L`immobilier - Kurt Salmon

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L`immobilier - Kurt Salmon
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Optimisation des ressources FICHE PRATIQUE
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L’immobilier, un levier pour
améliorer les finances des acteurs
publics
Édith Prat
et Christophe Merveille
Kurt Salmon
D
ans un contexte de contrainte budgétaire frappant l’ensemble des acteurs publics, l’immobilier constitue
un axe majeur à la fois pour réaliser des économies sur les dépenses mais également pour identifier de
nouvelles recettes. Ce levier est d’autant plus fondamental que les enjeux sont très importants sur le plan
économique et que la mise en œuvre des leviers se fait sans complexité sociale particulière. La recherche
d’une performance optimale de l’immobilier passe par l’action sur sept leviers distincts qui s’établissent de la manière
suivante : optimiser l’emploi des surfaces, réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs, agir sur les coûts
d’exploitation immobiliers, améliorer les recettes issues de l’immobilier, mobiliser le potentiel financier de l’actif
immobilier, optimiser l’organisation de la fonction immobilière, définir le système d’information optimal.
Introduction
Dans les entreprises, l’immobilier constitue souvent le premier
poste du bilan et le second poste de coût après les salaires. Face
à ce constat, les grands utilisateurs privés se sont attachés à affirmer une fonction immobilière professionnalisée et à identifier
les sources d’économies potentielles rendues possibles par la
rationalisation et l’optimisation de leur patrimoine.
Les décideurs publics ont initié un mouvement similaire, mais
le levier immobilier est loin d’avoir été actionné chez tous les
acteurs du secteur public.
Au moment où les budgets des personnes publiques se resserrent,
l’optimisation plus systématique de la ressource immobilière devient donc indispensable. Cela est d’autant plus souhaitable que
les marges de manœuvre sont réelles, significatives et que leur
mise en œuvre ne revêt pas un caractère de complexité excessif,
notamment au plan social.
1. L’immobilier, un moyen mais
également une ressource pour
les acteurs publics
L’immobilier n’est pas seulement un moyen au service des missions ou un poste de coût. Cette ressource révèle certes des gisements potentiels d’économie, mais elle peut aussi :
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- constituer un moyen de financement complémentaire
pour améliorer la structure budgétaire de la personne publique
et contribuer au financement de son action ;
- être déterminante dans l’instauration de nouveaux modes de
fonctionnement améliorant la performance opérationnelle des
métiers.
2. La performance immobilière,
sept leviers interdépendants
La performance immobilière peut être évaluée au travers de sept
axes qui constituent chacun un levier à activer :
1. Optimiser l’emploi des surfaces ;
2. Réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs ;
3. Agir sur les coûts d’exploitation immobiliers ;
4. Améliorer les recettes issues de l’immobilier ;
5. Mobiliser le potentiel financier de l’actif immobilier ;
6. Optimiser l’organisation de la fonction immobilière ;
7. Définir le système d’information optimal.
Pour chacun de ces leviers, l’enjeu n’est pas de même nature ni
de même ampleur.
Leur interdépendance nécessite de les activer simultanément.
LEVIER 1 : Optimiser l’emploi des surfaces
L’optimisation des surfaces est le principal levier de réduction
des coûts immobiliers.
REVUE DU GESTIONNAIRE PUBLIC - N° 1 FÉVRIER 2016
Optimisation des ressources
Au gré des évolutions des services, les espaces de travail sont
reconfigurés, laissant souvent place à des surfaces sous exploitées. Affecter les ressources immobilières en fonction des besoins
et des missions, regrouper / mutualiser les sites présentant des
synergies… constituent autant de pistes de rationalisation des
implantations et de l’espace conduisant à libérer des surfaces
pouvant alors, soit être restituées, soit cédées le cas échéant.
Par ailleurs, la densification des espaces avec l’application de
ratios d’occupation optimisés et l’émergence de nouvelles manières de travailler (nomadisme, espaces partagés, …) sont des
axes de travail qui permettent également de libérer des m² et
donc des ressources financières.
À titre d’exemple, les opérateurs de l’État soumis à la production
de SPSI, schéma pluriannuel de stratégie immobilière, ont fait
de la réduction de surfaces un axe majeur de la réflexion immobilière. Cette réduction de surfaces visant à atteindre le ratio de
12 m² de surface utile nette par poste de travail, défini par France
Domaine, a reposé sur la mutualisation de locaux et la rationalisation des espaces utilisés.
LEVIER 2 : Réinterroger la relation contractuelle avec les bailleurs
Le coût d’occupation d’un bien peut se trouver décorrélé des
conditions de marché. Renégocier le montant des loyers avec les
bailleurs peut se révéler une source non négligeable d’économies.
Dans un contexte de marché baissier, les locataires sont en
position de force pour renégocier leurs baux. Pour le bailleur,
le risque de vacance l’incite à accepter d’entrer en négociation
(montant du loyer, franchise, surface réduite, …) le plus souvent
en contrepartie d’un nouvel engagement de la part du locataire.
Par ailleurs, l’expérience montre que les termes d’un contrat de
location sont souvent peu suivis dans le temps par le locataire
et il est pertinent de procéder régulièrement à une analyse fine
des montants facturés, notamment les charges, pour veiller en
permanence à la bonne facturation des prestations à leur juste
niveau.
Le bilan de la politique immobilière de l’État de 2014 a noté que
les dépenses de loyers ont été relativement maîtrisées, par renégociation de baux particulièrement onéreux, en Île-de-France et
dans les métropoles régionales, et par regroupement et réduction des surfaces, à l’occasion de la RéATE. Les montants des
loyers sont désormais plafonnés au mètre carré, avec des variations selon les régions.
LEVIER 3 : Agir sur les coûts d’exploitation
immobiliers
La couverture des besoins en entretien et en maintenance présente parfois une variabilité qui se traduit dans les coûts et/ou
dans la qualité. Repositionner les contrats sur le juste besoin et
sur le juste prix, ou encore, modifier sa stratégie d’internalisation / externalisation des prestations immobilières peut se traduire par un allégement de la facture globale.
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FICHE PRATIQUE
L’Union Immobilière des Organismes de Sécurité Sociale du Var
(UIOSS Var) a mené une étude comparative des coûts d’exploitation des 42 Unions par activité. Afin d’en apprécier les résultats à leur juste mesure, elle a procédé à une identification des
critères pertinents de différenciation ou de convergence (rendement en surface, contraintes de l’immeuble, ancienneté du parc,
niveau de prestation offert sur le site…). Ce travail a permis de
déceler des potentiels d’optimisation de charges intéressants notamment sur la dimension service à l’occupant sur certains sites,
et ainsi de dégager des marges de manœuvre pour l’organisme.
LEVIER 4 : Améliorer les recettes issues de
l’immobilier
L’immobilier peut aussi être une source financière à optimiser.
Un local loué à un prix dérisoire, une surface libre non proposée à la location, etc., sont autant d’exemples de recettes complémentaires possibles et à exploiter. Ce travail de recherche de
la commercialité du patrimoine au travers d’occupation domaniale peut s’avérer opportun dans un contexte de resserrement
budgétaire. De même, la recherche d’autres sources de revenus
annexes (stationnements, antenne, affichage, capteurs photovoltaïques…) peuvent constituer des potentiels de revenus immobiliers récurrents qu’il convient d’étudier.
La production des schémas directeurs immobiliers réalisés au
cours des dernières années, encouragés par le Plan Campus, a
donné lieu à une réflexion sur la rationalisation et à la modernisation des espaces au service des missions éducatives des universités, mais également à l’identification d’une meilleure utilisation des surfaces disponibles (nouvelles recettes locatives ou
optimisation des usages tout au long de l’année).
LEVIER 5 : Mobiliser le potentiel financier de
l’actif immobilier
L’immobilier est un actif. Il a une valeur et constitue une source
potentielle de financement. La mobilisation de cette ressource se
traduit par la valorisation des actifs et des capitaux investis.
Il s’agit de tirer le meilleur parti du patrimoine afin de permettre
une réallocation des ressources vers des investissements à plus
fort rendement ou de nouveaux projets, ou encore traiter une
problématique d’endettement.
Une externalisation avec retour éventuel peut être envisagée en
vue de remettre à niveau les actifs, d’améliorer leur performance
via un partenaire et/ou de générer du « cash ».
Dans le cadre du projet des plans de modernisation hospitaliers, de nombreux sites étaient voués à la désaffectation. Dans
ce contexte, il a été nécessaire de déterminer, en association
étroite avec les collectivités locales, des projets de reconversion
satisfaisants tant sur le plan économique qu’en matière d’aménagement urbain. Ces projets se sont traduits par l’évaluation
du positionnement de ce patrimoine sur le marché de l’immobilier et l’identification des meilleures stratégies de valorisation
et de cession au regard de l’estimation de la valeur des sites, de
leurs contraintes et potentialités en termes techniques et urba87
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nistiques, et des attentes des collectivités locales et des centres
hospitaliers quant au devenir des sites.
LEVIER 6 : Optimiser l’organisation
de la fonction immobilière
La fonction immobilière est longtemps restée méconnue et peu
structurée au sein des entreprises. Elle a cependant beaucoup
évolué au cours des dernières décennies, à la fois dans son organisation et dans le champ des responsabilités couvertes. Elle est
ainsi devenue une fonction reconnue sur laquelle pèsent désormais des objectifs de performance diversifiés :
- répondre aux besoins des métiers en mettant à la disposition
des collaborateurs des locaux adaptés ;
- proposer une gamme de services de plus en plus étendue, touchant tant aux bâtiments qu’aux occupants ;
- contribuer à l’amélioration du fonctionnement de l’entreprise
en suscitant de nouvelles manières de travailler, en proposant
des locaux adaptés aux évolutions technologiques et sociétales ;
- gérer et valoriser les actifs ;
- optimiser les coûts ;
- offrir aux collaborateurs de la direction immobilière des parcours professionnels valorisants ;
- intégrer les nouvelles technologies dans les métiers immobiliers.
Dans ce contexte, on aurait pu imaginer que la fonction immobilière tende vers un modèle organisationnel homogène. Il est
pourtant frappant de constater que la diversité des organisations
immobilières reste grande, même si la plupart des entreprises
s’accordent désormais à en reconnaître l’importance. On ne
cesse ainsi de s’étonner de rencontrer des directions immobilières réunissant quelques collaborateurs seulement dans des
groupes de taille mondiale et inversement des directions immobilières qui sont devenues des métiers à part entière dotées
d’équipes de grande dimension dans des environnements pourtant plus limités.
Il est donc intéressant de s’interroger sur une éventuelle corrélation entre performance et organisation. En d’autres termes, une
organisation particulière s’impose-t-elle aujourd’hui au sein des
directions immobilières comme particulièrement adaptée aux
enjeux des fonctions immobilières ? Y a-t-il des effets de taille ?
Cinq cas de figures apparaissent :
y 1er modèle : absence de direction ; la fonction immobilière
n’existe pas ; les activités immobilières sont réparties dans les
directions métiers et supports.
y 2e modèle : une fonction immobilière est mise en place ; le
périmètre de la fonction immobilière couvre généralement la
gestion des projets immobiliers complexes ou exceptionnels
(construction, déménagement, …) et une capacité d’expertise
aux services des métiers. Certaines fonctions sont parfois remplies, notamment l’asset management. Les métiers gardent la
main sur de nombreux processus immobiliers, notamment
l’exploitation.
y 3e modèle : mise en place d’une direction immobilière s’inscrivant dans une logique client/fournisseur interne, mais également
prescriptive de normes et de ratios s’imposant aux métiers. Des
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Optimisation des ressources
FICHE PRATIQUE
systèmes analytiques sont mis en place pour mettre en évidence
la réalité des coûts immobiliers. Toutes les fonctions immobilières sont couvertes. Le recours à l’externalisation est possible,
pour certaines fonctions.
y 4e modèle : l’immobilier n’est plus seulement une fonction,
mais devient un métier à part entière, s’ajoutant au cœur de
métier de l’entreprise. La fonction immobilière peut être filialisée et met donc en place des flux économiques réels entre les
différentes structures. La fonction immobilière est à la recherche
d’un équilibre permanent entre une posture de direction prestataire et un positionnement d’acteur économique « indépendant » mu par sa propre logique économique.
y 4e modèle bis : la fonction immobilière est reconnue, affirmée… mais confiée quasi entièrement à un prestataire externe.
LEVIER 7 : Définir le système d’information
optimal
Le système d’information constitue le support de la stratégie et
le vecteur opérationnel des processus métiers. Il doit être conçu
comme un levier dans la mise en œuvre des ambitions stratégiques de la structure, et non pas seulement comme l’outil qui
permettra de mettre en place et de faire fonctionner les différentes activités et processus métiers. Le pilotage de la fonction
immobilière, sans nécessiter un système d’information très
sophistiqué, demande un minimum de référentiels et de fonctions de gestion nécessaires à la maîtrise des occupations et des
coûts. Par ailleurs, l’évolution des normes d’échange de données immobilières, et plus largement les évolutions digitales du
secteur, conduisent à s’interroger sur les capacités d’évolution
des systèmes en vue de les rendre plus agiles et réactifs, notamment sur la dimension Service client/usager. À titre d’exemple,
la Préfecture de Police de Paris a lancé le projet de refonte du
système d’information du Service des affaires immobilières, afin
de moderniser ses processus et ses outils dans les domaines de la
gestion immobilière (référentiel patrimoine, gestion des plans,
gestion locative, gestion des opérations d’investissement, gestion
budgétaire …), et de la gestion de la maintenance préventive et
curative des équipements techniques.
Conclusion
Le diagnostic de la performance sur ces différents axes est donc
nécessaire à l’appréciation de la performance immobilière globale. Une fois le diagnostic établi, la recherche d’une plus grande
performance passe fréquemment par :
- l’élaboration d’un schéma directeur immobilier, pour anticiper
les besoins et prendre des décisions immobilières éclairées ;
- la définition de pratiques de gestion au plan immobilier s’inspirant des meilleurs modes de fonctionnement observés ;
- l’affirmation d’une fonction immobilière dotée des compétences et des outils nécessaires.
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