Le pape et les médias : le début du désamour - Riposte

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Le pape et les médias : le début du désamour - Riposte
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La réinformation catholique au quotidien
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Le pape et les médias : le début du désamour
Le journaliste allemand Julius Müller-Meiningen, correspondant à Rome de Die Zeit, a signé un
article sur les interrogations que finit par susciter dans les médias l’attitude du pape François,
attitude que certains ont qualifié de « marche en crabe ». Après une période d’enthousiasme, ils
s’interrogent : « Que veut-il au juste ? » Il nous a paru intéressant d’en publier la traduction
intégrale réalisée par les soins d’Henri Courivaud.
*
« Et à présent, lui aussi, il s’est fait prendre au piège »,
par Julius Müller-Meiningen, Christ und Welt, et Die Zeit, 30 avril 2015
Manger une pizza dans un petit restaurant, c’est qu’il disait souhaiter il y a peu. Et puis aussi,
vagabonder dans les rues de Rome incognito. Et c’est vrai qu’au temps où il n’était encore que
cardinal, Jorge Mario Bergoglio pouvait en effet flâner dans le centre de Rome à l’occasion de
ces visites au Vatican qu’il n’aimait guère. Lorsqu’il devait y séjourner, il habitait dans un foyer de
prêtres situé via della Scrofa, une rue située à un jet de pierre de la piazza Navona. Il lui suffisait
de faire quelques pas un peu plus loin pour se rendre à l’église « nationale », saint Louis des
Français que les touristes et les amateurs d’art apprécient parce que trois tableaux du Caravage y
sont exposés. Le cardinal de Buenos-Aires lui aussi, qui se tenait toujours dans la partie gauche en
arrière de cette église sombre, à l’entrée de la chapelle dite de Contarelli où l’on a notamment
accroché la célèbre peinture dite « la vocation de saint Mathieu ». Jésus y désigne distinctement le
publicain Mathieu qui, comptant ses sous, manifeste son étonnement par cet appel de doigt, dirigé
vers lui-même. « J’éprouve les mêmes sentiments », affirma le pape François à l’occasion d’une
interview qu’il donna à la revue jésuite la Civiltà Cattolica ; il se dit concerné par l’attitude de
Mathieu : « C’est bien moi, un pécheur, que le Seigneur regarde et considère ; Il se penche vers
moi ».
À présent, cette citation a du succès parmi les prélats de haut rang, qui la ressortent d’ailleurs
avec une certaine coquetterie pour en souligner l’insignifiance. Mais il se peut bien que dans le
cas de François, ce tableau et l’interprétation qu’il en donne par cette citation soient une clef de
lecture de sa pensée. La scène de l’appel [de saint Mathieu] fut cependant décrite dans une
homélie de saint Bède-le-Vénérable de la manière suivante : c’est « miserando atque eligendo » :
avec un regard de compassion et signifiant un choix que Jésus est venu le trouver. C’est en ces
termes que s’exprime la devise que Jorge Bergoglio adopta en tant que pape et c’est en ces
termes que Jorge Bergoglio entend caractériser durablement sa mission de miséricorde. Le regard
doux et ciblé sur les pécheurs, voilà le programme du pape Bergoglio.
D’authentiques pécheurs sont très en vogue dans l’Église
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Nombreux sont les messages du pape qui veulent donner à comprendre qu’après des décennies
d’éloges prétentieuses en faveur de valeurs censées être non négociables, de vrais et
d’authentiques pécheurs sont de nouveau en vogue. Les exclus, ce ne sont pas seulement les
pauvres, mais aussi les athées, les divorcés qui se remarient et plus particulièrement les
homosexuels. Ces derniers furent évoqués très vite en employant un ton nouveau : « Si quelqu’un
est homosexuel, qu’il cherche le Seigneur et qu’il a une bonne volonté, qui suis-je, moi, pour le
juger ? »; et c’est avec cette phrase ainsi prononcée que François éveilla les plus grands espoirs
en juillet 2013, une phrase qui va anticiper sur les plus grandes déceptions.
Ces mots devinrent emblématiques des malentendus de ce pontificat parce que Bergoglio joue à
l’intérieur du cadre magistériel catholique suivant lequel ce ne sont pas les personnes
homosexuelles qui sont jugées mais les actes homosexuels. Mais là, il emploie un ton qui éveille
des attentes et veut donner au pape un avantage incontrôlé pour le présenter comme une « icône »
de tolérance et d’humanité. François apparaît immédiatement sous l’image d’un « pape pour
tous » et c’est ainsi qu’il a encouragé tant d’espoirs surabondants en lui au lieu de les juguler.
Même ses détracteurs les plus farouches admettent que le pape, s’appuyant sur sa politique
personnelle, aurait modifié de fait le paradigme de l’attitude du catholicisme à l’égard de
l’homosexualité. C’est ce qu’affirme par exemple le journaliste italien très en vue sur les affaires
vaticanes, Sandro Magister. Dans ces rubriques qui sont autant de bloc-notes électroniques très
lus au Vatican, il mentionne un nombre sans précédent d’ « ecclésiastiques homosexuels » qui,
« au cours de ces deux dernières années ont été promus à des postes importants et qui sont en
contact très étroits avec le pape ». Et cet observateur fait remarquer ironiquement qu’il faudrait
fermement destituer les pécheurs qui sont au Vatican et ce, plus que jamais.
Bien que sur ce point les informations communiquées par d’autres personnes de l’intérieur ont été
confirmées, on voit tout de suite d’où viennent ces assertions : le catholique Magister, qui écrit
dans le périodique de gauche l’Espresso, une version italienne du Spiegel est un des détracteurs
les plus véhéments de Bergoglio. On dira également que les homosexuels se trouvant à des
postes de direction ne sont pas une nouveauté au sein de l’Église catholique.
Des homosexuels aux postes de direction
L’exemple le plus connu que Magister cite aussi, est celui de Monsignore Battista Ricca, directeur
du foyer de prêtres dont Bergoglio fit la connaissance, via della Scrofa et qui ensuite dirigea la
Maison Sainte-Marthe où demeure le pape actuellement et qui finalement, fut nommé par François
en qualité de prélat de la Banque du Vatican, pour des motifs de sympathie personnelle. Mgr Ricca
entretenait notamment une liaison avec un lieutenant suisse et fréquentait les bars homos lorsqu’il
était nonce en Uruguay. C’est pourquoi, lorsque l’on interrogea François sur Mgr Ricca, sur le
chemin du retour des journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro, François lança cette
phrase programmatique : « Si quelqu’un est homosexuel, qu’il cherche le Seigneur et qu’il a une
bonne volonté, qui suis-je, moi, pour le juger ? ».
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« Cela donnait un nouveau ton » dit Gianni Gerachi qui est à la tête de la communauté
homosexuelle chrétienne « Il Guado » (« le gué ») à Milan. Des associations homosexuelles ont
salué ces mots du pape. Vladimir Luxuria, le transsexuel le plus connu d’Italie qui représenta le
parti communiste pendant 4 ans au Parlement européen et qui se déclare catholique, croit déceler
un air frais au Vatican et dit se rapprocher davantage de la foi catholique. Et cela vise bien
François lorsque dans une interview donnée à la Civiltà Cattolica il décrit les homosexuels comme
des personnes « blessées socialement »* et déclara que l’Église ne voulait pas exclure les
homosexuels.
Que veut François, au juste ?
Il y a d’autres indices en la matière. Lors de sa visite à Naples il y a peu, le pape a rencontré dans
la prison de Poggioreale des détenus transsexuels avant de faire la connaissance à Sainte-Marthe,
à Rome, d’un transsexuel et de son amie. En février, ce furent deux groupes d’homosexuels
catholiques qui furent reçus en audience générale par le pape. Il semblerait donc que des hommes
que plusieurs membres du clergé traitaient naguère encore comme indésirables puissent faire
entendre leur voix au Vatican.
Mais en même temps, François s’est rapproché très vite de la Tradition : de ses mots et gestes
intarissables, François va sélectionner un morceau idéologique qu’il va affiner pour en faire, dans
un contexte donné une sorte de filet savoureux. Il a été fait peu d’écho par exemple, de ses
attaques continuelles contre « l’idéologie du genre » ou bien contre un phénomène tel que « la
colonisation idéologique ». Déjà, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, Bergoglio avait
fustigé en termes incendiaires le mariage homosexuel comme « une tentative menée par le père
du mensonge destiné à induire en erreur les enfants de Dieu et à les confondre ». Celui qui devint
pape s’exprima distinctement en des termes aussi radicaux qu’aujourd’hui son détracteur le plus
véhément, le cardinal Léon Burke.
Mais que veut François, au juste ? La question s’impose dorénavant parce que quelques
participants du synode extraordinaire des évêques à l’automne passé se sont donné la mission de
réfléchir à une attitude [nouvelle] de l’Église à l’égard de l’homosexualité. La timide tentative qui
a en été faite et que le seul pape a rendue possible, celle d’instaurer une « culture d’accueil » des
homosexuels a été cassée par tout un rang d’évêques conservateurs, peu de temps avant la
clôture de cette assemblée.
Un test pour la crédibilité du pape
Les premiers concernés eux-mêmes se sentent déstabilisés et surtout eux. « Au début de son
pontificat, François n’était pas empreint d’homophobie » constate Gianni Geraci. « Et à présent, il
s’est fait prendre au piège ». Geraci dit que cela lui rappelle les débuts du pontificat de Jean-Paul
II, avec cette euphorie qui le caractérisait alors : « L’enthousiasme était au plus haut et puis il
s’est estompé tout de suite ». Et puis Vladimir Luxuria qui s’est dit être revenu à la foi grâce à
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François s’est exprimé d’une voix triste : « Je ne le comprends pas. Il suit à présent la politique de
la carotte et du bâton. Au départ, ce sont des mots d’ouverture et à présent, c’est une attaque
contre l’idéologie du genre. François est dans une impasse. Je suis déçu ».
L’un des fardeaux en date est cette accumulation progressive d’espoirs déçus est l’affaire de la
proposition de nommer M. Laurent Stéfanini comme ambassadeur de France auprès du SaintSiège. Cette affaire met durement la crédibilité du pape François à l’épreuve. Depuis janvier, le
gouvernement français attend que le proposé, âgé de 55 ans, reçoive l’agrément du Saint-Siège
pour être accrédité.
Cette accréditation reste en suspens. M. Stéfanini est un catholique fervent et très introduit dans
les meilleurs réseaux du Vatican et a « dans sa poche », plusieurs cardinaux français pour
l’appuyer. Il fut déjà en fonction au Saint-Siège pendant quatre ans en tant que numéro deux de
l’ambassade et il lui a été décerné, au titre de ces services, une décoration papale, celle de
l’ordre de Saint-Grégoire. Cependant, ce dont sont sûrs les médias français et italiens, c’est ce
problème de la sexualité de M. Stéfanini. Celui-ci l’a fait savoir au futur cardinal André Vingt-Trois
en 1998 sans qu’il l’ait annoncé publiquement. Stéfanini est homosexuel.
Une épreuve à couteaux tirés avec une France laïque et sécularisée
Le Vatican, qui très vite a refusé l’accréditation du diplomate au motif de sa situation
« irrégulière », tente d’obtenir le retrait de celle-ci. Seulement, le nonce à Paris, l’archevêque Mgr
Luigi Ventura a entrepris cette démarche en vain. Il y a quelques jours, le pape a personnellement
fait la connaissance du diplomate à Sainte-Marthe. Des fidèles et des familiers du pape ont dit que
celui-ci n’a rien contre lui à titre personnel et même, que la rencontre aurait été empreinte d’une
très grande cordialité et d’une très grande intensité spirituelle et se serait terminée par une prière
en commun.
Il reste que le véritable motif de ce refus serait l’attitude du gouvernement français qui, en France,
il y a tout juste deux ans, a institué « le mariage pour tous », donc le mariage pour les
homosexuels. Des prélats affirment que M. Stéfanini s’est lui aussi prononcé officiellement en
faveur du mariage homosexuel. Ce mélange des genres (“Mix”) met le Vatican dans l’embarras.
On ne voudrait pas donner l’impression, au travers de cette attitude qui consiste à l’agréer, de
s’opposer à l’enseignement moral du catholicisme.
« Le pape ne souhaite pas être mis le dos du mur » a dit quelqu’un de l’intérieur. Du fait que le
palais de l’Élysée appuie cette candidature et le considère comme « l’un des meilleurs diplomates
en fonction et l’un des meilleurs pour prendre la charge de l’ambassade auprès du Vatican » et
qu’en même temps, le Vatican ne cède pas, on se trouve dans une situation qui prend l’allure
d’une épreuve à couteaux tirés entre demi-sels** Il se peut bien que l’homosexualité de M.
Stéfanini, pour François, ne joue aucun rôle en fait, mais la crédibilité de François en a souffert.
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* Sozial, au sens d’exclusion sociale.
** Halbstarken, par référence à un film de Georg Dressler, tourné en 1956 et devenu très célèbre
en Allemagne, pour parler de l’émergence des blousons noirs à Berlin. Ce film révéla entre autres
l’acteur Horst Buchholz, qui prit modèle sur Marlon Brando dans L’équipée sauvage, mais en plus
malfrat.
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