L`autonomie

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L`autonomie
L’autonomie
« Il faut apprendre à devenir sa propre lumière, sans dépendre de personne pour comprendre le
sens de la vie. » Krishnamurti1
Cette affirmation cadre parfaitement avec la pensée dharmique2 présentant le yoga comme une
science d’autoréalisation, interprétée comme suit : auto-observation sans jugement (Svadhyaya). À
cet égard, une brève analyse du concept d’autonomie s’impose.
De poursuivre Krishnamurti :
« Si on apprend par soi-même, ou plutôt si on apprend en s’observant soi-même, ses préjudices,
ses conclusions définies, ses croyances, si on observe les subtilités de ses pensées, sa vulgarité, sa
sensibilité, alors on devient soi-même l’enseignant et l’enseigné. […] L’éducation a pour but de
comprendre le conditionnement dans lequel nous vivons, dans le but de l’éliminer tout en essayant
d’ordonner sa propre vie. […] Apprendre doit permettre de libérer l’esprit plutôt que de le
façonner. »
La liberté est donc liée à la compréhension du conditionnement, à savoir ce qui emprisonne l’esprit,
cette prison que la pensée a construite autour d’elle-même. Notons que ce conditionnement a été
développé par des siècles d’idéalisme – le dieu, l’homme idéal – mais surtout par notre dépendance
à la connaissance, entretenue par l’école traditionnelle et son pivot, l’enseignant/expert. Soulignons
que la liberté est également associée à la responsabilité, à savoir une préoccupation commune pour
affronter les problèmes de la vie.
Mais l’autonomie n’est réalisable que dans la mesure où, outre la liberté de choix qui facilite la
création tout en retardant le conditionnement, il y a respect de l’équilibre psychologique de
l’apprenant et de sa personnalité unique, l’aidant ainsi à affirmer de façon propre ses compétences
pour affronter la vie. D’appuyer Meirieu3 : « Apprendre, c’est un acte de révolte contre tous les
fatalismes et tous les enfermements, c’est l’affirmation d’une liberté qui permet à un être de
déborder de lui-même. »
Cette affirmation est dans le prolongement des propos de Campbell4 : « Un professeur ne peut que
suggérer. Il se comporte comme un phare qui vous montre les écueils à éviter et la direction à
prendre. »
De son côté, Iyengar5 précise sa pensée ainsi :
« Dans un cours [de yoga], bien que vous soyez sans aucun doute en train de < faire > et,
espérons-le, d’apprendre, vous êtes subordonné à un professeur. L’intelligence directrice vient de
lui et vous suivez au mieux de vos capacités. Chez vous, par ailleurs, c’est votre intelligence qui est
le maître, et les progrès que vous faites vous appartiennent et seront maintenus. De plus, la
volonté que vous employez est vôtre. Elle ne provient pas du pouvoir, du charisme, de la force ou
de l’intensité de l’enseignant. Elle vient de vous et son effet est profond. Ce n’est pas un yoga par
le corps pour le corps, mais un yoga par le corps pour l’esprit, pour l’intelligence. »
En regard de ce qui précède, la règle qui doit prévaloir en formation se décline ainsi :
Toute expérience d’apprentissage doit viser à se libérer du formateur/instructeur …
tout en reconnaissant son rôle utile comme support technique et pédagogique en début de parcours,
puis comme soutien moral du fait qu’on peut toujours le consulter lorsque jugé nécessaire.
Liberté totale ? Pas entièrement, car apprendre seul une activité physique comme, ici, le yoga peut
parfois comporter son lot de risques.
www.mahaprana.quebec Centre de Yoga Mahaprana 2015 L’approche pédagogique
Comment favoriser le développement de l’autonomie de l’apprenant ? D’affirmer Meirieu6 :
« Il revient à la pédagogie de créer des espaces de sécurité dans lesquels un sujet puisse oser faire
quelque chose qu’il ne sait pas faire pour apprendre à le faire. »
D’ajouter Krishnamurti (Op. cit.), l’éducateur consciencieux est celui qui :
• Participe au déconditionnement de l’apprenant en visant la libération de ses peurs et de son
anxiété, cela en l’amenant à développer :
o sa ‹ perspicacité › plutôt que de s’approprier des connaissances;
o le ‹ goût de vivre quotidiennement › qui est un processus constant d’apprentissage et
d’action en interrelation avec son environnement (les autres, la nature…).
• Cultive l’intelligence de l’apprenant pour qu’il puisse aborder la complexité de la vie
intelligemment tout en assumant ses responsabilités (par exemple, prendre en main sa santé).
BREF, l’école ou tout programme de formation doit :
• Permettre à l’apprenant :
o d’apprendre à apprendre ;
o de développer son esprit critique ;
o d’apprendre surtout du livre de sa propre vie.
• Éviter de brimer la liberté d’apprendre en imposant une structure trop rigide.
• Supporter l’apprenant dans le développement de son ‹ estime de soi ›, liée à la motivation et
au développement de l’autonomie.
Note : Une estime de soi élevée permet d’anticiper des succès à venir alors qu’une faible
estime de soi entraîne un manque de confiance et de motivation, prélude au
décrochage.
• Aider l’apprenant à développer un ‹ sentiment de compétence › à travers des expériences
motivantes et, surtout, des rétroactions positives (encouragements) sans égard aux
performances.
• Éviter la comparaison entre individus, menant inévitablement à une compétition malsaine.
C’est la philosophie retenue dans le programme YOGA AUTONOMIE (YA) .
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MCCOY R. (éd.), The whole movement of life is learning, J. Krishnamurti’s letters to his schools, Krishnamurti Foundation Trust,
2006. Textes extraits et traduits librement par l’auteur.
« Dharma désigne l'ensemble des normes et lois, sociales, politiques, familiales, personnelles, naturelles ou cosmiques. » Wikipedia.
MEIRIEU P., Frankenstein Pédagogue, ESF éditeur, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques, 1996.
CAMPBELL J., Puissance du mythe, J’AI LU, 1991
IYENGAR B.K.S., La Voie de la Paix Intérieure, InterEditions-Dunod (J’AI LU), 2005.
MEIRIEU P., Op. cit.
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