Vivre Ensemble ! On présente souvent la tolérance comme la vertu

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Vivre Ensemble ! On présente souvent la tolérance comme la vertu
Vivre Ensemble !
par Michel GAUDE*
On présente souvent la tolérance comme la vertu essentielle du Vivre Ensemble. Ce mot est pourtant réducteur
et contient une connotation péjorative : tolérer c’est accepter à contrecœur. Comme l’écrit si bien le Pr Albert
Jacquard, décédé en 2013 : « Tolérer, c'est accepter du bout des lèvres, c'est bien vouloir, c'est, de façon
négative, ne pas interdire. Celui qui tolère se sent bon de tolérer, celui qui est toléré se sent doublement
méprisé pour le contenu de ce qu'il représente ou de ce qu'il professe et pour son incapacité à l'imposer.»
Notre Vivre Ensemble ne doit donc pas être fait de tolérance, mais de connaissance mutuelle et de respect
réciproque. On a souvent peur de ce que l’on ne connait pas ou de ce que l’on connait mal. Faire la connaissance
de son voisin, de son « prochain » est une nécessité. Vouloir découvrir ses talents, ses traditions, aussi
déroutantes soient-elles, ses valeurs spirituelles ou morales peut nous enrichir, nous rendre meilleur, nous
réconcilier. La bienveillance et le respect à l’égard de mon voisin différent ne sont pas toujours faciles : son
comportement peut me troubler voire me déranger, autant que les miens peuvent le gêner. La bienveillance et le
respect doivent se construire dans le quotidien. C’est un état d’esprit qui se manifeste par de petits gestes, par
une considération attentive, par une curiosité amicale, par l’absence de préjugés.
La bienveillance et le respect ne doivent cependant pas conduire à une naïveté aveugle. Certaines pratiques de
mon voisin peuvent être opposées à des valeurs considérées comme universelles, à la loi, au droit. L’excès de
bruit, la conduite en état d’ivresse, certaines tenues vestimentaires, etc. relèvent de l’infraction, du délit et ne
peuvent compromettre le Vivre Ensemble. Ces pratiques qui nous différencient doivent cependant être
hiérarchisées entre celles qui n’ont pas leur place dans notre société humaine et celles, mineures, qui, dans ce
cas, peuvent être tolérées.
Mais le Vivre Ensemble, c’est davantage la recherche inlassable de ce qui nous unit, de ce qui nous rassemble, de
notre socle commun, de notre humanité partagée. Cette recherche passe par le dialogue attentif, par les
échanges autour de saveurs nouvelles, sans l’obsession de convaincre. Comme le dit justement le proverbe
chinois : «Tant que tu ne peux pardonner à autrui d’être différent de toi, tu es encore loin du chemin de la
sagesse ».
Nous appartenons tous à des communautés (et souvent à plusieurs communautés à la fois), autour d’opinions
politiques, d’une religion et de la Foi qui la rassemble, de pratiques sportives ou sociales, d’une langue ou d’une
appartenance ethnique, d’une région ou d’un quartier, d’une cause. Ces communautés sont nécessaires et
naturelles, mais elles peuvent devenir un obstacle au Vivre Ensemble. Elles sont bénéfiques lorsqu’elles sont
ouvertes, lorsque leurs objectifs sont constructeurs. En revanche, elles deviennent un danger lorsqu’elles
entraînent un repli intra-communautaire. Romain Gary écrivait : « Le patriotisme, c’est l’amour des siens, et le
nationalisme, c’est la haine des autres ». Il existe des communautés « patriotes », tournées vers le bien commun
et l’intérêt général, et des communautés « nationalistes » qui prônent l’intolérance et le rejet de l’autre.
Choisissons bien nos communautés parmi celles qui œuvrent pour la solidarité humaine, pour un dialogue libre,
égal et fraternel, reprenant ainsi les mots qui ornent les frontons de nos édifices publics : « Liberté, Egalité,
Fraternité », ciments du Vivre Ensemble.
*Michel Gaudé, retraité de Nations Unies, formateur sur les Migrations Forcées, bénévole à la Délégation
Catholique pour la Coopération.