Le pape François Un film de Beda Docampo Feijóo

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Le pape François Un film de Beda Docampo Feijóo
Le pape François
Un film de Beda Docampo Feijóo
C’est une gageure de consacrer un film à une personnalité dont l’histoire est toujours en
train de s’écrire. Le cinéaste argentin, auteur du film qui sort sur les écrans français le 28
septembre, le mesure puisque son œuvre se clôt par l’élection du cardinal Bergoglio au siège
de Pierre. C’est donc l’itinéraire argentin de Jorge Bergoglio qu’il nous fait suivre, choisissant
cependant de truffer les dialogues de citations extraites de propos tenus par celui-ci même
depuis qu’il est devenu le pape François.
Reconnaissons le caractère académique d’un film qui ne restera pas parmi les chefs d’œuvre du
7ème art. Le metteur en scène ne recherche pas l’originalité dans le traitement de son sujet ni
dans un point de vue personnel qu’il pourrait développer. Sans doute n’en a-t-il pas les moyens
artistiques. En positif, il s’efface derrière son sujet et la personnalité qu’il met en valeur ; son
film sera dès lors considéré comme une honnête introduction à la vie et à la pensée du pape
actuel. Ceux qui connaissent, même un peu, le pape n’apprendront rien ; d’autres pourront être
incités à mieux le découvrir, en particulier à travers ses écrits.
L’actualité culturelle hexagonale conduit cependant à éveiller l’attention. Je déplore souvent
que le cinéma, comme d’autres expressions artistiques, ne soit pas reçu tel il doit l’être. Ces
jours-ci s’ouvre au Centre Pompidou de Paris une exposition consacrée au peintre surréaliste
belge René Magritte. On connaît l’une de ses œuvres majeures, œuvre-programme s’il en est :
Ceci n’est pas une pipe. Ce titre semble contradictoire puisque, justement, le tableau représente
une pipe. En effet, il « représente » une pipe ; un tableau n’est pas une pipe !
De même un film, en particulier lorsqu’il est consacré à un personnage historique, est une
« représentation », il est une interprétation, il n’est pas le personnage lui-même. C’est pour cette
raison que les vrais auteurs ne craignent pas de produire des œuvres subjectives, des films qui
soulignent qu’il s’agit bien du pape de, par exemple, Nanni Moretti, ainsi dans Habemus papam,
et non une prétendue réalité ; celle-ci échappe heureusement toujours à ceux qui voudraient la
saisir.
Ceci dit, le film argentin bientôt sur les écrans se regarde sans déplaisir. Il suit l’itinéraire d’une
journaliste espagnole envoyée pour suivre Bergoglio ainsi que les affaires vaticanes. Le
réalisateur a choisi de construire son film à partir de flash-backs permettant de remonter à
l’enfance de Jorge. A l’instar de moult séries télévisuelles, il y adjoint les déboires sentimentaux
et familiaux de cette journaliste et illustre par ce biais le souci de l’archevêque de Buenos Aires
pour la vie concrète des personnes.
Celui-ci apparaît avec un des aspects qui le caractérise le plus : il est avant tout un confesseur,
au sens propre du terme, d’où les nombreuses mentions du temps qu’il passe au confessionnal,
et dans un sens plus général : le discernement, l’accompagnement des personnes dans les
situations existentielles qu’elles traversent, le conseil plutôt que la règle… toutes choses
développées ensuite à l’envi dans les propos et les écrits du pape François.
Un propos entendu dans le film peut certainement être corrigé. Il est dit de Bergoglio qu’il est
un homme seul. Sans doute lorsqu’il doit trancher, décider, comme tout responsable.
Cependant, sa vie n’est pas de solitude : Bergoglio est un jésuite, un religieux, qui a toujours
vécu en communauté, d’où sa volonté, devenu pape, de ne pas s’isoler dans les appartements
pontificaux mais de pouvoir, autant que possible, continuer une vie de communauté, à la fois
pour les repas et aussi pour la messe quotidienne à Sainte Marthe.
Biopic, le film argentin a trouvé un « héros », il le suit et le valorise, c’est la règle de ce genre
de productions. Loin de moi la volonté de minimiser les mérites et grandeurs de celui qui fut
archevêque de Buenos Aires, cependant, selon les propos mêmes du pape François, la réalité
n’est jamais celle montrée dans les mauvais westerns américains où l’on sait dès les premières
images qui sont les gentils et qui sont les méchants. Mieux que le noir et le blanc, le réel est
souvent fait de mélanges et de gris.
Le film ne l’oublie cependant pas : dans les nombreuses rencontres qu’il montre entre Bergoglio
et telle ou telle personne, plus ou souvent moins en règle avec les « normes catholiques »,
l’évêque est toujours dans une attitude de miséricorde et de soutien, excepté lorsqu’il reçoit une
femme qui ne manque pas de se dire, elle, « bonne catholique », mais pour ensuite mieux tenter
de le corrompre, puis de faire pression sur lui.
Oui, ce pape est montré admirable. Le serions-nous autant ? Ainsi, lorsqu’en avion, le pilote lui
propose une place en business et qu’il la refuse, aurais-je agi pareillement ?
+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers

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