptables », avec des standards
minima, certains camps présentant des
•••
P19 messages MSF N°139 Février 2006
•••
UN TIERS DES PATIENTS PRÉSENTENT
UNE SOUFFRANCE POST-TRAUMATIQUE
Depuis l'ouverture par MSF au mois d'août 2005 du projet de soins
psychologiques dans les camps en Pologne, les psychologues mettent
l'accent sur les traumatismes accumulés par les patients depuis 10 ans.
La migration est le plus souvent déclenchée par un événement violent.
D'après les psychologues, un tiers des patients vus en consultation
présentent un syndrome post-traumatique. La fuite et les conditions de
l'exil maintiennent les patients tchétchènes dans une condition de
détresse (souvenir répétitif des événements subis, cauchemars,
angoisses, troubles du sommeil, somatisations diverses…). Les conditions de vie dans les camps ne sont pas propices au développement d'un
nouveau rapport à soi et aux autres. La promiscuité, la peur persistante
de l'autre, l'impossibilité de se projeter dans un futur proche, le recours
nécessaire à la clandestinité sont autant de facteurs défavorables.
MISSION
REVUE DE
PRESSE
(SUITE)
MSF / Janvier 2006 / O.F.
> « Dommage »
pour Haïti
La mort suspecte du
général Bacellar,
commandant militaire de
la Mission de stabilisation
de l'Onu en Haïti
(Minustah), donne lieu a
plusieurs articles dans la
presse. Le Figaro souligne
ainsi les critiques virulentes dont les forces de l'Onu
font l'objet. Citant un
rapport de la Commission
interaméricaine des Droits
de l'homme, pour qui
« Dans de nombreux cas,
[les] victimes ne sont pas
des dommages collatéraux
des opérations, elles sont
tuées intentionnellement
par la police et par la
Minustah », le journaliste
rajoute que cette dernière
est « incapable, depuis sa
création voilà dix-huit
mois, de faire revenir le
calme dans le pays ».
Dans son édition du
lendemain, Le monde
précise que le général
Bacellar craignait déjà ces
« dommages collatéraux
au sein de la population
civile, [en s'opposant] aux
opérations musclées dans
les bidonvilles de la
capitale ».
problèmes d'hygiène. L'accès aux soins
s'est amélioré depuis la première
évaluation faite par nos équipes
en novembre 2004. Il est aujourd'hui
comparable à celui d'un citoyen
polonais : soins primaires avec médicaments essentiels, hospitalisation si le
pronostic vital ou fonctionnel est en jeu.
La promiscuité est une réalité dans ces
camps, où, globalement, les autorités
polonaises ne disposent pas des
moyens permettant d'accueillir correctement un nombre important de
demandeurs d'asile. Le ministère de
l'Intérieur polonais déclare d'ailleurs
recours systématique à l'illégalité, via
les réseaux de passeurs, en grande
majorité tchétchènes. Des voitures se
rendent régulièrement dans les camps,
en soirée, à horaire fixe, pour organiser
les « transferts ». Les filières sont bien
organisées. Ceci explique le turn-over
important des demandeurs d'asile dans
les camps. Les autorités polonaises
reconnaissent qu'elles ne pourraient
pas faire face si un afflux de réfugiés
plus important se présentait.
> UNE STRATÉGIE
EUROPÉENNE
qu'il n'existe aucune ligne budgétaire
de l'Union européenne consacrée à la
santé de ces réfugiés.
> UNE ABSURDITÉ
ADMINISTRATIVE
Le taux d'octroi du statut de réfugié aux
demandeurs d'asile tchétchènes est de
8 % pour l'année en cours. Le ministère
de l'Intérieur polonais n'accorde donc
qu'à très peu la protection dont ils
auraient besoin. Pourtant, il ne renvoie
pas cette population, reconnaissant la
dangerosité pour elle d'un retour en
Russie. Le statut « temporaire »
accordé plus largement ne donne,
quant à lui, droit à rien sur le plan
pratique en Pologne. Il est d'ailleurs
systématiquement rejeté par les Tchétchènes. Cette absurdité administrative
condamne les réfugiés à une situation
de non-droit, les précipitant en marge
d'une Europe qu'ils idéalisaient. Pris au
piège de ces camps, le nombre de
demandeurs d'asile tchétchènes
grossit. Sans statut, ils ne peuvent
traverser les frontières, plus avant vers
l'ouest, que dans la clandestinité. Le
personnel polonais des camps est
contraint de tolérer (d'inciter ?) le
P20 messages MSF N°139 Février 2006
Depuis 1995, à l'effacement progressif
des frontières internes de l'Europe
correspond un renforcement des
frontières externes. Ainsi, l'existence
des camps de demandeurs d'asile en
Pologne s'intègre dans une stratégie
plus large : celle de la maîtrise des flux
migratoires dans l'espace européen.
Le processus d'harmonisation des
politiques d'asile, pourtant sous le
contrôle du HCR, se fait « par le bas »,
chaque état essayant de favoriser ses
propres pratiques pour en faire la règle
commune. Par souci du compromis, les
normes se sont ajustées au plus petit
dénominateur commun, et le
11 septembre 2001 a sans doute
indirectement favorisé cette nouvelle
définition, faisant de la question de la
lutte contre le terrorisme une préoccupation majeure. Les mesures de
contrôle se sont renforcées, frappant
également les demandeurs d'asile. S'en
est suivi un amalgame entre immigration clandestine, terrorisme et délinquance, légitimant les camps et les
lieux d'enfermement.
Dans la proposition initiale, la Commission européenne prévoyait la garantie
du « bien-être » du demandeur d'asile.
Après révision, elle ne s'engage plus
qu'à assurer sa « subsistance ».
L'article 15 stipule que les demandeurs
d'asile doivent recevoir les soins
médicaux qui comportent, au
minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies. Rien n'est
prévu spécifiquement pour les femmes
enceintes et les enfants. Rien non plus
pour la prise en charge des conséquences physiques et psychologiques de
violence (viol, torture…).
Le réfugié, contrairement au migrant,
ne choisit pas de quitter son pays. Il est
contraint de le faire pour sauver sa vie
ou sa liberté.
> LE DÉNI
L'ensemble du dispositif de contrôle
des flux migratoires montre combien
est opérante l'assimilation du
demandeur d'asile au migrant, tous
deux considérés comme suspects.
En trente ans, les demandeurs d'asile
sont passés d'une représentation de
victimes à aider à celle de coupables
qu'il faut regrouper dans des camps. Il y
a trente ans, le contexte géopolitique de
la guerre froide était favorable.
Les conventions de Genève pouvaient
d'autant plus facilement être appliquées qu'elles n'engageaient pas
l'argent public des Etats et qu'elles
participaient à une guerre idéologique.
Les exilés ne demandaient que très peu
l'asile. Et ils n'en avaient pas besoin
pour s'installer dans des pays qui leur
étaient ouverts.
Aujourd'hui, les victimes du conflit
tchétchène, fuyant la violence de leur
territoire, et sans avenir possible, sont
stoppés dans leur parcours dans ces
camps polonais, espace-temps non
structurant, étrange prolongation du
conflit qui les a poussés à s'enfuir. Ce
sont les « refoulés » d'une Europe qui
ne veut pas voir ce conflit à ses portes.
Comment l'Europe pourrait-elle
accorder le statut de réfugiés aux
victimes
d'un
conflit
qu'elle
ne reconnaît pas ?
Le « conflit tchétchène » est, à travers
ces camps, le miroir interne
d'une réalité externe que l'Union
européenne continue de nier. ■
1- Source : ministère de l'Intérieur
polonais - 2004
2- Les réfugiés tchétchènes représentent
plus de 95 % de la population totale des
camps en Pologne
ANGOLA
Une fermeture et ses fissures
MSF / Décembre 2005 / Laurence Flevaud (dernière chef de mission) et Isabelle Merny
Depuis 2002, la reconstruction et le développement des services sanitaires sont à l'ordre du jour angolais. MSF
ne souhaitant pas s'engager dans ce processus, 2003 a été l'occasion d'un changement de cap, avec la mise en place
de projets « grandes endémies ». Deux ans plus tard, si le programme paludisme de Kaala a atteint l'essentiel de
ses objectifs et a pu fermer dans de bonnes conditions, il n'en va pas de même du programme trypanosomiase de
Camabatela, au bilan et au retrait plus mitigés.
présence pour encore des mois, voire
des années. Nos dernières informations, en septembre 2005, ne
prévoyaient pas l'arrivée du Coartem
sur l'Angola avant mi-2006 et
donc au second trimestre 2006
pour les provinces. Une stratégie
de désengagement est donc élaborée,
mais, avant de se retirer, MSF termine
la formation du personnel local,
effectue des donations (ACT et
matériel médical pour six mois) et
équipe tous les postes de santé
d'installations pour le traitement des
déchets médicaux.
Le 30 juin 2005, après le pic
saisonnier annuel, la fermeture du
programme paludisme de Kaala est
effective.
> UN PROJET TRYPANOSOMIASE PROMETTEUR…
Une mission exploratoire sur la
trypanosomiase a été menée en mai
2003, sur différentes municipalités du
Kwanza Norte, et un foyer a été détecté
> Angola © Roger Job - Octobre 1997
Après 22 ans d'activités en Angola, la
section française de MSF s'est retirée
du pays. A partir de 2003, toutes nos
activités nutritionnelles1 avaient été
progressivement fermées, ainsi que
celles visant à soutenir les structures
de santé (la situation s'étant
nettement améliorée et les objectifs
ayant été atteints). MSF décidait alors
de se concentrer sur deux projets,
l'un à Kaala, l'autre à Camabatela...
> LE PALUDISME, À KAALA
ET AILLEURS
Une étude menée par Epicentre en 2002
sur Kaala (province de Huambo),
montre une forte résistance à la chloroquine. Parallèlement à cette étude, le
recueil de données mis en place à
l'hôpital de Kaala et dans trois des
centres de santé de la ville témoigne
d'une augmentation inquiétante du
nombre de cas graves et de la
mortalité due à cette maladie. Nous
décidons donc, pour 2003-2004, d'y
ouvrir un programme de prise en
charge avec introduction des ACT 2
dans toutes les structures de santé
fonctionnelles de la zone, afin de
réduire la mortalité durant le pic
épidémique, mais aussi et surtout de
fournir des arguments pour un
changement de protocole national.
La section française de MSF s'investit
alors dans treize centres de santé :
approvisionnement en ACT et
formation du personnel de santé
angolais à l'utilisation de ces combinaisons thérapeutiques, ainsi qu'aux
tests rapides. Dans le même temps,
une campagne de lobbying pour le
changement du protocole national et
une étude sur l'efficacité du traitement par ACT sont menées pour
appuyer cette campagne.
En octobre 2004, le MOH accepte de
changer le protocole de traitement
national, mais choisit le Coartem
comme 1ère ligne de traitement, avec
tous les problèmes d'approvisionnement qui en découlent. Si l'utilisation
des ACT est acceptée comme alternative (avec un financement venant en
grande partie des 25 millions de
dollars alloués par le Global Fund), le
gouvernement n'en assure pas non
plus l'approvisionnement. La question
se pose alors : restons-nous jusqu'à
l'arrivée des ACT dans les provinces
— particulièrement à Kaala — ou
considérons-nous que le changement
de protocole est un argument
suffisant pour décider que nos
objectifs ont été atteints ? C'est la
seconde hypothèse qui est finalement
retenue.
Attendre que les ACT parviennent
jusqu'à Kaala aurait prolongé notre
dans deux communes (prévalence
supérieure à 0,5 %). Notre projet :
mettre en place un centre de
diagnostics et de traitement sur la
municipalité de Camabatela ; un projet
accepté par l'Instituto de Combate e
Controlo da Trypanosomiase (ICCT) et
par le gouverneur de la province en
novembre 2003.
Les objectifs de ce programme
(ouvert en janvier 2004) étaient les
suivants :
- accroître l'identification des
malades par le dépistage passif, mais
aussi en développant le dépistage
actif à l'intérieur de notre secteur
d'intervention ;
- sensibiliser et recruter des populations (grâce à une meilleure
connaissance du terrain et de la
démographie), les éducateurs de
santé devaient convaincre les malades
potentiels de se faire dépister ;
•••
P21 messages MSF N°139 Février 2006
•••
- proposer un terrain de recherche
opérationnelle sur l'amélioration
du diagnostic et sur la qualité du
traitement en termes d'efficacité et
de faisabilité ;
- entretenir les outils des suivis
épidémiologiques et thérapeutiques,
MISSION
afin de mieux apprécier la répartition
de la prévalence entre les différentes
municipalités ;
- continuer à développer la prise en
charge des malades, en facilitant
l'usage de médicaments plus
efficaces et moins toxiques.
que les prévalences étaient généralement proches de 0,5 % voire souvent
inférieures) ;
- le changement de politique opéra-
passation officielle a été effectuée le
17 août, la reprise des activités est
effective depuis septembre 2005.
tionnelle de l'ICCT qui décide d'effectuer un dépistage durant l'été 2004 là
où nous avions prévu d'envoyer des
> FERMER DANS DE
MAUVAISES CONDITIONS,
MAIS FERMER
équipes deux à trois mois après ;
- la présence de mines (si les routes
principales sont utilisables, les routes
secondaires sont encore risquées)
entrave l'accès aux éventuels foyers ;
- le nombre insuffisant de promoteurs
de santé et l'abondance des pluies,
limitent la mise en place du dépistage
actif ;
- l'épidémie de fièvre Marburg sur
Uige, en mars 2005, devient la priorité
et met — de fait — nos activités trypanosomiase en « stand by ». Nous ne
sommes plus assurés de pouvoir
reprendre le dépistage actif, comme
initialement prévu ;
- enfin, un certain nombre de
« cafouillages » internes : problèmes
de ressources humaines au niveau
de la coordination (pas de chef
de mission/coordinateur médical
pendant huit mois, donc pas d'interlocuteur direct à Luanda pour l'ICCT),
> Angola © Aurélie Grémaud / MSF - Février 2002
> Bilan des activités à
Camabatela (avril 2004
à juin 2005)
12 386 personnes
dépistées
6 666 (53,8 %) en
dépistage passif
5 720 (46,2 %) en
dépistage actif
une équipe de terrain pas assez
soutenue et pas de capitalisation des
autres expériences trypanosomiase
MSF pour adapter la stratégie au
> … MAIS PEU DE PATIENTS
AU RENDEZ-VOUS
contexte de Camabatela.
La situation ne justifiait plus la
Six mois après l'ouverture, le bilan est
mitigé : le centre est presque vide. Lors
poursuite de notre intervention. De
plus l'ICCT possède les moyens opérationnels pour continuer les activités
de la mission exploratoire, on prévoyait
une moyenne mensuelle de trente
sur la région. La décision de fermer ce
programme a donc été prise fin juin
patients, au final on arrive à quinze
par mois. A cela plusieurs explications :
- les taux de prévalence ne s'avèrent
finalement pas aussi importants que
prévu (en étudiant la répartition
2005. L'ICCT a été autorisé par l'administrateur de Camabatela à poursuivre
les activités dans notre centre (reprise
d'une partie du personnel, donation du
mobilier, ainsi que du matériel médical
et des médicaments nécessaires au
géographique des patients et le taux
de prévalence respectif pour ces
mêmes zones, nous avons constaté
fonctionnement du programme pour
12 mois) et nous avons contacté individuellement tous nos patients. La
215 patients traités
Aucun décès reporté.
ANGOLA : ÉTAT DES LIEUX SANITAIRE
3 Angolais sur 1 000 ont été victimes des mines (mutilations ou décès).
En 2005, le budget alloué à la Santé représentait 5,66 % du budget total
du pays.
Dans de nombreuses provinces, les services de santé sont principalement
assurés par les ONG.
Les maladies les plus courantes sont le paludisme, les diarrhées et les
infections respiratoires. Il y a régulièrement des épidémies (rougeole,
méningite et, plus récemment, fièvre Marburg).
L'Angola est un des derniers pays africains où sévit encore la maladie du
sommeil.
Les données officielles de prévalence du sida (0,5 %) semblent
sous-évaluées.
P22 messages MSF N°139 Février 2006
Après le 20 juillet, le nombre d'expatriés sur le terrain — très nettement
insuffisant — a entraîné un retard à la
fermeture. La question logistique
s'est révélée un vrai casse-tête pour
la coordination. De plus, la pharmacie
avait beaucoup trop de stock, dont
certains
contexte
achetés
données
items totalement hors
(sutures, médicaments
localement, etc.). Les
complètes avaient été
effacées — perdues ou pas renseignées — des ordinateurs terrain et
capitale. Il a également été très
difficile de réintégrer le personnel
national doté de diplômes congolais
non reconnus en Angola. Enfin,
malgré l'avenir incertain du
programme, tous les contrats
à durée déterminée avaient été reconduits pour six mois dans les semaines
précédant la décision de fermeture,
ce qui a entraîné un surcoût important
au moment de la fermeture (total des
soldes de tout compte supérieur à
100 000 USD)
Dans un contexte que le gouvernement angolais définit lui-même
comme « une phase de réhabilitation
et de développement » (même si les
investissements sont essentiellement
concentrés sur Luanda),
nous
n'avions pas à pallier les besoins
sanitaires sur tout le reste du pays. La
malnutrition reste présente mais pas
préoccupante, notamment à Huambo
et à Kaala. D'autres acteurs sont
mobilisés sur la question des réfugiés
(UNHCR, OMI) et le nombre de
rapatriés est en nette diminution. Il
n'y a donc plus de besoins spécifiques
nécessitant notre intervention.
Le 25 septembre 2005, après 22
années d'action dans le pays, la
section française de MSF a fermé ses
programmes en Angola. Quatre
autres sections restent présentes et
continuent, notamment, le travail de
lobbying sur les ACT. ■
1- MSF était intervenue en 2002
pour monter un programme d'urgence
nutritionnelle lié à la famine
2- Artemisinin-based combination therapy
(combinaisons thérapeutiques à base
d'artémisinine)
Le projet de rémunération
internationale
> RDC © Gary Knight / VII - Juin 2005
RESSOURCES HUMAINES
MSF / Janvier 2005 / Anne-Louise Jacquemin, responsable projet
Après quatre ans de longues négociations entre sections, le projet de rémunération internationale a enfin abouti à des solutions politiques et techniques communes, en vue d'une
amélioration des conditions de rémunération et de prise en charge du personnel international de MSF. L'« International Remuneration Project » (IRP) va ainsi permettre aux
volontaires internationaux de bénéficer de conditions plus équitables et plus adaptées à
leur situation.
Fortement soutenue par les sections
partenaires à son lancement fin 2000,
l'idée de l'IRP avait pour objectif de
fidéliser davantage le personnel
international en le prenant mieux en
charge. Rapidement, la motivation
politique autour du projet s'est
renforcée par une exigence : MSF doit
mieux remplir ses responsabilités en
tant qu'employeur, en fournissant une
prise en charge sociale et médicale
plus adaptée à la diversité d'origine
de son personnel international.
Le projet de rémunération internationale est donc un projet à l'intention du
personnel international de MSF et
concerne à la fois leur rémunération,
la protection sociale ainsi qu'une
assurance privée internationale (en
complément de ce qui est proposé au
travers des systèmes nationaux.)
> LA RÉMUNÉRATION
Actuellement, deux infirmières de
même expérience gagnent des
salaires qui peuvent varier parfois
considérablement si elles partent
avec des centres opérationnels différents. L'IRP s'est donc attelé à définir
un système de rémunération cohérent
pour l'ensemble du mouvement, qui
reflète le besoin d'équité dans le
l'ancienneté et l'expérience hors MSF
que sur la prise de responsabilité.
traitement des volontaires.
A l'automne 2005, un accord a enfin
> LA PROTECTION SOCIALE
été atteint autour d'une grille de
salaire internationale pour quatre des
En règle générale, la façon la plus
efficace d'accéder au système social de
cinq centres opérationnels, et par
l'ensemble des sections partenaires.
Seule la section belge n'a pour
l'instant pas accepté cette grille,
qu'elle ne juge pas adaptée à sa
politique de recrutement et de fidéli-
son pays de résidence est un contrat de
travail « local », qui permet d'ouvrir ou
maintenir plus aisément des droits /
avantages sociaux. Il a donc été décidé
que, quand c'est possible, c'est-à-dire
dans les pays où MSF a une section, les
sation, qui mise davantage sur
expatriés bénéficieront d'un contrat
> Et le personnel
national ?
Cet objectif d'amélioration
de la prise en charge s'adresse
au personnel national comme
au personnel international.
Concernant le personnel
national, ce chantier est aussi
en cours depuis 2003, et les
grilles de fonctions, de salaires,
ainsi que la prise en charge
sociale et médicale ont déjà été
revues dans la moitié des pays.
Ce travail, de tout aussi longue
haleine que l'IRP, n'est pas
terminé, et reste une priorité
pour 2006.
•••
JE SUIS EN MISSION AVEC MSF FRANCE, QU'EST-CE QUI VA CHANGER ?
• Un nouveau salaire à compter du 1er janvier et un
nouveau montant sur mon compte bancaire à compter
du 30 janvier 2006.
• De nouvelles assurances, et notamment une nouvelle
adresse où envoyer mes demandes de remboursement
de frais médicaux.
• Si je viens d'un pays CEE, des contributions sociales
(Sécurité Sociale, retraite) seront versées systématiquement
par MSF auprès de la CFE (Caisse des Français à
l'Etranger), quel que soit mon statut, mon expérience et
ma durée de mission (aujourd'hui seulement après un
an de mission ou si je suis salarié).
• Pour ma prochaine mission, comme la prise en compte
de mon expérience a été faite, de façon temporaire, sur
la base de l'information disponible dans mon dossier
(CV, etc.), je devrai impérativement fournir un CV à jour,
ainsi que les justificatifs correspondants (certificats de
travail de préférence) pour que cette expérience soit
reprise et confirmée.
• Si je suis résident d'une section partenaire, courant
2006 (ou pour ma prochaine mission), j'aurai désormais
un contrat dans mon pays/ma section (MSF USA février 2006 ; MSF Allemagne - mars 2006 ; MSF UK mai 2006 ; MSF OZ - mai 2006 ; MSF Japon, MSF Canada
- juillet 2006 etc.)
P23 messages MSF N°139 Février 2006
•••
dans leur pays de résidence. Chaque
section MSF, y compris les sections
opérationnelles, (re)prendra donc les
RESSOURCES
contrats de tous leurs résidents. Tout
résident français travaillant pour MSF
sur le terrain aura désormais un
contrat signé avec la section française,
tout résident américain avec la section
MSF USA, etc. Ceux qui résident dans
un pays où MSF n'a pas de section et
resteront sous contrat avec le centre
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Le coût de l'IRP représente,
d'après les estimations
actuelles, une augmentation
d'un tiers de la masse
salariale du personnel
international pour notre
section, soit environ
2,5 millions d'euros.
Le coût global des mesures
à l'intention du personnel
national n'est pas encore
finalisé, même s'il est clair
qu'il représente aussi,
pour MSF France, un effort
financier important,
et assumé.
opérationnel pour lequel ils travaillent.
REVUE DE
PRESSE
> UNE COUVERTURE
SOCIALE ET UNE
ASSURANCE
INTERNATIONALE
(SUITE)
de Sécurité Sociale et, pour partie (ou
en totalité si besoin) par des assurances privées communes à toutes les
personnel international, tout en
garantissant à ceux qui résident dans
un pays où MSF a une section, un
accès à leur système social national.
> QUAND ?
MSF / Janvier 2006 / R.V.
> Communication
(séro)positive
« La lecture du rapport
mondial de l'Onusida est
encore plus déprimante
que celle des années
précédentes », écrit Le Figaro
le 22 novembre. En 2005,
le sida a encore fait
3,1 millions de morts (dont
570 000 enfants)
Du côté des traitements,
le bilan est tout aussi
catastrophique : « les estimations actuelles font état
de 1,2 millions de traitements
individuels, alors qu'il faudrait
soigner entre 10 et 11 millions
de malades », rappelle Le
Figaro. On est loin des
3 millions promis par l'OMS
d'ici fin 2005. Le directeur
du programme sida de l'OMS,
qui a dirigé la campagne
« 3 by 5 », termine donc
son mandat sur un constat
d'échec, et demande un
« corridor humanitaire »
pour la production d'ARV
génériques. Mais tout en
reconnaissant l'échec, il
poursuit le renversement
de discours engagé en mars
dernier par l'OMS avec son
rapport « Trois scénarios
pour l'Afrique ». Désormais,
plutôt que de parler de
malades mis sous traitement
et de risquer d'annoncer des
résultats en-deçà des
objectifs, on va parler
de morts et de nouvelles
contaminations évitées. On
appelle ça la communication
positive…
L'IRP a également redéfini tous les
éléments de couverture que MSF
entend offrir à ses expatriés en plus
Le projet commence avec les
« sections pilotes » suivantes : MSF
Allemagne, USA, UK, Canada et
de la rémunération : couverture
médicale, assurance incapacité,
capital invalidité et décès, congés,
retraite, accès au chômage (ces
derniers variant selon les pratiques et
> Haiti © Gael Turine - Octobre 2005
les systèmes nationaux).
Les droits sociaux variant selon les
sections MSF (couverture médicale,
décès/invalidité, etc.).
pays, cette couverture sera fournie
pour partie à travers les systèmes
In fine, MSF donnera donc une
couverture similaire à tout le
Autriche, jusqu'à l'été 2006. Les
autres sections partenaires suivront
progressivement à partir de l'été
2006.
Quant aux sections opérationnelles,
elles entament cette administration
croisée systématique dès le début de
cette année. ■
A MSF FRANCE, CONCRÈTEMENT, QU'EST-CE QUE CELA VEUT DIRE ?
1.UNE NOUVELLE GRILLE SALARIALE À COMPTER DU 1ER JANVIER 2006
• Construite sur la base de la grille internationale commune :
1) Une première année sous statut de volontaire indemnisé, quel que soit le poste (comme auparavant)
2) Un accès au salariat dès la deuxième année, quel que soit le poste (nouveauté)
3) Intégration plus importante de l'expérience acquise ailleurs (humanitaire ainsi que professionnelle)
4) Une prise en compte accrue de l'ancienneté MSF (jusqu'à 10 ans), comptée dorénavant toute fonction
confondue.
• Cette nouvelle grille donne en général, au plan individuel, des rémunérations revues à la hausse
1) L'indemnité de première année passe de 610 à 700 euros
2) Les salaires pour les postes de terrain et de coordination intermédiaires (RT, etc.) en particulier ont aussi
été re-évalués.
2.DES AMÉLIORATIONS DANS LA COUVERTURE SOCIALE
• Pour les Français, une meilleure couverture dès la première mission :
1) Couverture médicale améliorée et accès à la Sécurité Sociale (CFE) ;
2) Contribution retraite dès le premier jour de mission
• Pour tous, des nouvelles assurances à compter du 1er janvier 2006, fournissant :
1) Une couverture médicale à 100 % pour tous (aujourd'hui limitée aux salariés)
2 ) Une meilleure couverture décès-invalidité, avec des capitaux et rentes réévalués.
• Congés : accumulation de deux jours par mois de congés payés ou indemnisés, selon le statut (soit cinq semaines
par an). Jusqu'à présent, les personnes sous statut volontaire n'accumulaient pas de droits à congés, même si
elles avaient droit à la semaine de repos trimestrielle sur le terrain.
• Pour les volontaires venant de sections partenaires : progressivement courant 2006, la possibilité d'accéder
à des contrats dans leur pays de résidence, avec dans certains cas, une grille plus adaptée au niveau de vie.
P24 messages MSF N°139 Février 2006
COMMUNICATION /COLLECTE
> MSF © D.R.
Face à Face,
l’autre terrain
MSF / Janvier 2006 / Olivier Michel
Aller au contact du public, lui présenter les actions de Médecins Sans Frontières,
défendre et expliquer les prises de position de notre association, demander et convaincre les gens de s'engager à nos côtés en participant à l'opération « 1 euro par semaine »...
Voilà l'objet de la campagne de recrutement de donateurs réguliers, plus connue sous le
nom de « Face à Face » qui vient d'achever sa deuxième année.
La campagne « face à face » signe un
bilan globalement positif, tant du point
rons cette expérience en 2006.
Pourtant cette campagne ne s'est
obtention auprès des municipalités des
meilleurs emplacements pour notre
de vue de la communication que de la
collecte de fonds : les prises de position
pas déroulée sans accrocs. Certaines
difficultés rencontrées s'avèrent étran-
exposition —, de la communication —
faire savoir le plus vite possible que
de MSF suite au tsunami ont pu être
développées de vive voix, la situation au
Niger dévoilée bien avant que les
médias n'en parlent, la problématique
du manque d'accès aux médicaments
et de la nécessaire prise en charge des
gement similaires à celles du terrain.
Alors qu'il s'agit en mission d'atteindre
le plus efficacement possible le plus
grand nombre de personnes vulnérables, il fallait ici présenter efficacement
notre action au plus grand nombre de
nos équipes sont présentes dans la ville
pendant une semaine — ou encore de
la logistique — trains, hôtels mais
également gestion des conditions
climatiques pas toujours évidentes
lorsque l'on travaille en extérieur —
malades du sida dans les pays pauvres
expliquée… L'opération a mobilisé trois
équipes (45 personnes ont participé
donateurs potentiels, sans pour autant
tomber dans une démarche mercantile.
Le maître mot reste ici l'engagement.
ne font pas du face à face une mission
de tout repos.
Mais y a-t-il une mission à MSF qui
à cette « mission » en 2005, dont
5 anciens volontaires MSF) : deux
dans la rue et une pour faire tourner
l'exposition « Acteurs d'Urgence ».
Les équipes ont sillonné 46 villes cette
Pour ce faire, plus de 40 « médiateurs »
actifs dans des domaines associatifs
variés ont été formés. Certains volontaires expérimentés du terrain ont même
rejoint nos équipes et les ont grande-
année à raison d'une ville par semaine,
près de 9 000 nouveaux donateurs ont
été convaincus et donnent aujourd'hui
ment enrichies.
Le soutien des bénévoles des antennes
de provinces en particulier et du réseau
soit facile ? L'indépendance financière
de Médecins Sans Frontières se mérite,
et le « Face à Face » y contribue grandement. La tournée 2006 reprendra donc
de mars à octobre, pour laquelle
MSF recherche des médiateurs (volon-
1 euro (ou plus) chaque semaine, 30 000
personnes ont enfin visité l'exposition
itinérante.
En fin d'année, nous avons également
investi un TGV, en aménageant une
rame en espace MSF ; nous renouvelle-
des volontaires en général s'est aussi
avéré primordial.
La gestion des ressources humaines —
travailler harmonieusement n'est pas
toujours une chose facile ! —, mais
également administrative — choix et
taires du terrain et autres). Nous
comptons sur vous pour répondre
nombreux à l'appel de cet autre terrain.
> Appel à contribution
Avez-vous des images ?
La maison de production
MAHA, à Paris, entreprend trois
films documentaires adaptés
de l'ouvrage publié par Fayard,
« Médecins Sans Frontières,
la biographie ».
L'auteur, Anne Vallaeys, et
le réalisateur, Patrick Benquet,
réaliseront ces films qui relateront l'histoire de MSF de 1971
à aujourd'hui. Ils sont en quête
de tous documents amateurs,
films, super 8 et vidéo etc.,
réalisés par les volontaires
MSF au long de ces années.
Opérations de terrain, images
des AG, des sièges successifs
de MSF à Paris, en province,
dans les villes capitales, les
missions d'urgence... sont
vivement recherchés.
Si vous êtes en possession
de ces divers types de films,
n'hésitez pas à contacter
Anne Vallaeys.
E-mail :
Anne.DUGRAND.VALLAEYS
@wanadoo.fr
Tel. : 01 64 41 60 48
> Merci de contacter Olivier MICHEL
au 01 40 21 29 18,
ou par mail : [email protected]
P25 messages MSF N°139 Février 2006
AUDIOVISUEL
État d’urgence production
MSF / Janvier 2006 / François Dumaine
INFOS
À voir, à lire
> ACTUALITÉ
Le film « Le médicament : une chaîne
essentielle pour le patient. » est
maintenant disponible en DVD, français
consommations. Les bénéficiaires de
cette chaîne sont les patients dont on
s'assurera, par de bonnes pratiques de
dispensation, de la compréhension et
espagnol, japonais, et arabe.
Nous allons aussi fournir sur les
terrains une vidéothèque opérationnelle
constituée d’une quarantaine de films.
et anglais. Le médicament (avec le
matériel médical) est l'un des axes
stratégiques des missions MSF.
L'objectif est de rendre accessible aux
de l'observance des traitements.
Il est accompagné de sept petits films
« support technique » sur la chaîne de
froid, l’élaboration d’une commande,
Plusieurs autres films vont sortir cette
année : sur la prise en charge de la
douleur, la chirurgie, la chaîne de froid
et sur une nouvelle approche de prise en
patients des traitements de qualité
dans les meilleurs délais. MSF assure
donc le contrôle de la chaîne d'approvisionnement depuis la sélection des
l’observance, l’organisation d’une
pharmacie, la qualification des médicaments, la réception d’une commande
et les outils indispensables.
charge de la malnutrition.
En collaboration avec la section suisse,
nous allons réaliser un “trois fois 20 mn“
sur la sensibilisation et la prise en
fabricants jusqu'à la dispensation
auprès des patients.
Au sein des projets, la logistique
d'approvisionnement est directement
liée aux bonnes pratiques de gestion de
> DISPONIBLES
À LA PHOTOTHÈQUE
(et sur la database int.)
- MSF / Janvier 2006 /
Alix Minvielle
Reportages photos envoyés
à la DBI :
Chine : Nanning, Sida, novembre
2005 / Ashley Gilbertson Aurora
Pakistan : montage de l'hôpital
sous tentes gonflables +
campagnes vacci, novembre
2005 / Rémi Vallet - MSF
stocks ainsi qu'à l'élaboration des
commandes qui doivent être adaptées
aux activités médicales et au suivi des
En ce tout début d’année vont
sortir deux films : Le premier aborde
l’organisation d’une campagne de
charge des personnes victimes des
violences sexuelles.
Le site web de MSF verra une augmentation substantielle de sujets audiovisuels. Enfin un gros chantier devrait
vaccination, version française et
anglaise, et le second est une présentation de MSF en français, anglais,
s’ouvrir pour la sauvegarde de nos
archives, certaines datant maintenant
de plus de 20 ans. ■
> PROJET 2006
A LIRE AU CENTRE DE DOCUMENTATION
Acquisitions
décembre 2005 / janvier 2006
Iran : situation des réfugiés
afghans dans les villes de
Mashhad et de Zahedan, oct-nov
2005 / Sibylle Gerstl - Epicentre
MSF / Janvier 2006 / Christine Pinto (01 40 21 27 13)
> MEDICAL
DICTIONNAIRE CRITIQUE DES TERMES
> GEOPOLITIQUE
BÉNÉFICIAIRES OU PARTENAIRES.
Cote d'Ivoire : hôpital de Bouaké,
septembre 2005 / Carl De Keyzer
- Magnum
DE PSYCHIATRIE ET DE SANTÉ
MENTALE / SOUS LA DIRECTION DE
QUELS RÔLES POUR LES POPULA-
Soudan : Akuem, programmes +
construction du nouvel hôpital,
août-septembre 2005 / MariePierre Barre - MSF + autres MSF
Uniquement à la photothèque :
Indonésie : logistique dans la
province d'Aceh, oct-nov 2005 /
Etienne Quetin
Guinée : chirurgie, septembre
2005 / Khaled Menapal et Valleri
- MSF
SIMON-DANIEL KIPMAN. AMÉLIE
AMSLEM-KIPMAN, MONIQUE THURIN
ET JOSPEH TORRENTE. - Paris : Doin
Groupe Liaisons SA, 2005. - 479 p.
HOFNUNG. - Paris : La Découverte,
2005. - collection Sur le vif. - 140p.
TIONS DANS L'ACTION HUMANITAIRE? / SOUS LA DIRECTION DE
FRANÇOIS GRÜNEWALD. - Paris :
LE DISPOSITIF HUMANITAIRE :
GÉOPOLITIQUE DE LA GÉNÉROSITÉ /
EMIL COCK. - Paris : l'Harmattan,
Karthala, 2005. - 429p. - collection
Pratiques humanitaires.
2005. - 176p.
L'URGENCE HUMANITAIRE, ET
APRÈS? POUR UNE ACTION HUMANITAIRE DURABLE / JEAN-FRANÇOIS
MATTÉI AVEC LE CONCOURS DE
PROTOCOLES ET ÉCHELLES D'ÉVALUATION EN PSYCHIATRIE ET EN
PSYCHOLOGIE / MARTINE BOUVARD,
CÔTE D'IVOIRE, LA FORMATION D'UN
PEUPLE / PIERRE KIPRE. - Fontenaysous-Bois : Sides Ima, 2005. - 291p. -
JEAN COTTRAUX. - Paris : Masson,
2005. - 4e édition. - 327 p. - collection
Pratiques en psychothérapie.
collection : L'Afrique dans tous ses états.
JEAN-PHILIPPE MOINET ET DE
PIERRE KREMER. - Paris : Hachette
GÉOPOLITIQUE DU NOUVEL AFGHANISTAN / PATRICK DOMBROWSKY ET
SIMONE PIERNAS. - Paris : Ellipses,
2005. - 110 p. Collection Références
Géopolitiques.
Littératures, 2005. - 235 p.
HANDBOOK FOR SELF-RELIANCE /
Genève: UNHCR, 2005.
N°180, OCTOBRE-DÉCEMBRE 2004, T.
XLV. - Paris : puf. - pages 724 à 953.
JÉRUSALEM OU LA COLÈRE DE DIEU /
UGO RANKL. - Paris : Editions des
Syrtes, 2005. - 345 p.
POVERTY, INCOME DISTRIBUTION
AND LABOUR MARKETS IN ETHIOPIA /
ARNE BIGSTEN, ABEBE SHIMELES
AND BEREKET KEBEDE. - Uppsala:
The Nordic Africa Institute, 2005. - 200p.
THE SANFORD GUIDE TO HIV/AIDS
THERAPY / MERLE A. SANDE,
GEORGE M. ELIOPOULOS, ROBERT C
MOELLERING, DAVID N GILBERT. USA: Sanford Guide, 2005. - 14 th
Edition. - 143p.
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DE LA
SANTÉ / SOUS LA DIRECTION DE
GUSTAVE-NICOLAS FISHER. Paris :
Dunod, 2002. - 675 p.
LA CRISE EN CÔTE D' IVOIRE : DIX
CLÉS POUR COMPRENDRE / THOMAS
P26 messages MSF N°139 Février 2006
ONG : LES PIÈGES DE LA PROFESSIONNALISATION / SOUS LA
DIRECTION D'ANNE LE NAËLOU ET
JEAN FREYSS. - REVUE TIERS MONDE
STAGES ET FORMATIONS
> REPONSE AUX EPIDEMIES
du 6 au 10 mars 2006 dans les locaux de MSF
Paris - Durée : 5 jours - Session en anglais
> PUBLIC CONCERNÉ
- Médicaux ou paramédicaux ayant des connaissances de base en épidémiologie et au moins
une expérience dans le cadre d'une épidémie
- Priorité aux coordinateurs de capitale et coordinateurs d'urgence ainsi qu'aux assistants
nationaux des coordinateurs médicaux.
- Ouvert en deuxième intention aux coordinateurs
de terrain (RT) ayant une expérience d'au moins
deux missions à ce poste
- Engagement d'au moins 12 mois (modulable une ou plusieurs missions - pour les expatriés)
A l'issue de cette formation, les stagiaires seront
capables de :
- Réaliser une investigation d'épidémie
- Détecter un épisode épidémique
- Définir les stratégies de prise en charge et de
contrôle des épidémies
Les pathologies abordées sont les suivantes :
méningite, maladies diarrhéiques, fièvres
hémorragiques, grippe, paludisme et rougeole.
Renseignements et inscriptions auprès
de votre desk ou à Epicentre
Isabelle Beauquesne (01 40 21 29 27)
ou Danielle Michel (01 40 21 29 48)
TURN OVER
RH TERRAIN
> Laurence RAVAT
a pris ses fonctions de Chargée des Ressources Humaines début décembre
> Cécile AUJALEU
a repris son poste de Coordinatrice RH Terrain Nationales début janvier
OPÉRATIONS
> Marie Madeleine LEPLOMB a quitté ses fonction de Responsable Programmes fin novembre
MÉDICAL
> Geza HARCZI
> Sylvaine BLANTY
a pris ses fonctions de Responsable Nutrition début novembre
est Chargée de Mission sur la politique de santé en matière de prise en charge
des personnels « national » infectés par le VIH depuis la mi-novembre
> Sophie LAUZIER
est Chargée de Mission sur les protocoles de soins infirmiers applicables
sur les missions depuis octobre
COMMUNICATION ET COLLECTE
> Olivier MICHEL
a pris ses fonctions de Coordinateur Opérationnel de l'opération
« Face à Face » fin janvier
> Renaud CUNY
a pris le poste de Webmaster Adjoint depuis début janvier
LOGISTIQUE
> Pennie VERSEAU
est Chargée de Mission sur le développement de support d'auto-formation
logistique depuis décembre
> Anabelle GAZET
a pris ses fonctions de Superviseur Logistique Urgences mi-janvier
ACCUEIL ET SERVICES GÉNÉRAUX
> Salma LEBCIR
est Hôtesse-Standardiste depuis début décembre
FINANCES
> Rémi OBERT
a pris ses fonctions de Directeur Adjoint en janvier
JURIDIQUE
> Françoise SAULNIER
a pris ses fonctions de Directrice Juridique
> Clémentine OLIVIER
est Assistante Juridique depuis la mi-janvier
FONDATION
> Judith SOUSSAN
est Chargée de Mission sur les responsabilités de MSF en matière de protection
depuis la fin janvier
> Xavier CROMBE
a pris ses fonctions de Directeur de Recherche en décembre
IN MEMORIAM
MSF / Décembre 2005
Le décès de deux de ses volontaires dans un accident d'avion survenu au Nigéria samedi 10 décembre 2005 a plongé
Médecins Sans Frontières dans une profonde tristesse. Hawah Kamara, 49 ans, et Thomas Lamy, 30 ans, figurent parmi
les victimes de ce drame. Partis d'Abuja, la capitale, ils se rendaient tous les deux à Port-Harcourt où MSF mène un
programme chirurgical. Ils nous manquent à tous terriblement.
Thomas Lamy,
logisticien MSF France
> Thomas Lamy © D.R.
Né en 1975, Thomas, était originaire
d'Annecy, en France. Il a rejoint pour la
les projets mais surtout pour les
populations que nous aidons.
première fois MSF en 2003. Après deux
mois aux services généraux, au siège à
Paris, il s'est très vite avéré passionné
pour MSF.
Thomas a effectué sa première mission
en août 2003 en Côte d'Ivoire, comme
Thomas est retourné en Côte d'Ivoire en
2004, cette fois à Toulepleu et Guiglo, où
il nous a de nouveau fait preuve de sa
capacité à prendre de nouvelles
responsabilités et de s'adapter à un
contexte très différent et complexe. Au-
logisticien d'approvisionnement dans
notre base arrière à Abidjan pour le
delà de son rôle de logisticien, il était
l'interlocuteur avec les armées
programme d'urgence au Liberia
durant la guerre.
C'était sa première mission, mais il
impressionnait déjà par sa capacité et
sa volonté à relever immédiatement les
défis et par son engagement dans le
ivoirienne et française et les milices de
la région.
En décembre 2004, Thomas a travaillé
au Darfour. D'abord à Nyala, puis à El
Genina, où il est resté jusqu'en juin de
cette année.
travail. Il est très vite devenu
un personnage-clé pour nos programmes au Liberia, où il était responsable
En août 2005, Thomas est parti pour le
Nigeria, travailler sur l'urgence nutritionnelle à Katsina. Moins d'un mois
de l'approvisionnement, de la location
des avions et où il négociait avec les
autorités locales. Depuis, il a toujours
été prêt à s'impliquer dans des crises
majeures et à assumer des responsabilités importantes pour les équipes, pour
après son arrivée, il est devenu le
coordinateur logistique des projets MSF
dans ce pays. Il a été une grande révélation pour MSF, un volontaire engagé,
toujours motivé, sur lequel on pouvait
compter. Il va beaucoup nous manquer. ■
P27 messages MSF N°139 Février 2006
IN MEMORIAM
Hawah Kamara, chargée des ressources
humaines MSF USA
> Hawah Kamara © D.R.
Hawah Kamara avait rejoint MSF au
début des années 1990. Née au Liberia,
Hawah fuit la guerre civile dans son
conférence de presse d'inauguration de
l'exposition « Camp de réfugiés » à
Central Park en 2000, où elle avait
pays en 1989, accompagnée de sa fille
pour trouver refuge en Sierra Leone.
Elle retourne au Liberia deux ans plus
tard pour rejoindre le bureau MSF à
fortement ému son auditoire, y compris
les nombreux journalistes présents.
Monrovia. D'abord secrétaire, elle
devient ensuite administratrice, avant
de migrer aux Etats-Unis. En 1999, elle
travaille d'abord au département des
dans un manuel scolaire destiné aux
collèges américains. En 1999, Hawah
a également représenté la section
américaine de MSF, à Oslo, lors de la
ressources humaines du bureau de
New York, où elle recrute de nombreux
volontaires, puis comme chargée
des ressources humaines du desk pour
nos programmes en Haïti, au
cérémonie de remise du Prix Nobel de
la Paix. Hawah était aimée de tous ceux
qui l'ont connue — personnel des
sièges et terrains, volontaires,
membres du personnel national — et
Guatemala, en Ouganda et au Nigeria.
Hawah a souvent pris la parole au nom
de MSF, notamment lors de la
tant appréciée pour sa ferveur, son
humour, sa chaleur et sa générosité
d'esprit. ■
Son histoire « Our World » à été publiée
IN MEMORIAM
Patrice Pagé, Directeur général, MSF Canada
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française de msf : www.msf.fr
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Médecins Sans Frontières
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75544 Paris Cedex 11
Tél. : +33 (0) 1 40 21 29 29
Fax : +33 (0) 1 48 06 68 68
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Directrice de la rédaction :
Bénédicte Jeannerod
Édition : Olivier Falhun
Traduction : Caroline Serraf / TSF
Photothèque : Alix Minvielle
Mise en page : Odile Malassis /
tcgraphite
Conception : Exces communication
Impression : Artecom.
Nous avons appris le décès de Patrice Pagé, le 12 décembre 2005 à Toronto. Nous sommes
terriblement choqués et bouleversés. Nous avons perdu un homme brillant, passionné,
qui a tant donné au monde humanitaire. Nous partageons cette peine avec la famille de
Patrice et avec son amie.
Patrice Pagé avait rejoint Médecins
Sans Frontières (MSF) en 1999 en tant
programmes d'urgence d'Unicef à la
frontière du Tchad et du Soudan. En
travail avec la Confédération des
Syndicats Nationaux à Montréal
que responsable terrain (RT) pour une
mission au Sud Soudan. Il avait auparavant travaillé deux ans au Rwanda pour
le Haut commissariat des Nations unies
pour les réfugiés (HCR). Il a poursuivi
son parcours avec MSF comme RT en
septembre 2005, il a été nommé
directeur général de MSF Canada.
Avocat diplômé de la faculté de droit de
l'Université de Sherbrooke et de l'École
du Barreau du Québec, Patrice détient
également un diplôme de l'Institut
pendant deux ans. Défenseur infatigable des populations en danger, Patrice a
apporté sa vivacité d'esprit, son savoir,
sa sensibilité aux causes des patients
de MSF. Il a démontré sa passion pour
la justice dans tout ce qu'il entreprenait.
Sierra Leone et au Kosovo, puis comme
chef de mission en Érythrée, en
International des Droits de l'Homme de
Strasbourg. Il a pratiqué le droit du
Il avait 33 ans. Il nous manque à tous
terriblement. ■
République démocratique du Congo, en
Guinée et au Libéria. Patrice est arrivé
au bureau de MSF à New York en 2001
en tant que responsable des programmes. Très impliqué dans le dossier
Arjan Erkel, il a exigé et obtenu des
entretiens au plus haut niveau auprès
du gouvernement américain ainsi
qu'auprès des Nations unies. Il a aussi
participé activement aux efforts de
pression en faveur de la résolution 1502
du Conseil de Sécurité de l'ONU relative
à la sécurité du personnel humanitaire
votée en août 2003. Il a quitté MSF en
2004 pour prendre la direction des
P28 messages MSF N°139 Février 2006
> Patrice Pagé © D.R.